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25/03/2024 | LUXEMBOURG | N°50100

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 mars 2024, 50100


Tribunal administratif N° 50100 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50100 5e chambre Inscrit le 26 février 2024 Audience publique extraordinaire du 25 mars 2024 Recours formé par Monsieur … et consort, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50100 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 fÃ

©vrier 2024 par Maître Radu Alain DUTA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre d...

Tribunal administratif N° 50100 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50100 5e chambre Inscrit le 26 février 2024 Audience publique extraordinaire du 25 mars 2024 Recours formé par Monsieur … et consort, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50100 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 février 2024 par Maître Radu Alain DUTA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … , ainsi que de Madame …, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation 1) d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 9 février 2024 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à leur demande de protection internationale et 3) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 mars 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le président de la cinquième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST en sa plaidoirie à l’audience publique du 13 mars 2024, Maître Radu Alain DUTA s’étant excusé.

Le 28 novembre 2022, Monsieur … et son épouse, Madame …, introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale, au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée-police des étrangers, de la police grand-ducale, dans un rapport du même jour. Il s’avéra à cette occasion que tant Monsieur … que Madame … étaient détenteurs d’un permis de séjour en cours de validité en Italie.

En date du 5 décembre 2022, Monsieur … et Madame … furent entendus par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leur demande de protection internationale, en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etatmembre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Le 7 décembre 2022, les autorités luxembourgeoises adressèrent des demandes de prise en charge de Monsieur … et de Madame … sur base de l’article 12, paragraphe (1) ou (3) du règlement Dublin III à leurs homologues italiens, demandes qui furent acceptées, sur cette même base juridique, par ces derniers en date du 2 février 2023 respectivement du 22 mars 2023.

Le 6 février 2023, Madame … a mis au monde un enfant appelé … au nom duquel Monsieur … et Madame … ont ensuite introduit une demande de protection internationale en date du 28 février 2023.

Par courrier du 11 août 2023, le ministre informa Monsieur … ainsi que Madame … que le Grand-Duché de Luxembourg était devenu responsable pour l’examen de leur demande de protection internationale sur base de l’article 29, paragraphe (2) du règlement Dublin III.

Le 10 janvier 2024, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale. L’entretien de Madame … eut lieu le 17 janvier 2024.

Par décision du 9 février 2024, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié le 12 février 2024, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … et Madame … , désignés ci-après par « les consorts … », qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale ainsi que de celle de leur fils mineur … , dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27 (1) a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Dans ladite décision, le ministre résuma les déclarations des consorts … comme suit :

« […] Monsieur, vous déclarez être de nationalité sénégalaise, d'ethnie Mandinka, de confession musulmane et avoir dernièrement vécu à … au Sénégal jusqu'en décembre 2010.

Vous auriez quitté votre pays d'origine pour rejoindre la Gambie, où aurait résidé votre mère, pour finalement décider de quitter le continent africain et rejoindre l’Italie en mars, respectivement, juin 2011, pays où vous auriez ensuite résidé et travaillé jusqu'en février 2022.

En décembre 2019, vous seriez retourné au Sénégal et en Gambie, date à laquelle vous auriez également épousé Madame …. Vous seriez ensuite retourné en Italie en février 2020 et votre femme vous aurait rejoint en février, respectivement en mars 2022, avec un visa émis par les autorités italiennes. Après la perte de votre emploi en février 2022, vous auriez décidé de quitter l'Italie pour des raisons économiques et personnelles, alors que vous n'auriez plus réussi à subvenir à vos besoins. Vous seriez, avec votre femme enceinte, arrivés au Luxembourg en novembre 2022.

Le 10 janvier 2024, lors de votre entretien individuel sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, vous déclarez ne pas réellement savoir pourquoi vous auriez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg.

Vous complétez vos déclarations en affirmant « I let Senegal in 2010 because I had nothing to do, I did not have a job, I did not study. I wanted to have a better future outside my country and came to Europe » (p.7/11 de votre rapport d'entretien Monsieur). Vous confirmez également ne jamais avoir subi un quelconque problème au Sénégal et uniquement avoir quitté votre pays d'origine « to find a better life here in Europe » (p.7/11 de votre rapport d'entretien Monsieur). En ce sens vous reconfirmez le fait que votre but principal aurait été de venir en Europe : « I just want to come to Europe » (p.8/11 de votre rapport d'entretien Monsieur).

Lors de ce même entretien, vous avancez finalement encore d'autres raisons, notamment le fait d'avoir quitté votre pays d'origine, d'une part, en raison de l'insécurité et la criminalité des rebelles en … , qui recrutent de force des jeunes individus et, d'autre part, en raison du décès de votre père.

Madame, vous déclarez être de nationalité gambienne, de confession musulmane et avoir dernièrement vécu à … en Gambie. Vous auriez épousé votre époux, Monsieur …, le … à … en Gambie, votre ancien lieu de résidence et vous auriez rejoint votre conjoint en Italie en février, respectivement mars 2022, avec un visa obtenu à l'ambassade italienne de Dakar et émis pour raisons familiales.

Le 17 janvier 2024, lors de votre entretien individuel sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, vous déclarez avoir introduit une demande de protection internationale « Because Luxembourg is a good country. We prefer to live here as a family » (p.6/9 de votre rapport d'entretien Madame). Vous complétez vos paroles en disant n'avoir aucun problème en Gambie et ne pas craindre d'y retourner, Vous auriez uniquement « (…) no future there, no job. It is better if we stay here in Europe (p.6/9 de votre rapport d'entretien Madame). Vous n'auriez également aucun avenir au Sénégal (p.7/9 du rapport d'entretien).

Le 28 février 2023, lors de l'introduction de la demande de protection internationale pour le compte de votre fils, le 10 janvier 2024 lors de votre entretien individuel, Monsieur ;

et le 17 janvier 2024 lors de votre entretien individuel, Madame, vous affirmez, tous les deux, que votre fils n'aurait aucune crainte personnelle ni en Gambie, ni au Sénégal. Vous complétez vos propos en déclarant qu'il y aurait, certes, un manque de sécurité dans les deux pays, mais que votre but initial serait de lui offrir un meilleur avenir (p.7/9 de votre rapport d'entretien Madame ; p.8/11 de votre rapport d'entretien Monsieur ; fiche de motifs remplie par Madame et Monsieur concernant leur fils). […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 février 2024, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation (i) de la décision du ministre du 9 février 2024 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, (ii) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à leur demande de protection internationale et (iii) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

A titre liminaire, force est de constater que la requête introductive d’instance indique dans le cadre de son introduction être fondée sur la « loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection » laquelle a été abrogée par l’article 83 de la loi du 18 décembre 2015, de sorte à ne pas être applicable au recours sous examen.

Toutefois, étant donné que dans le cadre du développement des moyens la requête introductive d’instance cite, notamment, des dispositions de la loi du 18 décembre 2015, il y a lieu d’admettre que la référence à la loi précitée entretemps abrogée du 5 mai 2006, constitue uneerreur matérielle et que le recours est fondé sur la loi du 18 décembre 2015.

Etant donné que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 9 février 2024, telles que déférées.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A titre liminaire, les demandeurs contestent la légalité externe des décisions déférées en soulevant une violation de l’article 10 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ». Ils argumentent, ainsi, avoir été privés de l’assistance d’un avocat lors de leur entretien par un agent du ministère en date du 17 janvier 2024, puisque les autorités ministérielles auraient omis d’avertir leur avocat de la date de l’audition. L’absence de leur litismandataire lors de cet entretien leur causerait grief puisqu’ils ne sauraient pas comment préparer un tel entretien ni même « verbaliser de manière complète les persécutions subies ».

Le délégué du gouvernement conteste toute illégalité en faisant valoir que même si la convocation pour l’entretien n’a effectivement pas été adressée au représentant des demandeurs, elle leur a tout de même été adressée personnellement. De surplus, ni le demandeur ni la demanderesse n’auraient manifesté la volonté de reporter l’entretien en raison de l’absence de leur avocat. Enfin, et en tout état de cause, l’article 13, (2) de la loi du 18 décembre 2015 n’instaurerait pas la présence de l’avocat lors de l’entretien du demandeur de protection internationale en simple faculté et non point en une obligation.

Aux termes de l’article 10 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 : « Toute partie à une procédure administrative a le droit de se faire assister par un avocat ou, dans des affaires de nature technique, d´un conseil technique. Elle pourra également se faire représenter sous les mêmes distinctions, sous réserve des cas où sa présence personnelle est requise.

En cas de désignation d´un mandataire, l´autorité adresse ses communications à celui-

ci. Toutefois, la décision finale est en outre notifiée à la partie elle-même. » L’article 13 (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que : « « (2) Le demandeur a le droit à un entretien personnel sur le fond de sa demande de protection internationale avec un agent du ministre, sans préjudice des articles 28 et 32.

Il se présente à l’entretien et répond personnellement aux questions qui lui sont posées par l’agent du ministre, qui mène l’entretien. Il peut se faire accompagner par un avocat qui, à la fin de l’entretien, a la possibilité de formuler des observations.

4 L’absence d’un avocat n’empêche pas les agents du ministre de mener un entretien personnel avec le demandeur, sans préjudice de l’article 20. ».

En l’espèce, il est constant en cause que le litismandataire des demandeurs n’a pas reçu communication de la convocation à l’entretien au ministère des demandeurs en violation de l’article 10, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979. Toujours est-il que les consorts … eux-mêmes ont bien reçu communication de ladite convocation et ni Monsieur … ni Madame … n’ont requis la présence de leur avocat lors de leurs entretiens respectifs auprès du ministère.

Enfin, et surtout, il ressort de l’article 13 (2) précité de la loi du 18 décembre 2015 qu’un demandeur de protection internationale a certes le droit de se faire assister par un avocat lors de l’audition auprès du ministère, la présence de l’avocat lors de ladite audition n’est toutefois pas obligatoire et l’article 13 (2) dispose que l’absence de l’avocat n’empêche pas l’agent ministériel de mener l’entretien personnel avec le demandeur de protection internationale. Dès lors, l'absence de l'avocat durant l'entretien ne saurait entacher la décision du ministre d'illégalité. Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

A l’appui des trois volets de leur recours et quant au fond, les demandeurs exposent les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, en expliquant que Monsieur … serait de nationalité sénégalaise et Madame … de nationalité gambienne. Ils auraient fui les persécutions subies au Sénégal, en raison notamment du climat général de violence incontrôlée qui y régnerait dans et plus particulièrement dans la région de … laquelle se trouverait en guerre civile et ferait l’objet d’actions armées excessivement violentes des autorités gouvernementales afin de récupérer la région du contrôle des rebelles. La situation serait proche du chaos en raison du fait que la … serait une région de non-droit, étant contrôlée de facto par des rebelles séparatistes. Il s’agirait d’une région touchée par un conflit armé localisé depuis plus de quarante années opposant les forces rebelles indépendantistes du Mouvement des forces démocratiques de … et les forces armées du gouvernement du Sénégal. Après avoir résumé l’historique des dernières années de ces hostilités, les demandeurs expliquent qu’en 2022 l’armée sénégalaise aurait pu afficher une victoire sur les rebelles, dont les chefs auraient pris la fuite. Cette victoire serait toutefois restée stérile, puisque la résistance casamançaise se serait de nouveau organisée depuis lors. Les demandeurs précisent que ce serait dans ce contexte qu’ils auraient déclaré que le Luxembourg représenterait les meilleures garanties de sécurité, de stabilité et de paix pour eux. Ils affirment que mis à part les persécutions subies, ils n’auraient eu aucune raison de quitter leur pays d’origine, disposant de moyens financiers leur ayant permis de poursuivre un train de vie décent.

Les demandeurs contestent encore la présence d’incohérences dans leur récit et rappellent à cet égard qu’ils auraient été privés de la présence de leur avocat lors de leurs entretiens respectifs.

De même, les demandeurs contestent que les actes invoqués ne seraient pas suffisamment graves pour justifier le statut de réfugié et qu’ils n’émaneraient pas de personnes qualifiées comme acteurs au sens de la loi. Les craintes de persécution dont ils feraient état seraient parfaitement crédibles au regard des exactions commises par les milices armées ou des groupuscules de malfaiteurs. D’ailleurs, le conflit persisterait bel et bien et continuerait de faire des victimes, l’offensive militaire de 2022 n’ayant pas été suivie d’effets sur le plan des négociations et du dialogue. A l’heure actuelle, la situation dans la région resterait extrêmement préoccupante donnant l’impression qu’il suffirait d’une étincelle pour faire rejaillir le conflit.

La situation serait en effet loin de s’être améliorée, le pays étant toujours au bord du chaos.

Enfin, les demandeurs estiment pouvoir bénéficier du statut de la protection subsidiaire puisqu’ils risqueraient la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements inhumains ou dégradants ou des menaces graves contre leur vie en raison de la violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé. Ils renvoient à cet égard à leurs explications relatives à la situation générale au Sénégal.

Finalement, les demandeurs sollicitent la réformation de la décision portant ordre de quitter le territoire en tant que conséquence de la réformation de la décision de rejet de leur demande de protection internationale.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en son triple volet.

Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier de manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.

Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé. En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.

1) Quant au volet du recours dirigé contre la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée S’agissant en premier lieu du recours dirigé contre la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale des consorts … dans le cadre d’une procédure accélérée, il y a lieu de relever que la décision ministérielle déférée est fondée en ce qui concerne Monsieur … sur les dispositions des points a) et b) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015 et en ce qui concerne Madame … sur les dispositions du point a) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquels « Sous réserve des articles 19 et 21, 6 le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27 (1) a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la même loi.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Concernant plus particulièrement le point b) de l’article 27 (1), précité, de la loi du 18 décembre 2015 sur lequel le ministre a fondé la décision déférée à l’égard de Monsieur … et visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes :

« (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.

(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.

Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.

7 La situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent paragraphe est régulièrement examinée par le ministre ».

Il est constant en cause que le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », a désigné le Sénégal comme pays d’origine sûr1 et il se dégage en l’espèce des éléments du dossier que Monsieur … a la nationalité sénégalaise.

Au vu du libellé de l’article 30 (1) de la loi du 18 décembre 2015, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis des raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

En l’espèce, le ministre a conclu que Monsieur … provient d’un pays qui, dans son chef, serait à qualifier de pays d’origine sûr, de sorte qu’il y a lieu d’analyser si, conformément à l’article 30 (1) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur a soumis des raisons sérieuses permettant de penser que le Sénégal ne serait pas un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

Dans la mesure où, aux termes dudit article 30 (1) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen doit se faire en tenant compte « […] des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale […] », il y a, à ce stade, lieu d’exposer la teneur de ces conditions.

Aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes 1 Article 1er du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire :

« (1)Sont considérés comme pays d'origine sûrs au sens de l'article 21 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection: (…) -

la République du Sénégal; »invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Ces précisions étant faites, le soussigné constate que le demandeur omet d’établir l’existence, dans son chef, de raisons sérieuses permettant de penser que le Sénégal ne serait pas un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale, telles que décrites ci-avant.

A cet égard, s’agissant d’abord de la situation sécuritaire régnant en … , la soussignée constate qu’il se dégage des articles de presse invoqués tant par le demandeur lui-même que par la partie étatique, à savoir un article publié le 22 février 2021 sur le site internet « www.iris-

france.org », intitulé « … : « une situation de ni guerre ni paix » depuis quarante ans », ainsi que d’un article publié le 16 mars 2022 sur le site internet « www.fide.org », intitulé « Afrique/Sénégal – … , Sant’Egidio : « Arrêtez les combats et reprenez les négociations », d’un article publié le 5 janvier 2024 sur le site internet « www.lemonde.fr », intitulé « Dans le sud du Sénégal, le retour en terrain miné des déplacés de … » et enfin, du rapport du United States Departement of State, Bureau of Democracy, Human Rights and Labor, 2022 Country Reports on Human Rights Practices: Senegal, que cette région est le théâtre d’un conflit debasse intensité mené depuis 1982 par les séparatistes du « Mouvement des forces démocratiques de … » (« MFDC »), qui est resté latent jusqu’au lancement en janvier 2021 par l’armée sénégalaise d’une offensive majeure contre les rebelles. Il en ressort encore qu’un accord de paix et de dépôt des armes a été conclu en date du 4 août 2022 entre le Sénégal et le MFDC. Enfin, il ressort plus particulièrement de l’article récent du 5 janvier 2024, précité, publié sur le site internet www.lemonde.fr, que même si les conditions de vie restent précaires voire périlleuses en raison des mines se trouvant encore dans la région, les habitants jadis déplacés de la région retournent en … et les villages, désertés dans les années 1990, se sont repeuplés.

Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la situation sécuritaire régnant actuellement en … n’est manifestement pas de nature à établir, à elle seule, l’existence, dans le chef de Monsieur …, d’une crainte fondée d’être persécuté ou d’un risque réel subir des atteintes graves, en cas de retour dans son pays d’origine.

Quant à la situation personnelle du demandeur, la soussignée constate qu’il ressort des déclarations du demandeur telles qu’actées dans le cadre du rapport d’audition dressé lors de l’entretien par un agent du ministère que le demandeur n’a fait état que de manière marginale de la situation dans la région de …, en expliquant qu’il aurait quitté le Sénégal en raison du risque émanant des rebelles de … , en raison du fait qu’il ne voulait pas tuer et puisqu’il aspirait à un meilleur avenir en Europe2. Dans le cadre du même entretien, le demandeur a encore répondu à la question de savoir ce qu’il aurait personnellement subi en … que rien ne lui serait arrivé et qu’il aurait quitté le Sénégal pour trouver une meilleure vie en Europe, tout en ajoutant qu’il ne pouvait pas fournir de précisions quant aux rebelles de … à part le fait qu’ils voudraient devenir indépendant du Sénégal3.

Dans le cadre de sa requête introductive d’instance, Monsieur … explique à l’appui de sa demande de protection internationale que la situation dans la région de … resterait « extrêmement préoccupante donnant l’impression qu’il suffira d’une étincelle pour faire jaillir le conflit », ainsi, la région de … se serait « considérablement appauvrie laissant un terreau propice aux développements des bandes et groupuscules séditieux ». Il ajoute que la protection de l’Etat serait illusoire dans une région qui ne serait pas entièrement sous le contrôle de l’Etat.

Au vu des explications du demandeur force est de conclure qu’il ne fait état d’un sentiment général d’insécurité sans pour autant faire état d’un quelconque élément personnel de nature à établir l’existence, dans son chef d’une crainte fondée d’être persécuté, ni d’un risque réel de subir des atteintes graves.

Il suit des considérations qui précèdent que le demandeur ne fait manifestement pas état d’une crainte fondée d’être victime d’actes de persécution ou d’atteintes graves, en cas de retour au Sénégal.

Dans ces circonstances, la soussignée conclut que le recours en ce qu’il est dirigé contre 2 Rapport d’audition du 20 janvier 2024, p. 8 : « The reason why I leave Senegal, is the risk of Casamance rebels, that I did not want to kill people, and that I wanted a better future here in Europe. » 3 Rapport d’audition du 20 janvier 2024, p. 7 : « Did anything happen to you personally in that regard? – No, no, nothing happened to me in Senegal. I left Senegal to find a better life here in Europe. – You mention rebels in Casamance. What exactly can you tell us about that situation? – I am not sure. Casamance wants to become a country independent of Senegal, but I don’t know in detail. »la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée à l’égard de Monsieur … est à déclarer manifestement infondé, en ce sens que le demandeur n’a manifestement fourni aucune raison sérieuse permettant de retenir que compte tenu de sa situation personnelle et compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale, le Sénégal, inscrit sur la liste des pays d’origine sûrs conformément au règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, ne constitue pas un pays d’origine sûr dans son chef, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les moyens fondés sur l’article 27 (1) a) de la loi du 18 décembre 2015 à son égard, cet examen devenant surabondant.

Concernant ensuite plus particulièrement le point a) de l’article 27 (1), précité, de la loi du 18 décembre 2015 sur lequel le ministre a fondé la décision déférée de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée à l’égard de Madame …, il convient de rappeler que le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande de protection internationale. Quant à l’analyse d’une telle demande de protection internationale ainsi que les définitions des notions de « protection internationale », « réfugié », « bénéficiaire d’une protection subsidiaire » il y a lieu de renvoyer aux dispositions précitées des articles 2 h), 2 f), 2 g), 39 et 42 de la loi du 18 décembre 2015.

En l’espèce, il ressort du rapport d’audition que Madame …, de nationalité gambienne, qu’elle a quitté la Gambie en raison de son mariage, pour vivre en Italie avec son mari.

Deux conclusions s’imposent dès lors concernant la demande de protection internationale de Madame ….

En premier lieu, force est de constater que tant la notion de « réfugié » que celle de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine, ledit « pays d’origine » étant pour sa part défini à l’article 2 p) de la loi du 18 décembre 2015, comme étant « le pays ou les pays dont le demandeur a la nationalité ou, s’il est apatride, le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle ».

En l’espèce, il est constant en cause que la demanderesse possède la nationalité gambienne. Elle ne fait toutefois état d’aucun élément soutenant la crainte de faire l’objet de persécutions respectivement d’atteintes graves en cas de retour en Gambie. Bien au contraire, il ressort de ses déclarations telles qu’actées au rapport d’audition qu’elle n’a rencontré aucune difficulté en Gambie dans la mesure où elle répond sur question afférente : « Nothing, there is no problem to live in Gambia »4.

Dans le même contexte, il s’impose encore de constater que la situation générale dans la région de … en Sénégal dont les demandeurs font état dans le cadre de leur requête introductive d’instance ne sont pas pertinents au regard de l’examen visant à déterminer si la demanderesse remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale du fait de sa nationalité gambienne, étant encore précisé qu’en tout état de cause, la soussignée vient de retenir que le Sénégal est à considérer comme pays d’origine sûr.

4 Rapport d’audition du 17 janvier 2024, p. 6En second lieu, il s’impose de constater que les motifs invoqués à la base de la demande de protection internationale se résument manifestement à des problèmes économiques qui ne sauraient justifier l’octroi d’un statut de protection internationale.

En effet, la demanderesse déclare qu’elle a quitté la Gambie pour avoir un meilleur avenir en Europe avec son mari. Elle explique, ainsi, avoir demandé une protection internationale en raison du fait que : « Luxembourg is a good country. We prefer to live here as a family. » et « Because since I married my husband, I want to live in Europe. ». Interrogée sur les craintes qu’elle aurait en cas de retour en Gambie, elle répond : « Nothing, But we have no future there, no job. It is better if we stay here in Europe. »5.

Dès lors, il ressort des déclarations de la demanderesse telles qu’actées au rapport d’audition que les faits qui l’ont amenée à quitter son pays d’origine, ne sont pas motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 de la loi du 18 décembre 2015 et qu’elle ne fait par ailleurs pas non plus état d’une crainte de subir des persécutions ou atteintes graves en cas de retour en Gambie.

Eu égard aux considérations qui précèdent, c’est dès lors à bon droit que le ministre, après analyse de la situation concrète de la demanderesse, a pu statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée en se fondant sur le point a) précité de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015.

Il s’ensuit que le recours tendant à la réformation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé.

2) Quant à la décision de refus d’accorder une protection internationale Quant au fond et s’agissant des conditions d’octroi d’un statut de protection internationale, la soussignée renvoie aux développements faits ci-avant dans le cadre de l’analyse du recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.

La soussignée rappelle plus particulièrement qu’il vient d’être retenu ci-avant, d’une part, que la situation sécuritaire régnant actuellement en …, région d’origine de de Monsieur … , n’est manifestement pas de nature à établir, à elle seule, l’existence, dans son chef d’une crainte fondée d’être persécuté ou d’un risque réel subir des atteintes graves, en cas de retour au Sénégal et, d’autre part, que le demandeur n’a fait état d’aucun élément de nature à faire ressortir dans son chef une crainte personnelle d’être victime d’actes de persécution ou d’atteintes graves. Par ailleurs, il vient d’être retenu que la demanderesse possédant la nationalité gambienne ne fait état d’aucun élément soutenant la crainte de faire l’objet de persécutions respectivement d’atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine et que de surplus les motifs invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale sont d’ordre purement économiques.

Dès lors, et dans la mesure où, dans le cadre du présent recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de refus d’octroi d’un statut de protection internationale, la soussignée ne s’est pas vu soumettre d’éléments permettant d’énerver ces conclusions, les faits 5 Rapport d’entretien, p.6invoqués par les consorts … à l’appui de leur demande de protection internationale ne sauraient manifestement justifier ni l’octroi du statut de réfugié, ni l’octroi de la protection subsidiaire.

Dans ces circonstances, la soussignée conclut que le recours sous examen est à déclarer manifestement infondé et que les demandeurs sont à débouter de leur demande de protection internationale.

3) Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant ordre de quitter le territoire Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, la soussignée relève qu’aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Etant donné qu’il vient d’être retenu que le recours dirigé contre la décision du ministre portant rejet de la demande de protection internationale des consorts … est manifestement infondé et qu’un retour des demandeurs dans leurs pays d’origine que ce soit au Sénégal ou en Gambie ne les expose dès lors ni à des actes de persécution ni à des atteintes graves, le ministre a valablement pu assortir sa décision de refus d’un ordre de quitter le territoire, sans violer les dispositions de l’article 129 de la loi du 29 août 2008.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le premier vice-président présidant la cinquième chambre du tribunal administratif, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 9 février 2024 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours principal en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute les demandeurs de leur demande de protection internationale ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 25 mars 2024 par la soussignée, Françoise EBERHARD, premier vice-président au tribunal administratif, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 mars 2024 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50100
Date de la décision : 25/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-03-25;50100 ?

Source

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