La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2023 | LUXEMBOURG | N°49767

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 décembre 2023, 49767


Tribunal administratif N° 49767 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49767 Inscrit le 30 novembre 2023 Audience publique du 8 décembre 2023 Requête en obtention d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur …, …, et par la société à responsabilité limitée … SARL, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d’armes prohibées

___________________________________________________________________________


ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 49767 du rôle et déposée le 30 novembre 2023 au greffe

du tribunal administratif par Maître Max BECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre ...

Tribunal administratif N° 49767 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49767 Inscrit le 30 novembre 2023 Audience publique du 8 décembre 2023 Requête en obtention d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur …, …, et par la société à responsabilité limitée … SARL, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière d’armes prohibées

___________________________________________________________________________

ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 49767 du rôle et déposée le 30 novembre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Max BECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, et de la société à responsabilité limitée … SARL, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée auprès du Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à l’instauration de mesures de sauvegarde par rapport à « la décision implicite de refus du ministre de la Justice du 5 août 2023, respectivement le 7 août 2023 vu que le 5 août 2023 était un samedi, sinon le 4 septembre 2023, le 3 septembre 2023 étant un dimanche, en prenant en compte la suspension temporaire de l’instruction du dossier du 28 juin 2023 jusqu’au 25 juillet 2023, portant refus de respectivement renouveler l’agrément n°…du 16 juin 2020 au nom de Monsieur … l’autorisant à exploiter sous l’enseigne de la requérante sub 2) un commerce d’armes et de munitions, sinon d’octroyer un tel agrément à Monsieur … suivant la demande d’agrément de Monsieur … du 5 mai 2023 », cette décision étant encore attaquée au fond par une requête en annulation, sinon en réformation, introduite le même jour, portant le numéro 49765 du rôle ;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause ;

Maître Max BECKER, pour les requérants, ainsi Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 décembre 2023.

___________________________________________________________________________

En date du 5 mai 2023, la société à responsabilité limitée … SARL, spécialisée notamment dans le commerce d’armes, sollicita ensemble avec sa gérante, Madame …, et son associé unique et futur gérant, Monsieur…, le renouvellement de son agrément numéro …du 16 juin 2020 concernant l’exploitation d’un commerce d’armes et de munitions sous l’enseigne de … en application des articles 17 et 41 de la loi du 2 février 2022 sur les armes et munitions, ledit agrément expirant le 16 juin 2023, ladite demande informant encore le ministre de la Justice que Madame … cesserait d’occuper les fonctions de gérante unique de … et serait remplacée en ses fonctions le 16 juin 2023 par Monsieur ….

1 Par le même courrier du 5 mai 2023, les trois impétrants sollicitèrent encore « en application de l’article 17(6) de la Loi de 2022 une autorisation provisoire de 6 mois, sinon en application de l’article 17(8) de la même loi un accord de principe préalable à l’octroi de l’agrément pour leur permettre de compléter le dossier le cas échéant et d’assurer la continuité de l’exploitation de leur commerce ».

Par courriel du même jour, le ministère de la Justice, Service des Armes prohibées, accusa réception de cette demande.

Par message électronique du 13 juin 2023, le mandataire de la société … SARL, de Madame … et de Monsieur … s’enquit de l’état d’avancement de l’instruction de la demande au vu de l’échéance du 16 juin 2023 ; par courriel du même jour, le ministère de la Justice répondit que l’instruction du dossier était encore en cours et qu’elle ne serait pas terminée pour le 16 juin 2023, le ministère sollicitant encore la preuve du paiement de la taxe de chancellerie, tout en informant que « la police grand-ducale procédera sous peu à une vérification de la conformité des locaux professionnels de votre mandante ».

La preuve de paiement de la taxe de chancellerie requise fut adressée au ministère de la Justice en date du 15 juin 2023.

Par courrier du 28 juin 2023, les services du ministère de la Justice s’adressèrent en les termes suivants au mandataire de la société … SARL, de Madame … et de Monsieur … :

« Je reviens par la présente à votre demande de renouvellement d’agrément du 05 mai 2023, introduite au nom et pour le compte de vos mandants, à savoir Madame … et Monsieur …, demeurant à L-…, ainsi que la société … sàrl, établie et ayant son siège social à cette même adresse.

Aux termes de la demande précitée du 05 mai 2023, vous demandez en outre au nom et pour compte de vos mandants, « en tout état de cause et pour autant que de besoin », une autorisation provisoire de 6 mois en application de l’article 17, paragraphe 6, de la loi du 2 février 2022 sur les armes à feu, sinon un accord de principe préalable à l’octroi de l’agrément « pour leur permettre de compléter le dossier le cas échéant et d’assurer la continuité de l’exploitation de leur commerce. ».

Vous m’informez encore que « d’un commun accord validé par décision de l’associé unique du 20 avril 2023, en l’espèce Monsieur …, Madame … cessera d’occuper les fonctions de gérante unique de … et sera remplacée en ses fonctions le 16 juin 2022 (à lire 2023) par Monsieur … » et que « Madame … continuera ses services auprès de … en tant qu’employée administrative après cette date. » Enfin, vous m’informez que Monsieur …, associé unique de …, continuera à assurera la gérance de … à partir du 16 juin 2023, de sorte à bien vouloir « émettre l’agrément dorénavant à son nom ».

Les demandes précitées de vos mandants appellent les observations suivantes Force est de constater que par courrier du 05 mai 2023, vous avez introduit plusieurs demandes différentes de par leur nature, pour lesquelles l’instruction administrative au sein du Service Armes & Gardiennage prendra davantage de temps, notamment aussi en raison de 2 l’entrée en vigueur de la loi du 2 février 2022 sur les armes et munitions, et ce pour un agrément de commerce d’armes à feu qui est expiré le 16 juin 2023.

Par courriel du 05 mai 2023, un accusé de réception vous a été adressé vous informant que l’instruction de votre demande serait entamée dans les meilleurs délais. Par courriel du 13 juin 2023, vous vous êtes renseigné sur l’état du dossier. Ce n’est que par ce même mail du 13 juin 2023, que vous avez annexé l’autorisation d’établissement au nom de Monsieur … en relation avec l’exploitation de la société … et un extrait du registre de commerce et des sociétés qui lui - comme vous l’écrivez - comporte encore des erreurs matérielles par rapport à ce qui a été décidé à l’assemblée générale. Par courriel du même 13 juin 2023, Monsieur le préposé du Service Armes & Gardiennage vous a demandé de lui faire tenir la preuve de paiement relative à l’acquittement de la taxe de chancellerie au montant de 50.- euros. Par courriels du 15 juin et du 19 juin 2023, vous avez envoyé la preuve de paiement demandé, respectivement l’extrait du registre de commerce et des sociétés à jour.

1° Demande en renouvellement de l’agrément numéro …:

L’agrément numéro …délivré le 16 juin 2020 au nom de Madame … est venu à échéance le 16 juin 2023. Du fait que vous nous avez informés d’un changement au niveau de la direction de la société en ce sens que dorénavant Monsieur … sera le gérant unique de la société …, nous devons actuellement considérer la demande en renouvellement comme un demande d’agrément « ordinaire » au nom et pour le compte de Monsieur ….

Ceci-dit, l’instruction de la demande précitée est en partie la même que pour une demande en renouvellement d’un agrément. A la lecture des pièces et documents annexés à la demande précitée du 05 mai 2023, force est de constater que l’attestation médicale dans le chef de Monsieur … n’est pas conforme à l’article 17, paragraphe 2, point 3° de la loi du 2 février 2022 sur les armes à feu.

Force est également de constater que l’attestation médicale des employés qu’envisage d’engager respectivement de reprendre la société … ne sont pas conformes à l’article 19, paragraphe 1er, point 4°, de la loi précitée du 2 février 2022.

Force est en outre de constater que l’accord pour demander un extrait du casier n° 2 dans le chef des employés, fait défaut. À toutes fins utiles, vous trouverez en annexe les modèles en vue de la production d’une attestation médicale en bonne et due forme et le modèle en vue de l’accord à donner pour permettre au Service Armes & Gardiennage de demander le bulletin n° 2 du casier judiciaire auprès du Parquet général 2° Demande en vue d’une autorisation provisoire de 6 mois :

Vous demandez « en tout état de cause et pour autant que de besoin » une autorisation provisoire de 6 mois en application de l’article 17, paragraphe, 6 de la loi précitée du 2 février 2022. Cette disposition légale vise l’hypothèse du départ d’un titulaire d’agrément en cours de validité dudit agrément. Or, l’agrément émis au nom de Madame … est expiré le 16 juin 2023, de sorte que l’article 17, paragraphe 6, de la loi précitée du 2 février 2022 n’est pas d’application en l’occurrence.

3° Demande en vue d’un accord de principe :

3 Vous demandez encore « en tout état de cause et pour autant que de besoin » un accord de principe en application de l’article 17, paragraphe 8, de la loi précitée du 2 février 2022.

Or, les conditions de l’article 17, paragraphe 8, de cette loi, dont notamment le point 3° en relation avec l’attestation médicale, ne sont pas remplies en l’espèce. Je tiens en outre à préciser que l’octroi potentiel d’un accord de principe n’autorise pas le titulaire dudit accord à exploiter un commerce d’armes à feu, mais ne constitue qu’un accord permettant de poursuivre au titulaire la finalisation du dossier d’agrément. Ce n’est que lorsque l’agrément sera émis en bonne et due forme que son titulaire est autorisé à exploiter effectivement son commerce.

Dans ce contexte, je tiens à rendre attentif vos mandants aux dispositions pénales de la loi précitée du 2 février 2022, et notamment son article 59, paragraphe le’, point 10°, et paragraphe 2, point 2°.

Au vu de la délivrance d’un agrément potentiel, je vous prie de me préciser les quantités maximales des différents armes et munitions qui sont projetées être tenues en stock, conformément à l’article 17, paragraphe 4, de la loi précitée du 2 février 2022.

4° Situation administrative en matière d’armes à feu dans le chef de Monsieur … :

Indépendamment des considérations juridiques exposées ci-avant, force est de constater que Monsieur … est titulaire à titre personnel d’autorisations en matière d’armes à feu. Je tiens à rappeler à votre mandant qu’une décision de refus en relation avec sa demande d’inscription d’un certain nombre d’armes sur son autorisation de détention d’armes, expiré le 11 décembre 2022, lui a été adressée le 23 août 2022.

Par courrier du 20 février 2023, Monsieur … a été informé que la décision précitée du 23 août 2022 n’a pas fait l’objet d’un recours gracieux ou contentieux, de sorte que cette décision est coulée en force de chose décidée et que, de ce fait, il a deux options qui ont été exposées en détail dans ledit courrier du 20 février 2023 En outre, Monsieur … a été invité aux termes dudit courrier du 20 février 2023 à informer le Service Armes & gardiennage endéans le mois de la réception de ce courrier du sort qu’il a réservé aux 16 armes concernées et que (i) en l’absence d’information le dossier sera transmis au Ministère public et (ii) que le fait de tenir de manière illégale les armes en question serait susceptible de l’exposer à des poursuites pénales et à la révocation de ses autorisations en matière d’armes dont il est actuellement titulaire.

Or, force est de constater que Monsieur … n’a réagi d’une quelconque manière ni à la décision ministérielle du 23 août 2022, ni au courrier du 20 février 2023.

Force est de conclure que le comportement de Monsieur … en relation avec ses autorisations en matière d’armes n’est nullement celui qu’on est en droit d’attendre d’une personne prudente, diligente, raisonnable et respectueuse de la loi, titulaire d’autorisations en matière d’armes à feu, et il va de soi que ce comportement est directement lié à l’appréciation à faire dans le cadre de la présente demande en vue d’exploiter un commerce d’armes à feu.

Au vu de l’ensemble de ce qui précède, et notamment au vu de l’état actuel du dossier administratif en matière d’autorisation d’armes dans le chef de Monsieur …, qui ne se manifeste d’aucune manière auprès du Service Armes & Gardiennage, et ce malgré plusieurs courriers et décisions officiels à son adresse, je vous informe par la présente, que l’instruction de la 4 demande en vue de la délivrance d’un agrément pour l’exploitation d’un commerce d’armes à feu dans le chef de Monsieur …, est tenue en suspens, jusqu’à régularisation définitive du dossier administratif en matière d’autorisations d’armes de Monsieur ….

Copie de la présente est adressée à Madame la Procureur général d’État et à Monsieur le Directeur général de la Police grand-ducale, pour leur information. […] ».

Par courrier du 18 juillet 2023, le mandataire des trois requérants répondit au courrier précité du 28 juin 2023 en les termes suivants :

« Je me réfère à votre courrier du 28 juin 2023 à mon attention suite à mon courrier du 5 mai 2023 pour lequel je vous remercie.

Je me permets de vous revenir point par point à vos observations.

1° Demande en renouvellement de l’agrément numéro … Je note que peu importe la qualification de la demande en demande nouvelle ou demande de renouvellement par votre Ministère, suivant vos remarques et observations que les seuls points à régulariser sont :

i) Les attestations médicales prévues par les articles 17, par 2, point 30 et 19 paragraphe 1er point 4° de la loi du 2 février 2022 sur les armes à feu Je vous prie de bien vouloir trouver lesdites attestations pour Monsieur … et des employés dans la forme requise, tout en précisant que l’attestation de Madame … en bonne et due forme vous a été transmise avec ta demande initiale (Pièce 1).

(ii) Accords pour demander un extrait du casier du casier n° 2 En pièce jointe je vous prie de trouver l’ensemble des autorisations dans la forme requise (Pièce 2).

2° Demande en vue d’une autorisation provisoire de 6 mois, voire d’un accord de principe Vue que la nouvelle loi est assez récente et qu’il y a peu ou pas du tout d’exemples d’applications pratiques que j’aurais pu consulter, je n’ai pas d’autre choix que de m’incliner à votre interprétation des articles applicables sans pour autant renoncer à mon droit de contester cette interprétation par votre Ministère en bonne et due forme.

Quant à votre question consistant à connaître les quantités maximales des différentes armes et munitions qui sont projetées être tenues en stock, je renvoie à l’agreement à renouveler, voire à donner un nouvel agreement. Les mêmes quantités renseignées dans ledit agrément n° …du 16 juin 2020 sont à prévoir.

3° Situation administrative en matière d’armes à feu dans le chef de Monsieur … Il n’est pas contesté que Monsieur … « n’a réagi d’une quelconque manière ni à la décision ministérielle du 23 août 2022, ni au courrier du 20 février 2023 ».

5 Monsieur … m’a chargé de vous présenter ses sincères excuses. Il était débordé par certains évènements de sa vie privée que nous tous rencontrons.

En tous cas, les armes en question n’ont jamais quitté le lieu de stockage, n’ont jamais été utilisées et Monsieur … suite à votre dernier courrier du 28 juin 2023 a contacté Mr … de l’armurerie de la Police de Hamm vendredi dernier à 14h15 afin et pour éviter toute autre complication de les leur rendre provisoirement jusqu’à ce qu’une solution ne soit trouvée.

Monsieur … était au courant de la demande du Ministère de la Justice. Cependant, avant de pouvoir accepter les armes en dépôt provisoire, il lui aurait fallu, selon ses dires une autorisation par votre service dite de « stockage provisoire ». Cette autorisation faisant défaut, merci de me dire ce que Monsieur … doit faire pour se dessaisir provisoirement des armes en question auprès de ce service.

Merci aussi de me confirmer que le dossier sujet à ta présente est maintenant complet et que l’agreement en question pourra être renouvelé.

Je vous remercie d’ores et déjà de l’attention et de la célérité de traitement que vous allez apporter à la présente.

Je me maintiens évidemment à votre disposition pour toute question éventuelle et me réserve le droit de verser le cas échéant tout document ou information nécessaire complémentaire à l’appui de la présente demande de renouvellement que votre administration jugerait utile. […] ».

En date du 16 août 2023, ledit mandataire adressa à nouveau un message électronique au ministère de la Justice afin de s’enquérir de l’état d’avancement du dossier ; par courriel en réponse, le service ministériel compétent répondit que « Mon département n’a pas encore reçu les avis de la Police grand-ducale au dossier de votre mandante. Ces avis ont été demandés par mes soins relativement à la conformité du site d’exploitation et concernant l’opportunité voire nécessité ou non de délivrer des permis de port d’armes aux différents collaborateurs pour leur défense personnelle dans l’enceinte du magasin. Dès réception de ces deux avis, je ne manquerai pas de faire le point du dossier en vue de la prise ultérieure de décision ».

Le 12 octobre 2023 le mandataire s’adressa une nouvelle fois au ministère de la Justice pour s’enquérir de l’état du dossier.

En date du 27 octobre 2023, le mandataire s’adressa encore par message électronique en les termes suivants au service compétent du ministère :

« Je me permets de vous revenir encore une fois dans ce dossier.

Sauf erreur de ma part vous ne m’avez pas répondu à mon email du 12 octobre ci-

dessous.

Pourriez-vous m’indiquer les raisons pour lesquelles vous ne répondez pas à mon email et pourquoi ce dossier, une nouvelle fois, n’est pas traité par vos services.

6 Ça fait maintenant 5 mois, presque 6, que la demande a été introduite. Tous les documents et informations prévus par les dispositions de la Loi du 2 février 2022 ont été fournis et toutes les éventuelles remarques/réserves de sécurité soulevées par la police lors de ses contrôles en été ont été levées.

Ainsi, malgré un dossier complet depuis des mois, votre ministère ne donne pas l’agrément sollicité et ne réagit pas à mes divers rappels.

Ce qui est plus scandaleux encore, c’est que les clients de mon mandant semblent être plus au courant de la situation du dossier que l’administré demandeur à l’agrément. En effet, selon les dires des clients de mes mandants, votre service leur aurait encore récemment dit qu’ils devraient demander remboursement de l’argent pour leurs réservations alors que l’agrément ne serait pas émis avant plusieurs mois.

Par votre inaction et votre comportement vous êtes en train de ruiner mon client. Vous vous en rendez compte ? Je vous demande donc de finir l’instruction et d’accorder à mon client l’agrément sollicité.

Subsidiairement et en attendant l’agrément définitif, accordez-lui au moins une autorisation provisoire au sens de l’article 17 (6) de ladite loi qui est manifestement applicable en l’espèce vue que l’ancien agrément a pris fin le même jour que le mandat de la détentrice, Madame …. Il y avait donc départ du titulaire au sens dudit article. Votre argumentation dans votre courrier du 28 juin 2023 quant à l’application de cet article est partant formellement contestée.

Plus subsidiairement et dans l’attente de l’agrément définitif, les conditions de l’article 17(8) sur la délivrance d’un accord de principe sont remplies depuis des mois. Contrairement à vos affirmations, la loi ne prévoit nulle part qu’« un accord de principe n’autorise pas le titulaire dudit accord à exploiter un commerce d’armes à feu, mais ne constitue qu’un accord permettant de poursuivre au titulaire la finalisation du dossier d’agrément » (votre courrier du 28 juin 2023). Or, en l’absence de dispositions légales interdisant l’exploitation d’un commerce d’armes à feu avec un accord de principe, votre décision de ne pas donner un tel accord est dénué de toute base légale.

Sur base de l’article 12 du Règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes qui dispose que « Toute personne concernée par une décision administrative qui est susceptible de porter atteinte à ses droits et intérêts est également en droit d’obtenir communication des éléments d’informations sur lesquels l’Administration s’est basée ou entend se baser », je demande communication de ces informations.

Je vous demande formellement de me revenir dans les meilleurs délais sur ce qui précède.

Pour autant que vous ne me reveniez pas dans les meilleurs délais, je vous informe que j’ai d’ores et déjà mandat d’agir judiciairement à l’encontre de votre ministère devant les tribunaux administratifs et d’assigner l’État en responsabilité civile pour fonctionnement défectueux du service public. […] ».

7 Finalement, à défaut de réaction de la part du ministère, Monsieur … et la société à responsabilité limitée … SARL ont par requête déposée le 30 novembre 2023 et enrôlée sous le numéro 49765 fait introduire un recours tendant à l’annulation sinon à la réformation de « la décision implicite de refus du ministre de la Justice du 5 août 2023, respectivement le 7 août 2023 vu que le 5 août 2023 était un samedi, sinon le 4 septembre 2023, le 3 septembre 2023 étant un dimanche, en prenant en compte la suspension temporaire de l’instruction du dossier du 28 juin 2023 jusqu’au 25 juillet 2023, portant refus de respectivement renouveler l’agrément n°…du 16 juin 2020 au nom de Monsieur … l’autorisant à exploiter sous l’enseigne de la requérante sub 2) un commerce d’armes et de munitions, sinon d’octroyer un tel agrément à Monsieur … suivant la demande d’agrément de Monsieur … du 5 mai 2023 ».

Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 49767 du rôle, Monsieur … et la société à responsabilité limitée … SARL, ci-après « la société … », ont encore demandé à obtenir des mesures de sauvegarde par rapport à cette décision implicite de refus en attendant la solution de leur recours au fond, le dispositif de cette requête étant libellé comme suit :

« Principalement accorder provisoirement l’agrément sollicité en application de l’article 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives jusqu’à ce que l’affaire au fond soit toisée et une décision administrative valable soit intervenue, en l’espèce :

vu la loi du 2 février 2022 sur les armes et munitions et ses règlements d’exécution ;

1) Autoriser Monsieur … préqualifié à exploiter sous l’enseigne … s.à r.l. un commerce d’armes et de munitions à L-…, 2) l’autoriser à acquérir, acheter, détenir, vendre, transporter, importer, exporter et à mettre en dépôt les armes et munitions prévues à l’article 2, catégories B et C, de la loi du 2 février 2022 sur les armes et munitions ainsi que d’effectuer des transferts définitifs d’armes à destination d’un armurier établi dans un autre Etat membre sans permis de transfert conformément aux articles 17 et 41 de la même loi, 3) fixer la quantité maximale d’armes que Monsieur … est autorisé à détenir en stock comme suit :

- 1.200 (mille deux cents) armes à feu ;

- 100 (cent) armes à air comprimé ;

- 10 (dix) arbalètes ;

- 10 (dix) tue-bétail ;

- 100 (cent) armes blanches ;

- 25 (vingt-cinq) silencieux ;

- 10 (dix) fusils à produit anesthésiant ;

- 9.500 (neuf mille cinq cents) kilogrammes de nitrocellulose sous forme de cartouches et de poudre ;

- pièces essentielles d’armes ;

8 en précisant que toutes opérations commerciales relatives à des armes automatiques ne sont autorisées que pour autant qu’elles soient effectuées sur commande de l’Armée du Grand-

Duché de Luxembourg, de la Police grand-ducale ou de l’Administration des Douanes et Accises ;

4) dire que les prescriptions de la loi du 2 février 2022 sur les armes et munitions et des règlements grand-ducaux pris en son exécution sont à observer strictement, tout comme toute autre loi applicable à l’exploitation du commerce de Monsieur …, Subsidiairement, prolonger provisoirement l’agrément n° …ayant expiré le 16 juin 2023 (Pièce 3) en application de l’article 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives jusqu’à ce que l’affaire au fond soit toisée et une décision administrative valable soit intervenue, A titre plus subsidiaire, enjoindre au Ministère de la Justice d’émettre l’agrément sollicité sinon une décision dans les huit jours à partir de l’ordonnance présidentielle à intervenir sous peine d’astreinte de 1.000.- EUR par jour de retard constaté, […] » Les requérants font soutenir que la décision implicite de refus risquerait de leur causer un préjudice grave et définitif, alors qu’à défaut d’agrément, Monsieur… ne pourrait plus exploiter son commerce sous l’enseigne …, commerce qui fonctionnerait en tout état de cause d’ores et déjà a minima, puisque ses partenaires commerciaux hésiteraient à vouloir travailler avec lui et ses clients ayant réservé une arme commenceraient à résilier les relations commerciales, de sorte qu’une cessation de paiement et un risque de faillite ne seraient pas à exclure.

Les parties requérantes estiment encore que leurs moyens invoqués au fond seraient particulièrement sérieux.

Elles se prévalent à cet égard des moyens d’annulation, sinon de réformation suivants, qui peuvent être sommairement résumés comme suit :

1.

Les parties requérantes entendent ainsi d’abord se prévaloir d’une violation des formes destinées à protéger les intérêts privés par le ministre, lequel aurait notamment violé son devoir de collaboration procédurale dans la mesure où il aurait sciemment refusé la collaboration de l’administré à la prise de la décision administrative attaquée en ne répondant pas à ses multiples demandes ; les parties requérantes se prévalant à cet égard plus particulièrement d’une violation de l’article 1er, alinéas 2 et 3 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse.

Les parties requérantes s’emparent ensuite, toujours dans le cadre de la violation alléguée des formes destinées à protéger les intérêts privés, d’une violation de l’article 6 du règlement du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, dans la mesure où le ministre n’aurait pris aucune décision explicite mais au contraire une décision implicite de rejet dépourvue par essence d’une motivation.

2.

Les parties requérantes s’emparent ensuite de causes d’illégalité internes, à savoir d’une violation de la loi et d’un excès de pouvoir.

9 La décision déférée étant une décision implicite de refus de la part de l’administration, par nature dépourvue de motivation, elles estiment que le ministre aurait commis une erreur dans les motifs de droit, en ce qu’il aurait fondé sa décision de refus sur des règles juridiques qu’il aurait mal interprétées ou qui seraient inapplicables, les parties requérantes reprochant en sus au ministre d’avoir violé les articles 6 et 12 du règlement du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

En ce qui concerne le reproche d’un excès de pouvoir, Monsieur … et la société … font plaider que le ministre, qui aurait été en possession d’un dossier complet, aurait dû fonder sa décision sur des critères objectifs et non arbitraires, qui de surcroît devraient être appliqués restrictivement.

Ils estiment que le ministre, qui n’aurait pris aucune décision, n’aurait guère analysé la demande et n’aurait pas qualifié les faits, mais aurait violé le principe de proportionnalité au détriment de leurs intérêts, alors que les requérants risqueraient la faillite suite au défaut de renouvellement ou d’octroi de l’agrément; le ministre aurait ce faisant fait fi des principes élémentaires de droit administratif et des principes généraux de droit et se serait partant rendu coupable d’un excès de pouvoir en ne traitant pas la demande d’agrément.

Enfin, plus subsidiairement, ils excipent d’un détournement de pouvoir dans le chef du ministre en donnant à considérer que ce serait la seconde fois que le ministère de la Justice nécessiterait un temps de record pour analyser le dossier, pourtant simple, et qu’il ne communiquerait pas, les requérants supputant qu’il y aurait des considérations personnelles en jeu ou qu’alors l’administration voudrait rendre la vie difficile aux armuriers en général pour éliminer la profession d’armurier sur le territoire luxembourgeois, les requérants estimant qu’en tout état de cause le comportement de l’administration ne serait pas normal et ne serait pas digne d’une administration normalement diligente.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause en contestant tant le sérieux des moyens que l’existence d’un préjudice grave et définitif.

En vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », le président du tribunal administratif ou le magistrat le remplaçant peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire, à l’exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d’admettre que l’institution d’une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l’appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

10 Or, en vertu de l’article 11, paragraphe (2) de la loi du 21 juin 1999, le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 30 novembre 2023 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi du 21 juin 1999, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

Il convient ensuite de rappeler que, concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Ainsi, le juge des référés est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le requérant apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision attaquée.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Au niveau de l’examen des moyens d’annulation invoqués à l’appui du recours au fond, l’examen de ses chances de succès appelle le juge administratif saisi de conclusions à des fins de sursis à exécution, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et à vérifier si un des moyens soulevés par la partie requérante apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation voire la réformation de la décision critiquée.

11 Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme celle relative à l’existence d’un intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui.

Il ne saurait se prononcer définitivement sur des questions de recevabilité que pour autant que celles-ci touchent exclusivement à la demande en sursis à exécution.

En l’espèce, il appert que se pose la question de la recevabilité du recours au fond, la partie étatique contestant l’existence même d’une décision implicite de refus alors que la demande d’agrément serait toujours en cours de traitement et que le ministère n’aurait pas, dans son intention, rejeté la demande d’agrément, le délégué du gouvernement ayant souligné les différentes demandes de pièces émanant du ministère que le dépôt d’une demande irrégulière par les impétrants aurait rendues nécessaires.

Il convient dès lors d’examiner cette question avant tout autre progrès en cause, étant encore souligné qu’une mesure provisoire est délimitée quant à son objet par celui de la décision déférée au fond1.

Il apparaît que selon la jurisprudence des juges du fond, que l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, selon lequel « dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif », est clair dans la mesure où il prévoit une présomption de rejet de la demande introduite à partir du moment où aucune décision n’est intervenue dans le délai de trois mois, qui court en principe à partir du moment de l’introduction de la demande, de sorte que l’application de cet article présuppose, avant toute autre chose, d’une part, la formulation d’une demande effective à l’adresse de l’administration2, alors qu’il découle directement du mécanisme prévu par l’article 4, paragraphe 1er, en question que le refus implicite ne saurait porter que sur la demande par rapport à laquelle il est invoqué3, ainsi que, d’autre part, nécessairement, un silence gardé par l’administration, respectivement l’absence de réponse de l’administration, pendant ce délai de trois mois.

1 Voir trib. adm. prés. 13 août 2004, n° 18516, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 570, et l’autre référence y citée.

2 Trib. adm. 18 février 2005, n° 18721, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 277.

3 Cour adm 7 octobre 2010, n° 27027C, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 109.

12 En l’espèce, il appert que les parties requérantes, ensemble avec Madame …, ont adressé en date du 5 mai 2023 une demande au ministre de la Justice, portant sur 3 points, à savoir 1) le renouvellement de l’agrément n°…du 16 juin 2020 (« purement et simplement »), 2) « en application de l’article 17(6) de la Loi de 2022 une autorisation provisoire de 6 mois » et 3) « sinon en application de l’article 17(8) de la même loi un accord de principe préalable à l’octroi de l’agrément pour leur permettre de compléter le dossier le cas échéant et d’assurer la continuité de l’exploitation de leur commerce ».

Il appert ensuite, au terme d’un examen nécessairement sommaire du dossier, que le ministre répondit à ces trois volets en date du 28 juin 2023, en 1) retenant que la demande de « renouvellement » de l’agrément constituerait en fait une demande d’agrément « ordinaire » pour laquelle certaines pièces feraient défaut 2) que la demande en vue d’une autorisation provisoire de 6 mois ne saurait être accordée, parce que « l’article 17, paragraphe 6, de la loi précitée du 2 février 2022 n’est pas d’application en l’occurrence » et 3) que un accord de principe, tel que sollicité, ne saurait être émis parce que « les conditions de l’article 17, paragraphe 8, de cette loi, dont notamment le point 3° en relation avec l’attestation médicale, ne sont pas remplies en l’espèce ».

Il en résulte qu’à première vue que la demande des parties requérantes semble, en tout état de cause, avoir fait l’objet d’une décision administrative en ce qui concerne ses deuxième et troisième volets, demandés en ordre de subsidiarité ; il n’appert dès lors pas que les parties requérantes puissent se prévaloir à ce sujet d’une décision implicite de refus, ces deux volets ayant, à première vue, au contraire fait l’objet d’une décision explicite de refus en date du 28 juin 2023, laquelle apparait, par ailleurs, avoir fait l’objet d’un recours gracieux de la part des parties requérantes, ensemble avec Madame …, puisqu’en date du 27 octobre 2023 leur mandataire, par le courrier électronique cité ci-avant in extenso, a notamment demandé à ce que le ministre « en attendant l’agrément définitif, accordez lui au moins une autorisation provisoire au sens de l’article 17 (6) de ladite loi qui est manifestement applicable en l’espèce », respectivement a affirmé que « dans l’attente de l’agrément définitif, les conditions de l’article 17(8) sur la délivrance d’un accord de principe sont remplies depuis des mois », de sorte que « votre décision de ne pas donner un tel accord [de principe] est dénué de toute base légale ».

De ce point de vue, comme la mesure provisoire susceptible d’être sollicitée est délimitée quant à son objet par celui de la décision déférée au fond, et que celle-ci, identifiée comme une décision implicite de refus, ne semble, en tout état de cause, pas porter sur les questions de l’octroi d’un agrément provisoire et d’un accord de principe, questions ayant manifestement fait l’objet d’une décision explicite en date du 28 juin 2023, la demande en obtention de mesures de sauvegarde portant sur ces deux questions doit donc être rejetée, indépendamment du constat que l’agrément provisoire sollicité sur base de l’article 12 de la loi du 21 juin 1999 est de nature à vider le recours au fond relatif au refus d’agrément provisoire sollicité sur base de l’article 17, paragraphe 6, de la loi du 2 février 2022.

En ce qui concerne le premier et principal volet, un doute subsiste quant à l’existence d’une décision implicite de refus susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux, alors que selon la jurisprudence, le silence maintenu par l’administration par rapport à une demande insuffisamment complétée par l’administré ne vaut pas décision de refus implicite. Ainsi, la jurisprudence4 a retenu qu’il appartient à l’administré de formuler sa demande de manière suffisamment précise et complète afin de réaliser une information effective de l’administration, 4 Trib. adm. 9 novembre 2005, 19940, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 279, et les autres références y citées.

13 à défaut de quoi l’autorité saisie n’est pas tenue d’arrêter une décision. Si l’administration est certes tenue d’une obligation de collaboration avec l’administré, notamment en invitant l’administré à préciser ou à compléter la demande en vue de lui permettre d’y statuer utilement, il appartient également et réciproquement à l’administré de collaborer avec l’administration et de mettre celle-ci en mesure de prendre une décision par rapport à la demande lui soumise, notamment en répondant en temps utile à ses demandes d’informations. Il s’ensuit que selon la jurisprudence il ne saurait être reproché à l’administration de ne pas avoir statué sur une demande insuffisamment complétée par l’administré, une telle demande n’étant pas de nature à faire courir le délai prévu à l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 Le soussigné constate par ailleurs que le ministre, dans sa prise de position du 28 juin 2023, a, en ce qui concerne le volet principal de la demande, à savoir la demande d’agrément, décidé que « l’instruction de la demande en vue de la délivrance d’un agrément pour l’exploitation d’un commerce d’armes à feu dans le chef de Monsieur …, est tenue en suspens, jusqu’à régularisation définitive du dossier administratif en matière d’autorisations d’armes de Monsieur … ».

Le soussigné constate encore que le mandataire des parties requérantes a communiqué des pièces supplémentaires et/ou manquantes en date du 18 juillet 2023, tandis que l’enquête policière relative à la situation des armes à feu de Monsieur… a été finalisée en date du 5 octobre 2023 et a fait l’objet d’un rapport de police daté du 9 octobre 2023.

Or, à ce sujet, si une partie de la jurisprudence estime que le fait pour l’administration de déclarer un dossier en suspens, de façon à lui ne faire connaître d’autres suites en attendant une décision à rendre, ne tend pas à épuiser une demande d’autorisation en ce que cette déclaration ne pose aucun élément décisoire de nature à faire directement grief, toutes choses restant en l’état au fond, sans être toisées comme telles de façon directe5 ou encore qu’une invitation adressée par l’administration à un requérant lui demandant de compléter son dossier par certains éléments et qu’en attendant, son dossier est tenu en suspens, ne constitue pas une décision administrative susceptible d’un recours contentieux6, la jurisprudence plus récente7 a retenu que le libellé d’un courrier peut revêtir un caractère décisionnel en ce qu’à travers la décision expressément énoncée de garder une demande d’autorisation en suspens l’administration a retenu de ne pas accorder l’autorisation sollicitée, étant constant que le refus d’autorisation ainsi exprimé est de nature à porter grief au demandeur d’autorisation.

Il n’est dès lors pas improbable que les juges du fond retiennent ainsi l’existence d’une décision explicite, susceptible de recours, alors qu’à défaut l’administré risquerait d’être privé de toute possibilité de contrôle juridictionnel du bien-fondé du refus de lui accorder immédiatement l’agrément sollicité, puisqu’aussi longtemps qu’il n’aurait pas fourni tous les documents requis par l’autorité ministérielle, sa demande d’agrément demeurerait en attente de traitement et l’administré ne pourrait donc pas faire contrôler, dans le cadre d’un recours dirigé contre le rejet de sa demande, le bien-fondé des exigences ministérielles8.

5 Trib. adm. 5 juin 2002, n° 14098, Pas. adm. 2022, V° Actes administratifs, n° 91 6 Trib. adm. 26 novembre 1997, n° 9690 et 9735; trib. adm. 23 décembre 1998, n° 10386, confirmé par Cour adm. 20 mai 1999, n° 11101C, idem.

7 Trib. adm. 10 novembre 2003, n° 16158); trib. adm. 24 octobre 2012, n° 28525 ; trib. adm. 5 novembre 2012, n° 28526 et 28527 ; trib. adm. 21 novembre 2016, n° 36931, idem.

8 Voir en ce sens Cour adm. 5 octobre 2021, n° 45914C.

14 Le moyen d’irrecevabilité du recours au fond avancé par la partie étatique parait, au vu des considérations qui précèdent, partant sérieusement hypothéquer la recevabilité du recours au fond. Le doute existant ainsi sur la recevabilité du recours au fond affecte nécessairement le sérieux des moyens avancés par les parties requérantes, étant donné que le recours au fond, au stade actuel de son instruction et sur base d’une analyse nécessairement sommaire, n’apparaît pas comme ayant des chances suffisamment sérieuses d’aboutir à l’annulation de l’acte litigieux au fond.

Au-delà de cette conclusion provisoire, en ce qui concerne le caractère sérieux des différents moyens, il échet d’abord de constater que si les parties requérantes se prévalent en premier lieu de causes d’illégalité externe censées justifier l’annulation de la décision implicite de refus telle que déférée, l’annulation d’une décision implicite de refus pour, notamment, tel que plaidé en l’espèce, défaut de motivation à la date de l’introduction du recours afférent n’emporte pas nécessairement un droit pour la partie intéressée d’obtenir gain de cause plus en avant au fond9.

En d’autres termes, l’annulation d’une décision pour cause d’illégalité externe impose à l’administration de reprendre la décision en question en respectant les règles violées ; elle n’impose toutefois pas à l’administration de donner gain de cause à l’administré, contrairement, le cas échéant, à un jugement d’annulation pour cause d’illégalité interne, où le juge administratif aura, à travers les motifs de sa décision, éventuellement balisé la nouvelle décision que sera amenée à prendre l’administration sur renvoi après annulation de sa décision précédente.

Il en résulte que de seuls moyens d’illégalité externe ne sont a priori pas de nature à justifier, positivement, une mesure de sauvegarde consistant, tel que demandé en l’espèce, à obtenir le bénéfice, ne serait-ce qu’à titre provisoire, de l’autorisation sollicitée, une telle solution allant bien au-delà de ce que le requérant serait en droit d’attendre suite à un jugement d’annulation pour illégalité externe.

Il convient ensuite encore de relever que dans le cadre particulier du référé administratif, des moyens de légalité externe ne sont a priori pas de nature à fonder des mesures provisoires, étant donné que les juridictions administratives ne prononcent pas systématiquement l’annulation de décisions prises en violation, notamment, des formes destinées à protéger les intérêts privés10, de tels moyens ne présentant une chance de succès « que tout au plus dans une optique purement formaliste » : « Or, il se dégage en substance de la jurisprudence des juridictions administratives que celles-ci n’ont guère tendance à verser dans un formalisme stérile »11.

Plus avant, dans le détail, quant à l’invocation d’une violation de l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, un tel moyen en saurait convaincre au provisoire, alors qu’il résulte de la jurisprudence constante qu’il se dégage du libellé de la loi du 1er décembre 1978 en général et de l’article 1er en particulier que le législateur n’a pas entendu disposer lui-même des intérêts qu’il entend régler, mais qu’il a uniquement tracé les règles de base et le cadre tout en investissant le pouvoir réglementaire de 9 Trib. adm. 16 février 2005, n° 18672, Pas. adm. 2022, V° Recours en annulation, n° 64.

10 Voir trib. adm. prés. 13 août 2007, n° 23296, Pas. adm. 2022, Procédure contentieuse, n° 658.

11 Trib. adm. prés. 26 avril2012, n° 30363, Pas. adm. 2022, Procédure contentieuse, n° 659.

15 fixer le détail12, de sorte que ledit article 1er ne contient aucune règle de droit directement invocable et dont la violation serait susceptible d’être sanctionnée par le juge administratif.

Le second moyen d’illégalité externe, tiré en substance d’un défaut de motivation, ne présente pas non plus le sérieux nécessaire pour justifier per se la mesure provisoire sollicitée.

Il convient en effet à cet égard de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence établie13 suite à un arrêt de la Cour administrative du 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, pris dans le cadre de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, qu’il appartient au juge administratif, non pas de sanctionner une décision le cas échéant non motivée, mais plutôt de permettre à l’administration de produire ou de compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois pendant la phase contentieuse, la question du bien-fondé de ces bases et motivations relevant de l’examen de la légalité intrinsèque de la décision déférée.

Aussi, selon la jurisprudence, s’il est vrai que tant le silence de l’administration suite à une requête légitime que l’absence de motivation d’une décision peuvent constituer l’administration en faute si elle n’a pas agi en tant qu’administration normalement prudente, diligente et avisée, un tel comportement doit cependant trouver sa sanction dans les règles de la responsabilité civile et non pas conduire à l’annulation automatique de l’acte si la décision administrative est, par ailleurs, basée sur des motifs légaux quoique non formellement énoncés dans l’acte14.

En ce qui concerne les moyens basés sur des causes d’illégalité interne, si les parties requérantes arguent qu’en l’absence de motivation, elles seraient obligées de conclure à ce que le ministre aurait fondé la décision implicite de refus sur des règles juridiques qu’il aurait mal interprétées ou qui leur sont inapplicables, il s’avère toutefois qu’il s’agit là, en l’état, d’un moyen simplement ébauché, voire suggéré, qui ne présente tel quel pas le sérieux requis.

En effet, selon la jurisprudence des juges du fond, des moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, ne sont pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions. Il s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge des référés ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire : en d’autres termes, les moyens doivent offrir une apparence de droit suffisante ou un degré de vraisemblance tel que l’on peut nourrir des doutes importants quant à la légalité de l’acte15.

En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, aux termes duquel « Toute personne concernée par une décision administrative qui est susceptible de porter atteinte à ses droits et intérêts est également en droit d’obtenir communication des éléments d´informations sur lesquels l’Administration s’est basée ou entend 12 Trib. adm. 17 février 2000, n° 11547, Pas. adm. 2022, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 5, et autres références y citées.

13 Voir toutes les références figurant sous Pas. adm. 2022, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 90.

14 Cour adm. 13 juin 2006, n° 21176C, Pas. adm. 2022, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 87.

15 Jean-Paul Lagasse, Le référé administratif, 1992, p.48.

16 se baser », il convient de relever que, selon les juges du fond16, la communication du dossier administratif n’est pas une condition de légalité d’une décision administrative qui a été prise préalablement à une demande de communication du dossier administratif, étant relevé que la communication du dossier suite à une telle demande n’a aucune incidence sur la décision d’ores et déjà prise. Le respect de cette obligation de transparence n’est pas une fin en soi, mais l’administré ne saurait utilement en invoquer une violation que si un défaut de communication du dossier a pour effet de porter une atteinte aux droits de la défense.

Par ailleurs, en l’espèce, la partie étatique a bien versé en date du 4 décembre 2023 le dossier administratif dont les parties requérantes ont ainsi pu prendre connaissance ; il n’appert dès lors pas que la non-communication du dossier administratif au jour de l’introduction des recours puisse, au vu de la circonstance de ses dépôt et communication postérieurs, amener les juges à prononcer l’annulation de la décision déférée.

Ce moyen ne présente dès lors pas non plus en l’état actuel du dossier le sérieux nécessaire.

En ce qui concerne le moyen des parties requérantes, tiré d’un excès de pouvoir, il semble, à première vue, que ce moyen repose sur une double erreur.

Ainsi, si les parties requérantes se réfèrent à juste titre par analogie aux critères dégagés en matière d’autorisation de port d’armes, elles semblent toutefois en déduire de manière erronée que le ministre de la Justice devrait appliquer les critères d’octroi ou de renouvellement d’une autorisation de manière restrictive, dans le sens qu’il devrait appliquer ces critères de manière favorable au demandeur d’autorisation, alors qu’il appert que la jurisprudence en question est au contraire à interpréter dans le sens d’une restriction dans la délivrance des autorisations, puisque la jurisprudence retient de manière constante que la gravité de la décision d’accorder une autorisation de porter une arme impose au ministre de faire application de critères très restrictifs pour la reconnaissance de motifs valables y relatifs17, le ministre étant tenu de faire application du principe de précaution et à mettre tout en œuvre afin de veiller à ce que le détenteur d’armes prohibées ne puisse pas, dans le futur, faire un mauvais usage de ces armes18.

Or, en l’espèce, il résulte des explications du délégué du gouvernement que les délais que subit l’instruction de la demande des parties requérantes résultent, notamment, d’une application stricte de la loi du 2 février 2022, laquelle a non seulement requis des parties requérantes des documents complémentaires, mais encore imposé des vérifications administratives complémentaires.

Ainsi, il résulte des explications du délégué du gouvernement que la simple autorisation contenue dans la demande initiale du 5 mai 2023 « de faire la demande nécessaire afin que le bulletin n°2 du casier judiciaire vous soit directement livré par la procureur générale d’Etat » était insuffisante au vu de l’article 8 de la loi du 23 juillet 2016 portant modification de la loi du 29 mars 2013 relative à l’organisation du casier judiciaire, qui exige la production par « la personne physique ou morale concernée [de] son accord de manière écrite ou électronique afin 16 Trib. adm. 9 juillet 2009, n° 25142, Pas. adm. 2022, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 141, et les autres références y citées.

17 Trib. adm. 11 novembre 2002, n° 14888, confirmé par arrêt du 4 février 2003, n° 15655C, Pas. adm. 2022, V° Armes prohibées, n° 4.

18 Voir trib. adm. 20 janvier 2014, n° 31726.

17 que le bulletin N° 2 soit délivré directement à l’administration ou à la personne morale de droit public », ce qui en pratique ce ferait par le biais d’un formulaire standard.

Il en aurait été de même en ce qui concerne le certificat médical communiqué spontanément par les parties requérantes, lequel n’aurait pas été conforme aux exigences de l’article 16 de la loi du 2 février 2022.

Il appert encore que comme l’agrément sollicité serait accordé intuitu personae à une personne physique, la délivrance d’un tel agrément exigerait également des vérifications dans le chef de cette personne physique.

Or, Monsieur … aurait été titulaire à titre personnel d’autorisations en matière d’armes à feu dont l’inscription sur son autorisation de détention d’armes lui aurait été refusé en date du 23 août 2022, sans qu’il n’ait au jour de l’introduction de la demande d’agrément régularisé sa situation personnelle, ce que son mandataire a d’ailleurs admis dans sa prise de position du 18 juillet 2023, régularisation qui n’aurait été actée par la police grand-ducale qu’en date du 25 juillet 2023.

Il résulte encore de ces exemples que contrairement aux affirmations des parties requérantes, le ministre n’était pas, au moment de l’introduction de la demande en date du 5 mai 2023, en possession d’un dossier complet, ledit dossier n’ayant été complété qu’au fur et à mesure, de sorte qu’il ne saurait être considéré, a priori, comme complet qu’en date du 9 octobre 2023, date à laquelle la police grand-ducale a communiqué le rapport relatif au contrôle effectué des installations du commerce d’armes ….

Il n’appert dès lors pas que le ministre, en sollicitant des documents et informations complémentaires, ait, au vu d’une application nécessairement sévère et restrictive de la loi du 2 février 2022, commis un excès de pouvoir.

Ce moyen ne présente dès lors en l’état actuel du dossier pas le sérieux nécessaire.

Cette conclusion s’impose également mutatis mutandis, au terme d’un examen sommaire et pour les mêmes motifs, en ce qui concerne le dernier moyen des parties requérantes et basé sur un détournement de pouvoir dans le chef de l’administration, laquelle nécessiterait un temps de record pour analyser le dossier, de sorte que son comportement ne serait pas normal et ne serait pas digne d’une administration normalement diligente.

A cet égard, il convient encore de relever que comme la loi du 2 février 2022 ne prévoit a priori pas de recours en réformation par rapport aux décisions prises sur cette base, les juges du fond statueront vraisemblablement en tant que juges de l’annulation, de sorte que l’éventuelle sanction du détournement de pouvoir allégué serait en tout état de cause l’annulation de la décision implicite de refus telle que déférée, et non l’octroi de l’agrément sollicité. Aussi, si les parties requérantes se plaignent du comportement de l’administration, tel qu’allégué, la sanction d’un tel comportement ne relève pas tant de la compétence du juge administratif, mais plutôt de celle du juge judiciaire, qui peut ainsi qualifier le non-respect de délais de « fonctionnement défectueux » de l’action administrative, au sens de l’article 1er de la loi du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité civile de l´Etat et des collectivités publiques.

18 Il suit de ce qui précède que les moyens invoqués tant à l’appui du présent recours qu’à l’appui de la demande au fond par la société requérante n’apparaissent pas, au stade actuel de leur instruction et sur base d’une analyse nécessairement sommaire, comme ayant des chances suffisamment sérieuses d’aboutir à la réformation, sinon à l’annulation des décisions litigieuses au fond.

Les parties requérantes sont partant à débouter de leur demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle d’un risque de préjudice grave et définitif, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

Aussi, ce n’est qu’à titre superfétatoire et dans la mesure où la demande des parties requérantes tend à voir adresser une injonction à l’administration sous peine d’astreinte qu’il y a encore lieu de souligner que les juridictions administratives, d’une part, ne sauraient à défaut de base légale ordonner de telles injonctions à l’encontre de l’administration et, d’autre part, qu’elles ne sauraient - hormis le cas des dépens et des indemnités de procédure régis respectivement par l’article 32 et par l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 - prononcer de condamnation à l’encontre d’une partie, serait-ce au titre d’astreintes comminatoires.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;

rejette la demande en instauration de mesures de sauvegarde ;

condamne les parties requérantes aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 décembre 2023 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence de Marc Warken, greffier.

s.Marc Warken s.Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 décembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 19


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49767
Date de la décision : 08/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-12-08;49767 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award