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14/05/2024 | LUXEMBOURG | N°50348

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 mai 2024, 50348


Tribunal administratif N° 50348 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50348 4e chambre Inscrit le 19 avril 2024 Audience publique du 14 mai 2024 Recours formé par Monsieur …connu sous différents alias, Findel, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50348 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 avril 2024 par Maître Sanae Igri, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats

à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Maroc), de nationalité maroc...

Tribunal administratif N° 50348 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50348 4e chambre Inscrit le 19 avril 2024 Audience publique du 14 mai 2024 Recours formé par Monsieur …connu sous différents alias, Findel, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50348 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 avril 2024 par Maître Sanae Igri, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Maroc), de nationalité marocaine, connu sous différents alias actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation 1) d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 4 avril 2024 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) de l’ordre de quitter le territoire sans délai contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 avril 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le soussigné entendu en son rapport, ainsi que Maître Nur Celik, en remplacement de Maître Sanae Igri et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 mai 2024.

Le 16 décembre 2023, Monsieur …, connu sous différents alias, fut appréhendé par les forces de l’ordre après avoir commis un vol. Il s’avéra à cette occasion que l’intéressé, qui ne put présenter de documents d’identité en cours de validité.

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé à la même date, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois, lui interdit l’entrée sur ledit territoire pour une durée de cinq ans et lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai.

Par arrêté séparé du même jour, également notifié ce jour-là, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question sur base des dispositions de l’article 120 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, arrêté qui fut prorogé, à chaque fois pour une nouvelle durée d’un mois, par arrêtés des 15 janvier, 14 février et 13 mars 2024. Les recours contentieux introduit par Monsieur … contre les arrêtés 1ministériels des 16 décembre 2023 et 14 février 2024 furent rejetés par des jugements du tribunal administratif des 28 décembre 2023, respectivement 28 février 2024, inscrits sous les numéros 49838 et 50076 du rôle.

Il ressort des explications du délégué du gouvernement, non contestées par le demandeur, que le 26 mars 2024, l’intéressé manifesta son intention de déposer une demande de protection internationale, au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », mais que cette demande ne fut formellement introduite auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », qu’en date du 29 mars 2024.

Par arrêté du 27 mars 2024, notifié à l’intéressé à la même date, le ministre ordonna la mainlevée de l’arrêté de placement en rétention du 13 mars 2024 et ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à partir de la notification de la décision en question sur base des dispositions de l’article de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Le 29 mars 2024, Monsieur …introduisit auprès du service compétent du ministère une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015.

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 4 avril 2024, notifiée à l’intéressé, ainsi qu’à son litismandataire de l’époque le lendemain, le ministre informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27 (1) a), d) g) et h) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire sans délai, pour les motifs suivants :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 29 mars 2024 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-

après.

1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux En date du 16 décembre 2023, vous avez été amené au commissariat de police après avoir commis un vol à Luxembourg-Ville. Vous n’étiez pas en possession de documents d'identité et avez signalé vous nommer …et être originaire de …/Maroc. Vous étiez toutefois en possession d’un document français informant que vous auriez passé un jour en prison en France. Vous étiez en outre fiché en France pour une interdiction d'entrée sur le territoire.

Vous avez par ailleurs expliqué avoir quitté le Maroc à bord d'un bateau à destination de l'Espagne et que vos documents d'identité se trouveraient en Italie. En Belgique, vous auriez 2pris le train pour venir au Luxembourg. Vous seriez de passage et voudriez prendre le train pour demander une protection internationale en Allemagne.

Le même jour, une décision de retour vers le Maroc ou tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner, vous a été notifiée, assortie d'une interdiction d'entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans. Vous avez depuis ce même jour été placé au Centre de rétention en vue de préparer l'exécution de votre mesure d'éloignement.

On peut encore noter qu'il ressort de votre dossier administratif que vous êtes connu en France et en Belgique pour diverses infractions commises. En France, hormis de faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière vous notifiée le 13 juin 2023, vous étiez dernièrement (juillet 2023) domicilié à Valenciennes et vous y êtes fiché pour « vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt » (12 juillet 2023), « vol de véhicule » (8 août 2023) et « vol à la roulotte » (5 août, 17 octobre et 14 novembre 2023). En Belgique, vous êtes connu sous les alias suivants …, né le …, …, né le …, … …, né le …, …, né le …, …, né le … et …, né le …, tous de nationalité marocaine et vous êtes fiché pour « vol simple » (22 mai 2023 et 25 mai 2023), « agissements suspects » (14 novembre 2023), « Rebellion » (17 novembre 2023), « Étranger illégal (…) » (17 novembre 2023) et «arme, munition, pièce, accessoire — détention » (23 novembre 2023).

En date du 12 mars 2024, le Consul Général du Royaume du Maroc à Liège a confirmé la délivrance d'un laissez-passer pour votre chef.

Le 26 mars 2024, après avoir été informé de la délivrance du laissez-passer, vous avez fait part de votre souhait d'introduire une demande de protection internationale au Luxembourg. Votre vol de retour au Maroc, prévu pour le 9 avril 2024 a conséquemment été annulé.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Vous déclarez être de nationalité marocaine, célibataire, de confession musulmane et avoir dernièrement vécu avec votre famille à …/Maroc, où vous auriez travaillé dans la comptabilité d'une société. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que vous auriez été menacé de mort par des supporters ultras du … du club de football ….

En 2019, vous auriez fait connaissance de Selma, la sœur du dénommé …, fondateur dudit groupe de supporters ultras dont vous-même feriez partie. … n'aurait pas apprécié que vous auriez parlé à sa sœur et après qu'elle serait tombé enceinte, il aurait faussement expliqué à sa famille que vous l'auriez mise enceinte. Il vous aurait en outre menacé et vous auriez été agressé par trois personnes cagoulées qui vous auraient blessé avec un couteau. Vous auriez été hospitalisé mais vos agresseurs vous auraient suivi à l'hôpital de sorte que votre famille vous aurait fait transférer vers une autre clinique. En outre, … aurait « lavé le cerveau » (p. 3 du rapport d'entretien) des autres ultras de votre groupe et leur aurait dit que vous auriez trahi leurs principes. Vous auriez par la suite reçu deux ou trois vidéos de gens menaçant de vous tuer. Toujours en 2019, vous auriez alors quitté le Maroc en avion à destination de la Turquie.

Vous auriez ensuite traversé la frontière grecque à pied et auriez également gagné l'Albanie à pied. Après être entré en Italie, vous auriez logé pendant trois ans chez des connaissances. En mars 2023, vous seriez parti en France et vous auriez par la suite fait des aller-retours entre la France et la Belgique. En août 2023, vous seriez parti en Espagne. En octobre 2023, vous 3seriez retourné en France. Après avoir reçu l'ordre de quitter le territoire français, vous auriez prévu vous installer à Cologne pour y demander une protection internationale mais vous auriez d'abord rendu visite à un ami au Luxembourg. Vous ajoutez avoir reçu deux autres menaces de mort par vidéo après votre départ du pays. En cas d'un retour au Maroc, vous craindriez « qu'ils vont m’handicaper » (p. 5 du rapport d'entretien) ou d'être tué par lesdits ultras qui vous attendraient avec des sabres.

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous ne présentez pas de documents et expliquez que vos documents d'identité se trouveraient chez votre Cousine en Italie.

3. Quant à l'application de la procédure accélérée Je tiens tout d'abord à vous informer que conformément à l'article 27 de la Loi de 2015, il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée alors qu’il apparaît que vous tombez sous quatre des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

d) « il est probable que, de mauvaise foi, le demandeur a procédé à la destruction ou s'est défait d'un document d'identité ou de voyage qui aurait aidé à établir son identité ou sa nationalité ; » En effet, vous confirmez vous-même avoir délibérément laissé vos documents d'identité chez votre cousine en Italie au moment de votre départ pour la France afin justement d'éviter que les autorités françaises ne puissent établir votre identité et vos origines et ainsi procéder à votre éloignement au « bled » (p. 2 du rapport d'entretien). Vous vous êtes donc manifestement défait d'un document d'identité afin d'éviter que les autorités en Europe ne découvrent votre véritable identité ; un constat qui vaut d'autant plus au vu des nombreux alias utilisés lors de votre séjour en Europe.

g) « le demandeur ne présente une demande qu'afin de retarder ou d'empêcher l'exécution d'une décision antérieure ou imminente qui entraînerait son éloignement ; » En effet, il échet de noter qu'une décision de retour vers le Maroc vous a été notifiée en date du 16 décembre 2023 et que vous étiez depuis placé au Centre de rétention en vue de préparer ce retour. De plus, vous avez été informé de la délivrance de votre laissez-passer pour retourner au Maroc juste avant l'introduction de votre demande de protection internationale et vous précisez d'ailleurs que « Quand j'ai vu que mon laissez-passer a été émis, alors j'ai réalisé que j'étais en danger car on voulait me rapatrier au Maroc » (p. 5 du rapport d'entretien).

Partant, il est établi que vous n'avez songé à introduire votre demande de protection internationale au Luxembourg que lorsque vous aviez compris que votre retour vers le Maroc serait imminent. Il doit pareillement être retenu que vous n'aviez donc jusque-là pas ressenti le moindre besoin d'introduire une demande de protection internationale et que vous avez alors à la va vite dû préparer un récit et des motifs de fuite.

h) « le demandeur est entré ou a prolongé son séjour illégalement sur le territoire et, sans motif valable, ne s'est pas présenté aux autorités ou n'a pas présenté une demande de protection internationale dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de son entrée ; » 4En effet, tel qu'il ressort de votre dossier administratif, après plusieurs années de séjour illégal dans divers pays européens, vous vous êtes donc aussi trouvé de manière illégale au Luxembourg au moins en date du 16 décembre 2023 et il ressort de vos propres dires que vous auriez uniquement prévu y passer de passage dans le but de rendre visite à un ami pour par la suite partir ensemble en Allemagne. A part le constat qu'en date du 16 décembre 2023, vous n'étiez manifestement pas en train de partir en Allemagne avec votre ami, de sorte à pouvoir conclure que vous aviez donc prévu de prolonger encore plus votre séjour illégal au Luxembourg, il y a aussi lieu de retenir que vous ne vous êtes clairement pas non plus présenté aux autorités luxembourgeoises dans les plus brefs délais. En effet, ces dernières n'ont été informées de votre présence sur le territoire que parce que vous vous êtes fait saisir en commettant un vol.

a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposent les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; » Tel qu'il ressort de l'analyse de votre demande de protection internationale, il s'avère que le point a) de l'article 27 se trouve également être d'application pour les raisons étayées ci-après.

4. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale • Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, force est de constater que vous basez votre demande de protection internationale sur les seules craintes que vous éprouveriez pour votre sécurité face à aux menaces qui auraient été proférées par des membres de votre groupe de supporters ultras, le … du club de football …, tout en faisant part d'une agression par trois personnes inconnues en 2019.

5Concernant les menaces et l'agression subies, à les supposer avérées alors que vous restez en défaut de les corroborer par des preuves quelconques, il échet en premier lieu de constater qu'elles ne seraient aucunement liées à l'un des cinq critères précités, de sorte qu'elles ne pourraient pas justifier l'octroi du statut de réfugié. En effet, vous prétendez que vous auriez été menacé par des membres du … parce que le fondateur de ce groupe leur aurait « lavé les cerveaux » et expliqué que vous auriez violé leurs principes après qu'il vous aurait injustement accusé d'avoir mise sa sœur enceinte. Quant à l'agression subie, vous pourriez uniquement supposer que les trois personnes cagoulées seraient également liées à ce groupe d'ultras. Vous ne faites en tout cas clairement pas part d'un récit et de problèmes qui toucheraient à votre race, votre nationalité, votre religion, vos opinions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social.

De plus, il échet de constater que l'agression unique dont vous auriez été victime en 2019, combinée aux quelques menaces reçues, n'équivalent, au vu de leur manque de gravité, pas à des actes de persécution tels que définis par la Convention de Genève et la Loi de 2015.

Comme susmentionné, vous êtes par ailleurs resté en défaut de verser la moindre preuve attestant que vous auriez réellement été agressé, respectivement blessé et hospitalisé. Vous n'avez d'ailleurs même pas versé des preuves quant aux menaces reçues alors qu'il devrait vous être facile de retrouver des vidéos qui vous auraient été envoyées.

Cette agression unique et les menaces reçues seraient en tout cas à considérer comme de simples infractions de droit commun, commises par des personnes privées et punissables selon la loi marocaine, notamment les articles 392 à 424 du code pénal marocain, traitant notamment des violences et des peines prévues pour coups et blessures ainsi que les articles 425 à 431 concernant les menaces.

A cela s'ajoute que, s'agissant dans ce cas d'actes perpétrés par des personnes privées, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités du pays d'origine. Or, tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce, alors qu'il ne ressort pas de vos dires que les autorités marocaines n'auraient pas pu ou pas voulu vous venir en aide, vous offrir une protection et vous permettre de faire valoir vos droits. Ainsi, il ressort uniquement de vos dires que vous auriez bien déposé plainte après que vous auriez été agressé mais que vous auriez alors aussitôt quitté le Maroc, de sorte que vous ne sauriez pas s'il y a eu des suites à votre plainte. Il ne saurait dès lors pas être établi que vous n'auriez pas pu compter sur la protection des autorités marocaines ; un constat qui vaut d'autant plus qu'il ressort des informations mains que les autorités marocaines n'hésitent manifestement pas à arrêter et à condamner des membres d'associations d'ultras.

Que votre situation au Maroc n’a nullement été si urgente et grave au point de nécessiter une protection internationale se trouve encore davantage confirmé par votre comportement adopté depuis votre départ du Maroc et qui ne correspond manifestement pas à celui d'une personne réellement persécutée ou à risque d'être persécutée et qui serait vraiment à la recherche d'une protection internationale.

Alors qu'on peut attendre d'une telle personne qu'elle recherche une protection dans le premier pays sûr rencontré et ce dans les plus brefs délais, il ressort toutefois de vos dires que vous auriez préféré séjourner clandestinement et voyager illégalement en Europe pendant cinq ans, plutôt que de vous adresser aux autorités de vos pays d'accueil afin de demander une protection internationale. Indépendamment de votre contradiction flagrante selon laquelle 6vous auriez, d'un côté, quitté la Maroc à bord d'un bateau à destination de l'Espagne (rapport de Police Judiciaire), de l'autre côté, quitté le Maroc en avion à destination de la Turquie (rapport d'entretien), il résulte en tout cas de votre récit que vous auriez passé cinq ans de votre vie en Europe sans éprouver le réflexe de rechercher une forme quelconque de protection. Tel que susmentionné, ce réflexe ne vous est pas non plus venu après votre arrivée au Luxembourg et même pas non plus après avoir été intercepté par la police suite au vol commis ; ce n'est qu'après avoir compris que votre éloignement au Maroc serait imminent, quatre mois après votre premier contact avec les autorités luxembourgeoises, que vous vous êtes finalement décidé à introduire une demande de protection internationale.

Dans ce même contexte on peut encore ajouter que le comportement dont vous avez fait preuve au moins au cours de la dernière année, lors de vos séjours en Belgique, en France et au Luxembourg, ne correspond a priori pas non plus à celui d'une personne en besoin réel de protection mais souligne encore davantage la non-gravité de votre situation. Comme susmentionné, il ressort de votre dossier administratif que vous vous êtes fait ficher pour un nombre impressionnant d'infractions commises lors des seuls mois que vous auriez séjournés en Belgique et en France avant votre arrivée au Luxembourg. S'il ne ressort pas des informations disponibles si vous avez également déployé une telle énergie criminelle dans les autres pays européens dans lesquels vous auriez séjourné depuis 2019, le seul nombre d'infractions commises dans les deux pays précités suffit en outre à pouvoir conclure qu'il existe des sérieuses raisons de considérer que vous constituez un danger pour l’ordre public. Ce constat vaut d'autant plus que votre arrivée au Luxembourg a donc également été suivie par la commission d'un vol. A cela s'ajoute, comme susmentionné, votre utilisation de divers alias lors de votre séjour en Europe, ce qui ne fait que démontrer votre recours régulier à des pratiques malhonnêtes. Vous précisez en outre dans ce contexte avoir délibérément décidé de ne pas permettre aux autorités des divers pays européens visités de vous identifier en laissant vos documents d'identité auprès de votre tante en Italie et en n'ayant à aucun moment éprouvé le réflexe de vous les faire parvenir.

On doit en tout cas pouvoir attendre d'une personne persécutée ou à risque d'être persécutée et en besoin réel de protection qu'elle tente plutôt de s'intégrer dans la société dans laquelle elle désirerait trouver refuge et d'être reconnaissante de l'accueil d'un pays sûr plutôt que de se faire remarquer pour créer des troubles ou commettre des infractions.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les 7auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il y a toutefois lieu de retenir qu'il n'existe manifestement pas davantage d'éléments susceptibles d'établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu'il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que courriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 de la loi de 2015.

En effet, vous omettez d'établir qu'en cas de retour au Maroc, vous risqueriez la peine de mort ou l'exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée dans le cadre d'une procédure accélérée.

Votre séjour étant illégal et une décision de retour vous ayant déjà été notifiée en date du 16 décembre 2023 en vertu de l'article 111 de la loi modifiée du 29 août 200B sur la libre circulation des personnes et l'immigration, vous êtes, conformément à l'article 34 (2) de la Loi de 2015, dans l'obligation de quitter le territoire sans délai à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive à destination du Maroc, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 avril 2024, Monsieur … a introduit un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre du 4 avril 2024 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre la décision de refus d’une demande de protection internationale prise dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, le soussigné est compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 4 avril 2024 telles que déférées.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

8Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire contre les 3 décisions ministérielles déférées.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur rappelle en substance les faits et rétroactes tels que repris ci-avant, en précisant être d’origine marocaine et d’avoir quitté son pays d’origine en 2019 en raison de menaces agressions subies de la part de supporters du groupe « … » du club de football …, du fait que le dirigeant dudit groupe l’aurait accusé d’avoir trahi les idéaux de ce groupe de supporters, d’avoir mis enceinte la sœur dudit dirigeant et d’avoir divulgué des informations confidentielles dudit groupe à un groupe rival.

En droit, le demandeur reproche, tout d’abord, au ministre d’avoir à tort appliqué la procédure accélérée en considérant qu’il n’aurait soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer si les conditions d’octroi d’un des statuts de la protection internationale seraient remplies dans son chef, respectivement qu’il n’aurait déposé sa demande de protection internationale que dans le seul but de retarder, voire d’empêcher son éloignement du territoire luxembourgeois. Il insiste, dans ce contexte, sur la circonstance qu’il aurait fait l’objet de menaces de mort de la part des supporters du groupe « … » du club de football …, lesquels lui auraient envoyés plusieurs vidéos les montrant armés de sabres et cagoulés. Il aurait, par ailleurs, déjà été agressé en 2019 par trois membres dudit groupe, agression lors de laquelle il aurait reçu deux coups de couteaux au niveau des côtes. Il en conclut qu’il serait exposé à des actes de persécution, respectivement à des atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine au regard de l’existence et de la dangerosité des supporters du groupe « … », armés et cagoulés, telles que documentées par les documents versés en cause et plus particulièrement l’ordonnance médicale du 23 juin 2019, ainsi que la photographie extraite d’une vidéo.

La décision ministérielle déférée ayant décidé de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée devrait partant encourir la réformation pour abus de de droit, pour défaut de motivation, excès de pouvoir, abus de pouvoir ou irrégularité formelle.

Quant au refus du ministre de lui octroyer le statut de réfugié, le demandeur, après avoir cité les articles 2, point f) de la Convention de Genève sur le statut des réfugiés du 28 juillet 1951, 39, 40 et 42 de la loi du 18 décembre 2015, affirme avoir fui son pays d’origine, le Maroc, en raison des menaces et agressions subies de la part des membres du groupe …, des supporters du club de football …, groupe auquel il aurait également appartenu, comme en témoignerait son tatouage. Ledit groupe serait extrêmement dangereux, tel que cela ressortirait d’un article de presse du 29 mars 2022 et intitulé « Maroc -Ultras : pourquoi tant de violences dans les stades ? », ainsi que d’un article de presse du 14 mars 2022 et intitulé « Maroc : des violences après un match de Coupe Rabat font des dizaines de blessés ». Le demandeur fait finalement valoir, dans ce contexte, que ledit groupe, dont les membres seraient, par ailleurs, armés, agirait en toute impunité, alors que les forces publiques marocaines ne l’inquièteraient pas et seraient elles-mêmes victimes de ses attaques, Monsieur … en concluant que lesdites autorités seraient incapables de le protéger. Il réfute encore toute possibilité de fuite interne au Maroc, dans la mesure où les membres du groupe … seraient mobiles pour se déplacer dans les différents stades de football du Maroc.

Le demandeur affirme partant remplir l’ensemble des conditions pour se voir octroyer le statut de réfugié, de sorte que la décision ministérielle lui refusant ledit statut serait manifestement à réformer.

Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, après avoir cité les articles 2, point 9g) et 48 de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur réitère ses développements quant à la dangerosité des membres du groupe …, quant à l’incapacité des autorités marocaines de le protéger contre ces derniers, ainsi que quant à son impossibilité de s’installer dans une autre région de son pays d’origine pour en conclure, qu’au regard de la réalité des menaces et agressions d’ores et déjà subies de la part dudit groupe, les conditions pour se voir octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire seraient remplies dans ce chef, de sorte que le refus ministériel serait manifestement infondé.

Le demandeur considère, qu’il y aurait lieu de réformer la décision du ministre portant sur l’ordre de quitter le territoire, comme conséquence de la reconnaissance, dans son chef, du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire. A titre subsidiaire l’ordre de quitter le territoire prononcé à son encontre serait à réformer pour violation de l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ainsi que de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », en ce qu’il risquerait, en cas de retour au Maroc, d’y faire l’objet de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Au dispositif de sa requête introductive d’instance, le demandeur invoque encore le principe de précaution afin de s’opposer à l’ordre de quitter le territoire prononcé à son encontre.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours, pris en son triple volet.

Aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification.

Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé, dans la négative, le recours étant renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient au soussigné de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon 10que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.

Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

A titre liminaire, s’agissant, d’abord, de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’un défaut de motivation, le soussigné retient que le moyen en question est à rejeter pour être manifestement infondé, étant donné qu’il ressort du libellé de la décision déférée, citée in extenso ci-avant, que la décision en question est motivée tant en fait qu’en droit, le ministre ayant indiqué de manière détaillée, dispositions normatives à l’appui, les raisons l’ayant amené à rejeter la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée, en précisant, de manière circonstancié, (i) qu’il ressort des déclarations du demandeur que ce dernier s’était défait de documents, en plus de l’usage de plusieurs alias, afin que les autorités compétentes ne puissent pas déterminer son identité, (ii) que le demandeur n’avait présenté sa demande de protection internationale en mars 2024 que suite à la délivrance d’un laissez-passer pour retourner au Maroc, alors même qu’il était présent sur le territoire luxembourgeois depuis au moins le 16 décembre 2023, (iii), qu’il avait été présent, de manière illégale, dans divers pays de l’Union européenne pendant plusieurs années sans y présenter une demande de protection internationale et (iv) que les faits mis en avant par Monsieur … à l’appui de sa demande de protection internationale, en l’occurrence les menaces et agressions subies de la part des membres d’un groupe de supporter du club de football …, ne seraient pas pertinents, respectivement ne justifieraient pas l’octroi d’un statut de protection internationale.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Il y a lieu de rappeler que la décision ministérielle sous examen est, en l’espèce, fondée sur les dispositions des points a), d), g) et h) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquelles « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou (…) 11d) il est probable que, de mauvaise foi, le demandeur a procédé à la destruction ou s’est défait d’un document d’identité ou de voyage qui aurait aidé à établir son identité ou sa nationalité ; ou (…) g) le demandeur ne présente une demande qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision antérieure ou imminente qui entraînerait son éloignement ; ou h) le demandeur est entré ou a prolongé son séjour illégalement sur le territoire et, sans motif valable, ne s’est pas présenté aux autorités ou n’a pas présenté une demande de protection internationale dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de son entrée ; (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), sous a), d), g), respectivement h) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, que le demandeur a détruit ou s’est défait de ses documents d’identité ou de voyage, que ce dernier n'a présenté sa demande de protection internationale qu’afin d’empêcher ou de retarder son éloignement du territoire luxembourgeois, respectivement qu’il a tardé à présenter ladite demande tout en se trouvant, de manière illégale, sur ledit territoire.

Le soussigné est dès lors amené à analyser si les moyens avancés par le demandeur à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par lui ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27, paragraphe (1), points a), d), g), respectivement h) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Il y a encore lieu de relever, dans ce contexte, que les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

En l’espèce, le soussigné doit constater que le demandeur se borne toutefois à critiquer la décision du ministre en ce que celle-ci serait basée sur le point a) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, sans émettre une quelconque critique à l’égard de la décision ministérielle sous examen en ce que celle-ci s’est également basée sur les points d), g) et h) de la même disposition légale.

Comme il vient d’être exposé ci-avant qu’il suffit que l’un des cas prévus par l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 soit rempli pour que le ministre soit autorisé à statuer sur une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, et comme aucune critique n’est formulée à l’égard de la décision sous examen en ce que celle-

ci est fondée sur les points d), g) et h) de ladite disposition légale, il devient indifférent de savoir si le cas échéant, le ministre était fondé à se baser également sur le point a) de la même disposition légale, étant donné que même à supposer que l’argumentation développée par le 12demandeur quant à ce point soit pertinente et concluante, ce seul fait ne serait pas de nature à entraîner la réformation de ce volet de la décision ministérielle.

Il se dégage partant de l’ensemble des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours du demandeur dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est manifestement infondé et encourt partant le rejet.

2) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale En vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 391 et 402 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les 1 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » 2 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » 13acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il se dégage de ces dispositions légales que tant l’octroi du statut de réfugié que celui du statut conféré par la protection subsidiaire supposent, entre autres, d’une part, que les actes étaient motivés par des conditions de fond de la Convention de Genève ou sont à qualifier, de par leur nature, d’atteintes graves, et qu’ils atteignent un certain degré de gravité, lequel est déterminé, s’agissant du statut de réfugié, par l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015 relatif à la notion de « persécution » et, s’agissant de la protection subsidiaire, par l’article 48 de la même loi, qui précise la notion d’« atteinte grave » et, d’autre part, que l’intéressé ne puisse se prévaloir d’une protection étatique appropriée, étant rappelé que la notion de protection n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants d’un pays contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Quant au refus ministériel d’accorder à Monsieur … le statut de réfugié, le soussigné doit constater que les faits mis en avant par le demandeur, et plus particulièrement les menaces et agressions subies de la part de membres du groupe …, des supporters du club de football …, sont motivés par des accusations de la part du dirigeant dudit groupe selon lesquelles, le demandeur aurait mis enceinte la sœur de ce dernier et qu’il aurait trahi les principes, respectivement aurait révélé des secrets à un groupe rival. Or ces motifs sont étrangers aux critères de persécution de l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que les faits mis en avant par le demandeur doivent être considérés comme dépourvus de pertinence dans le cadre de l’analyse des conditions d’octroi du statut de réfugié.

Il convient, par ailleurs, de rappeler que l’une des conditions d’octroi d’une protection internationale est celle de la preuve, à fournir par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine, au cas où les auteurs des actes de persécution, respectivement des atteintes graves, sont des personnes privées sans lien avec l’Etat, ce qui est le cas en l’espèce, dans la mesure 14où le demandeur déclare être la victime des agissements de la part des membres d’un groupe de supporters d’un club de football marocain, ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, puisque chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale.

En l’espèce, l’analyse de la situation décrite par le demandeur lors de son audition ainsi qu’au cours de la présente instance, ne permet pas au soussigné de retenir que le demandeur aurait apporté une raison valable de penser que ses droits les plus élémentaires seraient bafoués en cas de retour dans son pays d’origine sans que les autorités de ce pays ne puissent, respectivement ne veuillent lui fournir une protection appropriée contre les agissements des membres du groupe de supporters violents du club de football ….

Il y a, en effet, lieu de rappeler dans ce cadre que pour qu’un défaut de protection au pays d’origine puisse être retenu, il faut en toute hypothèse, que l’intéressé ait tenté d’obtenir cette protection pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte.

Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut.

L’essentiel est, en effet, d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. C’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution ou de l’atteinte grave infligée.

Il y a encore lieu de souligner que si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions ou atteintes graves - cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.

En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

A cet égard, il convient encore de souligner l’importance de rechercher la protection des autorités du pays d’origine puisqu’à défaut d’avoir au moins tenté de solliciter une forme quelconque d’aide, les demandeurs de protection internationale ne sauraient reprocher aux autorités étatiques une inaction volontaire ou un refus de les aider.

15En effet, si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a lui-même pas tenté formellement d’obtenir une telle protection : or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de maltraitances physiques et morales, communément la forme d’une plainte.

En l’espèce, force est toutefois au soussigné de constater que bien que le demandeur a effectivement recherché l’aide des autorités marocaines, le demandeur, d’une part, a uniquement déclaré auxdites autorités avoir été agressé par des personnes inconnues, sans fournir d’explications quant à l’origine des menaces proférées à son encontre, ainsi que quant à son agression subie3 et, d’autre part, a décidé de quitter son pays d’origine sans attendre l’issue de l’enquête diligentée par les forces de l’ordre marocaines en relation avec l’agression subie de sa part.

Le soussigné doit partant retenir que le demandeur n’a pas fourni des éléments suffisants permettant de conclure que de manière générale, la police marocaine serait impuissante ou non disposée à lui offrir une protection contre les problèmes dont il fait état, surtout qu’il ressort des explications fournies par la partie étatique, non autrement remis en cause par le demandeur, que les autorités marocaines poursuivent activement et condamnent des supporters de clubs de football violents.

Le soussigné doit partant retenir, au vu des faits et moyens invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale, dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, que le demandeur ne remplit manifestement pas les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié, respectivement à celui conféré par la protection subsidiaire.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours contre la décision de refus d’un statut de protection internationale est également à déclarer comme manifestement infondé et le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

3) Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Il convient de relever qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où le soussigné vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé et que partant c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale de Monsieur …, impliquant qu’il a à bon droit pu retenir que le retour de celui-ci dans son pays d’origine ne l’expose pas à des conséquences graves, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter 3 Page 4 du rapport d’audition de Monsieur … du 29 mars 2024.

16le territoire, sans violer les dispositions de l’article 129 de la loi du 29 août 2008, respectivement de l’article 3 de la CEDH, respectivement le principe de précaution.

Il s’ensuit et à défaut d’autre moyen que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le vice-président présidant la quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 4 avril 2024 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, sur celle portant refus d’une protection internationale et sur celle portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit contre les trois décisions ministérielles du 4 avril 2024 ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 mai 2024 par le soussigné, Paul Nourissier, vice-président présidant la quatrième chambre, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 mai 2024 Le greffier du tribunal administratif 17


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50348
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-05-14;50348 ?

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