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06/10/2023 | LUXEMBOURG | N°49492

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 octobre 2023, 49492


Tribunal administratif N° 49492 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49492 Inscrit le 28 septembre 2023 Audience publique du 6 octobre 2023 Requête en institution d’un sursis à exécution, sinon d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur …, …, par rapport à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 49492 du rôle et déposée le 28 septembre 2023 au g

reffe du tribunal administratif par Maître Mathieu GIBELLO, avocat à la Cour, inscrit au tablea...

Tribunal administratif N° 49492 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49492 Inscrit le 28 septembre 2023 Audience publique du 6 octobre 2023 Requête en institution d’un sursis à exécution, sinon d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur …, …, par rapport à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 49492 du rôle et déposée le 28 septembre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Mathieu GIBELLO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Tunisie), de nationalité tunisienne, demeurant actuellement à …, tendant à l’obtention d’un sursis à exécution, sinon d’une mesure de sauvegarde par rapport à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 29 juin 2023 lui ayant refusé une autorisation de séjour temporaire pour motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité, un recours en réformation, sinon en annulation dirigé contre ladite décision ministérielle, inscrit sous le numéro 49490 du rôle, introduit le même jour, étant pendant devant le tribunal administratif ;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée au fond ;

Maître Mathieu GIBELLO et Monsieur le délégué du gouvernement Felipe LORENZO entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 octobre 2023.

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Le 1er février 2023, Monsieur …, de nationalité tunisienne, introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Par décision du 16 mars 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 27 (1) a) de la loi du 18 décembre 2015, précitée, et que sa demande avait été refusée comme étant manifestement non fondée, tout en lui enjoignant de quitter le territoire endéans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 avril 2023, Monsieur … fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 16 mars 2023 dont il fut débouté par jugement du 19 avril 2023, n° 48767 du rôle, qui conclut notamment au caractère manifestement non fondé du recours.

Par courrier du 10 mai 2023, Monsieur … fit adresser au ministre une demande tendant à l’obtention d’une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité au sens de l’article 78, paragraphe 3, de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, autorisation de séjour qui fut refusée par décision du ministre du 29 juin 2023, libellée comme suit :

« J’ai l’honneur de me référer à votre courrier du 10 mai 2023, réceptionné en date du 12 mai 2023 par lequel vous sollicitez une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle sur base de l’article 78(3) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration pour le compte de Monsieur ….

Vous vous référez aux déclarations faites par votre mandant dans le cadre de sa demande de protection internationale et joignez les décisions relatives à celle-ci et estimez que votre mandant « craint de manière sérieuse pour son intégrité physique s’il devrait être renvoyé dans son pays d’origine » et qu’un tel retour dans son pays d’origine serait contraire aux droits de l’homme.

Il y a lieu de rappeler que Monsieur … a été définitivement débouté de sa demande de protection internationale en procédure accélérée en date du 19 avril 2023 et qu’il est dans l’obligation de quitter le territoire luxembourgeois.

La présente pour vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre demande alors que vous ne faites pas état de motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité tels que prévus à l’article 78(3) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg. En effet, vous restez en défaut d’établir dans quelle mesure la situation de votre mandant en cas de retour dans son pays d’origine serait suffisamment grave pour être considérée comme un tel motif, à savoir qui soit de nature à mettre en danger sa vie ou sa liberté, respectivement de léser de manière gravissime ses droits fondamentaux de l’Homme.

Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que le Tribunal administratif a retenu dans son jugement du 19 avril 2023, numéro de rôle 48767 dans le cadre de la demande de protection internationale de Monsieur … que : « … Ces déclarations laissent conclure que le demandeur a quitté son pays d’origine non pas parce qu’il craindrait pour sa vie, mais pour des raisons de pure convenance personnelle et plus précisément pour des motifs purement économiques (…) Un tel comportement ne correspond manifestement pas à celui d’un personnes qui craindrait réellement pour sa vie et qui aurait été obligée de quitter son pays d’origine afin d’échapper à des prétendues menaces de mort, alors qu’une telle personne aurait plutôt le réflexe de déposer une demande de protection internationale dès son arrivée dans le premier pays sûr qu’elle traverse ».

De même, le fait que votre mandant « voudrait travailler et s’intégrer au Luxembourg afin d’y mener une vie de citoyen paisible et normal » ne saurait également pas être considéré comme un motif humanitaire d’une exceptionnelle gravité au sens de l’article 78(3) cité.

Par conséquent, une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité est refusée à Monsieur … conformément à l’article 101, paragraphe (1), point 1. de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration et il reste dans l’obligation de quitter le territoire luxembourgeois. […] » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 septembre 2023, inscrite sous le numéro 49490 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation visant tantôt la décision de refus précitée du 29 juin 2023, tantôt un ordre de quitter le territoire qui y serait prétendument inclus.

Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 49492 du rôle, il a encore introduit une demande tendant, aux termes du dispositif, à voir assortir la décision de refus du 29 juin 2023 du sursis à exécution, sinon à voir instaurer « toutes mesures de sauvegardes utiles et nécessaires afin de sauvegarder les intérêts du requérant […] et ordonner notamment que son passeport lui soit restitué ».

Le requérant affirme craindre pour son intégrité physique et pour sa vie s’il devait être renvoyé dans son pays d’origine, tandis qu’il désirerait demeurer au Luxembourg pour y mener une vie stable et continue.

S’il serait actuellement en situation irrégulière et aurait reçu l’ordre de quitter immédiatement le territoire luxembourgeois à destination de la Tunisie, son pays d’origine, il aurait toutefois introduit des recours en justice, qui seraient encore pendant et il aurait fait preuve d’un comportement irréprochable envers le Luxembourg, de sorte qu’il serait absolument injuste et dramatique pour lui de le reconduire vers son pays natal.

Devant les juges du fond, Monsieur … reproche au ministre d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation et soutient qu’il craindrait de manière sérieuse pour son intégrité physique s’il devait être renvoyé dans son pays d’origine et qu’un tel retour dans son pays d’origine serait contraire aux droits de l’homme, le requérant expliquant qu’il craindrait pour sa vie en Tunisie en raison d’une dette d’argent qu’il y aurait contracté mais qu’il ne serait pas en mesure de rembourser.

Il conteste ensuite les raisons ayant abouti au refus de sa demande de protection internationale, tout en estimant que quand bien même le fait de vouloir travailler et s’intégrer au Luxembourg afin d’y mener une vie de citoyen paisible et normal pourrait ne pas être considéré comme un motif humanitaire d’une exceptionnelle gravité au sens de l’article 78, paragraphe (3) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ceci n’en demeurerait pas moins un élément à prendre en considération dans l’appréciation globale de sa situation.

Le délégué du gouvernement conclut pour sa part au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause. Il insiste particulièrement sur l’existence d’une décision de retour, comportant ordre de quitter le territoire, du 16 mars 2023, confirmé par le jugement précité du 19 avril 2023, et sur l’absence de tout risque de préjudice grave et définitif dans le chef du requérant.

En vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », le président du tribunal administratif ou le magistrat le remplaçant peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire, à l’exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d’admettre que l’institution d’une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l’appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Or, en vertu de l’article 11, paragraphe (2) de la loi du 21 juin 1999, le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 28 septembre 2023 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi du 21 juin 1999, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

Concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Ainsi, le juge du référé est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par la partie requérante apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision attaquée.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Au niveau de l’examen des moyens d’annulation invoqués à l’appui du recours au fond, l’examen de ses chances de succès appelle le juge administratif saisi de conclusions à des fins de sursis à exécution, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et à vérifier si un des moyens soulevés par la partie requérante apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation voire la réformation de la décision critiquée.

Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

Or, à cet égard, les moyens esquissés devant les juges du fond ne présentent en l’état actuel du dossier pas le sérieux nécessaire.

En effet, aux termes de l’article 78, paragraphe 3, de la loi du 29 août 2008, « A condition que leur présence ne constitue pas de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques, le ministre peut accorder une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité au ressortissant de pays tiers. La demande est irrecevable si elle se base sur des motifs invoqués au cours d’une demande antérieure qui a été rejetée par le ministre. En cas d’octroi d’une autorisation de séjour telle que visée ci-

dessus, une décision de retour prise antérieurement est annulée. » Il convient d’abord de relever qu’il résulte à première vue des termes choisis par le législateur (« peut ») que le texte légal ne prévoit pas une obligation pour le ministre d’accorder une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité, pas une simple faculté, de sorte qu’il s’agit a priori d’un pouvoir discrétionnaire dans le chef du ministre qui dispose pour ce faire d’un large pouvoir d’appréciation.

Il convient ensuite de relever que si l’article 78, paragraphe 3, de la loi du 29 août 2008, prévoit l’irrecevabilité d’une telle demande en obtention d’une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité « si elle se base sur des motifs invoqués au cours d’une demande antérieure qui a été rejetée par le ministre », selon la jurisprudence, cette hypothèse d’irrecevabilité est celle d’une demande reposant tant sur les mêmes faits que sur la même base légale qu’une demande antérieure qui a été rejetée par le ministre, de sorte à ne pas viser les décisions de rejet d’une demande de protection internationale adoptées sur base de la loi du 18 décembre 2015, lesquelles sont prises non seulement dans le cadre d’une autre législation, mais aussi par une autre autorité, à savoir, «[l]e ministre ayant l’asile dans ses attributions »1.

S’il est constant en cause que le requérant a été définitivement débouté de sa demande de protection internationale, cette circonstance n’est partant, à première vue, pas de nature à frapper d’irrecevabilité sa demande en obtention d’une autorisation de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité ; toutefois, il résulte également de la jurisprudence que dans la mesure où, à l’appui de sa demande tendant à la délivrance d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires, un étranger n’invoque pas d’autres motifs de persécution ou de discrimination mettant en péril sa vie dans son pays d’origine, à l’exception de ceux ayant déjà fait l’objet de décisions juridictionnelles ayant force de chose jugée en matière d’asile, sa demande en délivrance d’une autorisation de séjour est valablement rejetée2.

En l’espèce, force est au soussigné de constater que le requérant produit à l’appui de sa demande en obtention d’un titre de séjour pour des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité exactement les mêmes faits que ceux avancés à l’appui de sa demande en obtention de la protection internationale, rejetée tant en phase administrative qu’en phase contentieuse pour être manifestement non fondée, à savoir, tel que résultant du jugement précité du 19 avril 2023, des « « persécutions, violences et menaces » dont il aurait fait l’objet de la part de son voisin en raison d’une dette financière qu’il ne pourrait pas rembourser », faits rejetés pour ne pas être pertinents par le tribunal administratif qui a considéré que le requérant a quitté son pays d’origine non pas parce qu’il y craindrait pour sa vie, mais pour des raisons de pure convenance personnelle et plus précisément pour des motifs purement économiques, ledit jugement ayant notamment relevé que le requérant, lors de son entretien auprès de la direction de l’Immigration, avait affirmé qu’il avait quitté son pays d’origine avec l’intention de se rendre 1 Voir trib. adm. 9 novembre 2020, n° 44310, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 575.

2 Trib. adm. 5 mars 2003, n° 15147, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 574, et autres références y citées.

en Europe avec comme but d’y travailler afin de pouvoir rembourser sa dette endéans un an et d’améliorer sa propre situation financière.

Le soussigné, statuant au provisoire, ne saurait faire abstraction de ce jugement ayant ainsi rejeté tout risque en Tunisie pour la vie du requérant et ayant retenu, à l’instar du ministre, que la demande afférente était manifestement non fondée.

Il appert encore que la raison réelle du requérant de vouloir demeurer au Luxembourg, tel que déclarée lors du dépôt de sa demande en obtention d’une protection internationale est « J’ai beaucoup de problèmes en Tunisie. J’ai des dettes et je veux améliorer ma situation financière » ou encore, tel que déclaré aux services ministériels compétents en date du 25 avril 2023 à l’occasion de discussions au sujet de son éventuel retour volontaire en Tunisie, son refus de retourner volontairement en Tunisie « sans avoir les 8.000 euros qu’il devra rembourser à son voisin ». Or, à première vue, le fait de vouloir échapper à une dette financière et aux conséquences de son non-paiement, en ce compris les menaces du créancier, ne constitue pas un motif humanitaire d’une exceptionnelle gravité au sens de la loi, le requérant disposant en effet, sinon de la possibilité de simplement honorer sa dette, à tout le moins de la possibilité de la contester devant les autorités judiciaires tunisiennes et, en cas de menaces pour son intégrité physique de la part de son créancier, de rechercher la protection des autorités tunisiennes.

Quant au désir du requérant de s’établir définitivement au Luxembourg où il aurait fait preuve d’un comportement irréprochable, il résulte à cet égard de la jurisprudence que dans le cadre du pouvoir d’appréciation lui conféré par le législateur, le ministre n’excède pas ses pouvoirs en retenant qu’un degré d’intégration, un comportement exemplaire, la scolarisation des enfants ainsi que l’absence d’une quelconque condamnation ne sauraient suffire pour être considérés comme des motifs humanitaires d’une exceptionnelle gravité au sens de la loi3.

Il suit de ce qui précède que les moyens invoqués tant à l’appui du présent recours qu’à l’appui de la demande au fond par le requérant relativement à la décision déférée ne présentent pas, au stade actuel de l’instruction de l’affaire, le caractère sérieux nécessaire pour justifier le bénéfice de la mesure provisoire sollicitée.

Le requérant est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle d’un risque de préjudice grave et définitif, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

3 Trib. adm. 14 décembre 2009, n° 25911, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 573.

Compte tenu de l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure de 1.000 euros formulée par le requérant sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est également à rejeter.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette la demande en institution d’une mesure provisoire, rejette la demande en paiement d’une indemnité de procédure formulée par le requérant, condamne le requérant aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 octobre 2023 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 octobre 2023 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49492
Date de la décision : 06/10/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-10-06;49492 ?

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