La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/01/2024 | LUXEMBOURG | N°49857

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 janvier 2024, 49857


Tribunal administratif N° 49857 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:49857 5e chambre Inscrit le 27 décembre 2023 Audience publique du 26 janvier 2024 Recours formé par Monsieur …, …, et par Madame …, …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49857 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 décembre 2

023 par Maître Luca Gomes, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à L...

Tribunal administratif N° 49857 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:49857 5e chambre Inscrit le 27 décembre 2023 Audience publique du 26 janvier 2024 Recours formé par Monsieur …, …, et par Madame …, …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49857 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 décembre 2023 par Maître Luca Gomes, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Salvador), de nationalité salvadorienne, et de Madame …, née le … à … (Salvador), de nationalité salvadorienne, demeurant tous les deux à L-… tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 14 décembre 2023 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à leur demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 janvier 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

La soussignée, entendue en son rapport, ainsi que Maître Yannick Bondo, en remplacement de Maître Luca Gomes, et Monsieur le délégué du gouvernement Laurent Thyes en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 janvier 2023.

Le 2 février 2023, Monsieur … et Madame …, ci-après désignés par les « consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur … sur leurs identités et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Les 19 septembre et 17 octobre 2023 Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Madame …, quant à elle, fut entendue le 26 septembre 2023.

Par décision du 14 décembre 2023, notifiée aux intéressés par courrier recommandé envoyé le lendemain, le ministre des Affaires intérieures, désigné ci-après par « le ministre », après avoir mis en doute la crédibilité des déclarations des consorts …, les informa qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), a) de la loi du 18 décembre 2015 et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Le ministre résuma les déclarations des consorts … dans ladite décision comme suit : « […] En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 2 février 2023, le rapport d'entretien sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, Monsieur, des 19 septembre et 17 octobre 2023, le vôtre, Madame, du 26 septembre 2023, ainsi que les documents versés à l'appui de vos demandes de protection internationale.

Monsieur, vous déclarez être de nationalité salvadorienne, d'état civil célibataire, être originaire de … et avoir dernièrement travaillé en 2017 en tant que créateur des sites web. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que vous craindriez d'être condamné à une peine de prison à cause de vos antécédents judiciaires.

En 2017, vous auriez été arrêté puis arbitrairement condamné à une peine de prison de six ans pour port d'armes sans permis et fausse monnaie, après que des policiers auraient procédé à une fouille de votre voiture et qu'ils y auraient eux-mêmes placé un sac contenant l'arme et l'argent. Vous expliquez cela par le constat qu'à cette époque, il y aurait eu une trêve entres les gangs et le gouvernement, mais que les autorités auraient tout de même procédé à des arrestations pour faire monter les statistiques et montrer au peuple qu'ils agiraient contre les criminels. Pour éviter une condamnation à dix ou quinze ans de prison, vous auriez plaidé coupable et écopé d'une peine de six ans. Pendant votre incarcération, vous auriez été maltraité et privé d'eau et de nourriture. Un jour, vous vous seriez plaint des conditions d'incarcération et auriez alors été transféré dans une prison réservée aux membres de gangs. Un jour, vous y auriez croisé le directeur de prison et lui auriez dit que vous seriez des êtres humains et qu'il devrait respecter vos droits. Quelques jours plus tard, vous auriez été placé en isolement.

Comme le « groupe technique, (…) un groupe de licenciés » présent en prison pour défendre les droits des détenus ne vous aurait plus aperçu, il aurait commencé à poser des questions.

Cela aurait fini par agacer le directeur qui serait passé vous insulter, vous faire comprendre que ni vous, ni ledit groupe technique n'auriez le droit de lui parler ainsi et aurait menacé de vous tuer. Il vous aurait par la suite fait transférer vers votre ancienne prison alors que votre cas aurait commencé à être « alarmant » (p. 10 de votre rapport d'entretien). Un avocat de ce groupe technique vous aurait par la suite aidé à sortir de prison après cinq ans et demi de détention au lieu des six prévus.

Le 16 juillet 2022, vous auriez été libéré de prison et vous auriez alors remarqué le « régime d'exception » (p. 10 de votre rapport d'entretien) qui aurait été instauré en mars 2022 par le Président Bukele. Vous auriez vécu pendant un mois chez votre cousin et vous auriez remarqué que des anciens détenus libérés avec vous, auraient été replacés en prison. Comme vous auriez craint de subir pareil sort, vous auriez décidé de partir aux Etats-Unis.

D'août à octobre 2022, vous vous seriez retrouvé « reclus » (p. 3 de votre rapport d'entretien) à la frontière des Etats-Unis, alors que vous auriez voulu y demander une protection internationale, avant d'être rapatrié en menottes le 8 octobre 2022 ensemble avec une multitude d'autres Salvadoriens. A votre arrivée à l'aéroport de …, on vous aurait fait sortir par ordre basé sur une liste ; certains auraient été arrêtés sur place et les autres auraient dû 2 passer un interrogatoire de la police, mais auraient tout de même risqué une arrestation. Vous auriez du coup profité d'un moment d'inattention et vous vous seriez enfui des autorités alors que vous auriez craint d'être arrêté à cause de votre casier judiciaire. Vous auriez par la suite entamé les démarches pour vous faire remettre un nouveau passeport alors que vous auriez voulu voyager dans un autre pays. A ce moment, vous auriez toutefois décidé de vivre ensemble avec votre compagne et de rester au Salvador. Or, en raison de votre casier judiciaire, vous auriez été discriminé dans votre recherche d'un emploi ou dans vos démarches administratives.

Le 4 janvier 2023, pendant votre absence, des agents de la police seraient passés chez vous, auraient insulté votre campagne et l'auraient demandé où vous vous trouveriez. Suite à cet incident, vous auriez décidé de quitter le pays. Vous vous seriez alors caché chez votre famille jusqu'au 27 janvier 2023.

Le 27 janvier 2023, vous auriez officiellement quitté, ensemble avec votre compagne, le Salvador à bord d'un avion à destination de l'Espagne, où vous êtes entrés le 28 janvier 2023.

Vous auriez ensuite gagné la France, où vous auriez séjourné pendant quelques jours avant de prendre un bus pour venir au Luxembourg le 1er février 2023.

En cas d'un retour au Salvador, vous craindriez la prison, la torture ou la mort étant donné que le régime actuel ne poursuivrait non seulement les membres de gangs mais aussi ceux qui auraient des antécédents pénaux alors que cela pourrait les relier aux gangs. En plus, vous auriez eu des problèmes avec des directeurs de prison. Vous n'auriez jamais été membre d'un gang au Salvador.

Madame, vous déclarez être de nationalité salvadorienne, d'état civil célibataire, être mère d'un enfant que vous auriez laissé auprès de votre mère au Salvador, de profession … et être originaire de …, où vous auriez vécu jusqu'en 2020 dans le quartier de …. Depuis 2020, jusqu'à votre départ du pays, vous auriez vécu à …, où votre compagnon vous aurait rejoint en octobre 2022. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que vous craindriez pour votre vie et votre liberté étant donné que le régime, dans sa lutte contre les gangs, procéderait à des arrestations arbitraires et qu'en prison, il n'y aurait aucun respect pour les droits de l'Homme. Vous craindriez subir une arrestation arbitraire à cause du casier judiciaire de votre compagnon qui risquerait de le lier, aux yeux des autorités, auxdits gangs et que vous seriez par conséquent perçue comme une « collaboratrice » (p. 5 de votre rapport d'entretien).

A l'appui de vos demandes de protection internationale, vous présentez les documents suivants :

- votre passeport, Monsieur, émis le 8 novembre 2022, le vôtre Madame, émis le 9 janvier 2023, ainsi que votre carte d'identité émise le 20 janvier 2023 ;

- la copie d'un document en langue espagnole et la copie d'un scan en langue espagnole que votre mère vous aurait envoyé, qui concerneraient votre remise en liberté. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 décembre 2023, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 14 décembre 2023 d’opter pour la procédure accélérée, de celle ayant refusé de faire droit à la demande de protection internationale, et de l’ordre de quitter le territoire.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre lesdécisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 14 décembre 2023, telles que déférées.

Le recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

A l’appui des trois volets de leur recours dirigé contre le refus de leur accorder le statut de réfugié, et après avoir rappelé les faits et rétroactes à la base de leur demande de protection internationale, les demandeurs donnent de prime abord à considérer qu'au moment du dépôt de la demande de protection internationale le 2 février 2023, Madame … aurait été enceinte, de sorte qu’à ce moment les demandeurs auraient eu peur non seulement pour leur propre vie, mais surtout pour celle de leur enfant, qui serait malheureusement né sans vie le 13 juillet 2023.

Ils font ensuite état de la situation actuelle au Salvador laquelle serait extrêmement critique en termes de violences étatiques et d'affaiblissement des droits humains, surtout depuis l'adoption par le gouvernement du président Nayib BUKELE de l'état d'urgence en date du 27 mars 2022 à la suite d'une vague d'homicides qui auraient été commis par des gangs, ayant par la suite entrainé des arrestations massives de présumés criminels. Ces mesures impliqueraient souvent le déploiement de forces militaires et de sécurité dans des zones ciblées pour lutter contre le crime organisé. L'état d'exception resterait, à ce jour, toujours en vigueur, de sorte que les forces de l'ordre auraient toujours des pouvoirs accrus leur permettant de procéder à des perquisitions, des saisis et de détenir des personnes « d'intérêt », et ce de façon totalement arbitraire, en totale violation des droits les plus élémentaires des citoyens. Les demandeurs se réfèrent dans ce contexte à différents rapports des organisations Human Rights Watch et Amnesty International faisant notamment état d’arrestations et de détentions arbitraires de personnes entre autres pour être accusées par un tiers d’être membre d’un gang, pour être tatouées, pour avoir un casier judiciaire ou tout simplement pour vivre dans un quartier contrôlé par un gang.

Or, Monsieur … aurait d'ores et déjà fait injustement l'objet d'une condamnation pénale auparavant de sorte qu’il risquerait à tout moment d'être arrêté arbitrairement en raison de son casier judiciaire, et de se voir accusé injustement d’avoir commis l’infraction d'association de malfaiteurs, laquelle serait punie d'une peine de 20 à 30 ans d'emprisonnement, « sans pouvoir légitiment s'attendre à pouvoir bénéficier des droits les plus élémentaires censés être garantis par un Etat de droit digne de ce nom ». Selon les demandeurs, Madame … n'échapperait bien évidemment pas à ce « triste sort », alors qu'elle serait suspectée de complicité.

En droit, les demandeurs soutiennent que ce serait à tort que le ministre aurait pris sa décision dans le cadre d’une procédure accélérée, sur base de l’article 27 (1) a) de la loi du 18 décembre 2015, alors que contrairement à l’appréciation ministérielle, les faits invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale seraient bien pertinents au regard des critères d’octroi d’un statut de protection internationale.

Ils contestent que leur récit serait truffé de contradictions et d’incohérences et affirment à ce titre que la demande d'asile au sens large serait considérée comme un droit humain, signifiant que tous les individus devraient avoir l'autorisation de rentrer dans un autre pays pour y demander l'asile.

Concrètement, ils affirment s’être confiés, lors de leurs auditions respectives, de façon spontanée à l'agent ministériel en charge de leur dossier et ils donnent à considérer que leurs déclarations seraient concordantes.

Ils argumentent que l’analyse de leur demande de protection internationale sur la seule base de leurs déclarations sans tenir compte du trauma vécu, ne permettrait pas une appréciation complète et exhaustive de la situation réelle. Ils expliquent n’avoir en aucun cas fait preuve de mauvaise foi dans leur récit et, enfin, ils sonnent à considérer que leurs entretiens se seraient déroulés par l'intermédiaire d'un interprète, ce qui ne pourrait de toute évidence pas exclure des erreurs dans leur récit.

Les demandeurs prennent ensuite plus particulièrement position par rapport aux différentes incohérences qui leur sont reprochées en expliquant tout d’abord quant à l’évasion de Monsieur … de l’aéroport, suite à son rapatriement des Etats-Unis vers le Salvador, qu’une fois sorties de l'avion, les personnes arrêtées auraient été escortées auprès des bureaux de la Direction de l'Attention aux Migrants où elles auraient été contraintes de passer le contrôle de police qui ne serait pas obligatoire. Le demandeur se serait enfui à ce moment précis.

Face au reproche du ministre de s’être adressé au bureau de passeports, malgré sa fuite et sa peur d’être arrêté par les autorités, afin de se faire délivrer un nouveau passeport, le demandeur déclare ne pas avoir eu d’autre choix que de tenter sa chance afin d'obtenir un nouveau passeport lui permettant de quitter le pays. Il aurait surtout craint que ses droits ne soient pas respectés « en dehors des institutions gouvernementales », c’est-à-dire dans la rue alors que les arrestations arbitraires seraient monnaie courante au Salvador.

Les demandeurs expliquent ensuite la réaction du directeur de la prison dans laquelle Monsieur … aurait été enfermé par le fait qu’il aurait voulu éviter que des informations relatives à des maltraitance soient connues par des personnes voulant prendre sa place à la direction de la prison, raison pour laquelle il se serait plié face a l’insistance de l’équipe de support aux prisonniers.

Les demandeurs expliquent ensuite que la raison de ne pas avoir versé en cause de documentation à l’appui de leur recours résiderait dans le fait que Monsieur … aurait été incarcéré durant les six dernières années qu’il aurait vécu au Salvador et qu’il aurait tenté d’immigrer aux Etats-Unis, de sorte qu’il lui aurait été impossible de fournir des documents quant à sa situation personnelle. L’arrestation en elle-même serait cependant dûment documentée. Ainsi, elle aurait eu lieu suite à une interpellation effectuée par la police en date du 7 mars 2017. Lors de ladite interpellation les policiers auraient porté un sac à dos qu’ils auraient mis dans le coffre de la voiture de Monsieur … pour prétendre ensuite qu’il s’agirait du sac de ce dernier. Après avoir fait sortir le demandeur et les deux autres passagers de la voiture ils auraient sorti une arme à feu de leur sac à dos et quelques billets de banque et auraient prétendu les avoir trouvés dans le véhicule. Il s’agirait d’une arrestation montée de toute pièce.

Les demandeurs reprochent ensuite au ministre d’avoir rejeté leur demande par le biais de la procédure accélérée, sans vérifier si le Salvador remplissait les critères pour être qualifié de pays tiers sûr dans lequel ils pourraient être renvoyés sans risque, et en violant le principe de non-refoulement consacré par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.

Ils concluent que leur demande n'aurait pas dû être traitée dans le cadre d'une procédure accélérée.

A l’appui de leur recours dirigé contre la décision de refus de leur accorder une protection internationale, les demandeurs font valoir que la reconnaissance du statut de réfugié ne serait pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d'asile lequel devrait établir que sa situation spécifique aurait été telle qu'elle laisserait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Concrètement ils affirment que leur propre crainte d'être la cible de persécutions de la part des autorités salvadoriennes en raison notamment de l'appartenance du demandeur à un certain groupe social, à savoir celui des milliers de condamnés, serait bien réelle ce qui ressortirait de leurs développements. Un retour au Salvador les laisserait entièrement livrés à eux-mêmes, alors que l'état d'urgence n’y serait toujours pas levé et qu'ils risqueraient d'être arrêtés à tout moment et de subir des traitements inhumains et dégradants.

Ils concluent donc qu’ils prétendraient à juste titre à l’octroi du statut de réfugié et que la décision ministérielle serait à réformer en ce sens.

A l’appui de leur demande de protection subsidiaire, les demandeurs font plaider, en substance, qu’un retour dans leur pays d’origine les exposerait à des atteintes graves au sens de l’article 48b) de la loi du 18 décembre 2015, et de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953, désignée ci-après par « la CEDH ».

Enfin, les demandeurs se réfèrent à l’article 37 de la loi du 18 décembre 2015 pour affirmer que dans l’hypothèse où des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations d’un demandeur de protection internationale, le tribunal pourrait appliquer le bénéfice du doute si, de manière générale, son récit pourrait être considéré comme crédible.

En tout dernier lieu, les demandeurs concluent en substance à la réformation de la décision déférée en ce qu’elle leur ordonne de quitter le territoire, pour être contraire tant à l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration qu’à l’article 3 de la CEDH.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours dans son triple volet.

Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant une composition collégiale du tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.

Dans cet ordre d’idées force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée La décision ministérielle est en l’espèce fondée sur les dispositions du point a) de l’article 27, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquelles : « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1) sous a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande.

Afin d’analyser si les consorts … n’ont soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’ils remplissent les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il y a d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 391 et 402 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Il y a lieu de préciser que le juge doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure 1 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

2 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. »actuelle dans le pays de provenance. L’examen de la pertinence des faits allégués, nécessite en premier lieu une appréciation de la valeur des éléments de preuve et de la crédibilité des déclarations du demandeur.

Il se dégage à ce propos du libellé de la décision déférée que le ministre est arrivé à la conclusion que le récit des consorts … ne serait pas crédible dans son ensemble. Le délégué du gouvernement confirme cette approche.

A cet égard, la soussignée précise que l’examen de la crédibilité du récit d’un demandeur d’asile constitue une étape nécessaire pour pouvoir répondre à la question si ce dernier a ou non des raisons de craindre d’être persécuté du fait de l’un des motifs prévus par l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, ou risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la même loi.

Il s’ensuit qu’il appartient à la soussignée de se prononcer en premier lieu sur la question de la crédibilité du récit des demandeurs, d’autant plus qu’en l’espèce, c’est la crédibilité générale dudit récit qui est mise en doute par la partie étatique, influant nécessairement sur l’appréciation du caractère manifestement infondé ou non des différents volets du recours dont il est saisi.

Dans ce contexte, les demandeurs précisent à juste titre que si, comme en l’espèce, des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, celui-ci doit bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves3.

Or, en l’espèce, la soussignée partage les doutes du ministre quant à la crédibilité du récit des consorts ….

A cet égard, la soussignée précise à titre liminaire, qu’à part le fait qu’il puisse paraître sous certaines conditions concevable qu’un détenu se plaigne auprès de la direction de la prison pour traitement incorrect, le ministre est à confirmer en ce qu’il a retenu que le récit des demandeurs est affecté d’incohérences majeures et nombreuses lesquelles le rendent incrédible dans son ensemble.

En effet, en premier lieu le volet du récit des demandeurs ayant trait au rapatriement de Monsieur … vers le Salvador par les Etats-Unis – Etat dans lequel il avait voulu introduire une demande de protection internationale – n’emporte pas conviction. Il ne paraît ainsi pas probable que le demandeur ait réussi à se soustraire à la surveillance des policiers de l’aéroport et à s’évader au moment de l’arrivée à l’aéroport au Salvador alors même que l’enceinte d’un aéroport est généralement bien protégée et qu’en l’espèce le demandeur explique lui-même que les personnes rapatriées étaient surveillées, voire « détenus par la police », qu’elles 3 Trib. adm. 16 avril 2008, n° 23855, Pas. adm. 2021, V° Etrangers, n° 138 et les autres références y citées.descendaient de l’avion par ordre alphabétique et que les autorités disposaient de listes de noms4.

Il paraît plus improbable encore, voire tout à fait incohérent, que la première démarche du demandeur après sa fuite était de se rendre auprès des autorités pour solliciter la délivrance d’un nouveau passeport, tout en sachant qu’il s’était soustrait au contrôle précisément desdites autorités lesquelles disposaient bien de son nom et de ses coordonnées et lesquelles étaient désormais à sa recherche (« Après ça, j’ai fait les démarches pour avoir un passeport en pensant voyager dans un autre pays »5). Il est tout aussi inconcevable que les autorités aient accepté tout simplement à délivrer un passeport à Monsieur …, si, tel qu’il l’affirme ces dernières étaient à sa recherche. L’explication du demandeur selon laquelle il n’aurait pas eu d’autre choix que de tenter sa chance pour obtenir un nouveau passeport n’est pas de nature à dissiper les incohérences de son récit, bien au contraire, si le demandeur affirme précisément avoir quitté son pays d’origine en raison de sa crainte d’être arrêté et détenu illégalement par les autorités, il est d’autant plus inconcevable qu’il se rende chez lesdites autorités pour solliciter un passeport afin de pouvoir quitter le pays.

Dans le même ordre d’idées, et en l’absence de toute prise de position sur ce point par les demandeurs, la soussignée partage l’appréciation du ministre selon laquelle il est incohérent que suite au contrôle effectué par des agents de police qui étaient à la recherche de Monsieur … au domicile des demandeurs, les demandeurs se soient cachés jusqu’à leur départ du pays, mais que la demanderesse se serait tout de même parallèlement adressée aux autorités, lesquelles seraient précisément à l’origine de leur crainte, pour solliciter la délivrance d’un passeport afin de pouvoir quitter le pays.

Enfin, il est tout aussi incohérent que les demandeurs, apparemment recherchés par les autorités, aient pu quitter le Salvador et rejoindre l’Espagne, moyennant un vol de ligne intercontinental tout à fait régulier, en passant les contrôles de douane et de sécurité à l’aéroport du Salvador sans aucune difficulté.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, et plus particulièrement des incohérences et contradictions relevées ci-avant, au sujet desquelles les demandeurs n’ont pas fourni d’explication convaincante dans leur requête introductive d’instance, la soussignée retient que la crédibilité du récit des intéressés est manifestement ébranlée dans son ensemble. Il s’ensuit que les consorts … n’ont soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’ils remplissent les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que les conditions pour l’application de l’article 27 (1) a) de la loi du 18 décembre 2015 sont remplies en l’espèce. Il s’ensuit que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à déclarer manifestement infondé.

Cette conclusion n’est pas énervée par le document que les demandeurs versent en cause et intitulent : « Certificat de casier judiciaire et document émis par la Juge de la surveillance pénitentiaire et de l’exécution des peines de Chalatenango ». En effet, ledit document ne peut pas être pris en compte, étant donné qu’elle est entièrement rédigée dans une langue que la soussignée ne maîtrise pas à savoir l’espagnol et qui n’est d’ailleurs pas officiellement reconnue au Luxembourg en matière administrative et judiciaire. Ainsi aux termes de l’article 3 de la loi du 24 février 1984 sur le régime des langues : « En matière 4 Rapport d’entretien de Monsieur … p. 10 5 Rapport d’entretien de Monsieur … p. 11administrative, contentieuse ou non contentieuse, et en matière judiciaire, il peut être fait usage des langues françaises, allemande ou luxembourgeoise, (…) ». Malgré le fait que dans son mémoire en réponse le délégué du gouvernement a attiré l’attention des demandeurs, ainsi que celle de son mandataire, sur le fait que des pièces rédigées dans une autre langue que celles énumérées à l’article 3 de la loi précitée du 24 février 1984 ne pourraient pas être prises en compte à l’appui d’un recours, les demandeurs n’ont pas versé de traduction du document en question.

De même, la conclusion qui précède n’est pas énervée par l’argumentation des demandeurs selon laquelle la situation politique actuelle au … serait « extrêmement critique en termes de violences étatiques et d’affaiblissement des droits humains », étant donné, qu’il ne se dégage pas des éléments soumis en cause par les demandeurs qu’à l’heure actuelle, la situation au … affecterait le niveau de sécurité d’une manière telle que tout ressortissant dudit pays courrait un risque réel de subir des actes de persécution ou des atteintes graves du seul fait de sa présence sur le territoire de ….

2) Quant au recours en réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale En ce qui concerne le volet du recours dirigé contre le refus d’octroi d’une protection internationale, la soussignée vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse du recours dirigé à l’encontre de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que la crédibilité du récit des consorts … est irrémédiablement compromise et que, dès lors, ledit récit ne saurait, de toute évidence, justifier ni l’octroi du statut de réfugié ni l’octroi de la protection subsidiaire. Etant donné que dans le cadre du présent recours dirigé à l’encontre du refus d’octroi d’un statut de protection internationale, la soussignée ne s’est pas vue soumettre d’éléments lui permettant de se départir de cette conclusion, le recours en question est, lui aussi, à rejeter pour être manifestement infondé et les demandeurs sont à débouter de leur demande de protection internationale, aucune violation de l’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ne saurait, par ailleurs, être reprochée au ministre.

3) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé et que partant c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale des demandeurs, impliquant qu’il a à bon droit pu retenir que le retour de ceux-ci dans leur pays d’origine ne les expose pas à desconséquences graves, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire sans violer l’article 3 de la CEDH, tel qu’avancé par les demandeurs.

Il s’ensuit et à défaut d’autre moyen que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le premier vice-président présidant la cinquième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 14 décembre 2023 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 janvier 2024 par la soussignée, Françoise Eberhard, premier vice-président du tribunal administratif, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 janvier 2024 Le greffier du tribunal administratif 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49857
Date de la décision : 26/01/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/02/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-01-26;49857 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award