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09/10/2023 | LUXEMBOURG | N°49392

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 octobre 2023, 49392


Tribunal administratif N° 49392 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49392 2e chambre Inscrit le 6 septembre 2023 Audience publique du 9 octobre 2023 Recours formé par Madame …, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49392 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 septembre 2023 par Maître Ab

ou Ba, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom ...

Tribunal administratif N° 49392 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49392 2e chambre Inscrit le 6 septembre 2023 Audience publique du 9 octobre 2023 Recours formé par Madame …, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49392 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 septembre 2023 par Maître Abou Ba, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation 1) de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 21 août 2023 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) de la décision du même jour portant refus de lui accorder un statut de la protection internationale et 3) de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 septembre 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Abou Ba et Madame le délégué du gouvernement Corinne Walch en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 octobre 2023.

Le 6 janvier 2023, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, de la demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, dénommée ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, les déclarations de Madame … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service ….

En date des 6 juin et 18 juillet 2023, Madame … fut entendue par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 21 août 2023, notifiée à l’intéressée par courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre informa Madame … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.

Dans ce contexte, le ministre résuma les déclarations de Madame … comme suit :

« […] En mains votre fiche de motifs du 6 janvier 2023, le rapport du Service de Police Judiciaire du 6 janvier 2023 ainsi que le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 6 juin et 18 juillet 2023 sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale.

Madame, vous déclarez vous nommer …, être née le … à … au Cameroun, être de nationalité camerounaise, d’ethnie Beti et de confession catholique (p.2/19 du rapport d’entretien).

Vous expliquez que vous auriez vécu avec votre oncle à …, alors que vos deux parents seraient décédés. A vos … ans, en …, votre oncle vous aurait mariée de force à un dénommé …, avec lequel vous auriez vécu à … jusqu’en 2022 (p.2/19 ; 12-13/19 et 14/19 du rapport d’entretien). Vous décrivez votre quotidien durant toutes ces années comme étant « triste » (p.14/19 du rapport d’entretien) et expliquez qu’à chaque fois que vous auriez refusé de coucher avec lui, ce dernier vous aurait violenté.

Vous précisez encore que votre époux serait « quelqu’un d’influent (p.12/19 du rapport d’entretien), de sorte que vous craindriez qu’il vous retrouve, alors que vous seriez sa propriété. Vous n’auriez jamais porté plainte contre les agissements de votre époux, ni essayé de trouver une solution à votre situation (p.16/19 du rapport d’entretien).

Vous auriez quand bien même réussi à fuir votre époux en août 2022 pour vous rendre à …, où vous auriez trouvé de l’aide auprès d’une certaine dame (p.8/19 du rapport d’entretien). Vous vous seriez réfugiée auprès d’elle pendant 2 semaines à …, avant de quitter définitivement le Cameroun le 10 septembre 2022 (p.2/19 du rapport d’entretien).

A l'appui de votre demande, vous ne présentez aucun document. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 septembre 2023, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation 1) de la décision précitée du ministre du 21 août 2023 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) de la même décision du ministre dans la mesure où elle refuse de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, sur le refus d’une demande de protection internationale et sur l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître du recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui des trois volets de son recours, la demanderesse expose les faits et rétroactes gisant à la base des décisions déférées, en reprenant, en substance, ses déclarations telles qu’actées lors de ses auditions par un agent du ministère et telles que résumées dans la décision ministérielle litigieuse de la manière exposée ci-avant. Elle insiste plus particulièrement sur le cauchemar qu’elle aurait vécu du fait de son mariage forcé dont seraient issus cinq enfants.

Elle relate encore son périple pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

En ce qui concerne la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée, la demanderesse se contente de citer les dispositions de l’article 27 de la loi du 18 décembre 2015 et de se rapporter à prudence de justice quant à la légalité et au bien-fondé de cette décision.

En ce qui concerne la motivation à la base du refus ministériel de lui accorder une protection internationale, la demanderesse, après avoir cité les dispositions des articles 1A de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, 42, paragraphe (1) et 39 de la loi du 18 décembre 2015, se rapporte également à prudence de justice quant à la décision ministérielle refusant de lui octroyer le statut de réfugié. Pour ce qui est du refus de lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire, la demanderesse, après avoir cité les dispositions des articles 2, point g) et 48 de la loi du 18 décembre 2015, affirme qu’elle risquerait de subir des actes de torture et des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d’origine de sorte que, par réformation de la décision ministérielle, il y aurait lieu de lui octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire.

Enfin, l’ordre de quitter le territoire devrait être réformé au vu de l’existence dans son chef d’une crainte réelle de persécutions dans son pays d’origine, respectivement d’un risque réel d’y subir des atteintes graves.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses volets.

Il se dégage de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, qui dispose que « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur de protection internationale tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur de protection internationale à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé. En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.

1) Quant au volet du recours dirigé contre la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Il échet de relever que la décision ministérielle déférée est fondée sur le point a) de l’article 27, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, qui dispose ce qui suit :

« (1) Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, ou […] ».

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

La soussignée est dès lors amenée à analyser si les moyens avancés par la demanderesse à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par elle ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Concernant plus particulièrement le point a) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, afin d’analyser si la demanderesse n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer si elle remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il y a d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 2 point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant «tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […]», tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2, point g) de la même loi comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Force est à la soussignée de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l'homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d'une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».

Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :

« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :

« a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, point g) de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse de la soussignée devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce, la demanderesse se contente de se rapporter à prudence de justice quant à la décision ministérielle de recourir à la procédure accélérée.

S’il est vrai que le fait de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, la soussignée se doit de constater que la demanderesse n’a formulé aucune explication concrète à l’appui de sa contestation. Elle n’a plus particulièrement aucunement pris position quant au reproche ministériel suivant lequel les faits invoqués par elle à l’appui de sa demande de protection internationale seraient dénués de toute pertinence au regard de l’examen de celle-ci.

Or, une contestation non autrement développée est à écarter, dans la mesure où il n’appartient pas à la soussignée de suppléer à la carence des parties et de faire des suppositions sur les moyens qu’elles ont voulu soulever au risque d’une violation des droits de la défense1.

Au regard de ces considérations, la soussignée ne peut que retenir que la demanderesse n’a à l’évidence présenté aucun élément de nature à ébranler le constat ministériel suivant lequel, en déposant sa demande de protection internationale et en exposant les faits à sa base, elle n’a présenté que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer si elle remplit les conditions requises pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale.

Dans ces conditions, la soussignée est amenée à retenir que le recours de la demanderesse dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée est à rejeter pour être manifestement infondé.

2) Quant au volet du recours dirigé contre la décision du ministre portant refus d’une protection internationale S’agissant du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder l’un des statuts conférés par la protection internationale, il convient de relever que, pour ce qui est du refus de lui octroyer le statut de réfugié, la demanderesse s’est une nouvelle fois rapportée à prudence de justice quant au bien-fondé de cette décision, tandis que, pour ce qui est du refus de lui octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire, elle n’a pas non plus formulé le moindre moyen en fait ou en droit de nature à sous-tendre sa demande tendant à la réformation de la décision critiquée, ni pris position par rapport aux motifs de refus lui concrètement opposés.

Etant donné cependant, tel que relevé ci-avant, qu’il n’appartient pas à la soussignée de suppléer à la carence de la demanderesse et de rechercher elle-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, et en l’absence de toute contestation utile et circonstanciée des motifs à la base du refus ministériel de lui accorder l’un des statuts conférés par la protection internationale - la simple affirmation non autrement sous-tendue que 1 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure contentieuse, n° 883 et les autres références y citées.

la demanderesse devrait se voir octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire parce qu’elle « risque de subir des actes de torture et des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d’origine », étant à l’évidence insuffisante à cet égard -, la soussignée ne saurait que réitérer son analyse précédente en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure que l’appréciation ministérielle suivant laquelle la demanderesse n’a pas apporté le moindre élément de nature à établir qu’il existe dans son chef des raisons sérieuses de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine, elle risquerait de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la loi et qu’en conséquence, elle ne remplit pas les conditions requises pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, n’a manifestement pas été utilement énervée.

Dans ces conditions, la soussignée est amenée à retenir que le recours de la demanderesse dans la mesure où il tend à la réformation du refus ministériel de lui accorder l’un des statuts conférés par la protection internationale est à rejeter pour être manifestement infondé.

3) Quant à la décision portant ordre de quitter le territoire Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, la soussignée relève qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le vice-président présidant la deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 21 août 2023 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre celle portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute la demanderesse de sa demande de protection internationale ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 octobre 2023 par la soussignée, Alexandra Castegnaro, vice-président au tribunal administratif, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 octobre 2023 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49392
Date de la décision : 09/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-10-09;49392 ?

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