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25/03/2024 | LUXEMBOURG | N°50099R

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 mars 2024, 50099R


Tribunal administratif Numéro 50099R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50099R Inscrit le 26 février 2024 Audience publique du 25 mars 2024 Requête en sursis à exécution présentée par l’assemblée générale des actionnaires de la société anonyme A, …, « sinon et à défaut » par le conseil d’administration de la société B, …, ainsi que par la société B, …, contre une décision de la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER en matière de législation relative aux fonds d’investissement

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 50099 d...

Tribunal administratif Numéro 50099R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50099R Inscrit le 26 février 2024 Audience publique du 25 mars 2024 Requête en sursis à exécution présentée par l’assemblée générale des actionnaires de la société anonyme A, …, « sinon et à défaut » par le conseil d’administration de la société B, …, ainsi que par la société B, …, contre une décision de la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER en matière de législation relative aux fonds d’investissement

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 50099 du rôle et déposée le 26 février 2024 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée VOGEL AVOCAT SARL, établie à L-1660 Luxembourg, 74, Grand-rue, inscrite sur la liste V du Tableau de l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au Barreau de Luxembourg, au nom de 1) l’assemblée générale des actionnaires de la société anonyme A, Luxembourg, établie et ayant son siège social à …, inscrite au Registre de Commerce et des Sociétés sous le numéro …, « défaut du conseil d’administration de la société anonyme A., qui n’est plus en état d’agir, alors que la plupart des membres ont démissionné », « sinon et à défaut » le conseil d’administration de la société B, établie et ayant son siège social à … inscrite au Registre de Commerce et des Sociétés sous le numéro …, qui est à 100% actionnaire de la société A, 2) la société anonyme B, détenant 100% de la société A, préqualifiée, tendant à l’obtention du sursis à exécution par rapport à la décision de la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER (« CSSF »), établissement public établi et ayant son siège à L-2991 Luxembourg, 283, route d’Arlon, représenté par son comité directeur, du 5 février 2024, par laquelle la CSSF a procédé au retrait définitif des agréments de la société anonyme A et à sa radiation des listes officielles en application des articles 103, paragraphe 1er de la loi modifiée du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif et de l’article 108, paragraphe 1er et de l’article 7, paragraphe 1er de la loi modifiée du 12 juillet 2013 relative aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, cette requête s’inscrivant dans le cadre d’un recours en annulation introduit le 22 février 2024 et inscrit sous le numéro 50074 du rôle, dirigé contre la décision en question ;

Vu l’avis urgent adressé le 6 mars 2024 par le greffe du tribunal administratif à Maître Gaston VOGEL l’invitant à communiquer les exploits de signification des requêtes au fond et en référé ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Laura GEIGER, demeurant à Luxembourg, du 29 février 2024, portant signification de la prédite requête en obtention de mesures provisoires à la CSSF ;

Vu la constitution d’avocat de la société RODESCH AVOCATS A LA COUR SARL, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg, représentée par Maître Stéphane SUNNEN, avocat à la Cour, inscrite au Barreau de Luxembourg, au nom de la CSSF, du 4 mars 2024 ;

Vu la note de plaidoiries communiquée le 13 mars 2024 au soussigné par Maître Stéphane SUNNEN au nom de la CSSF ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Maître Valentin FÜRST, en remplacement de Maître Gaston VOGEL, pour la partie requérante, ainsi que Maître Virginie VERDANET et Maître Stéphane SUNNEN, pour la CSSF, entendus en leurs plaidoiries respectives aux audiences publiques des 13 mars 2024 et 22 mars 2024.

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La société anonyme de droit luxembourgeois A, agréée en tant que société de gestion soumise aux dispositions du chapitre 15 de la loi modifiée du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif, se vit adresser en date du 1er octobre 2021 un courrier de la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER (ci-après « CSSF »), lui notifiant son intention de procéder au retrait des agréements dont elle bénéficiait à ce jour.

Cette intention ainsi annoncée fut réalisée par décision de la CSSF du 5 février 2024, ladite décision étant libellée comme suit :

« Nous nous référons à la société anonyme de droit luxembourgeois A. (« A »), agréée en tant que société de gestion soumise aux dispositions du chapitre 15 de la loi du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif telle que modifiée (la « Loi 2010 ») et autorisée en tant que gestionnaire de fonds d’investissement alternatifs conformément aux dispositions de l’article 5 de la loi du 12 juillet 2013 relative aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs telle que modifiée (la « Loi 2013 »). A est détenue à 100% par la société de droit luxembourgeois B, elle-même détenue à 100% par Messieurs … et ….

Nous faisons également référence à notre lettre du 1er octobre 2021 (N/Référence : …) par laquelle nous vous avons communiqué les éléments factuels et légaux, et notamment l’absence de conformité à certaines exigences légales en matière de gouvernance et d’actionnariat, sur base desquels la Commission de Surveillance du Secteur Financier (ci-

après, la « CSSF ») envisage de prononcer le retrait des agréments de A et sa radiation des listes officielles au cas où le candidat acquéreur des actions de A, à savoir la société C, établie selon le droit des îles Vierges britanniques (ci-après « le candidat acquéreur »), ne soumet pas à la CSSF de dossier de changement d’actionnariat complet dans un ultime délai de 3 semaines (c’est-à-dire jusqu’au 25 octobre 2021), éléments rappelés ensuite dans notre lettre du 27 juillet 2023 (…) et qui réitère l’intention de la CSSF de prononcer le retrait des agréments de A.

Nous nous référons par ailleurs aux éléments de droit et de fait, ainsi qu’aux échanges entre la CSSF et A à la suite de notre lettre précitée du 1er octobre 2021, tel que décrit ci-

après.

Tel qu’indiqué dans notre lettre précitée du 1er octobre 2021, rappelons que par deux décisions en date du 1er février 2021, la CSSF a arrêté que M. … (N/Référence : …) et M. … (N/Référence : …), respectivement, ne disposaient plus, et ce pour une période de cinq ans, de l’honorabilité professionnelle requise au sens des articles 102, paragraphe (1), points c) et f), et 103, paragraphe (1), de la Loi de 2010 et de l’article 7, paragraphe (1), points c) et d), de la Loi 2013 pour, entre autres, diriger ou détenir une participation qualifiée dans une société de gestion soumise aux dispositions du chapitre 15 de la Loi 2010 ou un gestionnaire de fonds d’investissement alternatifs agréé conformément aux dispositions de la Loi 2013.

Les décisions du 1er février 2021 précitées étant exécutoires avec effet immédiat à partir de leur notification engendraient une obligation pour les deux personnes concernées de démissionner avec effet immédiat de tous les mandats qui nécessitent le respect de la condition d’honorabilité professionnelle et de prendre les dispositions nécessaires afin de ne plus détenir aucune participation qualifiée, directe ou indirecte, dans des entités surveillées par la CSSF.

La CSSF a toutefois octroyé un délai de tolérance de six mois (c’est-à-dire jusqu’au 2 août 2021) en ce qui concerne spécifiquement les dispositions nécessaires à prendre par les personnes visées afin de ne plus détenir aucune participation qualifiée, directe ou indirecte, dans des entités surveillées par la CSSF. Ce délai de tolérance a été ensuite exceptionnellement prolongé par nos lettres de mise en demeure du 30 juillet 2021 (N/Référence : … et …) jusqu’au 9 août 2021. Aucun recours contre les décisions précitées du 1er février 2021 n’ayant été déposé auprès du Tribunal administratif dans les délais légaux impartis, lesdites décisions sont coulées en force de chose décidée et définitives.

Par courrier précité du 1er octobre 2021, la CSSF a accordé un ultime délai jusqu’au 25 octobre 2021 pour la soumission du dossier de rachat, comme expliqué ci-avant, prenant en considération (i) les explications fournies par Me … du cabinet d’avocats … en sa qualité de mandataire de M. … et M. … dans sa lettre du 2 août 2021, (ii) l’existence d’une promesse d’achat-vente de l’ensemble des actions de A datée du 30 juin 2021 en faveur de la société C, susmentionnée, (iii) qu’aucun dossier de rachat qui soit complet, cohérent, étayé par des pièces répondant aux exigences légales et démontrant une intention ferme, concrète et spécifique de reprise de l’actionnariat de A n’avait été transmis à la CSSF selon la forme et la pratique communément admise sur la place financière luxembourgeoise.

Par lettre du 15 octobre 2021, le cabinet d’avocats … avait demandé une prolongation de l’ultime délai donné par la CSSF pour la soumission d’un dossier de rachat tel que mentionné dans le point ci-avant. La CSSF a refusé une telle prolongation par lettre du 21 octobre 2021 (N/Référence : …) tout en constatant notamment qu’en date du 1er octobre 2021, et ce « malgré (i) qu’ait été à plusieurs reprises annoncée la soumission prochaine d’un dossier de rachat de l’ensemble des actions de A par un groupe grec dénommé « C », (ii) la tenue d’une entrevue entre la CSSF et des représentants de ce groupe au mois d’août 2021 et (iii) plusieurs rappels adressés à ce dernier par nos soins en septembre et octobre 2021, […]aucun dossier de demande d’agrément […]complet, cohérent, étayé par des pièces répondant aux exigences légales et démontrant une intention ferme, concrète et spécifique de reprise de l’actionnariat de A n’avait été transmis à la CSSF selon la forme et la pratique communément admise sur la place financière luxembourgeoise[…]. ». En outre, la CSSF a formellement réfuté dans cette lettre plusieurs allégations erronées, fausses ou inventées ainsi que des affirmations incorrectes formulées par ledit représentant à son encontre.

Trois dossiers de rachat des actions de A ont par la suite été soumis à la CSSF avant la fin de l’ultime délai du 25 octobre 2021 indiqué dans notre lettre précitée du 1er octobre 2021, dont un du groupe « C » (c’est-à-dire, la société à responsabilité limitée établie selon le droit des îles Vierges britanniques, C, représentée par le cabinet d’avocats … à Luxembourg, remplaçant le cabinet d’avocats …, ce dernier ayant indiqué à la CSSF en date du 22 octobre 2021 : « nous ne souhaitions plus les assister dans le cadre de ce dossier »), un du groupe « E » et un du groupe « D » (c’est-à-dire, le gestionnaire de fonds d’investissement luxembourgeois D., ci-après « D »). Le groupe « E » a par la suite décidé de se retirer du processus d’acquisition de A. Aucun autre dossier de rachat n’a été soumis ni avant la fin de l’ultime délai, ni après et jusqu’à la date de la présente.

En date du 26 octobre 2021, A, par le biais d’un courriel d’un de ses administrateurs et en ayant mis en copie du mail ses actionnaires, a confirmé que le dossier à considérer en priorité serait celui de D. Précisément, il a été écrit qu’« il apparait que le dossier de C semble incomplet au 25 octobre 2021. Le dossier à considérer en priorité sera donc celui de la société D » et référence a été faite à un « SPA signé de vente ferme et irrévocable pour les deux parties », c’est-à-dire, entre l’actionnaire de A et D. Par courriel du 29 octobre 2021, vous nous avez par ailleurs confirmé que les autres candidats acquéreurs seraient informés de votre choix par « l’avocat de A ».

À la suite de maints échanges entre la CSSF et A et/ou D dans le contexte de l’acquisition de A par D, vous nous avez informés par lettre du 21 juin 2022 que le dossier soumis par D était devenu caduc. Par notre lettre du 15 septembre 2022, nous avons informé B ainsi que D que la CSSF avait clôturé le dossier de rachat en vue de l’acquisition de A par D étant donné qu’un accord entre acheteur et vendeur faisait défaut. Ceci mettait également fin au processus d’évaluation du candidat acquéreur D par la CSSF dont le dossier n’était pas complet, et ne satisfaisait donc pas aux conditions et exigences légales.

À plusieurs reprises, des représentants du groupe « C » ont contacté la CSSF pour souligner leur intérêt de procéder au rachat de A, entre autres par une lettre du 10 mai 2022 adressée à A et transmise ensuite à la CSSF par un administrateur de A, et dans un courriel du 11 août 2022. À la suite d’un courriel de la CSSF du 22 août 2022 informant le groupe « C » de l’absence de soumission à la CSSF d’un dossier de rachat, ce dernier a informé la CSSF par courriel, en date du 24 août 2022, de l’intention de soumettre un dossier de rachat au plus tard le 31 août 2022.

Par courriel du 1er septembre 2022, le cabinet d’avocats … a soumis un dossier de rachat des actions de A par le groupe « C » en présentant nommément C comme candidat acquéreur et en précisant que certains documents relatifs au candidat acquéreur faisaient encore défaut tel que mentionné dans l’annexe 17 intitulé « outstanding documents » annexée au courriel mentionné ci-avant. Une partie de ces documents sont parvenus à la CSSF par courriel le 14 octobre 2022. La CSSF a accusé réception du nouveau dossier en date du 2 septembre 2022 en soulignant que la période d’évaluation ne commencerait qu’à compter du moment où le dossier serait considéré comme complet.

En date du 27 janvier 2023, une lettre incluant une liste détaillée d’informations manquantes visant à compléter le dossier de rachat soumis le 1er septembre 2022 a été adressée par la CSSF par courrier électronique au cabinet d’avocats …, précisément à M. … et M. …. Le dossier de rachat ne pouvait toujours pas être considéré comme complet à la date d’envoi de notre lettre précitée.

En date du 7 mars 2023, une entrevue a eu lieu entre des représentants du groupe « C » et de la CSSF afin d’échanger sur le projet de rachat. Il a été réitéré lors de cette entrevue qu’il était impératif de recevoir un retour détaillé, complet et exhaustif sur toutes les questions posées par la CSSF lors de cette visioconférence et dans sa lettre du 27 janvier 2023 afin de pouvoir continuer l’analyse du dossier de rachat. Par la suite, plusieurs relances sous forme écrite et téléphonique ont été faites afin de faire avancer le dossier.

Par lettre du 17 juillet 2023, la CSSF a avisé le groupe « C » que son dossier serait considéré comme devenu sans objet à défaut d’avoir obtenu un retour détaillé, complet et exhaustif à toutes les questions posées dans sa lettre du 27 janvier 2023 dans le délai de deux semaines suivant la date d’émission de ladite lettre, c’est-à-dire au plus tard le 31 juillet 2023.

Malgré une multitude d’échanges entre la CSSF et les représentants du candidat acquéreur depuis la date du 27 janvier 2023, la CSSF ne dispose toujours pas - plus d’un an après - de toutes les informations manquantes listées en détail dans la lettre susvisée du 27 janvier 2023 et donc a fortiori la CSSF ne dispose toujours pas d’un dossier de rachat complet, cohérent et étayé par des pièces répondant aux exigences légales selon la forme et la pratique communément admise sur la place financière luxembourgeoise.

Il découle de ce qui précède, mais également des nombreux échanges ayant eu lieu pendant l’année 2023 (et notamment le courrier électronique du 28 juillet 2023 adressé au cabinet d’avocats … par la CSSF suite à une conférence téléphonique du même jour par rapport au retour du cabinet d’avocats … du 21 juillet 2023, reprenant des points déjà indiqués par la CSSF dans sa lettre du 27 janvier 2023) et en janvier 2024 entre des personnes représentant le candidat acquéreur et la CSSF que la CSSF a continuellement fait part au candidat acquéreur du fait que d’importantes informations étaient manquantes et/ou que des clarifications devaient être données à la CSSF afin que cette dernière dispose d’un dossier de rachat complet, cohérent et étayé par des pièces répondant aux exigences légales selon la forme et la pratique communément admise sur la place financière luxembourgeoise.

Néanmoins, la CSSF n’a pas reçu, conformément aux dispositions de l’article 18 de la loi du 5 avril 1993 relative au secteur financier, telle que modifiée (ci-après, la « LSF ») auxquelles l’article 108 de la Loi 2010 se réfère, ainsi qu’aux dispositions des articles 6 et 7 de la Loi 2013 auxquelles se réfère l’article 9 de la Loi 2013, les éléments nécessaires afin de pouvoir considérer de fait et de droit le dossier de rachat comme complet, cohérent, étayé par des pièces répondant aux exigences légales selon la forme et la pratique communément admise sur la place financière luxembourgeoise. Par conséquent, la CSSF n’a pu faire droit à la demande tenant à l’acquisition d’une participation qualifiée directe à hauteur de 100% dans A par le candidat acquéreur C et a informé ce dernier de la clôture du dossier en date du 5 février 2024.

Ainsi, au vu des éléments de fait et de droit qui précèdent, à savoir (i) Messieurs … et … détiennent toujours à l’heure actuelle, par l’intermédiaire de la société B, 100% des actions de A en violation de la Loi 2010 et la Loi 2013, et ce depuis au moins le 9 août 2021, dès lors qu’ils ne disposent plus de l’honorabilité professionnelle requise pour ce faire, et (ii) que la CSSF a dûment informé le candidat acquéreur de la clôture de son dossier de demande de rachat, et (iii) qu’aucun dossier de rachat complet, cohérent, étayé par des pièces répondant aux exigences légales n’a été soumis à la CSSF en vue de l’acquisition de A depuis les décisions de la CSSF du 1er février 2021 prises à l’encontre de M. … et de M. …, respectivement, la CSSF doit constater que les conditions du maintien de l’agrément de A ne sont plus remplies.

À cet égard, nous vous rappelons les exigences suivantes de la Loi 2010 et de la Loi 2013 en matière d’actionnariat direct et indirect qui trouvent à s’appliquer à A :

Article 103, paragraphe (1), 2ème phrase, de la Loi 2010 :

La CSSF refuse l’agrément si, compte tenu de la nécessité de garantir une gestion saine et prudente de la société de gestion, la qualité desdits actionnaires ou associés n’est pas satisfaisante.

Article 108, paragraphe (1), de la Loi 2010 :

Les participations qualifiées dans une société de gestion sont régies par les mêmes règles que celles applicables aux entreprises d’investissement conformément à l’article 18 de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier. Aux fins de la présente loi, les termes « entreprise/entreprise d’investissement » et « entreprises d’investissement » contenus à l’article 18 de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier (« Loi de 1993 »), se lisent respectivement « société de gestion » et « sociétés de gestion ».

Article 7, paragraphe (1), de la Loi 2013 (nous soulignons) :

La CSSF n’accorde l’agrément au gestionnaire établi au Luxembourg qu’aux conditions suivantes :

d) les actionnaires ou les associés du gestionnaire qui détiennent des participations qualifiées conviennent pour cette mission, compte tenu de la nécessité de garantir la gestion saine et prudente du gestionnaire.

Article 18 de la LSF :

(1) […] La notion de gestion saine et prudente est appréciée à la lumière des critères d’évaluation énoncés au paragraphe (9).

(9) En procédant à l’évaluation de la notification prévue au paragraphe (5) et des informations visées au paragraphe (8), la CSSF apprécie, afin de garantir une gestion saine et prudente du PSF visé par l’acquisition envisagée et en tenant compte de l’influence probable du candidat acquéreur sur le PSF, la qualité du candidat acquéreur et la solidité financière de l’acquisition envisagée en appliquant l’ensemble des critères suivants :

a) l’honorabilité professionnelle du candidat acquéreur […].

Nous vous rappelons également que le point 7 de la Circulaire CSSF 18/698, qui précise la notion de gestion saine et prudente à laquelle font référence les articles précités, prévoit :

La notion de gestion saine et prudente est appréciée à la lumière des critères d’évaluation énoncés au chapitre 3 des orientations communes de l’AEMF, de l’ABE, et de l’AEAPP relatives à l’évaluation prudentielle des acquisitions et des augmentations de participations qualifiées dans des entités du secteur financier (… du 20 décembre 2016).

Le premier critère cité dans ces orientations communes est précisément la réputation du candidat acquéreur.

Il ressort de ces dispositions qu’une des principales garanties de gestion saine et prudente d’une entité surveillée est la qualité des actionnaires qualifiés (directs ou indirects) de cette dernière - analysée sous l’angle de la condition d’honorabilité professionnelle - dès lors que les actionnaires qualifiés pourront exercer une influence sur l’entité et sur le respect par cette dernière de toutes les règles qui lui sont applicables.

En l’espèce, dès lors que M. … et M. … ont respectivement été reconnus comme n’étant plus aptes à exercer une fonction sujette à agrément de la CSSF pour une période de cinq ans à compter du 1er février 2021 et donc non honorables professionnellement « pour avoir pris part à des opérations qui constituent, suivant l’appréciation de la CSSF, des pratiques douteuses et contraires au principe de gestion saine et prudente qui préside à l’activité régulée en tant que gestionnaire et contraires à l’activité irréprochable attendue d’un gestionnaire soumis à la loi luxembourgeoise », la gestion saine et prudente de A n’est plus assurée et un nouvel actionnaire honorable doit être agréé par la CSSF en remplacement de MM. … et …, en leur qualité d’ultimes actionnaires qualifiés de A.

Les articles 102, paragraphe (5), lettre c), de la Loi 2010 et 10, paragraphe (1), lettre c), de la Loi 2013 disposent que la CSSF peut retirer l’agrément donné à une société de gestion ou un gestionnaire, respectivement, lorsque celle-ci ou celui-ci « ne remplit plus les conditions d’octroi de l’agrément ».

Partant, et en application des dispositions précitées, la CSSF conclut que depuis le 1er février 2021, malgré l’octroi d’un délai de six mois et d’une tolérance exceptionnelle additionnelle jusqu’au 9 août 2021 et nonobstant tous les échanges ayant eu lieu entre la CSSF et le candidat acquéreur depuis cette date, suite à la lettre du 27 janvier 2023 susvisée listant en détail les informations alors toujours manquantes, et jusqu’en janvier 2024 aux termes desquels la CSSF s’est finalement vue obliger de conclure que des conditions légales posées par l’article 18 de la LSF n’étaient pas remplies par ledit candidat et n’a donc pas pu faire droit à sa demande d’acquisition à 100% de A, les conditions au maintien de l’agrément de A en tant que société de gestion et en tant que gestionnaire ne sont plus respectées.

La CSSF tient à rappeler encore une fois qu’elle ne saurait tolérer une pareille situation ouvertement illégale et préjudiciable à la confiance dans le secteur financier luxembourgeois.

En ce sens, la Cour administrative a retenu, dans un arrêt du 28 novembre 2011 (n°28610C du rôle), que « la CSSF exerce ses attributions exclusivement dans l’intérêt public, ce qui veut dire que sa surveillance n’est pas prioritairement destinée à sauvegarder les intérêts des seuls investisseurs, mais, au-delà, de maintenir la confiance du public, en général, dans la place financière par l’assurance du respect de la législation et des règles prudentielles en matière de gestion des avoirs confiées par des investisseurs aux organismes spécialisés.

Cette mission ne saurait être utilement exercée que moyennant un contrôle et une sanction stricts des règles applicables en la matière et non pas au moyen d’aménagements ad hoc permettant à l’un ou l’autre investisseur, au détour de la loi, de sauver provisoirement sa mise » (nous soulignons). Ces contrôle et sanction stricts trouvent également à s’appliquer au regard du respect des exigences tenant à la qualité de l’actionnariat des entités placées sous sa surveillance prudentielle.

Dès lors la CSSF arrête, compte tenu des éléments de fait et de droit développés ci-

avant, et en application des articles 102, paragraphe (5) lettre c), 103, paragraphe (1), et 108, de la Loi 2010, de l’article 18 de la LSF auquel renvoie l’article 108 de la Loi 2010, et des articles 7, paragraphe (1), lettre d), et 10 paragraphe (1) lettre c) de la Loi 2013, et en accord avec sa mission légale de surveillance prudentielle, le retrait définitif des agréments de A et sa radiation de la liste officielle des sociétés de gestion et de la liste officielle des gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs.

Le retrait décidé deviendra effectif trois (3) mois à partir de la réception de la présente et la CSSF s’attend à ce que les dirigeants de A se comportent de manière diligente et honorable dans le but de préserver les intérêts des investisseurs dans les fonds, respectivement des clients en gestion discrétionnaire, pour lesquels A preste des services de société de gestion, gestionnaire de fonds d’investissement alternatifs ou administration centrale.

Un recours contre la décision précitée est ouvert auprès du Tribunal administratif par un avocat à la Cour inscrit soit au barreau de Luxembourg, soit au barreau de Diekirch. Ce recours doit être introduit, sous peine de forclusion, dans un délai d’un (1) mois à partir de la notification de la présente.

La présente décision a été dûment prise par la Direction de la CSSF conformément à la loi du 23 décembre 1998 portant création d’une commission de surveillance du secteur financier, telle que modifiée, et au Règlement d’ordre intérieur de la Direction de la CSSF.

[…] ».

Par requête déposée en date du 22 février 2023, inscrite sous le numéro 50074 du rôle, l’assemblée générale des actionnaires de la société anonyme A, « défaut du conseil d’administration de la société anonyme A., qui n’est plus en état d’agir, alors que la plupart des membres ont démissionné », « sinon et à défaut » le conseil d’administration de la société B, en sa qualité d’actionnaire unique de la société A, ainsi que la société anonyme B, détenant 100% de la société A, ont fait déposer un recours en annulation contre la prédite décision de la CSSF du 5 février 2024.

Par requête déposée enregistrée le 26 février 2024 sous le numéro 50099R, les mêmes requérants sollicitent d’assortir la décision du 5 février 2024 de la CSSF du sursis à exécution dans l’attente de la décision sur le mérite de leur recours au fond.

Les parties requérantes font exposer que l’exécution de la décision déférée risquerait de leur causer un préjudice grave et définitif dans la mesure où ladite décision mettrait en péril la survie même de la société A. Elles exposent à ce sujet que la CSSF, dans une lettre datée du 5 février 2024, aurait informé les clients de la société concernée de sa décision tout en les incitant à agir « de manière urgente », impliquant ainsi l’interruption immédiate de leurs relations avec A et la cessation des paiements, avant même que la décision ne devienne définitive. Or, l’exécution de la décision entraînerait le blocage immédiat des parts des actionnaires ainsi que des coûts de transfert et des pertes dues à la liquidation de leurs fonds, de sorte qu’il existerait un risque de préjudice grave et définitif manifeste et imminent pour les parties requérantes.

Les parties requérantes, reprenant à cette fin les moyens développés dans leur recours au fond, estiment encore que ceux-ci seraient suffisamment sérieux pour justifier le sursis à exécution tel que sollicité.

Dans ce contexte, les parties requérantes exposent devant les juges du fond les moyens suivants :

Elles invoquent d’abord une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sur la procédure administrative non contentieuse, en soutenant que depuis fin octobre 2021, la CSSF se serait exclusivement adressée à l’acheteur potentiel, soit le gestionnaire de fonds d’investissement luxembourgeois D. au départ et ensuite, la société C, ne permettant ainsi nullement à la société A de suivre l’affaire, de collaborer et de présenter ses observations avant la décision définitive de la CSSF.

Elles reprochent encore à la CSSF de s’être adressée aux clients de la société A sans attendre que sa décision soit définitive, « c’est-à-dire coulée en force de chose jugée », de sorte que la CSSF aurait agi en violation des règles de droit et de la plus élémentaire délicatesse, les parties requérantes estimant qu’une telle décision gravissime, qui aurait pour effet d’infliger à la société concernée un coup mortel, devrait être prise en toute transparence, en collaboration étroite avec les parties concernées, comme le voudrait la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, laquelle imposerait la révélation et la discussion de tous les documents et pièces entre les mains de la CSSF.

Les parties requérantes affirment encore que toutes les pièces citées par la décision attaquée n’auraient à aucun moment été communiqués aux parties requérantes, qui auraient ainsi été mises dans l’impossibilité de faire valoir leurs moyens et observations.

Elles invoquent encore une violation de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sur la procédure administrative non contentieuse, aux termes duquel tout administré a droit à la communication intégrale du dossier relatif à sa situation administrative dès que celle-

ci est atteinte, ainsi que de l’article 12 du même règlement grand-ducal, selon lequel toute personne concernée est en droit d’obtenir communication des éléments d’information sur lesquels l’Administration s’est basée pour prendre sa décision.

Enfin, elles excipent d’une violation de de l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, qui consacre, notamment la collaboration procédurale de l’Administration et le droit de l’administré d’être entendu et d’obtenir communication du dossier administratif.

Ainsi, et en détail, la décision attaquée mentionnerait en page 3 un dossier du groupe E ainsi qu’un courrier du cabinet d’avocat … indiquant qu’il ne voudrait plus assister une société C dans ce dossier, pièces qui n’auraient jamais été communiquées aux parties requérantes. La décision indiquerait encore page 4 qu’à plusieurs reprises la société C aurait contacté la CSSF, mais que « On n’a jamais eu un compte-rendu de ces discussions ».

Critiquant toujours des mentions figurant page 4 de la décision attaquée, les parties requérantes affirment ne pas disposer d’un relevé exact et du contenu de la multitude d’échanges entre la CSSF et les représentants du candidat acquéreur, tout comme elles ne disposeraient pas du courrier électronique du 28 juillet 2023 adressé au cabinet d’avocats … par la CSSF ; de même elles ne disposeraient pas du compte-rendu de l’entrevue qui a eu lieu entre les représentants la société C et la CSSF et surtout pas de la liste des questions posées par la CSSF lors de cette vidéo-conférence.

En vertu de l’article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 22 février 2024 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi du 21 juin 1999, elle ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

En ce qui concerne l’examen de la deuxième condition énoncée par l’article 11 de la loi du 21 juin 1999 pour justifier une mesure de sursis à exécution, à savoir que les moyens présentés par les sociétés requérantes à l’appui de leur recours au fond soient suffisamment sérieux, il y a lieu de rappeler que concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Or, à cet égard, la recevabilité même du recours au fond est sujette à de forts doutes, cette question ayant été discutée contradictoirement à l’audience après avoir été plus particulièrement soulevée par la CSSF.

Force est en effet de constater que le recours au fond est à première vue introduit non pas par la société visée par la décision attaquée, à savoir la société anonyme A, mais par l’assemblée générale des actionnaires de celle-ci, sinon par le conseil d’administration de la société B, en la qualité de celle-ci d’actionnaire unique de la société A, ainsi que par la société B, toujours en sa qualité d’actionnaire unique, la requérante expliquant ce recours par la circonstance qu’« à défaut du conseil d'administration de la société anonyme A, qui n'est plus en état d'agir, alors que la plupart des membres ont démissionné ».

Il appert dès lors que suite à l’inaction du conseil d’administration de la société anonyme A, son actionnaire, soit par le biais de l’assemblée générale, soit directement en cette qualité, tente ainsi de pallier cette inaction en agissant directement au nom et pour le compte de la société anonyme A.

Or, aux termes de l'article 4441-5 de la loi modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales, « [le conseil d'administration] représenté la société à l'égard des tiers et en justice, soit en demandant, soit en défendant. Les exploits pour ou contre la société sont valablement faits au nom de la société seule ».

Il en résulte, à première vue, que le conseil d'administration est le seul organe qui représente légalement la société anonyme et qui peut introduire valablement une action en justice au nom de la société.

Il appert encore qu’il serait de doctrine et de jurisprudence constantes que si les sociétés commerciales ont la capacité d'ester en justice, elles doivent l'exercer par des intermédiaires physiques qui sont les organes de la société, de sorte qu’il faudrait en conséquence admettre qu'une société ne peut faire aucun acte juridique autrement que par ses représentants légaux1.

Il en résulte dès lors à première vue que dans la mesure où l’actionnaire unique entend agir au nom et pour le compte de la société anonyme A afin de pallier le blocage du conseil d’administration, cette action devrait être déclarée irrecevable pour défaut de qualité par les juges du fond.

Or, un moyen touchant spécifiquement à la recevabilité du recours au fond ne vise pas, de manière spécifique, l’irrecevabilité de la mesure provisoire, mais celle du recours introduit au fond contre les décisions que le requérant entend attaquer. Il s’agit partant d’une question touchant le fond du droit ; elle relève plus spécifiquement du caractère sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours au fond et elle est à examiner sous ce rapport.

Il résulte des considérations qui précèdent que compte tenu des doutes sérieux relatifs en l’espèce à la recevabilité du recours en annulation, le recours tendant à l’obtention du sursis à exécution manque au stade actuel du dossier globalement du sérieux nécessaire pour justifier la mesure provisoire sollicitée.

Cette conclusion au provisoire n’est ni énervée par le mandat conféré en date du 20 février 2024 par la société B, représentée par son conseil d’administration, au cabinet d’avocat ayant introduit la requête sous analyse, ni par la décision de l’assemblée générale des actionnaires de la société anonyme A de mandater « un cabinet d’avocat afin d’effectuer un recours sur le fond et une demande en suspension d’une décision CSSF en référé auprès du tribunal administratif », alors que, d’une part, ces pièces ont uniquement trait au mandat ad litem de l’avocat, non contesté, et non à la qualité agir de l’actionnaire de la société anonyme A, de sorte à être étrangères à la question, et que, d’autre part, l’existence d’un tel mandat ad litem n’est pas de nature à habiliter ipso facto l’actionnaire en question à agir en justice en lieu et place de la société.

1 Frédéricq, Droit commercial belge, tome IV pages 159 et 160, cité Cour d'appel , 4e ch. com., 5 novembre 2003, n° 27263 du rôle.

En tout état de cause, il convient de souligner que si certes tant que le conseil d’administration n’est pas reconstitué, - l’article 441-2 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales précisant que les administrateurs doivent être au nombre de trois au moins - celui-ci ne peut plus agir en qualité d’organe, les actionnaires pourraient toutefois demander au Président du tribunal d’arrondissement, siégeant en matière commerciale, de désigner un administrateur provisoire pour convoquer l’assemblée général afin de procéder à la désignation de nouveaux d’administrateurs. Il convient par ailleurs de relever que selon l’article 441-2, in fine, précité, « En cas de vacance d'une place d'administrateur nommé par l'assemblée générale, les administrateurs restants ainsi nommés ont, sauf disposition contraire dans les statuts, le droit d'y pourvoir provisoirement. Dans ce cas, l'assemblée générale, lors de la première réunion, procède à l'élection définitive ».

A titre superfétatoire, au niveau de l’examen des moyens d’annulation invoqués à l’appui du recours au fond, l’examen de ses chances de succès appelle le juge administratif saisi de conclusions à des fins de sursis à exécution, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et à vérifier si un des moyens soulevés par la partie requérante apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation voire la réformation de la décision critiquée.

Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

Or, en ce qui concerne les moyens avancés devant les juges du fond, ces moyens ne présentent en l’état actuel du dossier pas le sérieux nécessaire.

Plus avant, dans le détail, quant à l’invocation d’une violation de l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, un tel moyen ne saurait convaincre au provisoire, alors qu’il résulte de la jurisprudence constante2 qu’il se dégage du libellé de la loi du 1er décembre 1978 en général et de l’article 1er en particulier que le législateur n’a pas entendu disposer lui-même des intérêts qu’il entend régler, mais qu’il a uniquement tracé les règles de base et le cadre tout en investissant le pouvoir réglementaire de fixer le détail, de sorte que ledit article 1er ne contient aucune règle de droit directement invocable et dont la violation serait susceptible d’être sanctionnée par le juge administratif.

En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 9 (1) du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, il est certes vrai que cet article dispose que « Sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l ́avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d’une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l ́amènent à agir. Cette communication se fait par lettre recommandée. Un délai d’au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations. Lorsque la partie concernée le demande endéans le délai imparti, elle doit être entendue en personne […] ».

2 Trib. adm. 17 février 2000, n° 11547, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 5, et toutes les références y citées.

Il est toutefois constant en cause que la CSSF, par lettre recommandée datée du 1er octobre 2021, informa formellement, conformément à l’article 9 (1) précité, la société A de son intention de prononcer le retrait de ses agréments et sa radiation des listes officielles à défaut de se conformer à ses obligations légales, tout en l’informant des éléments factuels et légaux à la base de cette intention, ce même courrier ayant informé la société qu’il lui serait loisible de présenter ses observations endéans un délai de 15 jours, ce courrier ayant été plus précisément libellé comme suit :

« Nous nous référons à la société anonyme de droit luxembourgeois A. (« A »), agréée en tant que société de gestion soumise aux dispositions du chapitre 15 de la loi du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif telle que modifiée (« Loi de 2010 ») et autorisée en tant que gestionnaire de fonds d'investissement alternatifs conformément aux dispositions de l'article 5 de la loi du 12 juillet 2013 relative aux gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs telle que modifiée (« Loi de 2013 »). A est détenue à 100% par l'intermédiaire de la société de droit luxembourgeois A, elle-même détenue à 100% par Messieurs … et ….

Dans ce contexte, nous faisons référence aux décisions prises par la CSSF en date du 1er février 2021 d'arrêter que M. … (N/Référence : …) et M. … (N/Référence : …), respectivement, ne disposaient plus, à partir du 1er février 2021, de l'honorabilité professionnelle requise au sens des articles 102, paragraphe (1), points c) et f), et 103, paragraphe (1), de la Loi de 2010 et de l'article 7, paragraphe (1), points c) et d), de la Loi de 2013 pour diriger ou détenir une participation qualifiée dans une société de gestion ou un gestionnaire de fonds d'investissement alternatifs (« gestionnaire »), respectivement.

Aucun recours contre les décisions précitées n'ayant été déposé auprès du Tribunal administratif dans les délais légaux impartis, les décisions dont références ci-avant sont coulées en force de chose décidée et définitives.

Dans ces décisions, la CSSF a invité M. … et M. … à prendre les dispositions nécessaires afin de ne plus détenir aucune participation qualifiée, directe ou indirecte, dans des entités surveillées par la CSSF.

À cet égard, nous rappelons que si les décisions de retrait d'honorabilité de M. … et de M. … étaient exécutoires avec effet immédiat au fer février 2021 en ce qui concernait la démission pour une période de 5 ans de tout mandat détenu au sein d'une entité soumise à la surveillance prudentielle de la CSSF nécessitant le respect de la condition d'honorabilité professionnelle, la CSSF leur a néanmoins octroyé un délai de tolérance de 6 mois afin qu'ils puissent prendre les dispositions nécessaires pour ne plus détenir aucune participation qualifiée, directe ou indirecte, dans des entités surveillées par la CSSF.

Par conséquent, et dès lors que, conformément aux dispositions des articles 103, paragraphe (1), et 108, de la Loi de 2010 et l'article 7, paragraphe (1), littera d), de la Loi de 2013, l'agrément d'une société de gestion ou d'un gestionnaire est soumis à la condition que les détenteurs d'une participation qualifiée, directe ou indirecte, remplissent les exigences d'honorabilité professionnelle et disposent des qualités nécessaires afin que soit assurée une gestion saine et prudente de la société de gestion ou du gestionnaire respectivement, le fait est que ces conditions tenant à l'actionnariat de A ne seraient plus remplies à l'échéance de ce délai de 6 mois - à savoir le 2 août 2021 - sauf en cas de soumission à la CSSF, endéans ce délai, d'un dossier complet de changement d'actionnariat.

En date du 30 juillet 2021, constatant que M. … et M. … détenaient toujours 100% de A par l'intermédiaire de la société A, la CSSF a mis formellement en demeure M. … (N/Référence :…) et M. … (N/Référence : …) de présenter à la CSSF dans le délai imparti, sans préjudice d'une tolérance exceptionnelle jusqu'au 9 août 2021 COB, un dossier de changement d'actionnariat de A qui soit complet et établi selon les exigences et modalités prévues aux points 5 à 23 de la circulaire CSSF 18/698 concernant l'agrément et l'organisation des gestionnaires de fonds d'investissement de droit luxembourgeois (la « Circulaire CSSF 18/698 »).

Par lettre du 2 août 2021, Maître … (« le Mandataire ») du cabinet d'avocats … a fait part à la CSSF, en sa qualité de mandataire de M. … et M. …, des observations de ces derniers par rapport aux mises en demeure dont référence ci-avant.

Concernant la question de l'actionnariat de A, le Mandataire a informé la CSSF de l'existence d'un contrat d'achat-vente de l'ensemble des actions de A signé en date du 30 juin 2021 avec la société C, incorporée dans les Îles Vierges britanniques, et annexé à cette lettre du 2 août 2021. À l'appui de ce contrat, le Mandataire avance que les vendeurs (MM. … et …) auraient fait tout ce qu'ils pouvaient faire afin de donner suite à l'instruction de la CSSF de se séparer de toute participation dans une entité régulée par la CSSF : « de leur point de vue, l'obligation de céder les actions à un acheteur (qu'ils ont envers le régulateur), est d'ores et déjà définitive, et la décision n'est pas révocable ».

Or, comme le relève le Mandataire en page 2 de la lettre, le contrat d'achat-vente ne constitue qu'une promesse pure et simple, par M. … et M. …, de céder toutes les actions qu'ils détiennent dans A à l'acheteur prévu (i.e. la société C), tel que confirmé à la clause 1.1 (h) dudit contrat stipulant que « This Agreement contains a commitment by the Shareholders and Beneficial Owners [i.e. M. … et M. …] to do all things good to effect such Sale ("promesse de porte-fort") » (ce que confirme à nouveau la clause 1.3 (a) du contrat), promesse d'achat-vente à laquelle chacune des parties peut par ailleurs mettre fin dans les conditions énoncées à la clause 7 du contrat. Par ailleurs, en vertu de la clause 2.3 du contrat, la vente (i.e. le transfert de propriété des actions de A) n'aura effectivement lieu qu'au moment du paiement de l'intégralité du prix, promesse dont l'effectivité dépend par ailleurs de la non-opposition de la CSSF à la transaction.

En outre, la CSSF relève que la clause 3.2 (ii) dudit contrat daté du 30 juin 2021 stipule que le candidat acquéreur de l'intégralité des actions de A soumettra au plus tard avant le 31 juillet 2021 à la CSSF un dossier de changement d'actionnariat complet et établi selon les exigences et modalités applicables (« Before July 31st, it will submit its request to CSSF for the Regulatory Clearance »).

La CSSF note enfin qu'il est stipulé à plusieurs reprises dans le contrat d'achat-vente, et spécifiquement aux clauses 4.4 (a) et 4.7, que l'acheteur et le vendeur coopéreront de bonne foi et que A aidera l'acheteur à remplir les obligations qui lui incombent en vertu du contrat.

Or, à ce jour, nous constatons qu'aucun dossier de demande d'agrément qui soit solide, complet, étayé par des pièces répondant aux exigences légales et démontrant une intention ferme, concrète et spécifique de reprise de l'actionnariat de A (reflétant la transaction prévue par le contrat d'achat-vente le cas échéant) n'a été transmis à la CSSF selon la forme et la pratique communément admise sur la place financière luxembourgeoise. Or, en l'absence de demande d'agrément répondant aux exigences en vigueur, la CSSF ne peut pas se prononcer sur la transaction envisagée qui reste donc sans effet, M. … et M. … restant dès lors en défaut de respecter les décisions prises par la CSSF à leur encontre en date du 1er février 2021 et qu'ils n'ont pas contestées.

En tout état de cause, et tout en ayant dûment pris en considération les explications qui ont été fournies dans la lettre précitée du 2 août 2021 ainsi que l'existence d'une promesse d'achat-vente matérialisée par le contrat du 30 juin 2021 y annexé, la CSSF constate qu'aucune transaction ayant pour objet de transférer les actions détenues par M. … et M. … dans A n'a factuellement eu lieu à la date de la présente, malgré un délai courant depuis le 1er février 2021. Juridiquement, donc, M. … et M. … détiennent toujours à l'heure actuelle, par l'intermédiaire de la société A, 100% des actions de A en violation de la Loi de 2010 et la Loi de 2013 dès lors qu'ils ne disposent plus de l'honorabilité professionnelle requise pour ce faire.

Dans ce contexte par ailleurs, la CSSF s'oppose formellement aux allégations contenues en pages 2 et 3 de la lettre du 2 août 2021 précitée insinuant que la CSSF aurait empêché la vente des actions de A à d'autres candidats intéressés pendant les dernières années, sans avancer aucun élément de preuve.

Il découle de ce qui précède que la CSSF tend à constater que les conditions du maintien de l'agrément de A ne sont actuellement plus remplies.

A cet égard, nous vous rappelons les dispositions suivantes des Loi de 2010 et Loi de 2013 qui trouvent à s'appliquer :

Article 103, paragraphe (1), 2ème phrase, de la Loi de 2010 :

La CSSF refuse l'agrément si, compte tenu de la nécessité de garantir une gestion saine et prudente de la société de gestion, la qualité desdits actionnaires ou associés n'est pas satisfaisante.

Article 7, paragraphe (1), de la Loi de 2013(nous soulignons) :

La CSSF n'accorde l'agrément au gestionnaire établi au Luxembourg qu'aux conditions suivantes : […] d) les actionnaires ou les associés du gestionnaire qui détiennent des participations qualifiées conviennent pour cette mission, compte tenu de la nécessité de garantir la gestion saine et prudente du gestionnaire.

Article 108, paragraphe (1), de la Loi de 2010 :

Les participations qualifiées dans une société de gestion sont régies par les mêmes règles que celles applicables aux entreprises d'investissement conformément à l'article 18 de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier. Aux fins de la présente loi, les termes « entreprise/entreprise d'investissement » et « entreprises d'investissement » contenus à l'article 18 de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier (« Loi de 1993 »), se lisent respectivement « société de gestion » et « sociétés de gestion ».

Article 18 de la Loi de 1993 :

(1) […] La notion de gestion saine et prudente est appréciée à la lumière des critères d'évaluation énoncés au paragraphe (9).

(9) En procédant à l'évaluation de la notification prévue au paragraphe (5) et des informations visées au paragraphe (8), la CSSF apprécie, afin de garantir une gestion saine et prudente du PSF visé par l'acquisition envisagée et en tenant compte de l'influence probable du candidat acquéreur sur le PSF, la qualité du candidat acquéreur et la solidité financière de l'acquisition envisagée en appliquant l'ensemble des critères suivants :

a) l'honorabilité professionnelle du candidat acquéreur […].

Nous rappelons également que le point 7 de la Circulaire CSSF 18/698, qui précise la notion de gestion saine et prudente à laquelle font référence les articles précités, prévoit :

La notion de gestion saine et prudente est appréciée à la lumière des critères d'évaluation énoncés au chapitre 3 des orientations communes de l'AEMF, de l'ABE, et de l'AEAPP relatives à l'évaluation prudentielle des acquisitions et des augmentations de participations qualifiées dans des entités du secteur financier (JC/GL/2016/01 du 20 décembre 2016).

Le premier critère cité dans ces orientations communes est précisément la réputation du candidat acquéreur.

Il ressort de ces dispositions qu'une des principales garanties de gestion saine et prudente d'une entité surveillée est la qualité des actionnaires qualifiés (directs ou indirects) de cette dernière - analysée sous l'angle de la condition d'honorabilité professionnelle - dès lors que les actionnaires qualifiés pourront exercer une influence sur l'entité et sur le respect par cette dernière de toutes les règles qui lui sont applicables.

En l'espèce, dès lors que M. … et M. … ont respectivement été reconnus comme n'étant plus aptes à exercer une fonction sujette à agrément de la CSSF pour une période de 5 ans à compter du ter février 2021 et donc non honorables professionnellement « pour avoir pris part à des opérations qui constituent, suivant l'appréciation de la CSSF, des pratiques douteuses et contraires au principe de gestion saine et prudente qui préside à l'activité régulée en tant que gestionnaire et contraires à l'activité irréprochable attendue d'un gestionnaire soumis à la loi luxembourgeoise », la gestion saine et prudente de A n'est plus assurée et un nouvel actionnaire honorable doit être agréé par la CSSF en remplacement de MM. … et …, en leur qualité d'ultimes actionnaires qualifiés de A.

En outre, les articles 102, paragraphe (5), point c), de la Loi de 2010 et 10, paragraphe (1), point c), de la Loi de 2013 stipulent que la CSSF peut retirer l'agrément donné à une société de gestion ou un gestionnaire, respectivement, lorsque celle-ci ou celui-ci « ne remplit plus les conditions d'octroi de l'agrément ».

Partant, la CSSF tend à considérer que depuis le 1er février 2021, et malgré l'octroi d'un délai de six mois et d'une tolérance exceptionnelle additionnelle jusqu'au 9 août 2021, les conditions au maintien de l'agrément de A en tant que société de gestion et en tant que gestionnaire ne sont plus respectées.

La CSSF tient à rappeler qu'elle ne saurait tolérer une pareille situation ouvertement illégale et préjudiciable à la confiance dans le secteur financier luxembourgeois. En ce sens, la Cour administrative a retenu, dans un arrêt du 28 novembre 2011 (n° 28610C du rôle), que « la CSSF exerce ses attributions exclusivement dans l'intérêt public, ce qui veut dire que sa surveillance n'est pas prioritairement destinée à sauvegarder les intérêts des seuls investisseurs, mais, au-delà, de maintenir la confiance du public, en général, dans la place financière par l'assurance du respect de la législation et des règles prudentielles en matière de gestion des avoirs confiées par des investisseurs aux organismes spécialisés. Cette mission ne saurait être utilement exercée que moyennant un contrôle et une sanction stricts des règles applicables en la matière et non pas au moyen d'aménagements ad hoc permettant à l'un ou l'autre investisseur, au détour de la loi, de sauver provisoirement sa mise » (nous soulignons).

Ces contrôle et sanction stricts trouvent également à s'appliquer au regard du respect des exigences tenant à la qualité de l'actionnariat des entités placées sous sa surveillance prudentielle.

Au vu de ce qui précède, la CSSF vous informe par la présente de son intention de prendre, en accord avec les articles 102, paragraphe (5), point c), de la Loi de 2010 et 10, paragraphe (1), point c), de la Loi de 2013, la décision de retirer les agréments de A sous lesdites lois au cas où le candidat acheteur des actions de A, à savoir la société C conformément au contrat d'achat-vente daté du 30 juin 2021 susmentionné, ne soumet pas à la CSSF de dossier de changement d'actionnariat complet et établi selon les exigences et modalités prévues aux points 5 à 23 de la Circulaire CSSF 18/698 (condition sine qua non) dans un ultime délai de 3 semaines (i.e. jusqu'au 25 octobre 2021 COB).

Par la présente, la CSSF vous informe que, passé cet ultime délai, plus aucun dossier de changement d'actionnariat ne sera accepté par la CSSF. Nous vous demandons d'en informer le candidat acquéreur dans les meilleurs délais.

La CSSF envisage de publier nominativement, le cas échéant, la décision de retirer les agréments de A octroyés à cette dernière conformément à la Loi de 2010 et à la Loi de 2013 respectivement. En effet, une publication nominative répond à l'objectif d'intérêt public et est proportionnelle.

Conformément au Règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes (procédure administrative non contentieuse) (« Règlement du 8 juin 1979 »), nous invitons A à nous faire parvenir ses observations éventuelles en rapport avec les points relevés dans la présente lettre endéans 15 jours après réception de cette dernière.

Nous vous informons également que la CSSF procédera, le cas échéant, à la mise en œuvre de l'article 5 du Règlement du 8 juin 1979 précité, concernant la publicité adéquate à l'égard de toutes les tierces personnes dont les droits et intérêts sont susceptibles d'être affectés par la décision précitée (« tierces personnes intéressées »), et ce selon les modalités y prévues.

Nous vous demandons dans ce contexte de nous faire parvenir une liste de ces tierces personnes intéressées.

Veuillez noter enfin que toutes les actions et communications de la CSSF dans le cadre du présent dossier sont effectuées dans l'exercice par la CSSF de ses pouvoirs de surveillance prudentielle. Toute communication de la CSSF dans ce contexte ne peut dès lors être invoquée par le destinataire qu'aux fins spécifiques pour lesquelles elle a été envoyée et ne doit pas être utilisée à d'autres fins, notamment à des fins de publication. […] » Il est encore constant en cause que la société A, respectivement son actionnaire unique, la société B, a pu présenter ses observations notamment par courriers des 15 octobre 2021 et 21 juin 2022.

Il est encore constant en cause que la CSSF, par lettre recommandée datée du 27 juillet 2023 et adressée à la société A, réitéra son intention de prononcer le retrait de ses agréments.

Il est encore constant en cause que la CSSF a finalement pris la décision envisagée en date du 5 février 2024.

Il n’appert dès lors pas à ce stade et au vu du moyen des parties requérantes tel que formulé qu’une violation de l’article 9 (1) du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 puisse être retenue d’un point de vue chronologique ou formel à charge de la CSSF.

Il échet encore de souligner dans la mesure où les parties requérantes critiquent la CSSF pour avoir « été mises dans l'impossibilité de faire valoir leurs moyens et observations », que l’article 9 cité ci-avant ne vise que la partie concernée par une décision, à savoir, à première vue, l’administré directement visé par la décision annoncée, à savoir, en l’espèce, la société A, informée du retrait de ses agréments et sa radiation de la liste officielle tels qu’envisagés.

Or, dans la mesure où les « parties requérantes » - dans les faits concrètement l’actionnaire unique - entendent agir au nom et pour le compte de la société A, leur recours en annulation, comme dégagé ci-avant, encourra vraisemblablement l’irrecevabilité pour défaut de qualité ; en revanche, si lesdites « parties requérantes » devaient agir en leur seule qualité d’actionnaire, partant en tant que tiers intéressés, elles ne sauraient se prévaloir d’avoir été mises dans l'impossibilité de faire valoir leurs moyens et observations, l’obligation prévue par l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne bénéficiant a priori pas aux tiers intéressés, mais à l’administré susceptible de faire l’objet de la décision envisagée.

Il importe encore de relever que c’est manifestement à tort que les parties requérantes s’insurgent contre le fait que la CSSF aurait communiqué la décision litigieuse aux clients « des requérantes » (sic) « sans attendre que la décision soit définitive, c'est-à-dire coulée en force de chose jugée », alors qu’en droit administratif, l’acte administratif bénéficie du privilège du préalable et d’exécution d’office, de sorte à pouvoir être exécuté dès qu’il est pris, privilège qui justifie d’ailleurs la possibilité d’un sursis à exécution, tel que sollicité en l’espèce, le référé administratif ayant en effet pour objet d’empêcher, temporairement, la survenance d’un préjudice grave et définitif et les effets de la suspension étant d’interdire provisoirement à l’auteur de l’acte de poursuivre l’exécution de la décision suspendue, sinon de pallier préventivement au risque engendré par ladite décision.

En ce qui concerne ensuite la violation alléguée par les parties requérantes de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, visant la communication du dossier administratif, il convient de relever qu’à première vue, l’article 11 vise la communication du dossier administratif personnel d’un administré déterminé (« Tout administré a droit à la communication intégrale du dossier relatif à sa situation administrative, chaque fois que celle-

ci est atteinte, ou susceptible de l’être, par une décision administrative prise ou en voie de l’être. Il peut demander, à cette occasion, le retrait de son dossier de toute pièce étrangère à l´objet du dossier, si elle est de nature à lui causer un préjudice. La décision prise par l’Administration sur sa demande est susceptible de recours devant la juridiction compétente », de sorte à ne pas concerner la situation des parties requérantes, que ce soit l’assemblée générale des actionnaires ou l’actionnaire unique agissant directement, a priori tiers par rapport à la décision visant la société A, tandis que c’est l’article 12 du même règlement qui vise indistinctement les tiers concernés et les destinataires directs d’une décision3, à savoir a priori également les parties requérantes.

Or, si les dispositions des articles 11 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ont en commun qu’elles imposent à l’administration une obligation de communication à première demande, elles ne prévoient toutefois pas que l’autorité administrative concernée soit tenue d’y procéder de façon automatique et spontanée à défaut d’être sollicitée en ce sens par l’administré intéressé4.

Il ne résulte toutefois pas des éléments communiqués en cause au soussigné que les parties requérantes, parties tierces, en aient sollicité la communication.

En tout état de cause, selon les juges du fond, du moins selon une jurisprudence majoritaire de ceux-ci, la non-communication intégrale des éléments du dossier administratif ne constitue pas nécessairement et automatiquement une cause d’annulation de la décision déférée, puisqu’un refus de communiquer le dossier administratif est de nature à affecter la légalité d’une décision administrative dans la seule hypothèse d’une lésion vérifiée des droits de la défense5.

Par ailleurs, en l’espèce, la CSSF a bien versé en date du 12 mars 2024 le dossier administratif dont les parties requérantes ont ainsi pu prendre connaissance ; il n’appert dès lors pas que la non-communication du dossier administratif au jour de l’introduction des recours puisse, au vu de la circonstance de ses dépôt et communication postérieurs, amener les juges à prononcer l’annulation de la décision déférée.

Le moyen afférent ne paraît dès lors pas présenter en l’état actuel d’instruction du dossier le sérieux nécessaire.

Enfin, et de manière générale, il échet de constater que si les parties requérantes critiquent la légalité externe de la décision attaquée, elles n’ont pas, d’une quelconque façon, remis en cause la légalité interne de la décision de retrait des agréements de la société A et plus particulièrement les motifs de cette décision, à savoir l'absence de conformité à certaines exigences légales en matière de gouvernance et d'actionnariat.

Or, accorder au vu des seules illégalités externes épinglées - mais non avérées à ce stade - le sursis à exécution sollicité reviendrait à permettre à la société A, en dépit des manquements dénoncés par la CSSF et non énervés par la société concernée, de reprendre son activité de gestionnaire de fonds d'investissement alternatifs, mettant ainsi à néant l’intervention de la CSSF, laquelle a agi dans le cadre de sa mission de surveillance prudentielle exercée principalement au bénéfice du public6.

3 Trib. adm. 19 janvier 2009, n° 24931 et 24933, confirmé sur ce point par arrêt du 11 juin 2009, n° 25463C et 25465C, ainsi que les autres jurisprudences y citées, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 148.

4 Trib. adm. 9 octobre 2002, n° 14743 ainsi que les autres jurisprudences y citées, Pas. adm. 20238, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 150.

5 Trib. adm. 29 octobre 2009, n° 24429, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 155.

6 Voir Cour adm. 28 novembre 2011, n° 28610C.

Les parties requérantes sont partant à débouter de leur demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle d’un risque de préjudice grave et définitif, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;

rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution, condamne les parties requérantes aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 mars 2024 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 mars 2024 Le greffier du tribunal administratif 20


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50099R
Date de la décision : 25/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-03-25;50099r ?

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