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27/10/2023 | LUXEMBOURG | N°49536

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 octobre 2023, 49536


Tribunal administratif Numéro 49536 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49536 Inscrit le 10 octobre 2023 Audience publique du 27 octobre 2023 Requête en institution de mesures de sauvegarde présentée par le fonds d’investissement A, …, par rapport à quatre décisions de la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER en matière de législation relative aux fonds d’investissement spécialisés

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 49536 du rôle e

t déposée le 10 octobre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Ferdinand BUR...

Tribunal administratif Numéro 49536 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49536 Inscrit le 10 octobre 2023 Audience publique du 27 octobre 2023 Requête en institution de mesures de sauvegarde présentée par le fonds d’investissement A, …, par rapport à quatre décisions de la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER en matière de législation relative aux fonds d’investissement spécialisés

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 49536 du rôle et déposée le 10 octobre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Ferdinand BURG, avocat à la Cour, inscrit au Barreau de Luxembourg, au nom de la société d’investissement à capital variable - fonds d’investissement spécialisé A, établie et ayant son siège social à …, inscrite au Registre de Commerce et des Sociétés sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à l’instauration de mesures de sauvegarde par rapport à quatre décisions, ainsi qualifiées, de la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER (« CSSF »), établissement public établi et ayant son siège à L-2991 Luxembourg, 283, route d’Arlon, représenté par son comité directeur, à savoir :

1) une décision de refus implicite résultant du silence gardé par la CSSF face à la demande d’agrément de la banque B comme dépositaire de la société A adressée à la CSSF en date du 9 septembre 2019 ;

2) une décision de refus implicite résultant du silence gardé par la CSSF face à la demande d’agrément de la banque C comme dépositaire de la société A adressée à la CSSF en date du 9 septembre 2019 ;

3) une décision de refus implicite résultant du silence gardé par la CSSF face à la demande d’agrément de D comme réviseur d’entreprises de la société A adressée à la CSSF en date du 6 octobre 2021 ;

4) une décision de refus implicite résultant du silence gardé par la CSSF face à la demande d’agrément de la société E comme dépositaire de la société A adressée à la CSSF en date du 18 septembre 2023 ;

cette requête s’inscrivant dans le cadre d’un recours en réformation, sinon en annulation introduit le 10 octobre 2023 et inscrit sous le numéro 49535 du rôle, dirigé contre ces quatre décisions implicites de refus ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Christine KOVELTER, en remplacement de l’huissier de justice Carlos CALVO, demeurant à Luxembourg, du 13 octobre 2023, portant signification de la prédite requête en obtention de mesures provisoires à la CSSF ;

Vu la constitution d’avocat de la société RODESCH AVOCATS A LA COUR SARL, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg, représentée par Maître Virginie VERDANET, avocat à la Cour, inscrite au Barreau de Luxembourg, au nom de la CSSF, du 13 octobre 2023 ;

Vu la note de plaidoiries communiquée le 24 octobre 2023 au soussigné par Maître Virginie VERDANET au nom de la CSSF ;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause ;

Maître Ferdinand BURG, pour la partie requérante, ainsi que Maître Virginie VERDANET, pour la CSSF, entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 octobre 2023.

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La société d’investissement à capital variable - fonds d’investissement spécialisé (SICAV-FIS) A, ci-après « le fonds d’investissement », fut admise par la COMMISSION DE SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER (« CSSF ») sur la liste officielle des fonds d’investissement spécialisés avec effet au 14 mai 2014, son dépositaire étant alors la banque F.

La société G ayant conclu un accord de reprise de l’ensemble des activités de banque de la banque F, accord finalisé le 3 septembre 2018, la société G fut agréée par la CSSF comme banque dépositaire du fonds d’investissement.

La société G ayant décidé courant 2019 de mettre fin à son activité de banque dépositaire de fonds d’investissement spécialisés au Luxembourg, le fonds d’investissement dût procéder à son remplacement. Par courrier du 10 mai 2019, la société G mit fin au contrat de banque dépositaire du fonds d’investissement avec comme échéance soit le 10 juillet 2019 soit la date à laquelle la CSSF aurait approuvé un nouveau dépositaire ; par courrier du 5 juillet 2019, la CSSF fixa l’échéance du contrat de banque dépositaire pour le fonds d’investissement au 10 septembre 2019.

En date du 9 septembre 2019, le fonds d’investissement aurait adressé à la CSSF les offres signées de plusieurs établissements bancaires au Luxembourg pour assurer la fonction de dépositaire du fonds, dont notamment les offres de C et de la banque B, avec demande d’agrément pour l’un de ces prestataires de service.

Le 10 septembre 2019, la banque G ayant décidé de ne pas reporter l’échéance du contrat de banque dépositaire pour le fonds et en ayant informé la CSSF, cette dernière décida en date du 11 septembre 2019 de procéder au retrait du fonds d’investissement de la liste officielle des fonds d’investissement spécialisés prévue par la loi modifiée du 13 février 2007 relative aux fonds d’investissement spécialisés, la CSSF ayant décidé concomitamment d’introduire une requête tendant à sa mise en liquidation auprès du Procureur d’Etat.

Par requête déposée en date du 9 octobre 2019, inscrite sous le numéro 43641 du rôle, le fonds d’investissement fit déposer un recours en réformation, sinon en annulation contre la prédite décision de la CSSF du 11 septembre 2019.

Par requête déposée le 10 octobre 2019 sous le numéro 43643 du rôle, le fonds d’investissement sollicita encore dans l’attente de la décision sur le mérite de son recours au fond, l’obtention de l’effet suspensif par rapport à la prédite décision, ladite requête tendant plus particulièrement à voir ordonner le sursis à exécution pur et simple de cette décision, sinon, subsidiairement l’assortir du sursis à exécution quant à son point 2., à savoir « L’introduction d’une requête de mise en liquidation auprès du Procureur d’Etat conformément à l’article 47 (1) de la loi du 13 février 2007 relative aux fonds d’investissement spécialisés. », requête qui fut rejetée par une ordonnance présidentielle du 22 octobre 2019.

En date du 6 octobre 2021, le fonds d’investissement aurait adressé à la CSSF la demande d’agrément de D comme réviseur d’entreprises.

Par un jugement du 10 janvier 2023, n° 43641 du rôle, le tribunal administratif se déclara incompétent pour connaître du volet du recours portant sur l’introduction, par la CSSF, d’une requête de mise en liquidation du fonds d’investissement auprès du Procureur d’Etat, se déclara compétent en application de l’article 45, paragraphe (2), de la loi du 13 février 2007 pour connaître du recours principal en réformation pour autant qu’il était dirigé contre la décision de la CSSF du 11 septembre 2019 portant retrait dans son chef de la liste officielle des fonds d’investissement spécialisés, tout en retenant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, mais déclara non fondé ledit recours en réformation. Pour ce faire, le tribunal dénia le caractère décisionnel au volet du courrier de la CSSF du 11 septembre 2019 visant l’introduction d’une requête de mise en liquidation auprès du Procureur d’Etat.

Ce jugement fut confirmé en appel par arrêt de la Cour administrative du 4 juillet 2023, n° 48540C du rôle, en ce que les premiers juges se furent déclarés incompétents pour connaître du volet du courrier du 11 septembre 2019 portant sur l’introduction d’une requête auprès du Procureur d’Etat d’une requête en liquidation judiciaire et en ce qu’ils ont confirmé le retrait de l’appelante de la liste des fonds d’investissement spécialisés en son principe, la Cour reformant toutefois ledit jugement partiellement en ce que les premiers juges retinrent que ce retrait avait pu s’opérer avec effet au 11 septembre 2019, alors qu’il n’a pu prendre effet que le 11 novembre 2019.

En date du 8 août 2023, le fonds d’investissement se vit notifier une convocation émanant du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, 6e chambre, siégeant en matière commerciale, à comparaître en date du 5 octobre 2023 « Conformément à l’application de l’article 47 (1) de la loi modifiée du 13 février 2007 relative aux fonds d’investissement spécialisés (FIS) », convocation à laquelle était jointe la requête du Parquet, datée du 26 juillet 2023, demandant la liquidation judiciaire du fonds d’investissement, laquelle se réfère à un courrier de la CSSF ayant formellement demandé au Parquet de requérir auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, la dissolution et la liquidation du fonds d’investissement sur le fondement de l’article 47 (1) de la loi modifiée du 13 février 2007 relative aux fonds d’investissement spécialisés (FIS).

En date du 18 septembre 2023, le fonds d’investissement aurait encore adressé à la CSSF la demande d’agrément de la société E en qualité de réviseur d’entreprises.

Par requête déposée en date du 19 septembre 2023, enrôlée sous le numéro 49445, le fonds d’investissement fit déposer un recours en réformation, sinon en annulation contre la prédite décision de la CSSF du 14 juillet 2023 qui ne lui aurait pas été notifiée, et par requête déposée concomitamment enregistrée le même jour sous le numéro 49446 du rôle, elle sollicita dans l’attente de la décision sur le mérite de son recours au fond, d’assortir la décision du 14 juillet 2023 de la CSSF du sursis à exécution, sinon d’en suspendre les effets, pour la période d’ici la décision définitive de la CSSF à intervenir sur la demande du fonds d’investissement de sa réinscription sur la liste des fonds d’investissement spécialisée, requête dont elle fut déboutée par ordonnance du 4 octobre 2023.

Finalement, en date du 10 octobre 2023, le fonds d’investissement a fait introduire par requête enrôlée sous le numéro 49535 un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de 1) la décision de refus implicite résultant du silence gardé par la CSSF face à la demande d’agrément de la banque B comme dépositaire de la requérante adressée à la CSSF en date du 9 septembre 2019, 2) de la décision de refus implicite résultant du silence gardé par la CSSF face à la demande d’agrément de la banque C comme dépositaire adressée à la CSSF en date du 9 septembre 2019 ; 3) de la décision de refus implicite résultant du silence gardé par la CSSF face à la demande d’agrément de D comme réviseur d’entreprises adressée à la CSSF en date du 6 octobre 2021 ;4) de la décision de refus implicite résultant du silence gardé par la CSSF face à la demande d’agrément de la société E comme dépositaire adressée à la CSSF en date du 18 septembre 2023.

Le même jour, par requête inscrite sous le numéro 49536, le fonds d’investissement a sollicité l’instauration de mesures de sauvegarde par rapport à ces quatre décisions de refus implicites, ainsi qualifiées, le dispositif de ladite requête sollicitant à titre de mesures de sauvegarde de :

« - Concernant le réviseur d’entreprises :

ordonner l’agrément de D comme réviseur d’entreprises de la requérante ;

Concernant le dépositaire :

ordonner principalement l’agrément de la société E comme dépositaire de la requérante, subsidiairement l’agrément de la banque B comme dépositaire du fonds, plus subsidiairement l’agrément de la C comme dépositaire du fonds ;

Concernant la réinscription du fonds :

ordonner en conséquence de ces agréments à donner la réinscription du fonds sur la liste des fonds d’investissement spécialisés ;[…] » La partie requérante fait exposer que l’exécution des décisions déférées risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif dans la mesure où une fois que la dissolution et la liquidation du fonds prononcées, ce qui s’avèrerait en règle générale et en réalité devant le tribunal d’arrondissement être un automatisme processuel, il y aurait une situation irréversible pour le fonds d’investissement, ce d’autant plus que les décisions rendues par le tribunal d’arrondissement en cette matière seraient toujours assorties de l’exécution provisoire. Dans un tel cas de figure, il lui serait impossible de revenir au statu quo ante une fois la décision du tribunal d’arrondissement ordonnant la dissolution et la liquidation du fonds rendue, alors que les opérations de liquidation seraient entamées de suite par le liquidateur judiciaire nommé et créeraient un état de fait et de droit définitif.

Or, sa mise en liquidation judiciaire entraînerait une dévalorisation très importante de ses avoirs qui deviendraient illiquides et devraient être cédés à vil prix, entrainant tant pour le fonds d’investissement que pour ses investisseurs un préjudice financier grave et définitif.

Par ailleurs, les décisions implicites de refus empêcheraient sa réinscription sur la liste officielle des fonds d’investissement spécialisés, alors que faute d’agrément des prestataires de service proposés, le fonds d’investissement ne remplit pas les conditions légales pour y figurer ;

or, le fonds d’investissement estime que la réinscription d’un fonds sur la liste des fonds d’investissement spécialisés serait parfaitement possible, puisque la loi ne l’interdirait pas tant que le fonds n’aurait pas fait l’objet d’une décision de dissolution et de liquidation judiciaire par le tribunal d’arrondissement.

Le fonds d’investissement estime dès lors que l’exécution matérielle des décisions implicites de refus ne serait pas terminée mais elle perdurerait puisque ces décisions continueraient à priver le fonds de sa réinscription sur la liste des fonds d’investissement spécialisés ; ce préjudice ne serait partant pas entièrement consommé, mais il irait en grandissant par la cascade de décisions qui sont déclenchées par les décisions implicites de refus.

Il donne encore à considérer que la réparation du préjudice pécuniaire en résultant serait impossible, puisqu’une réparation par équivalent du dommage postérieurement à l’annulation de ces décisions serait impossible en l’espèce, une action en responsabilité civile contre la CSSF étant particulièrement aléatoire, ce d’autant plus que la responsabilité de la CSSF ne saurait à priori être recherchée que pour faute grave, de sorte que ce préjudice serait définitif.

Le fonds d’investissement affirme encore qu’il serait en situation de pouvoir reprendre son activité, de sorte que le caractère manifestement excessif des conséquences du maintien des décisions en attendant la solution devant la juridiction de fond serait avéré.

La partie requérante, reprenant à cette fin les moyens développés dans son recours au fond, estime encore que ceux-ci seraient suffisamment sérieux pour justifier les mesures provisoires sollicitées.

Dans ce contexte, le fonds d’investissement expose en substance devant les juges du fond le moyen suivant :

Il expose que les demandes d’agrément adressées à la CSSF n’auraient jamais reçu de réponse valant décision administrative, de sorte qu’il considèrerait en application de l’article 4 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif que ses demandes auraient été rejetées.

Il affirme encore que chacune des demandes aurait été accompagnée d’une lettre d’engagement de ces prestataires de services proposant leurs services aux conditions financières et autres y renseignées ; que tous ces prestataires de services figureraient sur le site de la CSSF dans les rubriques respectives comme des entités agréées par la CSSF pour les services lui offerts. Il en déduit que tous ces prestataires de services seraient régulièrement agréé par la CSSF pour prester leurs services pour des fonds ; aussi, le fait que d’une part ces prestataires de service figureraient sur la liste des prestataires de services pour des fonds publiée par la CSSF sur son site, d’autre part que ces prestataires de services seraient auditeur ou dépositaire d’autres fonds agréés, démontrerait qu’ils rempliraient de par leur structure toutes les conditions et donnent toutes les garanties pour pouvoir exécuter leurs mandats pour des entités régulés et sous la surveillance de la CSSF.

Le fonds d’investissement affirme encore que tous ces prestataires de services sauraient sous quelle forme et avec quel contenu une demande d’agrément pour la prestation de services pour un fonds devrait être libellée et présentée au fonds d’investissement qui devrait ensuite la soumettre à la CSSF pour agrément, de sorte que la CSSF ne devrait pas à chaque fois revérifier si l’entité qu’un fonds lui propose comme prestataire de services peut être agréée si elle figure d’ores et déjà sur le cercle très restreint des prestataires de service reconnus comme de qualité par la CSSF ; dès lors, les rejets des demandes et les refus d’agrément des différents prestataires de service proposés par le fonds à la CSSF ne seraient aucunement justifiés.

La CSSF conclut au rejet du recours au motif que les conditions légales ne seraient pas cumulativement remplies en cause, la CSSF contestant tant le sérieux des moyens, en contestant l’existence de décisions implicites de refus et la possibilité d’une réinscription du fonds sur la liste, la décision de retrait étant devenue définitive suite à l’arrêt de la Cour administrative du 4 juillet 2023, que l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, un tel éventuel risque ayant tout au plus découlé de la décision de la CSSF du 11 septembre 2019 retirant le fonds de la liste et de l'arrêt de la Cour administrative du 4 juillet 2023.

Enfin, elle soulève l’irrecevabilité des mesures de sauvegarde telles que sollicitées, alors qu’il s’agirait de mesures définitives qui épuiseraient le fond.

Force est en effet au soussigné de constater que la requête sous analyse pose d’abord une question de compétence, respectivement d’(ir)recevabilité, questions discutées contradictoirement à l’audience après avoir été plus particulièrement soulevée conformément à l’article 30 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

En effet, en vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », le président du tribunal administratif ou le magistrat le remplaçant peut « au provisoire » ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire, à l’exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

La mesure de sauvegarde sollicitée doit dès lors viser à remédier provisoirement aux effets d’une décision de refus, en accordant par exemple des droits temporaires et provisoires à un requérant mais il ne s’agit pas d’une possibilité d’accorder au requérant de quelconques mesures qui lui seraient éventuellement utiles, sans lien direct avec l’objet de la décision attaquée au fond, en attendant que le juge du fond ait vidé le litige y relatif. Si les pouvoirs du juge du provisoire en matière de mesures de sauvegarde sont certes larges, sa compétence est toutefois délimitée par la ou les décisions déférées aux juges du fond.

Or, en l’espèce, les décisions déférées au juge du fond sont à première vue des décisions implicites de refus opposées prétendument à des demandes d’agrément de dépositaires et de réviseur d’entreprise : une mesure de sauvegarde doit dès lors, directement, être en lien avec ces refus et leurs effets directs, mais elle ne saurait servir de prétexte, en guise de simple toile de fond, à l’instauration d’une mesure autonome visant à obtenir - sous couvert de mesure provisoire - directement la réinscription du fonds d’investissement sur la liste des fonds d’investissement spécialisés, de sorte, par ailleurs, à tenter directement de contourner l’arrêt de la Cour administrative du 4 juillet 2023, n° 48540C du rôle.

La mesure de sauvegarde visant à voir « ordonner la réinscription du fonds sur la liste des fonds d’investissement spécialisés » est partant en tout état de cause à rejeter.

Il convient ensuite de souligner que la compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire notamment par rapport aux moyens invoqués au fond1, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond2.

Plus particulièrement, en ce qui concerne une demande en obtention d’une mesure provisoire, le président, à l’instar du président du tribunal civil, ne peut pas prendre d’ordonnance qui porte atteinte au fond, c’est-à-dire établisse les droits et obligations des parties au litige : ce qui a été décidé, dans le cadre de la demande de suspension, doit, en théorie, pouvoir être défait ultérieurement, à l’occasion de l’examen du recours au fond3, le juge devant s’abstenir de prendre une quelconque décision s’analysant en mesure définitive qui serait de nature à interférer dans la décision du juge compétent au fond en ce qu’elle serait de nature à affecter la décision de celui-ci4.

La même limite s’impose au président lorsqu’il est saisi d’une demande basée sur l’article 12 de la loi du 21 juin 1999, ledit article limitant explicitement la compétence du président à des mesures provisoires qui, prononcées à titre conservatoire, ne doivent préjuger en rien la décision au fond5. Or, la mesure provisoire est par définition celle qui présente un caractère réversible6, celle qui peut être remise en cause par le juge du fond. Toutefois, pour que la mesure prononcée présente bel et bien un caractère réversible, il est nécessaire que la possibilité de remise en cause de la décision ne soit pas seulement virtuelle mais effective, ce qui suppose, par conséquent, que le litige ne s’éteigne pas par le seul prononcé de cette décision7. En conséquence, le juge des référés administratif ne peut prononcer aucune mesure présentant un caractère définitif8.

Or, il convient de constater le fonds d’investissement désire manifestement, en attaquant actuellement le refus d’agrément de dépositaires et de réviseur d’entreprise -, reprendre et poursuivre son activité et que la demande du fonds d’investissement vise 1 Voir Trib. adm. prés. 19 janvier 2005, n° 18974, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 562.

2 Voir Trib. adm. prés. 13 juillet 2000, n° 12070, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 637.

3 Ph. Coenraets, Le contentieux de la suspension devant le Conseil d’Etat, synthèses de jurisprudence, 1998, n° 88, p.40 ; trib. adm. (prés.) 22 janvier 2010, n° 26457, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 619.

4 Voir en ce sens notamment : trib. adm. (prés.) 14 janvier 2000, n° 7340b, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 618.

5 Voir J.-P. Lagasse, Le référé administratif, 1992, n° 81, p.95 ; voir aussi trib. adm. (prés.) 17 juillet 2000, n° 12089, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 603.

6 Voir Conseil d’Etat fr. 31 mai 2007, n° 298293.

7 Olivier Le Bot, Le Guide des référés administratifs et des autres procédures d’urgence devant le juge administratif, Dalloz, 2013, n° 234.62.

8 Voir notamment en ce sens : trib. adm. (prés.) 20 janvier 2017, n° 38954 ; trib. adm. (prés.) 14 novembre 2017, n° 40323 ; trib. adm. (prés.) 24 janvier 2018, n° 40546 ; trib. adm. (prés.). 22 mars 2018, n° 40875 ; trib. adm.

(prés.) 30 mars 2018, n° 40844 ; trib. adm. (prés.) 17 août 2018, n° 41554 ; trib. adm. (prés.) 17 août 2018, n° 41556 ; trib. adm. (prés.) 21 décembre 2018, n° 42086.

explicitement in fine, sous couvert de mesure « provisoire », à sa réinscription sur la liste des fonds d’investissements spécialisés : or, le juge du provisoire, en accordant les mesures sollicitées permettrait ainsi au fonds d’investissement de créer une situation de droit et de fait engendrant des effets et conséquences définitives, puisqu’il permettrait au fonds d’investissement de revivre, certes provisoirement, mais aussi, a fortiori, de poser des actes de disposition définitifs.

En effet, en accordant les mesures sollicitées devant aboutir in fine à la réinscription du fonds d’investissement sur la liste des fonds d’investissement spécialisés, le juge siégeant au provisoire aurait largement épuisé le fond, en ce sens qu’une éventuelle confirmation ex post des refus implicites d’agrément à travers un jugement déboutant la partie requérante de son recours au fond aurait perdu à cette date largement tout objet et toute utilité, puisqu’un tel jugement ne serait plus à même de remédier aux éventuelles atteintes aux droits des tiers ayant entre temps eu lieu.

En d’autres termes, l’octroi des mesures prétendument provisoires telles que sollicitées entraînerait l’impossibilité de recréer la situation initiale au cas où le recours engagé au fond contre les décisions de refus d’agrément serait rejeté par le tribunal.

Il résulte dès lors des considérations qui précèdent que les mesures de sauvegarde constituent en fait des mesures aux conséquences définitives incompatibles avec l’intervention du juge administratif statuant au provisoire, de sorte que le soussigné se devrait de décliner sa compétence.

A titre purement superfétatoire, quant aux moyens avancés au fond, il échet de rappeler que le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Ainsi, le juge des référés est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision attaquée.

Il s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire :

en d’autres termes, les moyens doivent offrir une apparence de droit suffisante ou un degré de vraisemblance tel que l’on peut nourrir des doutes importants quant à la légalité de l’acte9.

Ainsi, un moyen est sérieux lorsqu’il laisse présager, aux termes d’une analyse sommaire, une probable réformation ou annulation : un moyen sérieux fait pressentir une annulation, tandis que l’examen du caractère sérieux d’un tel moyen se caractérise par son caractère prima facie. Ce caractère de sérieux peut résulter d’une situation de fait ou de droit manifeste (un élément matériel important a été ignoré, une disposition légale n’a été manifestement pas appliquée) ou encore d’une jurisprudence à tout le moins solidement établie.

C’est pourquoi le juge du provisoire doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

Ne présente en revanche pas un caractère sérieux suffisant, un moyen soulevant un simple doute quant à l’issue du recours, un moyen basé sur une jurisprudence fluctuante ou minoritaire ou lorsqu’il n’existe pas de jurisprudence qui permettrait de répondre aisément aux questions devant être tranchées en l’espèce par le jugement à rendre ultérieurement sur le fond, surtout lorsqu’il s’agit de questions de principe inédites qui ne sauraient être tranchées, pour la première fois, par le juge des référés, mais requièrent un examen approfondi dans le cadre de la procédure principale.

Le soussigné tient enfin à rappeler qu’il convient aussi tenir compte du fait que la procédure de référé, fondée sur un examen prima facie, n’est pas conçue pour établir la réalité de faits complexes et hautement controversés : en effet, le juge des référés ne dispose pas des moyens nécessaires pour procéder à de tels examens et, dans de nombreux cas, il ne serait que difficilement à même d’y parvenir en temps utile.

Or, sur cette toile de fond, force est d’abord au soussigné de constater que le recours au fond soulève de manière générale des questions de recevabilité, qui sont de nature à mettre en cause le caractère globalement sérieux du recours en instauration de mesures de sauvegarde.

En effet, le paragraphe (1) de l’article 4 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif instaure certes, tel qu’invoquée par la partie requérante, une « présomption de décision de refus non datée et non notifiée », afin de permettre à l’administré de recourir à la justice pour contester l’inaction prolongée de l’autorité administrative compétente, présomption qui naît à l’expiration d’un délai de trois mois après l’introduction de la demande. Cependant, tant qu’un délai de trois mois n’est pas révolu après l’introduction d’une demande, l’on ne saurait présumer que l’autorité compétente a rejeté implicitement la demande. En d’autres termes, avant l’écoulement du délai de trois mois après l’introduction de la demande, la fiction de l’article 4, paragraphe (1), de la loi du 7 novembre 1996 ne joue pas et il n’y a en réalité aucune décision de la part de l’autorité administrative10.

9 Jean-Paul Lagasse, Le référé administratif, 1992, p.48.

10 Trib. adm. 3 octobre 2016, n° 37178, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 276.

Aussi, si le fonds investissement entend se prévaloir d’une décision de refus implicite résultant du silence gardé par la CSSF face à la demande d’agrément de la société E comme dépositaire, demande adressée à la CSSF en date du 18 septembre 2023, il appert toutefois de manière évidente qu’à défaut d’écoulement du délai de trois mois, une prétendue décision implicite de refus n’existe pas au jour de l’introduction du recours au fond, lequel devrait dès lors encourir l’irrecevabilité dans cette mesure.

Quant aux décisions de refus implicites résultant du silence gardé par la CSSF face à la demande d’agrément de la banque B ou de la banque C comme dépositaire de la société A prétendument adressée à la CSSF en date du 9 septembre 2019, il appert, à la lecture du courrier adressé par le mandataire de l’époque à la CSSF, que ce courrier ne contenait à première vue aucune demande d’agrément de ces deux entités, mais seulement l’information (« For your information, the Board of Directors of the Fund has identified two Luxembourg banks who issued informative fee offers for their services as depositary bank for the Fund. The two different indicate term sheets (informative fee offers) were signed with C […] and with B […] », le fonds d’investissement, au contraire, ayant formellement demandé à la CSSF « to officially request G to continue working as depositary bank for the Fund until a migration process with the new selected depositary bank will have been achieved », ledit courier informant sinon encore la CSSF de l’éventualité d’une liquidation volontaire.

Or, il résulte de la jurisprudence11 que l’article 4, paragraphe (1), est clair dans la mesure où il prévoit une présomption de rejet de la demande introduite à partir du moment où aucune décision n’est intervenue dans le délai de trois mois, qui court en principe à partir du moment de l’introduction de la demande, de sorte que l’application de cet article présuppose, avant toute autre chose, la formulation d’une demande effective à l’adresse de l’administration.

A défaut de demande effective d’agrément de l’une des deux banques, le fonds d’investissement n’ayant manifestement en date du 9 septembre 2019 pas encore opéré de choix entre les deux prestataires envisagés, une prétendue décision implicite de refus ne parait pas exister, de sorte que le recours au fond devrait encourir l’irrecevabilité dans cette mesure.

Finalement, en ce qui concerne une décision de refus implicite résultant du silence gardé par la CSSF face à la demande d’agrément de D comme réviseur d’entreprises, demande prétendument adressée à la CSSF en date du 6 octobre 2021, le soussigné constate d’abord qu’aucune demande d’agrément n’a été formellement adressée en date du 6 octobre 2021 à la CSSF, cette date étant seulement celle d’une « engagement letter » adressée par D au fonds d’investissement, lequel n’a soumis cette « engagement letter » qu’en date du 11 octobre 2023 à la CSSF « pour autorisation d’entrée en relation et signature par les administrateurs ».

Or, il appert à première vue à cet égard des explications, dûment documentées, de la CSSF, que celle-ci a, suite à cette demande, eu divers échanges avec D et avec le fonds d’investissements, la CSSF n’ayant manifestement pas obtenu d’informations suffisantes de la part du D lui permettant de se prononcer sur la nomination d’un tel réviseur, la CSSF soulignant que récemment, en date du 4 août 2023, elle a obtenu un dernier supplément d’information de la part du D , dont il résulte que ce réviseur informe la CSSF que « l’activité du fonds A (« le Fonds ») va continuer. Les états financiers au 31 décembre 2020 et subséquents doivent donc 11 Trib. adm. 18 février 2005, n° 18721, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 277.

être audités », tandis qu’il résulte d’un autre document émanant de ce réviseur, daté du 3 août 2023, que D semblerait avoir accepté son mandat sur base d’informations erronées reçues du fonds d’investissement, ledit réviseur basant son acceptation sur le fait que la Cour administrative aurait prétendument rejeté le retrait du fonds d’investissement de la liste des fonds d’investissement spécialisés, de sorte que le fonds d’investissement serait réinscrit sur cette même liste.

Or, comme relevé par la CSSF dans sa note de plaidoirie, il est de jurisprudence qu’il appartient à l’administré de formuler sa demande de manière suffisamment précise et complète afin de réaliser une information effective de l’administration, à défaut de quoi l’autorité saisie n’est pas tenue d’arrêter une décision. Si l’administration est certes tenue d’une obligation de collaboration avec l’administré, notamment en invitant l’administré à préciser ou à compléter la demande en vue de lui permettre d’y statuer utilement, il appartient également et réciproquement à l’administré de collaborer avec l’administration et de mettre celle-ci en mesure de prendre une décision par rapport à la demande lui soumise, notamment en répondant en temps utile à ses demandes d’informations. Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché à l’administration de ne pas avoir statué sur une demande insuffisamment complétée par l’administré, une telle demande n’étant pas de nature à faire courir le délai prévu à l’article 4, paragraphe (1), de la loi du 7 novembre 199612 : la demande de D étant à première vue incomplète pour reposer sur des prémisses erronées, il ne saurait à première vue être reproché à la CSSF de ne pas avoir statué sur cette demande, de sorte que celle-ci, à première vue, n’est pas de nature à faire courir le délai prévu à l’article 4, paragraphe (1), de la loi du 7 novembre 1996.

Le recours au fond pourrait encourir l’irrecevabilité dans cette mesure.

Il en résulte que compte tenu de ces sérieux doutes relatifs en l’espèce à la recevabilité du recours au fond, le recours tendant à l’instauration de mesures provisoires manque encore de ce point de vue per se du sérieux nécessaire pour justifier les mesures de sauvegarde sollicitées.

Le fonds d’investissement insiste à cet égard toutefois sur le fait que la CSSF serait essentiellement demeurée passive, sans l’informer d’éventuels problèmes affectant la demande d’agrément de D et sans tenter d’y trouver une solution.

Il est vrai que la CSSF, à l’instar de toute autorité administrative, est soumise à une obligation de collaboration avec l’administré ; il est encore vrai que la jurisprudence retient également que le fait que l'autorité compétente attende des informations de tiers ne saurait faire échec aux dispositions de l'article 4, paragraphe (1), de la loi du 7 novembre 1996, qui prévoient la faculté, pour l'administré, de considérer le silence perdurant de l'administration pendant plus de trois mois comme valant décision implicite de refus, et de déférer cette décision implicite au tribunal. S'agissant d'une présomption légale contre laquelle aucune preuve n'est admise et dont l'invocation est laissée par le législateur à la discrétion de l'administré, le tribunal doit en 12 Trib. adm. 9 novembre 2005, n° 19940, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 279.

tenir compte une fois que l'administré a manifesté son intention d'user de la faculté lui offerte par le législateur13.

Toutefois, une éventuelle violation de cette obligation de collaboration, telle qu’affirmée par le fonds d’investissement, ne semble pas être de nature à induire nécessairement l’annulation par les juges du fond d’une éventuelle décision implicite de refus, la Cour administrative ayant à cet égard retenu dans son arrêt du 4 juillet 2023 que si le fonds d’investissement estime que l’impasse dans laquelle il se trouve faute de disposer d’un dépositaire et que les difficultés qu’il éprouve pour trouver un nouveau dépositaire seraient, notamment, liées à un manquement par la CSSF, « il lui appartient de saisir les juridictions compétentes d’une action en responsabilité », mais que le comportement de la CSSF n’entre pas en ligne de compte au regard du contrôle à opérer par les juridictions administratives de la décision litigieuse.

Il convient par ailleurs de souligner que même l’éventuel constat de l’existence d’une ou de plusieurs décisions implicites de refus - hypothèse essentiellement réfutée ci-avant au provisoire - ne serait pas de nature à induire l’existence d’un ou de plusieurs dépositaires pouvant être agréés. En d’autres termes, même si les juges du fond devaient conclure à l’existence de décisions implicites de refus et décider de les annuler, par exemple pour défaut de collaboration dans le chef de la CSSF, cela n’impliquerait pas, nécessairement, que les mêmes juges, statuant en tant que juges de la réformation, décident d’agréer le prestataire de service en question, les juges du fond, pour ce faire, devant apprécier si ce prestataire répond aux conditions d’agrément de la CSSF au vu de précisions ou d’éléments supplémentaires à apporter en cours d’instance, mais non existants en l’état actuel du dossier.

Aussi, si un éventuel défaut de réponse ou un défaut de collaboration de la part de la CSSF peut, éventuellement, faire pressentir une annulation de la décision implicite de refus par les juges du fond, les éléments actuels du dossier ne permettent pas de pressentir la réformation de cette décision dans le sens de l’agrément du prestataire de service, et partant, ne permettent pas au soussigné - sous les réserves émises ci-avant quant à sa compétence - à positivement prendre la mesure de sauvegarde sollicitée, créatrice de droits.

Le fonds d’investissement est partant à débouter de sa demande en institution de mesures provisoires sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle d’un risque de préjudice grave et définitif, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 12.500.- euros encore formulée par le fonds d’investissement laisse pareillement d’être fondée, les conditions légales afférentes n’étant pas remplies en cause.

La CSSF sollicite de son côté également la condamnation du fonds d’investissement une indemnité de procédure d’un montant de 500.- euros, demande à laquelle le soussigné ne saurait cependant non plus faire droit alors que les conditions d’application de l’article 33 de 13 Trib. adm. 3 octobre 2005, n° 20283, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 278.

la loi modifiée du 21 juin 1999 et notamment l’établissement du caractère d’iniquité résultant du fait de laisser les frais non répétibles à charge de la partie défenderesse n’ont pas été rapportées à suffisance comme étant remplies en l’espèce.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette la demande en obtention de mesures provisoires, rejette les demandes en obtention d’indemnités de procédure formulées de part et d’autre ;

condamne la partie requérante aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 octobre 2023 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27 octobre 2023 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49536
Date de la décision : 27/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-10-27;49536 ?

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