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15/09/2023 | LUXEMBOURG | N°49382

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 septembre 2023, 49382


Tribunal administratif N° 49382 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49382 Inscrit le 4 septembre 2023 Audience publique du 15 septembre 2023 Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Sécurité Intérieure en matière de stage

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 49382 du rôle et déposée le 4 septembre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Vânia Fernandes, avocat à la Cour, insc

rite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à …, t...

Tribunal administratif N° 49382 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:49382 Inscrit le 4 septembre 2023 Audience publique du 15 septembre 2023 Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de la Sécurité Intérieure en matière de stage

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 49382 du rôle et déposée le 4 septembre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Vânia Fernandes, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à …, tendant à voir ordonner le sursis à exécution par rapport à une décision du ministre de la Sécurité Intérieure du 5 juin 2023 portant retrait du statut de fonctionnaire stagiaire du cadre policier, la requête s’inscrivant dans le cadre d’un recours en réformation sinon en annulation ayant été déposé au fond le même jour, inscrit sous le numéro 49381 du rôle, dirigé contre la même décision ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu la note de plaidoiries communiquée par le délégué du gouvernement en date du 11 septembre 2023 ;

Vu les pièces versées et notamment la décision déférée ;

Entendus Maître Vânia Fernandes et Madame le délégué du gouvernement Laurence Mousel en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 12 septembre 2023.

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Par arrêté ministériel du 27 avril 2022, Monsieur … fut admis au stage du groupe de traitement C1 du cadre policier de la Police grand-ducale avec effet au 1er mai 2022.

Par courrier du 4 avril 2023, le directeur général de la Police grand-ducale s’adressa au ministre de la Sécurité Intérieure, désigné ci-après par « le ministre », pour le prier de procéder au retrait du statut de fonctionnaire stagiaire du cadre policier de Monsieur … en application de l’article 65 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police Grand-Ducale, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 2018 », et l’article 2 (3), alinéa 5 de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, désignée ci-après par « la loi du 16 avril 1979 », au motif que ce dernier aurait échoué à l’appréciation des compétences comportementales. Le directeur général de la Police grand-ducale se référa à « l’évaluation du 30 mars 2023 du supérieur hiérarchique, Premier commissaire principal, …, validé par le Directeur Central des Ressources et Compétences ».

Par courrier recommandé avec avis de réception du 10 mai 2023, le ministre informa Monsieur … de son intention de lui retirer le statut de fonctionnaire stagiaire du cadre policier et l’invita à lui faire parvenir ses observations.

Par courrier du 15 mai 2023, Monsieur … s’adressa au ministre pour lui communiquer ses observations par rapport à la décision envisagée et demander une entrevue personnelle qui se déroula ensuite en date du 17 mai 2023.

Par décision du 5 juin 2023, le ministre retira le statut de fonctionnaire stagiaire du cadre policier à Monsieur …, avec effet au 15 juin 2023, suite à l’obtention d’un niveau de performance 1, qui équivaut à un échec, dans le cadre de l’appréciation de ses compétences comportementales. Ladite décision est motivée comme suit :

« […] Vu la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat ;

Vu l’article 65, point 4 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale ;

Vu l’arrêté ministériel du 27 avril 2022 portant admission au stage de Monsieur … dans le groupe de traitement C1 du cadre policier de la Police grand-ducale avec effet au 1er mai 2022 ;

Vu l’avis du 4 avril 2023 du Directeur général de la Police de retirer le statut de fonctionnaire stagiaire du cadre policier à Monsieur … en raison de l’échec à l’appréciation de ses compétences comportementales ;

Considérant que dans le cadre de l’entretien d’appréciation des compétences comportementales de Monsieur …, il a notamment été retenu qu’il ne répondait pas aux exigences requises pour pouvoir exercer le métier de policier ;

Considérant qu’il est reproché à Monsieur … de manquer de confiance et de montrer des signes de nervosité dans l’utilisation de son arme, de présenter des difficultés dans la gestion du stress et de ne pas être en mesure de travailler de façon indépendante ;

Considérant que Monsieur … a partant reçu un niveau de performance 1 dans deux des huit rubriques de l’évaluation de ses compétences comportementales ;

Vu le courrier du 10 mai 2023 informant Monsieur … de mon intention de lui retirer le statut de fonctionnaire stagiaire du cadre policier et l’invitant à me faire parvenir ses observations ;

Vu le courrier du 15 mai 2023 de Monsieur … présentant ses observations ;

Vu la sollicitation de Monsieur … d’être entendu en personne ;

Vu l’entrevue personnelle en date du 17 mai 2023 ;

Considérant que les explications fournies par Monsieur … dans son courrier du 15 mai 2023 et lors de son entrevue personnelle n’ont apporté aucun élément nouveau permettant de 2 remettre en cause l’appréciation de ses compétences comportementales ; que l’assurance et la confiance en soi sont des qualités indispensables pour tout futur agent de police ; qu’à défaut de pouvoir manipuler son arme avec assurance et de gérer son stress, l’agent constitue un danger potentiel pour lui-même et pour la sécurité du public ;

Considérant que l’article 4 alinéa 3 du règlement grand-ducal du 17 août 2018 relatif à la formation du personnel de la Police grand-ducale est clair en ce qu’il indique que le niveau de performance 1 donne lieu au retrait du statut de fonctionnaire stagiaire du cadre policier, ce qui équivaut donc à un échec ;

Considérant que Monsieur … ne présente dès lors actuellement pas les qualités requises pour exercer le métier de policier ; […] ».

Par requête déposée le 4 septembre 2023 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 49381 du rôle, Monsieur … a fait déposer un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision ministérielle précitée du 5 juin 2023 ayant prononcé le retrait de son statut de fonctionnaire stagiaire du cadre policier. Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 49382 du rôle, il sollicite le sursis à exécution de ladite décision jusqu’à ce que le recours au fond soit toisé par le tribunal administratif.

Après avoir exposé les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, le demandeur fait plaider que les conditions requises par la loi pour obtenir un sursis à exécution par rapport à la décision déférée seraient remplies en l’espèce, à savoir que l’exécution de celle-

ci risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif et que par ailleurs, les moyens invoqués contre cette décision apparaîtraient comme sérieux.

En ce qui concerne son préjudice subi, Monsieur … affirme qu’il serait grave et difficilement réparable en raison du rallongement de son entrée dans la vie professionnelle, résultant du rallongement de la période de son stage, sinon de l’attente d’au moins une année entière avant de pouvoir se représenter aux examens. Ce retard serait impossible à récupérer.

Ce préjudice ne pouvant pas être réparé par la réformation, sinon l’annulation de la décision litigieuse, il serait définitif.

En ce qui concerne les moyens de réformation, sinon d’annulation, dont Monsieur … soutient le caractère sérieux, il reprend dans ce contexte ses arguments développés dans son recours au fond, lesquels peuvent, en substance, être résumés comme suit :

Il se prévaut d’une violation des droits de la défense en ce que le ministre aurait ajouté un motif à la suite de sa prise de position écrite et à l’entretien du 17 mai 2023, à savoir le fait qu’il aurait reçu un niveau de performance 1 dans deux des huit rubriques de l’évaluation de ses compétences comportementales, de sorte à avoir violé le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ». N’ayant pas eu connaissance de ses notes au moment de sa prise de position, il n’aurait pu valablement exercer ses droits, de sorte que la procédure serait viciée et la décision serait illégale.

Il soulève ensuite un défaut de motivation de la décision déférée. En effet, l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 aurait été violé alors que la décision litigieuse serait basée sur un avis unilatéral du 4 avril 2023 du directeur de la Police grand-ducale qui ne lui aurait pas été communiqué. Il aurait partant été dans l’impossibilité de contester les conclusions y contenues, « pour autant qu’elles lui [seraient] défavorables, ce qui [ne serait] pas démontré ». Or, l’administration serait tenue de communiquer les avis recueillis aux personnes concernées si elle renvoyait à la motivation y contenue. En outre, le ministre n’aurait pas repris de manière explicite des éléments de motivation en se contentant de formules générales et abstraites, contraires à l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979. Le ministre n’aurait, en effet, précisé ni les raisons de fait, ni les deux rubriques de l’évaluation des compétences comportementales dans lesquelles il aurait obtenu la note 1.

Le demandeur s’empare également d’une violation de la loi du 18 juillet 2018, sinon d’une mauvaise interprétation de celle-ci en reprochant au ministre de s’être basé à tort sur l’article 4bis de ladite loi alors que les compétences comportementales ne constitueraient qu’une partie de l’appréciation des performances professionnelles et que la note 1 dans deux de huit rubriques de l’évaluation de ses compétences comportementales ne permettrait pas de conclure qu’il se serait vu attribuer un niveau de performance 1 au final, les six autres rubriques devant également être prises en compte.

Il conclut enfin, en substance, à une erreur manifeste d’appréciation voire de proportionnalité du ministre lequel (i) aurait conclu que l’obtention d’un niveau de performance 1 dans deux de huit rubriques de l’évaluation de ses compétences comportementales équivaudrait à un échec entraînant l’application de l’article 4, alinéa 3 du règlement grand-ducal du 17 août 2018 portant 1° détermination de la mise en œuvre du plan d’insertion professionnelle, 2° fixation du programme et de la procédure d’examen de la formation professionnelle de base des fonctionnaires stagiaires du cadre policier, 3° précision des modalités d’application de l’appréciation des performances professionnelles aux fonctionnaires stagiaires du cadre policier, 4° fixation des programmes de formation spéciale, de la durée de la formation spéciale théorique et de l’appréciation des épreuves de l’examen de fin de formation spéciale des fonctionnaires stagiaires du cadre civil de la Police grand-ducale, 5° détermination des formalités à remplir par les candidats à l’examen de promotion, du programme de l’examen ainsi que des modalités de classement et des critères de départage en cas d’égalité des notes, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 17 août 2018 », et (ii) n’aurait pas tenu compte dans l’évaluation de son stage du harcèlement moral qu’il aurait subi de la part d’un instructeur ayant conduit à l’altération de sa confiance.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité de la requête en sursis à exécution au motif qu’il serait de jurisprudence constante que « lorsqu’une mesure dont le sursis à exécution est demandé a d’ores et déjà été exécutée au moment où le président du tribunal est appelé à statuer, la demande en obtention d’une mesure provisoire a perdu son objet et elle doit être déclarée irrecevable », se référant, à cet égard, à deux jugements du tribunal administratif du 23 mars 2023 et du 28 août 2023, inscrits sous les numéros 48614, respectivement 49363 du rôle, concernant la résiliation d’un contrat de travail d’un employé de l’Etat, situation qui serait transposable, par analogie, à la situation de la résiliation du stage d’un fonctionnaire stagiaire. La résiliation du stage de Monsieur … aurait d’ores et déjà été exécutée, de sorte qu’un sursis à exécution ne pourrait lui être accordé. Le délégué du gouvernement estime ensuite que les conditions légalement prévues pour ordonner un sursis à exécution ne seraient pas remplies en l’espèce en contestant tant l’existence d’un préjudice grave et définitif que le sérieux des moyens invoqués.

A titre liminaire, il échet de constater que l’argumentation tirée de l’irrecevabilité de la requête en sursis à exécution soulevée par le délégué du gouvernement est à écarter dès lors que la situation d’un employé de l’Etat ayant conclu un contrat de travail avec l’Etat, diffère de celle d’un fonctionnaire admis au stage par décision du ministre du ressort respectivement du ministre ayant l’administration gouvernementale dans ses attributions, de sorte que les méthodes et effets de la résiliation d’un contrat de travail d’un employé de l’Etat ne peuvent être transposées au cas de résiliation du stage d’un fonctionnaire stagiaire du cadre policier.

En vertu de l’article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

En l’espèce, l’affaire au fond a été introduite le 4 septembre 2023, de sorte que compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, l’affaire au fond ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

Ensuite, comme indiqué ci-dessus, une mesure provisoire ne peut être décrétée en vertu de l’article 11 (2) de la loi du 21 juin 1999 qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, ces deux conditions devant impérativement être remplies cumulativement.

En ce qui concerne la condition du caractère sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours au fond, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Ainsi, le juge du référé est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision attaquée.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui.

Il s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire.

Au niveau de l’examen des moyens d’annulation invoqués à l’appui du recours au fond, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, notamment au vu des solutions jurisprudentielles dégagées par le juge du fond, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée - les moyens devant offrir une apparence de droit suffisante ou un degré de vraisemblance tel que l’on peut nourrir des doutes importants quant à la légalité de l’acte1 -, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

En l’espèce, l’argumentation du demandeur se résume en substance à quatre moyens, en ce qu’il reproche au ministre (i) une violation des droits de la défense, (ii) un défaut de motivation, (iii) une violation de la loi du 18 juillet 2018, sinon une mauvaise interprétation de cette loi et (iv) une erreur manifeste d’appréciation voir de proportionnalité du ministre.

La soussignée relève qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, elle n’est pas liée par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

Quant au premier moyen soulevé par le demandeur, reprochant au ministre une violation de ses droits de la défense, il se dégage du dossier administratif qu’il a signé lui-même en date du 30 mars 2023 le document intitulé « Appréciation des compétences comportementales » comprenant ses notes pour chacune des huit rubriques, dont le « Total des points obtenu » est égal à 14, et indiquant que le résultat de cette appréciation équivaudrait à un « Echec », de sorte qu’après une analyse nécessairement sommaire, il paraît que Monsieur … était au courant de ses notes et plus particulièrement de l’obtention des notes 1 – « ne répond pas aux attentes » – dans deux de huit rubriques, et ce tant avant la réception du courrier du ministre du 10 mai 2023 signalant son intention de résilier le stage du fonctionnaire stagiaire et faisant explicitement référence à l’échec de Monsieur … à l’appréciation des compétences 1 Jean-Paul Lagasse, Le référé administratif, 1992, p.48.

comportementales tout en le priant de lui faire parvenir ses observations éventuelles, que lors de l’entretien du 17 mai 2023. Il s’ensuit le moyen tiré d’une violation des droits de la défense du demandeur ne paraît guère pouvoir aboutir dans le cadre de l’instance au fond et ne présente partant pas le sérieux nécessaire pour justifier la mesure provisoire sollicitée.

En ce qui concerne le second moyen avancé par le requérant, tiré d’un défaut de motivation de la décision déférée, en ce qu’elle contiendrait des formules générales et abstraites et qu’elle reposerait sur un avis du 4 avril 2023 du directeur de la Police grand-

ducale non communiqué, il y a lieu de souligner que selon une jurisprudence bien établie des juges au fond, l’obligation de motivation formelle inscrite à l’article 6 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 – laquelle ne prescrit expressément en tout état de cause qu’une motivation « sommaire » – ne constitue pas une fin en soi, mais consacre des garanties visant à ménager à l’administré concerné la possibilité d’apprécier la réalité et la pertinence de la motivation à la base d’une décision administrative, de sorte que dans l’hypothèse où il est établi que cette finalité est atteinte, la question du respect de cette obligation par la décision devient sans objet2.

Or, en l’espèce, une analyse sommaire de la décision litigieuse fait ressortir que le ministre y a détaillé les bases légales sur lesquelles elle repose ainsi que les faits de l’espèce, dont le fait que Monsieur … ne répondrait pas aux exigences requises pour pouvoir exercer le métier de policier en lui reprochant de manquer de confiance et de montrer des signes de nervosité dans l’utilisation de son arme, de présenter des difficultés dans la gestion du stress, de ne pas être en mesure de travailler de façon indépendante et d’avoir obtenu un niveau de performance 1 dans deux des huit rubriques de l’évaluation de ses compétences comportementales. Il convient, par ailleurs, de relever qu’il était loisible au demandeur de solliciter la communication de son dossier administratif, sinon celle de l’avis du 4 avril 2023 du directeur de la Police grand-ducale. A défaut d’avoir procédé à une telle demande, le demandeur ne saurait a priori pas en tirer un défaut de motivation. Le moyen ne semble dès lors pas être suffisant pour justifier une réformation, sinon une annulation de la décision litigieuse et ne présente partant pas le sérieux nécessaire pour justifier la mesure provisoire sollicitée.

En ce qui concerne le quatrième moyen relatif à une erreur manifeste d’appréciation, voire de proportionnalité, il y a lieu de constater qu’aux termes de l’article 65 de la loi du 18 juillet 2018 : « Le retrait du statut de fonctionnaire stagiaire du cadre policier est prononcé par le ministre sur avis du directeur général de la Police :

[…] 2°en cas d’échec à la phase de formation policière théorique et pratique ou de la phase d’initiation pratique ;

3°pour motifs graves tant dans le service qu’en dehors du service ;

4°lorsque l’une des appréciations des performances professionnelles donne lieu à un niveau de performance 1 tel que défini par l’article 4bis de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’État.

2 Voir en ce sens. trib. adm. 11 janvier 2010, n° 25445 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 66.

Le retrait du statut de fonctionnaire stagiaire du cadre policier en application du présent article équivaut à une résiliation du stage au sens de l’article 2 de la loi précitée du 16 avril 1979.

Après un retrait du statut de fonctionnaire stagiaire du cadre policier pour les motifs évoqués au point 3°, le fonctionnaire stagiaire du cadre policier ne pourra plus se présenter à un examen-concours de la Police ».

L’article 4bis de la loi du 16 avril 1979 dispose que « 1. Le développement professionnel du fonctionnaire comprend un système d’appréciation des performances professionnelles qui s’appuie sur le système de gestion par objectifs.

[…] 2. Le système d’appréciation comprend les critères d’appréciation, les niveaux de performance, l’entretien d’appréciation et les effets.

L’appréciation est faite sur base des critères d’appréciation suivants :

a) la pratique professionnelle comprenant les compétences techniques et les compétences comportementales qui sont définies dans la description de fonction, b) la réalisation du plan de travail individuel.

Le résultat de l’appréciation est exprimé en niveaux de performance qui sont définis comme suit:

a) le niveau de performance 4 équivaut à « dépasse les attentes », b) le niveau de performance 3 équivaut à « répond à toutes les attentes », c) le niveau de performance 2 équivaut à « répond à une large partie des attentes », d) le niveau de performance 1 équivaut à « ne répond pas aux attentes ».

[…] 3. Pour le stagiaire, […] [l]orsque le stagiaire obtient un niveau de performance 1, il se voit appliquer les dispositions prévues à l’article 2, paragraphe 3, alinéa 5. ».

L’article 2 (3), alinéa 5 de la loi du 16 avril 1979 prévoit quant à lui que « Le stage est résiliable. La résiliation du stage est prononcée soit pour motifs graves, soit lorsque le stagiaire s’est vu attribuer une appréciation professionnelle insuffisante par application des dispositions de l’article 4bis. ».

Enfin, il convient encore de relever que l’article 4, alinéa 3 du règlement grand-ducal du 17 août 2018, sur lequel se base expressément la décision litigieuse, précise que « L’appréciation des performances professionnelles du fonctionnaire stagiaire du cadre policier comprend une appréciation des compétences comportementales.

[…] Lorsque l’une des appréciations prévues donne lieu à un niveau de performance 1, le fonctionnaire stagiaire du cadre policier se voit retirer le statut de fonctionnaire stagiaire du cadre policier. ».

Une analyse nécessairement sommaire de ces articles révèle donc que la résiliation du stage d’un fonctionnaire stagiaire du cadre policier, en raison de l’attribution d’un niveau de performance 1, ne relève pas de l’appréciation discrétionnaire du ministre, mais qu’elle intervient de plein droit dans l’hypothèse où le stagiaire s’est vu attribuer un niveau de performance 1 dans le cadre de l’appréciation de ses performances. Monsieur … ayant obtenu un niveau de performance 1 à l’issue de l’entretien d’appréciation des compétences comportementales, le ministre semble avoir été tenu, en raison de la compétence liée en la matière, ressortant de l’article 4 du règlement grand-ducal du 17 août 2018, de lui retirer le statut de fonctionnaire stagiaire du cadre policier et ainsi de résilier son stage. Il s’ensuit que le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, voire de proportionnalité ne paraît guère pouvoir aboutir dans le cadre de l’instance au fond et ne présente partant pas le sérieux nécessaire pour justifier la mesure provisoire sollicitée.

Il importe de souligner, à cet égard, qu’au vu de la compétence liée du ministre qui ne peut, dès lors, a priori apprécier ni l’attribution des notes au fonctionnaire stagiaire, ni l’attribution du niveau de performance à ce dernier, ces éléments relevant d’une phase antérieure, les contestations du demandeur y relatives ne semblent pas relever de la compétence de la soussignée dans la mesure où elle n’est saisie que de la décision ministérielle de résiliation du stage du fonctionnaire stagiaire du cadre policier.

Au vu de ce constat et de la compétence liée du ministre, le troisième moyen relatif à une violation de la loi du 18 juillet 2018, sinon d’une mauvaise interprétation de cette loi en ce que les notes du demandeur ne seraient pas justifiées ne paraît guère pouvoir aboutir dans le cadre de l’instance au fond et ne présente dès lors pas le sérieux nécessaire pour justifier la mesure provisoire sollicitée.

Le requérant est partant à débouter de sa demande en obtention d’un sursis à exécution sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle d’un risque de préjudice grave et définitif, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

Par ces motifs, la soussignée, juge du tribunal administratif, agissant en remplacement du président du tribunal administratif et des magistrats plus anciens en rang, légitimement empêchés, statuant contradictoirement et en audience publique ;

rejette le recours en obtention d’une mesure provisoire, réserve les frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 septembre 2023 par Annemarie Theis, juge du tribunal administratif, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Annemarie Theis Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 septembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49382
Date de la décision : 15/09/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-09-15;49382 ?

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