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26/10/2023 | LUXEMBOURG | N°48979C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 octobre 2023, 48979C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48979C ECLI:LU:CADM:2023:48979 Inscrit le 25 mai 2023 Audience publique du 26 octobre 2023 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 17 avril 2023 (n° 46116 du rôle) ayant statué sur son recours contre des décisions du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable en matière d’aides agricoles Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 48979C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 25 mai 2023 par Maître Jean-Luc GONNER, avocat à

la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Diekirch, au nom...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 48979C ECLI:LU:CADM:2023:48979 Inscrit le 25 mai 2023 Audience publique du 26 octobre 2023 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 17 avril 2023 (n° 46116 du rôle) ayant statué sur son recours contre des décisions du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable en matière d’aides agricoles Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 48979C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 25 mai 2023 par Maître Jean-Luc GONNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Diekirch, au nom de Monsieur (A), ingénieur agronome, demeurant à L-…, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 17 avril 2023 (n° 46116 du rôle) ayant déclaré recevable mais non-fondé son recours en annulation de 4 avis du chef de l'arrondissement Centre-Est de l’Administration de la Nature et des Forêts datés des 7 et 18 juin 2019, ainsi que des 16 et 17 décembre 2020 statuant par rapport à ses demandes d’aides sollicitées dans le cadre de travaux de débardage et de téléphérage, de même que d’une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 11 mars 2021 portant refus des mêmes aides sollicitées ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 16 juin 2023 par Monsieur le délégué du gouvernement Joe DUCOMBLE ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Jean-Luc GONNER et Monsieur le délégué du gouvernement Joe DUCOMBLE en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 octobre 2023.

En date du 12 octobre 2018, Monsieur (A) introduisit auprès de l’Administration de la Nature et des Forêts, ci-après « l’ANF ». deux formulaires relatifs au « Förderantrag zwecks Subventionierung von Forstarbeiten – HOLZRÜCKEN MIT PFERD (Artikel 11) – 1HOLZRÜCKEN MIT SEILKRAN (Artikel 12) » pour ses parcelles portant les numéros cadastraux respectifs 1674/2560, d’une contenance de 30,36 hectares, 1674/2563, d’une contenance de 2,62 hectares ainsi que 41/1651, d’une contenance de 25,15 hectares situées respectivement dans les communes de Beaufort et de Waldbillig. Sur ces deux formulaires, Monsieur (A) cocha la case indiquant que sa propriété forestière totale s’élevait à moins de 20 hectares.

Par avis du 4 janvier 2019, portant la référence …/2018/ACE, et se rapportant à une demande introduite en date du 17 décembre 2018, puis par avis du 16 avril 2019, portant la référence …/2018/ACE, et se rapportant à une demande introduite le 22 octobre 2018, le chef de l’arrondissement Centre-Est de l’ANF informa Monsieur (A) de l’accord pour bénéficier d’une aide pour les travaux demandés tout en le priant de retourner les formulaires annexés après l’exécution des travaux.

Cet avis est libellé comme suit :

« Avis concernant une demande d’aide Monsieur (A), En réponse à votre demande en date du 17/12/2018 concernant l’obtention d’une aide conformément au RGD du 12 mai 2017, j’ai l’honneur de vous informer de l’accord pour bénéficier d’une aide pour les travaux mentionnés en annexe.

Les mesures à prendre pour chaque travail sont les suivantes :

(Art.12) Débardage téléphérage Le subside pourra être accordé, les travaux devront être exécutés selon les dispositions du règlement grand-ducal du 12 mai 2017, art. 12.

En cas de réalisation du travail suivant les recommandations ci-dessus, une aide d’un montant de 80.000,00 EUR pourra être accordée suivant les dispositions budgétaires.

Les formulaires joints sont à retourner après achèvement des travaux.

Cette aide vous est allouée dans le cadre du règlement (UE) N° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne aux aides de minimis (Journal Officiel de l’Union Européenne du 24.12.2013, L. 352). Le bénéficiaire doit renseigner l’administration de toute aide reçue par le biais du règlement de minimis de la part de toutes autorités luxembourgeoises.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de ma parfaite considération.

Chef de l’arrondissement pd. J-P A ».

2 Le 22 mai 2019, Monsieur (A) introduisit une nouvelle « demande d’aide pour le renforcement de l’écosystème forestiers par le débardage à l’aide du cheval (art. 11) ou débardage à l’aide du téléphérage (art. 12) » visant la parcelle portant le numéro cadastral 41/1651, déjà visée par la demande du 12 octobre 2018, en y ajoutant la parcelle portant le numéro cadastral 40/0. Cette demande remplaça, de façon non contestée, la demande référencée sous le numéro …/2018/ACE.

Par avis du 7 juin 2019 portant la référence …/2018/ACE, le chef de l’arrondissement Centre-Est de l’ANF s’adressa à Monsieur (A) dans les termes suivants :

« (…) J’ai le regret de vous informer que votre demande en date du 17/12/2018 concernant l’obtention d’une aide conformément au RGD du 12 mai 2017 ne peut être prise en considération pour les travaux mentionnés en annexe.

Le motif de refus pour chaque travail est le suivant :

(Art. 12) Débardage téléphérage Lors d’une visite des lieux le 15 mai 2019 sur place en présence de M. …, directeur ANF, Mme …, service des forêts ANF, M. …, chef d’arrondissement Centre-Est, …, préposé du triage de Beaufort ANF, et M. …, préposé forestier privé de M. (A), il a été décidé de refuser la subvention pour téléphérage pour le motif suivant ::

L’art. 4, paragraphe (1) du règlement grand-ducal du 12 mai 2017 instituant un ensemble de régimes d’aides pour l’amélioration de la protection et de la gestion durable des écosystèmes forestiers, stipule que :

« Les propriétaires possédant plus de vingt hectares de forêts et qui désirent profiter des régimes d’aide du présent règlement, doivent remettre à l’administration un document actuel de planification forestière en vigueur, couvrant l’ensemble de leur propriété forestière et validé par l’administration en ce qui concerne la conformité au paragraphe (2). » En effet, le requérant n’a pas remis de document actuel de planification forestière en vigueur pour sa propriété, comme exigé par l’art. 4 paragraphe 1 du règlement grand-ducal en question. (…) ».

Se référant à une demande introduite par Monsieur (A) le même jour, consistant de l’accord des parties, en la demande modifiée du demandeur introduite en date du 22 mai 2019, le chef de l’arrondissement Centre-Est de l’ANF prit en date du 18 juin 2019 l’avis portant la référence …/2019/ACE suivant :

« (…) J’ai le regret de vous informer que votre demande en date du 18/06/2019 concernant l’obtention d’une aide conformément au RGD du 12 mai 2017 ne peut être prise en considération pour les travaux mentionnés en annexe.

3Le motif de refus pour chaque travail est le suivant :

(Art. 12) Débardage téléphérage A refuser car il n’y a pas de plan simple de gestion valable. (…) ».

Suite à l’introduction d’une demande afférente par Monsieur (A) en date du 14 décembre 2020, le chef de l’arrondissement Centre-Est de l’ANF prit en date du 16 décembre 2020 l’avis portant la référence …/2020/ACE suivant :

« (…) J’ai le regret de vous informer que votre demande en date du 18/06/2019 concernant l’obtention d’une aide conformément au RGD du 12 mai 2017 ne peut être prise en considération pour les travaux mentionnés en annexe.

Le motif de refus pour chaque travail est le suivant :

(Art. 12) Débardage téléphérage Vu que la demande a été introduite ex-post par le demandeur pour des travaux déjà réalisés en hiver 2018/19 et ceci contrairement à l’art. 31, paragraphe (1) du règlement grand-ducal du 12 mai 2017 instituant un ensemble de régimes d’aides pour l’amélioration de la protection et de la gestion durable des écosystèmes forestiers qui stipule que : « En vue d’obtenir une ou plusieurs aides prévues par le présent règlement, l’intéressé présente avant le début des travaux une demande écrite au ministre.

Celui-ci transmet les demandes pour instruction au directeur de l’administration qui, dès réception du dossier, adresse un accusé de réception au demandeur. » (…) ».

Suite à l’introduction d’une autre demande de Monsieur (A) en date du 14 décembre 2020, le chef de l’arrondissement Centre-Est de l’ANF prit en date du 17 décembre 2020 l’avis suivant portant la référence …/2020/ACE :

« (…) J’ai le regret de vous informer que votre demande en date du 14/12/2020 concernant l’obtention d’une aide conformément au RGD du 12 mai 2017 ne peut être prise en considération pour les travaux mentionnés en annexe.

Le motif de refus pour chaque travail est le suivant :

(Art. 12) Débardage téléphérage Vu que la demande a été introduite ex-post par le demandeur pour des travaux déjà réalisés en hiver 2018/19 et ceci contrairement à l’art. 31, paragraphe (1) du règlement grand-ducal du 12 mai 2017 instituant un ensemble de régimes d’aides pour l’amélioration de la protection et de la gestion durable des écosystèmes forestiers qui stipule que : « En vue d’obtenir une ou plusieurs 4aides prévues par le présent règlement, l’intéressé présente avant le début des travaux une demande écrite au ministre.

Celui-ci transmet les demandes pour instruction au directeur de l’administration qui, dès réception du dossier, adresse un accusé de réception au demandeur. » (…) ».

En date du 4 février 2021, Monsieur (A) introduisit, par l’intermédiaire de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de ces quatre avis négatifs auprès du directeur de l’ANF.

En date du 11 mars 2021, le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après « le ministre », répondit comme suit :

« (…) La présente pour faire suite à votre courrier du 4 février 2021 suivant lequel vous avez présenté un recours gracieux contre les décisions de refus de 2019 et de 2020 de Monsieur le Directeur de l'Administration de la nature et des forêts (ANF) dans le contexte de plusieurs demandes d'aides financières prévues par le règlement grand-ducal du 12 mai 2017 instituant un ensemble de régimes d'aides pour l'amélioration de la protection et de la gestion durable des écosystèmes forestiers.

Il ressort en effet des deux pièces qui m'ont été soumises que votre mandant a procédé à des travaux forestiers en hiver 2018/2019. Le bois abattu manuellement a fait l'objet d'un débardage à l'aide du téléphérage. Afin de pouvoir profiter de l'aide prévue à l'article 12 du règlement grand-ducal précité, votre mandant avait demandé un subside en date du 12 octobre 2018. Cependant, dans ses demandes, il a indiqué à tort posséder moins de 20 hectares de forêt.

Sur base de ces fausses déclarations, mes services ont avisé positivement ces demandes de subsides.

Cependant après la réalisation des travaux, il a été constaté que le propriétaire en question possédait plus de 20 hectares de forêt. Pour pouvoir bénéficier de l'aide en question, le requérant aurait dû respecter l'article 4 (1) du règlement grand-ducal pré mentionné au moment de la demande.

Cet article dispose que : « Les propriétaires possédant plus de vingt hectares de forêts et qui désirent profiter des régimes d’aide du présent règlement, doivent remettre à l’administration (ANF) un document actuel de planification forestière en vigueur, couvrant l’ensemble de leur propriété forestière et validé par l’administration en ce qui concerne la conformité au paragraphe (2). » N’ayant pas été en mesure de présenter un document actuel de planification forestière en vigueur au moment de l’introduction des demandes respectivement au moment des travaux, les demandes de subside ont été refusées.

Le fait que votre mandant ait entre-temps élaboré un document actuel de planification forestière pour la période 2021-2035 ne peut pas être retenu. Pour les travaux forestiers effectués en hiver 2018/2019, il ne remplissait pas les conditions pour pouvoir profiter d’une aide prévue 5au niveau du règlement grand-ducal en question. Par ailleurs, une régularisation ex-post des conditions n’est pas prévue par le texte.

Les décisions de refus pour les dossiers en question sont donc à maintenir (…) ».

Par requête déposée le 9 juin 2021 au greffe du tribunal administratif, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à l’annulation des avis négatifs précités du chef de l’arrondissement Centre-Est de l’ANF datés respectivement aux 7 et 18 juin 2019 et 16 et 17 décembre 2020 refusant les demandes d’aides sollicitées dans le cadre de travaux de débardage et de téléphérage, ainsi que de la décision du ministre du 11 mars 2021.

Par jugement du 17 avril 2023, le tribunal déclara ce recours recevable, mais non fondé en en déboutant le demandeur, tout en rejetant sa demande en allocation d’une indemnité de procédure et en le condamnant au frais et dépens de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 25 mai 2023, Monsieur (A) a fait régulièrement entreprendre le jugement précité du 17 avril 2023 dont il sollicite la réformation dans le sens de voir annuler les quatre avis négatifs de l’ANF par lui attaqués, ainsi que la décision ministérielle du 11 mars 2021 litigieuse avec renvoi de l’affaire devant le ministre.

A l’appui de son appel, l’appelant estime que s’il était bien vrai que dans les demandes de subvention du 12 octobre 2018 il avait coché la mauvaise case, celle marquant « ≤ 20 ha », il aurait appartenu à l’administration de se rendre compte de cette erreur au vu des dispositions incompatibles contenues au niveau de cette même demande et, au vu des relations continues entre parties, de le rendre attentif que son plan simple de gestion, ci-après le « PSG », était venu à échéance et qu’il y avait lieu de le renouveler. Il invoque encore le principe de confiance légitime, au motif que c’est sur base de ces avis positifs des 4 janvier et 16 avril 2019 et de l’accord formel d’une aide pour les travaux projetés qu’il aurait entamé ceux-ci, fort coûteux, impliquant des chevaux spécialement préparés à la tâche ainsi que des techniques de téléphérage comportant également nombre d’heures de manutention.

En conséquence, les avis négatifs subséquents et la décision ministérielle critiquée seraient mal-fondés et émaneraient pour le moins d’une erreur manifeste d’appréciation, de sorte à encourir l’annulation.

Le délégué du gouvernement, de son côté, estime que c’est l’erreur émanant de l’appelant lui-même quant à l’étendue inférieure à 20 hectares de sa propriété forestière qui serait à l’origine du présent litige, erreur pour laquelle l’appelant seul serait responsable. Ainsi, aucun reproche ne saurait être fait à l’administration de ne pas avoir détecté plus tôt l’erreur en question ni a fortiori de ne pas avoir rendu attentif l’intéressé de l’absence de PSG, requis dans l’hypothèse d’une propriété forestière dépassant les 20 hectares.

Le principe de confiance légitime ne serait pas pertinent vu qu’il ne saurait pas être appliqué contre la légalité. Il en serait de même de la théorie des droits acquis invoquée par l’appelant.

Enfin, si l’appelant maintenait son argumentaire concernant la possibilité d’une ratification ex post à travers la confection sur le tard d’un nouveau PSG, le jugement dont appel serait encore à 6confirmer en ce qu’il a retenu, sur base de la réglementation grand-ducale pertinente, l’impossibilité d’allouer les subsides pour lesquelles les conditions légales n’étaient pas remplies au moment de la cristallisation de la demande et des travaux sous-tendant celle-ci.

L’essence même de l’administration consiste dans le service public auquel doit tendre son activité dans l’intérêt à la fois des administrés et de la collectivité publique dont dépend l’administration.

En matière de subventions accordées par une collectivité publique, dont plus particulièrement les subventions allouées dans le chef de certains travaux forestiers, leur raison d’être doit être mesurée par rapport aux éléments substantiels consistant dans le fait de ces travaux d’avoir servi les objectifs mis en avant par la réglementation pertinente en vue de l’allocation de la subvention par elle prévue.

Il est un fait qu’au niveau de ses deux demandes initiales des 12 octobre 2018 et 17 décembre 2018 l’appelant a coché la case « ≤ 20 ha ».

L’administration argue principalement que ce serait en raison de ce fait que les avis positifs des 4 janvier et 16 avril 2019 auraient été émis par l’ANF.

Même si l’appelant jouit d’une notoriété certaine dans le milieu des sylviculteurs en tant que l’un des plus importants propriétaires privés de forêts du Grand-Duché et qu’il a été en relation de longue date avec l’ANF, en raison de son activité de sylviculture, il peut cependant être retracé que le personnel de l’ANF appelé à traiter les demandes de subvention ait pu ne pas réagir directement à la lecture du nom de l’appelant.

Cependant, il est inexplicable aux yeux de la Cour qu’une administration puisse traiter une demande sur laquelle la case « ≤ 20 ha » est cochée et affirme qu’au vu de cette seule information les avis positifs d’allocation de subvention ont été émis, alors que pourtant il résulte très clairement du libellé détaillé des demandes en question que les surfaces forestières pour lesquelles les subventions sont demandées dépassent à chaque fois largement le seuil des 20 hectares.

Toutes ces indications sont à chaque fois inscrites sur la même page du même formulaire.

Il est indéniable que l’administration n’a pas rempli sa mission de service public en ne se rendant pas compte de cette incohérence manifeste qui, s’agissant pour le surplus de deux formulaires décalés dans le temps, aurait dû pouvoir être prise en compte utilement par tout observateur tant soit peu diligent.

La bonne foi de l’appelant n’est point en cause. Il ne saurait pas non plus être valablement imputé à celui-ci avoir voulu induire en erreur l’administration ou d’avoir effectué à dessein une indication erronée dans la mesure où par ailleurs il a indiqué avec toute la précision requise la surface des terrains forestiers pour lesquels la subvention a été demandée en mettant en exergue, l’on ne saurait plus nettement, à chaque fois le nombre des hectares concernés dépassant largement le seuil des 20 hectares.

7Il est vrai encore qu’en application de l’article 4, paragraphe 1, du règlement grand-ducal du 12 mai 2017 instituant un ensemble de régimes d’aides pour l’amélioration de la protection et de la gestion durable des écosystèmes forestiers, ci-après « le règlement grand-ducal du 12 mai 2017 », un document actuel de planification forestière en vigueur, encore désigné par plan simplifié de gestion, ci-après « PSG », est en principe requis si la planification forestière totale d’un demandeur dépasse les 20 hectares.

Il résulte des éléments non contestés du dossier administratif que l’appelant disposait d’un pareil document pour une période prolongée ayant expiré le 31 décembre 2015. La « révélation » de l’absence de plan en vigueur se fit lors de la visite des lieux précitée du 15 mai 2019. Les parties s’accordent sur le fait que c’est à ce moment-là que l’information de la non-existence d’un PSG en vigueur a été révélée à l’appelant, peu importe de savoir si c’est son garde-forestier ou si ce sont les représentants de l’administration qui ont inféré cette information. Un PSG actualisé a par la suite été établi et agréé en cause par l’appelant.

Il est vrai qu’au moment des demandes de subsides litigieuses ainsi que des avis négatifs critiqués de l’ANF, l’appelant n’était pas, strictement parlant, en possession du document PSG actualisé, même si la terminologie employée par le règlement grand-ducal du 12 mai 2017 parle de document actuel de planification forestière en vigueur. Plus particulièrement à partir du terme « planification » un observateur pourrait a priori conclure à une exigence de la mise en place d’un programme d’avenir de la gestion forestière projetée et plus précisément des travaux impliqués.

L’étude concrète des documents de planification de l’appelant versés au dossier tant pour la période expirant le 31 décembre 2015 que pour celles actuellement en cours dénote le contraire.

Les documents en question consistent dans de simples énumérations des parcelles forestières de l’intéressé et comportent comme seule information complémentaire par rapport aux superficies et localisations indiquées celle d’éventuelles coupes aux travaux effectués par le passé.

Force est à la Cour de constater que les documents en question ne dépassent que légèrement les informations d’ores et déjà disponibles auprès de l’Administration du Cadastre et de la Topographie et, pour le passé du moins, correspondent nécessairement à des informations d’ores et déjà détenues par l’ANF à partir des demandes de subsides voire demandes d’autorisation antérieures de l’intéressé.

Parmi les objectifs de la procédure administrative non-contentieuse figurent à l’alinéa 3 de l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non-contentieuse, ci-après « la loi du 1er décembre 1978 », « la collaboration procédurale de l’administration ».

C’est dans une optique bien comprise de service public que le principe de collaboration procédurale de l’administration implique qu’une administration qui se voit adresser une demande de subvention comportant une incohérence, telle celle dénotée pour les deux demandes de l’appelant de 2018 et 2019, adressées à l’ANF, est tenue non seulement de signaler à l’intéressé l’erreur matérielle de la mauvaise case cochée concernant la superficie des propriétés forestières de l’intéressé dépassant les 20 hectares, mais encore et surtout de l’avertir que dans son cas précis, s’agissant d’une propriété supérieure à la limite butoir des 20 hectares, un PSG était requis et que celui qu’il avait remis en 2006 avait expiré le 31 décembre 2015.

8 En effet, l’exigence de remise d’un PSG telle que prévue par l’article 4, paragraphe 1, du règlement grand-ducal du 12 mai 2017 n’est pas à qualifier d’exigence préalable conditionnant la validité ou conformité d’une demande de subvention, mais comme un élément du dossier de demande de subvention s’il n’a pas déjà été antérieurement remis par le propriétaire et validé par l’administration.

Dans un objectif d’équilibre dans la collaboration entre administration et administré, le défaut d’un PSG en vigueur au moment de l’introduction d’une demande de subvention ne justifie partant pas une décision de refus de la subvention sollicitée, mais seulement une demande de l’ANF de compléter le dossier de demande de subside par un tel document.

Cette solution d’équilibre se justifie encore par l’application du principe général d’ordre constitutionnel de la confiance légitime, dans la mesure où en raison de l’obtention des avis positifs par l’intéressé en 2019 il a pu engager les frais de débardage et de téléphérage afférents, dont la conformité aux objectifs de la réglementation en vigueur n’a point été remise en cause.

Cette analyse se justifie de plus par l’application du principe constitutionnel de proportionnalité, étant donné que les conséquences découlant de la décision ministérielle négative, ensemble les avis négatifs critiqués, se trouvent en disproportion manifeste par rapport à l’erreur matérielle des intéressés concernant la case cochée et l’oubli de faire établir un itératif PSG, eu égard à la consistance établie en principe en termes de continuité par pareils instruments et au fait que l’administration détenait d’ores et déjà l’essentiel des informations qu’un nouveau document de la sorte aurait pu lui apporter, l’aspect formel dépassant ici encore de loin le coté substantiel.

Au vu de l’ensemble de ces considérations, l’appel est à déclarer justifié et le jugement dont appel à réformer dans le sens de l’annulation des quatre avis négatifs critiqués, ainsi que de la décision ministérielle litigieuse.

L’appelant sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 2.500. - € pour la première instance et de 3.000.- € pour l’instance d’appel.

Eu égard à l’issue du litige, il serait d’inéquitable de laisser à charge de l’appelant l’entièreté des frais par lui exposés, non inclus dans les dépens.

L’indemnité de procédure à allouer est évaluée ex aequo et bono au montant de 2.000.- € pour les deux instances.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel recevable ;

au fond, le dit justifié ;

9réformant, annule les avis négatifs litigieux de l’Administration de la Nature et des Forêts des 7 et 18 juin 2019 et 16 et 17 décembre 2020, ainsi que la décision négative subséquente du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 11 mars 2021 attaqués et renvoie l’affaire en prosécution de cause devant le ministre ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à régler à l’appelant une indemnité de procédure de 2.000. - € pour les deux instances ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux dépens des deux instances.

Ainsi délibéré et jugé par:

Francis DELAPORTE, président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, et lu à l’audience publique du 26 octobre 2023 au local ordinaire des audiences de la Cour par le président, en présence du greffier ….

s. … s. … Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27 octobre 2023 Le greffier de la Cour administrative 10


Synthèse
Numéro d'arrêt : 48979C
Date de la décision : 26/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-10-26;48979c ?

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