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03/11/2023 | LUXEMBOURG | N°49628

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 novembre 2023, 49628


Tribunal administratif Numéro 49628 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49628 Inscrit le 27 octobre 2023

JUGEMENT

du 3 novembre 2023 sur la régularité d’une décision de prolongation de rétention administrative Vu la requête du ministre de l’Immigration et de l’Asile réceptionnée par le greffe du tribunal administratif le 27 octobre 2023 et enrôlée sous le numéro 49628, tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté du 19 octobre 2023 ordonnant la prorogation du placement en rétention administrative de :

Monsieur A, né

le …, alias …, né le … à … (Cameroun), de nationalité camerounaise, avisé par télécopie.



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Tribunal administratif Numéro 49628 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49628 Inscrit le 27 octobre 2023

JUGEMENT

du 3 novembre 2023 sur la régularité d’une décision de prolongation de rétention administrative Vu la requête du ministre de l’Immigration et de l’Asile réceptionnée par le greffe du tribunal administratif le 27 octobre 2023 et enrôlée sous le numéro 49628, tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté du 19 octobre 2023 ordonnant la prorogation du placement en rétention administrative de :

Monsieur A, né le …, alias …, né le … à … (Cameroun), de nationalité camerounaise, avisé par télécopie.

__________________________________________________________________________

Vu les articles 120 (3) et 123 (6) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu l’arrêté du 21 juin 2023 pris par le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », à l’encontre de Monsieur A, alias …, désigné ci-après par « Monsieur A », déclarant son séjour irrégulier, tout en lui ordonnant de quitter le territoire luxembourgeois sans délai et en lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans ;

Vu l’arrêté du ministre du 21 juin 2023 ordonnant le placement en rétention de Monsieur A au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu l’arrêté du ministre du 20 juillet 2023 ordonnant la prorogation du placement en rétention de Monsieur A au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu l’arrêté du ministre du 18 août 2023 ordonnant la prorogation du placement en rétention de Monsieur A au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu le jugement du tribunal administratif du 6 septembre 2023, inscrit sous le numéro 49374 du rôle, rejetant le recours contentieux introduit par Monsieur A contre la prédite décision ministérielle 18 août 2023 ;

Vu l’arrêté du ministre du 19 septembre 2023 ordonnant la prorogation du placement en rétention de Monsieur A au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu l’arrêté du ministre du 19 octobre 2023 ordonnant la prorogation du placement en rétention de Monsieur A au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 21 octobre 2023 ;

Vu la requête du ministre tendant à la vérification de la régularité du prédit arrêté du 19 octobre 2023 ordonnant la prorogation du placement en rétention, réceptionnée par le greffe du tribunal administratif le 27 octobre 2023, enrôlée sous le numéro 49628 ;

Vu le dossier administratif ;

Vu la convocation émise par le greffe du tribunal administratif le 27 octobre 2023 convoquant les parties à l’audience publique du 3 novembre 2023, notifiée en mains propres à Monsieur A en date du 27 octobre 2023 ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Sanae IGRI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom et pour le compte de Monsieur A, transmise au greffe du tribunal administratif le 30 octobre 2023 ;

Entendu Madame le délégué du gouvernement Corinne WALCH et Maître Clémence REMIER, en remplacement de Maître Sanae IGRI, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 novembre 2023.

L’affaire ayant été prise en délibéré à l’audience publique du 3 novembre 2023.

___________________________________________________________________________

Quant à la recevabilité de la requête :

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 octobre 2023 et enrôlée sous le numéro 49628, le ministre a saisi le président du tribunal administratif d’une demande tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté ordonnant la 4ème prorogation du placement en rétention de Monsieur A au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois d’un mois à partir de la notification de la décision.

Conformément à l’article 123 (6) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après « la loi du 29 août 2008 », « Lorsque le ministre décide de prolonger la durée de rétention en vertu de l’article 120, paragraphe (3), alinéa 2, il doit saisir d’office, par requête introduite dans les cinq jours ouvrables de la notification de la décision, le président du Tribunal administratif qui statue d’urgence comme juge du fond et en tout cas dans les dix jours du dépôt de la requête, la personne retenue dûment convoquée par les soins du greffe ».

Il ressort du dossier administratif et des pièces versées en cause que Monsieur A s’est vu notifier en date du 20 octobre 2023 un arrêté du ministre daté du 19 octobre 2023 ordonnant la prorogation de son placement en rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 21 octobre 2023.

La requête, introduite le 27 octobre 2023, est partant à déclarer recevable pour avoir été introduite endéans cinq jours ouvrables conformément aux dispositions de l’article 123 (6) de la loi du 29 août 2008.

Quant à la procédure :

Conformément à l’article 121 (1) de la loi du 29 août 2008, « La notification des décisions visées à l’article 120 est effectuée par un membre de la Police grand-ducale qui a la qualité d’officier de police judiciaire. La notification est faite par écrit et contre récépissé, dans la langue dont il est raisonnable de supposer que l’étranger la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés », ladite notification devant faire l’objet, conformément au paragraphe (2) de cette même disposition, d’un procès-verbal dressé par l’officier de police judiciaire qui y a procédé, mentionnant la date de la notification de la décision, la déclaration de la personne retenue qu’elle a été informée de ses droits mentionnés, ainsi que toute autre déclaration qu’elle désire faire acter, de même que la langue dans laquelle la personne retenue fait ses déclarations, ledit procès-verbal devant soit être signé par la personne retenue, soit, en cas de refus de signature, devant mentionner le refus et les motifs du refus.

Conformément à l’article 122 (2) et (3) de la loi du 29 août 2008, « (2) La personne retenue est immédiatement informée, par écrit et contre récépissé, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’elle la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés, de son droit de prévenir sa famille ou toute personne de son choix. Un téléphone est mis à sa disposition à titre gratuit à cet effet. (3) La personne retenue est immédiatement informée, par écrit et contre récépissé, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’elle la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés, de son droit de se faire examiner dans les vingt-quatre heures de son placement en rétention, par un médecin et de choisir un avocat à la Cour d’un des barreaux établis au Grand-Duché de Luxembourg ou de se faire désigner un avocat par le bâtonnier de l’ordre des avocats de Luxembourg. Le mineur non accompagné d’un représentant légal se voit désigner, dans les meilleurs délais, un administrateur ad hoc ».

Il ressort du dossier administratif et des pièces versées en cause que la notification opérée en date du 20 octobre 2023 l’a été conformément aux prescriptions légales, encore que la personne retenue ait, sans motif, refusé de signer le procès-verbal de notification ; il se dégage encore du dossier administratif que la personne retenue s’est régulièrement vu rappeler les droits qui lui sont reconnus pendant la période de rétention.

L’article 123 (6) de la loi du 29 août 2008 prévoit que le président s’assure que la personne retenue a été touchée par la convocation.

Il ressort à cet égard des pièces versées en cause que Monsieur A s’est bien vu notifier en mains propres la convocation du 27 octobre 2023 pour l’audience publique du 3 novembre 2023.

Quant au fond :

Quant au fond, l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […] l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120 (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.

Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme1, il faut que l’éloignement de la personne retenue soit une perspective réaliste.

1 CourEDH, 25 juin 2019, Al Husin c. Bosnie-Herzégovine (n° 2), req. n° 10112/16.

Enfin, en vertu de l’article 120 (3), in fine, de la même loi, si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut encore être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire.

En l’espèce, il se dégage des éléments de la cause que la personne retenue se trouve toujours actuellement en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.

En effet, comme indiqué ci-avant, par arrêté du 21 juin 2023 portant décision de retour, le ministre constata que le séjour de la personne retenue sur le territoire luxembourgeois était irrégulier et lui ordonna de quitter le territoire sans délai.

Si Monsieur A a certes fait introduire un recours contentieux à l’encontre de la prédite décision de retour par requête enrôlée en date du 1er septembre 2023 sous le numéro 49373 du rôle, cette décision de retour, à défaut d’effet suspensif attaché de plein droit à pareil recours et à défaut d’ordonnance ayant suspendu les effets de ladite décision de retour, doit être considérée comme non énervée et, en tout état de cause, comme exécutable.

Il est encore constant en cause que la personne retenue ne disposait, à la date de la prise de l’arrêté actuellement déféré, toujours pas de documents de voyage valables, ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail, de sorte qu’elle ne remplit pas les conditions énoncées à l’article 34 (1) de la loi du 29 août 2008, qui requiert précisément d’un étranger de disposer d’un document de voyage valable et, le cas échéant, d’un visa.

Il en résulte l’existence dans le chef de la personne retenue d’un risque de fuite, légalement présumé par l’article 111 (3) c), point 1. de la loi du 29 août 2008, si le ressortissant de pays tiers ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi.

Il s’ensuit que les conditions initiales ayant justifié que le ministre ait placé l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement perdurent actuellement.

En ce qui concerne ensuite les diligences effectuées en vue de l’éloignement de la personne retenue, le soussigné relève tout d’abord qu’il est uniquement saisi d’une requête tendant au contrôle d’office de la décision du ministre de proroger une 4ème fois la mesure de rétention de Monsieur A, de sorte qu’il lui appartient seulement d’examiner le bien-fondé de ladite décision en s’assurant qu’à l’heure actuelle, le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire et que les conditions spécifiques à une telle 4ème prorogation, à savoir qu’il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, sont données, le tribunal étant appelé toutefois, le cas échéant, à relever d’office, sur la base des éléments du dossier portés à sa connaissance, tels que complétés ou éclairés lors de la procédure contradictoire devant lui, l’éventuel non-respect d’une condition de légalité qui n’a pas été invoquée par la personne concernée.2 2 CJUE, grande chambre, 8 novembre 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid contre C. et X., C-704/20 et C-39/21.Les dispositions de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, citées ci-avant, sont à entrevoir, notamment, à l’aune de l’article 15 (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115 », aux termes duquel « Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres […] la personne concernée est immédiatement remise en liberté ».

Selon la Cour de Justice de l’Union européenne3, l’article 15 (4) de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens que seule une réelle perspective que l’éloignement puisse être mené à bien eu égard aux délais fixés aux paragraphes (5) et (6) de ce même article correspond à une perspective raisonnable d’éloignement et que cette dernière n’existe pas lorsqu’il paraît peu probable que l’intéressé soit accueilli dans un pays tiers eu égard auxdits délais.

Il échet de prime abord de constater que dans le cadre du jugement, précité, du 6 septembre 2023, le tribunal administratif a retenu que les démarches accomplies par les autorités luxembourgeoises à cette date devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.

En ce qui concerne les diligences accomplies depuis lors, le soussigné constate qu’après que le déplacement de l’Ambassadrice du Cameroun au Centre de rétention en vue de procéder à l’audition de Monsieur A, prévu pour le 5 septembre 2023, a dû être annulé en raison d’un empêchement de l’Ambassadrice, les autorités luxembourgeoises ont contacté leurs homologues camerounais par courriel du 12 septembre 2023, en vue de l’organisation d’un nouveau rendez-vous. En date du 5 octobre 2023, suite à un rappel adressé aux autorités camerounaises par courriel du 27 septembre 2023, l’agent ministériel en charge du dossier de Monsieur A a tenté sans succès de contacter l’Ambassadrice sur son numéro de téléphone personnel, ainsi que cela se dégage d’une note au dossier administratif. Par courriels des 19 octobre et 2 novembre 2023, les autorités luxembourgeoises ont relancé leurs homologues camerounais.

Au vu de ces éléments, le soussigné est amené à conclure que les diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise doivent être considérées, dans les circonstances de l’espèce et à ce stade, comme suffisantes, de manière que dans ces conditions la nécessité requise au sens de l’article 120 (3) de la loi du 29 août 2008 pour la prolongation de la mesure de rétention est vérifiée en l’espèce.

Il convient encore de relever que la prorogation sous analyse s’inscrit plus particulièrement dans les hypothèses prévues à l’article 120 (3), in fine, de la même loi, à savoir lorsque « malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires », étant patent en cause que le retard actuel est causé par la nécessité pour les autorités luxembourgeoises d’attendre la réponse des autorités camerounaises en ce qui concerne la délivrance d’un laissez-passer.

3 CJUE, grande chambre, 30 novembre 2009, Said Shamilovich Kadzoev (Huchbarov), C-357/09 PPU.

Par ailleurs, et au vu des développements qui précèdent, il convient, en l’état actuel du dossier, de retenir qu’à ce jour, l’éloignement du retenu demeure une perspective raisonnable.

Ainsi, il n’existe à l’heure actuelle pas d’élément permettant de conclure que l’éloignement vers le Cameroun ne puisse pas être mené à bien, la possibilité de retenir l’intéressé dans le cadre d’une mesure de placement expirant en tout état de cause seulement définitivement le 21 décembre 2023.

Les conclusions dégagées ci-avant quant au caractère suffisant des diligences ministérielles et à l’existence d’une perspective raisonnable d’éloignement ne sont pas énervées par l’argumentation développée à l’audience publique des plaidoiries par le litismandataire de la personne retenue, selon laquelle, en substance, il n’y aurait pas eu d’échange entre les autorités camerounaises et luxembourgeoises en ce qui concerne la personne de Monsieur A, alors que les courriels échangés entre ces autorités concerneraient, non pas ce dernier, mais un dénommé B, de sorte qu’il n’existerait aucune perspective raisonnable d’éloignement de la personne retenue.

En effet, si, certes, les courriels échangés entre le 28 juillet et le 28 août 2023 indiquent comme objet : « demande d’identification de M. B », il n’en reste pas moins qu’il ressort clairement du contenu de ces courriels que les autorités camerounaises avaient été saisies parallèlement de deux demandes d’identification et de délivrance d’un laissez-passer par leurs homologues luxembourgeois, l’une concernant Monsieur A et l’autre Monsieur B, les autorités camerounaises ayant expressément accusé réception de ces deux demandes et sollicité une audition de chacune de ces personnes, par courriel du 22 août 2023. Le 23 août 2023, les autorités luxembourgeoises ont invité leurs homologues camerounais à clôturer la demande concernant Monsieur B, au motif que ce dernier avait été identifié par les autorités nigérianes, de sorte que les échanges ultérieurs ont porté exclusivement sur la délivrance d’un laissez-

passer dans le chef de Monsieur A, ainsi que cela est confirmé, notamment, par le courriel des autorités camerounaises du 25 août 2023, dont il se dégage clairement que le susdit rendez-

vous du 5 septembre 2023 – qui a été annulé par la suite – concernait « […] la demande de [l]aissez-passer pour Monsieur A […] ».

Concernant finalement la possibilité d’application de mesures moins coercitives, les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125 (1), à savoir l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement auprès des services ministériels après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ou encore l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros, sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125 (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour desmotifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111 (3), de la même loi, tout en relevant qu’il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et qu’au vu de la présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du concerné, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment des garanties de représentation suffisantes.

En l’espèce, le soussigné rappelle que dans son jugement, précité, du 6 septembre 2023, le tribunal administratif a conclu que le ministre avait valablement pu retenir que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125 (1), précité, de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sauraient être efficacement appliquées à Monsieur A, et ce pour les motifs suivants :

« […] En l’espèce, le demandeur n’a pas soumis au tribunal d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite qui existe dans son chef. En effet, il n’a présenté aucun élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

En ce qui concerne plus particulièrement le « contrat de bail » daté du 1er février 2021, tel que versé en cause et aux termes duquel le demandeur et son épouse ont loué un appartement sis à L-…, force est au tribunal de constater que ledit contrat a pris effet au 1er février 2021, pour une durée d’un an, sans qu’il ne ressorte d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal que le demandeur, sinon son épouse, serait actuellement encore locataire des lieux, encore que le contrat prévoit qu’il soit renouvelable par tacite reconduction pour une durée d’une année.

Au contraire, le tribunal relève, de concert avec le délégué du gouvernement, que le document, intitulé « Informations concernant une déclaration de sortie », émis par le Centre Commun de la Sécurité Sociale (CCSS) en date du 5 mai 2021, a été adressé à l’épouse du demandeur et plus particulièrement à une adresse située en France, à savoir F-….

Le tribunal rejoint encore le délégué du gouvernement dans son constat suivant lequel il ressort de la demande d’autorisation de titre de séjour pour ressortissant de pays tiers déposée par le demandeur et son épouse en date du 26 avril 2022, ainsi que des pièces y annexées, que l’intéressé n’a effectué sa déclaration d’arrivée à la commune de … qu’en date du 15 avril 2022, laquelle révèle qu’il résidait, auparavant à l’adresse prémentionnée située en France. Les mêmes informations se dégagent de la déclaration d’arrivée de l’épouse du demandeur introduite le même jour.

C’est encore à juste titre que le délégué du gouvernement relève que le document, intitulé « Attestation sur l’honneur de domicile pour plusieurs personnes composant un ménage », daté du 26 avril 2022 et établi par l’épouse du demandeur renseigne, lui aussi, la susdite adresse située en France.

Enfin, le document, intitulé « Echéancier d’électricité » et établi par la société « Total Energies » en date du 5 mai 2023, joint à la « demande d’admission exceptionnelle au séjour » introduite par le demandeur auprès du préfet de la Moselle, en France, révèle que le demandeur et son épouse disposent toujours de ce logement situé en France, dans la mesure où ces deux documents mentionnent l’adresse sise à F-….

8 A défaut d’autres éléments, le tribunal retient qu’il ne se dégage pas du « contrat de bail », ni d’aucun autres éléments soumis à son appréciation que l’adresse indiquée serait une adresse fixe et stable à laquelle le demandeur pourrait être considéré comme étant à la disposition des autorités luxembourgeoises pour les besoins de son éloignement, respectivement qu’il disposerait d’un autre logement stable au Luxembourg.

Dans ces conditions, la seule volonté déclarée du demandeur de remettre l’original de son passeport, respectivement un passeport qu’il devrait préalablement obtenir de la part des autorités de son pays d’origine ne permet pas non plus de conclure à l’existence, dans le chef de l’intéressé, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008. […] ».

En l’espèce, le soussigné ne s’est pas vu soumettre d’éléments qui lui permettraient de se départir de la solution ainsi dégagée par le tribunal administratif. En effet, la personne retenue ne justifie toujours pas d’une adresse fixe et stable à laquelle elle pourrait être considérée comme étant à la disposition des autorités luxembourgeoises pour les besoins de son éloignement et elle n’a pas non plus présenté un quelconque autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes s’impose.

L’intéressé ne présentant ainsi toujours pas de garanties suffisantes de représentation, il ne remplit pas les conditions préalables afin de bénéficier d’une mesure moins coercitive.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’arrêté ministériel du 19 octobre 2023 ordonnant la prorogation de la mesure de placement en rétention de Monsieur A est à confirmer.

Par ces motifs, le soussigné, vice-président du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président, légitimement empêché, statuant contradictoirement et en audience publique ;

déclare recevable la requête du ministre de l’Immigration et de l’Asile tendant à la vérification de la régularité de la décision de prolongation de la rétention administrative ;

quant au fond, confirme l’arrêté ministériel du 19 octobre 2023 ordonnant la prorogation de la mesure de placement en rétention de Monsieur A ;

Ainsi jugé et prononcé au tribunal administratif, date qu’en tête, par Daniel WEBER, vice-président du tribunal administratif, en présence de Xavier DREBENSTEDT, greffier en chef.

s. Xavier DREBENSTEDT s. Daniel WEBER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 novembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49628
Date de la décision : 03/11/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-11-03;49628 ?

Source

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