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16/05/2023 | LUXEMBOURG | N°48840

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 mai 2023, 48840


Tribunal administratif N° 48840 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48840 Inscrit le 17 avril 2023 Audience publique du 16 mai 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48840 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 avril 2023 par Maître Nour E. Hellal, avocat

à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …...

Tribunal administratif N° 48840 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:48840 Inscrit le 17 avril 2023 Audience publique du 16 mai 2023 Recours formé par Monsieur …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48840 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 avril 2023 par Maître Nour E. Hellal, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Tunis (Tunisie), et être de nationalité tunisienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 30 mars 2023 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée, de refuser de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et à la réformation de l’ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 avril 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge remplaçant le président de la quatrième chambre du tribunal administratif entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Luc Reding en sa plaidoirie à l’audience publique du 2 mai 2023, Maître Nour E. Hellal étant excusé.

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Le 3 novembre 2022, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection temporaire au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le 10 novembre 2022, il fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de cette demande.

Par décision du 10 novembre 2022, notifiée le même jour en mains propres à l’intéressé, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », refusa de faire droit à sa demande en obtention d’une protection temporaire au motif que Monsieur … se trouvait en séjour irrégulier en Ukraine depuis l’expiration de son titre de séjour temporaire le 1er octobre 2021.Par décision séparé du 10 novembre 2022, notifiée le même jour en mains propres à l’intéressé, le ministre constata le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de quitter le territoire dans un délai de 30 jours à destination du pays dont il a la nationalité, la Tunisie ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner.

Par courrier de son litismandataire du 8 décembre 2022, Monsieur … fit introduire un recours gracieux contre la décision du ministre du 10 novembre 2022 ayant refusé l’octroi d’une protection temporaire dans son chef.

Par décision du 6 février 2023, notifiée au litismandataire de l’intéressé par courrier recommandé expédié le 10 février 2023, le ministre confirma sa décision du 10 novembre 2022.

Le 6 mars 2023, Monsieur … introduisit auprès du ministère une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015.

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée, dans un rapport du même jour.

En date du 22 mars 2023, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 30 mars 2023, notifié à l’intéressé par courrier recommandé expédié le même jour, le ministre résuma les déclarations de Monsieur … comme suit : « (…) En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 6 mars 2023, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 22 mars 2023 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que l'ensemble des pièces composant votre dossier administratif, y compris celui ayant trait à votre demande en obtention d'une protection temporaire.

En date du 3 novembre 2022, vous aviez introduit une demande en obtention d'une protection temporaire au Luxembourg sur base d'un titre de séjour temporaire ukrainien émis en date du 5 avril 2021 et expiré en date du 1er octobre 2021. Vous aviez déclaré dans ce contexte avoir quitté la Tunisie moyennant un visa ukrainien en janvier 2021 pour y faire des études en économie et en gestion. Vous auriez quitté l'Ukraine en date du 28 février 2022 pour la Pologne où vous seriez resté pendant deux ou trois mois. Vous seriez ensuite parti en Allemagne où vous auriez également séjourné pendant deux ou trois mois, de même que vous auriez encore été en France pendant trois semaines. Vous y auriez obtenu une protection temporaire, mais dans la mesure où vous n'y auriez pas trouvé de travail, vous seriez venu au Luxembourg pour y introduire une demande en obtention d'une protection temporaire. Vous aviez déclaré à cette occasion ne pas pouvoir retourner en Tunisie parce que vous seriez à la recherche d'un meilleur pays. Vous auriez rêvé depuis que vous auriez quitté la Tunisie d'étudier en Ukraine pour améliorer votre avenir, pour mieux vivre et pour avoir un bon travail afin de pouvoir aider votre mère et votre sœur.

Par décision du 10 novembre 2022, votre demande en obtention d'une protection temporaire a été refusée. Par décision séparée du même jour, le ministre a déclaré votre 2 séjour irrégulier, vous ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination de la Tunisie ou de tout autre pays dans lequel vous êtes obligé à séjourner. Le recours gracieux introduit par courrier de votre mandataire du 8 décembre 2022 contre la décision ayant refusé l’octroi d’une protection temporaire dans votre chef, a été rejeté par décision du 6 février 2023.

En date du 6 mars 2023, vous avez alors introduit une demande de protection internationale.

Vous déclarez vous nommer …, être né la 17 septembre 1985 à Tunis et être de nationalité tunisienne. Vous seriez célibataire et auriez vécu à Tunis avec vos parents et vos sœurs. Votre père serait décédé il y a trois mois. Vous auriez fait des études secondaires mais auriez raté le baccalauréat. Vous auriez travaillé en Tunisie dans des hôtels en tant que cuisinier à Hammamet, à Djerba et à Tunis. Vous n'auriez plus travaillé depuis 2020.

En janvier 2021, vous auriez quitté la Tunisie moyennant un visa ukrainien pour y apprendre la langue et pour terminer une formation de cuisinier. Vous seriez aide-cuisinier mais vous auriez voulu faire une formation en chef-cuisinier pour laquelle le baccalauréat ne serait pas requis en Ukraine.

Vous auriez introduit une demande de protection internationale en attendant que la guerre en Ukraine se terminerait et vous voudriez y retourner une fois la guerre terminée.

Vous ne seriez pas retourné en Tunisie en attendant la fin du conflit car vous voudriez étudier en Ukraine. Vous auriez par ailleurs une copine en Ukraine que vous voudriez marier.

Convié à expliquer pourquoi vous ne seriez donc pas retourné en Tunisie vous déclarez vouloir emmener votre copine en Tunisie pour les vacances mais pas pour y vivre alors qu'elle aurait sa famille en Ukraine et ne parlerait pas l'arabe. Sur question afférente de l'agent en charge de votre entretien que vous n'auriez donc jamais eu un problème en Tunisie, vous êtes clair pour affirmer que « non, c'est uniquement pour les études » (entretien page 6).

Ce n'est que lorsque l'agent en charge de votre entretien vous rend attentif au fait que, sur votre fiche des motifs remplie lors de l'introduction de votre demande de protection internationale, vous aviez marqué avoir des problèmes familiaux que vous vous rappelez « oui, il y a un gros problème » (entretien page 6), mais vous estimez qu'il s'agirait d'un ancien problème. En fait, en juin 2018, vous auriez eu un problème avec votre cousine paternelle et ses frères. Vous auriez eu une relation sexuelle avec cette cousine et pour ses frères, ce serait une chose très grave car ils seraient conservateurs. Les frères de votre cousine auraient été au courant de cette relation alors que « c'est eux qui ont trouvé et après elle a tout avoué » (entretien page 6). Ils vous auraient vus balader ensemble. Par après, votre cousine aurait été frappée par ses frères qui lui auraient par ailleurs coupé les cheveux.

Actuellement, vous n'auriez plus de contact avec votre cousine alors que vous vous seriez éloigné de cette histoire. Vous déclarez encore que vos cousins vous auraient menacé par téléphone et vous auriez soupçonné qu'ils pourraient venir à Tunis pour vous attraper et « même leurs amis à eux aussi » (entretien page 7), de sorte que vous seriez parti chez un ami à vous qui habiterait à une dizaine de kilomètres de Tunis et chez lequel vous seriez resté pendant six mois. Vous auriez douté que vos cousins ne viennent chez vous à Tunis alors que « je les connais très bien » (entretien page 7).

3 Vous déclarez par la suite que vos cousins seraient effectivement venus à Tunis pour vous chercher trois jours « après cette histoire » (entretien page 7). Ils vous auraient recherché « plusieurs fois, plus que 10 au minimum » (entretien page 7). Vous auriez cette information parce que votre sœur et parfois vos amis les auraient vus dans le quartier et qu'ils auraient demandé à savoir où vous vous trouveriez.

Après votre séjour de six mois chez votre ami, vous seriez rentré chez vous, mais parfois, vous seriez retourné chez ledit ami. Vous auriez fait ces aller-retours jusqu'à ce que vous auriez demandé votre visa pour l'Ukraine.

Convié à expliquer qu'est-ce que vous craindriez concrètement en cas de retour en Tunisie, vous affirmez « Cette histoire-là. Et la loi ne me protège pas » (entretien page 7).

Vous n'auriez pas porté plainte contre vos cousins et n’auriez pas non plus sollicité une aide auprès d’une autorité de votre pays d’origine.

Vous auriez attendu jusqu'en 2020 pour quitter votre pays d'origine pour l'Ukraine et vous n'auriez pas quitté la Tunisie plus tôt alors que vous auriez décidé d'aller en Ukraine « 50 pour cent pour faire mes études et pour faire ma vie là-bas et 50 pour cent à cause de cette histoire-là » (entretien page 8). Vous ne vous seriez par ailleurs pas installé dans une autre région de votre pays d'origine alors que vous n'y auriez pas pensé.

A l'appui de votre demande, vous remettez votre permis de séjour temporaire ukrainien périmé depuis le 1er octobre 2021. Votre passeport, vous l'auriez perdu il y a environ un mois alors qu'on aurait volé votre sac dans le train. Vous aviez déclaré lors de votre entretien avec la police le jour de l'introduction de votre demande de protection internationale que vous n'auriez pas fait une déclaration de perte alors que vous auriez été en séjour irrégulier et que vous n'auriez de la sorte pas voulu vous adresser à la police.

(…) ».

Le ministre informa ensuite Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1) sous a) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire.

Le ministre motiva sa décision par la mise en doute de la crédibilité générale du récit de Monsieur …. Ainsi le ministre estima, en premier lieu, que ses déclarations concernant les menaces qu’il aurait reçues de la part de ses cousins, alors qu’il aurait eu une relation sexuelle avec leur sœur, devraient être mises en doute au motif qu’il aurait d’abord déclaré ne jamais avoir eu de problèmes en Tunisie pour lesquels il aurait quitté son pays d’origine, pour, ensuite, revenir sur cette déclaration, en relatant lesdits problèmes ayant trait aux menaces reçues par ses cousins. Le ministre fit, par ailleurs, relever qu’il résulterait des déclarations de Monsieur … faites dans le cadre de l’introduction de sa demande en obtention d’une protection temporaire, qu’il n’avait pas non plus fait état de problèmes qui l’auraient empêchés de retourner en Tunisie, ce dernier ayant déclaré qu’il ne voudrait pas retourner en Tunisie pour chercher un meilleur pays, respectivement en raison du fait qu’il rêverait d’étudier en Ukraine afin d’améliorer son avenir, mieux vivre et avoir un bon travail. Le ministre conclut au fait que Monsieur … aurait quitté la Tunisie et ne voudrait plus y retourner pour des motifs économiques et de pure convenance personnelle et non pas parce que sa vie y aurait été en danger ou le serait toujours.

Le ministre estima, ensuite, que nonobstant la crédibilité du récit de Monsieur …, il y aurait lieu de relever que les menaces qu’il aurait reçues de la part de ses cousins auraient leur origine dans un conflit familial, n’ayant aucun lien avec l’un des cinq motifs de fond prévus par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après dénommée « la Convention de Genève », à savoir qu’il aurait été menacé en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social.

Il insista encore sur le fait que les menaces dont ferait état Monsieur …, ne se seraient suivies d’aucun acte concret, ne revêtant manifestement pas le degré de gravité requis pour être qualifiées de persécution au sens de la loi du 18 décembre 2015. Le ministre souligne, dans ce contexte, que Monsieur … aurait même oublié de mentionner lesdits faits lors de son entretien pour les qualifier par la suite comme affaire ancienne. Il serait encore permis de douter de la gravité des faits invoqués par Monsieur …, respectivement de leur actualité, alors qu’il aurait déclaré qu’il envisagerait d’amener sa copine ukrainienne en Tunisie pour y passer des vacances.

Le ministre souleva encore le fait que les menaces invoquées par Monsieur … auraient été proférées par ses cousins, donc des personnes privées n’ayant aucun lien avec les autorités tunisiennes, de sorte qu’il pourrait bénéficier du statut de réfugié uniquement dans le cas où il rapporterait la preuve que les autorités en place seraient dans l’incapacité ou refuseraient de lui apporter leur aide en cas de besoin. Or, il ressortirait des déclarations de Monsieur … qu’il ne se serait pas adressé aux autorités tunisiennes, notamment policières, ni à une autre autorité pour dénoncer ses cousins, de sorte que son affirmation selon laquelle la loi ne le protègerait pas ne serait pas vérifiée. Concernant les menaces invoquées par Monsieur …, le ministre souligna encore le fait qu’il serait resté muet quant au contenu exact desdites menaces, mais que des menaces contre sa vie ou son intégrité physique seraient considérées comme infraction de droit commun punissable en Tunisie. A défaut d’avoir porté à la connaissance des autorités tunisiennes lesdits problèmes rencontrés avec ses cousins, en portant plainte, il ne saurait donc leur reprocher un défaut de protection.

Le ministre rejeta ensuite la demande de protection internationale comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 avril 2023, Monsieur … a fait déposer un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 30 mars 2022 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et à la réformation de l’ordre de quitter le territoire.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prise dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation ainsi introduit.

Le recours en réformation est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur expose les faits et rétroactes à la base de sa demande en obtention d’une protection internationale tels que retranscrits ci-avant, en expliquant qu’il aurait quitté la Tunisie moyennant un visa ukrainien en janvier 2021 pour y poursuivre des études en économie et gestion. Il aurait quitté l’Ukraine le 28 février 2022 pour la Pologne où il serait resté pendant trois mois, pour ensuite séjourner en Allemagne pendant deux ou trois mois, avant de séjourner en France pendant trois semaines. Il relate avoir obtenu une protection temporaire en France, mais dans la mesure où il n’aurait pas trouvé de travail, il serait venu au Luxembourg pour introduire une nouvelle demande en obtention d’une protection temporaire.

En droit, le demandeur estime cumuler deux situations administratives, d’une part, celle ayant trait au refus du ministre de lui accorder une protection temporaire, et, d’autre part, celle ayant trait à la décision litigieuse du ministre statuant sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et portant ordre de quitter le territoire dans son chef, de sorte que la décision litigieuse du ministre aurait dû surseoir à statuer jusqu’à ce que sa demande en obtention d’une protection temporaire serait complètement vidée, le délai pour introduire un recours contentieux n’ayant pas encore expiré. A cet égard, le demandeur met en exergue le mécanisme de la protection temporaire, tout en indiquant les dispositions légales applicables, ainsi que les circonstances et motifs l’ayant poussé à solliciter ladite protection au Luxembourg.

Quant aux faits invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale, le demandeur relate qu’en juin 2018, il aurait rencontré un problème avec sa cousine paternelle et ses frères. Il explique avoir eu une relation sexuelle avec cette cousine, ce qui aurait constitué un fait très grave pour ses cousins, conservateurs. La famille, en l’occurrence ses cousins, seraient dès lors à sa recherche, de sorte qu’il considère que le ministre devrait être interpelé par ce récit, celui-ci décrivant la réalité de son pays d’origine, incapable d’endiguer la violence au quotidien.

En ce qui concerne la décision du ministre de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le demandeur donne à considérer qu’en tout état de cause, les dispositions de l’article 27 de la loi du 18 décembre 2015 ne sauraient trouver application, alors que selon les observations de l’organisation internationale Amnesty International, la Tunisie traverserait une crise sociale et politique importante, leur chef d’Etat ayant décrété l’état d’urgence jusqu’au 30 janvier 2023 et se serait octroyé des pouvoirs supplémentaires par le biais d’une nouvelle Constitution concentrant l’autorité entre les mains de l’exécutif. Le demandeur soutient en outre que le Parlement tunisien aurait été dissout le 30 mars et que les autorités auraient interdit arbitrairement la sortie du pays à trois personnes au moins, parmi lesquelles des membres du Parlement dissout appartenant à des partis opposés au chef de l’Etat. Quant à la situation économique en Tunisie, le demandeur fait valoir que la crise économique se serait aggravée, le chômage aurait atteint un taux de 15,3 % et l’inflation aurait grimpé à 10,1%. Il fait état de pénuries de denrées alimentaires de base qui se seraient fait sentir et que les pouvoirs publics auraient annoncé qu’ils prévoiraient de réduire les subventions sur l’énergie et les produits alimentaires, alors même que celles-ci auraient été instaurées de longue date. En octobre, les autorités seraient parvenues à un accord de principe avec le Fonds monétaire international en vue de l’obtention d’une aidefinancière de 1,9 milliard de dollars des Etats-Unis, l’examen du prêt n’ayant pas encore abouti. Le demandeur estime que selon les experts, la Tunisie serait extrêmement vulnérable au changement climatique et à l’insécurité alimentaire, compte tenu de ses ressources en eau limitées et des prévisions d’augmentation de la fréquence des sécheresses et des épisodes de températures élevées.

Quant au refus du ministre de lui accorder une protection internationale, le demandeur conclut à la réformation de la décision litigieuse, alors qu’un retour forcé les conduirait à subir des représailles de leurs familles respectives, hypothèse envisageable.

Plus particulièrement quant au refus du ministre de lui accorder l’octroi de la protection subsidiaire, le demandeur soutient qu’il estime remplir les conditions pour bénéficier de cette protection compte tenu de la situation actuelle en Tunisie, notamment en raison du fait que les actes subis par le demandeur pourraient être assimilés à des actes de persécution, de menace et de violence qu’il risquerait de subir à nouveau en cas de retour en Tunisie.

Quant à l’ordre de quitter le territoire, le demandeur estime qu’il serait à réformer en conséquence de la réformation du volet portant refus de l’octroi d’une protection internationale dans son chef.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours, pris en son triple volet.

Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pourautant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur le fond dudit recours.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée S’agissant du recours dirigé contre la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée, il y a lieu de relever que la décision ministérielle est en l’espèce fondée sur le point a) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, notamment s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande.

La soussignée est dès lors amenée à analyser si les moyens avancés par le demandeur à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par ce dernier ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande de protection internationale lui soumise dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Afin d’analyser si le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il y a d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a) (…) ».

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En outre, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être:

a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au 9 paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection (…) ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur de protection internationale ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

A titre liminaire, force est d’abord à la soussignée de préciser que le juge administratif doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Or, l’analyse de la pertinence des faits invoqués, au regard des conditions d’octroi d’une protection internationale rappelées ci-avant, nécessite en premier lieu d’apprécier la valeur des éléments de preuve et de vérifier la crédibilité du récit du demandeur.

Force est de rappeler que l’examen de la crédibilité du récit d’un demandeur d’asile constitue une étape nécessaire pour pouvoir répondre à la question si le demandeur d’asile a ou non des raisons de craindre d’être persécuté du fait de l’un des motifs prévus par la Convention de Genève, ou risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.1 Il s’ensuit qu’il appartient à la soussignée de se prononcer en premier lieu sur la question de la crédibilité du récit du demandeur, d’autant plus qu’en l’espèce, c’est la crédibilité générale du demandeur qui est mise en doute, influant nécessairement sur l’appréciation du caractère manifestement infondé ou non des différents volets du recours dont elle est saisie.

Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que si, comme en l’espèce, des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, celui-ci doit bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 1 trib. adm., 27 novembre 2006, n° 21556 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers n° 148 et les autres références y citées.décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves.2 Force est cependant à la soussignée de constater que, malgré le fait pour le ministre d’avoir mis en cause la crédibilité du récit du demandeur, la requête introductive d’instance ne fournit aucune explication de nature à pouvoir éventuellement lever les différentes contradictions et incohérences valablement relevées dans la décision déférée. C’est dès lors à bon droit que le délégué du gouvernement donne à considérer que le recours du demandeur ne prend position que de manière succincte et expéditive quant à la décision ministérielle sous examen sans infirmer l’analyse du ministre.

En effet, c’est à bon droit que le ministre, ainsi que le délégué du gouvernement, mettent en doute la réalité des faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande de protection internationale, alors que sur question de l’agent du ministère « Donc si je comprends bien, vous n’avez jamais eu de problèmes en Tunisie pour lesquels vous avez quitté votre pays d’origine », le demandeur a déclaré « non, c’est uniquement pour les études ». Ce n’est qu’après que l’agent du ministère l’ait rendu attentif sur les motifs qu’il avait indiqués sur sa fiche de motifs, à savoir « J’ai des problèmes familiaux en Tunisie et je ne peux plus y retourner. J’attends la fin de la guerre pour retourner en Ukraine », que le demandeur a fait état de menaces proférées par ses cousins en juin 2018, en raison d’une relation sexuelle qu’il aurait eu avec leur sœur. C’est encore à bon droit que le ministre a relevé qu’il ressortait encore des déclarations faites par le demandeur dans le cadre de sa demande en obtention d’une protection temporaire qu’il n’avait pas eu de problèmes en Tunisie, alors qu’il n’avait fait état d’aucun problème l’empêchant de retourner en Tunisie, au contraire, il avait déclaré, lors de son entretien auprès de la police grand-ducale, ne pas vouloir retourner dans son pays d’origine, alors qu’il voulait chercher un meilleur pays, et dans sa demande de protection temporaire manuscrite, ne pas être retourné en Tunisie parce qu’il rêvait d’étudier en Ukraine, d’améliorer son avenir, de mieux vivre et d’avoir un bon travail afin d’aider sa mère et sa sœur. Au vu des constatations qui précèdent, tant le ministre que le délégué du gouvernement, concluent que le demandeur a quitté la Tunisie pour des motifs économiques et de pure convenance personnelle et non pas en raison du fait que sa vie y aurait été en danger ou le serait toujours.

Force est de constater que face à cette multitude d’incohérences et de contradictions relevées, le demandeur ne tente même pas de se justifier et de fournir des éléments d’explications permettant de lever les doutes sur sa crédibilité générale. Au contraire, force est de constater que le demandeur se borne à faire des développements relatifs à sa demande de protection temporaire, sans pertinence quant au présent litige, la soussignée n’en étant pas saisie, tout en se contentant, pour le surplus, d’une part, d’affirmer, sans autrement étayer ses dires, que le ministre devrait être interpelé par son récit, alors qu’il décrirait la réalité de son pays d’origine qui serait incapable d’endiguer la violence au quotidien, et, d’autre part, d’alléguer, sans autres explications afférentes en lien avec sa situation personnelle, que la 2 trib. adm. 16 avril 2008, n° 23855, Pas. adm. 2022, V° Etrangers, n° 139 et les autres références y citées.situation actuelle en Tunisie – en crise sociale et politique – empêcherait l’application des dispositions de l’article 27 de la loi du 18 décembre 2015 dans son chef.

Or, ces développements ne sont manifestement pas de nature à renverser les doutes valablement soulevés par le ministre quant à la crédibilité de son récit, étant à préciser qu’il appartient au demandeur de s’efforcer d’étayer sa demande et de fournir tous les éléments à sa disposition afin que son récit soit considéré comme crédible.

Dans ces circonstances, il y a lieu de retenir que le silence du demandeur face à ces incohérences et contradictions invalidantes qui affectent son récit, mettant en doute ses déclarations sur les menaces reçues de la part de ses cousins et partant l’existence de faits l’ayant forcé à quitter son pays d’origine, amène la soussignée à conclure que la crédibilité du récit du demandeur est manifestement ébranlée dans son ensemble. En effet, étant donné que le demandeur n’a fourni aucun effort pour expliquer de manière convaincante les incohérences de son récit, il appartient à la soussignée de conclure que c’est à bon droit que le ministre a mis en doute la crédibilité générale de son récit et ainsi la véracité des faits invoqués.

Au vu des considérations qui précèdent et plus particulièrement du constat que la crédibilité générale du récit du demandeur est ébranlée, la soussignée est amenée à retenir qu’il n’a soulevé aucun élément pertinent quant aux conditions d’octroi d’un statut conféré par la protection internationale, de sorte que les conditions pour l’application de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 sont remplies en l’espèce. Il s’ensuit que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à déclarer manifestement infondé.

2) Quant au recours en réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale S’agissant du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder une protection internationale au demandeur, il convient de rappeler que l’examen de la crédibilité du récit d’un demandeur d’asile constitue une étape nécessaire pour pouvoir répondre à la question si le demandeur d’asile a ou non des raisons de craindre d’être persécuté du fait de l’un des motifs prévus par la Convention de Genève, ou risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.3 Or, étant donné qu’il suit de ce qui a été retenu dans le cadre du recours dirigé contre la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que la crédibilité générale du récit du demandeur est manifestement ébranlée, aucune crainte de persécution, ni aucune atteinte grave ne saurait être retenue dans son chef, de sorte que le demandeur est à débouter de son recours relatif à sa demande de protection internationale qui est partant à déclarer comme manifestement infondé.

3) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, il convient de relever qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision 3 trib. adm., 27 novembre 2006, n° 21556 du rôle, Pas. adm. 2022, V° Etrangers n° 148 et les autres références y citées.du ministre vaut décision de retour (…) ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé et que partant c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, de sorte qu’un retour dans son pays d’origine ne l’expose pas à des actes de persécutions ni à des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la quatrième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 30 mars 2022 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée, sur celle portant refus d’une protection internationale et sur celle portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 mai 2023, par la soussignée, Emilie Da Cruz De Sousa, juge au tribunal administratif, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Emilie Da Cruz De Sousa Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 mai 2023 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Numéro d'arrêt : 48840
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-05-16;48840 ?

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