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16/05/2024 | LUXEMBOURG | N°50343

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 mai 2024, 50343


Tribunal administratif N° 50343 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50343 2e chambre Inscrit le 18 avril 2024 Audience publique du 16 mai 2024 Recours formé par Madame … et consorts, …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50343 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 avril 2024 par Maître Karine Bic

ard, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no...

Tribunal administratif N° 50343 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50343 2e chambre Inscrit le 18 avril 2024 Audience publique du 16 mai 2024 Recours formé par Madame … et consorts, …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50343 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 avril 2024 par Maître Karine Bicard, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Brésil), agissant en son nom personnel ainsi qu’au nom et pour le compte de son enfant mineur …, née le … à …, et de Madame …, née le … à … (Brésil), toutes de nationalité brésilienne, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 2 avril 2024 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 avril 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Charline Rademecker en sa plaidoirie à l’audience publique du 6 mai 2024, Maître Karine Bicard s’étant excusée et rapportée à ses écrits.

Le 20 avril 2023, Madame …, accompagnée de sa fille mineure …, et sa fille majeure …, ci-après désignées par « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Madame … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section …, dans un rapport du même jour.

En date du 22 janvier 2024, Madame … fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que Madame … fut entendue le 4 mars 2024 pour les mêmes raisons.

1 Par décision du 2 avril 2024, notifiée aux intéressées par courrier recommandé envoyé le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à leurs demandes de protection internationale pour les motifs suivants :

« […] J’ai l’honneur de me référer à vos demandes en obtention d’une protection internationale que vous avez introduites le 20 avril 2023 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 ») pour votre propre compte ainsi que pour le compte de votre fille mineure, respectivement sœur, …, née le … à …/Brésil, de nationalité brésilienne.

Votre compagnon, le dénommé …, de nationalité brésilienne, a également introduit, en date du 20 avril 2024, une demande de protection internationale au Luxembourg, laquelle fait l’objet d’une décision séparée.

Je suis dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de vos demandes de protection internationale Madame …, vous déclarez être de nationalité brésilienne, d’état civil divorcé et avoir dernièrement vécu avec vos filles et votre compagnon à …, où vous auriez travaillé dans un magasin pour animaux domestiques. Vous déclarez avoir introduit une telle demande parce que vous craindriez pour la sécurité de votre famille au Brésil à cause de la situation sécuritaire générale et parce que des membres de famille feraient partie d’une milice.

Vous expliquez avoir été élevée par votre beau-père, dont des frères et cousins seraient policiers et feraient entretemps partie d’une milice ou d’une mafia. Ils auraient du pouvoir et seraient liés à la politique. La situation aurait changé après l’emprisonnement de votre bel-oncle à une date non précisée, qui aurait créé une division au sein de la milice. Il y aurait par la suite eu des « éliminations » (p. 6 de votre rapport d’entretien), dont le cousin de votre beau-père au début des années 2000, votre beau-cousin en 2018 et encore un autre cousin. Par la suite, « ils » auraient dit que tout le monde de la famille devrait mourir. Vous précisez dans ce contexte que, contrairement à votre famille, vous n’auriez pas pu vous payer un logement sécurisé.

Vous ne pourriez pas non plus vous adresser à la police alors que vous ne sauriez pas leur dire si vous êtes suivie. En plus, vous vous sentiriez « pratiquement poursuivie et persécutée » (p. 6 de votre rapport d’entretien) par des policiers qui seraient financés « au niveau de l’Etat » (p. 6 de votre rapport d’entretien) et par le jeu illégal et dont vous ignoreriez qui en ferait partie. Vous ne sauriez pas comment sortir de cette situation, alors que tous les Etats du Brésil seraient touchés par ce phénomène et que tout le pays serait en guerre. Vous expliquez en outre que « là-bas je n’arrive pas à vivre normalement. A cause du général oui, mais cela cache aussi une situation qui est plus personnelle » (p. 6 de votre rapport d’entretien), en ajoutant que vous porteriez un nom connu et que votre oncle et votre cousin auraient été enlevés. Vous craindriez que vous-même ainsi que vos filles ne constituiez une « cible » (p. 7 de votre rapport d’entretien). En 2018, vos filles se seraient trouvées dans un bus pour aller à l’école à … lorsque des trafiquants n’auraient pas voulu laisser entrer la police dans un quartier, auraient bloqué les routes et jeté un cocktail molotov sur ledit bus. Vos filles se seraient réfugiées à l’école et auraient attendu que la situation se calme. En 2019, elles auraient vécu un deuxième incident semblable et auraient pu se réfugier dans un magasin. En octobre 2019, ensemble avec 2votre compagnon, vous seriez partis au Canada pour y introduire des demandes de protection internationale avec l’idée de faire venir vos filles dès que vous auriez l’argent nécessaire. En mars 2021, elles auraient dû venir vous rejoindre mais, à cause de la pandémie, tout aurait alors été fermé. En décembre 2021, vous seriez retournés au Brésil sans attendre la réponse des autorités canadiennes à vos demandes de protection internationale.

Le 28 mars 2023, en famille, vous avez quitté le Brésil en avion à destination de la France.

Le lendemain, vous seriez arrivés au Luxembourg. En cas de retour au Brésil, vous craindriez mourir sans qu’il n’y ait de coupable et ainsi faire partie des 60.000 morts annuels du Brésil à cause des armes à feu. Au Brésil, le crime serait institutionnalisé et il y aurait eu une association entre l’Etat et le monde criminel.

Madame …, vous déclarez être de nationalité brésilienne, célibataire et avoir dernièrement vécu avec votre mère, son compagnon et votre sœur à …, ville dans laquelle vous auriez emménagé en décembre 2021, après le retour de votre mère du Canada, période à laquelle vous auriez vécu chez vos grands-parents. En 2021, vous seriez retournée en outre vivre pendant six mois chez vos grands-parents à … pour vos études. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que « Je ne sais pas très bien, ma mère le sait mieux. Je sais juste que notre famille a des problèmes avec des personnes à … et que c’est dangereux » (p. 5 de votre rapport d’entretien). Vous ajoutez qu’un membre de famille serait policier et qu’il aurait eu des problèmes au sein de la police et avec une milice. Conviée à préciser en quoi cela vous concernerait personnellement, vous répondez que vous n’auriez pas pu vous déplacer librement par préoccupation de votre mère. Parfois, des gens auraient appelé votre famille pour lui dire qu’on vous aurait vue. Des fois, en étant en famille au restaurant ou à la plage, vous auriez dû rentrer chez vous « parce qu’il y avait quelqu’un » (p. 5 de votre rapport d’entretien). Vous ajoutez avoir également quitté le Brésil avec votre sœur à cause des problèmes de votre père en précisant que « Je ne sais pas dans quels problèmes il s’est mis dans la milice mais on ne peut pas habiter partout au Brésil » (p. 5 de votre rapport d’entretien). En cas de retour au Brésil, vous ne sauriez pas quoi craindre exactement, éventuellement d’être séquestrée.

A l’appui de vos demandes de protection internationale, vous présentez vos passeports brésiliens, émis en décembre 2018 et mars 2020. […] ».

Le ministre informa ensuite les consorts … qu’il avait statué sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27 (1) a) de la loi du 18 décembre 2015 et que leurs demandes avaient été refusées comme non fondées, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2024, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 2 avril 2024 d’opter pour la procédure accélérée, de celle ayant refusé de faire droit à leurs demandes de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire.

Etant donné que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 2 avril 2024, telles que déférées, 3recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Après avoir exposé les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, les demanderesses font valoir qu’elle serait à réformer pour violation de la loi, respectivement erreur manifeste d’appréciation.

En ce qui concerne, en premier lieu, le traitement de leurs demandes de protection internationale en procédure accélérée sur base de l’article 27 (1) a) de la loi du 18 décembre 2015, elles estiment que, contrairement à ce que prétendrait le ministre, les faits qu’elles exposeraient seraient pertinents.

En ce qui concerne, en deuxième lieu, la décision de refus ministériel de leur octroyer la protection internationale, elles précisent qu’elles craindraient pour leurs vies en raison de leur appartenance à une famille liée au crime organisé. En effet, le bel oncle paternel de Madame …, lequel aurait été arrêté en 2007, appartiendrait au crime organisé, tandis que les cousins de ce dernier relèveraient de la police militaire. Quant au « propre père » de Madame …, il serait également en conflit avec la milice. En raison du fait que Madame … et ses filles seraient les « descendants de ce père et cousins », elles seraient des « cibles » à éliminer. En effet, le « gang criminel aurait à cœur d’éliminer tous les membres qui n’accept[eraient] pas la loi du crime organisé », qui refuseraient toute compromission avec le crime organisé et « ne vou[draient] rien à voir » avec la police militaire, tels que les consorts ….

Elles contestent encore l’invocation par le ministre d’un sentiment général d’insécurité plutôt que d’une persécution à leur égard au motif (i) que, dès qu’elles se déplaceraient, elles seraient surveillées, de sorte à être obligées de rentrer chez elles, et (ii) qu’elles auraient été prévenues être des « cibles », de sorte à avoir été obligées à vivre en cachette pendant un an et trois mois, et ce dans deux lieux différents, et à enlever l’enfant mineure … de l’école en plein milieu de l’année scolaire.

Elles réfutent encore le reproche du ministre émis à l’égard de Madame … en ce qu’elle aurait laissé ses deux filles auprès de leur grand-mère plutôt que de les emmener directement avec elle au Canada. Elle aurait, en effet, été tellement désespérée qu’elle serait partie pour chercher une meilleure « qualité de vivre » et pour y faire venir ses filles dans les meilleurs délais.

Or, ceci aurait été, tout d’abord, impossible en raison de la pandémie liée au Covid-19, ensuite, en raison de problèmes liés à l’impression du passeport de l’une des deux filles et, enfin, en raison de problèmes survenus au moment de l’embarquement des filles. Madame … aurait, de ce fait, retiré sa demande de protection internationale au Canada au mois de mai 2021 et serait retournée au Brésil.

Enfin, les demanderesses donnent à considérer que Madame … aurait souhaité protéger sa fille majeure … afin qu’elle ait une enfance en apparence « normale », de sorte à lui avoir épargné l’histoire de sa famille. Ainsi, Madame … ignorerait tous les crimes liés à sa famille, de sorte à ne pas avoir été « qualifiée » pour répondre aux questions de l’agent ministériel.

Au vu de ce qui précède et du fait qu’elles rempliraient les conditions pour se voir accorder le statut de réfugié, le ministre, en le leur refusant, aurait violé la loi, respectivement commis une erreur manifeste d’appréciation.

Les demanderesses continuent en soutenant qu’au vu des moyens développés ci-dessus, à savoir des liens que la famille de Madame … aurait avec le crime organisé et les conflits entre 4les différents membres de sa famille appartenant, pour les uns, à la milice et, pour les autres, au crime organisé, elles risqueraient leur intégrité physique en cas de retour au Brésil, de sorte qu’à défaut de se voir reconnaître le statut de réfugié, elles devraient bénéficier de la protection subsidiaire.

En troisième et dernier lieu, les demanderesses concluent encore à la réformation de l’ordre de quitter le territoire en raison du fait qu’elles devraient bénéficier du « statut de réfugiées ».

A titre subsidiaire, elles sollicitent, dans ce contexte, la suspension ou le report de l’ordre de quitter le territoire en raison de la scolarisation de Madame … et de l’enfant mineur … au Lycée …. Il y aurait lieu d’attendre qu’elles terminent leur cursus scolaire ou, du moins, l’année scolaire en cours. Corrélativement, elles sollicitent de permettre à Madame … de rester auprès de ses filles conformément à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après dénommée « la CEDH », disposant qu’il faudrait éviter de séparer des familles dans le cadre du droit au respect de la vie privée.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en son triple volet.

Aux termes de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification. Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé et, dans la négative de renvoyer le recours devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

5 Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur les demandes de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée En l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur le point a) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, qui dispose que « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; […] ».

La soussignée est dès lors amenée à analyser si les moyens avancés par les demanderesses à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par ces dernières ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27 (1) a) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser les demandes de protection internationale lui soumises dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

S’agissant du point a) de l’article 27 de la loi du 18 décembre 2015 et afin d’analyser si les demanderesses n’ont soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer si elles remplissent les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il échet de relever qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

6 a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».

En outre, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être:

a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f), à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 précité ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

7Les conditions d’octroi du statut de réfugié devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse de la soussignée devra, par conséquent, en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que les demanderesses avancent, du risque d’être persécutées qu’elles encourent en cas de retour dans leur pays d’origine.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demanderesses lors de leurs auditions, ainsi que des moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène la soussignée à conclure qu’elles restent manifestement en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle fondée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015.

Il se dégage, en effet, des déclarations faites par les demanderesses au cours de leurs auditions – confirmées d’ailleurs dans le cadre du recours sous analyse – que les motifs mis en avant par elles à l’appui de leurs demandes de protection se résument, en substance, (i) à l’insécurité générale qui régnerait au Brésil, notamment en raison des problèmes liés au trafic de drogues, de même que des liens entre le « monde criminel » et l’Etat brésilien et (ii) à des problèmes découlant du fait que des membres de leur famille appartiendraient, d’une part, au crime organisé et, d’autre part, à la police militaire.

Or, faute pour les demanderesses de relier ces problèmes à l’un des motifs de persécution énoncés à l’article 1A (2) de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (« Convention de Genève »), repris à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, de tels motifs ne sauraient manifestement justifier l’octroi dans leur chef du statut de réfugié.

Au vu des considérations qui précèdent, la soussignée est amenée à conclure que les demanderesses doivent être considérées comme n’ayant à l’évidence soulevé que des faits d’une pertinence insignifiante dans le cadre de leurs demandes d’octroi du statut de réfugié.

En ce qui concerne l’analyse du ministre selon laquelle les demanderesses n’auraient présenté que des faits sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante dans le cadre de leur demande de protection subsidiaire, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne 8ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 précités de la même loi, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 g), précité, de la loi du 18 décembre 2015 définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse de la soussignée devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que les demanderesses avancent, du risque réel de subir des atteintes graves qu’elles encourraient en cas de retour dans leur pays d’origine.

La soussignée constate qu’à l’appui de leurs demandes de protection subsidiaire, les consorts … invoquent, en substance, les mêmes motifs factuels que ceux qui sont à la base de leurs demandes de reconnaissance du statut de réfugié.

Or, en ce qui concerne les problèmes liés à l’insécurité générale régnant au Brésil, force est de constater que le simple fait d’affirmer que le Brésil se trouverait en guerre, que l’Etat brésilien et le « monde criminel » se seraient associés, que des policiers seraient impliqués dans des jeux de hasard illégaux et que Madame … porterait un nom connu, ne permet à l’évidence pas de retenir que les demanderesses auraient subi des atteintes graves avant leur départ de leur pays d’origine ni qu’elles y risqueraient de subir des atteintes graves en cas de retour.

Pour ce qui est, en effet, tout d’abord, des deux seuls incidents concrets dont les demanderesses font état, à savoir que les filles de Madame … se seraient trouvées à deux reprises dans un bus pris pour cible par des trafiquants de drogue, la soussignée se doit de constater qu’il se dégage de leur propre récit que les deux filles n’ont jamais été personnellement visées, de sorte à n’avoir été à aucun moment dans le collimateur ni de la police, ni des trafiquants, ni de miliciens. Ces incidents, tant pris isolément que par leur effet cumulé ne sauraient dès lors, en tout état de cause, être considérés comme ayant atteint le niveau de gravité requis par l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 ayant rendu leur vie intolérable au Brésil, ces incidents ne 9constituant en particulier pas une violation grave des droits fondamentaux de l’Homme. Cette conclusion est d’ailleurs corroborée par le fait que les demanderesses, et plus particulièrement Madame …, ne semblent elles-mêmes pas avoir ressenti ces incidents comme ayant été graves au point de rendre leur vie intolérable dans leur pays d’origine puisque Madame … s’est rendue seule au Canada en octobre 2019, accompagnée uniquement par son compagnon, laissant ainsi ses filles auprès de leur grand-mère à … – c’est-à-dire dans une ville où il existerait, selon elle, un risque de subir des atteintes graves – pour revenir par la suite volontairement au Brésil en décembre 2021, soit deux ans plus tard. L’explication fournie par Madame … dans le cadre de son entretien ministériel suivant laquelle elle aurait « quitté le Brésil principalement à cause [de ses filles] »1 ne saurait dès lors manifestement convaincre la soussignée alors qu’elle est en contradiction avec le fait d’avoir laissé ses filles à … – malgré la situation de grande insécurité qui y aurait régné – au lieu de les emmener immédiatement avec elle dans un pays plus sûr. A cela s’ajoute qu’alors même qu’elle a expliqué ne se sentir en sécurité « nulle part » au Brésil2 et qu’elle craindrait y faire part des 60.000 morts par an alors que ce pays serait « en guerre », Madame … est restée avec sa famille de décembre 2021 à mars 2023 à … au Brésil, tandis que Madame … est, quant à elle, retournée à … en 2021 pour y poursuivre des études pendant « environ cinq ou six mois »3, états de fait qui viennent à l’évidence encore conforter le constat suivant lequel les demanderesses elles-mêmes n’ont pas considéré que la situation au Brésil était grave au point d’y rendre leur vie intolérable, la soussignée se devant encore de relever que les demanderesses ne font état d’aucun incident qui leur serait arrivé lors de cette période.

Au vu de ce qui précède, la soussignée se doit de conclure que les deux incidents ainsi mis en avant par les demanderesses, tant pris isolément que par leur effet cumulé ne revêtent manifestement non seulement pas un degré de gravité suffisant pour pouvoir être qualifiés d’atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015, mais à défaut d’éléments concrets et tangibles venant appuyer leurs dires, la crainte mise en avant par les demanderesses par rapport à la situation régnant au Brésil doit, par ailleurs et à l’évidence, s’analyser davantage en un sentiment général d’insécurité insuffisant pour constituer une crainte réelle et sérieuse dans leur chef de subir, en cas de retour dans leur pays d’origine, des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

En ce qui concerne ensuite les craintes mises en avant en relation avec le fait que certains membres de la famille des demanderesses appartiendraient au crime organisé, tandis que d’autres feraient partie de la police militaire, la soussignée se doit de relever que le seul fait d’être membre d’une telle famille ne permet à l’évidence pas de retenir à lui seul que les demanderesses ont pu subir des atteintes graves avant leur départ de leur pays d’origine ni qu’elles courraient un risque réel et sérieux d’en subir en cas de retour dans ce pays.

Ce constat s’impose d’autant plus qu’alors même que les demanderesses affirment que le conflit entre les membres de leur famille appartenant à la police militaire et ceux appartenant au crime organisé perdurait depuis les années 2000, elles ne font état d’aucun incident dont l’une d’entre elles aurait personnellement été victime, étant relevé que le seul fait qu’elles déclarent avoir été surveillées, ce qui les aurait « obligées de rentrer chez elles », ne revêt à l’évidence pas un degré de gravité suffisant pour s’analyser en une atteinte grave. A cela s’ajoute que Madame … est elle-même incapable de développer les raisons pour lesquelles elle sollicite une protection subsidiaire, l’explication fournie par sa mère suivant laquelle celle-ci voulait protéger sa fille en ne lui dévoilant pas les problèmes en relation avec sa famille ne saurait convaincre la soussignée.

1 Page 5 du rapport d’entretien de Madame ….

2 Page 6 du rapport d’entretien de Madame ….

3 Page 2 du rapport d’entretien de Madame ….

10 En l’absence d’autres explications et précisions, les déclarations vagues et non autrement étayées des demanderesses en relation avec les craintes en question doivent être considérées comme n’étant manifestement pas non plus pertinentes au regard de l’examen visant à déterminer si elles remplissent les conditions pour se voir octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire.

Au vu des considérations qui précèdent, la soussignée est amenée à conclure que les demanderesses doivent également être considérées comme n’ayant manifestement soulevé que des faits d’une pertinence insignifiante dans le cadre de leurs demandes en obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

Il suit de ce qui précède que le recours des demanderesses, dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’elles ont présentés pour établir que les faits soulevés à la base de leurs demandes de protection internationale ne seraient pas dépourvus de pertinence, sont visiblement dénués de tout fondement.

Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre portant refus d’accorder une protection internationale Force est de rappeler que la soussignée vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur les demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que les demanderesses sont restées en défaut de présenter des faits suffisamment pertinents pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, que ce soit au statut de réfugié ou à celui conféré par la protection subsidiaire.

Or, la soussignée, au niveau de la décision au fond du ministre de refuser la protection internationale, ne saurait que réitérer son analyse précédente en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et moyens invoqués par les demanderesses à l’appui de leurs demandes en obtention d’une protection internationale, dans le cadre de leurs auditions respectives, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, que les demanderesses ne remplissent manifestement pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours contre la décision de refus d’un statut de protection internationale est également à déclarer comme manifestement infondé et les demanderesses sont à débouter de leurs demandes de protection internationale.

Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions 11qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

La demande subsidiaire des consorts … consistant à suspendre, sinon à reporter l’ordre de quitter le territoire est partant également à rejeter en raison du fait que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale, et ce, indépendamment de la question savoir si la soussignée est compétente à prononcer une telle suspension, sinon un tel report. L’analyse d’une éventuelle violation de l’article 8 de la CEDH en cas de maintien de l’ordre de quitter le territoire pour Madame … afin qu’elle puisse rester auprès de ses filles, devient dès lors surabondante. A toutes fins utiles, la soussignée précise que la Cour administrative a retenu que le droit à la vie privée et familiale consacré par l’article 8 de la CEDH n’était pas applicable en matière de protection internationale, ce droit ne relevant ni du champ d’application de la Convention de Genève, ni de celui de la loi du 18 décembre 20154.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 2 avril 2024 de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute les demanderesses de leurs demandes de protection internationale ;

condamne les demanderesses aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 mai 2024, par la soussignée, Annemarie Theis, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Annemarie Theis Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 mai 2024 Le greffier du tribunal administratif 4 cf. Cour adm., 18 juin 2020, n° 44376C, disponible sous www.jurad.etat.lu.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50343
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-05-16;50343 ?

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