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30/10/2023 | LUXEMBOURG | N°49603

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 octobre 2023, 49603


Tribunal administratif Numéro 49603 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49603 Inscrit le 23 octobre 2023

JUGEMENT

du 30 octobre 2023 sur la régularité d’une décision de prolongation de rétention administrative Vu la requête du ministre de l’Immigration et de l’Asile réceptionnée par le greffe du tribunal administratif le 23 octobre 2023 et enrôlée sous le numéro 49603 du rôle, tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté du 13 octobre 2023 ordonnant la prorogation du placement en rétention administrative de :

Monsie

ur …, déclarant être né le … au Maroc et être de nationalité marocaine, connu sous différent a...

Tribunal administratif Numéro 49603 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49603 Inscrit le 23 octobre 2023

JUGEMENT

du 30 octobre 2023 sur la régularité d’une décision de prolongation de rétention administrative Vu la requête du ministre de l’Immigration et de l’Asile réceptionnée par le greffe du tribunal administratif le 23 octobre 2023 et enrôlée sous le numéro 49603 du rôle, tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté du 13 octobre 2023 ordonnant la prorogation du placement en rétention administrative de :

Monsieur …, déclarant être né le … au Maroc et être de nationalité marocaine, connu sous différent alias, avisé par télécopie.

__________________________________________________________________________

Vu les articles 120 (3) et 123 (6) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu l’arrêté du 13 février 2023 pris par le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », à l’encontre de Monsieur …, connu sous différents alias, désigné ci-après par « Monsieur … », déclarant son séjour irrégulier, tout en lui ordonnant de quitter le territoire luxembourgeois dès sa libération du Centre pénitentiaire de Luxembourg ;

Vu l’arrêté du ministre du 15 juin 2023 ordonnant le placement en rétention de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu l’arrêté du ministre du 16 juin 2023 ordonnant le placement en rétention de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision, ledit arrêté rapportant et remplaçant l’arrêté du 15 juin 2023, précité ;

Vu le jugement du tribunal administratif du 14 juillet 2023, inscrit sous le numéro 49138 du rôle, rejetant le recours contentieux introduit par Monsieur … contre la prédite décision ministérielle 16 juin 2023 ;

Vu l’arrêté du ministre du 14 juillet 2023 ordonnant la prorogation du placement en rétention de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 16 juillet 2023 ;

Vu l’arrêté du ministre du 10 août 2023 ordonnant la prorogation du placement en rétention de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu le jugement du tribunal administratif du 16 août 2023, inscrit sous le numéro 49282 du rôle, rejetant le recours contentieux introduit par Monsieur … contre la prédite décision ministérielle du 14 juillet 2023 ;

Vu le jugement du tribunal administratif du 13 septembre 2023, inscrit sous le numéro 49391 du rôle, rejetant le recours contentieux introduit par Monsieur … contre la prédite décision ministérielle du 10 août 2023 ;

Vu l’arrêté du ministre du 14 septembre 2023 ordonnant la prorogation du placement en rétention de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 16 septembre 2023 ;

Vu le jugement du tribunal administratif du 2 octobre 2023, inscrit sous le numéro 49469 du rôle, rejetant le recours contentieux introduit par Monsieur … contre la prédite décision ministérielle 14 septembre 2023 ;

Vu l’arrêté du ministre du 13 octobre 2023 ordonnant la prorogation du placement en rétention de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu la requête du ministre tendant à la vérification de la régularité du prédit arrêté du 13 octobre 2023 ordonnant la prorogation du placement en rétention de Monsieur …, réceptionnée par le greffe du tribunal administratif le 23 octobre 2023, enrôlée sous le numéro 49603 ;

Vu le dossier administratif ;

Vu la convocation émise par le greffe du tribunal administratif le 23 octobre 2023 convoquant les parties à l’audience publique du 30 octobre 2023, notifiée en mains propres à Monsieur … en date du 23 octobre 2023 ;

Entendu Monsieur le délégué du gouvernement Felipe Lorenzo en ses explications à l’audience publique du 30 octobre 2023.

L’affaire ayant été prise en délibéré à l’audience publique du 30 octobre 2023.

___________________________________________________________________________

Quant à la recevabilité de la requête :

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 octobre 2023 et enrôlée sous le numéro 49603, le ministre a saisi le président du tribunal administratif d’une demande tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté ordonnant la 4ème prorogation du placement en rétention de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois d’un mois à partir de la notification de la décision.

Conformément à l’article 123 (6) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », « Lorsque le ministre décide de prolonger la durée de rétention en vertu de l’article 120, paragraphe (3), alinéa 2, il doit saisir d’office, par requête introduite dans les cinq jours ouvrables de la notification de la décision, le président du Tribunal administratif qui statue d’urgence comme juge du fond et en tout cas dans les dix jours du dépôt de la requête, la personne retenue dûment convoquée par les soins du greffe ».

Il ressort du dossier administratif et des pièces versées en cause que Monsieur … s’est vu notifier en date du 16 octobre 2023 un arrêté du ministre daté du 13 octobre 2023 ordonnant la prorogation de son placement en rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision.

La requête, introduite le 23 octobre 2023, est partant à déclarer recevable pour avoir été introduite endéans cinq jours ouvrables conformément aux dispositions de l’article 123 (6) de la loi du 29 août 2008.

Quant à la procédure :

Conformément à l’article 121 (1) de la loi du 29 août 2008, « La notification des décisions visées à l’article 120 est effectuée par un membre de la Police grand-ducale qui a la qualité d’officier de police judiciaire. La notification est faite par écrit et contre récépissé, dans la langue dont il est raisonnable de supposer que l’étranger la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés », ladite notification devant faire l’objet, conformément au paragraphe (2) de cette même disposition, d’un procès-verbal dressé par l’officier de police judiciaire qui y a procédé, mentionnant la date de la notification de la décision, la déclaration de la personne retenue qu’elle a été informée de ses droits mentionnés, ainsi que toute autre déclaration qu’elle désire faire acter, de même que la langue dans laquelle la personne retenue fait ses déclarations, ledit procès-verbal devant soit être signé par la personne retenue, soit, en cas de refus de signature, devant mentionner le refus et les motifs du refus.

Conformément à l’article 122 (2) et (3) de la loi du 29 août 2008, « (2) La personne retenue est immédiatement informée, par écrit et contre récépissé, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’elle la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés, de son droit de prévenir sa famille ou toute personne de son choix. Un téléphone est mis à sa disposition à titre gratuit à cet effet. (3) La personne retenue est immédiatement informée, par écrit et contre récépissé, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’elle la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés, de son droit de se faire examiner dans les vingt-quatre heures de son placement en rétention, par un médecin et de choisir un avocat à la Cour d’un des barreaux établis au Grand-Duché de Luxembourg ou de se faire désigner un avocat par le bâtonnier de l’ordre des avocats de Luxembourg. Le mineur non accompagné d’un représentant légal se voit désigner, dans les meilleurs délais, un administrateur ad hoc ».

Il ressort du dossier administratif et des pièces versées en cause que la notification opérée en date du 16 octobre 2023 l’a été conformément aux prescriptions légales.

S’il s’en dégage également que la personne retenue s’est vu régulièrement rappeler les droits qui lui sont reconnus pendant la période de rétention, tels que prévus par l’article 122 (2) de la loi du 29 août 2008, tel n’est cependant pas le cas en ce qui concerne les droits prévus à l’article 122 (3) de la même loi, à savoir ceux de se faire examiner dans les vingt-quatre heures de son placement en rétention, par un médecin et de choisir un avocat à la Cour d’un des barreaux établis au Grand-Duché de Luxembourg ou de se faire désigner un avocat par le bâtonnier de l’ordre des avocats de Luxembourg, la case afférente du procès-verbal de notification de l’arrêté ministériel du 13 octobre 2023 n’étant pas cochée, tel que soulevé à l’audience publique du 30 octobre 2023.

Quant à la conclusion à tirer de ce constat, le soussigné relève que l’intéressé a bien été informé des droits prévus à l’article 122 (3) de la loi du 29 août 2008 lors de la notification de chacun des quatre arrêtés de placement en rétention antérieurs, de sorte qu’il ne saurait être soutenu qu’il n’en aurait pas connaissance. S’agissant plus particulièrement de l’information relative au droit de choisir un avocat à la Cour ou de se faire désigner un avocat par le bâtonnier de l’ordre des avocats de Luxembourg, le soussigné constate que le demandeur a d’ores et déjà fait usage de ce droit, ainsi qu’en témoignent les recours qu’il a introduits à l’encontre des arrêtés de placement en rétention des 16 juin, 14 juillet, 10 août et 14 septembre 2023. De même, Monsieur … a, à travers la convocation à l’audience publique du 30 octobre 2023, notifiée à l’intéressé en mains propres le 23 octobre 2023, été informé par le greffe du tribunal administratif de sa possibilité de se faire représenter à cette audience par un avocat à la Cour choisi par ses soins ou désigné par le bâtonnier. Dans ces circonstances, le soussigné conclut qu’aucune lésion des droits de la défense de Monsieur … n’est vérifiée en l’espèce. Il suit des considérations qui précèdent que le fait que l’intéressé n’ait pas été à nouveau informé de ses droits visés à l’article 122 (3) de la loi du 29 août 2008 n’est en tout état de cause pas de nature à justifier la réformation de l’arrêté ministériel du 13 octobre 2023.

L’article 123 (6) de la loi du 29 août 2008 prévoit que le président s’assure que la personne retenue a été touchée par la convocation.

Il ressort à cet égard des pièces versées en cause que Monsieur … s’est bien vu notifier en mains propres la convocation du 23 octobre 2023 pour l’audience publique du 30 octobre 2023, tel que relevé ci-avant.

Quant au fond :

Quant au fond, l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […] l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120 (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans unestructure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.

Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme1, il faut que l’éloignement de la personne retenue soit une perspective réaliste.

Enfin, en vertu de l’article 120 (3) in fine, de la même loi, si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut encore être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire.

En l’espèce, il résulte des éléments de la cause que la personne retenue se trouve toujours actuellement en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.

En effet, comme indiqué ci-avant, par arrêté du 13 février 2023 portant décision de retour, le ministre constata que le séjour de la personne retenue sur le territoire luxembourgeois était irrégulier et lui ordonna de quitter le territoire dès sa libération du Centre pénitentiaire de Luxembourg.

Il est constant en cause que cette décision n’a à ce jour pas été énervée et qu’elle doit être considérée comme coulée en autorité de chose décidée.

1 CourEDH, 25 juin 2019, Al Husin c. Bosnie-Herzégovine (n° 2), req. n° 10112/16.Il est encore constant en cause que la personne retenue ne disposait, à la date de la prise de l’arrêté actuellement déféré, toujours ni de passeport, de visa, d’autorisation de séjour valable, ni d’autorisation de travail, de sorte qu’il ne remplit pas les conditions énoncées à l’article 34 (2), point 1, de la loi du 29 août 2008 qui requiert précisément d’un étranger de disposer notamment d’un passeport et, le cas échéant, d’un visa en cours de validité.

Il en résulte l’existence dans le chef de la personne retenue d’un risque de fuite, légalement présumé par l’article 111 (3) c), point 1. de la loi du 29 août 2008, si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi.

Il s’ensuit que les conditions initiales ayant justifié que le ministre ait placé l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement perdurent actuellement.

En ce qui concerne ensuite les diligences effectuées en vue de l’éloignement de la personne retenue, le soussigné relève tout d’abord qu’il est uniquement saisi d’une requête tendant au contrôle d’office de la décision du ministre de proroger une 4ème fois la mesure de rétention de Monsieur …, de sorte qu’il lui appartient seulement d’examiner le bien-fondé de ladite décision en s’assurant qu’à l’heure actuelle, le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire et que les conditions spécifiques à une telle 4ème prorogation, à savoir qu’il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, sont données, le tribunal étant appelé toutefois, le cas échéant, à relever d’office, sur la base des éléments du dossier portés à sa connaissance, tels que complétés ou éclairés lors de la procédure contradictoire devant lui, l’éventuel non-respect d’une condition de légalité qui n’a pas été invoquée par la personne concernée.2 Les dispositions de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, citées ci-avant, sont à entrevoir, notamment, à l’aune de l’article 15 (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115 », aux termes duquel « Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres […] la personne concernée est immédiatement remise en liberté ».

Selon la Cour de Justice de l’Union européenne3, l’article 15 (4) de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens que seule une réelle perspective que l’éloignement puisse être mené à bien eu égard aux délais fixés aux paragraphes (5) et (6) de ce même article correspond à une perspective raisonnable d’éloignement et que cette dernière n’existe pas lorsqu’il paraît peu probable que l’intéressé soit accueilli dans un pays tiers eu égard auxdits délais.

Il échet de prime abord de constater que dans le cadre des jugements précités des 14 juillet, 16 août, 13 septembre et 2 octobre 2023, le tribunal administratif a retenu que les démarches accomplies par les autorités luxembourgeoises à ces dates respectives devaient être 2 CJUE, grande chambre, 8 novembre 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid contre C. et X., C-704/20 et C-39/21.

3 CJUE, grande chambre, 30 novembre 2009, Said Shamilovich Kadzoev (Huchbarov), C-357/09 PPU.

considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.

En ce qui concerne les diligences accomplies depuis lors, il ressort des pièces versées en cause qu’en date du 4 octobre 2023, les autorités luxembourgeoises ont adressé un itératif rappel aux autorités consulaires tunisiennes, tout en les priant de les informer sur l’état d’avancement du dossier du demandeur.

Il ressort encore d’une note au dossier administratif que lors d’un entretien téléphonique en date du 12 octobre 2023, le Consul de Tunisie a confirmé aux autorités luxembourgeoises que le dossier de Monsieur … était toujours en cours d’instruction, tout en précisant que le fait, pour les autorités consulaires tunisiennes, de ne pas répondre de manière systématique aux courriers de l’autorité ministérielle luxembourgeoise ne signifierait pas que « […] [les] demandes [de cette dernière] ne [seraient] pas traitées, mais qu’elles [seraient] toujours en cours de traitement […] ».

Un nouveau rappel a été adressé aux autorités tunisiennes en date du 25 octobre 2023.

Au vu de ces éléments, le soussigné est amené à conclure que les diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise doivent être considérées, dans les circonstances de l’espèce et à ce stade, comme suffisantes, de manière que dans ces conditions la nécessité requise au sens de l’article 120 (3) de la loi du 29 août 2008 pour la prolongation de la mesure de rétention est vérifiée en l’espèce.

Il convient encore de relever que la prorogation sous analyse s’inscrit plus particulièrement dans les hypothèses prévues à l’article 120 (3), in fine, de la même loi, à savoir lorsque « malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires », étant patent en cause que le retard actuel est causé, d’une part, par la nécessité pour les autorités luxembourgeoises d’attendre la réponse des autorités tunisiennes en ce qui concerne la délivrance d’un laissez-passer et, d’autre part, par le défaut de coopération flagrant de Monsieur …. Sur ce dernier point, tel que retenu par le tribunal dans ses jugements, précités, des 14 juillet, 16 août, 13 septembre et 2 octobre 2023, le soussigné précise que l’intéressé, qui est connu sous de multiples alias, est, à tout le moins partiellement, sinon essentiellement à l’origine des difficultés rencontrées par le ministre pour déterminer son identité, étant donné qu’il a indiqué et maintenu être de nationalité marocaine après que les autorités marocaines aient informé les autorités luxembourgeoises que, suivant leurs vérifications, il ne serait pas un ressortissant marocain, ce qui a conduit les représentants du Consulat Général du Royaume du Maroc à Liège à devoir se rendre au Centre de rétention afin de mener un entretien d’identification avec Monsieur …, étant relevé que c’est la dangerosité de ce dernier qui a amené les autorités luxembourgeoises à préalablement devoir annuler le rendez-vous initialement fixé dans les locaux du Consulat Général à Liège aux fins de l’identification de l’intéressé. Cette l’attitude de l’intéressé, témoignant d’un défaut de collaboration flagrant, ne correspond pas à celle d’une personne désireuse de faciliter son processus d’identification afin d’écourter la durée de son placement en rétention et pour que la mesure d’éloignement le concernant puisse être menée à bien.

Par ailleurs, et au vu des développements qui précèdent, il convient, en l’état actuel du dossier, de retenir qu’à ce jour, l’éloignement du retenu demeure une perspective non seulement raisonnable, mais encore prévisible au vu de la coopération des autorités tunisiennes.

Ainsi, il n’existe à l’heure actuelle pas d’élément permettant de conclure que l’éloignement vers la Tunisie ne puisse pas être mené à bien, la possibilité de retenir l’intéressé dans le cadre d’une mesure de placement expirant en tout état de cause seulement définitivement le 16 décembre 2023.

Concernant finalement la possibilité d’application de mesures moins coercitives, les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125 (1), à savoir l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement auprès des services ministériels après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ou encore l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros, sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125 (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111 (3) de la même loi, tout en relevant qu’il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et qu’au vu de la présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du concerné, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment des garanties de représentation suffisantes.

En l’espèce, il se dégage du dossier administratif que les raisons avancées par la partie étatique pour justifier le recours à la mesure de rétention plus particulièrement en raison d’un risque de fuite dans le chef de Monsieur …, résident dans son séjour irrégulier au Luxembourg et dans le défaut de celui-ci de pouvoir justifier d’une adresse, la personne retenue ne bénéficiant d’ailleurs d’aucune attache au Luxembourg, ainsi que dans le défaut de documents d’identité et de voyage en cours de validité ; enfin, la personne retenue semble ne pas être en mesure de verser une garantie financière de cinq mille euros.

A défaut de toute circonstance et élément énervant actuellement ce constat, il y a lieu de retenir que l’intéressé ne présente toujours pas de garanties suffisantes de représentation, et ne remplit donc pas les conditions préalables afin de bénéficier d’une mesure moins coercitive.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’arrêté ministériel du 13 octobre 2023 ordonnant la prorogation de la mesure de placement en rétention de Monsieur … est à confirmer.

Par ces motifs, le soussigné, vice-président du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président, légitimement empêché, statuant contradictoirement et en audience publique ;

déclare recevable la requête du ministre de l’Immigration et de l’Asile tendant à la vérification de la régularité de la décision de prolongation de la rétention administrative ;

quant au fond, confirme l’arrêté ministériel du 13 octobre 2023 ordonnant la prorogation de la mesure de placement en rétention de Monsieur … ;

Ainsi jugé et prononcé au tribunal administratif, date qu’en tête, par Daniel WEBER, vice-président du tribunal administratif, en présence de Xavier DREBENSTEDT, greffier en chef.

s. Xavier DREBENSTEDT s. Daniel WEBER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 octobre 2023 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49603
Date de la décision : 30/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-10-30;49603 ?

Source

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