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07/05/2024 | LUXEMBOURG | N°50271R

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 mai 2024, 50271R


Tribunal administratif N° 50271R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50271R Inscrit le 29 mars 2024 Audience publique du 7 mai 2024 Requête en instauration d’un sursis à exécution introduite par Monsieur (A), …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat en présence de l’établissement public BANQUE CENTRALE DU LUXEMBOURG, Luxembourg, en matière de discipline

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 50271R du rôle et

déposée le 29 mars 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Agathe SEKROUN, av...

Tribunal administratif N° 50271R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50271R Inscrit le 29 mars 2024 Audience publique du 7 mai 2024 Requête en instauration d’un sursis à exécution introduite par Monsieur (A), …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat en présence de l’établissement public BANQUE CENTRALE DU LUXEMBOURG, Luxembourg, en matière de discipline

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 50271R du rôle et déposée le 29 mars 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Agathe SEKROUN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), employé d’Etat, demeurant à …, tendant à pouvoir bénéficier d’un sursis à exécution par rapport à une décision du 6 mars 2024 du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat ayant prononcé à son égard la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office, la requête s’inscrivant dans le cadre d’un recours en réformation sinon en annulation ayant été déposé le même jour, inscrit sous le numéro 50270 du rôle, dirigé contre la même décision ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilles HOFFMANN, demeurant à Luxembourg, du 18 avril 2024, portant signification de la prédite requête en obtention du sursis à exécution à l’établissement public BANQUE CENTRALE DU LUXEMBOURG, établi et ayant son siège social à L-2983 Luxembourg, 2, boulevard Royal ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Marisa ROBERTO, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, pour l’établissement public BANQUE CENTRALE DU LUXEMBOURG, du 19 avril 2024 ;

Vu la note de plaidoiries déposée le 29 avril 2024 par Madame le délégué du gouvernement Anne-Catherine LORRANG au nom de l’Etat ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision déférée ;

Maître Agathe SEKROUN, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Anne-

Catherine LORRANG, et Maître Nathalie BORON, en remplacement de Maître Marisa ROBERTO, entendues en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 avril 2024.

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1Par un contrat de travail à durée indéterminée, signé en date du … 2003, Monsieur (A) fut engagé auprès de l’établissement public BANQUE CENTRALE DU LUXEMBOURG, dénommé ci-après « la BCL », en qualité d’employé de l’Etat à partir du … 2004.

À la suite de la publication de quatre vacances de poste le 8 janvier 2019, Monsieur (A) déposa sa candidature le 22 janvier 2019 pour être nommé responsable de la section … « … ».

N’ayant pas obtenu le poste convoité, Monsieur (A) introduisit en date du 30 juin 2020 un recours contentieux enrôlé sous le numéro 44604 à l’encontre de la décision de la direction de la BCL du 11 juin 2019 portant nomination de Madame (B) au poste de chef de section … et rejetant sa candidature, ainsi que d’une décision, ainsi qualifiée, de la direction de la BCL du 7 avril 2020 portant rejet de sa demande de réaffectation à un autre département, le recours tendant encore à la condamnation de la BCL à payer à Monsieur (A) des arriérés de rémunération, des suppléments de rémunération non perçus, ainsi que des montants pour réparer les préjudices matériel, moral et du fait d’actes d’harcèlement moral.

Monsieur (A), dans ce contexte, contesta tant les qualifications professionnelles de Madame (B) pour le poste de chef de section en question que la régularité du processus de sélection, affirmant notamment qu’il n’aurait pas fait l’objet d’une évaluation par son chef d’entité et qu’il n’aurait pas eu d’entretien avec la direction avant que la décision de nomination de Madame (B) ne soit prise et qu’il ne lui aurait pas été possible de faire état, auprès de la direction de la BCL, de ses compétences et expériences professionnelles dans le cadre du processus de recrutement pour le poste de chef de section litigieux, Monsieur (A) mettant encore la transparence et l’objectivité du processus de sélection en cause, et plus particulièrement l’impartialité, l’objectivité et la pertinence des conclusions de la société chargée de l’évaluation des candidats, tandis qu’il reprocha encore à la BCL une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude ainsi que des actes de harcèlement moral à son égard.

Par jugement du 29 juillet 2022, n° 44604 du rôle, le tribunal administratif débouta Monsieur (A) de l’intégralité de ses demandes, ce jugement ayant été confirmé en appel par la Cour administrative par arrêt du 10 janvier 2023, n° 47902C du rôle.

Entretemps, en date du 17 novembre 2022, Monsieur (A) contacta par message électronique, intitulé « Plainte pénale contre la BCL et signalement des faits auprès de la BCE », directement le ministre des Finances, message libellé comme suit :

« […] En tant qu’agent de la Banque centrale du Luxembourg, je souhaite vous informer d’une plainte pénale à venir à l’encontre de la BCL (de l’un de ses dirigeants en particulier) pour des soupçons étayés de trafic d’influence, de faux en écriture publique et de harcèlement, en application de l’article 23 du code d’instruction criminelle, qui oblige tout agent public à dénoncer de tels faits au procureur d’État, et en tant que partie civile, étant une des victimes des infractions pénales dénoncées.

Au préalable, j’exprime mes profonds regrets au sujet de cette situation que j’essaie d’éviter depuis deux ans. Cependant, des falsifications de documents, la production constante de fausses informations devant la justice administrative et la persistance dans les violences managériales, le tout commis par des fonctionnaires et agents publics sont des faits particulièrement graves.

2Par ailleurs, le refus par la Direction de la BCL de traiter de façon constructive ce problème ne me laisse pas d’autre choix.

Les faits incriminant, d’une part, un directeur et membre suppléant du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (M. (C)) et d’autre part, les responsables du service juridique et de la fonction compliance de la BCL, cette dernière pour son éventuelle complicité active en tant que conjointe du directeur concerné, ils relèvent de dysfonctionnements préoccupants en matière de gouvernance et de conformité.

Par conséquent, il m’incombera également de les signaler au directoire de la BCE via son bureau de la gouvernance et de la conformité.

Concernant les faits eux-mêmes, un bref résumé factuel peut être consulté en toute première partie « In limine litis » du document en pièce jointe (deuxième mémoire déposé à la Cour administrative dans le cadre du volet administratif de l’affaire).

En outre, ce bref résumé ne mentionne pas les points suivants, qui figureront également dans la plainte pénale :

-

Des questions sur les méthodes de recrutement et de sélection mises en place par M. (C), basées sur un processus très opaque ou seuls des consultants externes interviennent selon des critères discrétionnaires et ad hoc, au mépris de toutes les règles applicables, -

Des questions sur des sommes touchées par M. (C) dans le cadre du processus qu’il est suspecté d’avoir truqué, au titre de la rémunération complémentaire des directeurs tirée de chaque processus de recrutement, -

Des questions sur le rôle qu’a joué Mme (D) dans tous les faits dénoncés, ainsi que sur les divers avantages dont elle a bénéficié en tant que conjointe de M. (C) depuis sa relation avec ce dernier, -

Des questions sur la légitimité du mode de rémunération complémentaire des directeurs de la BCL, tiré des processus de recrutement et de stage, et donc indexé sur le nombre de postes ouverts (des évaluations internes informelles, qu’il semble important de clarifier, font état d’une somme moyenne de 75 000 € par directeur et par an), -

Des questions sur le refus, durant plus de 3 années, de la Direction de la BCL d’appliquer la loi relative au compte épargne temps qui s’impose aux administrations et établissements publics depuis 2018.

Je déplore par avance toute conséquence que pourrait avoir cette affaire sur la BCL, dont je fais partie depuis près de 18 ans. Mon objectif est d’obtenir justice, ce qui implique à mon sens d’obtenir une sanction pour les responsables et des réparations pour les infractions subies. Par ailleurs, un autre agent s’est manifesté afin de se porter partie civile dans la procédure pénale. […] ».

En date du 27 mars 2023, la direction de la BCL saisit le Commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire en vue de procéder à une instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur (A) ; celui-ci se vit informer par courrier recommandé du 5 avril 2023 de la BCL qu’une instruction disciplinaire avait été ordonnée à son encontre et il fut invité à se présenter au commissariat du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire le 20 avril 2023 pour prendre position par rapport aux reproches formulés. Par ce 3même courrier il fut encore informé qu’il était envisagé de le suspendre de l’exercice de ses fonctions conformément à l’article 56, paragraphe 3, alinéa 3, de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, applicable aux seuls agents ayant le statut d’un fonctionnaire de l’Etat et la date du 14 avril 2023 lui fut proposée pour être entendu en personne sur la suspension envisagée.

En date du 14 avril 2023 Monsieur (A) fut entendu en ses observations par rapport à la suspension envisagée ; tandis qu’il fut encore entendu par le Commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire quant aux faits lui reprochés en date des 20 avril et 28 avril 2023, auditions complétées par ses déclarations écrites du 11 mai 2023.

Par décision du 21 avril 2023, Monsieur (A) fut suspendu de l’exercice de ses fonctions et en date du 19 décembre 2023, le Commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire rendit son rapport d’instruction qui retint une communication envers certains collègues incompatible avec le devoir de dignité et de civilité suivant article 10, paragraphe 1er, de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, et transmit le dossier au Conseil de discipline.

En date du 7 février 2024, Monsieur (A) fut entendu par le Conseil de discipline.

En date du 28 février 2024, il déposa une plainte avec constitution de partie civile entre les mains du juge d’instruction du tribunal d’arrondissement de Luxembourg à l’encontre des responsables du service juridique de la BCL.

Le Conseil de discipline décida en date du 6 mars 2024 de prononcer à l’égard de Monsieur (A) la sanction disciplinaire prévue à l’article 47, point 9, de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, à savoir la mise à la retraite d’office, ladite décision étant motivée comme suit :

« Vu l’instruction diligentée à l’encontre de (A) par le commissaire du Gouvernement adjoint, ci-après le commissaire, régulièrement saisi en application de l’article 58, paragraphe 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-

après le statut général, par un courrier daté du 27 mars 2023 émanant de la direction de la Banque Centrale de Luxembourg, ci-après BCL, conformément à l’article 11, paragraphe 3, de la loi organique modifiée de la BCL du 23 décembre 1998 et transmise pour attribution au Conseil de discipline des fonctionnaires de l’État, ci-après le Conseil, par courrier du 9 janvier 2024.

(A), étant entré en service le 1er février 2004, peut se prévaloir d’une ancienneté de service de plus de dix ans de sorte que le régime disciplinaire des fonctionnaires de l’État lui est applicable en vertu de l’application combinée de l’article 14, 3b) de la loi organique modifiée de la BCL du 23 décembre 1998, de l’article 7, paragraphe le, de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime et les indemnités des employés de l’Etat, et de l’article 1er, paragraphe 5, de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général. Il s’en suit que (A) est soumis aux devoirs du fonctionnaire définis aux articles 9 à 16 du statut général.

Vu le rapport d’instruction du 19 décembre 2023.

Vu la convocation de (A) pour l’audience du Conseil du 7 février 2024 à laquelle le fonctionnaire concerné a comparu, assisté de Maître Agathe SEKROUN.

4 La Banque Centrale de Luxembourg, également convoquée pour la prédite audience, a été représentée par Maître Nathalie BORON, en remplacement de Maître Marisa ROBERTO.

La lettre de saisine très exhaustive du 27 mars 2023 est censée faire partie intégrante de la présente décision et renferme des reproches dirigés à l’encontre de (A) que la BCL estime constitutifs de manquements aux articles 9, 10 et 14 du statut général.

À l’audience du 7 février 2024, après avoir entendu à ce sujet les parties en cause, le Conseil a rejoint le commissaire qu’il n’y a pas lieu de prendre en considération des faits non susceptibles de qualification pénale, antérieurs à la date du 27 mars 2020, en application de la prescription triennale de l’article 74 du statut général et ceux se distinguant par leur libellé obscur. De même, le Conseil se rallie à l’appréciation du commissaire en ce que l’instruction n’a pas permis de caractériser à suffisance des manquements aux articles 9, paragraphe 2, et 14 du statut général, les débats à l’audience n’ayant en effet pas dégagé des éléments de nature à revenir sur ce constat et aucune des parties concernées ne s’y est opposée.

La question qui reste posée est celle d’apprécier si, entre octobre 2021 et le 27 mars 2023, le style de communication de (A) avec ses supérieurs hiérarchiques et collègues de travail, ses commentaires rendus publics, le contenu et la forme des multiples prises de position de sa part adressées notamment sous forme de courriels et écrits à divers destinataires plus amplement repris au dossier d’instruction, voire même à l’ensemble du personnel, ainsi que ses démarches auprès du Ministère des Finances sont constitutifs d’une violation de l’article 10, paragraphe 1, du statut général, selon lequel « le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public. Il est tenu de se comporter avec dignité et civilité tant dans ses rapports de service avec ses supérieurs, collègues et subordonnés que dans ses rapports avec les usagers de son service qu’il doit traiter avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination ».

(A) renvoie à ses multiples positions qu’il a fait valoir au cours de l’instruction pour insister sur le fait que son attitude ne pourrait être dissociée du contexte très spécifique où, après avoir été évincé et mis au placard au bout de 20 ans de bons et loyaux services par la BCL, il aurait voulu faire valoir son point de vue, aurait essayé de se protéger et aurait cru nécessaire de mettre le doigt sur des dysfonctionnements internes. Il estime que certains de ces courriels auraient moins dérangé ses supérieurs hiérarchiques quant à leur forme, que quant à leur fond, alors que son argumentation aurait été justifiée et il aurait ainsi subi des actes répétitifs de harcèlement moral. Il se serait retrouvé sans travail correspondant à ses compétences, son expérience et ses capacités et il aurait été en quête de réponses que la direction ne lui aurait jamais voulu fournir, raison pour laquelle il aurait aussi dû exercer les recours devant les juridictions administratives. (A) considère que la notion de dignité est subjective et devrait être interprétée à la lumière de sa déception professionnelle et de son vécu. Il exprime finalement son souhait de vouloir continuer à exercer auprès de la BCL à un poste répondant à ses attentes.

La BCL fait valoir qu’une violation de l’article 10, paragraphe 1, du statut général serait à suffisance caractérisée par le comportement inacceptable du fonctionnaire en question qui se serait, à travers ses multiples prises de position et son acharnement, distingué par une 5dégradation progressive de son langage jusqu’à accuser la direction de la BCL de la perpétration de crimes et délits.

Si la démarche initiale de (A) de contester, après sa déception de ne pas avoir été nommé chef de section, la procédure de nomination devant les juridictions administratives, serait son droit le plus légitime, toujours serait-il que, loin de se contenter de recourir aux voies de recours prévues, (A) aurait parallèlement continué à dénigrer la BCL en général, notamment en se tournant vers le Ministre des Finances au lieu de saisir de suite le Parquet au cas où il serait persuadé qu’il y aurait eu des faux ou autres irrégularités, et la Direction en particulier en portant gratuitement des accusations graves à son encontre.

Même après avoir été débouté en première et deuxième instance auprès des juridictions administratives, la Cour administrative ayant, par confirmation du jugement du tribunal administratif, retenu, dans son arrêt du 10 janvier 2023 (44604 du rôle), que la nomination d’un autre candidat au poste de section …, rejetant implicitement la candidature de (A) pour ledit poste, se trouve dûment justifiée pour ne pas être entachée d’une erreur d’appréciation et ne constitue ni une décision de classement, une rétrogradation ou une sanction disciplinaire, (A), dans un courriel intitulé « mise en demeure » du 15 mars 2023 (pièce 048-26-23) aurait persévéré dans son attitude inacceptable en écrivant « considérant le passif du directeur en charge des Ressources humaines en matière de falsification des dossiers personnels des agents (…) je me réserve toutes les possibilités de faire valoir mes droits devant les juridictions pénales et administratives (…) en demandant par exemple des dommages et intérêts supplémentaires à titre personnel à M. (C) dans le cadre du harcèlement obsessionnel dont je fais l’objet depuis plusieurs années et du refus d’appliquer les lois du pays aux agents » a persévéré dans sa démarche de dénigration et d’accusation gratuite sans aucunement tenir compte de l’arrêt intervenu.

Il ne faudrait pas perdre de vue que le concerné n’aurait jamais fait usage de la possibilité lui offerte par l’article 32 point 4 du statut général traitant de la protection des fonctionnaires en cas de harcèlement à l’occasion des relations de travail ou de diffamation ou de menaces. Par ailleurs, (A), à supposer qu’il aurait estimé avoir eu connaissance, dans l’exercice de ses fonctions, de faits susceptibles de constituer un crime ou un délit, il aurait eu l’obligation de dénoncer lui-même ces faits sans délai au Procureur d’Etat, conformément à l’article 23 (2) du code de procédure pénale. (A) ne cesserait de reprocher des faits graves susceptibles de constituer un crime ou un délit à la direction de la BCL et à nuire à la réputation de la BCL sans aucun fondement et sans avoir entamé une quelconque démarche, se contentant de les menacer de lancer des procédures. Le contenu du mail du 15 mars 2023 constituerait une ultime illustration de ce comportement intolérable et manquant à l’article 10 du statut général documentant à suffisance, selon la BCL, que (A), de par son comportement, aurait irrémédiablement compromis une continuation des relations de travail et la BCL sollicite la mise à la retraite d’office de (A).

Le Conseil rappelle qu’il est évidemment le droit le plus strict d’un agent d’intervenir auprès de son employeur au sujet de décisions qui le concernent et qu’il considère comme injustes, voire illégales, d’entreprendre les démarches et procédures légales prévues et d’exercer des voies de recours.

Par contre, il ne saurait être toléré, et encore moins cautionné, qu’un fonctionnaire, tant dans sa correspondance avec la direction et certains agents de la BCL appelés de par leurs fonctions à communiquer avec ce fonctionnaire au sujet de sa situation personnelle, que 6dans sa correspondance à l’égard du Ministère des Finances ainsi qu’à l’égard de l’ensemble du personnel, se livre, de façon répétée, à des attaques de nature vexatoire, accuse la direction de la BCL et surtout l’un de leurs directeurs de se rendre coupable de harcèlement, de trafic d’influence, de faux en écritures publiques, profère des menaces de déposer des plaintes, d’engager des poursuites pénales, de signaler les faits incriminés au directoire de la Banque centrale européenne, de réclamer des dommages-intérêts et ne reculant pas à qualifier certains de ses courriels de « mise en demeure ».

Le Conseil renvoie à cet égard à l’instruction exhaustive effectuée par le commissaire du Gouvernement et à son analyse du contenu des différents courriels et écrits envoyés à la lumière des explications fournies par (A) pour retenir que des manquements graves au devoir de dignité et de civilité de l’agent sont à suffisance caractérisés. A titre de simple illustration, citons certains extraits du courriel du 27 octobre 2021 au Directeur Général intitulé « plainte pour détournement de fonds publics, trafic d’influence, faux et usage de faux en écriture publique, manquements graves et répétés aux devoirs du fonctionnaire, harcèlement » (…) « une plainte avec partie civile sera déposée en temps utile par Maître Sekroun, cette plainte vise à titre principal M. (C), Mme (B), Mme (E) et Mme (D) ainsi que toute personne qui aura apporté son concours aux faits dénoncés par exemple en essayant d’empêcher le tribunal administratif d’exercer son contrôle », « Falsification de mon dossier personnel, falsification du dossier personnel de Mme (B), manipulation des conclusions des rapports (F)…ces falsifications constituent incontestablement des faits et actes pénalement répréhensibles », et du 19 novembre 2021 à 12 heures où la Direction est mise en copie « je reviens vers vous au sujet de l’affaire (C)-(B) (..) je rappelle que le code pénal définit le faux en écriture publique et l’usage de faux comme des crimes et non comme de simples délits. Sont également définis comme crimes la plupart des faits de trafic d’influence lorsqu’ils sont commis par des agents publics, l’Etat de droit est en effet intraitable pour tous les faits qui relèvent de la corruption au sein du secteur public. Je rappelle également que tout agent public condamné pour un crime est définitivement exclu de la fonction publique (cette exclusion étant temporaire s’il s’agit d’un délit). Suite à l’instruction menée par le Tribunal je constate par ailleurs que le niveau d’études de Mme n’est pas le seul élément ayant fait l’objet d’une falsification. Je constate également que plusieurs entités de la BCL, telles que le département Ressources humaines, le service juridique, le secrétariat du Comité de la Direction et la fonction Compliance pourraient s’être compromises, à différents degrés, dans cette triste affaire. Des esprits soupçonneux pourraient être conduits à penser, suite à votre courrier, que le département Audit interne s’abstient volontairement d’effectuer les actes que ses missions lui imposent dans un tel contexte afin de dissimuler des faits très graves susceptibles de constituer plusieurs crimes et/ou délits et dont il a parfaitement conscience. Faits graves …commis, entre autres, par un membre de la Direction (…) ». Dans un courriel du 12 novembre 2021, des articles du code de procédure pénale et du code pénal sont repris, le courriel du 4 février 2022 accusant le directeur général de la BCL ayant tenté de joindre (A) au téléphone de « bullshitage téléphonique », de même le courriel envoyé le 17 novembre 2022 à 16h46 par (A) au Ministère des Finances lequel renferme l’information d’une plainte pénale à venir à l’encontre de la BCL et de l’un de ses directeurs pour des soupçons de trafic d’influence, de faux en écritures publiques et de harcèlement.

Dans un courriel du 12 septembre 2022 adressé à tous les agents de la BCL, (A) a cru devoir communiquer sa position quant au jugement du Tribunal administratif du 29 juillet 2022, estimant qu’il y avait trop de contrevérités dans le jugement du Tribunal et qu’il devait rectifier quelques contrevérités. Même l’arrêt de la Cour administrative du 10 janvier 2023 7ayant confirmé le rejet de son recours contre la décision de nomination n’a pas eu pour effet de freiner l’élan de (A) continuant à s’exprimer comme suit dans un mail du 15 mars 2023 qualifié par ses soins de « mise en demeure » (pièce 048-26-23) : « considérant le passif du directeur en charge des Ressources humaines en matière de falsification des dossiers personnels des agents (…) je me réserve toutes les possibilités de faire valoir mes droits devant les juridictions pénales et administratives (…) en demandant par exemple des dommages et intérêts supplémentaires à titre personnel à M. (C) dans le cadre du harcèlement obsessionnel dont je fais l’objet depuis plusieurs années et du refus d’appliquer les lois du pays aux agents ».

C’est à juste titre que, tant le commissaire, qu’encore la BCL font valoir que (A) s’est livré à des accusations gratuites d’une gravité indubitable sans jamais avoir, entre octobre 2021 et la saisine du Commissaire en 2023, concrétisé ses déclarations d’intention à ce sujet.

Aucune dénonciation sur base de l’article 23 (2) du code de procédure pénale n’a été effectuée, aucune plainte pénale n’a été déposée, aucun dysfonctionnement n’a été signalé et aucun recours aux articles 32 point 4 et 33 du statut général n’a eu lieu.

Aussi devant le commissaire, il est flagrant de noter que (A) n’a toujours pas changé d’attitude en retenant dans le courrier versé dans le cadre de son audition devant le commissaire le 28 avril 2023: « Ainsi, il ressort de tout ce qui précède, que les rôles, dans un ensemble de dysfonctionnements ayant des conséquences graves tant sur le fonctionnement général de la BCL que sur le traitement individuel des dossiers du personnel, de M. (C), directeur en charge des Ressources Humaines et du traitement juridique des dossiers du personnel, en relation avec Madame (G), chef du service juridique nommé à l’issu d’un processus identique à celui de Mme (B), M. (H), chef adjoint du service juridique, M. (I), responsable de l’Audit Interne, et Madame (D), Compliance Officer, Data Protection Officer, responsable de l’application du code de conduite et conjointe de M. (C), mériteraient d’être interrogés plus précisément ».

À l’issue de l’instruction disciplinaire les faits établis à l’encontre de (A) sont constitutifs d’un manquement à :

- l’article 10, paragraphe 1er, du statut général selon lequel le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public. Il est tenu de se comporter avec dignité et civilité tant dans ses rapports de service avec ses supérieurs, collègues et subordonnés que dans ses rapports avec les usagers de son service qu’il doit traiter avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination.

Aux termes de l’article 53 du statut général, l’application des sanctions se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. Elles peuvent être appliquées cumulativement.

Le Conseil de discipline estime qu’il n’y a pas lieu de se méprendre : être fonctionnaire n’est pas synonyme de renonciation à une opinion propre, ni de ne jamais la partager, mais c’est dans la façon dont on s’exprime que tout se joue ; il faut encore être vigilant à ne pas faire d’amalgame entre sa fonction et ses opinions personnelles, dès lors que la nature même de la fonction publique exige de ses membres une obligation de loyauté et de réserve.

8 (A) étant entré en service le 1er février 2004, le Conseil souscrit aux observations du commissaire du Gouvernement que (A) ne s’est pas distingué au cours de ses prises de position, tant lors de l’instruction disciplinaire qu’à l’audience du Conseil, par un début de commencement d’une introspection. Au contraire, les répercutions d’un seuil de tolérance très bas à la frustration sur son environnement professionnel ne peuvent qu’inquiéter.

Les prises de position de (A), truffées d’écarts de langage à l’encontre de la direction de la BCL, s’étalant sur une longue période, ne sont pas le fruit d’une action impulsive animée par une frustration passagère à expliquer par un contexte exceptionnel, mais témoignent, par le fait d’être adressées à de multiples destinataires internes non directement concernés par ses déboires avec la Direction ainsi qu’à des destinataires tiers dont le Ministère des Finances, d’une détermination bien réfléchie de nuire à la BCL en général et à sa hiérarchie en particulier. Sa terminologie virulente, particulièrement humiliante, offensante et blessante, est inacceptable et il est indéniable que l’argument que (A) n’a aucun antécédent disciplinaire s’estompe face au constat avéré qu’il a, à d’itératives reprises, contrevenu à ses obligations de dignité, de civilité, d’impartialité, d’intégrité, de probité, de neutralité, de discrétion professionnelle et de réserve. La violation flagrante et extrêmement grave des obligations lui incombant justifie le recours, tel que préconisé par la BCL, à la sanction prévue par l’article 47.9 du statut général, à savoir la mise à la retraite d’office de (A) ».

Par courrier du 11 mars 2024, la BCL lui notifia la résiliation avec effet immédiat de son contrat de travail, ledit courrier étant libellé comme suit :

« […] Nous vous informons que la Direction de la Banque a, ce jour, pris acte de la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat rendue le 6 mars 2024, que nous annexons à la présente à toutes fins utiles, et qui prononce à votre égard la sanction de la mise à la retraite d’office du fait de vos manquements à vos obligations issues de l’article 10 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat.

Il y a donc lieu de considérer que votre contrat de travail avec la Banque est résilié, avec effet immédiat, conformément à l’article 7(2) de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’Etat.

Nous vous invitons à vous mettre en contact avec le département des Ressources humaines pour prendre toutes les mesures accompagnant la fin de votre contrat de travail et, notamment, pour organiser la restitution, sous huitaine, de tout document, matériel ou information en votre possession ayant un lien quelconque avec vos fonctions au sein de la Banque ainsi que l’enlèvement de certains de vos effets personnels qui pourraient encore se trouver dans les locaux de la Banque centrale du Luxembourg. […] ».

Par requête déposée le 29 mars 2024 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 50270 du rôle, Monsieur (A) a introduit un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision du 6 mars 2024 du Conseil de discipline, et par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 50271R du rôle, il a sollicité le sursis à exécution de la décision du Conseil de discipline en question.

Après avoir rappelé les rétroactes de ce dossier, consistant en substance à soutenir qu’il aurait dû s’opposer à un ensemble d’actes et de pratiques de différents agents et responsables de la BCL sur lesquels pèserait « une suspicion légitime », et qu’il aurait été amené à émettre 9des positions écrites y relativement, alors qu’il aurait été « contraint de réagir de façon plus ou moins forte aux silences répétés de la banque mais également aux procédés répréhensibles dont la banque a usé à son égard », Monsieur (A) fait plaider que les conditions requises par la loi pour obtenir un sursis à exécution par rapport à la décision déférée seraient remplies en l’espèce, à savoir que l’exécution de celle-ci risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif et que par ailleurs, les moyens invoqués contre cette décision apparaîtraient comme sérieux.

En ce qui concerne le préjudice grave et définitif, Monsieur (A) affirme que la gravité du préjudice résulterait du fait que sa mise à la retraite d’office a entrainé une perte totale de son traitement, d’un montant mensuel net d’environ …- euros, alors qu’il devrait rembourser deux prêts immobiliers d’un total de …- euros au 29 février 2024, correspondant à des mensualités de …- euros et qu’il serait père célibataire avec un enfant étudiant à charge auquel il verserait …- euros par mois : partant, il ne serait non seulement plus en mesure de faire face à ses dépenses mensuelles, mais encore, à défaut de suspension de la décision déférée, il risquerait de perdre son appartement et de devoir le mettre en vente dans un contexte immobilier particulièrement défavorable, de sorte qu’il devrait à l’issue de cette vente quitter le pays, toute possibilité de location étant part ailleurs compromise.

Le requérant considère que ce préjudice serait à qualifier d’irrémédiable, voire de difficilement réparable, puisqu’il se retrouverait dans une situation définitive à laquelle un jugement au fond prononçant la réformation de la décision déférée du Conseil de discipline ne serait plus en mesure de remédier.

Il donne encore à considérer qu’une fois la décision entreprise rendue, il aurait immédiatement entamé la recherche d’un emploi, mais, même s’il serait fort d’une expérience de plusieurs années dans le secteur public, le secteur privé ouvrirait peu de perspective par rapport à ses compétences, et ce d’autant plus qu’il viendrait de fêter ses … ans, ce qui constituerait une difficulté supplémentaire sur un marché de l’emploi particulièrement concurrentiel.

En ce qui concerne les moyens de réformation, sinon d’annulation, dont Monsieur (A) soutient le caractère sérieux, il reprend dans ce contexte ses arguments développés dans son recours au fond, lesquels peuvent, en substance, être résumés comme suit :

Il s’empare d’abord d’une violation de l’article 44bis de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, en arguant qu’il ferait actuellement l’objet de représailles pour avoir dénoncé depuis 2019 des décisions, des attitudes et communications de la BCL en totale contradiction avec l’égalité de traitement, Monsieur (A) relevant à cet égard la nomination Madame (B) au poste qu’il convoitait, nomination qui aurait prétendument révélé des contradictions patentes dans les documents fournis par la BCL, du traitement de sa demande « d’avoir un vrai travail à effectuer », du traitement par la BCL de sa demande de ne pas se voir appliquer avec deux ans d’avance la condition des 20 ans d’ancienneté pour le grade 16, de pouvoir avoir accès à ses évaluations, de ne pas recevoir des ordres de justification totalement mensongers ou encore de pouvoir accéder aux bâtiments de la BCL comme n’importe quel autre agent.

Il relève encore avoir dès 2022 dénoncé à la direction de la BCL un ordre de justification fictif, puis plus tard au tribunal administratif une fausse décision de la direction à son encontre afin de justifier son éviction de la banque, puis plus tard à l’autorité investie du pouvoir de 10nomination un ensemble de pratiques, avant finalement de porter plainte contre les responsables juridiques de la BCL.

Il en conclut que la procédure disciplinaire décidée en mars 2023 à son encontre constituerait une mesure de représailles, faisant suite d’une part à son exigence d’être traité comme les autres agents, et d’autres part à la dénonciation de certains faits au gouvernement, dénonciation qui aurait été communiquée au parquet.

Monsieur (A) critique ensuite la décision du Conseil de discipline pour avoir retenu dans son chef une violation de l’article 10, paragraphe 1er de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat au vu de son « style de communication » avec ses supérieurs hiérarchiques et ses collègues de travail, ses commentaires rendus publics, le contenu et la forme des multiples prises de position de sa part adressées notamment sous forme de courriels et écrits à divers destinataires, sans toutefois tenir compte tant du contexte dans lequel ces communications sont intervenues que des regrets exprimés par lui devant le Commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, tout comme il reproche au Conseil de discipline d’avoir retenu en sa défaveur qu’il n’aurait pas eu recours aux moyens lui offert par les articles 32, et 33 de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat pour solliciter la protection de l’Etat ou pour réclamer contre des actes de ses supérieurs qui auraient lésé ses droits statutaires ou qui l’auraient blessé dans sa dignité, le requérant soutenant au contraire qu’il aurait à cette fin dénoncé en date du 17 novembre 2022 au ministre compétent toutes les actions de la BCL considérées comme étant illégales.

Si le Conseil de discipline lui avait encore reproché l’absence d’un début de commencement d’une introspection, il conteste cette conclusion en affirmant que ses intentions n’auraient pas été de nuire à la BCL, mais n’auraient eu pour seul objectif de le protéger des agissements frauduleux de la banque, tandis qu’il considère que le ton employé dans ses différents échanges avec la banque se serait toujours voulu sérieux dans le respect des procédures établies.

Il déplore encore qu’une mesure d’instruction sollicitée, à savoir l’audition d’un membre de la BCL, aurait été écartée alors qu’elle aurait pu mettre en évidence les pratiques illégales récurrentes de l’administration.

Finalement, il affirme être convaincu que la présente procédure disciplinaire serait en lien direct avec la saisine du procureur d’Etat par le ministre des Finances en décembre 2022 en réaction à une dénonciation effectuées par lui en matière de trafic d’influence, ce en contravention des dispositions de l’article 44bis de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, cette procédure disciplinaire n’ayant à ses yeux d’autre but que de le discréditer et de lui nuire.

Enfin, il renvoie à l’intégralité de ses prises de positions écrites et orales reprises dans le rapport du Commissaire du Gouvernement, qui feraient partie intégrante du recours au fond.

Le requérant conclut ensuite à une violation du principe de proportionnalité ainsi qu’à un défaut de motivation, en relevant que sa mise à la retraite d’office avec pour conséquence la résiliation avec effet immédiat de son contrat de travail constituerait en fait un licenciement sans indemnité avec interdiction de retravailler dans la fonction publique, sanction qu’il considère comme étant manifestement disproportionnée.

11Si certes sa communication n’avait pas été exemplaire, néanmoins et à sa décharge, ses agissements auraient été accomplis dans un climat de tensions vis-à-vis de ses supérieurs hiérarchiques à la suite de la contestation d’une de leurs décisions ; il considère par ailleurs qu’il conviendrait de tenir compte du fait qu’il aurait exprimé ses regrets et qu’il aurait manifesté la volonté de présenter ses excuses « sans avoir pu être accompagné dans la mise en œuvre de cette volonté ».

Enfin, il critique la décision du Conseil de discipline pour ne pas avoir motivé en quoi la sanction de la mise à la retraite d’office serait la mesure disciplinaire la plus appropriée au cas d’espèce, alors qu’il aurait été à son sens plus opportun de prononcer une sanction plus mesurée et appropriée, telle que l’amende, le déplacement ou encore, pour autant que les faits reprochés revêtent un certain degré de gravité suffisant, la rétrogradation.

En guise de dernier moyen, le requérant prétend que ses droits de la défense auraient été violés, puisque le Commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire lui aurait refusé l’audition d’un témoin d’une façon générale au sujet des pratiques douteuses de la BCL en termes de harcèlement ainsi que d’une façon plus particulière au sujet de son style de communication, le témoin l’ayant côtoyé professionnellement pendant plusieurs années.

Il critique à cet égard directement le Conseil de discipline pour avoir fait abstraction des éléments à sa décharge en violation de l’article 53 de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, le requérant opposant son passé disciplinaire exemplaire ainsi que ses 20 années de bons et loyaux services durant lesquelles il n’aurait jamais eu à faire face à la moindre critique que ce soit sur son travail ou sur son comportement jusqu’au problème actuel qu’il qualifie de « communication maladroite […] faite dans un contexte de suspicion légitime ».

Le délégué du gouvernement soulève d’abord l’irrecevabilité de la requête en obtention d’un sursis à exécution introduite contre la décision du Conseil de discipline du 6 mars 2024, dans la mesure où celle-ci aurait été entièrement exécutée par la décision de la BCL du 11 mars 2024, non déférée en l’espèce, décision ayant procédé à la résiliation du contrat de travail de Monsieur (A). Aussi, le préjudice résultant éventuellement de la décision du Conseil de discipline aurait été consommé par l’exécution de la sanction litigieuse par la BCL et la juridiction du président du tribunal serait épuisée, de sorte que la requête en obtention d’un sursis à exécution introduite par la requérante serait devenue sans objet et devrait être rejetée.

Il conteste ensuite tant l’existence d’un préjudice grave et définitif dans le chef du requérant que le caractère sérieux des moyens avancés devant les juges du fond ; à cet égard, il relève que le requérant ne contesterait pas les faits lui reprochés, mais entendrait en relativiser la portée en se prévalant de circonstances atténuantes, lesquelles échapperaient toutefois à l’examen du juge des référés qui ne pourrait pas s’adonner à une telle appréciation relevant uniquement des juges du fond. Il souligne encore la gravité des faits reprochés à Monsieur (A) qui n’aurait pas seulement fait part à travers les mails et courriers litigieux de son insatisfaction ou de son mécontentement, mais qui aurait de manière répétée émis des reproches à l’égard des membres de la direction de la BCL qu’il aurait accusés de s’être rendus coupables de crimes ou de délits.

Le mandataire de la BCL soulève quant à lui également l’irrecevabilité du recours en obtention d’un sursis à exécution au motif que la décision disciplinaire aurait été entièrement exécutée à la suite de la réalisation du contrat et à la déclaration de sortie de Monsieur (A), de 12sorte que ledit recours serait devenu sans objet, les juridictions administratives, même en cas de réformation de la décision du Conseil de discipline, ne pouvant pas ordonner la réintégration de l’intéressé. Il relève par ailleurs que Monsieur (A) aurait omis d’attaquer la décision de résiliation en justice, de sorte qu’une éventuelle suspension de la décision du Conseil de discipline serait sans effet sur la décision de résiliation, qui subsisterait non seulement dans l’ordonnancement juridique, mais qui demeurerait exécutoire à défaut d’avoir fait l’objet d’une décision de suspension : de ce point de vue, le recours sous analyse serait dépourvu de tout effet sur la décision de la BCL.

Il expose ensuite que les conditions légalement prévues pour ordonner un sursis à exécution ne seraient pas remplies en l’espèce, en contestant tant l’existence d’un préjudice grave et définitif que le sérieux des moyens invoqués, le mandataire de la BCL revenant en détail sur les antécédents et les circonstances de la décision du Conseil de discipline et de la résiliation du contrat d’emploi du requérant, en soulignant également l’extrême gravité des faits lui reprochés, le requérant ayant de manière largement publique traité notamment les membres de la direction de la BCL de criminels ou de délinquants, ce qui serait allé largement au-delà la défense, légitime, de ses intérêts, le mandataire de la BCL considérant que Monsieur (A) aurait systématiquement, pendant deux ans, brandi la menace de poursuites pénales ou indemnitaires afin d’obtenir gain de cause au niveau de son avancement professionnel.

En vertu de l’article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond a été introduite le 29 mars 2024, de sorte que compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi du 21 juin 1999, l’affaire au fond ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

Le président du tribunal administratif, statuant au provisoire, doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il ne saurait se prononcer définitivement sur des questions de recevabilité que pour autant que celles-ci touchent exclusivement à la demande en sursis à exécution.

En l’espèce, il appert toutefois que se pose directement la question de la recevabilité même de la mesure de sursis à exécution, question soulevée tant par la partie étatique que par la BCL.

Il convient à cet égard de rappeler qu’en ce qui concerne plus particulièrement la condition tenant à l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, telle que visée par l’article 11 de la loi du 21 juin 1999, le référé administratif a essentiellement pour objet d’empêcher, temporairement, la survenance d’un préjudice grave et définitif, le contentieux de la suspension étant conçu dans une optique préventive1 ; les effets de la suspension sont 1 Michel Leroy, Contentieux administratif, Bruylant 2004, 3e éd., p.770.

13d’interdire à l’auteur de l’acte de poursuivre l’exécution de la décision suspendue2 pour l’avenir, puisque l’une des caractéristiques essentielles de la suspension est de laisser subsister dans l’ordre juridique l’acte suspendu qui ne peut toutefois plus être mis à exécution3. Ainsi, à la différence d’un jugement d’annulation, une ordonnance de suspension ne produit pas ses effets rétroactivement mais seulement pour l’avenir, de sorte que l’acte suspendu subsiste dans l’ordre juridique, mais il ne peut plus être exécuté4.

En l’espèce, force est de constater, d’une part, que seule la décision du Conseil de discipline a été déférée au tribunal administratif, et ce tant au fond qu’au provisoire, mais non la décision de la BCL du 11 mars 2024 ayant exécuté en sa qualité d’autorité de nomination la prédite décision du Conseil de discipline, de sorte que la décision de la BCL du 11 mars 2024 demeure à ce jour intouchée et partant non énervée.

Il convient de constater, d’autre part, tel que relevé tant par la partie étatique et par la BCL, que le contrat de travail de Monsieur (A) a été résilié avec effet immédiat en date du 11 mars 2024, cette décision lui ayant été notifiée le même jour par exploit d’huissier. Il convient encore de constater que la BCL a procédé à la déclaration de sortie du requérant auprès du Centre Commun de la Sécurité Sociale en date du 11 mars 2023, déclaration de sortie entérinant nécessairement la cessation de la relation de travail.

Il convient enfin de constater qu’il est de jurisprudence constante5que, de manière évidente et contrairement à la situation d’un fonctionnaire, la relation existante entre un employé de l’Etat et son employeur est fondée sur un contrat, lequel, à travers la décision de résiliation avec effet immédiat, doit être considéré comme rompu.

Il s’ensuit, d’une part, que la décision de résiliation du contrat de travail de Monsieur (A) du 11 mars 2024 avait nécessairement d’ores et déjà produit ses effets à la date de l’enrôlement de la requête en obtention d’un sursis à exécution, à savoir en date du 29 mars 2023, de sorte qu’elle doit être considérée comme ayant à cette dernière date été entièrement exécutée.

Or, lorsqu’une mesure dont le sursis à exécution est demandé a d’ores et déjà été exécutée au moment où le président du tribunal est appelé à statuer, la demande en obtention d’une mesure provisoire a perdu son objet et elle doit être déclarée irrecevable : il n’y a pas lieu de faire droit à des conclusions à des fins de sursis dès lors que la décision est déjà exécutée et que la mesure n’est plus susceptible de produire d’effet utile. En d’autres termes, même à admettre que l’exécution de la mesure incriminée ait été susceptible de causer au requérant un préjudice grave et définitif, qu’il s’agissait de prévenir, ce préjudice est consommé par l’exécution de la mesure litigieuse et la juridiction du président du tribunal est dès lors épuisée6.

2 Trib. adm. (prés.). 9 mars 2016, n° 37614 du rôle ; trib. adm. (prés.) 9 mars 2016, n° 37642 du rôle ; trib. adm.

(prés.) 16 mars 2016, n° 37650 du rôle ; trib. adm. (prés.) 22 avril 2016, n° 37766 du rôle ; trib. adm. (prés.) 25 août 2016, n° 38388 du rôle ; trib. adm. (prés.) 9 novembre 2016, n° 38648 du rôle ; trib. adm. (prés.) 16 novembre 2016, n° 38686 du rôle ; trib. adm. (prés.) 11 mai 2017, n° 39534 du rôle ; trib. adm. (prés.) 21 juillet 2017, n° 39887 du rôle ; trib. adm. (prés.) 21 juillet 2017, n° 39889 du rôle.

3 Dominique Lagasse, Le référé administratif devant le Conseil d’État ou Le Conseil d’État face à l’accélération du temps juridique in Philippe Gérard, François Ost, Michel Van de Kerchove (dir.), L’accélération du temps juridique, Presses de l’Université Saint-Louis, 2000, p. 405.

4 Idem, p.410 ; trib. adm. (prés.) 7 mars 2023, n° 48578 du rôle.

5 Voir Cour adm. 1er février 2022, n° 46520C du rôle.

6 Trib. adm. (prés.) 10 avril 2001, n° 13203 du rôle ; trib. adm. (prés.) 9 février 2018, n° 40729 et 40736 du rôle ;

14 Dès lors, comme la décision de résiliation du 11 mars 2024 a d’ores et déjà été exécutée, il ne reste au juge du provisoire qu’à déclarer la demande irrecevable pour défaut d’objet.

Il s’ensuit encore, d’autre part, que la décision de résiliation du 11 mars 2023, n’a pas été déférée aux juges du fond ni au juge du provisoire, de sorte que même si le juge du provisoire avait accédé à la demande de Monsieur (A) en suspendant l’exécution de la décision du Conseil de discipline, cette exécution, matérialisée par la décision de résiliation de la BCL du 11 mars 2024, ne serait néanmoins juridiquement pas touchée, les effets juridiques d’une éventuelle ordonnance de suspension ne s’attachant nécessairement qu’à la décision déférée, le juge des référés ne pouvant pas, sous peine de juger ultra petita, étendre les effets du sursis à un autre acte juridique, lui non déféré.

Si la situation est différente devant les juges du fond, puisque selon la jurisprudence7, un recours contre la seule décision du Conseil de discipline serait parfaitement possible, « étant relevé que la décision prise en application de l’article 52 du statut général doit, sauf dans l’hypothèse d’un recours dirigé directement à son encontre, obligatoirement suivre le sort de la décision du Conseil de discipline dont elle n’est que l’acte d’exécution », la décision d’exécution prise par l’autorité de nomination perdant en effet sa base légale en cas d’annulation de la décision du Conseil de discipline, il convient de rappeler, comme relevé ci-

avant, que l’une des caractéristiques essentielles de la suspension est de laisser subsister dans l’ordre juridique l’acte suspendu qui ne peut toutefois plus être mis à exécution, et ce à la différence d’un jugement d’annulation, de sorte que l’acte suspendu subsiste dans l’ordre juridique, mais il ne peut plus être exécuté.

Dès lors, en cas de suspension de la seule décision du Conseil de discipline, celle-ci subsisterait dans l’ordonnancement juridique et son acte, juridique et matériel, d’exécution, non touché par l’ordonnance, subsisterait également juridiquement.

A titre tout à fait surabondant, en ce qui concerne l’examen de la deuxième condition énoncée par l’article 11 de la loi du 21 juin 1999 pour justifier une mesure de sursis à exécution, à savoir que les moyens présentés par le requérant à l’appui de son recours au fond soient suffisamment sérieux, il y a lieu de rappeler que concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, trib. adm. (prés.) 17 avril 2018, n° 40958 du rôle ; trib. adm. (prés.) 13 décembre 2019, n° 37614 du rôle ; trib.

adm (prés.) 20 novembre 2020, n° 45240 du rôle ; trib. adm. (prés.) 15 mai 2020, n° 44418 du rôle ; trib. adm.

(prés.) 20 novembre 2020, n° 45239 du rôle et récemment trib. adm. (prés.) 24 octobre 2022, n° 48045 du rôle.

7 Trib. adm. 19 avril 2022, n° 44045.

15les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Il s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire :

en d’autres termes, les moyens doivent offrir une apparence de droit suffisante ou un degré de vraisemblance tel que l’on peut nourrir des doutes importants quant à la légalité de l’acte8, dans le sens que l’on peut pressentir une possible, voire probable annulation ou réformation.

Ainsi, un moyen est sérieux lorsqu’il laisse présager, aux termes d’une analyse sommaire, une probable réformation ou annulation : un moyen sérieux fait pressentir une annulation ou réformation, tandis que l’examen du caractère sérieux d’un tel moyen se caractérise par son caractère prima facie.

Ce caractère de sérieux peut résulter d’une situation de fait ou de droit manifeste (un élément matériel important a été ignoré, une disposition légale n’a été manifestement pas appliquée) ou encore d’une jurisprudence à tout le moins solidement établie ; le caractère sérieux dépend dès lors également fondamentalement de la qualité de la démonstration des droits menacés : le simple fait de transcrire l’argumentation développée devant les juges du fond, respectivement de s’y référer peut, face à des matières ou questions complexes, s’avérer de ce point de vue insuffisant.

C’est pourquoi le juge du provisoire doit prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

Ne présente en revanche pas un caractère sérieux suffisant, un moyen soulevant un simple doute quant à l’issue du recours, un moyen basé sur une jurisprudence fluctuante ou minoritaire ou lorsqu’il n’existe pas de jurisprudence qui permettrait de répondre aisément aux questions devant être tranchées en l’espèce par le jugement à rendre ultérieurement sur le fond, surtout lorsqu’il s’agit de questions de principe inédites qui ne sauraient être tranchées, pour la première fois, par le juge des référés, mais requièrent un examen approfondi dans le cadre de la procédure principale : le juge du référé est réellement le juge de l’évidence car il est cantonné à une position, sur ce problème, d’archiviste se contentant de reprendre à son compte une position adoptée par une autre juridiction9.

Si la solution du problème conduit le juge des référés à une appréciation juridique motivée qui fait la part entre la thèse de l’un et celle de l’autre, il excède ses pouvoirs dans la mesure où il est obligé de discuter juridiquement pour écarter l’une de ces thèses qui est donc forcément sérieuse. Lorsque le juge des référés, pour repousser une contestation, est obligé de bâtir un raisonnement juridique que ne dénierait pas un juge du fond, il va au-delà de ses pouvoirs10.

8 Trib. adm (prés.) 14 avril 2016, n° 37733 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 658, et les autres références y citées.

9 J. Piasecki, L’office du juge administratif des référés : Entre mutations et continuité jurisprudentielle. Droit, Université du Sud Toulon Var, 2008, n° 337, p.197.

10 Y. Strickler, Le juge des référés, juge du provisoire, thèse Strasbourg, 1993, p. 96 et 97.

16 Or, de ce point de vue, l’argumentation présentée à l’appui du recours au fond ne présente pas en l’état actuel d’instruction du dossier et au terme d’une analyse nécessairement sommaire le sérieux nécessaire, dans le sens qu’elle s’imposerait d’évidence.

Ainsi, en ce qui concerne le premier moyen du requérant, basé sur une prétendue violation de l’article 44bis de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après « le statut général », il convient de prime abord de constater que l’article 44bis tel qu’invoqué, aux termes duquel « 1. Le fonctionnaire ne peut pas faire l’objet de représailles ni en raison des protestations ou refus opposés à un acte ou comportement contraire au principe de l’égalité de traitement défini par les articles 1bis et 1ter de la présente loi, ni en réaction à une plainte formulée ou à une action en justice visant à faire respecter le principe de l’égalité de traitement. 2. De même, aucun fonctionnaire ne peut faire l’objet de représailles soit pour avoir témoigné des agissements définis aux articles 1bis et 1ter de la présente loi ou aux articles 245 à 252, 310 et 310-1 du Code pénal, soit pour les avoir relatés.

[…] », s’inscrit à première vue dans le cadre limité des articles 1bis et 1ter du statut général, lesquels interdisent, en substance, toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge, l’orientation sexuelle, l’appartenance ou non appartenance, vraie ou supposée, à une race ou ethnie ou sur la nationalité, ainsi que toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial.

Si Monsieur (A) estime que « la procédure disciplinaire » aurait été entamée par la BCL à son encontre en guise de représailles, ce qui contreviendrait à l’article 44bis précité, il convient d’abord de rappeler que le recours sous analyse est dirigé contre la décision du Conseil de discipline, mais non pas contre « la procédure disciplinaire » ou contre la décision de la BCL de saisir le Commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire : par ailleurs, même à supposer que la saisine du Commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire par la BCL l’ait été fait pour des motifs de représailles, il n’empêche que le Commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, organe d’instruction indépendant, a considéré les agissements du requérant comme portant atteinte aux obligations inscrites à l’article 10, paragraphe 1er, du statut général, et que le Conseil de discipline, organe quasi-juridictionnel indépendant, a jugé ces agissements suffisamment graves pour lui infliger la sanction de la mise à la retraite d’office. Aussi, à moins de considérer que tant le Commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire que le Conseil de discipline n’aient été parties prenantes aux représailles actuellement dénoncées - affirmation que le requérant n’émet pas -, la sanction actuellement discutée ne saurait, sérieusement, être considérée comme procédant d’une telle volonté de représailles.

Il n’appert ensuite pas sérieusement que Monsieur (A) puisse prétendre avoir fait l’objet de discriminations, qu’il aurait dénoncées, du fait de sa religion, de ses convictions, d’un handicap, de son âge, de son orientation sexuelle, de son appartenance ou non appartenance, vraie ou supposée, à une race ou ethnie, de sa nationalité, ou encore de son sexe, les exemples cités par le requérant montrant plutôt qu’il s’estime, au vu de ses propres qualités professionnelles, injustement ou illégalement traité par la BCL, le requérant ayant lui-même mis en exergue « son exigence d’être traité comme les autres agents », hypothèse non visée par les articles 1bis et 1ter.

17L’allégation d’une violation de l’article 44bis ne parait dès lors ni légalement, ni factuellement, sérieuse.

Enfin, il convient encore de relever à cet égard que si le requérant estime toujours avoir été la victime d’une violation du principe d’égalité de traitement par la BCL, cet argument a été explicitement et définitivement rejeté par la Cour administrative dans son arrêt du 10 janvier 2023, n° 47902C du rôle, tout comme manifestement les allégations selon lesquelles la nomination de Madame (B) au poste qu’il convoitait aurait été viciée à divers titres, le requérant ayant été définitivement débouté de son recours à l’encontre de cette nomination tout comme à l’encontre du rejet de sa demande de réaffectation à un autre département, précisément par ledit arrêt du 10 janvier 2023, dont le requérant semble toutefois refuser de reconnaître l’autorité de chose jugée.

Le moyen afférent du requérant ne présente dès lors, en l’état actuel d’instruction du dossier et au terme d’une analyse sommaire, pas le sérieux requis pour justifier l’instauration d’une mesure provisoire.

Monsieur (A) critique ensuite en substance la décision du Conseil de discipline en relativisant la portée de ses agissements, qui ne relèveraient que d’une question de « style de communication », tandis qu’il reproche encore au Conseil de discipline de ne pas avoir tenu compte des regrets exprimés par lui, le requérant réitérant ici son affirmation selon laquelle la « procédure disciplinaire » constituerait en fait une mesure de représailles.

Il convient d’abord de relever que si le requérant, dans son recours au fond, renvoie à « l’intégralité de ses prises de positions écrites et orales reprises dans le rapport du Commissaire du Gouvernement, qui feraient partie intégrante du recours au fond », il n’appert toutefois pas qu’en contentieux administratif, il suffise de contester la conclusion d’une décision administrative donnée, en renvoyant en substance le juge administratif au contenu du dossier administratif, alors qu’il appartient au requérant d’établir que la décision critiquée est non fondée ou illégale11. La jurisprudence insiste à cet égard sur le fait12 que ne font pas partie de la requête introductive, les prises de position d’un demandeur y simplement agrafées, le simple renvoi à une prise de position sans négocier, sans développer au minimum le contenu où les passages pertinents de ladite pièce dans le corps même du recours est insuffisant pour constituer un exposé sommaire des faits et des moyens invoqués13.

Il appert14 encore que le tribunal n’est pas amené à prendre position par rapport aux moyens qui ne figurent pas dans les mémoires, en sorte qu’il n’est pas tenu de répondre aux conclusions des parties au niveau pré-contentieux auxquelles se réfèrent simplement les mémoires. En effet, le recours étant nécessairement dirigé contre une décision administrative, les conclusions prises par les parties en lice devant le Conseil de discipline ne sauraient valoir ipso facto et ipso jure, par référence, comme moyens valables devant le juge administratif, étant donné que par essence elles n’ont pas été formulées par rapport à la décision du Conseil de discipline, non encore intervenue au moment où elles ont été prises. Plus précisément, le recours étant dirigé contre la décision du Conseil de discipline entreprise à travers lui, de sorte 11 Trib. adm. 17 novembre 2004, n° 18360a, Pas. adm. 2023, V° Recours en réformation, n° 31, et autres références y citées.

12 Voir pour une application ; trib. adm. 24 février 2023, n° 45524.

13 Trib. adm. 24 avril 2019, n° 39882, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 496; voir aussi les jurisprudences indiquées sous le n° 497.

14 Voir : trib. adm. 24 février 2023, n° 45524.

18que le simple renvoi à des conclusions prises au niveau-précontentieux et, par la force des choses, non dirigées contre la décision administrative ayant précisément pour objet de toiser ces conclusions, ne soumet pas de manière valable au juge administratif l’argumentaire auquel il est ainsi actuellement simplement renvoyé15.

Il appert dès lors, en application de ces principes dégagés tant par le tribunal administratif que la Cour administrative, que les juges du fond ne tiendront pas compte des renvois effectués par le requérant à des développements contenus à diverses pages du rapport d’instruction du commissaire du gouvernement, respectivement à l’argumentation du requérant y présentée lorsque ces éléments ne sont pas présentés, sommairement, mais concrètement, dans le cadre du présent recours.

A fortiori, le juge des référés ne tiendra de même pas compte du renvoi à des prises de position contenues dans des documents annexés à un acte de procédure mais non y reprises, de sorte à devoir être considérées comme n’y figurant tout simplement pas.

En ce qui concerne ensuite la sanction telle que critiquée, il se dégage à cet égard à première vue et sans examen minutieux de chaque élément, mais au contraire au terme d’une analyse prima facie, de la décision déférée et sa motivation, que le Conseil de discipline a retenu toute une série d’agissements à charge du requérant, dont la matérialité n’est pas contestée par celui-ci, ces agissements constituant à première vue de multiples prises de position et dénonciations, comportant des termes extrêmement forts, voire, comme retenu par le Conseil de discipline, virulents, susceptibles de relever de l’infraction pénale de la diffamation ou de la calomnie, les prises de position ayant été tantôt adressées aux supérieurs hiérarchiques du requérant, tantôt à des collègues de travail - voire même à l’ensemble du personnel de la BCL ou encore au ministre des Finances.

Il appert encore que le requérant a régulièrement accusé, notamment, les membres de la direction, sinon des membres précis de la direction, de s’être rendus coupables d’infractions criminelles ou délictuelles, ces accusations, tout sauf anodines, s’étant vues conférer une large publicité par le requérant.

Dans le cadre de l’analyse sommaire de ce dossier, le soussigné relève à titre d’exemple les termes et la teneur du mail du requérant du 5 octobre 2021 adressé à la direction de la BCL, affirmant que l’audience du tribunal administratif relative au recours introduit contre la nomination de Madame (B) aurait « mis en évidence une triple falsification », qui constituerait « incontestablement des faits et actes pénalement répréhensibles », le requérant exigeant du directeur général une prise de position « au sujet de ces falsifications ainsi que sur l’identification de leurs auteurs ».

Le 11 novembre 2021, le requérant affirme dans le cadre d’un mail adressé entre autres à la direction générale que « tout document qui affirmerait que Madame (B) dispose d’un master pourrait constituer un faux en écritures publiques, toute personne qui aurait participé à cette manipulation pourrait être accusée de trafic d’influence et toute personne qui aurait obtenu ou fait obtenir des avantages matériels des suites de cette manipulation pourrait être accusée de détournement de fonds publics ».

15 Cour adm. 12 novembre 2015, n° 36360C, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n°1167.

19Pour rappel, la Cour administrative, dans son arrêt du 10 janvier 2023, a retenu définitivement que « il se dégage des pièces versées au dossier que Madame (B) est détentrice d’un diplôme de licencié et maître en administration et en gestion lui délivré le … par l’Université … certifiant que celle-ci a réussi la troisième épreuve « avec distinction », études qui d’après son curriculum universitaire daté au … correspondent à 5 années d’études universitaires, c’est-à-dire un niveau « bac + 5 », diplôme qui d’après l’arrêté du … du Gouvernement de la Communauté française fixant la liste de correspondance entre les anciens et nouveaux grades académiques correspond actuellement au nouveau grade de Master [de sorte que] que le reproche adressé à l’égard de la société (F), en ce que celle-ci aurait dissimulé le niveau du diplôme réellement détenu par Madame (B) et que celle-ci ne pourrait pas se prévaloir d’un diplôme universitaire « bac +5 » équivalent aux diplômes produits par l’appelant, n’est pas fondé pour manquer en fait ».

Le 19 novembre 2021, le requérant adressa un autre mail à divers membres de la BCL et à la direction générale, pour rappeler aux destinataires la définition pénale du faux en écritures publiques et de l’usage de faux en écriture publique, qui seraient des crimes et non des simples délits, et pour leur signaler que « tout agent public condamné pour un crime est définitivement exclu de la fonction publique » et pour soutenir, à nouveau, que, notamment le niveau d’études de Madame (B) aurait fait l’objet de falsification, et que « plusieurs entités de la BCL […] pourraient s’être compromises, à différents degrés, dans cette triste affaire », de sorte à envisager, entre autres, la nature criminelle de l’affaire « (C)-(B) ».

Pour rappel, le tribunal administratif débouta Monsieur (A) de l’intégralité de ses demandes et prétentions par jugement du 29 juillet 2022, jugement confirmé en appel par la Cour administrative le 10 janvier 2023.

Il échet encore de relever la dénonciation adressée le 17 novembre 2022 au ministre des Finances, où le requérant dénonce ses supérieurs hiérarchiques, sans autre preuves, pour trafic d’influence et faux en écriture publique, le requérant accusant un directeur de la BCL, désigné nommément, d’avoir notamment truqué un processus de recrutement de sorte à toucher indument des rémunérations supplémentaires, cette dénonciation, dûment continuée par le ministre des Finances au Parquet, n’ayant toutefois manifestement connu aucune suite.

En date du 15 mars 2023, Monsieur (A), tel que cela résulte de la décision du Conseil de discipline sans que le requérant ne l’ait contesté, adressa encore une mise en demeure en incriminant le même directeur d’avoir falsifié des dossiers personnels des agents et de l’exposer à du harcèlement obsessionnel, et ce sur la toile de fond du rejet de sa propre candidature à la place qu’il convoitait au bénéfice de celle de Madame (B), question pourtant définitivement tranchée par la Cour administrative en date du 10 janvier 2023, laquelle avait rejeté l’ensemble des moyens et allégations du requérant.

Par mail du 30 mars 2023, soit après l’arrêt de la Cour administrative, mail adressé à la direction générale, Monsieur (A) invoque le dépôt d’une plainte pénale en application de l’article 23 du code d’instruction criminelle à l’encontre de quatre personnes désignées nominativement « ainsi que toute personne qui aura apporté son concours aux faits dénoncés, par exemple en essayant d’empêcher le tribunal administratif d’exercer son contrôle ».

Le soussigné ne saurait dès lors, au terme d’un examen sommaire du dossier, que constater, à l’instar du Conseil de discipline, que le requérant a émis, itérativement, des prises de position portant des accusations gravissimes, dénigrantes et offensantes à l’encontre de la 20BCL, prises de position diffusées en interne et vers l’extérieur, tandis qu’il se dessine comme un fil rouge à travers l’ensemble des accusations du requérant que celui-ci refuse d’accepter le fait qu’il n’a pas obtenu un poste par lui visé, mais qu’une autre candidate, qu’il persiste à considérer comme non suffisamment qualifiée, ait été retenu, le requérant reprochant de manière continue à la BCL d’avoir truqué le processus de sélection, et ce nonobstant le fait que son argumentation afférente ait été rejetée tant par le tribunal administratif que, définitivement, par la Cour administrative.

Cette attitude se manifeste encore actuellement dans les plaidoiries du requérant, lequel, entend dans les deux requêtes actuellement déposées au tribunal administratif remettre en question les faits et moyens tranchés définitivement par la Cour administrative, en réitérant ses accusations de falsifications et de processus de sélection biaisé.

Le soussigné relève encore, à titre d’exemple et de manière non exhaustive, que le requérant soutient actuellement toujours que le jugement du 29 juillet 2022 aurait été basé « sur un ensemble de fausses informations livrées par la BCL au tribunal », alors même que ce jugement a été intégralement confirmé en appel par la Cour administrative par son arrêt du 10 janvier 2023.

Il appert dès lors, au terme d’un examen superficiel des reproches adressés au requérant que ces reproches sont matériellement établis, que la gravité y attachée par le Conseil de discipline ne paraît pas sérieusement pouvoir être mise en doute et que le requérant, comme retenu par le Conseil de discipline, ne fait pas preuve d’une once d’introspection ou de regrets, de sorte qu’en l’état actuel du dossier il est probable que les juges du fond retiennent que le Conseil de discipline a valablement pu reprocher à Monsieur (A) un comportement répétitif, persistant et conscient consistant à accuser et dénigrer publiquement notamment son employeur, la BCL, et ses supérieurs, en accusant ceux-ci publiquement, voire nominativement, de s’être rendus coupables de crimes ou de délits, comportement constituant à première vue une violation de l’article 10, paragraphe 1, du statut général, selon lequel « le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public. Il est tenu de se comporter avec dignité et civilité tant dans ses rapports de service avec ses supérieurs, collègues et subordonnés que dans ses rapports avec les usagers de son service qu’il doit traiter avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination ».

Le moyen afférent du requérant visant à contester l’existence d’une violation de l’article 10, paragraphe 1, du statut général, ne présente dès lors, en l’état actuel d’instruction du dossier et au terme d’une analyse sommaire, pas le sérieux requis pour justifier l’instauration d’une mesure provisoire.

L’analyse et la conclusion au provisoire ci-avant amène encore le soussigné à rejeter le moyen du requérant basé sur une violation du principe de proportionnalité ainsi que sur un défaut de motivation, le Conseil de discipline, comme relevé ci-avant, ayant à première vue justement retenu que « Les prises de position de (A), truffées d’écarts de langage à l’encontre de la direction de la BCL, s’étalant sur une longue période, ne sont pas le fruit d’une action impulsive animée par une frustration passagère à expliquer par un contexte exceptionnel, mais témoignent, par le fait d’être adressées à de multiples destinataires internes non directement concernés par ses déboires avec la Direction ainsi qu’à des destinataires tiers dont le Ministère des Finances, d’une détermination bien réfléchie de nuire à la BCL en général et à sa 21hiérarchie en particulier. Sa terminologie virulente, particulièrement humiliante, offensante et blessante, est inacceptable et il est indéniable que l’argument que (A) n’a aucun antécédent disciplinaire s’estompe face au constat avéré qu’il a, à d’itératives reprises, contrevenu à ses obligations de dignité, de civilité, d’impartialité, d’intégrité, de probité, de neutralité, de discrétion professionnelle et de réserve. La violation flagrante et extrêmement grave des obligations lui incombant justifie le recours, tel que préconisé par la BCL, à la sanction prévue par l’article 47.9 du statut général, à savoir la mise à la retraite d’office de (A) », le soussigné devant constater que le requérant, loin de faire preuve de regrets ou d’une quelconque prise de conscience, persistant au contraire dans cette attitude, tel qu’en témoigne la teneur de ses plaidoiries actuelles ou encore la plainte avec constitution civile déposée en date du 28 février 2024 à l’encontre des responsables du service juridique de la BCL.

Il convient d’ailleurs sérieusement de s’interroger sur la prise de conscience du requérant par rapport à la gravité et à la portée de ses actes, le requérant, après avoir dénigré et dénoncé son employeur et ses supérieurs, qu’il traite régulièrement directement, sinon de manière détournée, d’auteurs de crimes ou de délits, et après avoir vu la majorité de ses accusations rejetées par la Cour administrative, persistant en son attitude en déposant une plainte contre des membres du personnel de la BCL, tout en faisant actuellement plaider en substance que finalement une sanction plus mesurée et appropriée aurait été le prononcé d’une amende, de son déplacement ou sinon de sa rétrogradation, de sorte à nécessairement chercher sa réintégration au sein de la BCL.

Enfin, en ce qui concerne l’allégation d’une violation des droits de la défense, le requérant affirmant avoir sollicité infructueusement devant le Commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire l’audition d’un ancien membre de la BCL qui aurait pu mettre en évidence les pratiques illégales récurrentes au sein de la BCL, force d’abord de constater que le requérant ne semble pas avoir introduit une telle demande formelle, mais d’avoir uniquement suggéré au Commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire de procéder à l’audition de cette personne, le courrier afférent, daté du 24 mai 2023, prétendant que le requérant souhaiterait « vous proposer un témoin », tout en émettant un certain nombre de réserves quant au caractère confidentiel à accorder à l’audition suggérée, caractère confidentiel qui se heurterait, en tout état de cause et de manière évidente, au principe du contradictoire.

Il convient ensuite de retenir que c’est à première vue à bon droit que le Commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire n’a pas jugé utile de procéder à l’audition du témoin proposé, au motif que le témoignage suggéré ne porterait pas sur les faits reprochés à Monsieur (A), « mais sur les ressentis subjectifs du témoin par rapport à ses propres échanges avec les ressources humaines et la Direction », de sorte qu’un tel témoignage manquerait de pertinence, cette motivation n’ayant été aucunement critiquée, voire énervée, dans le cadre du recours sous examen.

Il appert encore de cet incident, tel que relevé à bon escient par le mandataire de la BCL, que Monsieur (A), même durant l’instruction disciplinaire le concernant personnellement, cherche encore à incriminer la BCL, sans, manifestement, comprendre ou vouloir admettre, que l’instruction disciplinaire le vise lui, et non la direction de la BCL, ce qui est encore de nature à jeter des doutes quant à la prétendue prise de conscience de l’intéressé.

Il convient ensuite de relever que les juges du fond étant appelés à statuer en tant que juges de la réformation, il aurait appartenu au requérant, le cas échéant, plutôt que se prévaloir 22de l’absence d’audition du témoin proposé, de verser une attestation testimoniale de ce dernier, de sorte à permettre aux juges du fond, d’une part, d’apprécier l’incidence de la non-

convocation de ce témoin sur les droits de la défense du requérant et sur leur effectivité, et, d’autre part, de permettre éventuellement aux juges du fond de tenir compte de ce témoignage dans leur évaluation de la sanction à prononcer.

Il appert toutefois en l’état actuel du dossier que le fait d’avoir ainsi prétendument été empêché de se prévaloir d’un tel témoignage peut être considéré comme dénué de conséquence concrète en l’absence, à ce jour, de toute indication ou précision quant au sens, à la portée ou au contenu de cet éventuel témoignage.

Enfin, il convient à nouveau de constater que le requérant persiste en sa croisade contre la BCL, alors qu’il n’apparait pas que d’éventuelles pratiques illégales récurrentes au sein de la BCL, même à les supposer établies, justifient, tel que relevé par le Conseil de discipline, la « terminologie virulente, particulièrement humiliante, offensante et blessante », bref, inacceptable, utilisée de manière répétée et publiquement par le requérant, consistant essentiellement à dénoncer certains de ses supérieurs hiérarchiques d’être les auteurs, co-

auteurs ou complices de crimes et délits, et ce alors même que ces reproches ont été définitivement abjugés par la Cour administrative.

Il n’appert en tout état de cause pas qu’il s’agisse simplement, tel qu’actuellement plaidé, d’une communication déterminée et insistante, mais non indigne ou inacceptable ; au contraire, l’attitude persistante du requérant semble davantage relever elle-même de l’infraction de la dénonciation calomnieuse, c’est à-dire faite méchamment, étant relevé que l’intention méchante est souvent considérée comme établie si la fausseté du fait dénoncé est démontrée, ou encore lorsqu’on dénonce des faits vrais qu’on a volontairement dénaturés ou tronqués en les entourant de circonstances qui en modifient le caractère, ou auxquels, dans l’intention de nuire, on leur attribue une qualification pénale qui entraîne l’ouverture d’une enquête, voire des poursuites.

Ce moyen ne présente dès lors pas non plus en l’état actuel du dossier le sérieux nécessaire.

Il suit de toutes les considérations qui précèdent que la demande est à rejeter, sans qu’il n’y ait par ailleurs lieu d’examiner la question d’un risque de préjudice grave et définitif dans le chef du requérant, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000.- euros formulée par le requérant laisse d’être fondée, les conditions légales afférentes n’étant pas remplies en cause.

Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette le recours tendant à l’obtention d’un sursis à exécution ;

23rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telles que formulée par le requérant ;

condamne le requérant aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 mai 2024 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 mai 2024 Le greffier du tribunal administratif 24


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50271R
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-05-07;50271r ?

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