N° 35 / 2023 pénal du 23.03.2023 Not. 32017/11/CD Numéro CAS-2022-00005 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, vingt-trois mars deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à LIEU1.), demeurant à CH-ADRESSE1.), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître AVOCAT1.), avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, assisté de Maître AVOCAT2.), avocat à la Cour, en présence du Ministère public et du Receveur du bureau de recette des contributions directes de Luxembourg, PERSONNE2.), ayant ses bureaux à L- ADRESSE2.), demandeur au civil, défendeur en cassation, comparant par Maître AVOCAT3.), avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, l’arrêt qui suit :
1Vu l’arrêt attaqué, rendu le 21 décembre 2021 sous le numéro 416/21 V. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;
Vu le pourvoi en cassation au pénal et au civil formé par Maître AVOCAT2.), avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 20 janvier 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 15 février 2022 par PERSONNE1.) au Receveur du bureau de recette des contributions directes de Luxembourg, déposé le 17 février 2022 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 11 mars 2022 par le receveur à PERSONNE1.), déposé le 14 mars 2022 au greffe de la Cour ;
Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint MAGISTRAT1.).
Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, l’Administration des contributions directes (ci-après « l’ACD ») avait procédé à la taxation d’office des revenus de PERSONNE1.) des années 2002 à 2012, à défaut par lui d’avoir déposé les déclarations afférentes.
Le recours en réformation, introduit par le demandeur en cassation à l’encontre des bulletins d’imposition relatifs aux années 2002 à 2007, avait été rejeté par le tribunal administratif. Cette décision n’a pas été frappée d’appel. Les bulletins d’imposition pour les années 2008 à 2012 n’ont pas fait l’objet d’un recours.
L’ACD avait dénoncé, fin 2011, au procureur d’Etat de Luxembourg les faits ayant donné lieu aux poursuites pénales toisées par l’arrêt attaqué.
Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné le demandeur en cassation du chef de tentative d’escroquerie fiscale à une peine d’emprisonnement assortie du sursis probatoire et à une amende. Il avait en outre été condamné à payer un certain montant à titre de dommages et intérêts à la partie civile, ACD. La Cour d’appel a réduit la peine d’emprisonnement, l’a assortie du sursis simple et a diminué le montant de l’amende.
Elle a confirmé le jugement pour le surplus.
Sur le troisième moyen de cassation qui est préalable Enoncé du moyen « Violation du principe Non bis in idem - Violation de l’article 4 du 7e Protocole de la Convention Européenne des Droits de l’Homme Tiré de la violation de l’article 4 du Protocole additionnel numéro 7 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui établit 2 même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat.» en ce que l’arrêt attaqué Protocole additionnel à la Convention, (…) » aux motifs que PERSONNE1.) a fait l'objet d'une sanction ayant le caractère d'une punition fiscale tel que définie par la jurisprudence de la Cour EDH dans la mesure où il y a eu un procédé de détermination des bases d'imposition au vu des éléments à disposition de l'administration fiscale et la possibilité de contester la décision ».
La procédure devant le Tribunal n’était donc pas de nature pénale, de sorte que d’après la jurisprudence de la CEDH, il devient superfétatoire d’analyser les autres critères dégagés par l’arrêt Engel et le moyen est partant à rejeter » alors que la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, dégagée notamment dans les arrêts JÓHANNESSON c/ ISLANDE, A et B c/ NORVÈGE, reflète que les majorations fiscales peuvent constituer des au sens de l’article 4 du 7è Protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l’Homme, et que par conséquent, en décidant comme il l’a fait sans rechercher si in concreto la décision administrative de taxer le demandeur en cassation à l’intégralité (100%) de son revenu, ce montant étant majoré de 20%, pouvait constituer une sanction pénale au sens de l’article 4 du 7è Protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l’Homme. ».
Réponse de la Cour Il est fait grief aux juges d’appel d’avoir violé le principe ne bis in idem consacré par l’article 4 du Protocole additionnel n°7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « la Convention ») en ce que le demandeur en cassation aurait été sanctionné deux fois pour les mêmes faits, d’une part, dans le cadre de la procédure administrative, et, d’autre part, dans le cadre de la procédure pénale.
La disposition invoquée consacre le droit fondamental en vertu duquel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif.
Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la majoration de 20 % dont il est allégué qu’elle constitue une surtaxe et partant une sanction pénale 3consiste en une majoration de la base imposable du demandeur en cassation appliquée par l’ACD et confirmée, pour les exercices 2002 à 2007, par le tribunal administratif. Elle constitue un pourcentage additionné aux revenus du demandeur en cassation tels qu’ils avaient été établis pour les exercices 2002 à 2012 sur base des seuls relevés de l’Union des caisses de maladie qui n’incluaient ni les recettes remboursées par des mutuelles ou assurances privées ni celles encaissées auprès de clients qui sont employés et fonctionnaires de l’Union européenne ni celles ne faisant l’objet d’aucun remboursement, tels certains traitements, les prothèses dentaires, les implants, les détartrages.
Cette majoration avait pour but de parvenir à une estimation plus adéquate du revenu imposable du demandeur en cassation et ne constitue pas une sanction pénale.
Il s’ensuit que le moyen, qui se fonde sur une prémisse erronée, manque en fait.
Le demandeur en cassation entend, à titre subsidiaire, voir soumettre à la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « la CJUE ») les questions préjudicielles suivantes :
1. L'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s’interprète-il en ce sens qu’il s'oppose à la législation nationale et à la pratique d'un État membre en vertu de laquelle l’Administration fiscale exerce simultanément les fonctions suivantes:
(1) celle d'une autorité fiscale, (2) celle d'une autorité de recouvrement, (3) celle d'une autorité de poursuite, (4) des fonctions judiciaires ;
(5) la fonction de témoin à charge dans une procédure fiscale pénale, (6) la fonction de partie civile ? 2. Les principes de proportionnalité et d'adéquation des peines énoncés à l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s’interprètent-ils en ce sens qu’ils s'opposent à la législation d'un État membre en vertu de laquelle l'assiette de l'impôt d'un dentiste, qui n'a pas tenu de comptabilité n'est pas son revenu, mais son chiffre d'affaires brut majoré d'une surtaxe de 20 % ? Les articles 47 et 49 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la Charte ») présupposent la mise en œuvre du droit de l’Union européenne.
Les poursuites pénales dirigées contre le demandeur en cassation n’appelaient pas la mise en œuvre du droit de l’Union européenne, de sorte que les dispositions de la Charte sont étrangères au litige.
Il s’ensuit que les questions préjudicielles sont sans objet.
4Le demandeur en cassation entend encore, à titre subsidiaire, voir soumettre à la Cour constitutionnelle les questions préjudicielles suivantes :
1. Si par le fait que les paragraphes 420 et suivants et notamment les paragraphes 421 et 425 de la Abgabenordnung (Loi générale des impôts) dans leur version antérieure à la loi du 23 décembre 2016 confèrent des pouvoirs d’enquête, de poursuite et de sanctions à l’Administration des Contributions, cette dernière est à considérer comme une autorité qualifiée pour la recherche et la poursuite d’infractions en matière pénale fiscale, ceci serait-il contraire au principe constitutionnel de la séparation des autorités administratives et judiciaires, régie notamment par les articles 84 et 85 de la Constitution ? 2. Si par le fait que le juge pénal en tant que juge de l’action est également juge de l’exception en matière pénale fiscale, contrevient-il aux articles 84, 85 ou 95bis de la Constitution lorsqu’il juge les exceptions de nature fiscale ? Il ne ressort pas des développements du moyen en quoi les questions soulevées seraient pertinentes pour la réponse à y donner.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de les poser.
Sur les deux premiers moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le premier, « Absence de caractère intégré des décisions fiscales et pénales - violation de l’article 6 (1) de la CEDH Tiré de la violation de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (ci-après : CEDH), approuvée par la loi du 29 août 1953, qui dispose en son paragraphe 1er que publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (…) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) » en ce que l’arrêt attaqué la Convention européenne des droits de l’homme, (…), de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, (…) » Aux motifs que s’impose dès lors aux juridictions pénales, et notamment à la Cour d’appel.
5Il s’ensuit que la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle n’est pas compétente pour connaitre des questions de nature fiscale invoquées par la défense en relation avec le jugement rendu par le tribunal administratif le 23 octobre 2013, jugement qui n’a pas été entrepris par PERSONNE1.) et qui est donc coulé en force de chose jugée.
Finalement, il n’y a pas lieu de confondre la loi pénale avec la notion autonome de "matière pénale" au sens que lui donne la CEDH pour étendre largement les garanties du procès équitable (article 6 de la Convention) et le principe de la légalité des délits et des peines (article 7 de la Convention). Cette dernière notion s’étend en effet à des infractions et sanctions disciplinaires ou administratives chaque fois que la CEDH, en raison soit de la qualification juridique de l’infraction, soit de la nature même de celle-ci, soit de la nature et du degré de sévérité de la sanction, estime qu’elle revêt un caractère pénal (CEDH, 8 juin 1976, Engel et autres c/ Pays-Bas).
Ainsi, la CEDH a notamment décidé que relevait de la "matière pénale" la sanction administrative de majoration d’impôt (CEDH, A. et B. c/ Norvège) ou encore la sanction prononcée par l’autorité des marchés financiers pour une opération de manipulation du cours d’une action (CEDH, Nodet c/ France).
Ces décisions de la CEDH, invoquées par la défense de PERSONNE1.), n’exigent cependant pas qu’il y ait "intégration des décisions administratives et correctionnelles" pour chaque affaire émanant d’autorités administratives fiscales en marge d’un procès pénal. » alors que les dispositions de l’article 6 (1) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et la jurisprudence de la Cour européenne exigent un caractère intégré de décisions fiscales et pénales ayant conduit soit à une double condamnation soit ayant conduit conjointement à une condamnation pénale d’un prévenu, la décision retenue, dans le cadre du volet fiscal, par le Tribunal administratif en date du 23 octobre 2013 constituant une conditio sine qua non, alors que c’est le montant de la dette fiscale retenue dans le volet fiscal de la procédure qui est censé s’imposer en droit luxembourgeois aux juridictions pénales, tant en ce qui concerne le principe que le quantum de la dette, que cette autorité de la chose jugée de la décision fiscale administrative sur la décision pénale s’étend à l’intégralité de la décision administrative, y compris à sa motivation qu’elle exige qu’il ne saurait y avoir de contradiction entre les deux volets administratif et pénal, que dans ces conditions, et contrairement à l’appréciation de la Cour d’appel, les volets administratif et pénal ont mené ensemble à une décision de condamnation, alors que la Cour d’appel se déclare en même temps incompétente pour toiser des questions fiscales, tout en affirmant que le procès administratif se serait tenu du procès pénal, qu’une telle exigence d’un caractère intégré doit être appréciée in concreto, et ;
6 que par conséquent, en disant pour droit que l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et les décisions visées par le demandeur en cassation n’exigeaient pas un caractère intégré dans le cadre de l’affaire soumise à la Cour d’appel, celle-ci a violé le texte susvisé. » et le deuxième, « Absence de caractère intégré entre les décisions fiscales et pénales - violation de l’article 6 (3) CEDH Tiré de la violation de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, approuvée par la loi du 29 août 1953, qui dispose en son paragraphe 3 que d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix (…) en ce que l’arrêt attaqué la Convention européenne des droits de l’homme, (…), de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne » aux motifs que s’impose dès lors aux juridictions pénales, et notamment à la Cour d’appel.
Il s’ensuit que la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle n’est pas compétente pour connaitre des questions de nature fiscale invoquées par la défense en relation avec le jugement rendu par le tribunal administratif le 23 octobre 2013, jugement qui n’a pas été entrepris par PERSONNE1.) et qui est donc coulé en force de chose jugée.
Finalement, il n’y a pas lieu de confondre la loi pénale avec la notion autonome de "matière pénale" au sens que lui donne la CEDH pour étendre largement les garanties du procès équitable (article 6 de la Convention) et le principe de la légalité des délits et des peines (article 7 de la Convention). Cette dernière notion s’étend en effet à des infractions et sanctions disciplinaires ou administratives chaque fois que la CEDH, en raison soit de la qualification juridique de l’infraction, soit de la nature même de celle-ci, soit de la nature et du degré de sévérité de la sanction, estime qu’elle revêt un caractère pénal (CEDH, 8 juin 1976, Engel et autres c/ Pays-Bas).
7Ainsi, la CEDH a notamment décidé que relevait de la "matière pénale" la sanction administrative de majoration d’impôt (CEDH, A. et B. c/ Norvège) ou encore la sanction prononcée par l’autorité des marchés financiers pour une opération de manipulation du cours d’une action (CEDH, Nodet c/ France).
Ces décisions de la CEDH, invoquées par la défense de PERSONNE1.), n’exigent cependant pas qu’il y ait "intégration des décisions administratives et correctionnelles" pour chaque affaire émanant d’autorités administratives fiscales en marge d’un procès pénal. » alors que les dispositions de l’article 6 (3) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et la jurisprudence de la Cour européenne exigent un caractère intégré de décisions administratives et pénales ayant conduit soit à une double condamnation soit ayant conduit conjointement à une condamnation pénale d’un prévenu, la décision retenue par le Tribunal administratif constituant une conditio sine qua non, fût-ce par le principe que par le quantum décidé de la condamnation au pénal par la détermination ne saurait être qualifié de procès en marge, surtout en ce que la Cour retient le montant de 4.246.034 euros, que l’article 6 (3) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme exige que le principe de l’égalité des armes soit respecté tout au long du procès, qu’une telle exigence d’un caractère intégré doit être appréciée in concreto, et ;
que par conséquent, en disant pour droit que l’article 6 (3) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et les décisions visées par le demandeur en cassation n’exigeaient pas un caractère intégré dans le cadre de l’affaire soumise à la Cour d’appel et en créant une contradiction entre les deux décisions administrative et pénale, celle-ci a violé le texte susvisé, et violer les droit de défense et son droit à la prévisibilité. ».
Réponse de la Cour Pour conclure à la violation de l’article 6, paragraphes 1 et 3, de la Convention, le demandeur invoque une contradiction de motifs entre le jugement du tribunal administratif et l’arrêt attaqué, en ce que le tribunal aurait retenu qu’il n’existait aucune décision de clôture du dossier fiscal du demandeur en cassation et la Cour d’appel aurait admis qu’une telle décision avait été prise. La Cour d’appel aurait ainsi méconnu le mécanisme de l’intégration du jugement du tribunal administratif par le juge pénal, en ce que l’intégration impliquerait l’existence d’une autorité de la chose jugée du jugement du tribunal administratif, y compris quant à ses motifs.
L’exigence de l’intégration de différentes procédures au sens autonome de la Convention ne se pose que dans le cadre de l’application du principe ne bis in idem consacré par l’article 4 du Protocole additionnel n°7 de la Convention.
Il ressort de la réponse donnée au troisième moyen qu’il n’y a pas eu répétition de poursuites ou de peines proscrite par l’article 4 précité.
8 Il s’ensuit que les moyens ne sont pas fondés.
Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation du principe d’impartialité - violation de l’article 6 (1) CEDH Tiré de la violation de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, approuvée par la loi du 29 août 1953, qui dispose en son paragraphe 1er que publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (…) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) » et de son paragraphe 3 qui dispose que d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix (…) en ce que l’arrêt attaqué Convention européenne des droits de l’homme (…) » aux motifs que relatif à l'interdiction de la double condamnation, que le fait que le tribunal administratif a rendu un jugement sur base d'un recours contre une décision de l'administration des contributions directes concernant les obligations déclaratives de PERSONNE1.) et le fait que le tribunal correctionnel a rendu une décision pénale pour des faits de tentative d'escroquerie n'est pas à assimiler à une violation du droit d'être jugé par un juge impartial au sens de l'article 6 de la Convention. », alors que l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme garantit un droit à un juge impartial et par conséquent 9en se limitant à une démarche objective de l’impartialité au lieu de se livrer à une démarche subjective de cette impartialité, la Cour d’appel a violé l’article 6 (1) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, et en se limitant à répondre au reproche d’impartialité sans répondre aux critères liés à la participation de l’Administration des contributions directes (ci-
après : l’ACD) respectivement de son directeur en tant qu’organe juridictionnel () dans les phases administratives et correctionnelles, procédures ayant abouti ensemble à la condamnation du demandeur en cassation, à la violation du principe que Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) par un tribunal indépendant et impartial, la Cour a violé le texte susvisé. ».
Réponse de la Cour Il résulte de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, de la Convention que l’exigence d’impartialité s’applique au tribunal saisi de la poursuite pénale et non à la victime de l’infraction. Le grief, en ce qu’il porte sur la partialité alléguée de l’ACD, n’est dès lors pas pertinent.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Le demandeur en cassation entend, à titre subsidiaire, voir soumettre à la CJUE les questions préjudicielles suivantes :
1. La législation d'un État membre en vertu de laquelle l’Administration des contributions directes délivre en premier lieu une décision anticipée contraignante (« ruling ») en matière d'impôt, exonérant un ressortissant de cet État membre qui est initialement soumis à l’imposition fiscale dans cet État membre, de ses obligations fiscales, à l'occasion du transfert de sa résidence en Suisse, alors que par la suite les autorités de poursuite nient d'abord l'existence de la décision et prétendent ensuite, contrairement aux témoignages des personnes concernées, que la décision a été obtenue par fraude, ce qui a conduit à une condamnation pénale de la personne concernée, étant donné que cette décision ait disparu du dossier fiscal de la personne condamnée, est à interpréter en ce sens qu’une telle décision est contraire au droit à une bonne administration garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE ? 2. L’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’oppose-t-il à la législation et à la pratique d’un Etat membre en vertu de laquelle l’Administration des contributions directes exerce simultanément les fonctions suivantes :
(1) celle d’une autorité fiscale (2) celle d’une autorité de recouvrement (3) celle d’une autorité de poursuite (4) des fonctions judiciaires (5) la fonction de témoin à charge dans une procédure fiscale pénale, (6) la fonction de partie civile ? 10 Les articles 41 et 47 de la Charte présupposent la mise en œuvre du droit de l’Union européenne.
Les poursuites pénales dirigées contre le demandeur en cassation n’appelaient pas la mise en œuvre du droit de l’Union européenne, de sorte que les dispositions de la Charte sont étrangères au litige.
Il s’ensuit que les questions préjudicielles sont sans objet.
Le demandeur en cassation entend encore, à titre subsidiaire, voir soumettre à la Cour constitutionnelle les questions préjudicielles suivantes :
1. Si par le fait que les paragraphes 420 et suivants et notamment les paragraphes 421 et 425 de la Abgabenordnung (Loi générale des impôts) dans leur version antérieure à la loi du 23 décembre 2016 confèrent des pouvoirs d’enquête, de poursuite et de sanctions à l’Administration des Contributions, cette dernière est à considérer comme une autorité qualifiée pour la recherche et la poursuite d’infractions en matière pénale fiscale, ceci serait-il contraire au principe constitutionnel de la séparation des autorités administratives et judiciaires, régie notamment par les articles 84 et 85 de la Constitution ? 2. Si par le fait que le juge pénal en tant que juge de l’action est également juge de l’exception en matière pénale fiscale, contrevient-il aux articles 84, 85 ou 95bis de la Constitution lorsqu’il juge les exceptions de nature fiscale ? Il ne ressort pas des développements du moyen en quoi les questions soulevées seraient pertinentes pour la réponse à y donner.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de poser les questions préjudicielles.
Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Absence d’unicité du juge - violation de l’article 6 (1) CEDH Tiré de la violation de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, approuvée par la loi du 29 août 1953, qui dispose en son paragraphe 1er que publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (…) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) » et de son paragraphe 3 qui dispose que 11 d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix (…) en ce que l’arrêt attaqué Convention européenne des droits de l’homme (…) » La Cour s’est abstenue de répondre aux critères développés par le demandeur en cassation relatifs au défaut de procès équitable liés à l’absence d’unicité de juge énoncés à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, et que par conséquent, en se limitant à répondre au reproche d’impartialité sans répondre au moyen de l’absence d’unicité du Tribunal ayant conduit à la condamnation du demandeur en cassation la Cour a violé l’article 6 (1) de la Convention des Droits de l’Homme.
La Cour d’appel a ainsi encore violé l’article 6 (1) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme en limitant encore le moyen lié à l’équité du procès du demandeur en cassation au seul point lié à l’impartialité du Tribunal au lieu de répondre aux critiques du demandeur liées à l’absence du procès équitable liées à l’absence d’unicité du Tribunal, notamment aux contradictions entre l’appréciation et la qualification des faits identiques par plusieurs Tribunaux dont certains manquant d’indépendance et d’impartialité. ».
Réponse de la Cour Le défaut de réponse à conclusions constitue une forme du défaut de motifs, qui est un vice de forme.
Une décision judiciaire est régulière en la forme, dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.
En constatant le caractère erroné de la prémisse sur laquelle reposait le moyen d’appel tiré du droit d’être jugé par un juge unique statuant tant sur la fixation de la dette fiscale que sur la poursuite pénale pour tentative d’escroquerie fiscale, et en concluant que « [l]a procédure devant le tribunal administratif n’était […] pas de nature pénale », les juges d’appel ont nécessairement répondu au moyen relatif à l’unicité du juge.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
12Le demandeur en cassation entend, à titre subsidiaire, voir soumettre à la CJUE la question préjudicielle suivante :
L’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’oppose-t-il à la législation et à la pratique d’un Etat membre en vertu de laquelle l’Administration des contributions directes exerce simultanément les fonctions suivantes :
(1) celle d’une autorité fiscale (2) celle d’une autorité de recouvrement (3) celle d’une autorité de poursuite (4) des fonctions judiciaires (5) la fonction de témoin à charge dans une procédure fiscale pénale, (6) la fonction de partie civile ? L’article 47 de la Charte présuppose la mise en œuvre du droit de l’Union européenne.
Les poursuites pénales dirigées contre le demandeur en cassation n’appelaient pas la mise en œuvre du droit de l’Union européenne de sorte que les dispositions de la Charte sont étrangères au litige.
Il s’ensuit que la question préjudicielle est sans objet.
Le demandeur en cassation entend encore, à titre subsidiaire, voir soumettre à la Cour constitutionnelle les questions préjudicielles suivantes :
1. Si par le fait que les paragraphes 420 et suivants et notamment les paragraphes 421 et 425 de la Abgabenordnung (Loi générale des impôts) dans leur version antérieure à la loi du 23 décembre 2016 confèrent des pouvoirs d’enquête, de poursuite et de sanctions à l’Administration des Contributions, cette dernière est à considérer comme une autorité qualifiée pour la recherche et la poursuite d’infractions en matière pénale fiscale, ceci serait-il contraire au principe constitutionnel de la séparation des autorités administratives et judiciaires, régie notamment par les articles 84 et 85 de la Constitution ? 2. Si par le fait que le juge pénal en tant que juge de l’action est également juge de l’exception en matière pénale fiscale, contrevient-il aux articles 84, 85 ou 95bis de la Constitution lorsqu’il juge les exceptions de nature fiscale? Il ne ressort pas des développements du moyen en quoi les questions soulevées seraient pertinentes pour la réponse à donner au moyen.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de les poser.
13 Sur les sixième et dixième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le sixième, « Les notes PERSONNE2.) - violation des droits de la défense et égalité des armes - violation de l’article 6 (1) et (3) CEDH Tiré de la violation de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, approuvée par la loi du 29 août 1953, qui dispose en son paragraphe 1er que publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (…) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) » et de son paragraphe 3 qui dispose que d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix (…) en ce que l’arrêt attaqué Convention européenne des droits de l’homme (…) » aux motifs que n'aient pas été communiquées à PERSONNE1.) n'est pas de nature à entraver les droits de la défense dans la mesure où ces notes n'ont à aucun moment fait partie intégrante du dossier pénal et que celles-ci n'ont pas pu fonder la décision de culpabilité de ce dernier quant aux infractions en litige.
PERSONNE1.) n'a donc pas été placé dans une situation de net désavantage par rapport au ministère public du fait que les notes manuscrites de PERSONNE2.) ne sont pas versées au dossier et il n'y a pas eu violation irréparable des droits de la défense qui aurait entraîné l'irrecevabilité des poursuites.
Le moyen tiré d'une violation de l'égalité des armes et du droit à une procédure contradictoire n'est donc pas fondé » et que dès lors, la Cour n’a pas fait droit aux critiques justifiées en ce que 14° il ne suffit pas qu’un document n’ait pas été produit à charge pour qu’il n’y ait pas violation des droits de la défense et d’égalité des armes.
L’impossibilité de pouvoir produire, par la faute de la supposée victime qui est également partie poursuivante au sens de la loi, un document indispensable pour le demandeur en cassation pour prouver son innocence, est également gravement lésionnaire des droits de la défense et de l’égalité des armes au sens de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, et que partant la Cour a violé l’article 6 CEDH.
En retenant l’absence de certains éléments qui sont jugés par le demandeur en cassation comme étant des éléments indispensables à l’exercice des droits de la défense n’étaient pas constitutifs d’une violation des droits de la défense au motif que ces éléments n’avaient pas été retenus à charge, sans analyser ni si ces éléments n’avaient pas pu être retenus à décharge, ni si la défense avait eu un accès suffisant à tous les éléments du dossier, la Cour d’appel a violé l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
L’arrêt attaqué encourt la cassation de ce chef. » et le dixième, « La violation des droits de la défense - violation de l’article 6 (1) et (3) CEDH Tiré de la violation de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, approuvée par la loi du 29 août 1953, qui dispose en son paragraphe 1er que publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (…) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) » et de son paragraphe 3 qui dispose que d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix (…) en ce que l’arrêt attaqué Convention des droits de l’homme (…) » aux motifs que 15 dessus que le décès du préposé PERSONNE2.) et la disparition de ses notes manuscrites du dossier répressif n'ont pas d'incidence sur l'administration de la preuve des faits et le respect des droits de la défense » et que dès lors, la Cour d’appel a fait une application erronée des règles relatives au procès équitable et d’égalité des armes en ce qui concerne l’administration de la preuve, alors que l’Administration des contributions directes (ci-après : l’ACD) s’est abstenue de transmettre des éléments essentiels et primordiaux du dossier fiscal au Tribunal répressif, qui aurait pu être utilisés à la décharge du demandeur en cassation, que le demandeur en cassation n’a pu faire valoir ses droits que quatre ans après la décision du Tribunal administratif, en raison de l’absence d’information par l’ACD que le demandeur faisait malgré les négociations engagées entre le demandeur et l’ACD, toujours l’objet de poursuites pénales, que le laps de temps s’étant écoulé entre les faits reprochés et la mise en cause du demandeur en cassation ont empêché la comparution du principal témoin, le préposé PERSONNE2.), que le défaut pour l’ACD de verser l’entièreté des pièces du dossier, tant dans le volet fiscal-administratif que pénal, et le fait pour l’ACD de perdre des pièces, font que le demandeur en cassation n’a jamais eu accès à des pièces essentielles à l’exercice des droits de la défense, que l’ACD, était le seul dépositaire de ces pièces par lesquelles la défense aurait pu démontrer son innocence et qui auraient été essentielles à la manifestation de la vérité, que l’ACD - prétendue victime et acteur déterminant - est seule responsable de la perte volontaire ou involontaire de ces documents indispensables à l’exercice des droits de la défense, que ces documents, et surtout les notes PERSONNE2.) concernant sa prise de décision, sont très importants pour l’exercice des droits de la défense, surtout eu égard au caractère contradictoire des décisions administratives et pénales sur l’existence ou l’inexistence de cette prise de décision de l’ACD, représentée par le préposé PERSONNE2.), au sujet du statut de résident fiscal du demandeur en cassation, que n’ayant jamais eu accès au dossier fiscal et pénal dans son entièreté, alors qu’il avait été retenu et ensuite perdu par l’ACD, le demandeur en cassation n’a pas eu les facilités requises par l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, et en particulier son article 6 (3), nécessaires à la préparation de sa défense, 16qu’en décidant qu’il était suffi aux exigences de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme pour la raison que cette partie n’aurait pas été retenue à charge, la Cour d’appel a violé l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. ».
Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de l’avoir privé de la possibilité d’entendre comme témoin le préposé du bureau d’imposition ainsi que de se prévaloir des notes manuscrites de celui-ci, qui ne figuraient pas au dossier pénal.
Le principe d’égalité des armes a pour objet d’assurer que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire.
Il implique, dans le cadre du procès pénal, que la partie poursuivie ne soit pas placée dans une situation défavorable par rapport au Ministère public.
En retenant « (…), il faut constater que si PERSONNE2.) n’a pas pu être interrogé sur ce qui a été discuté et arrêté lors de cette réunion, celui-ci étant décédé au début de l’année 2007, il n’en reste pas moins que deux autres personnes qui ont été personnellement présentes lors de cette réunion ont pu être entendues. En effet, le témoin PERSONNE3.), fonctionnaire de l’administration fiscale, a été entendu et a détaillé le contenu de la réunion du 8 juillet 2003. De même, PERSONNE4.), le comptable de PERSONNE1.) à l’époque des faits, a été entendu sur le contenu de la réunion et ce dernier a établi un compte-rendu manuscrit de la réunion en question.
La circonstance que les notes manuscrites de PERSONNE2.) disparues n’aient pas été communiquées à PERSONNE1.) n’est pas de nature à entraver les droits de la défense dans la mesure où ces notes n’ont à aucun moment fait partie intégrante du dossier pénal et que celles-ci n’ont pas pu fonder la décision de culpabilité de ce dernier quant aux infractions en litige.
PERSONNE1.) n’a donc pas été placé dans une situation de net désavantage par rapport au ministère public du fait que les notes manuscrites de PERSONNE2.) ne sont pas versées au dossier et il n’y a pas eu violation irréparable des droits de la défense qui aurait entraîné l’irrecevabilité des poursuites.
Le moyen tiré d’une violation de l’égalité des armes et du droit à une procédure contradictoire n’est donc pas fondé. », les juges d’appel n’ont pas violé les dispositions visées aux moyens.
Il s’ensuit que les moyens ne sont pas fondés.
17Sur le septième moyen de cassation Enoncé du moyen « Les six casquettes exercées par l’ACD - violation de l’article 6 (1) et (3) CEDH Tiré de la violation de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, approuvée par la loi du 29 août 1953, qui dispose en son paragraphe 1er que publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (…) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) » et de son paragraphe 3 qui dispose que d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix (…) en ce que l’arrêt attaqué Convention européenne des droits de l’homme (…) » aux motifs que six "casquettes" de l'administration des contributions directes, situation qui violerait le principe de l'indépendance, de l'impartialité et de la neutralité, celle-ci n'est pas fondée » alors que l’argumentation du demandeur consistait à dire que l’exercice par l’Administration des contributions directes (ci-après : l’ACD) s’exerce simultanément dans l’affaire soumise à la Cour les fonctions suivantes :
(1) celle d'une autorité fiscale, (2) celle d'une autorité de recouvrement, (3) celle d'une autorité de poursuite, (4) des fonctions judiciaires, (5) la fonction de témoin à charge dans une procédure fiscale pénale, (6) la fonction de partie civile 18et que l’exercice de ses différentes casquettes dans le cadre de l’affaire ayant porté à la condamnation du demandeur en cassation est contraire à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, et que cette multiplicité de fonctions a conduit in concreto à une violation de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et que l’exercice de ces différentes fonctions a conduit in concreto par la manière de l’ACD et de l’appréciation des preuves et par l’exercice conjoint et successif d’attributions relevant tantôt de l’ordre exécutif, tantôt de l’ordre judiciaire et de l’autorité des poursuites, ou encore de justice pénale et administrative. L’existence et l’exercice de ces pouvoirs et la manière dont ils ont été exercés par l’ACD dans ses différentes composantes (préposé du Bureau d’imposition X, Directeur, préposé du Bureau de recettes …) se sont caractérisés par leur lenteur leur revirement brutal et leur caractère inéquitable, ainsi que par leur manque d’impartialité, tant dans le volet administratif que pénal de la procédure ayant in fine conduit à la condamnation du demandeur en cassation.
En décidant que l’impartialité reprochée à l’ACD ne saurait être examinée par la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle, au motif notamment que l’ACD n’aurait pas joué le rôle de juge ou de tribunal dans l’affaire correctionnelle en litige, la Cour d’appel a violé l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, qu’en refusant de sanctionner le rôle et les attributions et le comportement inéquitable qu’a eu l’ACD dans la procédure fiscale et pénale dans son ensemble, et en ratifiant ainsi explicitement sinon implicitement le comportement impartial et inéquitable de l’ACD par la reprise pure et simple des actes, considérations et dires de l’ACD, l’arrêt de la Cour d’appel s’en trouve vicié, qu’il en résulte que de ce seul chef, la Cour d’appel a violé l’article 6 (1) et (3) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. ».
Réponse de la Cour Il ressort du dossier pénal que l’ACD, a, en tant qu’autorité fiscale, dénoncé au procureur d’Etat de Luxembourg les faits à la base de la poursuite pénale. Elle a saisi ultérieurement le juge d’instruction d’une plainte avec constitution de partie civile pour fraude et escroquerie fiscales. Elle a, en sa qualité de partie civile, réclamé des dommages et intérêts. Seuls les agents de l’ACD, à l’exclusion de son représentant légal, ont été entendus comme témoins.
Elle n’a partant participé ni aux poursuites pénales ni à la décision rendue au pénal.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
19Le demandeur en cassation entend, à titre subsidiaire, voir soumettre à la CJUE la question préjudicielle suivante :
L’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’oppose-t-il à la législation et à la pratique d’un Etat membre en vertu de laquelle l’Administration des contributions directes exerce simultanément les fonctions suivantes :
(1) celle d’une autorité fiscale (2) celle d’une autorité de recouvrement (3) celle d’une autorité de poursuite (4) des fonctions judiciaires (5) la fonction de témoin à charge dans une procédure fiscale pénale, (6) la fonction de partie civile ? L’article 47 de la Charte présuppose la mise en œuvre du droit de l’Union européenne.
Les poursuites pénales dirigées contre le demandeur en cassation n’appelaient pas la mise en œuvre du droit de l’Union européenne, de sorte que les dispositions de la Charte sont étrangères au litige.
Il s’ensuit que la question préjudicielle est sans objet.
Le demandeur en cassation entend encore, à titre subsidiaire, voir soumettre à la Cour constitutionnelle les questions préjudicielles suivantes :
1. Si par le fait que les paragraphes 420 et suivants et notamment les paragraphes 421 et 425 de la Abgabenordnung (Loi générale des impôts) dans leur version antérieure à la loi du 23 décembre 2016 confèrent des pouvoirs d’enquête, de poursuite et de sanctions à l’Administration des Contributions, cette dernière est à considérer comme une autorité qualifiée pour la recherche et la poursuite d’infractions en matière pénale fiscale, ceci serait-il contraire au principe constitutionnel de la séparation des autorités administratives et judiciaires, régie notamment par les articles 84 et 85 de la Constitution ? 2. Si par le fait que le juge pénal en tant que juge de l’action est également juge de l’exception en matière pénale fiscale, contrevient-il aux articles 84, 85 ou 95bis de la Constitution lorsqu’il juge les exceptions de nature fiscale? Il ne ressort pas des développements du moyen en quoi les questions soulevées seraient pertinentes pour la réponse à y donner.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de les poser.
20Sur les huitième, neuvième et quatorzième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le huitième, « Les six casquettes exercées par l’ACD – violation de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne consacrant le droit à un recours équitable Tiré de la violation de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne qui dispose que ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.
Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice ».
en ce que l’arrêt attaqué dit non fondés les moyens tirés de la violation (…) des articles de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (…) » en ce que la Cour dit Charte n'est pas donnée en l'espèce ».
alors que l’argumentation du demandeur consistait à dire que l’exercice par l’Administration des contributions directes (ci-après : l’ACD) s’exerce simultanément dans l’affaire soumise à la Cour les fonctions suivantes :
(1) celle d'une autorité fiscale, (2) celle d'une autorité de recouvrement, (3) celle d'une autorité de poursuite, (4) des fonctions judiciaires, (5) la fonction de témoin à charge dans une procédure fiscale pénale, (6) la fonction de partie civile et que l’exercice de ses différentes casquettes dans le cadre de l’affaire ayant porté à la condamnation du demandeur en cassation est contraire à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après : la Charte), et que cette multiplicité de fonctions a conduit in concreto à une violation de l’article 47 de la Charte.
21 et que l’exercice de ces différentes fonctions a conduit in concreto par la manière de l’ACD et de l’appréciation des preuves et par l’exercice conjoint et successif d’attributions relevant tantôt de l’ordre exécutif, tantôt de l’ordre judiciaire et de l’autorité des poursuites, ou encore de justice pénale et administrative. L’existence et l’exercice de ces pouvoirs et la manière dont ils ont été exercés par l’ACD dans ses différentes composantes (préposé du Bureau d’imposition X, Directeur, préposé du Bureau de recettes …) se sont caractérisés par leur lenteur leur revirement brutal et leur caractère inéquitable, ainsi que par leur manque d’impartialité, tant dans le volet administratif que pénal de la procédure ayant in fine conduit à la condamnation du demandeur en cassation.
En décidant que l’impartialité reprochée à l’ACD ne saurait être examinée par la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle, au motif notamment que l’ACD n’aurait pas joué le rôle de juge ou de tribunal dans l’affaire correctionnelle en litige, la Cour d’appel a violé l’article 47 de la Charte, qu’en refusant de sanctionner le rôle et les attributions et le comportement inéquitable qu’a eu l’ACD dans la procédure fiscale et pénale dans son ensemble, et en ratifiant ainsi explicitement sinon implicitement le comportement impartial et inéquitable de l’ACD par la reprise pure et simple des actes, considérations et dires de l’ACD, l’arrêt de la Cour d’appel s’en trouve vicié, qu’il en résulte que de ce seul chef, la Cour d’appel a violé l’article 47 de la Charte. », le neuvième, « La violation de l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne par le comportement de l’ACD dans les volets administratif et pénal Tiré de l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne (ci-après : la Charte) qui dispose que 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union.
2. Ce droit comporte notamment :
- le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ;
- le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires ;
- l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions.
3. Toute personne a droit à la réparation par la Communauté des dommages causés par les institutions, ou par leurs agents dans l’exercice de leurs fonctions, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres.
4. Toute personne peut s’adresser aux institutions de l’Union dans une des langues des traités et doit recevoir une réponse dans la même langue.
22en ce que l’arrêt attaqué Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (…) » aux motifs que ne reprochent pas au tribunal correctionnel une impartialité. Quant à l'impartialité reprochée à l'administration des contributions directes, ce reproche ne saurait être examiné par la Cour d'appel siégeant en matière correctionnelle. En effet, et tel que relevé par le représentant du ministère public, l'Administration des contributions directes n'a pas joué le rôle de juge ou de tribunal dans l'affaire correctionnelle en litige ».
alors que l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne s’étend à toute administration des Etats membres et que le comportement de l’Administration des contributions directes (ci-après : l’ACD) dans le cadre de la présente affaire n’échappe pas aux dispositions de l’article 41 de la Charte, et que le comportement de l’ACD et de ses fonctionnaires dans le cadre de la présente affaire viole gravement l’article 41 de la Charte, notamment quant au devoir de neutralité, de loyauté et l’impartialité lui appartenant, que partant en ne retenant pas que ce comportement de l’ACD est contraire à l’article 41 de la Charte et ne sanctionnant pas le défaut de neutralité, de loyauté et d’impartialité de l’ACD, la Cour a violé l’article 41 de la Charte des droit fondamentaux de l’Union européenne. » et le quatorzième, « Violation de la liberté d’entreprise - article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne Tiré de la violation de l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne qui énonce que aux législations et pratiques nationales » en ce que l’arrêt attaqué Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (…) » aux motifs que 23 constitué diverses sociétés, c'est-à-dire qu'il a mis en place des structures juridiques afin de changer la possession de son patrimoine » et qu’en décidant ainsi et en présumant que des sociétés ou des structures auraient été mises en place dans le seul but de changer la possession de son patrimoine sans rechercher si la constitution de sociétés pouvait avoir d’autres buts, comme par exemple celui de pouvoir entreprendre de nouvelles activités économiques et de nouvelles entreprises, la Cour d’appel a violé le texte susvisé. » Réponse de la Cour Les moyens sont tirés de la violation des articles 16, 41 et 47 de la Charte.
Il ne résulte pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la procédure pénale ait conduit à la mise en œuvre du droit de l’Union européenne.
La Charte n’est partant pas applicable.
Par ce motif de pur droit, substitué à ceux, erronés, de la Cour d’appel et rendant les moyens de cassation sans objet, la décision déférée se trouve légalement justifiée.
Le demandeur en cassation entend, à titre subsidiaire, voir soumettre à la CJUE les questions préjudicielles suivantes :
1. dans le cadre du huitième moyen L’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’oppose-t-il à la législation et à la pratique d’un Etat membre en vertu de laquelle l’Administration des contributions directes exerce simultanément les fonctions suivantes :
(1) celle d’une autorité fiscale (2) celle d’une autorité de recouvrement (3) celle d’une autorité de poursuite (4) des fonctions judiciaires (5) la fonction de témoin à charge dans une procédure fiscale pénale, (6) la fonction de partie civile ? 2. dans le cadre du neuvième moyen La législation d'un État membre en vertu de laquelle l’Administration des contributions directes délivre en premier lieu une décision anticipée contraignante (« ruling ») en matière d'impôt, exonérant un ressortissant de cet État membre qui est initialement soumis à l’imposition fiscale dans cet État membre, de ses obligations fiscales, à l'occasion du transfert de sa résidence en Suisse, alors que par la suite les autorités de poursuite nient d'abord l'existence de la décision et prétendent ensuite, contrairement aux témoignages des personnes concernées, que 24la décision a été obtenue par fraude, ce qui a conduit à une condamnation pénale de la personne concernée, étant donné que cette décision ait disparu du dossier fiscal de la personne condamnée, est à interpréter en ce sens qu’une telle décision est contraire au droit à une bonne administration garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE ? 3. dans le cadre du quatorzième moyen La législation d'un État membre en vertu de laquelle l’Administration des contributions directes délivre en premier lieu une décision anticipée contraignante (« ruling ») en matière d'impôt, exonérant un ressortissant de cet État membre qui est initialement soumis à l’imposition fiscale dans cet État membre, de ses obligations fiscales, à l'occasion du transfert de sa résidence en Suisse, alors que par la suite les autorités de poursuite nient d'abord l'existence de la décision et prétendent ensuite, contrairement aux témoignages des personnes concernées, que la décision a été obtenue par fraude, ce qui a conduit à une condamnation pénale de la personne concernée, étant donné que cette décision ait disparu du dossier fiscal de la personne condamnée, est à interpréter en ce sens qu’une telle décision est contraire aux dispositions suivantes du droit de l’Union européenne :
a.
Les dispositions de l'accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999.
b.
Les règles pertinentes du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) sur la libre circulation des capitaux et/ou l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui protège la liberté d'entreprise.
Au vu de la réponse donnée aux moyens, il n’y a pas lieu de poser les questions préjudicielles.
Le demandeur en cassation entend encore, à titre subsidiaire, dans le cadre du huitième moyen, voir soumettre à la Cour constitutionnelle les questions préjudicielles suivantes :
1. Si par le fait que les paragraphes 420 et suivants et notamment les paragraphes 421 et 425 de la Abgabenordnung (Loi générale des impôts) dans leur version antérieure à la loi du 23 décembre 2016 confèrent des pouvoirs d’enquête, de poursuite et de sanctions à l’Administration des Contributions, cette dernière est à considérer comme une autorité qualifiée pour la recherche et la poursuite d’infractions en matière pénale fiscale, ceci serait-il contraire au principe constitutionnel de la séparation des autorités administratives et judiciaires, régie notamment par les articles 84 et 85 de la Constitution ? 2. Si par le fait que le juge pénal en tant que juge de l’action est également juge de l’exception en matière pénale fiscale, contrevient-il aux articles 84, 85 ou 95bis de la Constitution lorsqu’il juge les exceptions de nature fiscale ? 25Au vu de la réponse donnée au moyen, il n’y a pas lieu de poser les questions préjudicielles.
Sur le onzième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation des droits de la défense - laps de temps écoulé entre les faits reprochés et la décision de la Cour d’appel (violation de l’article 6 (1) et (3) CEDH) Tiré de la violation de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, approuvée par la loi du 29 août 1953, qui dispose en son paragraphe 1er que publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (…) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) » et de son paragraphe 3 qui dispose que d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix (…) en ce que l’arrêt attaqué Convention des droits de l’homme (…) » aux motifs que concernée que lors d'un interrogatoire n'est pas à assimiler à une violation des droits de la défense au sens de l'article 6.3 de la Convention qui reconnaît à toute personne le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.
Il y a lieu d'en conclure qu'une violation de l'article 6.3 de la Convention n'est pas donnée en l'espèce » alors que le délai qui s’est écoulé entre les faits reprochés au demandeur en cassation, à savoir qu’une décision de radiation du 8 juillet 2003 avait été prise en sa faveur et que cette décision avait été obtenue suite à des manœuvres frauduleuses de la part du demandeur en cassation et l’interrogatoire du 22 mars 2017 au cours 26duquel il a été informé des faits qui lui sont reprochés, constituent in concreto un laps de temps trop important pour accorder au demandeur en cassation les facilités nécessaires à la préparation de sa défense au sens de l’article 6 (3) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, et pour lui garantir un procès équitable au sens de l’article 6 (1) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Et par conséquent refuser d’analyser l’incidence de la déperdition de preuves à décharge du 8 juillet 2003, date des faits, jusqu’au 22 mars 2017, date du premier interrogatoire du demandeur en cassation, et de l’impossibilité de pouvoir interroger le témoin PERSONNE2.) et de discuter le contenu des notes de celui-ci, conduit à une violation de l’article 6 CEDH par la Cour d’appel dans son arrêt visé par le présent recours.
Cet arrêt encourt la cassation de ce chef. ».
Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé ses droits de la défense en refusant d’analyser l’incidence du laps de temps qui s’était écoulé entre le 8 juillet 2003, date de la réunion litigieuse, et le 22 mars 2017, date de la première audition, sur l’impossibilité d’interroger le préposé, entretemps décédé, et de se prévaloir des notes manuscrites de celui-ci résumant le contenu de ladite réunion.
Il ressort de la réponse donnée aux sixième et dixième moyens de cassation que les circonstances de fait relevées au moyen n’ont pas empêché la reconstitution de la réunion litigieuse.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le douzième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation de l’article 6 (1) et (3) CEDH – violation de principe du délai raisonnable Tiré de la violation de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, approuvée par la loi du 29 août 1953, qui dispose en son paragraphe 1er que publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (…) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) » et de son paragraphe 3 qui dispose que 27 d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix (…) en ce que l’arrêt attaqué Convention européenne des Droits de l’Homme (…) » ;
aux motifs que C’est dès lors à bon droit que le tribunal n’a pas retenu comme point de départ la date du 21 octobre 2011, respectivement celle du 7 décembre, dates où l’Administration des contributions directes a commencé sa procédure de recouvrement, mais a considéré que le point de départ du délai raisonnable est la date à laquelle l’accusation pénale est formulée, soit la date du 22 mars, lorsque le demandeur en cassation a fait l’objet d’une audition policière suivant rapport numéro JDA 51588/11 du 22 mars 2017 de l’unité SPJ-BABF. » Et l’espèce de dépassement du délai raisonnable au sens de l’article 6. 1 de la Convention. ».
Alors que par l’envoi de six lettres du 21 octobre 2011 demandant au requérant à voir déposer des déclarations fiscales remplies des années 2002 à 2007 suivi de l’envoi de six taxations d’office trois jours ouvrables plus tard (26.10.2010), l’Administration des contributions a nécessairement fait comprendre au requérant qu’elle n’entendait pas, respectivement plus, accepter la radiation des registres fiscales du requérant, et lui signifiait ainsi qu’il était dans l’illégalité en ne déposant pas de déclarations fiscales pour les années 2002 à 2007.
Et que vue les attributions de poursuite de l’Administration des contributions directes (ci-après : l’ACD) en vertu des §§ 421 et suivants AO, le demandeur en cassation devait nécessairement s’attendre à une poursuite pénale, ce que, allait effectivement déclencher l’ACD presqu’aussitôt par la transmission du dossier fiscal au Ministère public en date du 7 décembre 2011.
Si la Cour d’appel avait retenu cette date comme point de départ, elle aurait nécessairement conclu au dépassement du délai raisonnable au vu de l’absence de tout progrès dans l’affaire pénale entre les années 2011 et 2017, Et que dès lors en ne retenant pas comme point de départ la date du 21 octobre 2011, respectivement celle du 7 décembre 2011, dates où l’Administration des contributions directes a commencé ses procédures, la Cour d’appel a violé le 28principe du délai raisonnable tel qu’il découle de l’article 6 §1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (Délai Raisonnable. ».
Réponse de la Cour En matière pénale, le point de départ à prendre en considération pour l’appréciation du délai raisonnable est celui à partir duquel le justiciable prend connaissance de l’accusation ou à partir duquel sa situation est substantiellement affectée par des mesures prises dans le cadre de la procédure pénale.
Il ressort des éléments du dossier que le demandeur en cassation a été entendu la première fois le 22 mars 2017 par la police judiciaire et qu’il a été interrogé et inculpé le 4 juillet 2017 par le juge d’instruction, ce sans que sa situation ait été affectée par des mesures prises antérieurement dans le cadre de l’enquête.
Le grief tiré de ce que les juges d’appel auraient dû retenir comme point de départ du délai raisonnable la date du 21 octobre 2011, sinon celle du 7 décembre 2011, telles que spécifiées au moyen, est à écarter.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le treizième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation du principe de présomption d’innocence - article 6 (1) et (3) CEDH Tiré de la violation de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, approuvée par la loi du 29 août 1953, qui dispose en son paragraphe 2 que ce que sa culpabilité ait été légalement établie ».
en ce que l’arrêt attaqué Convention des droits de l’homme (…) » aux motifs que l'existence d'un "ruling" qui lui aurait été accordé par l'Administration des contributions directes, ou encore l'argumentation basée sur le principe de "l'estoppel", celles-ci ne sont pas pertinentes. En effet, au vu des éléments ci-avant exposés, il est établi que ce dernier a volontairement trompé l'Administration des contributions directes de sorte que la décision relative à la clôture du dossier fiscal 29de PERSONNE1.) a été viciée et qu'il ne saurait être question de bonne foi dans le chef de ce dernier », et que (…) 8 juillet 2003 selon lesquels il n'aurait plus de résidence au Luxembourg, qu'il aurait transféré son domicile ainsi que sa résidence fiscale vers la Suisse et qu'il aurait l'intention de réduire sa présence au Luxembourg, renseignements qui ont été confirmés par écrit dans le courrier du 22 juillet 2003 et qui font sous-entendre une cessation imminente de ses activités professionnelles au Luxembourg, sont appuyés sur un compte-rendu de nature à imprimer à ses dires l'apparence de vérité et à surprendre la confiance de l'Administration des contributions directes pour qu'elle clôture son dossier fiscal ».
alors que le jugement du Tribunal administratif avait retenu que gouvernement que le courrier daté du 22 juillet 2003 n'émane pas de l'administration des Contributions directes, mais de la fiduciaire assistant le contribuable, de sorte à ne pas être de nature à établir un quelconque accord de l'administration avec son contenu » et que dès lors, la Cour d’appel, tout en contredisant le Tribunal administratif sur l’absence d’une clôture du dossier fiscal du demandeur en cassation et en retenant qu’une clôture du dossier fiscal avait eu lieu, retient le montant fixé par le Tribunal administratif sur base de cette absence de clôture.
Un tel raisonnement est nécessairement constitutif d’une violation de la présomption d’innocence, alors que la Cour en prenant en compte les montants retenus par le Tribunal administratif sur base d’un dossier non-clôturé ne permet plus au requérant de prouver que suite à la clôture de son dossier il était dispensé du paiement de tout impôt, La Cour d’appel a ainsi violé le principe de la présomption d’innocence garantit par l’article 6 §2, alors qu’elle se base sur les montants retenus par le Tribunal administratif qui sont définitifs et immuables, tout en créant une contradiction entre les deux décisions, administrative et correctionnelle, en retenant qu’il y avait bien eu clôture du dossier fiscal. ».
Réponse de la Cour Pour conclure à la violation de l’article 6, paragraphes 1 et 3, de la Convention, le demandeur invoque une contradiction de motifs entre le jugement du tribunal administratif et l’arrêt attaqué, en ce que le tribunal aurait retenu qu’il n’existait aucune décision de clôture du dossier fiscal du demandeur en cassation et la Cour d’appel aurait admis qu’une telle décision avait été prise.
30 Il ressort du dossier pénal que le tribunal administratif a écarté, faute d’éléments de preuve suffisants, l’allégation du demandeur en cassation suivant laquelle une décision de clôture du dossier fiscal avait été prise.
Il ressort du même dossier que la Cour d’appel a, sur base des éléments de preuve réunis dans le cadre de la procédure pénale, retenu qu’une telle décision avait été prise, mais qu’elle était viciée dès le début par les manœuvres du demandeur en cassation.
La motivation de l’arrêt d’appel n’est partant pas en contradiction avec celle du jugement du tribunal administratif, de sorte que le moyen n’est pas fondé.
Sur le quinzième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation du principe d’estoppel - violation des articles 89 de la Constitution, 195 et 211 du Code de procédure pénale et de l’article 6 de la Convention des Droits de l’Homme Tiré de la violation de l’obligation de motivation des jugements découlant des articles 89 de la Constitution et des articles 195 et 211 du Code de procédure pénale, ainsi que du principe de loyauté découlant de l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme.
L’article 89 de la Constitution se lit comme suit :
Et l’article 195 du code de procédure pénale se lit comme suit :
circonstances constitutives de l'infraction et citera les articles de la loi dont il est fait application sans en reproduire les termes.
Dans le dispositif de tout jugement de condamnation seront énoncés les faits dont les personnes citées seront jugées coupables ou responsables, la peine et les condamnations civiles. » L’article 211 du code de procédure se lit comme suit :
la nature des preuves, la forme, l'authenticité et la signature du jugement définitif de première instance, la condamnation aux frais, ainsi que les peines que ces articles prononcent seront communes aux jugements rendus sur l'appel. » L’article 6 de la Convention des droits de l’homme se lit comme suit :
31 publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (…) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…) » et son paragraphe 3 qui dispose que d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix (…) aux motifs que l'existence d'un "ruling" qui lui aurait été accordé par l'Administration des contributions directes, ou encore l'argumentation basée sur le principe de "l'estoppel", celles-ci ne sont pas pertinentes. En effet, au vu des éléments ci-avant exposés, il est établi que ce dernier a volontairement trompé l'Administration des contributions directes de sorte que la décision relative à la clôture du dossier fiscal de PERSONNE1.) a été viciée et qu'il ne saurait être question de bonne foi dans le chef de ce dernier », et que (…) 8 juillet 2003 selon lesquels il n'aurait plus de résidence au Luxembourg, qu'il aurait transféré son domicile ainsi que sa résidence fiscale vers la Suisse et qu'il aurait l'intention de réduire sa présence au Luxembourg, renseignements qui ont été confirmés par écrit dans le courrier du 22 juillet 2003 et qui font sous-entendre une cessation imminente de ses activités professionnelles au Luxembourg, sont appuyés sur un compte-rendu de nature à imprimer à ses dires l'apparence de vérité et à surprendre la confiance de l'Administration des contributions directes pour qu'elle clôture son dossier fiscal » alors que le jugement du Tribunal administratif avait retenu que gouvernement que le courrier daté du 22 juillet 2003 n'émane pas de l'administration des Contributions directes, mais de la fiduciaire assistant le contribuable, de sorte à ne pas être de nature à établir un quelconque accord de l'administration avec son contenu » et que dès lors, la Cour d’appel, tout en contredisant le Tribunal administratif sur l’absence d’une clôture du dossier fiscal du demandeur en cassation, retient le montant fixé par le Tribunal sur base de cette absence de clôture, et entérine ainsi la position contradictoire de l’autorité de poursuite ACD dans les deux procédures 32affirmant d’un côté qu’aucune clôture du dossier n’avait été accordée et de l’autre, que la clôture a bien eu lieu Cette position de l’ACD est donc en flagrante violation du principe de l’estoppel qui veut qu’une partie ne saurait se contredire elle-même au détriment d’autrui en adoptant des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions et qui est ainsi le corollaire du principe de loyauté qui doit présider aux débats judiciaires et que le droit pour une partie d’invoquer un moyen nouveau ne l’autorise cependant pas à se contredire.
De sorte que la Cour d’Appel aurait dû constater un changement d’attitude procédurale dans le chef de l’ACD constitutif d’une violation du principe de cohérence ou de loyauté et la Cour d’Appel aurait partant dû sanctionner d’une fin de non-recevoir l’argument adverse ayant trait à la prétendue existence d’une clôture du dossier fiscal lors de la réunion du 8 juillet 2003 Il y dès lors contradiction de motifs, valant absence de motivation dans le chef de la Cour d’appel, alors qu’elle adopte cette contradiction de l’ACD, constitutive d’une violation de devoir de loyauté, et se base sur les montants retenus par le Tribunal administratif qui sont définitifs et immuables, tout en créant une contradiction entre les décisions, administrative et correctionnelle, en retenant qu’il y avait bien eu clôture du dossier fiscal et la Cour d’appel a ainsi violé les articles 89 de la Constitution, et 195 et 211 du Code de procédure pénale et de l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. ».
Réponse de la Cour Le grief tiré de la contradiction de motifs suppose une contradiction entre deux motifs d’un même jugement.
En ce que le moyen se fonde sur une contradiction entre les motifs du jugement du tribunal administratif et ceux de l’arrêt attaqué, sinon sur des prétentions contradictoires développées par l’ACD au cours de deux procédures différentes, il ne met pas en cause une contradiction de motifs entre deux dispositions de l’arrêt d’appel.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur les seizième et dix-septième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le seizième, « Violation de l’autorité de chose jugée Tiré de la violation du principe de l’autorité de la chose jugée dégagé par l’article 1351 du Code civil qui énonce que 33 du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elle et contre elles en la même qualité » en ce que l’arrêt attaqué aux motifs que juillet 2003 selon lesquels il n'aurait plus de résidence au Luxembourg, qu'il aurait transféré son domicile ainsi que sa résidence fiscale vers la Suisse et qu'il aurait l'intention de réduire sa présence au Luxembourg, renseignements qui ont été confirmés par écrit dans le courrier du 22 juillet 2003 et qui font sous-entendre une cessation imminente de ses activités professionnelles au Luxembourg, sont appuyés sur un compte-rendu de nature à imprimer à ses dires l'apparence de vérité et à surprendre la confiance de l'Administration des contributions directes pour qu'elle clôture son dossier fiscal » alors que le jugement du Tribunal administratif, auquel se réfère expressément la Cour d’appel pour décider que la décision rendue par les juridictions administratives en matière fiscale s’impose dès lors aux juridictions pénales, décide l’exact contraire, à savoir que le prédit courrier du comptable PERSONNE4.) n’est pas de nature à établir un quelconque accord de l’Administration des contributions directes (ci-après : l’ACD) avec son contenu, alors qu’il n’émane pas de l’ACD, et que l’autorité de chose jugée de la décision du Tribunal administratif du 23 octobre 2013 s’impose également à la qualification des faits par le Tribunal et la motivation de ce jugement de sorte que la Cour d’appel a méconnu pour contrariété de jugement le principe de l’autorité de la chose jugée, principe général de droit, notamment dégagé par l’article 1351 du CPC. » et le dix-septième, « Violation du § 468 de la loi générale des impôts Tiré de la violation du paragraphe 468 de la loi générale des impôts qui énonce que Steuergefährdung davon ab, ob ein Steueranspruch besteht oder ob und in welche Höhe ein Steueranspruch verkürzt oder ein Steuervorteil zu Unrecht gewährt ist, und hat das Verwaltungsgericht über diese Frage entschieden, so bindet dessen Entscheidung das Gericht. Liegt eine Entscheidung des Verwaltungsgerichts nicht vor, sind die Fragen jedoch von Finanzbehörden oder Finanzgerichten zu entscheiden, so hat das Gericht das Strafverfahren auszusetzen, bis über die Fragen rechtskräftig entschieden worden ist. Entscheidet das Verwaltungsgericht, so bindet 34dessen Entscheidung das Gericht.
Ergeht keine Entscheidung des Verwaltungsgerichts, so hat das Gericht, wenn es von der rechtskräftigen Entscheidung des Finanzamts oder der Rechtsmittelbehörde abweichen will, die Entscheidung des Verwaltungsgerichts einzuholen. Es übersendet die Akten dem Verwaltungsgericht…. Seine Entscheidung ist bindend.
(2) Während der Aussetzung des Verfahrens ruht die Verjährung.
(3)Weicht die Entscheidung des Verwaltungsgerichts von der rechtskräftigen Entscheidung des Finanzamts oder der Rechtsmittelbhörde ab, so ist diese zu berichtigen ; Paragraph 222 Absatz 1 und Paragraph 224 gelten entsprechend. » en ce que l’arrêt attaqué aux motifs que la Cour d’appel a décidé que la décision de l’ACD relative à la clôture du dossier fiscal avait existé et que cette décision avait été viciée par juillet 2003 selon lesquels il n'aurait plus de résidence au Luxembourg, qu'il aurait transféré son domicile ainsi que sa résidence fiscale vers la Suisse et qu'il aurait l'intention de réduire sa présence au Luxembourg, renseignements qui ont été confirmés par écrit dans le courrier du 22 juillet 2003 et qui font sous-entendre une cessation imminente de ses activités professionnelles au Luxembourg, sont appuyés sur un compte-rendu de nature à imprimer à ses dires l'apparence de vérité et à surprendre la confiance de l'Administration des contributions directes pour qu'elle clôture son dossier fiscal » alors que le jugement du Tribunal administratif, auquel se réfère expressément la Cour d’appel pour décider que la décision rendue par les juridictions administratives en matière fiscale s’impose dès lors aux juridictions pénales, décide l’exact contraire, à savoir que le prédit courrier du comptable PERSONNE4.) n’est pas de nature à établir un quelconque accord de l’Administration des contributions directes (ci-après : l’ACD) avec son contenu, alors qu’il n’émane pas de l’ACD, et que l’autorité de chose jugée de la décision du Tribunal administratif du 23 octobre 2013 ne s’applique pas uniquement à la cote d’impôt retenu par le Tribunal, mais également à la qualification des faits par le Tribunal et la motivation de ce jugement et que partant la Cour a violé l’article 468 AO. ».
Réponse de la Cour Il ressort de la réponse donnée au treizième moyen qu’il n’existe aucune contradiction de motifs entre le jugement du tribunal administratif et l’arrêt de la Cour d’appel.
35L’autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif en ce qu’il a rejeté le recours du demandeur en cassation, partant, confirmé la taxation d’office de l’ACD des montants dus par ce dernier au titre des exercices 2002 à 2007 ne s’impose au juge pénal que quant aux montants dus par le contribuable, tels qu’arrêtés par la juridiction administrative.
Il s’ensuit que les moyens ne sont pas fondés.
Sur le dix-huitième moyen de cassation Enoncé du moyen « La prescription - violation du § 419 de la loi générale des impôts Tiré de la violation de l’article 419 de la loi générale des impôts qui énonce que 1.
de l’année au cours de laquelle elle a été notifiée.
2. En cas de fraude fiscale aggravée ou d’escroquerie fiscale, la prescription court à partir de l’établissement définitif de l’impôt éludé ou de celui du remboursement indûment obtenu. » et de l’article 100 de la Constitution qui énonce que Les impôts au profit de l’Etat sont cotés annuellement.
- Les lois qui les établissent n’ont de force que pour un an, si elles ne sont renouvelées. » en ce que l’arrêt attaqué .
aux motifs que quant à la prescription de l’action publique : » infractions instantanées, en formant une unité tant par l’intention délictueuse que par l’unité de droit vidée, constituent une infraction continuée dont la prescription ne commencera à courir qu’à partir de la consommation du dernier fait." (…) Tel est précisément le cas en l’espèce au vu des éléments du dossier, de sorte que le tribunal est à confirmer en ce qu’il a décidé de faire application de la notion d’infraction continuée. » ;
Alors que la loi fiscale est annuelle par impôt, notamment dégagé par l’article 100 de la Constitution, de sorte qu’une fraude aux obligations prévues par cette loi, notamment en l’espèce, l’absence de déposer une déclaration dans le délai 36légal pour ce faire, ne saurait être qu’annuelle et doit s’apprécier par année puisqu’elle se consomme chaque année par l’écoulement du délai légal pour le dépôt des déclarations fiscales.
En l’espèce, le délai légal pour déposer la déclaration annuelle sur le revenu est le 31 mars de l’année qui suit de sorte qu’il y a plus de cinq ans entre l’expiration du délai légal pour le dépôt de la déclaration de l’année 2005 (au 31 mars 2006) et la dénonciation au Parquet du 7 décembre 2022.
Chaque année le justiciable a une intention spécifique de ne pas remettre de déclaration d’impôt. Le mobile, de ne pas vouloir payer d’impôts ne saurait valoir, à défaut de quoi tous les faits ayant un but de lucre seraient toujours en infraction continuée, alors que l’infraction d’escroquerie fiscale est une infraction instantanée.
Partant, en ne retenant pas que les faits relatifs aux années d’imposition de 2002 à 2005 étaient prescrits au moment de la dénonciation au Parquet du 7 décembre 2011, la Cour d’appel a violé les textes susvisés. ».
Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 419 de la loi générale des impôts, dans sa version telle que modifiée par celle du 23 décembre 2016 concernant le budget des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’exercice 2017, et l’article 100 de la Constitution, pour avoir retenu le délit de tentative d’escroquerie fiscale à son encontre relativement aux exercices 2002 à 2005, après avoir rejeté l’exception de prescription quinquennale de l’action publique.
L’article 419 de la loi générale des impôts, dans sa version applicable à la date des faits, dispose :
« (1) Die Strafverfolgung von Steuervergehen verjährt in fünf Jahren (…), (2) Die Einleitung der Untersuchung und der Erlass eines Strafbescheids unterbrechen die Verjährung gegen den, gegen den sie gerichtet sind. ».
La question de savoir si la tentative d’escroquerie fiscale, qui se commet d’année en année, est à qualifier d’infraction instantanée, est dépourvue de pertinence, dès lors que des infractions, commises dans une intention unique et réitérées plusieurs années de suite, constituent une infraction continuée unique, dont le délai de prescription ne commence à courir qu’à partir du dernier fait.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Le demandeur en cassation entend, à titre subsidiaire, voir soumettre à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante :
Si par le fait que les délits fiscaux portant sur plusieurs exercices fiscaux se prescrivent par cinq ans sont interprétés comme des infractions continues ou continuées se prescrivant à compter de la consommation du dernier fait, ceci ne 37constituerait pas une violation de l’article 100 de la Constitution qui prévoit le principe de l’annuité de l’impôt en disposant que les impôts au profit de l’Etat sont votés annuellement ? Le principe de l’annuité de l’impôt inscrit à l’article 100 de la Constitution est étranger à la prescription de l’action publique, de sorte que la question soulevée n’est pas pertinente pour la réponse à donner au moyen.
Sur le dix-neuvième moyen de cassation Enoncé du moyen « Violation du droit à un recours effectif Tiré de la violation de l’article 13 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui énonce que Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles » En ce que l’arrêt attaqué aux motifs que la Cour d’appel se refuse d’exercer un contrôle sur un comportement de l’ACD au motif qu’elle serait incompétente pour en connaitre, alors que ce comportement a une importance capitale dans le cadre du procès pénal, et que le demandeur en cassation n’a d’autre recours que le présent recours en cassation pour ce faire, et que des éléments déterminants sur l’administration et la disparition de preuves telles que l’existence de notes prises par le préposé et les critiques nécessaires à l’encontre de l’Administration des contributions directes (ci-après :
l’ACD) n’étaient pas communiquées au moment du procès administratif, qu’il en va de même du comportement de l’ACD sur l’application des preuves telles que l’existence ou l’inexistence d’une décision du préposé et le caractère déterminant d’une autre pièce telle qu’un courrier du comptable du demandeur en cassation font que l’appréciation de la Cour d’appel enlève au demandeur en cassation tout droit effectif sur une appréciation d’ensemble des éléments de preuves apparentes, qu’il y a dès lors violation des droits à un recours effectif au sens autonome de l’article 13 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. ».
38 Réponse de la Cour Le droit au recours effectif, garanti par l’article 13 de la Convention, suppose un recours qui soit capable de porter directement remède à la situation critiquée.
Le demandeur en cassation disposait d’un recours en réformation contre les décisions de taxation d’office devant le tribunal administratif dont les décisions sont sujettes à appel. Il exerça ce recours contre les décisions de taxation des années 2002 à 2007. Il ne l’exerça pas pour les années 2008 à 2012.
Ces recours constituent des recours effectifs au sens de la Convention.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Sur les vingtième, vingt-quatrième, vingt-cinquième et vingt-sixième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le vingtième, « Violation des articles 14 de la Constitution, 7 (1) de la CEDH, 49 (1) de la Charte des droits fondamentaux et des articles l’Accord entre la Confédération suisse d’une part et la Communauté Européenne et ses Etats membres - base fixe Tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon d’une application erronée ou encore de la fausse interprétation in specie, de :
- l’article 14 de la Constitution selon lequel : Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi. » - l’article 7, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (ci-après ) selon lequel :
Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. » - l’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne (ci-après la ) selon lequel : Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou le droit international.
De même, il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit une peine plus légère, celle-ci doit être appliquée. » - les articles 1, 4, 5, 6 et 7 de l’Accord entre la Confédération suisse d’une part et la Communauté européenne et ses Etats membres d’autre part sur la libre circulation des personnes en ce que l’arrêt attaqué 39 Convention des droits de l’homme, des articles de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, (…), de l’Accord de l’Union européenne et la Suisse sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999, (…), les articles 14 (…) de la Constitution (…) » aux motifs que Luxembourg à partir de laquelle il exerçait une partie de son activité professionnelle. » Alors que le principe de légalité des peines de l’article 14 de la Constitution, respectivement de l’article 7, paragraphe 1, de la CEDH, et l’article 49, paragraphe 1, de la Charte entraînent la nécessité de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour en exclure l’arbitraire et permettre aux intéressés de mesurer exactement la nature et le type des agissements sanctionnables.
Partant, en application du principe de légalité des peines, les juges de la Cour d’appel auraient dû déclarer la disposition de l’article 14 de la convention entre le Grand-Duché de Luxembourg et la Confédération suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune qui emploie le terme imprécis de , comme contraire au principe de légalité des délits et des peines et donc ne pas l’appliquer, et, par voie de conséquence, ne pas sanctionner pénalement le prévenu, alors qu’il ne permet pas au justiciable de comprendre quand exactement on est en présence ou non d’une telle base fixe.
Qu’en conséquence, la Cour d’appel a violé sinon refusé d’appliquer, sinon fait une mauvaise application, sinon une application erronée, sinon une fausse interprétation des articles 14 de la Constitution, respectivement de l’article 7, paragraphe 1, de la CEDH, et de l’article 49, paragraphe 1, de la Charte ainsi que des articles visés de l’Accord entre la Confédération suisse et l’Union Européenne et ses Etats membres (ALCP), partie II. », le vingt-quatrième, « Violation de l’accord de libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union Européenne et ses Etats membres (ci-après :
ALCP) Tiré de la violation des dispositions de l’article 1er et suivants de l’Accord entre la Confédération Suisse d’une part et la Communauté Européenne et ses Etats membres d’autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 (ci-
après ou ), en ce que c’est à tort que la Cour d’appel a décidé que le litige qui lui est soumis ne comporterait aucune incidence de droit communautaire, étant donné que la question de la libre circulation des capitaux serait étrangère aux faits et infractions dont la Cour d’appel serait saisie, et que par ailleurs ces moyens seraient à rejeter, alors que la décision du Tribunal administratif serait coulée en force de chose jugée et que ce ne serait pas le transfert du domicile du demandeur en 40cassation vers la Suisse qui serait à l’origine de la procédure de taxation d’office par l’Administration des contributions directes (ci-après : l’ACD), mais le fait de son activité professionnelle sur le territoire luxembourgeois, notamment à partir d’une base fixe, en ce que l’arrêt attaqué suisse sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 (…) » Aux motifs que la société anonyme SOCIETE1.), a cédé les parts sociales de la société à responsabilité limitée SOCIETE2.) et les actions de la société anonyme SOCIETE3.), ainsi que son fonds de commerce aux docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.).
Selon une convention intitulée "CONVENTION CADRE" conclue le même jour, soit le 1er janvier 2005 avec les docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.), le demandeur en cassation s'est engagé :
"à continuer d'exercer son activité de médecin dentiste à titre indépendant au sein du Cabinet Dentaire pour une période de cinq (5) années à compter de la cession des titres. Pour la poursuite de son activité au sein du Cabinet Dentaire, le Cédant s'engage à conclure un contrat de bail avec la société SOCIETE3.) S.A (le ’’Contrat de Bail’’) dont une version exécutée demeurera annexée à la présente convention (…) Le cédant exercera la dentisterie au cabinet dentaire du Bailleur durant une période de cinq (5) années consécutives. Il s'engage à se déplacer au moins 5 jours une semaine sur deux à Luxembourg et ceci pendant 25 semaines par an pendant la durée du bail" » et que dès lors, contrairement à l’arrêt de la Cour, une analyse de la compatibilité de sa décision avec les dispositions sur la libre circulation des personnes prévue par l’ALCP est nécessaire, alors que le demandeur en cassation exerçait son activité conformément aux règles établies par l’ACLP et non dans le contexte d’une base fixe, et que dès lors, en se refusant de se livrer à une telle application de l’ALCP et notamment des articles 1, 5, 7 et 17 de l’ALCP sur la libre circulation des personnes. », le vingt-cinquième, « Violation de la libre circulation des capitaux -
violation de l’article 63 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne Tiré de la violation de la libre circulation de capitaux et plus précisément de l’article 63 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) (ex-
article 56 TCE) qui dispose que 41 restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.
2. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites » En ce que l’arrêt attaqué Aux motifs que la Cour d’appel a érigé en élément constitutif de l’infraction d’escroquerie fiscale la constitution en 2008 par le demandeur en cassation et son épouse, tous deux résidents suisses investissant des capitaux importants dans des sociétés luxembourgeoises à travers une société suisse, au motif que le seul but de cette constitution aurait été de transférer des capitaux importants du demandeur en cassation vers son épouse, et que la Cour d’appel a dit pour droit que cette constitution de sociétés en 2008 et la mise en place des structures juridiques avaient forcément et nécessairement comme but de dissimuler des faits pertinents à l’autorité ou à la persuader de faits inexacts, afin de changer la possession du patrimoine du demandeur en cassation, alors que ce dernier et son épouse ont constitué une société suisse laquelle a investi dans des sociétés luxembourgeoises afin d’investir, en tant que résidents suisses, dans un pays de l’Union Européenne, et plus précisément au Luxembourg, conformément à l’article 63 TFUE afin d’y accomplir des investissements légitimes, et que décider, comme le fait la Cour d’appel dans son arrêt, qu’un tel investissement avait forcément comme but de cacher des éléments pertinents à l’autorité, sans rechercher si la constitution et l’investissement dans ces sociétés poursuivait un but légitime au sens de l’article 63 TFUE, constitue une violation des dispositions de cet article 63 TFUE. » et le vingt-sixième, « Absence de comptabilité - Violation des articles de l’Accord de libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union Européenne et ses Etats membres (ci-après : ALPC) Tiré de la violation des dispositions de l’article 1er et suivants et les articles 5, 7 et 17 de l’Accord entre la Confédération Suisse d’une part et la Communauté Européenne et ses Etats membres d’autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 (ci-après ou ), En ce que l’arrêt attaqué 42 de l’Union européenne et la Suisse sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 » aux motifs que le demandeur en cassation n’avait pas tenu de comptabilité simplifiée en ce qui concerne ses revenus réalisés au Grand-Duché de Luxembourg par son activité pendant la période concernée, alors que le demandeur en cassation exerçait son activité de médecin-dentiste dans les limites prévues par l’article 1er et suivants de ALCP en respectant les limites prévues par cet article, estimant être soumis aux règles comptables suisses et être soumis à l’impôt suisse, et que l’intention délictueuse déduite par la Cour d’appel de l’absence de tenue de comptabilité n’est pas donnée, alors que le demandeur en cassation estimait en toute bonne foi être soumis à l’imposition en Suisse, que la Cour d’appel viole l’ALCP entre la Suisse et l’Union Européenne en déduisant de la seule absence de comptabilité de la part d’un résident suisse qui entend exercer son activité en libre circulation des personnes suivant les règles et limites imposées par cet accord, que la décision de la Cour d’appel a erronément retenu l’intention délictueuse du demandeur en cassation du fait qu’il n’avait pas tenu de comptabilité simplifiée luxembourgeoise du fait de son activité au Luxembourg, sans vérifier si le demandeur en cassation, résident suisse imposé au forfait dans son pays, ne pouvait pas en réalité avoir eu l’intention d’exercer son activité luxembourgeoise dans le cadre de la libre circulation des personnes qui ne l’obligerait à aucune obligation fiscale ou comptable, a violé les textes susvisé de l’ALCP et la Suisse et l’Union Européenne et ses Etats membres.
que l’arrêt visé par le présent pourvoi en cassation encourt la sanction de cassation et la nullité du chef de la violation des articles 1er, 5, 7 et 17 de l’ALCP. ».
Réponse de la Cour Le demandeur en cassation critique la légalité des décisions administratives individuelles d’imposition de l’ACD et fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir constaté l’illégalité de celles-ci par voie d’exception d’illégalité.
L’article 95 de la Constitution dispose : « Les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois.
(…) ».
L’article 95bis, paragraphe 1, de la Constitution dispose : « Le contentieux administratif est du ressort du tribunal administratif et de la Cour administrative, ces juridictions connaissent du contentieux fiscal dans les cas et sous les conditions à déterminer par la loi. ».
43Il appartient aux seules juridictions administratives de connaître du contentieux relatif aux actes administratifs individuels, dont celui relatif aux décisions de taxation de l’ACD.
Le juge judiciaire, qui a compétence pour statuer par voie d’exception sur la légalité des arrêtés et règlements généraux, n’a pas compétence pour connaître de la légalité de décisions administratives individuelles.
Il en découle que les juges d’appel auraient dû s’abstenir de statuer sur la légalité des décisions d’imposition et se déclarer incompétents.
Par ce motif de pur droit, substitué à ceux, erronés, de la Cour d’appel, et rendant les moyens de cassation sans objet, la décision déférée se trouve légalement justifiée.
Le demandeur en cassation entend, à titre subsidiaire, voir soumettre à la CJUE les questions préjudicielles suivantes :
1. dans le cadre des vingtième et vingt-quatrième moyens La législation d'un État membre en vertu de laquelle l’Administration des contributions directes délivre en premier lieu une décision anticipée contraignante (« ruling ») en matière d'impôt, exonérant un ressortissant de cet État membre qui est initialement soumis à l’imposition fiscale dans cet État membre, de ses obligations fiscales, à l'occasion du transfert de sa résidence en Suisse, alors que par la suite les autorités de poursuite nient d'abord l'existence de la décision et prétendent ensuite, contrairement aux témoignages des personnes concernées, que la décision a été obtenue par fraude, ce qui a conduit à une condamnation pénale de la personne concernée, étant donné que cette décision ait disparu du dossier fiscal de la personne condamnée, est à interpréter en ce sens qu’une telle décision est contraire aux dispositions suivantes du droit de l’Union européenne :
a. Les dispositions de l'accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999.
b. Les règles pertinentes du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) sur la libre circulation des capitaux et/ou l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui protège la liberté d'entreprise. » 2. dans le cadre du vingt-cinquième moyen 1. La législation d'un État membre en vertu de laquelle l’Administration des contributions directes délivre en premier lieu une décision anticipée contraignante (« ruling ») en matière d'impôt, exonérant un ressortissant de cet État membre qui est initialement soumis à l’imposition fiscale dans cet État membre, de ses obligations fiscales, à l'occasion du transfert de sa résidence en Suisse, alors que par la suite les autorités de poursuite nient d'abord l'existence de la décision et 44prétendent ensuite, contrairement aux témoignages des personnes concernées, que la décision a été obtenue par fraude, ce qui a conduit à une condamnation pénale de la personne concernée, étant donné que cette décision ait disparu du dossier fiscal de la personne condamnée, est à interpréter en ce sens qu’une telle décision est contraire aux règles pertinentes du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) sur la libre circulation des capitaux et/ou l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui protège la liberté d'entreprise ? 2. Les principes de proportionnalité et d’adéquation des peines énoncés à l’article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’interprètent-ils en ce sens qu’ils s’opposent à la législation d’un Etat membre en vertu de laquelle l’assiette de l’impôt d’un dentiste, qui n’a pas tenu de comptabilité n’est pas son revenu, mais son chiffre d’affaires brut majoré d’une surtaxe de 20% ? 3. dans le cadre du vingt-sixième moyen La législation d'un État membre en vertu de laquelle l’Administration des contributions directes délivre en premier lieu une décision anticipée contraignante (« ruling ») en matière d'impôt, exonérant un ressortissant de cet État membre qui est initialement soumis à l’imposition fiscale dans cet État membre, de ses obligations fiscales, à l'occasion du transfert de sa résidence en Suisse, alors que par la suite les autorités de poursuite nient d'abord l'existence de la décision et prétendent ensuite, contrairement aux témoignages des personnes concernées, que la décision a été obtenue par fraude, ce qui a conduit à une condamnation pénale de la personne concernée, étant donné que cette décision ait disparu du dossier fiscal de la personne condamnée, est à interpréter en ce sens qu’une telle décision est contraire aux dispositions de l'accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 ? Au vu de la réponse donnée aux moyens, il n’y a pas lieu de poser les questions préjudicielles.
Sur les vingt-et-unième, vingt-deuxième et vingt-troisième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le vingt-et-unième, « Elément moral - violation du § 396 de la loi générale des impôts Tiré de la violation de l’article 396 de la loi générale des impôts (élément moral) qui énonce que, gerechtfertigte Steuervorteile erschleicht oder vorsätzlich bewirkt, dass Steuereinnahmen verkürzt werden, wird wegen Steuerhinterziehung mit Geldstrafe 45bestraft. Der Höchstbetrag der Geldstrafe ist unbeschränkt. Neben der Geldstrafe kann auf Gefängnis bis zu zwei Jahren erkannt werden.
(2) Der Steuerhinterziehung macht sich auch schuldig, wer Sachen, für die ihm Steuerbefreiung oder Steuervorteile gewährt sind, zu einem Zweck verwendet, der der Steuerbefreiung oder dem Steuervorteil, die er erlangt hat, nicht entspricht, und es zum eigenen Vorteil oder zum Vorteil eines anderen vorsätzlich unterlässt, dies der Steuerkontrollstelle vorher rechtzeitig anzuzeigen.
(3) Es genügt, dass infolge der Tat ein geringerer Steuerbetrag festgesetzt oder ein Steuervorteil zu Unrecht gewährt oder belassen ist; ob der Betrag, der sonst festgesetzt wäre, aus an deren Gründen hätte ermässigt werden müssen oder der Vorteil aus anderen Gründen hätte beansprucht werden können, ist für die Bestrafung ohne Bedeutung.
(4) Eine Steuerumgehung ist nur dann als Steuerhinterziehung strafbar, wenn die Verkürzung der Steuereinnahmen oder die Erzielung der ungerechtfertigten Steuervorteile dadurch bewirkt wird, dass der Täter vorsätzlich Pflichten verletzt, die ihm im Interesse der Ermittlung einer Steuerpflicht obliegen. » en ce que l’arrêt attaqué Aux motifs que contrat cadre conclu le 1er janvier 2005 entre le demandeur en cassation et les docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.), il est établi à suffisance que lors de l’entrevue du 8 juillet 2003 le demandeur en cassation a eu l’intention de tromper l’administration fiscale pour voir clôturer son dossier fiscal. » alors que la Cour tient pour établi que le demandeur en cassation avait une intention dolosive en juillet 2003 parce qu’il aurait conclu un contrat cadre en janvier 2005, soit un an et demi après.
Ainsi en motivant un fait par un élément chronologiquement postérieur, la Cour d’appel n’a pas caractérisé l’élément moral de l’infraction l’escroquerie fiscale et a partant violé l’article 396 de la Loi générale des impôts. », le vingt-deuxième, « Défaut de motivation - violation des articles 89 de la Constitution et des articles 195 et 211 du Code de procédure pénale 46Tiré de la violation de l’obligation de motivation des jugements découlant des articles 89 de la Constitution, ainsi que des articles 195 et 211 du Code de procédure pénale, L’article 89 de la Constitution se lit comme suit :
L’article 195 du code de procédure pénale se lit comme suit :
circonstances constitutives de l'infraction et citera les articles de la loi dont il est fait application sans en reproduire les termes.
Dans le dispositif de tout jugement de condamnation seront énoncés les faits dont les personnes citées seront jugées coupables ou responsables, la peine et les condamnations civiles. » L’article 211 du code de procédure se lit comme suit :
la nature des preuves, la forme, l'authenticité et la signature du jugement définitif de première instance, la condamnation aux frais, ainsi que les peines que ces articles prononcent seront communes aux jugements rendus sur l'appel. » En ce que l’arrêt attaqué aux motifs que contrat cadre conclu le 1er janvier 2005 entre PERSONNE1.) et les docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.), il est établi à suffisance que loirs de l’entrevue du 8 juillet 2003 PERSONNE1.) a eu l’intention e tromper l’administration fiscale pour voir clôturer son dossier fiscal. » alors que la Cour tient pour établi que le demandeur en cassation avait une intention dolosive en juillet 2003 parce qu’il aurait conclu un contrat cadre en janvier 2005, soit un an et demi après.
Ainsi en motivant un fait par un élément chronologiquement postérieur, la Cour a indiqué dans son arrêt des motifs contradictoires.
Il est de principe qu’une motivation contradictoire équivaut à l’absence de motivation.
Partant la Cour a violé les articles 89 de la Constitution, ainsi que des articles 195 et 211 du Code de procédure pénal. » 47 et le vingt-troisième, « Défaut de motivation - erreur - violation des articles 89 de la Constitution et des articles 195 et 211 du Code de procédure pénale Tiré de la violation de l’obligation de motivation des jugements découlant des articles 89 de la Constitution, ainsi que des articles 195 et 211 du Code de procédure pénale, L’article 89 de la Constitution se lit comme suit :
L’article 195 du code de procédure pénale se lit comme suit :
circonstances constitutives de l'infraction et citera les articles de la loi dont il est fait application sans en reproduire les termes.
Dans le dispositif de tout jugement de condamnation seront énoncés les faits dont les personnes citées seront jugées coupables ou responsables, la peine et les condamnations civiles. » L’article 211 du code de procédure se lit comme suit :
la nature des preuves, la forme, l'authenticité et la signature du jugement définitif de première instance, la condamnation aux frais, ainsi que les peines que ces articles prononcent seront communes aux jugements rendus sur l'appel. » en ce que l’arrêt attaqué Aux motifs que la réunion du 8 juillet 2003 selon lesquels il n’aurait plus de résidence au Luxembourg, qu’il aurait transféré son domicile ainsi que sa résidence fiscale vers la suisse et qu’il aurait l’intention de réduire sa présence au Luxembourg, renseignements qui ont été confirmés par écrit dans le courrier du 22 juillet 2003 et qui font sous-entendre une cessation imminente de ses activités professionnelles au Luxembourg, sont appuyés sur un compte-rendu de nature à imprimer à ses dires l’apparence de vérité et à surprendre la confiance de l’Administration des contributions directes pour qu’elle clôture son dossier fiscal. » alors que la Cour tient pour établi d’une part que cette lettre du 22 juillet 2003 une cessation imminente, et d’autre part que cette lettre 48aurait emporté la conviction de l’Administration des contributions directes (ci-
après : l’ACD) à clôturer le dossier fiscal du requérant en ce qu’elle retient cette lettre comme élément déterminant pour prouver l’intention dolosive du demandeur en cassation, alors que cette lettre ne saurait être retenu comme élément de preuve d’une telle intention dolosive, puisque d’une part, en dénaturant faussement les termes clairs de cette lettre et d’autre part en considérant sa date postérieure à la prise de décision de l’Administration, la Cour se livre à une motivation contradictoire, qu’une motivation contradictoire équivaut à une absence de motivation que partant la Cour a violé les articles 89 de la Constitution ainsi que les articles 195 et 211 du Code de procédure pénale. ».
Réponse de la Cour Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir caractérisé l’élément moral de l’infraction d’escroquerie fiscale pour s’être basés sur des éléments chronologiquement postérieurs aux faits reprochés ainsi que de s’être contredits lors de l’examen dudit élément constitutif.
En retenant, quant aux faits dégagés par l’enquête et l’instruction, « Le tribunal a fourni un descriptif détaillé et correct des faits auquel il convient de se référer. Il y a uniquement lieu de préciser certains faits.
Il est constant en cause que dans une première phase, PERSONNE1.) a demandé aux fonctionnaires du bureau d’imposition en charge de son dossier fiscal un rendez-vous pour se renseigner sur sa situation fiscale. Ainsi, PERSONNE1.) et son comptable à l’époque des faits, PERSONNE4.), ont rencontré les fonctionnaires de l’administration fiscale, PERSONNE3.) et PERSONNE2.), le 8 juillet 2003.
La discussion de la situation fiscale de PERSONNE1.) a été résumée dans un compte-rendu établi par PERSONNE4.) le 22 juillet 2003.
Ce compte-rendu figure au dossier pénal et est rédigé dans les termes suivants :
où il a loué un appartement, ses enfants y habitent et y vont à l’école. Il est vrai qu’il vient au Luxembourg régulièrement à l’ordre de 90 à 110 jours par année, mais il n’a pas de domicile au Luxembourg et son lieu de séjour habituel est à l’étranger.
Par conséquent, selon l’art. 13 et 14 du Steueranpassungsgesetz il n’est pas à considérer comme résident selon la loi fiscale luxembourgeoise : sont donc imposables uniquement les revenus d’origine luxembourgeoise. En particulier des revenus provenant de l’exercice d’une activité indépendante ne sont imposables que s’ils proviennent d’une base fixe luxembourgeoise. Le Dr PERSONNE1.) a transféré entretemps son domicile et sa résidence fiscale vers la Suisse essentiellement pour 49des raisons professionnelles. Il avait déjà cédé l’immeuble d’exploitation et l’installation de son cabinet d’implantologie et est en train de réduire sa présence physique au Luxembourg encore plus par la cession partielle projetée de son activité… Cette réduction de la présence physique est également conditionnée par un nouveau contrat de collaboration avec la société suisse… Suite à ces informations, le bureau d’imposition a donné son accord de clôturer le dossier du Dr PERSONNE1.) avec l’année 2001. ».
Le témoin PERSONNE3.) a déclaré au sujet de cette réunion devant la police le 6 février 2017 que: . Ce témoin a confirmé ses déclarations sous la foi du serment à l’audience des juges de première instance .
Dans un second temps, le 1er janvier 2005, PERSONNE1.), représentant la société anonyme SOCIETE1.), a cédé les parts sociales de la société à responsabilité limitée SOCIETE2.) et les actions de la société anonyme SOCIETE3.), ainsi que son fonds de commerce aux docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.).
Selon une convention intitulée conclue le même jour, soit le 1er janvier 2005, avec les docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.), PERSONNE1.) s’est engagé :
au sein du Cabinet Dentaire pour une période de cinq (5) années à compter de la cession des titres. Pour la poursuite de son activité au sein du Cabinet Dentaire, le Cédant s’engage à conclure un contrat de bail avec la société SOCIETE3.) S.A (le "Contrat de Bail") dont une version exécutée demeurera annexée à la présente convention (…). Le cédant exercera la dentisterie au cabinet dentaire du Bailleur durant une période de cinq (5) années consécutives. Il s’engage à se déplacer au moins 5 jours une semaine sur deux à Luxembourg et ceci pendant 25 semaines par an pendant la durée du bail. ». » et en adoptant, pour le surplus, la motivation des juges de première instance, les juges d’appel ont, sans se contredire, caractérisé l’élément moral de l’infraction retenue à charge de PERSONNE1.).
Il s’ensuit que les moyens ne sont pas fondés.
50Sur le vingt-septième moyen de cassation Enoncé du moyen « Obligation de saisir la Cour de justice de l’Union Européenne - violation de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne Tiré de la violation de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après TFUE) qui dispose que titre préjudiciel :
a. sur l’interprétation des traités b. sur la validité de l’interprétation des actes pris par les institutions, organes et organisme de l’Union Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.
Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.
Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais. » En ce que l’arrêt attaqué européenne (…) » Aux motifs que paragraphe 3, point b du TFUE, ainsi que l'article 267 du même traité prévoient la compétence de la CJUE pour se prononcer à titre préjudiciel sur l'interprétation des traités et sur la validité et l'interprétation du droit dérivé de l'Union européenne lorsqu'une décision sur un tel point est nécessaire pour qu'une juridiction nationale puisse trancher un litige qui lui est soumis. La possibilité de soumettre une question préjudicielle à la CJUE est limitée aux questions qui mettent en cause l'interprétation des traités ou la validité et l'interprétation de l'intégralité du droit dérivé de l'Union européenne. Le juge national dispose d'une certaine latitude pour poser une question préjudicielle à la CJUE. Il peut être d'avis que le litige qui lui est soumis ne comporte aucune incidence en termes de droit communautaire et que la question d'un renvoi préjudiciel ne se pose pas. Pour autant que le droit européen a une incidence sur le litige, le renvoi préjudiciel est facultatif pour les juridictions nationales dont les 51décisions peuvent faire l'objet d'un recours interne (Thierry Hoscheit, Le droit judiciaire privé, numéros 883 et 884).
Dès lors, et au vu des développements qui précèdent dont il ressort qu'il y a incompétence du juge pénal pour connaître d'une éventuelle violation de l'Accord sur la libre circulation des personnes entre l'Union européenne et la Suisse et violation du principe de la libre circulation. des capitaux au sens du TFUE et qu'il y a absence d'une violation des principes généraux de la Charte, en particulier le principe de la liberté d'entreprise, d'une bonne administration de la justice, d'un recours effectif devant un tribunal impartial, de l’égalité des armes, d'un procès contradictoire, d'être jugé dans un délai raisonnable, de la présomption d'innocence et de proportionnalité des peines, le renvoi préjudiciel devant la CJUE demandé par la défense de PERSONNE1.) ne se conçoit pas et il n'y a pas lieu d'y faire droit. » Alors que c’est à tort que la Cour a rejeté les questions préjudicielles suivantes :
1. Les dispositions du droit de l'Union européenne suivantes s'opposent-elles à la législation d'un État membre en vertu de laquelle l’Administration des contributions directes délivre en premier lieu une décision anticipée contraignante () en matière d'impôt exonérant un ressortissant de cet État membre qui est initialement soumis à l’imposition fiscale dans cet État membre, de ses obligations fiscales, à l'occasion du transfert de sa résidence en Suisse, alors que par la suite les autorités de poursuite nient d'abord l'existence de la décision et prétendent ensuite, contrairement aux témoignages des personnes concernées, que la décision a été obtenue par fraude, ce qui a conduit à une condamnation pénale de la personne concernée, étant donné que cette décision a disparu du dossier fiscal de la personne condamnée.
Une telle décision prise à l’encontre du ressortissant est-elle dès lors contraire aux dispositions suivantes du droit de l’Union européenne :
a. Les dispositions de l'accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999.
b. Les règles pertinentes du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) sur la libre circulation des capitaux et/ou l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui protège la liberté d'entreprise.
c. Le droit à une bonne administration garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE.
2. L'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'oppose-t-il à la législation et à la pratique d'un État membre en vertu de laquelle l’Administration des contributions directes exerce simultanément les fonctions suivantes :
52(1) celle d'une autorité fiscale, (2) celle d'une autorité de recouvrement, (3) celle d'une autorité de poursuite, (4) des fonctions judiciaires, (5) la fonction de témoin à charge dans une procédure fiscale pénale, (6) la fonction de partie civile ? 3. Les principes de proportionnalité et d'adéquation des peines énoncés à l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'opposent-
ils à la législation d'un État membre en vertu de laquelle l'assiette de l'impôt d'un dentiste, qui n'a pas tenu de comptabilité n'est pas son revenu, mais son chiffre d'affaires brut majoré d'une surtaxe de 20% ? Aux motifs que le juge pénal ne saurait faire droit à ces questions préjudicielles, qu’il serait incompétent pour connaitre d’une éventuelle violation de l’Accord sur la libre circulation des capitaux au sens du TFUE et qu’il y avait absence d’une violation des principes généraux de la Charte des droits fondamentaux, en particulier de la liberté d’entreprise, d’une bonne administration de la justice, du droit à un recours effectif devant un tribunal impartial, de l’égalité des armes, du droit à un procès contradictoire, d’être jugé dans un délai raisonnable, de la présomption d’innocence et de la proportionnalité des peines, et que partant le renvoi préjudiciel devant la Cour de justice européenne (ci-après : la CJUE) demandé par le demandeur en cassation ne se concevait pas et qu’il n’y avait pas lieu d’y faire droit, En refusant de prononcer les questions précitées, alors que les questions posées sont pertinentes et suffisamment précises pour aboutir à la solution du litige la Cour d’appel a violé l’article 267 TFUE. ».
Réponse de la Cour Aux termes de l’article 267, alinéas 2 et 3, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne « Lorsqu’une […] question [préjudicielle] est soulevée devant une juridiction d’un des Etats membres, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.
Lorsqu’une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. » La Cour d’appel étant une juridiction dont les décisions sont susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, elle n’était pas obligée de saisir la CJUE.
Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.
Le demandeur en cassation entend, à titre subsidiaire, voir soumettre à la CJUE les mêmes questions préjudicielles.
53Les questions ne sont pas pertinentes pour répondre au moyen tiré du refus de saisine de la CJUE.
Pour autant qu’elles sont à situer dans le contexte de questions de droit tenant à la critique de l’arrêt attaqué sur d’autres points, la Cour renvoie aux réponses données aux troisième, quatrième, cinquième, septième, huitième, neuvième, quatorzième, vingtième, vingt-quatrième, vingt-cinquième et vingt-sixième moyens.
Sur le vingt-huitième moyen de cassation Enoncé du moyen « Obligation de saisir la Cour Constitutionnelle – violation de l’article 95ter et de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 Tiré de la violation de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle ainsi que de l’article 95ter de la Constitution ;
En ce que l’arrêt attaqué du Grand-Duché de Luxembourg » En ce que la Cour d’appel a, contrairement à l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 et l’article 95ter de la Constitution, refusé de faire droit au renvoi préjudiciel devant la Cour constitutionnelle.
L’article 95ter de la Constitution se lit comme suit :
des lois à la Constitution.
(2) La Cour Constitutionnelle est saisie, à titre préjudiciel, suivant les modalités à déterminer par la loi, par toute juridiction pour statuer sur la conformité des lois, à l’exception des lois portant approbation des traités, à la Constitution. » (…) Aux motifs que précédents, le renvoi préjudiciel devant la Cour constitutionnelle demandé par la défense de PERSONNE1.) n’est pas nécessaire pour la solution du présent litige et qu’il n’y a pas lieu d’y faire droit » alors que la Cour d’appel, pour assurer sa décision, s’est basée sur des éléments de droit et de fait contredisant ceux du Tribunal administratif et sur base desquels le Tribunal administratif est arrivé à sa décision d’établissement du 54montant de la dette fiscale, qualifié par la suite de significatif, pour les exercices 2002 à 2007, que la mixité et l’enchevêtrement des procédures administrative et fiscale d’un côté et pénale de l’autre côté ont été, de par les nombreuses contradictions et problèmes notamment dans l’administration et de l’appréciation de la preuve et des multiples fonctions exercées par l’ACD, une source d’incertitudes et d’iniquités qui font que l’interaction entre ces diverses procédures aurait dû faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité, que c’est ainsi à tort que la Cour d’appel a jugé que la transmission du dossier par l’ACD au Ministère public n’avait pas été exercée dans le cadre des fonctions juridictionnelles découlant des paragraphes 421 ss AO, que le paragraphe 425 AO sur base duquel la transmission du dossier s’est faite figure, comme le paragraphe 421 AO, sous la rubrique , que la prérogative exercée au titre du paragraphe 425 AO est donc exercée sous sa fonction d’autorité judiciaire de poursuite, et qu’en refusant de faire droit au renvoi pour poser la question si l’ACD n’avait pas exercé les pouvoirs conférés par les paragraphes 421 ss AO et donc par le paragraphe 425 en procédant à la transmission du dossier au Ministère public pour juger ensuite que cette transmission des poursuites en date du 7 décembre 2011 était interruptive de la prescription, la Cour d’appel a violé les articles 84, 85 de la Cour et 95bis de la Constitution, qu’il est demandé à la cour de casser l’arrêt attaqué pour motivation des textes précités et d’ordonner le renvoi pour poser les questions préjudicielles énoncées par le demandeur en cassation.
Partant le demandeur en cassation demande également à Votre Cour, de poser les questions préjudicielles, qu’elle juge nécessaires et pertinentes sinon les questions préjudicielles suivantes ci-avant à la Cour constitutionnelle du Luxembourg :
1. Si par le fait que les paragraphes 420 et suivants et notamment les paragraphes 421 et 425 de la Abgabenordnung (Loi générale des impôts) dans leur version antérieure à la loi du 23 décembre 2016 confèrent des pouvoirs d’enquête, de poursuite et de sanctions à l’Administration des Contributions, cette dernière est à considérer comme une autorité qualifiée pour la recherche et la poursuite d’infractions en matière pénale fiscale, ceci serait-il contraire au principe constitutionnel de la séparation des autorités administratives et judiciaires, régie notamment par les articles 84 et 85 de la Constitution ? 2. Si par le fait que les délits fiscaux portant sur plusieurs exercices fiscaux se prescrivent par cinq ans sont interprétés comme des infractions continues ou continuées se prescrivant à compter de la consommation du dernier fait, ceci ne constituerait pas une violation de l’article 100 de la Constitution qui prévoit le 55principe de l’annuité de l’impôt en disposant que les impôts au profit de l’Etat sont votés annuellement ? 3. Si par le fait que le juge pénal en tant que juge de l’action est également juge de l’exception en matière pénale fiscale, contrevient-il aux articles 84, 85 ou 95bis de la Constitution lorsqu’il juge les exceptions de nature fiscale ? ».
Réponse de la Cour Il ressort des réponses données aux troisième, quatrième, cinquième, septième, huitième et dix-huitième moyens que les questions ne sont pas nécessaires pour la solution du litige, de sorte que les juges d’appel n’ont pas violé les dispositions visées au moyen.
Pour les mêmes motifs, il n’y a pas lieu de poser les questions réitérées, à titre subsidiaire, en instance de cassation.
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;
condamne le demandeur en cassation à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;
le condamne aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 19 euros.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, vingt-trois mars deux mille vingt-trois, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Thierry HOSCHEIT, conseiller à la Cour de cassation, 56qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence du premier avocat général Simone FLAMMANG et du greffier Daniel SCHROEDER.
57 Conclusions du Parquet Général sur le pourvoi en cassation de PERSONNE1.), en présence du Ministère public et de Monsieur le Receveur de Recette des Contributions directes (Affaire numéro CAS-2022-00005) Table des matières TABLE DES MATIÈRES ……………………………………………………………………………………………………………………. 58 SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI ………………………………………………………………………………………………… 61 SUR LES FAITS ……………………………………………………………………………………………………………………………… 61 SUR LE PREMIER MOYEN ET LE DEUXIEME MOYEN REUNIS (DEFAUT DE « CARACTERE INTEGRE » DES DECISIONS FISCALES ET PENALES) …………………………………………………………………………………………………… 61 MOYENS INOPERANTS POUR CRITIQUER UNE CONTRADICTION ENTRE DES MOTIFS SURABONDANTS…………….. 68 A TITRE SUBSIDIAIRE : LE MOTIF DE LA COUR D’APPEL N’EST, EN FAIT, EN RIEN CONTRADICTOIRE A CELUI DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF ……………………………………………………………………………………………………………….. 70 A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE : DEFAUT DE PERTINENCE DE LA JURISPRUDENCE INVOQUEE DE LA COUR DE STRASBOURG …………………………………………………………………………………………………………………………………. 71 Défaut de pertinence de la jurisprudence citée par suite du défaut de nature « pénale » du jugement du tribunal administratif …………………………………………………………………………………………………………………. 71 Absence d’un principe « d’intégration » applicable en dehors de la problématique du principe non bis in idem ………………………………………………………………………………………………………………………………………… 74 Conclusion ………………………………………………………………………………………………………………………………… 75 A TITRE ENCORE PLUS SUBSIDIAIRE : RESPECT DU « PRINCIPE D’INTEGRATION » ALLEGUE ………………………… 75 SUR LE TROISIEME MOYEN (VIOLATION DU PRINCIPE NON BIS IN IDEM) ……………………………………………… 78 UN MOYEN QUI MANQUE EN FAIT ………………………………………………………………………………………………………. 79 A TITRE SUBSIDIAIRE : UN MOYEN QUI N’EST PAS FONDE ……………………………………………………………………… 81 SUR LE QUATRIEME MOYEN (VIOLATION DU PRINCIPE D’IMPARTIALITE) ……………………………………………… 82 UN MOYEN QUI N’EST PAS FONDE ……………………………………………………………………………………………………… 84 DES QUESTIONS PREJUDICIELLES DEPOURVUES DE PERTINENCE …………………………………………………………….. 87 Sur les questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne ……………………………………….. 87 Sur les questions préjudicielles à la Cour constitutionnelle ………………………………………………………………. 87 SUR LE CINQUIEME MOYEN (ABSENCE D’UNICITE DE JUGE) ………………………………………………………………… 88 ABSENCE DE DEFAUT DE REPONSE A CONCLUSIONS ……………………………………………………………………………… 92 MOTIFS SUFFISANTS ET JUSTIFIES EN DROIT………………………………………………………………………………………… 94 DES QUESTIONS PREJUDICIELLES DEPOURVUES DE PERTINENCE …………………………………………………………….. 94 SUR LE SIXIEME MOYEN (PRINCIPE D’EGALITE DES ARMES) ………………………………………………………………… 94 SUR LE SEPTIEME MOYEN (LES « SIX CASQUETTES » DE L’ADMINISTRATION DES CONTRIBUTIONS DIRECTES ET L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES)……………………………………………………………………………………………………………………….. 99 UN MOYEN QUI N’EST PAS FONDE ……………………………………………………………………………………………………. 100 DES QUESTIONS PREJUDICIELLES DEPOURVUES DE PERTINENCE …………………………………………………………… 101 58SUR LE HUITIEME MOYEN (LES « SIX CASQUETTES » DE L’ADMINISTRATION DES CONTRIBUTIONS DIRECTES ET L’ARTICLE 47 DE LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L’UNION EUROPEENNE) ………………………… 101 UN MOYEN IRRECEVABLE POUR ETRE TIRE DE LA VIOLATION D’UNE DISPOSITION ETRANGERE AU LITIGE ….. 103 A TITRE SUBSIDIAIRE : UN MOYEN QUI N’EST PAS FONDE …………………………………………………………………….. 105 DES QUESTIONS PREJUDICIELLES DEPOURVUES DE PERTINENCE …………………………………………………………… 105 SUR LE NEUVIEME MOYEN (LA VIOLATION PAR L’ADMINISTRATION DES CONTRIBUTIONS DIRECTES DE SON DEVOIR DE BONNE ADMINISTRATION DECOULANT DE L’ARTICLE 41 DE LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L’UNION EUROPEENNE) ………………………………………………………………………………… 105 UN MOYEN IRRECEVABLE POUR ETRE TIRE DE LA VIOLATION D’UNE DISPOSITION ETRANGERE AU LITIGE ….. 107 A TITRE SUBSIDIAIRE : UN MOYEN QUI N’EST PAS FONDE …………………………………………………………………….. 107 UNE QUESTION PREJUDICIELLE DEPOURVUE DE PERTINENCE ……………………………………………………………….. 107 SUR LE DIXIEME MOYEN (VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE PAR SUITE DU DECES DU PREPOSE PERSONNE2.) ET DE LA PERTE DES NOTES MANUSCRITES DE CE DERNIER) ………………………………………….. 107 SUR LE ONZIEME MOYEN (VIOLATION DU DROIT D’ETRE INFORME DANS LE PLUS COURT DELAI DE L’ACCUSATION) ………………………………………………………………………………………………………………………….. 110 SUR LE DOUZIEME MOYEN (MECONNAISSANCE DU POINT DE DEPART DU DELAI RAISONNABLE AU SENS DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES)……………………………………………………………………………………………………………………… 112 UN MOYEN QUI NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI ……………………………………………………………………………………. 115 A TITRE SUBSIDIAIRE : UN MOYEN QUI N’EST PAS FONDE …………………………………………………………………….. 115 SUR LE TREIZIEME MOYEN (VIOLATION DU PRINCIPE DE LA PRESOMPTION D’INNOCENCE) …………………… 115 UN MOYEN QUI NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI ……………………………………………………………………………………. 116 A TITRE SUBSIDIAIRE : UN MOYEN QUI N’EST PAS FONDE …………………………………………………………………….. 116 SUR LE QUATORZIEME MOYEN (VIOLATION DE LA LIBERTE D’ENTREPRISE AU SENS DE L’ARTICLE 16 DE LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L’UNION EUROPEENNE) …………………………………………………… 117 UN MOYEN IRRECEVABLE POUR ETRE TIRE DE LA VIOLATION D’UNE DISPOSITION ETRANGERE AU LITIGE ….. 118 A TITRE SUBSIDIAIRE : UN MOYEN QUI N’EST PAS FONDE …………………………………………………………………….. 118 UNE QUESTION PREJUDICIELLE DEPOURVUE DE PERTINENCE ……………………………………………………………….. 119 SUR LE QUINZIEME MOYEN (VIOLATION DE L’OBLIGATION DE MOTIVATION, DU PRINCIPE DE LOYAUTE ET DU PRINCIPE D’ESTOPPEL) ………………………………………………………………………………………………………………… 119 MOYEN INOPERANT POUR CRITIQUER UNE CONTRADICTION ENTRE DES MOTIFS SURABONDANTS ……………… 120 A TITRE SUBSIDIAIRE : LE MOTIF DE LA COUR D’APPEL N’EST, EN FAIT, EN RIEN CONTRADICTOIRE A CELUI DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF ……………………………………………………………………………………………………………… 120 A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE : UN MOYEN QUI NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI …………………………………………….. 121 SUR LE SEIZIEME ET LE DIX-SEPTIEME MOYEN REUNIS (VIOLATION DE L’AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE) … 122 UN MOYEN QUI MANQUE EN FAIT …………………………………………………………………………………………………….. 124 A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE : UN MOYEN QUI NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI …………………………………………….. 124 SUR LE DIX-HUITIEME MOYEN (PRESCRIPTION DE L’ACTION PUBLIQUE) …………………………………………….. 125 UN MOYEN QUI N’EST PAS FONDE ……………………………………………………………………………………………………. 127 UNE QUESTION PREJUDICIELLE DEPOURVUE DE PERTINENCE ……………………………………………………………….. 127 SUR LE DIX-NEUVIEME MOYEN (ABSENCE DE RECOURS EFFECTIF AUX FINS DE CONTROLER LE COMPORTEMENT DE L’ADMINISTRATION DES CONTRIBUTIONS DIRECTES) ………………………………………… 128 UN MOYEN QUI MANQUE EN FAIT …………………………………………………………………………………………………….. 128 A TITRE SUBSIDIAIRE : UN MOYEN QUI N’EST PAS FONDE …………………………………………………………………….. 129 SUR LE VINGTIEME MOYEN (LEGALITE DES PEINES) …………………………………………………………………………. 130 UN MOYEN IRRECEVABLE POUR REMETTRE EN CAUSE LA LEGALITE DES DECISIONS D’IMPOSITION ……………. 134 59A TITRE SUBSIDIAIRE : UN MOYEN PARTIELLEMENT IRRECEVABLE POUR ETRE TIRE DE LA VIOLATION DE DISPOSITIONS ETRANGERES AU LITIGE ……………………………………………………………………………………………… 135 A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE : UN MOYEN IRRECEVABLE POUR CRITIQUER LE CARACTERE IMPRECIS D’UNE NOTION QUI EST ETRANGERE AUX TEXTES D’INCRIMINATION APPLICABLES …………………………………………… 136 A TITRE ENCORE PLUS SUBSIDIAIRE : UN MOYEN QUI NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI …………………………………. 136 A TITRE DE DERNIERE SUBSIDIARITE : UN MOYEN QUI N’EST PAS FONDE ……………………………………………….. 136 DES QUESTIONS PREJUDICIELLES DEPOURVUES DE PERTINENCE …………………………………………………………… 137 SUR LES VINGT-ET-UNIEME ET VINGT-DEUXIEME MOYEN REUNIS (ELEMENT MORAL DU DELIT D’ESCROQUERIE FISCALE) ……………………………………………………………………………………………………………………………………. 137 DES MOYENS QUI NE SAURAIENT ETRE ACCUEILLIS ……………………………………………………………………………. 138 A TITRE SUBSIDIAIRE : DES MOYENS QUI NE SONT PAS FONDES …………………………………………………………….. 138 Sur le vingt-et-unième moyen, tiré de la violation de l’article 396 de la loi générale des impôts …………. 138 Sur le vingt-deuxième moyen, tiré d’une contradiction de motifs ……………………………………………………. 141 SUR LE VINGT-TROISIEME MOYEN (MANŒUVRES FRAUDULEUSES – CONTRADICTION DE MOTIFS) ………… 141 UN MOYEN QUI NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI ……………………………………………………………………………………. 142 A TITRE SUBSIDIAIRE : MOYEN IRRECEVABLE POUR SOULEVER UN GRIEF ETRANGER AU CAS D’OUVERTURE . 142 SUR LE VINGT-QUATRIEME ET LE VINGT-SIXIEME MOYEN REUNIS (VIOLATION DE L’ACCORD ENTRE LA COMMUNAUTE EUROPEENNE ET SES ETATS MEMBRES, D’UNE PART, ET LA CONFEDERATION SUISSE, D’AUTRE PART, SUR LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES, SIGNE LE 21 JUIN 1999) ………………………………………. 143 DES MOYENS IRRECEVABLES POUR REMETTRE EN CAUSE LA LEGALITE DES DECISIONS D’IMPOSITION ……….. 147 A TITRE SUBSIDIAIRE : DES MOYENS IRRECEVABLES POUR ETRE TIRES DE LA VIOLATION DE DISPOSITIONS ETRANGERES AU LITIGE …………………………………………………………………………………………………………………. 148 A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE EN CE QUI CONCERNE LE VINGT-SIXIEME MOYEN : UN MOYEN QUI NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI …………………………………………………………………………………………………………………………………… 148 DES QUESTIONS PREJUDICIELLES DEPOURVUES DE PERTINENCE …………………………………………………………… 148 SUR LE VINGT-CINQUIEME MOYEN (VIOLATION DE LA LIBRE CIRCULATION DES CAPITAUX GARANTI PAR L’ARTICLE 63 DU TRAITE SUR LE FONCTIONNEMENT DE L’UNION EUROPEENNE) …………………………………. 149 SUR LE VINGT-SEPTIEME MOYEN (DEFAUT DE SAISINE DE LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE) ……………………………………………………………………………………………………………………………………………….. 150 LA COUR D’APPEL N’ETAIT PAS TENUE DE SAISIR LA COUR DE JUSTICE …………………………………………………. 152 A TITRE SUBSIDIAIRE : LES QUESTIONS PROPOSEES ETAIENT DEPOURVUES DE PERTINENCE ……………………… 152 DES QUESTIONS PREJUDICIELLES DEPOURVUES DE PERTINENCE …………………………………………………………… 153 SUR LE VINGT-HUITIEME MOYEN (DEFAUT DE SAISINE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE)……………………. 153 DES QUESTIONS PREJUDICIELLES QUI N’ETAIENT PAS NECESSAIRES POUR PERMETTRE A LA COUR D’APPEL DE RENDRE SON ARRET ………………………………………………………………………………………………………………………. 156 Sur la première et la troisième question ……………………………………………………………………………………… 156 Sur la deuxième question ………………………………………………………………………………………………………….. 158 DES QUESTIONS PREJUDICIELLES DEPOURVUES DE PERTINENCE …………………………………………………………… 158 60 Par déclaration faite le 20 janvier 2022 au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître AVOCAT2.), avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, forma au nom et pour le compte de PERSONNE1.) un recours en cassation contre un arrêt n° 416/21 V rendu le 21 décembre 2021 par la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, statuant contradictoirement.
Cette déclaration de recours a été suivie en date du 17 février 2022 du dépôt d’un mémoire en cassation, signé par Maître AVOCAT1.), avocat à la Cour, demeurant à
___, signifié antérieurement à son dépôt à la partie civile, Monsieur le Receveur de Recette des Contributions directes.
Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi respecte les conditions de recevabilité définies par les articles 41 et 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation1.
Il en suit qu’il est recevable.
Sur les faits Il résulte de l’arrêt attaqué que PERSONNE1.) avait été condamné par une chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg à une peine d’emprisonnement de 15 mois, assortie d’un sursis probatoire et à une amende de 300.000.- euros pour tentative d’escroquerie fiscale. Sur appel du prévenu et du Ministère public, la Cour d’appel ramena la peine d’emprisonnement à 6 mois, assortit cette peine du sursis, ramena l’amende à 100.000.-
euros et confirma le jugement pour le surplus.
Sur le premier moyen et le deuxième moyen réunis (défaut de « caractère intégré » des décisions fiscales et pénales) Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 3, de cette Convention, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en rejetant un moyen de défense tiré de ce que les articles visés exigeraient l’intégration du jugement rendu par le tribunal administratif sur le recours du demandeur en cassation contre son imposition dans le dossier pénal, ce qui impliquerait le défaut de contradiction entre ce qui 1 Le délai du pourvoi, d’un mois, prévu par l’article 41 de la loi précitée de 1885 a été respecté, la déclaration du pourvoi, le 20 janvier 2022, contre un arrêt contradictoire prononcé le 21 décembre 2021, ayant eu lieu moins d’un mois après la date du prononcé de l’arrêt attaqué. Le délai du dépôt du mémoire, d’un mois, prévu par l’article 43, alinéa 1, de la même loi a de même été respecté, le mémoire ayant été déposé le 17 février 2022, donc moins d’un mois après la date de la déclaration de pourvoi. Le mémoire de la partie condamnée et défenderesse au civil a été, conformément à l’article 43, alinéa 2, de la loi précitée, signifié à la partie civile antérieurement à son dépôt.
Le mémoire a été, conformément à l’article 43, alinéa 1, précité, signé par un avocat à la Cour, il précise les dispositions attaquées et contient les moyens de cassation.
61a été jugé par le juge administratif et ce qui a été jugé par le juge pénal, aux motifs que « Il convient de préciser qu’il y a autonomie de la loi pénale par rapport aux règles de nature civile ou administrative. En effet, le droit pénal est autonome dans la mesure où les définitions, les sanctions et les principes qu’il comporte lui sont propres. Inversement, les concepts des autres disciplines sont sans incidence en droit pénal, car chaque matière poursuit ses propres finalités. Conformément aux articles 84, 85 et 95 bis, alinéa 1er, de la Constitution, le tribunal administratif connaît du contentieux fiscal dans les cas et sous les conditions à déterminer par le législateur. Ainsi, la connaissance des contestations des décisions du directeur de l’administration des contributions directes en matière de contestations des bulletins d’impôt est attribuée aux juridictions administratives. Par ailleurs, quant au principe que le juge de l’action est le juge de l’exception sauf disposition contraire, l’article 468 de la loi générale des impôts, qui n’a pas été abrogé, dispose : « (1) Hängt eine Verurteilung wegen Steuerhinterziehung oder Steuergefährdung davon ab, ob ein Steuervorteil zu Unrecht besteht oder ob und in welcher Höhe ein Steueranspruch verkürzt oder ein Steuervorteil zu Unrecht gewährt ist, und hat das Verwaltungsgericht über diese Frage entschieden, so bindet dessen Entscheidung das Gericht. Liegt eine Entscheidung des Verwaltungsgerichts nicht vor, sind die Fragen jedoch von Finanzbehörden oder Finanzgerichten zu entscheiden, so hat das Gericht das Strafverfahren auszusetzen, bis über die Fragen rechtskräftig entschieden worden ist. Entscheidet das Verwaltungsgericht, so bindet dessen Entscheidung das Gericht. Ergeht keine Entscheidung des Verwaltungsgerichts, so hat das Gericht, wenn es von der rechtskräftigen Entscheidung des Finanzamts oder der Rechtsmittelbehörde abweichen will, die Entscheidung des Verwaltungsgerichts einzuholen. Es übersendet die Akten dem Verwaltungsgericht. Seine Entscheidung ist bindend. ». La décision rendue par les juridictions administratives en matière fiscale s’impose dès lors aux juridictions pénales, et notamment à la Cour d’appel. Il s’ensuit que la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle n’est pas compétente pour connaître des questions de nature fiscale invoquées par la défense en relation avec le jugement rendu par le tribunal administratif le 23 octobre 2013, jugement qui n’a pas été entrepris par PERSONNE1.) et qui est donc coulé en force de chose jugée. Finalement, il n’y a pas lieu de confondre la loi pénale avec la notion autonome de « matière pénale » au sens que lui donne la CEDH pour étendre largement les garanties du procès équitable (article 6 de la Convention) et le principe de la légalité des délits et des peines (article 7 de la Convention). Cette dernière notion s’étend en effet à des infractions et sanctions disciplinaires ou administratives chaque fois que la CEDH, en raison soit de la qualification juridique de l’infraction, soit de la nature même de celle-ci, soit de la nature et du degré de sévérité de la sanction, estime qu’elle revêt un caractère pénal (CEDH, 8 juin 1976, Engel et autres c./ Pays-
Bas). Ainsi, la CEDH a notamment décidé que relevait de la « matière pénale » la sanction administrative de majoration d’impôt (CEDH, A.et B. c/ Norvège) ou encore la sanction prononcée par l’autorité des marchés financiers pour une opération de manipulation du cours d’une action (CEDH, Nodet c/ France). Ces décisions de la CEDH, invoquées par la défense de PERSONNE1.), n’exigent cependant pas qu’il y ait « intégration des décisions administratives et correctionnelles » pour chaque affaire émanant d’autorités administratives fiscales en marge d’un procès pénal. »2 et que « Le principe de l’exception de la chose jugée au pénal, qui se traduit par l’adage « non bis in idem », constitue un principe général du droit et est donc consacré par l’article 4 du 7e Protocole additionnel à la Convention. D’après ces dispositions, un même fait pénal, ayant déjà fait l’objet d’un jugement définitif au fond, c’est-
à-dire passé en force de chose jugée, ne peut pas faire l’objet de nouvelles poursuites. Par ailleurs, il est généralement admis par la jurisprudence que les peines pénales ne doivent pas être confondues avec les mesures punitives émanant d’autorités administratives, fiscales ou 2 Arrêt attaqué, page 55, sous « Au pénal », troisième alinéa, à page 56, cinquième alinéa.
62disciplinaires en marge d’un procès pénal, même si elles peuvent être ressenties comme telles par la personne concernée. Ces mesures demeurent fondamentalement administratives et ne constituent pas des peines. En ce sens, la Cour de cassation de Belgique a notamment décidé que : « L’établissement et le recouvrement d’un impôt font l’objet d’une procédure administrative dans le cadre de laquelle l’administration fiscale poursuit le paiement d’impôts légalement dus. Il ne s’agit pas d’une procédure pénale. En outre, un impôt n’est pas une peine.
Par conséquent, le principe non bis in idem n’est pas applicable en la matière.» (Cour de cassation de Belgique, 2e chambre, 21 mai 2019, RG P.19.0104.N., Pasicrisie belge, p. 1111).
Cependant, l’existence ou non d’une « accusation en matière pénale » doit s’apprécier sur base de trois critères, désignés sous le nom de « critères Engel » et dégagés par l’affaire Engel et autres contre Pays-Bas rendu par la CEDH le 8 juin 1976, à savoir la qualification juridique de l’infraction en droit interne, la nature de l’infraction et la sévérité de la sanction. En l’occurrence, le jugement du tribunal administratif du 23 octobre 2013 a été rendu sur base d’une requête déposée par le mandataire de PERSONNE1.) tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur de l’Administration des Contributions directes du 25 avril 2012 qui a rejeté la réclamation concernant les bulletins d’impôts sur le revenu des années 2002 à 2007, décision ayant pour origine le fait que PERSONNE1.) n’a pas déposé de déclarations conformément à l’article 116 de la loi générale des impôts et le fait que ce dernier n’a pas, conformément à l’article 162 de la loi générale des impôts, tenu une comptabilité simplifiée, de sorte que le bureau d’imposition concerné a procédé, conformément à l’article 217 de la loi générale des impôts, à une imposition par voie de taxation d’office en se basant sur les relevés des prestations remboursés par la CNS. Il ressort encore de ce jugement que, selon ce procédé, le contribuable a la possibilité de contester l’impôt ainsi fixé d’office en apportant des preuves de ses revenus et dépenses. Il ne ressort pas de ce jugement rendu en matière fiscale, que PERSONNE1.) a fait l’objet d’une sanction ayant le caractère d’une punition fiscale tel que définie par la jurisprudence de la CEDH dans la mesure où il y a eu un procédé de détermination des bases d’imposition au vu des éléments à disposition de l’administration fiscale et la possibilité de contester la décision. La procédure devant le tribunal administratif n’était donc pas de nature pénale, de sorte que d’après la jurisprudence de la CEDH il devient superfétatoire d’analyser les autres critères dégagés par l’arrêt Engel et le moyen est partant à rejeter. »3, alors que les articles précités exigent l’intégration du jugement du tribunal administratif au dossier pénal, donc l’autorité de chose jugée de ce dernier, y compris en ce qui concerne ses motifs, et oblige le juge pénal à ne pas contredire ce qui a été constaté dans ce jugement, y compris dans les motifs de ce dernier, que la Cour d’appel a cependant méconnu cette autorité de chose jugée en retenant que l’Administration des contributions directes avait pris une décision de radiation du demandeur en cassation des listes fiscales après avoir été induit en erreur par un courrier du comptable de ce dernier tandis que le tribunal administratif avait, au contraire, retenu que l’Administration fiscale n’avait pris aucune décision de ce type et que le courrier du comptable dont la Cour d’appel a déduit l’existence d’une telle décision de radiation n’était pas de nature à en établir l’existence.
Le demandeur en cassation a été condamné pour tentative d’escroquerie fiscale. Ce délit, prévu à l’époque des faits par les articles 396, paragraphe 5, et 397, paragraphes 1 et 2, de la loi générale des impôts, sanctionne le fait d’avoir commis une fraude ou, comme en l’espèce, une tentative de fraude fiscale ayant la double caractéristique d’avoir porté sur un montant significatif d’impôt, soit en montant absolu, soit en rapport avec l’impôt annuel dû, et d’avoir 3 Idem, page 56, antépénultième alinéa, à page 57, sixième alinéa.
63été commise par l’emploi systématique de manœuvres frauduleuses tendant à dissimuler des faits pertinents à l’Administration fiscale ou à la persuader de faits inexacts4.
Les manœuvres frauduleuses consistaient, suivant le libellé de condamnation, dans ce qui suit :
« […] avoir, sciemment, par l’emploi systématique de manœuvres frauduleuses tendant à dissimuler des faits pertinents à l’autorité ou à la persuader de faits inexacts, manœuvres ayant consisté notamment dans le fait d’avoir habituellement et de façon non-interrompue exercé sa profession libérale de médecin-dentiste et perçu des revenus au Luxembourg dans une base fixe établie d’abord à Bonnevoie et ensuite à Mamer bien qu’il ait informé en 2003 deux fonctionnaires de l’Administration des Contributions Directes (PERSONNE3.) et PERSONNE2.)) du fait qu’il n’avait plus de résidence au Luxembourg et qu’il avait transféré son domicile et sa résidence fiscale vers la Suisse dans l’intention de réduire sa présence au Luxembourg, suggérant ainsi une cessation imminente de ses activités professionnelles au Luxembourg, ainsi que dans le fait d’avoir mis en place/fait mettre en place et utilisé des structures juridiques destinées à éviter tout recouvrement des impôts dus, ainsi que finalement le fait de ne pas avoir tenu la comptabilité simplifiée, conformément à l’article 162 de la loi générale des impôts »5.
La tentative d’escroquerie fiscale avait l’objet suivant :
« Depuis le début de l’année 2003 jusqu’au 6 février 2019, dans l’arrondissement judiciaire de Luxembourg et notamment à Bonnevoie, à Mamer et au bureau d’imposition X sis à L-4003 Esch-sur-Alzette, 49, rue de l’Alzette, 4 L’incrimination d’escroquerie fiscale a été introduite par une loi du 22 décembre 1993 (Mémorial, A, 1993, n° 99, du 24 décembre 1993, page 2024), complétant l’article 396 de la loi générale des impôts d’un paragraphe 5, libellé comme suit : « (5) Si la fraude porte sur un montant significatif d’impôt soit en montant absolu soit en rapport avec l’impôt annuel dû et a été commise par l’emploi systématique de manœuvres frauduleuses tendant à dissimuler des faits pertinents à l’autorité ou à lui persuader des faits inexacts, elle sera punie comme escroquerie fiscale d’un emprisonnement d’un mois à cinq ans et d’une amende de cinquante mille francs à un montant représentant le décuple des impôts éludés. ». L’article 397, paragraphes 1 et 2, de la même loi disposent depuis leur origine (la loi générale des impôts (Abgabenordnung) est une loi allemande du 22 mai 1931, qui a été, suite à l’occupation allemande de 1940, reprise en droit luxembourgeois par un règlement du 30 septembre 1940) que :
« (1) Der Versuch der Steuerhinterziehung ist strafbar. (2) Die für die vollendete Tat angedrohte Strafe gilt auch für den Versuch. ». Une loi du 23 décembre 2016 portant mise en œuvre de la réforme fiscale 2017 (Mémorial, A, 2016, n° 274, du 27 décembre 2016) a modifié l’article 396 précité, (notamment en dépénalisant la fraude fiscale simple et en introduisant la fraude fiscale aggravée) transférant (en outre) le texte de l’ancien paragraphe 5, dans un paragraphe 6, nouveau, et augmentant le minimum de l’amende (qui était de 50.000.- francs) à 25.000.-
euros. Les faits de l’espèce s’étendent de 2003 au 6 février 2019 (arrêt attaqué, page 28, antépénultième alinéa (libellé de condamnation du jugement de première instance, non modifié en appel)). Le cas d’espèce souleva donc une question d’application de la loi dans le temps, qui a été résolu par la Cour d’appel comme suit : « En l’occurrence, la loi du 22 décembre 1993 a complété l’article 396 en y ajoutant un nouvel alinéa 5 pour intégrer l’escroquerie fiscale dans le système des infractions de la loi générale des impôts. La loi du 23 décembre 2016 a modifié ces dispositions en aggravant les peines et a subdivisé les infractions fiscales en fraude simple, qui a été dépénalisée, en fraude aggravée et en escroquerie, qui sont restées des délits pénalement punissables. Le tribunal a donc correctement tenu compte des modifications introduites par la loi du 23 décembre 2016 dans la mesure où l’infraction qui est reprochée à PERSONNE1.) remplit les critères du nouveau libellé de l’escroquerie fiscale réprimée par l’article 396(6) de la loi générale des impôts, les peines qui trouvent à s’appliquer étant celles-ci qui sont prévues par la loi du 22 décembre 1993 dans la mesure où celles-ci sont plus douces. » (arrêt attaqué, page 67, deuxième et troisième alinéa).
5 Arrêt attaqué, page 28, dernier alinéa (libellé de condamnation des premiers juges, non remis en cause par la Cour d’appel) (c’est nous qui soulignons).
64 de s’être rendu coupable de tentative d’escroquerie fiscales, la tentative de fraude – portant sur un montant significatif d’impôt soit en montant absolu, soit en rapport avec l’impôt annuel dû – ayant été commise par l’emploi systématique de manœuvres frauduleuses tendant à dissimuler des faits pertinents à l’autorité ou à la persuader de faits inexacts […] [dont l’objet était d’avoir] omis de déclarer à l’Administration des Contributions Directes et ainsi soustrait à l’impôt, pour les années fiscales 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012, des revenus imposables provenant de l’exercice de la profession libérale de médecin-dentiste, soit :
o pour l’année 2002 un montant total de 521.397,73 € o pour l’année 2003 un montant total de 475.672,97 € o pour l’année 2004 un montant total de 824.501,90 € o pour l’année 2005 un montant total de 990.993 € o pour l’année 2006 un montant total de 1.000.427,68 € o pour l’année 2007 un montant total de 816.502,68 € o pour l’année 2008 un montant total de 1.129.165,25 € o pour l’année 2009 un montant total de 1.308.304,38 € o pour l’année 2010 un montant total de 1.468.494,43 € o pour l’année 2011 un montant total de 1.398.401,70 € soit un total de revenus imposables de 11.106.791,80 €, et pour avoir ainsi tenté de frauder les montants suivants en impôts sur le revenu, à savoir :
o pour l’année 2002 un montant total de 189.478 € o pour l’année 2003 un montant total de 172.067 € o pour l’année 2004 un montant total de 308.100 € o pour l’année 2005 un montant total de 373.030 € o pour l’année 2006 un montant total de 377.567 € o pour l’année 2007 un montant total de 304.458 € o pour l’année 2008 un montant total de 423.859 € o pour l’année 2009 un montant total de 497.800 € o pour l’année 2010 un montant total de 558.698 € o pour l’année 2011 un montant total de 566.665 € o pour l’année 2012 un montant total de 474.312 € soit un montant total d’impôt éludé de 4.246.034 €, partant à se procurer indûment des avantages fiscaux injustifiés et à provoquer intentionnellement à son profit la réduction de recettes fiscales d’un montant significatif en rapport avec les montants annuels dus des années fiscales 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 »6.
6 Idem, page 28, antépénultième alinéa, et page 29, deuxième au quatrième alinéa.
65L’Administration des contributions directes avait, à défaut de déclarations fiscales du demandeur en cassation, procédé à une imposition forfaitaire de ce dernier, qui attaqua devant le tribunal administratif les impositions se rapportant aux années 2002 à 2007, recours qui fut rejeté par un jugement coulé en force de chose jugée, le demandeur en cassation n’ayant pas interjeté appel du jugement qui refusa de faire droit à ses conclusions :
« Par jugement du 23 octobre 2013 de la première chambre du Tribunal administratif de Luxembourg, coulé en force de chose jugée en l’absence de tout appel, le recours du Dr. PERSONNE1.) contre les impositions forfaitaires par voie de taxation des années 2002 à 2007 a été déclaré non fondé. »7.
Dans le cadre de ce recours devant le tribunal administratif, le demandeur en cassation avait invoqué notamment un moyen tendant à la « nullité de l’imposition pour défaut d’information antérieure du contribuable »8. Ce moyen avait pour objet d’affirmer « que le préposé du bureau d’imposition compétent aurait antérieurement admis le principe de son non-
assujettissement et aurait même refusé ses déclarations pour les années d’imposition 2001 et 2002, de sorte que l’administration des Contributions directes ne saurait revenir sur le principe de non-assujettissement au titre des années en litige »9.
Il exposa à cet effet « avoir informé le préposé du bureau d’imposition compétent lors d’une entrevue qui aurait eu lieu le 8 juillet 2003 avoir déplacé son domicile et sa résidence à l’étranger, avoir cédé l’immeuble d’exploitation de son cabinet médical à d’autres confrères et avoir fortement réduit sa présence au Luxembourg, ce qui aurait amené le bureau d’imposition à clôturer son dossier fiscal dans le sens de son non-assujettissement, position que le bureau d’imposition aurait expressément confirmée par un courrier du 22 juillet 2003 »10.
Le tribunal administratif rejeta ce moyen aux motifs que :
« Deux constats s’imposent au tribunal en ce qui concerne ce moyen : Force est de prime abord de constater que le demandeur reste en défaut de préciser, voire seulement d’indiquer quelle règle ou principe de droit aurait été violé par l’administration des Contributions directes, violation qui justifierait la « nullité » de l’imposition, et en particulier quelle disposition légale ou autre impératif imposerait l’information préalable telle que revendiquée.
Il convient ensuite, en sus de ce défaut de tout développement juridique, de constater que factuellement les affirmations du demandeur avancées à l’appui de ce moyen – outre d’être formellement contestées par l’Etat – restent en l’état de pure allégation, le demandeur, encore que son litismandataire ait affirmé que « Les différents témoignages ne pouvant être produits au moment de l’introduction du recours, ils seront produits par la suite par la partie requérante », n’ayant versé aucune pièce susceptible d’étayer ses affirmations quant à une décision de « clôture » pris prétendument en 2003 par l’administration des Contributions directes. A cet égard, le tribunal constate encore de concert avec le Délégué de gouvernement que le courrier daté du 22 juillet 2003 7 Idem, page 5, cinquième alinéa.
8 Jugement du tribunal administratif du 23 octobre 2013, n° 30943 du rôle (reproduit comme pièce n° 10 annexée au mémoire en cassation), page 7, dernier alinéa.
9 Idem, page 7, avant-dernier alinéa (c’est nous qui soulignons).
10 Idem et loc.cit. (c’est nous qui soulignons).
66n’émane pas de l’administration des Contributions directes, mais de la fiduciaire assistant le contribuable, de sorte à ne pas être de nature à établir un quelconque accord de l’administration avec son contenu.
[…] […] il ne résulte d’aucun élément communiqué au tribunal qu’en l’espèce l’administration des Contributions directes ait donné de quelconques assurances au contribuable, le tribunal ayant encore tout spécialement interrogé lors de l’audience des plaidoiries le litismandataire du demandeur quant aux éventuelles pièces ou témoignages censés accréditer la version du demandeur.
Il s’ensuit qu’à défaut d’informations, d’incitations ou d’assurances données par l’administration des Contributions directes à Monsieur PERSONNE1.) quant à son non assujettissement, ce dernier ne saurait se prévaloir d’une violation du principe de la bonne foi ou de la légitime confiance. »11.
Dans le cadre de la poursuite pénale, le tribunal correctionnel et la Cour d’appel constatèrent cependant que les explications du demandeur en cassation avaient momentanément convaincu le préposé du bureau d’imposition à renoncer, sur base de ces explications, à imposer ce dernier.
La Cour d’appel constata à cet effet ce qui suit :
« Il est constant en cause que dans une première phase, PERSONNE1.) a demandé aux fonctionnaires du bureau d’imposition en charge de son dossier fiscal un rendez-vous pour se renseigner sur sa situation fiscale. Ainsi, PERSONNE1.) et son comptable à l’époque des faits, PERSONNE4.), ont rencontré les fonctionnaires de l’administration fiscale, PERSONNE3.) et PERSONNE2.), le 8 juillet 2003.
La discussion de la situation fiscale de PERSONNE1.) a été résumée dans un compte-
rendu établi par PERSONNE4.) le 22 juillet 2003.
Ce compte-rendu figure au dossier pénal et est rédigé dans les termes suivants :
« Monsieur PERSONNE1.) est résident monégasque, il habite à Monaco où il a loué un appartement, ses enfants y habitent et y vont à l’école. Il est vrai qu’il vient au Luxembourg régulièrement à l’ordre de 90 à 110 jours par année, mais il n’a pas de domicile au Luxembourg et son lieu de séjour habituel est à l’étranger. Par conséquent, selon l’art. 13 et 14 du Steueranpassungsgesetz il n’est pas à considérer comme résident selon la loi fiscale luxembourgeoise : sont donc imposables uniquement les revenus d’origine luxembourgeoise. En particulier des revenus provenant de l’exercice d’une activité indépendante ne sont imposables que s’ils proviennent d’une base fixe luxembourgeoise. Le Dr PERSONNE1.) a transféré entretemps son domicile et sa résidence fiscale vers la Suisse essentiellement pour des raisons professionnelles. Il avait déjà cédé l’immeuble d’exploitation et l’installation de son cabinet d’implantologie et est en train de réduire sa présence physique au Luxembourg encore plus par la cession partielle projetée de son activité… Cette réduction de la 11 Idem, page 8, deuxième et troisième alinéa, et page 9, troisième et quatrième alinéa (c’est nous qui soulignons).
Ces motifs sont encore, en partie, cités par le demandeur en cassation dans la discussion du premier moyen (Mémoire en cassation, page 212, dernier alinéa, et page 22).
67présence physique est également conditionnée par un nouveau contrat de collaboration avec la société suisse… Suite à ces informations, le bureau d’imposition a donné son accord de clôturer le dossier du Dr PERSONNE1.) avec l’année 2001. » Le témoin PERSONNE3.) a déclaré au sujet de cette réunion devant la police le 6 février 2017 que: « Lors de la réunion en juillet 2003, Dr PERSONNE1.) a argumenté qu’il avait son domicile à Monaco et qu’il aurait encore une deuxième résidence en Suisse. Il nous a informés qu’il travaillait pour une société suisse dans le domaine de la technologie dentaire. Lors de cette réunion, il y a eu un accord que M.
PERSONNE1.) ne devrait pas être imposé au Grand-Duché si les faits sont tels que décrits par lui, c’est-à-dire qu’il n’aurait pas de base fixe au Luxembourg pour générer ses revenus. Je confirme que M. PERSONNE2.) a noté cela de manière manuscrite…. Dr PERSONNE1.) ne nous a pas renseignés à l’époque sur le fait qu’il avait un cabinet dentaire… il ne nous a rien dit à ce sujet… » et ce témoin a encore précisé que « Suite aux déclarations faites par Dr PERSONNE1.) ou son comptable lors de la réunion en juillet 2003, il a été décidé que Dr PERSONNE1.) ne serait pas imposé au Luxembourg. Vu qu’il déclarait qu’il n’avait pas de base fixe au Luxembourg. » Ce témoin a confirmé ses déclarations sous la foi du serment à l’audience des juges de première instance « Den Dr PERSONNE1.) sollt fir eng schwäizer Firma täteg sinn an zu Monaco wunnen. Eng base fixe wäer net ginn. » »12.
Elle ajouta que :
« Finalement, quant à l’argumentation de PERSONNE1.) basée sur l’existence d’un « ruling » qui lui aurait été accordé par l’Administration des contributions directes, ou encore l’argumentation basée sur le principe de « l’estoppel », celles-ci ne sont pas pertinentes. En effet, au vu des éléments ci-avant exposés, il est établi que ce dernier a volontairement trompé l’Administration des contributions directes de sorte que la décision relative à la clôture du dossier fiscal de PERSONNE1.) a été viciée et qu’il ne saurait être question de bonne foi dans le chef de ce dernier. »13.
La Cour d’appel considéra donc que l’Administration fiscale avait, sur base des explications fournies par le demandeur en cassation, adopté une décision de clôture du dossier fiscal tandis que le tribunal administratif considéra que cette preuve n’était pas rapportée.
Le demandeur tire argument de cette divergence d’appréciation sur ce point de fait par la Cour d’appel et le tribunal administratif au soutien de différents moyens, dont les deux premiers, tout comme le treizième, quinzième, seizième et dix-septième moyen.
M o y e n s i n o p é r a n t s p o u r c r i t i q u e r u n e c o n t r a d i c t i o n e n t r e d e s m o t i f s s u r a b o n d a n t s Les deux premiers moyens se résument à critiquer une contradiction entre un motif du jugement du tribunal administratif et un motif de l’arrêt attaqué de la Cour d’appel :
12 Arrêt attaqué, page 68, quatrième au dernier alinéa (passages mis en gras dans l’arrêt attaqué ; passage souligné par nous).
13 Idem, page 71, quatrième alinéa (c’est nous qui soulignons).
68- le tribunal administratif constate qu’il n’est pas établi que, suite aux affirmations du demandeur en cassation, faites en 2003 à l’égard de l’Administration fiscale, d’avoir cessé son activité imposable à Luxembourg, celle-ci a décidé de clôturer le dossier fiscal de l’intéressé, tandis que - la Cour d’appel se réfère à une « décision relative à la clôture du dossier fiscal »14 du demandeur en cassation adoptée à cette époque par l’Administration fiscale.
Cette contradiction a pour objet deux motifs de fait qui ne sont pas opérants, donc qui ne sont pas nécessaires pour soutenir le dispositif des deux décisions respectives, à savoir du jugement du tribunal administratif et de l’arrêt attaqué de la Cour d’appel :
- le tribunal administratif énonce ce motif – d’un défaut de preuve de l’existence d’une décision de clôture du dossier fiscal du demandeur en cassation – pour répondre à un moyen tiré de « la nullité de l’imposition pour défaut d’information antérieure du contribuable »15 ; or, ce moyen est rejeté, outre par le motif en question, également et, à titre principal, par un motif de droit tiré de ce que « le demandeur reste en défaut de préciser, voire seulement d’indiquer quelle règle ou principe de droit aurait été violé par l’administration des Contributions directes, violation qui justifierait la « nullité » de l’imposition, et en particulier quelle disposition légale ou autre imposerait l’information préalable telle que revendiquée »16, donc qu’il n’existe aucune base juridique pour une telle prétention ; le motif en question n’est ajouté qu’à titre surabondant, « en sus de ce défaut de tout développement juridique »17 ; le motif n’ayant qu’un caractère surabondant, le rejet du moyen reste légalement justifié même en en faisant abstraction ;
- la Cour d’appel constate certes, contrairement au tribunal administratif, l’existence d’une décision de clôture du dossier fiscal du demandeur en cassation, mais o ce constat s’insère dans le cadre d’une poursuite pénale pour tentative d’escroquerie fiscale ; dans le cadre de cette poursuite il n’est pas reproché au demandeur en cassation que ce dernier aurait commis une escroquerie fiscale en provoquant par sa fraude la décision de clôture du dossier fiscal ; le délit n’a pas été consommé, mais est resté en état de tentative parce que l’Administration fiscale « alertée par le Collège Médical, a découvert les manœuvres frauduleuses employées depuis 2003 et a décidé de procéder à des taxations d’office sur base des seuls éléments à sa disposition »18 ; la décision de clôture du dossier fiscal ne constitue pas un élément constitutif du délit poursuivi ; le libellé de condamnation ne se réfère pas à cette décision19 ; le libellé se limite dans cet ordre d’idées à reprocher au demandeur en cassation d’avoir « informé en 2003 deux fonctionnaires de l’Administration des Contributions Directes (PERSONNE3.) et PERSONNE2.)) du fait qu’il n’avait plus de résidence au Luxembourg et qu’il avait transféré son domicile et sa résidence fiscale vers la Suisse dans l’intention de réduire sa présence au Luxembourg, suggérant ainsi 14 Idem et loc.cit.
15 Jugement du tribunal administratif, page 7, avant-dernier alinéa, premier tiret.
16 Idem, page 8, deuxième alinéa.
17 Idem, même page, troisième alinéa.
18 Arrêt attaqué, page 28 (reproduisant le jugement de première instance), dixième alinéa.
19 Idem, même page, dernier alinéa (libellé de condamnation des juges de première instance, confirmé en appel).
69une cessation imminente de ses activités professionnelles au Luxembourg »20, sans se référer, à titre d’élément constitutif du délit, au résultat immédiat de cette manœuvre, à savoir la décision (momentanée) de clôture du dossier fiscal, qui a été rapportée par l’Administration fiscale dès que celle-ci a eu connaissance du caractère frauduleux de ces affirmations, ce qui a eu pour effet d’éviter l’escroquerie, qui est restée à l’état de tentative, de se consommer ; la question de l’existence de cette décision est donc étrangère à l’appréciation des éléments constitutifs du délit poursuivi ;
o ce constat est par ailleurs sans pertinence pour servir de cause de justification du délit, puisque la Cour d’appel constate que si l’Administration a décidé de clôturer le dossier fiscal du demandeur en cassation, ce dernier « a volontairement trompé l’Administration des contributions directes de sorte que la décision […] a été viciée et qu’il ne saurait être question de bonne foi dans le chef [du demandeur en cassation] »21.
Les motifs respectifs du tribunal administratif et de la Cour d’appel sont donc étrangers, d’une part, au rejet par le tribunal administratif du recours formé par le demandeur en cassation contre certaines des décisions de taxation d’office et, d’autre part, à la condamnation, par la Cour d’appel, du demandeur en cassation pour le délit de tentative d’escroquerie poursuivi à sa charge.
Les motifs sont surabondants, de sorte que, abstraction faite de toute autre considération, les moyens, qui critiquent leur contradiction, sont inopérants.
A t i t r e s u b s i d i a i r e : l e m o t i f d e l a C o u r d ’ a p p e l n ’ e s t , e n f a i t , e n r i e n c o n t r a d i c t o i r e à c e l u i d u t r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f Les moyens critiquent la Cour d’appel d’avoir contredit un motif du tribunal d’administratif qui aurait autorité de chose jugée. Cette contradiction a pour objet le constat par la Cour d’appel que l’Administration fiscale a, en 2003, (momentanément) clôturée, suite aux explications du demandeur en cassation, le dossier fiscal de ce dernier, qui se trouve en contradiction avec le constat par le tribunal administratif que l’existence d’une telle décision n’est pas établie.
Abstraction faite de toute autre considération relative à la pertinence de l’argumentation du demandeur en cassation relative à l’existence d’une autorité de chose jugée du jugement du tribunal administratif jusque dans ses motifs, il suffit de relever que, tandis que la Cour d’appel constata l’existence d’une décision de clôture du dossier fiscal, le tribunal administratif ne constata pas l’absence d’une telle décision, mais se limita à conclure que le demandeur en cassation n’avait, faute d’éléments de preuve suffisamment pertinents, pas réussi à établir la véracité de son allégation relative à l’adoption d’une telle décision. Le tribunal administratif se limita, en effet, à « constater que factuellement les affirmations du demandeur avancées à l’appui de ce moyen [tiré de la nullité de l’imposition pour défaut d’information antérieure du contribuable] […] restent en l’état de pure allégation »22.
20 Idem et loc.cit.
21 Idem, page 71, quatrième alinéa.
22 Jugement du tribunal administratif, page 8, troisième alinéa.
70Le tribunal administratif, contrairement à la Cour d’appel, ne se prononce donc pas de façon catégorique sur l’existence ou l’inexistence de la décision alléguée, mais laisse cette question en suspens, se limitant à conclure que celle-ci reste, en l’état des preuves qui étaient à ce moment à sa disposition, indécise. Comme dans la logique du recours contentieux devant le tribunal administratif il appartient au demandeur de rapporter la preuve de ses allégations, ce caractère indécis de la question implique le rejet de la prétention non suffisamment étayée par le demandeur.
L’autorité du motif, à supposer que celle-ci puisse exister, se limite donc tout au plus au constat que le demandeur en cassation n’a, à l’occasion de son recours, pas réussi à établir l’existence d’une décision de clôture de son dossier fiscal. Le tribunal administratif se limite donc à constater le caractère insuffisant des preuves invoquées par le demandeur en cassation pour établir la véracité de son allégation relative à l’existence d’une telle décision. Il ne conclut pas qu’une telle décision n’existe pas. Il laisse cette question ouverte. Ce motif n’est donc en rien contradictoire avec une décision ultérieure qui constate, sur base d’éléments de preuve nouveaux, l’existence de cette décision.
Il n’existe donc, en fait, aucune contradiction entre le constat du tribunal administratif, que le demandeur en cassation a, faute de verser des éléments de preuve suffisants, échoué à établir la véracité de son allégation relative à l’existence d’une décision de clôture de son dossier fiscal et le constat de la Cour d’appel que, sur base des éléments de preuve beaucoup plus nombreux et plus pertinents recherchés et réunis dans le cadre de la procédure pénale, il y a lieu de conclure qu’une telle décision a été adoptée.
Le motif du tribunal administratif n’étant en rien contradictoire avec celui de la Cour d’appel, les moyens, critiquant une méconnaissance par cette dernière de l’autorité de chose jugée qui s’attacherait à ce motif, manquent en fait.
A t i t r e p l u s s u b s i d i a i r e :
d é f a u t d e p e r t i n e n c e d e l a j u r i s p r u d e n c e i n v o q u é e d e l a C o u r d e S t r a s b o u r g Les deux premiers moyens ont pour objet de critiquer que la Cour d’appel, en admettant l’existence d’une décision de clôture du dossier fiscal du demandeur en cassation, aurait contredit le jugement du tribunal administratif et que cette contradiction méconnaîtrait un principe allégué « d’intégration » du jugement du tribunal administratif par le juge pénal qui découlerait de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg et impliquerait l’existence d’une autorité de chose jugée du jugement du tribunal administratif, y compris en ce qui concerne ses motifs.
Défaut de pertinence de la jurisprudence citée par suite du défaut de nature « pénale » du jugement du tribunal administratif Le principe allégué « d’intégration » est déduit de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg relative au principe non bis in idem consacré par l’article 4 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui dispose dans son paragraphe 1, que « [n]ul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat ».
71Suivant cette jurisprudence, précisée notamment par l’arrêt de Grande chambre A et B c.
Norvège23, « l’article 4 du Protocole n° 7 renferm[e] trois garanties distinctes et dispos[e] que nul i. ne p[eut] être poursuivi, ii. jugé ou iii. puni deux fois pour les mêmes faits »24. Cette interdiction de double poursuite, jugement ou punition suppose l’existence de deux procédures pénales. Cette notion de « procédure pénale » est interprétée par la Cour de façon autonome.
Cette interprétation s’effectue suivant des critères qui ont été élaborés par elle dans un arrêt Engel25 : « […] la Cour a appliqué, afin de déterminer si les procédures en question pouvaient être regardées comme « pénales » sur le terrain de l’article 4 du Protocole no 7, les trois critères Engel précédemment élaborés pour les besoins de l’article 6 de la Convention, à savoir 1) « la qualification juridique de l’infraction en droit interne », 2) « la nature même de l’infraction », et 3) le degré de sévérité de la sanction dont l’intéressé est passible, les deuxième et troisième critères étant alternatifs et pas nécessairement cumulatifs, mais sans exclure une approche cumulative »26.
Si l’une des deux procédures au sujet desquelles une violation du principe non bis in idem est alléguée n’est pas à qualifier de « pénale » au sens de la jurisprudence Engel, il n’y a, par hypothèse, pas de violation de ce principe et donc, dans la logique du raisonnement du demandeur en cassation, du principe accessoire d’une « intégration » de ces procédures.
Or, la Cour d’appel a constaté, en l’espèce, que le jugement du tribunal administratif n’était pas intervenu dans le cadre d’une « procédure pénale » au sens de la jurisprudence Engel :
« Le principe de l’exception de la chose jugée au pénal, qui se traduit par l’adage « non bis in idem », constitue un principe général du droit et est donc consacré par l’article 4 du 7e Protocole additionnel à la Convention.
D’après ces dispositions, un même fait pénal, ayant déjà fait l’objet d’un jugement définitif au fond, c’est-à-dire passé en force de chose jugée, ne peut pas faire l’objet de nouvelles poursuites.
Par ailleurs, il est généralement admis par la jurisprudence que les peines pénales ne doivent pas être confondues avec les mesures punitives émanant d’autorités administratives, fiscales ou disciplinaires en marge d’un procès pénal, même si elles peuvent être ressenties comme telles par la personne concernée. Ces mesures demeurent fondamentalement administratives et ne constituent pas des peines.
En ce sens, la Cour de cassation de Belgique a notamment décidé que :
«L’établissement et le recouvrement d’un impôt font l’objet d’une procédure administrative dans le cadre de laquelle l’administration fiscale poursuit le paiement d’impôts légalement dus. Il ne s’agit pas d’une procédure pénale. En outre, un impôt n’est pas une peine. Par conséquent, le principe non bis in idem n’est pas applicable en la matière.» (Cour de cassation de Belgique, 2e chambre, 21 mai 2019, RG P.19.0104.N., Pasicrisie belge, p. 1111).
23 Cour européenne des droits de l’homme, Grande chambre, 15 novembre 2016, A et B c. Norvège, n° 24130/11 et 29758/11.
24 Idem, § 110.
25 Idem, 8 juin 1976, Engel et autres c. Pays-Bas, série A n° 22.
26 Arrêt précité A et B c. Norvège, § 105.
72Cependant, l’existence ou non d’une « accusation en matière pénale » doit s’apprécier sur base de trois critères, désignés sous le nom de « critères Engel » et dégagés par l’affaire Engel et autres contre Pays-Bas rendu par la CEDH le 8 juin 1976, à savoir la qualification juridique de l’infraction en droit interne, la nature de l’infraction et la sévérité de la sanction.
En l’occurrence, le jugement du tribunal administratif du 23 octobre 2013 a été rendu sur base d’une requête déposée par le mandataire de PERSONNE1.) tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur de l’Administration des Contributions directes du 25 avril 2012 qui a rejeté la réclamation concernant les bulletins d’impôts sur le revenu des années 2002 à 2007, décision ayant pour origine le fait que PERSONNE1.) n’a pas déposé de déclarations conformément à l’article 116 de la loi générale des impôts et le fait que ce dernier n’a pas, conformément à l’article 162 de la loi générale des impôts, tenu une comptabilité simplifiée, de sorte que le bureau d’imposition concerné a procédé, conformément à l’article 217 de la loi générale des impôts, à une imposition par voie de taxation d’office en se basant sur les relevés des prestations remboursés par la CNS. Il ressort encore de ce jugement que, selon ce procédé, le contribuable a la possibilité de contester l’impôt ainsi fixé d’office en apportant des preuves de ses revenus et dépenses.
Il ne ressort pas de ce jugement rendu en matière fiscale, que PERSONNE1.) a fait l’objet d’une sanction ayant le caractère d’une punition fiscale tel que définie par la jurisprudence de la CEDH dans la mesure où il y a eu un procédé de détermination des bases d’imposition au vu des éléments à disposition de l’administration fiscale et la possibilité de contester la décision.
La procédure devant le tribunal administratif n’était donc pas de nature pénale, de sorte que d’après la jurisprudence de la CEDH il devient superfétatoire d’analyser les autres critères dégagés par l’arrêt Engel et le moyen est partant à rejeter. »27.
La Cour d’appel constate donc que le jugement du tribunal administratif a été rendu sur un recours « tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur de l’Administration des Contributions directes du 25 avril 2012 qui a rejeté la réclamation concernant les bulletins d’impôts sur le revenu des années 2002 à 2007, décision ayant pour origine le fait que PERSONNE1.) n’a pas déposé de déclarations conformément à l’article 116 de la loi générale des impôts et le fait que ce dernier n’a pas, conformément à l’article 162 de la loi générale des impôts, tenu une comptabilité simplifiée, de sorte que le bureau d’imposition concerné a procédé le bureau d’imposition concerné a procédé, conformément à l’article 217 de la loi générale des impôts, à une imposition par voie de taxation d’office en se basant sur les relevés des prestations remboursés par la CNS » 28. Le recours visait donc une décision d’imposition, donc une décision qui, par nature, n’a pas pour objet d’infliger une sanction administrative, voire une peine pénale.
Il en est ainsi d’autant moins que, suivant les constatations de la Cour d’appel :
27 Arrêt attaqué, page 56, antépénultième alinéa, à page 57, sixième alinéa.
28 Idem, page 57, quatrième alinéa.
73- « Il ressort encore de ce jugement que, selon ce procédé, le contribuable a la possibilité de contester l’impôt ainsi fixé d’office en apportant des preuves de ses revenus et dépenses »29 et que - « Il ne ressort pas de ce jugement rendu en matière fiscale, que PERSONNE1.) a fait l’objet d’une sanction ayant le caractère d’une punition fiscale tel que définie par la jurisprudence de la CEDH dans la mesure où il y a eu un procédé de détermination des bases d’imposition au vu des éléments à disposition de l’administration fiscale et la possibilité de contester la décision »30.
La Cour d’appel déduit à juste titre de ces constatations que le jugement du tribunal administratif ne relève pas d’une « procédure pénale » au sens de la jurisprudence Engel.
Il en suit que le principe allégué, d’une « intégration » de la procédure administrative ayant donné lieu au jugement du tribunal administratif à la procédure pénale ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour d’appel qui obligerait cette dernière de ne contredire aucun des motifs du jugement, déduite de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg relative à l’article 4 du Protocole n° 7, ne saurait trouver application.
Absence d’un principe « d’intégration » applicable en dehors de la problématique du principe non bis in idem La Cour de Strasbourg a jugé que le principe non bis in idem, garanti par l’article 4 du Protocole n° 7, n’empêche pas nécessairement les Etats à sanctionner de façon séparée, dans des procédures parallèles, un même fait de différentes « peines » au sens autonome de la Convention de sauvegarde :
« […] rien dans la Convention n’interdit dans tel ou tel cas de séparer en différentes phases ou parties le processus de fixation de la peine, de sorte que différentes peines peuvent être prononcées, successivement ou parallèlement, pour une infraction qu’il convient de qualifier de « pénale » au sens autonome que revêt ce mot sur le terrain de la Convention »31.
Cette situation peut se présenter, à titre d’illustration, en cas de procédures parallèles aux fins d’appliquer, en matière fiscale, pour les mêmes faits, auprès de juridictions différentes, des sanctions administratives et des peines pénales au sens strict pour fraude fiscale32.
Le respect du principe non bis in idem au sens de l’article 4 du Protocole n° 7 suppose cependant que ces sanctions parallèles soient « le fruit d’un système intégré permettant de réprimer un méfait sous ses différents aspects de manière prévisible et proportionnée et formant un tout cohérent, en sorte de ne cause aucune injustice à l’intéressé »33. En effet, « [l]’article 4 du Protocole n° 7 a pour objet d’empêcher l’injustice que représenterait pour une personne le fait d’être poursuivie ou punies deux fois pour le même comportement délictueux. Il ne bannit toutefois pas les systèmes juridiques qui traient de manière « intégrée » 29 Idem et loc.cit.
30 Idem, même page, cinquième alinéa.
31 Arrêt précité A et B c. Norvège, § 120.
32 Idem, § 114.
33 Idem, § 122.
74le méfait néfaste pour la société en question, notamment en réprimant celui-ci dans le cadre de phases parallèles menées par des autorités différentes à des fins différentes »34.
Pour que ces « procédures mixtes »35 respectent le principe non bis in idem, il faut qu’elles soient « unies par un « lien matériel et temporel suffisamment étroit ». Autrement dit, il doit être démontré que celles-ci se combin[ent] de manière à être intégrées dans un tout cohérent. »36.
Suivant la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, différents éléments sont pertinents pour statuer sur l’existence d’un lien suffisamment étroit du point de vue matériel entre les « procédures mixtes » en question. Elle relève à ce titre notamment « le point de savoir si les procédures en question ont été conduites d’une manière qui évite autant que possible toute répétition dans le recueil et dans l’appréciation des éléments de preuve, notamment grâce à une interaction adéquate entre les diverses autorités compétentes, faisant apparaître que l’établissement des faits effectué dans l’une des procédures a été repris dans l’autre »37.
Il a été vu ci-avant que la procédure devant le tribunal administratif n’est pas à qualifier de « procédure pénale » au sens autonome de la Convention. La question du respect du principe non bis in idem et, dans cet ordre d’idées, l’appréciation de la question de savoir si la présente poursuite pénale et la procédure devant le tribunal administratif constituent des « procédures mixtes » qui « se combin[ent] de manière à être intégrées dans un tout cohérent » ne se pose pas.
Or, cette problématique de l’intégration de différentes procédures « pénales » au sens autonome de la Convention de sauvegarde, ne se pose que dans le cadre de l’application du principe non bis in idem. Le demandeur en cassation postule cependant dans ses deux premiers moyens, tirés de la violation de l’article 6 de la Convention, l’existence d’un principe général « d’intégration » qui s’appliquerait même en dehors de la mise en œuvre de l’article 4 du Protocole n° 7. Cette prémisse n’est toutefois pas compatible avec la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, ainsi que le précisa à juste titre la Cour d’appel :
« Ces décisions de la CEDH, invoquées par la défense de PERSONNE1.), n’exigent cependant pas qu’il y ait « intégration des décisions administratives et correctionnelles » pour chaque affaire émanant d’autorités administratives fiscales en marge d’un procès pénal. »38.
Conclusion Le moyen, n’est à titre plus subsidiaire, pas fondé.
A t i t r e e n c o r e p l u s s u b s i d i a i r e :
r e s p e c t d u « p r i n c i p e d ’ i n t é g r a t i o n » a l l é g u é 34 Idem, § 123.
35 Idem, à titre d’illustration : § 130.
36 Idem et loc.cit.
37 Idem, § 132.
38 Arrêt attaqué, page 56, sixième alinéa.
75Il a été vu ci-avant, dans le cadre des développements faits à titre plus subsidiaire, que suivant la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, dans le cadre de l’appréciation du respect du principe non bis in idem garanti par l’article 4 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde, une procédure pénale au sens strict, donc au sens du droit interne, conduite de façon parallèle à une procédure administrative de nature « pénale » au sens autonome, donc large, de la Convention pour les mêmes faits respecte le principe précité si les deux procédures, pénale et administrative, sont suffisamment intégrées, ce qui implique notamment la vérification du « point de savoir si les procédures en question ont été conduites d’une manière qui évite autant que possible toute répétition dans le recueil et dans l’appréciation des éléments de preuve, notamment grâce à une interaction adéquate entre les diverses autorités compétentes, faisant apparaître que l’établissement des faits effectué dans l’une des procédures a été repris dans l’autre »39.
A supposer, dans un ordre encore plus subsidiaire, que la procédure administrative de l’espèce doive être qualifiée de « pénale » au sens autonome de la Convention, de sorte que le principe non bis in idem trouve à s’appliquer ou que le principe allégué « d’intégration » s’applique d’une façon générale même en dehors du domaine de ce principe, il ne saurait pas pour autant être soutenu que ce principe ait été méconnu en l’espèce.
Le respect de ce principe devrait alors être apprécié au regard des attributions des juridictions dans les deux procédures respectives, administrative et pénale.
Dans le cadre de la procédure administrative, le tribunal administratif avait à examiner un recours du demandeur en cassation contre des décisions de taxation d’office de l’Administration fiscale. La question, en cause, de l’existence éventuelle d’une décision administrative de clôture du dossier fiscal du demandeur en cassation, se posait dans ce contexte aux fins d’apprécier le bien-fondé d’un moyen tiré de ce que l’Administration n’était plus en droit de procéder à l’imposition après avoir clôturé le dossier de ce dernier.
Le tribunal administratif rejeta le moyen. Ce rejet s’imposa à la Cour d’appel, conformément aux principes rappelés par elle :
« Conformément aux articles 84, 85 et 95 bis, alinéa 1er, de la Constitution, le tribunal administratif connaît du contentieux fiscal dans les cas et sous les conditions à déterminer par le législateur. Ainsi, la connaissance des contestations des décisions du directeur de l’administration des contributions directes en matière de contestations des bulletins d’impôt est attribuée aux juridictions administratives.
Par ailleurs, quant au principe que le juge de l’action est le juge de l’exception sauf disposition contraire, l’article 468 de la loi générale des impôts, qui n’a pas été abrogé, dispose :
« (1) Hängt eine Verurteilung wegen Steuerhinterziehung oder Steuergefährdung davon ab, ob ein Steuervorteil zu Unrecht besteht oder ob und in welcher Höhe ein Steueranspruch verkürzt oder ein Steuervorteil zu Unrecht gewährt ist, und hat das Verwaltungsgericht über diese Frage entschieden, so bindet dessen Entscheidung das Gericht. Liegt eine Entscheidung des Verwaltungsgerichts nicht vor, sind die Fragen jedoch von Finanzbehörden oder Finanzgerichten zu entscheiden, so hat das Gericht 39 Arrêt précité A et B c. Norvège, § 132.
76das Strafverfahren auszusetzen, bis über die Fragen rechtskräftig entschieden worden ist. Entscheidet das Verwaltungsgericht, so bindet dessen Entscheidung das Gericht. Ergeht keine Entscheidung des Verwaltungsgerichts, so hat das Gericht, wenn es von der rechtskräftigen Entscheidung des Finanzamts oder der Rechtsmittelbehörde abweichen will, die Entscheidung des Verwaltungsgerichts einzuholen. Es übersendet die Akten dem Verwaltungsgericht. Seine Entscheidung ist bindend. ».
La décision rendue par les juridictions administratives en matière fiscale s’impose dès lors aux juridictions pénales, et notamment à la Cour d’appel.
Il s’ensuit que la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle n’est pas compétente pour connaître des questions de nature fiscale invoquées par la défense en relation avec le jugement rendu par le tribunal administratif le 23 octobre 2013, jugement qui n’a pas été entrepris par PERSONNE1.) et qui est donc coulé en force de chose jugée. »40.
De ce point de vue, le droit luxembourgeois prévoit « une interaction adéquate entre les diverses autorités compétentes »41, garantissant une intégration des deux procédures.
S’agissant de l’argument de fait avancé par le demandeur en cassation à l’appui de son moyen, à savoir l’existence d’une décision de clôture du dossier fiscal par l’Administration, l’appréciation par le tribunal administratif, que le demandeur en cassation avait échoué à établir son allégation, n’a certes pas été reprise par la Cour d’appel. Celle-ci admit, en effet, comme établie l’existence de « la décision relative à la clôture du dossier fiscal » 42.
Cette appréciation ne se trouve, comme il a été exposé ci-avant dans le cadre des développements faits à titre subsidiaire, pas en contradiction avec celle du tribunal administratif, ce dernier n’ayant pas constaté l’absence de décision de clôture, mais seulement le caractère insuffisant de preuve, au vu des éléments de preuve invoqués, d’une telle décision, laissant ouverte la question de savoir si une telle décision avait ou non été rendue, tandis que la Cour d’appel a constaté de façon absolue l’existence d’une telle décision.
De façon plus décisive encore, la constatation par la Cour d’appel de l’existence d’une décision de clôture est dépourvue de pertinence parce que « il est établi que [le demandeur en cassation] a volontairement trompé l’Administration des contributions directes de sorte que la décision relative à la clôture du dossier fiscal de PERSONNE1.) a été viciée et qu’il ne saurait être question de bonne foi dans le chef de ce dernier. »43. La différence d’appréciation, de toute façon seulement apparente, entre le tribunal administratif et la Cour d’appel n’a donc, en fait et de façon concrète, pas conduit à une divergence de décisions, le tribunal administratif ayant rejeté, d’ailleurs de façon suffisante par un argument de droit par rapport auquel la question de l’existence de la décision de clôture n’était que surabondante, le moyen de nullité de 40 Arrêt attaqué, page 55, antépénultième alinéa, à page 56, troisième alinéa (passages mis en gras dans l’arrêt attaqué). Il sera vu ci-après, dans le cadre de la discussion notamment du quatrième (défaut de pertinence des questions préjudicielles posées à la Cour constitutionnelle), huitième, vingtième et vingt-huitième moyen, que l’autorité devant le juge judiciaire des décisions rendues par les juridictions administratives, s’insère dans le cadre d’un principe plus général de répartition des compétences entre juridictions judiciaires et administratives imposé par la Constitution, selon lequel le juge judiciaire n’est, sur base de l’article 95 de la Constitution, pas compétent pour connaître de la légalité de décisions administratives individuelles, qui est à contester devant les juridictions administratives, dont les décisions s’imposent, bien entendu, de ce point de vue aux juridictions judiciaires.
41 Arrêt précité A et B c. Norvège, § 132.
42 Arrêt attaqué, page 71, quatrième alinéa.
43 Idem et loc.cit.
77l’imposition pour défaut d’information antérieure du contribuable, tandis que la Cour d’appel a constaté le défaut de pertinence de la décision de clôture au regard de son origine frauduleuse.
Il en suit que le moyen est également à rejeter pour ce motif encore plus subsidiaire.
Sur le troisième moyen (violation du principe non bis in idem) Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 4 du Protocole additionnel n° 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en rejetant un moyen de défense tiré de ce que le principe non bis in idem consacré par l’article visé serait violé par l’existence d’une condamnation pénale antérieure du demandeur en cassation pour le même fait étant donné que ce dernier avait fait l’objet d’une décision administrative ayant taxé d’office le revenu et majoré le montant de l’impôt réclamé de 20 % aux motifs que « Le principe de l’exception de la chose jugée au pénal, qui se traduit par l’adage « non bis in idem », constitue un principe général du droit et est donc consacré par l’article 4 du 7e Protocole additionnel à la Convention. D’après ces dispositions, un même fait pénal, ayant déjà fait l’objet d’un jugement définitif au fond, c’est-
à-dire passé en force de chose jugée, ne peut pas faire l’objet de nouvelles poursuites. Par ailleurs, il est généralement admis par la jurisprudence que les peines pénales ne doivent pas être confondues avec les mesures punitives émanant d’autorités administratives, fiscales ou disciplinaires en marge d’un procès pénal, même si elles peuvent être ressenties comme telles par la personne concernée. Ces mesures demeurent fondamentalement administratives et ne constituent pas des peines. En ce sens, la Cour de cassation de Belgique a notamment décidé que : « L’établissement et le recouvrement d’un impôt font l’objet d’une procédure administrative dans le cadre de laquelle l’administration fiscale poursuit le paiement d’impôts légalement dus. Il ne s’agit pas d’une procédure pénale. En outre, un impôt n’est pas une peine.
Par conséquent, le principe non bis in idem n’est pas applicable en la matière. » (Cour de cassation de Belgique, 2e chambre, 21 mai 2019, RG P.19.0104.N., Pasicrisie belge, p. 1111).
Cependant, l’existence ou non d’une « accusation en matière pénale » doit s’apprécier sur base de trois critères, désignés sous le nom de « critères Engel » et dégagés par l’affaire Engel et autres contre Pays-Bas rendu par la CEDH le 8 juin 1976, à savoir la qualification juridique de l’infraction en droit interne, la nature de l’infraction et la sévérité de la sanction. En l’occurrence, le jugement du tribunal administratif du 23 octobre 2013 a été rendu sur base d’une requête déposée par le mandataire de PERSONNE1.) tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur de l’Administration des Contributions directes du 25 avril 2012 qui a rejeté la réclamation concernant les bulletins d’impôts sur le revenu des années 2002 à 2007, décision ayant pour origine le fait que PERSONNE1.) n’a pas déposé de déclarations conformément à l’article 116 de la loi générale des impôts et le fait que ce dernier n’a pas, conformément à l’article 162 de la loi générale des impôts, tenu une comptabilité simplifiée, de sorte que le bureau d’imposition concerné a procédé, conformément à l’article 217 de la loi générale des impôts, à une imposition par voie de taxation d’office en se basant sur les relevés des prestations remboursés par la CNS. Il ressort encore de ce jugement que, selon ce procédé, le contribuable a la possibilité de contester l’impôt ainsi fixé d’office en apportant des preuves de ses revenus et dépenses. Il ne ressort pas de ce jugement rendu en matière fiscale, que PERSONNE1.) a fait l’objet d’une sanction ayant le caractère d’une punition fiscale tel que définie par la jurisprudence de la CEDH dans la mesure où il y a eu un procédé de détermination des bases d’imposition au vu des éléments à disposition de l’administration fiscale et la possibilité de contester la décision. La procédure devant le 78tribunal administratif n’était donc pas de nature pénale, de sorte que d’après la jurisprudence de la CEDH il devient superfétatoire d’analyser les autres critères dégagés par l’arrêt Engel et le moyen est partant à rejeter. »44, alors que la décision de taxer le demandeur en cassation à l’intégralité de son revenu, ce montant étant majoré de 20 %, est à considérer in concreto comme une sanction pénale au sens de l’article précité, s’opposant à toute nouvelle condamnation pénale pour le même fait.
U n m o y e n q u i m a n q u e e n f a i t Le moyen critique que le jugement du tribunal administratif constituerait une décision en « matière pénale » au sens autonome de la Convention de sauvegarde.
La Cour d’appel rejeta ce moyen aux motifs suivants :
« Le principe de l’exception de la chose jugée au pénal, qui se traduit par l’adage « non bis in idem », constitue un principe général du droit et est donc consacré par l’article 4 du 7e Protocole additionnel à la Convention.
D’après ces dispositions, un même fait pénal, ayant déjà fait l’objet d’un jugement définitif au fond, c’est-à-dire passé en force de chose jugée, ne peut pas faire l’objet de nouvelles poursuites.
Par ailleurs, il est généralement admis par la jurisprudence que les peines pénales ne doivent pas être confondues avec les mesures punitives émanant d’autorités administratives, fiscales ou disciplinaires en marge d’un procès pénal, même si elles peuvent être ressenties comme telles par la personne concernée. Ces mesures demeurent fondamentalement administratives et ne constituent pas des peines.
En ce sens, la Cour de cassation de Belgique a notamment décidé que : « L’établissement et le recouvrement d’un impôt font l’objet d’une procédure administrative dans le cadre de laquelle l’administration fiscale poursuit le paiement d’impôts légalement dus. Il ne s’agit pas d’une procédure pénale. En outre, un impôt n’est pas une peine. Par conséquent, le principe non bis in idem n’est pas applicable en la matière.» (Cour de cassation de Belgique, 2e chambre, 21 mai 2019, RG P.19.0104.N., Pasicrisie belge, p. 1111).
Cependant, l’existence ou non d’une « accusation en matière pénale » doit s’apprécier sur base de trois critères, désignés sous le nom de « critères Engel » et dégagés par l’affaire Engel et autres contre Pays-Bas rendu par la CEDH le 8 juin 1976, à savoir la qualification juridique de l’infraction en droit interne, la nature de l’infraction et la sévérité de la sanction.
En l’occurrence, le jugement du tribunal administratif du 23 octobre 2013 a été rendu sur base d’une requête déposée par le mandataire de PERSONNE1.) tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur de l’Administration des Contributions directes du 25 avril 2012 qui a rejeté la réclamation concernant les bulletins d’impôts sur le revenu des années 2002 à 2007, décision ayant pour origine 44 Idem, page 56, antépénultième alinéa, à page 57, sixième alinéa.
79le fait que PERSONNE1.) n’a pas déposé de déclarations conformément à l’article 116 de la loi générale des impôts et le fait que ce dernier n’a pas, conformément à l’article 162 de la loi générale des impôts, tenu une comptabilité simplifiée, de sorte que le bureau d’imposition concerné a procédé, conformément à l’article 217 de la loi générale des impôts, à une imposition par voie de taxation d’office en se basant sur les relevés des prestations remboursés par la CNS. Il ressort encore de ce jugement que, selon ce procédé, le contribuable a la possibilité de contester l’impôt ainsi fixé d’office en apportant des preuves de ses revenus et dépenses.
Il ne ressort pas de ce jugement rendu en matière fiscale, que PERSONNE1.) a fait l’objet d’une sanction ayant le caractère d’une punition fiscale tel que définie par la jurisprudence de la CEDH dans la mesure où il y a eu un procédé de détermination des bases d’imposition au vu des éléments à disposition de l’administration fiscale et la possibilité de contester la décision.
La procédure devant le tribunal administratif n’était donc pas de nature pénale, de sorte que d’après la jurisprudence de la CEDH il devient superfétatoire d’analyser les autres critères dégagés par l’arrêt Engel et le moyen est partant à rejeter. »45.
La Cour d’appel constate donc que le jugement du tribunal administratif avait pour objet de statuer sur un recours dirigé contre une décision de taxation d’office « en se basant sur les relevés des prestations remboursés par la CNS »46, étant précisé que « [i]l ressort encore de ce jugement que, selon ce procédé, le contribuable a la possibilité de contester l’impôt ainsi fixé d’office en apportant des preuves de ses revenus et dépenses »47.
Elle conclut que « [i]l ne ressort pas de ce jugement rendu en matière fiscale, que PERSONNE1.) a fait l’objet d’une sanction ayant le caractère d’une punition fiscale tel que définie par la jurisprudence de la CEDH dans la mesure où il y a eu un procédé de détermination des bases d’imposition au vu des éléments à disposition de l’administration fiscale et la possibilité de contester la décision »48.
Pour remettre en question le bien-fondé de cette conclusion, le demandeur en cassation fait soutenir que le caractère « pénal » au sens autonome de la Convention résulterait de ce que l’Administration fiscale lui aurait appliqué une surtaxe de 20 %, qui correspondrait en fait à une sanction pénale.
Cette thèse manque en fait.
Il résulte, en effet, du jugement du tribunal administratif que :
« Le tribunal constate […] que le demandeur n’a pas fourni de déclarations d’impôts, de sorte que l’administration des Contributions a repris, pour établir l’imposition du contribuable, les revenus de Monsieur PERSONNE1.) sur base des relevés de l’Union des Caisses de Maladie - lesquels ne sont pas contestés - déduction faite du forfait pour frais de déplacement prévu par l’article 105bis LIR, sans toutefois procéder à une déduction pour dépenses d’exploitation, et ce alors que les relevés de l’Union des 45 Idem et loc.cit.
46 Idem, page 57, quatrième alinéa.
47 Idem et loc.cit.
48 Idem, même page, cinquième alinéa.
80Caisses de Maladie ne visent que les recettes ayant trait à des prestations de services effectivement remboursées par elle et non notamment les recettes remboursées par des mutuelles ou assurances, les recettes encaissées auprès de clients qui sont fonctionnaires et employés de l’Union européenne ou encore les recettes ne faisant l’objet d’aucun remboursement, tels que certains traitements, les prothèses dentaires, les implants, les détartrages etc. Dès lors, l’administration des Contributions directes a majoré les recettes effectivement documentées de 20 %, au vu de son expérience selon laquelle les recettes des médecins et médecins-dentistes ne se limitent pas aux recettes remboursées par l’Union des Caisses de Maladie. »49.
Cette majoration ne constitue donc pas une majoration par rapport à l’impôt dû. Elle est appliquée aux fins d’estimer, à défaut de déclaration et d’informations fournies par le demandeur en cassation, le revenu imposable. Pour estimer ce revenu imposable, l’Administration prenait à titre principal en considération les recettes remboursées au demandeur en cassation, médecin-dentiste, par l’Union des Caisses de Maladie. La majoration en cause constitue un pourcentage qui est additionné aux recettes du demandeur en cassation renseignées par l’Union des Caisses de Maladie. Cette majoration était appliquée parce que l’Administration jugea que d’expérience, les médecins-dentistes ont encore d’autres recettes que celles remboursées par l’Union des Caisses de Maladie, à savoir, comme le précisa le tribunal administratif :
- « les recettes remboursées par des mutuelles ou assurances », - « les recettes encaissées auprès de clients qui sont fonctionnaires et employés de l’Union européenne » et - « les recettes ne faisant l’objet d’aucun remboursement, tels que certains traitements, les prothèses dentaires, les implants, les détartrages etc ».
L’ensemble de ces recettes a été évalué par l’Administration à 20 % des recettes remboursées par l’Union des Caisses de Maladie. L’Administration procéda à cette évaluation, comme le tribunal administratif le constata, « au vu de son expérience selon laquelle les recettes des médecins et médecins-dentistes ne se limitent pas aux recettes remboursées par l’Union des Caisses de Maladie ».
La majoration ou surtaxe évoquée par le demandeur en cassation, qui constitue en réalité une estimation plus correcte du revenu imposable, ne constitue donc pas une sanction infligée au demandeur en cassation.
Le moyen qui se fonde sur cette prémisse erronée manque en fait.
A t i t r e s u b s i d i a i r e : U n m o y e n q u i n ’ e s t p a s f o n d é Si vous considérez que le moyen ne manque pas d’office en fait, il est à déclarer non fondé puisque ce qui est erronément décrit comme majoration d’impôt ou surtaxe ne constitue en réalité qu’un critère objectif d’évaluation du revenu imposable, donc un critère manifestement étranger à toute idée de sanction.
49 Jugement du tribunal administratif, page 13, dernier alinéa (c’est nous qui soulignons).
81 Sur le quatrième moyen (violation du principe d’impartialité) Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en rejetant un moyen de défense tiré de ce que le principe d’impartialité s’oppose à la « double juridictionnalité administrative et pénale »50 qui caractérisa l’espèce, dans le cadre de laquelle le juge administratif, statuant sur le recours du demandeur en cassation contre certaines décisions de taxation prises à l’encontre de ce dernier, apprécia la légalité de l’imposition tandis que le juge pénal en déduisit l’existence d’une infraction pénale, la disposition invoquée imposant, au contraire, que l’« affaire soit jugée par « un juge unique » »51, aux motifs que « Concernant le moyen tiré du droit d’être jugé par un juge impartial, il y a lieu de souligner que l’article 6.1 de la Convention impose à tout tribunal relevant de son champ d’application d’être impartial. L’impartialité se définit d’ordinaire par l’absence de préjugé ou de parti pris.
Les reproches adressés par les mandataires de PERSONNE1.) aux juges correctionnels ne rentrent pas dans cette définition de l’impartialité. En effet, il convient de souligner ainsi que cela a été développé au point relatif à l’interdiction de la double condamnation, que le fait que le tribunal administratif a rendu un jugement sur base d’un recours contre une décision de l’administration des contributions directes concernant les obligations déclaratives de PERSONNE1.) et le fait que le tribunal correctionnel a rendu une décision pénale pour des faits de tentative d’escroquerie n’est pas à assimiler à une violation du droit d’être jugé par un juge impartial au sens de l’article 6 de la Convention. Le moyen est donc non fondé. »52 et que « Quant à l’argumentation des mandataires de PERSONNE1.) quant aux six « casquettes » de l’administration des contributions directes, situation qui violerait le principe de l’indépendance, de l’impartialité et de la neutralité, celle-ci n’est pas fondée. Ainsi que cela a été développé ci-dessus, la Cour européenne a défini l’impartialité comme l’absence, dans le chef du juge, de préjugé ou de parti pris et, à cette occasion, elle opère une distinction entre une approche subjective de cette notion qui procède de l’appréciation in concreto de l’impartialité personnelle (conviction personnelle) d’un juge déterminé en telle occasion et une démarche objective dont l’objet est de rechercher si le juge offrait des garanties suffisantes pour exclure, à cet égard, tout doute légitime. En l’occurrence, il faut constater que les mandataires de PERSONNE1.) ne reprochent pas au tribunal correctionnel une impartialité.
Quant à l’impartialité reprochée à l’administration des contributions directes, ce reproche ne saurait être examiné par la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle. En effet, et tel que relevé par le représentant du ministère public, l’Administration des contributions directes n’a pas joué le rôle de juge ou de tribunal dans l’affaire correctionnelle en litige. »53, alors que la procédure n’aurait pas été impartiale du point de vue subjectif en raison du rôle d’autorité de poursuite de l’Administration des contributions directes dans les phases administrative et pénale de la procédure et que, en cas de doute sur le bien-fondé du moyen, il y aurait lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne et le Cour constitutionnelle de différentes questions préjudicielles.
Le demandeur en cassation avait fait soutenir devant la Cour d’appel que :
50 Arrêt attaqué, page 39, dernier alinéa.
51 Idem et loc.cit.
52 Idem, page 57, septième au dernier alinéa.
53 Idem, page 61, deuxième au quatrième alinéa.
82 « […] l’Administration des contributions directes aurait six « casquettes ». Ainsi, cette administration serait à la fois une autorité fiscale, une autorité de recouvrement, une autorité chargée de faire respecter la loi, un juge fiscal et administratif, un témoin et une partie civile. Cette administration participerait à l’administration de la justice fiscale et pénale, notamment en vertu des articles 228, 421 et 425 de la loi générale des impôts.
Dès lors, et au vu de la jurisprudence de la CEDH, notamment son arrêt dans l’affaire Piersack contre la Belgique et celui dans l’affaire Procola contre le Luxembourg, le fait de porter plusieurs « casquettes » ne serait pas admissible du point de vue du principe de l’indépendance, celui de l’impartialité et celui de la neutralité d’une juridiction. L’article 6.1 de la Convention serait donc violé. »54.
La Cour d’appel rejeta ce moyen aux motifs suivants :
« Concernant le moyen tiré du droit d’être jugé par un juge impartial, il y a lieu de souligner que l’article 6.1 de la Convention impose à tout tribunal relevant de son champ d’application d’être impartial. L’impartialité se définit d’ordinaire par l’absence de préjugé ou de parti pris.
Les reproches adressés par les mandataires de PERSONNE1.) aux juges correctionnels ne rentrent pas dans cette définition de l’impartialité.
En effet, il convient de souligner ainsi que cela a été développé au point relatif à l’interdiction de la double condamnation, que le fait que le tribunal administratif a rendu un jugement sur base d’un recours contre une décision de l’administration des contributions directes concernant les obligations déclaratives de PERSONNE1.) et le fait que le tribunal correctionnel a rendu une décision pénale pour des faits de tentative d’escroquerie n’est pas à assimiler à une violation du droit d’être jugé par un juge impartial au sens de l’article 6 de la Convention.
Le moyen est donc non fondé. »55.
« Quant à l’argumentation des mandataires de PERSONNE1.) quant aux six «casquettes » de l’administration des contributions directes, situation qui violerait le principe de l’indépendance, de l’impartialité et de la neutralité, celle-ci n’est pas fondée.
Ainsi que cela a été développé ci-dessus, la Cour européenne a défini l’impartialité comme l’absence, dans le chef du juge, de préjugé ou de parti pris et, à cette occasion, elle opère une distinction entre une approche subjective de cette notion qui procède de l’appréciation in concreto de l’impartialité personnelle (conviction personnelle) d’un juge déterminé en telle occasion et une démarche objective dont l’objet est de rechercher si le juge offrait des garanties suffisantes pour exclure, à cet égard, tout doute légitime.
54 Idem, page 41, deuxième et troisième alinéa.
55 Idem, page 57, septième au dernier alinéa.
83En l’occurrence, il faut constater que les mandataires de PERSONNE1.) ne reprochent pas au tribunal correctionnel une impartialité. Quant à l’impartialité reprochée à l’administration des contributions directes, ce reproche ne saurait être examiné par la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle. En effet, et tel que relevé par le représentant du ministère public, l’Administration des contributions directes n’a pas joué le rôle de juge ou de tribunal dans l’affaire correctionnelle en litige. »56.
U n m o y e n q u i n ’ e s t p a s f o n d é Dans son quatrième moyen, le demandeur en cassation critique cette réponse en réitérant sa critique, tirée de ce que le rôle de l’Administration fiscale dans la procédure pénale serait trop prépondérant de sorte que la garantie d’impartialité subjective prévue par l’article 6 de la Convention de sauvegarde serait mise en cause.
Cette critique procède, comme le constata à juste titre la Cour d’appel, d’une confusion.
L’article 6, paragraphe 1, première phrase, de la Convention de sauvegarde dispose que « [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue […] par un tribunal […] impartial […], qui décidera […] du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».
Il résulte déjà du libellé de cet article que l’exigence d’impartialité s’applique au « tribunal » saisi de la poursuite pénale. Elle ne s’applique pas à la victime, telle en l’espèce l’Administration fiscale, dénonçant une infraction pénale ou au Ministère public engageant une poursuite pénale sur base de cette dénonciation. Les critiques relatives à l’impartialité de cette Administration sont donc dépourvues de pertinence.
L’article précité exige seulement qu’une poursuite pénale, mise en œuvre par le Ministère public sur plainte ou dénonciation d’une victime, soit portée devant un « tribunal » « impartial ».
Cette exigence a été respectée en l’espèce, les chambres correctionnelles du tribunal d’arrondissement et de la Cour d’appel, devant lesquelles cette « accusation » a été portée, présentant toutes les garanties d’impartialité.
Le demandeur en cassation ne met d’ailleurs pas en cause cette impartialité.
Sa critique porte sur la partialité alléguée de l’Administration fiscale, qui n’est cependant pas soumise à cette exigence.
Elle a par ailleurs, à bien la comprendre, pour objet de critiquer l’effet sur l’impartialité des juridictions résultant du rôle, à ses yeux, prépondérant de l’Administration fiscale.
Le demandeur en cassation se réfère à cet effet à la notion d’impartialité subjective. Or, celle-
ci suppose de « chercher à déterminer la conviction ou l’intérêt personnel de tel ou tel juge 56 Idem, page 61, deuxième au quatrième alinéa.
84dans une affaire donnée »57. Aucun reproche de cette nature, donc de préjugé ou de parti pris58, n’est, en l’espèce, élevé à l’encontre des juges.
En utilisant de façon impropre la notion d’impartialité subjective le demandeur en cassation reproche en réalité, en substance, à la Cour d’appel d’avoir retenu à sa charge le délit de tentative d’escroquerie fiscale en se référant aux évaluations de la dette fiscale faite par l’Administration fiscale tout en refusant de contrôler ces évaluations aux motifs que « [c]onformément aux articles 84, 85 et 95 bis, alinéa 1er, de la Constitution, le tribunal administratif connaît du contentieux fiscal dans les cas et sous les conditions à déterminer par le législateur. Ainsi, la connaissance des contestations des décisions du directeur de l’administration des contributions directes en matière de contestations des bulletins d’impôt est attribuée aux juridictions administratives »59 et que « Par ailleurs, quant au principe que le juge de l’action est le juge de l’exception sauf disposition contraire, l’article 468 de la loi générale des impôts, qui n’a pas été abrogé, dispose : « (1) Hängt eine Verurteilung wegen Steuerhinterziehung oder Steuergefährdung davon ab, ob ein Steuervorteil zu Unrecht besteht oder ob und in welcher Höhe ein Steueranspruch verkürzt oder ein Steuervorteil zu Unrecht gewährt ist, und hat das Verwaltungsgericht über diese Frage entschieden, so bindet dessen Entscheidung das Gericht. Liegt eine Entscheidung des Verwaltungsgerichts nicht vor, sind die Fragen jedoch von Finanzbehörden oder Finanzgerichten zu entscheiden, so hat das Gericht das Strafverfahren auszusetzen, bis über die Fragen rechtskräftig entschieden worden ist. Entscheidet das Verwaltungsgericht, so bindet dessen Entscheidung das Gericht.
Ergeht keine Entscheidung des Verwaltungsgerichts, so hat das Gericht, wenn es von der rechtskräftigen Entscheidung des Finanzamts oder der Rechtsmittelbehörde abweichen will, die Entscheidung des Verwaltungsgerichts einzuholen. Es übersendet die Akten dem Verwaltungsgericht. Seine Entscheidung ist bindend. ». La décision rendue par les juridictions administratives en matière fiscale s’impose dès lors aux juridictions pénales, et notamment à la Cour d’appel. »60.
Il en suit que si le juge pénal n’est, au regard des dispositions constitutionnelles invoquées, pas compétent pour statuer sur les questions relatives à l’évaluation de la dette fiscale, cette évaluation est cependant susceptible de faire l’objet d’un recours juridictionnel devant les juridictions administratives. Un tel recours a d’ailleurs été exercé en l’espèce par le demandeur en cassation contre les décisions de taxation d’office de l’Administration fiscale se rapportant aux années 2002 à 2007. Ce recours est un recours en réformation, donc non seulement un recours en annulation61. Il a, en l’espèce, été déclaré non fondé62. Le demandeur en cassation renonça à former un appel contre ce jugement devant la Cour administrative. Il ne résulte pas des éléments de la cause que le demandeur en cassation ait formé un recours contre les décisions de taxation relatives aux autres années d’imposition visées par la poursuite pénale, à savoir les années d’imposition 2008 à 201263.
57 Cour européenne des droits de l’homme, Guide sur l’article 6 (volet pénal), version à jour au 31 août 2022 (Guide sur l’article 6 - Droit à un procès équitable (volet pénal) (coe.int) (consulté le 16 novembre 2022), point 106.
58 Voir, à titre d’illustration : Cour européenne des droits de l’homme, 4 mars 2014, Grande Stevens et autres c.
Italie, n° 18640/10, 18647/10, 18563/10, 18668/10 et 18698/10, § 135.
59 Arrêt attaqué, page 55, antépénultième alinéa.
60 Idem, même page, avant-dernier alinéa, à page 56, deuxième alinéa (les passages mis en gras l’ont été dans le texte cité).
61 Jugement du tribunal administratif, page 7, quatrième alinéa.
62 Idem, page 15, dispositif du jugement.
63 Voir au sujet des années d’imposition visée l’arrêt attaqué, page 29 (reproduisant le libellé de condamnation du jugement de première instance, confirmé en appel), deuxième alinéa.
85 La question de l’évaluation de la dette fiscale, si elle ne peut donc être appréciée par le juge pénale, peut cependant être portée devant le juge administratif, qui y statue avec les pouvoirs élargis lui conférés par le recours en réformation.
Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion du troisième moyen, que les décisions de taxation d’office de l’Administration fiscale ne sont pas à qualifier de « sanctions pénales » au sens autonome de l’article 6 de la Convention. Il a été vu, dans le cadre de la discussion des deux premiers moyens, que le jugement du tribunal administratif ne relève pas d’une « procédure pénale » au sens de la jurisprudence Engel.
Il y a lieu d’ajouter que même à supposer – quod non – que les décisions de taxation ou le jugement du tribunal administratif ayant statué sur le recours formé contre certaines de ces décisions sont à qualifier de « pénal » au sens autonome de l’article 6 de la Convention, la Cour de Strasbourg décide que « [l]e respect de l’article 6 de la Convention n’exclut […] pas que dans une procédure de nature administrative, une « peine » soit imposée d’abord par une autorité administrative [à condition] que la décision d’une autorité administrative ne remplissant pas elle-même les conditions de l’article 6 [donc le statut de « tribunal impartial et indépendant »] subisse le contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction »64.
Dans cette lecture, qui n’est cependant pas pertinente puisque les décisions de taxation d’office de l’Administration fiscale ne constituent pas une sanction « pénale » au sens autonome de l’article 6 de la Convention, le respect de cet article serait assuré par le droit conféré au contribuable d’attaquer cette décision de taxation par un recours en réformation devant le tribunal administratif.
La répartition des compétences imposée par la Constitution, réservant le contrôle de la fixation de la dette fiscale au juge administratif n’est donc pas contraire à l’article 6 de la Convention de sauvegarde.
Quoi qu’il en soit, cette répartition de compétence est étrangère à la question de l’impartialité du juge pénal au sens de l’article précité.
Bref, pour résumer :
- le grief de partialité opposé à l’Administration fiscale est dépourvu de pertinence, l’exigence d’impartialité prévue par l’article 6 de la Convention de sauvegarde s’appliquant au « tribunal […] qui décidera […] du bien-fondé de [l’]accusation en matière pénale » et non à la victime, telle une Administration, qui dénonce les faits ou au Ministère public, - le grief de partialité subjective opposé aux juridictions pénales est dépourvu de pertinence, aucun préjugé ou parti pris n’étant reproché aux magistrats ayant composé celles-ci, - le grief de partialité opposé aux juridictions pénales et tiré de ce que ces juridictions ont refusé, sur base des dispositions constitutionnelles invoquées à juste titre par elles, de remettre en discussion ce qui a été jugé par le tribunal administratif, est étranger à la notion d’impartialité au sens de l’article 6 de la Convention de sauvegarde.
64 Voir l’arrêt précité Grande Stevens et autres c. Italie, § 139.
86 Il en suit que le moyen n’est pas fondé.
D e s q u e s t i o n s p r é j u d i c i e l l e s d é p o u r v u e s d e p e r t i n e n c e Dans un ordre subsidiaire le demandeur en cassation vous invite à saisir la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour constitutionnelle de différentes questions préjudicielles.
Sur les questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne Le demandeur en cassation vous invite, à titre subsidiaire, à saisir la Cour de justice de l’Union européenne de différentes questions préjudicielles.
Suivant la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, « dans la mesure où il n’existe aucun recours juridictionnel de droit interne contre la décision d’une juridiction nationale, cette dernière est, en principe, tenue de saisir la Cour au sens de l’article 267, troisième alinéa, TFUE [Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne] dès lors qu’une question relative à l’interprétation du droit de l’Union est soulevée devant elle »65. Par ailleurs, « [s]elon une jurisprudence constante de la Cour, une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne ne saurait être libérée de cette obligation que lorsqu’elle a constaté que la question soulevée n’est pas pertinente ou que la disposition du droit de l’Union en cause a déjà fait l’objet d’une interprétation de la part de la Cour ou que l’interprétation correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable »66.
En l’espèce, les questions proposées sont dépourvues de pertinence, le moyen, qui procède d’une mauvaise compréhension de la notion d’impartialité au sens de l’article 6 de la Convention de sauvegarde, étant d’ores et déjà non fondé, cette conclusion n’étant pas susceptible d’être remise en cause par les questions préjudicielles proposées.
Les questions sont d’autant moins pertinentes que le moyen, qui est tiré de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde, est étranger au droit de l’Union européenne. Or, les questions proposées sont relatives aux articles 41 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Celle-ci dispose dans son article 51, paragraphe 1, de la Charte, que « [l]es dispositions de la […] Charte s’adressent aux institutions et organes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union ». Or, le moyen n’est pas tiré d’une violation de ce droit.
Il en suit qu’il n’y a pas lieu de poser les questions préjudicielles proposées.
Sur les questions préjudicielles à la Cour constitutionnelle Le demandeur en cassation vous invite encore, à titre subsidiaire, à saisir la Cour constitutionnelle de différentes questions préjudicielles.
65 Cour de justice de l’Union européenne, Grande chambre, 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management e Catania Multiserviz, (arrêt également désigné comme CILFIT II), C-561/19, ECLI:EU:C:2021:799, point 32.
66 Idem, point 33.
87 L’article 6, alinéa 2, de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle dispose que « [u]ne juridiction est dispensée de saisir la Cour constitutionnelle lorsqu’elle estime que : a) une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement ; b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement […] ».
En l’espèce, les questions soulevées ne sont pas nécessaires pour vous permettre de rendre votre arrêt. Elles sont, en effet, soulevées dans le cadre d’un moyen qui, procédant d’une mauvaise compréhension de la notion d’impartialité au sens de l’article 6 de la Convention de sauvegarde, est d’ores et déjà non fondé, cette conclusion n’étant pas susceptible d’être remise en cause par les questions préjudicielles proposées.
Il s’ajoute que les questions sont dénuées de tout fondement. L’article 95bis, paragraphe 1, premier alinéa, de la Constitution dispose, en effet, que « [l]e contentieux administratif est du ressort du tribunal administratif et de la Cour administrative ». Il appartient donc, sous réserve de l’exception non pertinente en l’espèce de l’article 95 de la Constitution, relatif aux « arrêtés et règlements généraux et locaux », mais à l’exclusion des actes administratifs individuels, aux seules juridictions administratives de connaître du contentieux administratif, dont celui relatif aux décisions de taxation de l’Administration fiscale.
Il est, dans cet ordre d’idées, également renvoyé à votre jurisprudence constante suivant laquelle l’article 95 de la Constitution s’oppose à soulever l’illégalité de décisions administratives individuelles devant le juge judiciaire, puisqu’une telle démarche viserait à contourner les règles régissant les recours de droit administratif67.
Il en suit qu’il n’y a pas lieu de poser les questions préjudicielles proposées.
Sur le cinquième moyen (absence d’unicité de juge) Le cinquième moyen est tiré de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en rejetant un moyen de défense tiré de ce que le principe d’impartialité s’oppose à la « double juridictionnalité administrative et pénale »68 qui caractérisa l’espèce, dans le cadre de laquelle le juge administratif, statuant sur le recours du demandeur en cassation contre certaines décisions de taxation prises à l’encontre de ce dernier, apprécia la légalité de l’imposition tandis que le juge pénal en déduisit l’existence d’une infraction pénale, ce principe imposant, au contraire, que l’« affaire soit jugée par « un juge unique » »69, aux motifs que « Quant aux moyens tirés de la Convention européenne des droits de l’homme :- l’interdiction de la double condamnation et le droit d’être jugé par un juge unique et impartial :L’article 4 du Protocole additionnel numéro 7 à la Convention, dispose : « Nul ne peut être poursuivi ou puni 67 Cour de cassation, 7 janvier 2016, n° 2/16, numéro 3578 du registre (réponse au deuxième moyen) ; idem, même date, n° 3/16, numéro 3579 du registre (réponse au deuxième moyen) ; idem, 4 juin 2020, n° 77/2020, numéro CAS-2019-00063 du registre (réponse au sixième moyen) ; idem, 17 mars 2022, n° 41/2022, numéro CAS-2021-00029 du registre (réponse au troisième moyen) ; idem, 21 avril 2022, n° 53/2022, numéro CAS-2021-
00044 du registre (réponse au huitième moyen).
68 Arrêt attaqué, page 39, dernier alinéa.
69 Idem et loc.cit.
88pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. » Le principe de l’exception de la chose jugée au pénal, qui se traduit par l’adage « non bis in idem », constitue un principe général du droit et est donc consacré par l’article 4 du 7e Protocole additionnel à la Convention. D’après ces dispositions, un même fait pénal, ayant déjà fait l’objet d’un jugement définitif au fond, c’est-à-dire passé en force de chose jugée, ne peut pas faire l’objet de nouvelles poursuites. Par ailleurs, il est généralement admis par la jurisprudence que les peines pénales ne doivent pas être confondues avec les mesures punitives émanant d’autorités administratives, fiscales ou disciplinaires en marge d’un procès pénal, même si elles peuvent être ressenties comme telles par la personne concernée. Ces mesures demeurent fondamentalement administratives et ne constituent pas des peines. En ce sens, la Cour de cassation de Belgique a notamment décidé que :
« l’établissement et le recouvrement d’un impôt font l’objet d’une procédure administrative dans le cadre de laquelle l’administration fiscale poursuit le paiement d’impôts légalement dus. Il ne s’agit pas d’une procédure pénale. En outre, un impôt n’est pas une peine. Par conséquent, le principe non bis in idem n’est pas applicable en la matière. » (Cour de cassation de Belgique, 2e chambre, 21 mai 2019, RG P.19.0104.N., Pasicrisie belge, p. 1111).
Cependant, l’existence ou non d’une « accusation en matière pénale » doit s’apprécier sur base de trois critères, désignés sous le nom de « critères Engel » et dégagés par l’affaire Engel et autres contre Pays-Bas rendu par la CEDH le 8 juin 1976, à savoir la qualification juridique de l’infraction en droit interne, la nature de l’infraction et la sévérité de la sanction. En l’occurrence, le jugement du tribunal administratif du 23 octobre 2013 a été rendu sur base d’une requête déposée par le mandataire de PERSONNE1.) tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur de l’Administration des Contributions directes du 25 avril 2012 qui a rejeté la réclamation concernant les bulletins d’impôts sur le revenu des années 2002 à 2007, décision ayant pour origine le fait que PERSONNE1.) n’a pas déposé de déclarations conformément à l’article 116 de la loi générale des impôts et le fait que ce dernier n’a pas, conformément à l’article 162 de la loi générale des impôts, tenu une comptabilité simplifiée, de sorte que le bureau d’imposition concerné a procédé, conformément à l’article 217 de la loi générale des impôts, à une imposition par voie de taxation d’office en se basant sur les relevés des prestations remboursés par la CNS. Il ressort encore de ce jugement que, selon ce procédé, le contribuable a la possibilité de contester l’impôt ainsi fixé d’office en apportant des preuves de ses revenus et dépenses. Il ne ressort pas de ce jugement rendu en matière fiscale, que PERSONNE1.) a fait l’objet d’une sanction ayant le caractère d’une punition fiscale tel que définie par la jurisprudence de la CEDH dans la mesure où il y a eu un procédé de détermination des bases d’imposition au vu des éléments à disposition de l’administration fiscale et la possibilité de contester la décision. La procédure devant le tribunal administratif n’était donc pas de nature pénale, de sorte que d’après la jurisprudence de la CEDH il devient superfétatoire d’analyser les autres critères dégagés par l’arrêt Engel et le moyen est partant à rejeter. Concernant le moyen tiré du droit d’être jugé par un juge impartial, il y a lieu de souligner que l’article 6.1 de la Convention impose à tout tribunal relevant de son champ d’application d’être impartial. L’impartialité se définit d’ordinaire par l’absence de préjugé ou de parti pris. Les reproches adressés par les mandataires de PERSONNE1.) aux juges correctionnels ne rentrent pas dans cette définition de l’impartialité.
En effet, il convient de souligner ainsi que cela a été développé au point relatif à l’interdiction de la double condamnation, que le fait que le tribunal administratif a rendu un jugement sur base d’un recours contre une décision de l’administration des contributions directes concernant les obligations déclaratives de PERSONNE1.) et le fait que le tribunal correctionnel a rendu une décision pénale pour des faits de tentative d’escroquerie n’est pas à assimiler à une violation du droit d’être jugé par un juge impartial au sens de l’article 6 de 89la Convention. Le moyen est donc non fondé. »70, alors que la Cour d’appel a ainsi omis de répondre au grief de défaut d’unicité de juge et aux arguments invoqués à l’appui de ce grief et qu’en cas de doute sur le bien-fondé du moyen il y a lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour constitutionnelle de différentes questions préjudicielles.
Le demandeur en cassation avait invoqué notamment les moyens de défense suivants :
« En deuxième lieu, et quant à l’interdiction de la double condamnation, plus particulièrement, la défense conclut, sur base de certaines jurisprudences de la CEDH citées, que dans la mesure où le tribunal correctionnel s’est basé sur les décisions rendues par le tribunal administratif pour prononcer une condamnation pénale, il aurait violé le principe de l’interdiction de la double incrimination prévu à l’article 4 du 7e Protocole additionnel à la Convention. En effet, la double sanction serait donnée, alors que la surtaxe de 20 % sur le chiffre d’affaires brut devrait être considérée comme étant une sanction pénale. Elle relève encore que le tribunal administratif ainsi que le tribunal correctionnel ont apprécié, sur base de données inexactes et incomplètes, la question de l’existence d’une décision préalable du préposé du bureau d’imposition en question concernant la clôture du dossier fiscal de PERSONNE1.). Il n’y aurait donc pas de décision intégrée au sens de l’interprétation donnée par la CEDH.
Par ailleurs, toujours selon la défense, cette « double juridictionnalité administrative et pénale » violerait également le droit de leur mandant à ce que son affaire soit jugée « impartialement in concreto » et le droit de celui-ci à ce que son affaire soit jugée par « un juge unique » étant donné que deux jugements ont été rendus par deux tribunaux différents, l’un administratif et l’autre correctionnel. »71.
La Cour d’appel y répondit comme suit :
« Quant aux moyens tirés de la Convention européenne des droits de l’homme :
- l’interdiction de la double condamnation et le droit d’être jugé par un juge unique et impartial :
L’article 4 du Protocole additionnel numéro 7 à la Convention, dispose :
« Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. » Le principe de l’exception de la chose jugée au pénal, qui se traduit par l’adage « non bis in idem », constitue un principe général du droit et est donc consacré par l’article 4 du 7e Protocole additionnel à la Convention.
D’après ces dispositions, un même fait pénal, ayant déjà fait l’objet d’un jugement définitif au fond, c’est-à-dire passé en force de chose jugée, ne peut pas faire l’objet de nouvelles poursuites.
70 Idem, page 56, à partir de « Quant aux moyens tirés de la Convention européenne des droits de l’homme », à page 57 (c’est nous qui soulignons).
71 Idem, page 39, avant-dernier et dernier alinéa.
90Par ailleurs, il est généralement admis par la jurisprudence que les peines pénales ne doivent pas être confondues avec les mesures punitives émanant d’autorités administratives, fiscales ou disciplinaires en marge d’un procès pénal, même si elles peuvent être ressenties comme telles par la personne concernée. Ces mesures demeurent fondamentalement administratives et ne constituent pas des peines.
En ce sens, la Cour de cassation de Belgique a notamment décidé que :
« l’établissement et le recouvrement d’un impôt font l’objet d’une procédure administrative dans le cadre de laquelle l’administration fiscale poursuit le paiement d’impôts légalement dus. Il ne s’agit pas d’une procédure pénale. En outre, un impôt n’est pas une peine. Par conséquent, le principe non bis in idem n’est pas applicable en la matière. » (Cour de cassation de Belgique, 2e chambre, 21 mai 2019, RG P.19.0104.N., Pasicrisie belge, p. 1111).
Cependant, l’existence ou non d’une « accusation en matière pénale » doit s’apprécier sur base de trois critères, désignés sous le nom de « critères Engel » et dégagés par l’affaire Engel et autres contre Pays-Bas rendu par la CEDH le 8 juin 1976, à savoir la qualification juridique de l’infraction en droit interne, la nature de l’infraction et la sévérité de la sanction.
En l’occurrence, le jugement du tribunal administratif du 23 octobre 2013 a été rendu sur base d’une requête déposée par le mandataire de PERSONNE1.) tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur de l’Administration des Contributions directes du 25 avril 2012 qui a rejeté la réclamation concernant les bulletins d’impôts sur le revenu des années 2002 à 2007, décision ayant pour origine le fait que PERSONNE1.) n’a pas déposé de déclarations conformément à l’article 116 de la loi générale des impôts et le fait que ce dernier n’a pas, conformément à l’article 162 de la loi générale des impôts, tenu une comptabilité simplifiée, de sorte que le bureau d’imposition concerné a procédé, conformément à l’article 217 de la loi générale des impôts, à une imposition par voie de taxation d’office en se basant sur les relevés des prestations remboursés par la CNS. Il ressort encore de ce jugement que, selon ce procédé, le contribuable a la possibilité de contester l’impôt ainsi fixé d’office en apportant des preuves de ses revenus et dépenses.
Il ne ressort pas de ce jugement rendu en matière fiscale, que PERSONNE1.) a fait l’objet d’une sanction ayant le caractère d’une punition fiscale tel que définie par la jurisprudence de la CEDH dans la mesure où il y a eu un procédé de détermination des bases d’imposition au vu des éléments à disposition de l’administration fiscale et la possibilité de contester la décision.
La procédure devant le tribunal administratif n’était donc pas de nature pénale, de sorte que d’après la jurisprudence de la CEDH il devient superfétatoire d’analyser les autres critères dégagés par l’arrêt Engel et le moyen est partant à rejeter.
Concernant le moyen tiré du droit d’être jugé par un juge impartial, il y a lieu de souligner que l’article 6.1 de la Convention impose à tout tribunal relevant de son champ d’application d’être impartial. L’impartialité se définit d’ordinaire par l’absence de préjugé ou de parti pris.
91Les reproches adressés par les mandataires de PERSONNE1.) aux juges correctionnels ne rentrent pas dans cette définition de l’impartialité.
En effet, il convient de souligner ainsi que cela a été développé au point relatif à l’interdiction de la double condamnation, que le fait que le tribunal administratif a rendu un jugement sur base d’un recours contre une décision de l’administration des contributions directes concernant les obligations déclaratives de PERSONNE1.) et le fait que le tribunal correctionnel a rendu une décision pénale pour des faits de tentative d’escroquerie n’est pas à assimiler à une violation du droit d’être jugé par un juge impartial au sens de l’article 6 de la Convention.
Le moyen est donc non fondé. »72.
A b s e n c e d e d é f a u t d e r é p o n s e à c o n c l u s i o n s Dans son cinquième moyen, le demandeur en cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir omis de répondre à son moyen d’appel tiré d’un droit à être jugé par un juge unique statuant à la fois sur la fixation de la dette fiscale, comme le fit en l’espèce le tribunal administratif en ce qui concerne les taxations d’office des années fiscales 2002 à 2007, et sur la poursuite pénale pour tentative d’escroquerie fiscale, comme le firent en l’espèce les juridictions pénales. Il considère que la Cour d’appel se serait limitée à ne répondre, parmi les deux moyens d’appel tirés de la violation du droit à être jugé par un juge unique et du droit à être jugé par un juge impartial, qu’au dernier de ces deux moyens, à l’exclusion du premier.
Dans cette optique le moyen de cassation est à comprendre comme soulevant le grief de forme du défaut de réponse à conclusions et comme étant tiré de la violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde dans la mesure où cet article implique l’obligation de motivation des décisions judiciaires, qui constitue, au regard de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, un aspect du droit à un procès équitable73.
Le reproche d’un défaut de réponse à conclusions manque cependant d’être fondé.
Les motifs précités de l’arrêt sont précédés d’un titre libellé comme suit : « - l’interdiction de la double condamnation et le droit d’être jugé par un juge unique et impartial »74.
Ils ont donc pour objet de répondre, outre aux moyens tirés du respect du principe non bis in idem et du droit à un juge impartial, également au moyen tiré du droit d’être juge par un juge unique.
La Cour d’appel répond à ces trois moyens par une motivation unique. Ces trois moyens reposent, en effet, sur la prémisse commune que le jugement du tribunal administratif ayant statué sur un recours formé par le demandeur en cassation contre certaines des décisions de taxation en cause (à savoir celles de 2002 à 2007, mais non celles de 2008 à 2012) et la poursuite pénale engagée pour tentative d’escroquerie fiscale auraient le point commun d’être 72 Idem, page 56, à partir de « Quant aux moyens tirés de la Convention européenne des droits de l’homme », à page 57 (c’est nous qui soulignons).
73 Guide sur l’article 6 (volet pénal), précité, points 185 à 190.
74 Arrêt attaqué, page 56, sous-titre sous « Quant aux moyens tirés de la Convention européenne des droits de l’homme ».
92chacune des procédures « pénales » au sens autonome de la Convention de sauvegarde. De ce caractère « pénal », au sens pré-décrit, de la procédure devant le tribunal administratif et du jugement rendu par ce dernier, il est déduit que la poursuite pénale pour tentative d’escroquerie fiscale méconnaîtrait le principe non bis in idem (puisqu’elle fait suite à une procédure « pénale » antérieure portant sur le même fait), que les juges statuant sur cette seconde poursuite pénale ne présentent pas des garanties d’impartialité et, s’agissant du moyen en cause, que ces deux procédures « pénales », au sens pré-décrit, auraient dû être jugées par les mêmes juges.
La Cour d’appel répond à cette triple prétention en constatant le caractère erroné de la prémisse sur laquelle celle-ci repose, à savoir que le recours devant le tribunal administratif et le jugement rendu par ce dernier ne constituent pas une procédure « pénale » au sens autonome de la Convention de sauvegarde. Elle conclut, après avoir pris en considération les critères de la jurisprudence Engel de la Cour de Strasbourg, que « [l]a procédure devant le tribunal administratif n’était […] pas de nature pénale »75.
Cette conclusion implique le défaut de pertinence des trois moyens, la prémisse commune de ces derniers étant erronée.
La Cour d’appel se limite à ajouter une précision supplémentaire relative au moyen tiré du droit à un juge impartial, à savoir que « [l]’impartialité se définit d’ordinaire par l’absence de préjugé ou de parti pris »76 et que « [l]es reproches adressés par les mandataires de PERSONNE1.) aux juges correctionnels ne rentrent pas dans cette définition de l’impartialité »77. Elle complète cette précision par un renvoi à sa conclusion tirée du caractère non « pénal » de la procédure devant le tribunal administratif78.
Ce renvoi s’opère, il est vrai, « au point relatif à l’interdiction de la double condamnation »79, donc ne mentionne pas le moyen relatif au juge unique, et il n’est, exception faite du titre précité, pas fait référence à ce moyen. Ce silence ne porte toutefois pas à conséquence puisque les motifs relatifs au caractère non « pénal » de la procédure devant le tribunal administratif impliquent nécessairement le rejet, outre des moyens relatifs au principe non bis in idem et au juge impartial, de celui relatif à un juge unique qui, au titre des droits de « l’accusé » de l’article 6 de la Convention de sauvegarde, devrait connaître des deux procédures au sujet desquelles le demandeur en cassation alléguait qu’elles étaient toutes les deux de nature « pénale » au sens de cet article.
La Cour d’appel ayant répondu au moyen d’appel en question, le moyen de cassation tiré d’un défaut de réponse à conclusions n’est pas fondé.
75 Idem, page 57, sixième alinéa.
76 Idem, même page, septième alinéa.
77 Idem, même page, antépénultième alinéa.
78 « En effet, il convient de souligner ainsi que cela a été développé au point relatif à l’interdiction de la double condamnation, que le fait que le tribunal administratif a rendu un jugement sur base d’un recours contre une décision de l’administration des contributions directes concernant les obligations déclaratives de PERSONNE1.) et le fait que le tribunal correctionnel a rendu une décision pénale pour des faits de tentative d’escroquerie n’est pas à assimiler à une violation du droit d’être jugé par un juge impartial au sens de l’article 6 de la Convention. » (idem, même page, dernier alinéa).
79 Idem et loc.cit.
93M o t i f s s u f f i s a n t s e t j u s t i f i é s e n d r o i t Dans la mesure où le moyen de cassation devait être compris comme critiquant non un défaut formel de réponse à conclusions, mais une critique du bien-fondé de cette réponse, dont le bien-
fondé du refus de qualifier la procédure devant le tribunal administratif de procédure « pénale » au sens autonome de la Convention de sauvegarde, il est renvoyé aux développements faits ci-
avant dans le cadre du troisième moyen.
En effet, la procédure en question n’avait manifestement pas pour objet de sanctionner le demandeur en cassation, mais avait exclusivement pour objet de contrôler la détermination, faite en l’absence de déclarations fiscales, de façon d’office, mais d’une façon objective, des revenus imposables de ce dernier. C’est donc à juste titre que la Cour d’appel conclut que cette procédure ne répond manifestement pas aux critères Engel, donc n’est pas à considérer comme une procédure « pénale » au sens autonome de la Convention de sauvegarde. La procédure devant le tribunal administratif n’ayant pas été de nature « pénale », il ne se pose pas la question d’un droit de « l’accusé » au titre de l’article 6 de la Convention de sauvegarde à voir juger cette procédure, qui n’est pas « pénale », ensemble avec la procédure engagée devant les juridictions pénales.
Les motifs par lesquels la Cour d’appel rejeta cette prétention sont donc suffisants et justifiés en droit, à supposer que le moyen doive être compris comme ne se limitant pas à critiquer un défaut (formel) de réponse à conclusions.
D e s q u e s t i o n s p r é j u d i c i e l l e s d é p o u r v u e s d e p e r t i n e n c e Dans un ordre subsidiaire le demandeur en cassation vous invite, à nouveau, à saisir la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour constitutionnelle de différentes questions préjudicielles.
Ces demandes sont à rejeter pour les motifs exposés ci-avant dans le cadre de la discussion du quatrième moyen.
Sur le sixième moyen (principe d’égalité des armes) Le sixième moyen est tiré de la violation de l’article 6, paragraphes 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en rejetant un moyen de défense tiré de ce que « qu’il y a eu inégalité des armes, dans la mesure où [le demandeur en cassation] n’aurait pas eu accès aux notes écrites du fonctionnaire PERSONNE2.) concernant la décision de « ruling », décision qui aurait été prise lors de la réunion du 8 juillet 2003 »80, aux motifs que « Selon la jurisprudence de la CEDH, l’égalité des armes est l’un des éléments inhérents à la notion de procès équitable. Elle veut que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Le droit à un procès contradictoire signifie en principe la possibilité pour les parties de connaître et de commenter tous les éléments de preuve produits et toutes les 80 Idem, page 58, cinquième alinéa.
94observations présentées de manière à orienter la décision du tribunal. En l’occurrence, il faut constater que si PERSONNE2.) n’a pas pu être interrogé sur ce qui a été discuté et arrêté lors de cette réunion, celui-ci étant décédé au début de l’année 2007, il n’en reste pas moins que deux autres personnes qui ont été personnellement présentes lors de cette réunion ont pu être entendues. En effet, le témoin PERSONNE3.), fonctionnaire de l’administration fiscale, a été entendu et a détaillé le contenu de la réunion du 8 juillet 2003. De même, PERSONNE4.), le comptable de PERSONNE1.) à l’époque des faits, a été entendu sur le contenu de la réunion et ce dernier a établi un compte-rendu manuscrit de la réunion en question. La circonstance que les notes manuscrites d’PERSONNE2.) disparues n’aient pas été communiquées à PERSONNE1.) n’est pas de nature à entraver les droits de la défense dans la mesure où ces notes n’ont à aucun moment fait partie intégrante du dossier pénal et que celles-ci n’ont pas pu fonder la décision de culpabilité de ce dernier quant aux infractions en litige.
PERSONNE1.) n’a donc pas été placé dans une situation de net désavantage par rapport au ministère public du fait que les notes manuscrites d’PERSONNE2.) ne sont pas versées au dossier et il n’y a pas eu violation irréparable des droits de la défense qui aurait entraîné l’irrecevabilité des poursuites. Le moyen tiré d’une violation de l’égalité des armes et du droit à une procédure contradictoire n’est donc pas fondé. »81, alors que la violation du principe d’égalité des armes résulte en l’espèce, non de ce que le document n’a pas été produit à titre d’élément de preuve à charge du demandeur en cassation, mais que ce dernier a été privé de la possibilité de l’invoquer à titre d’élément de preuve à décharge.
Le demandeur en cassation avait fait soutenir un moyen d’appel tiré de la violation du principe d’égalité des armes :
« Les mandataires de PERSONNE1.) affirment encore qu’il y a eu inégalité des armes, dans la mesure où leur mandant n’aurait pas eu accès aux notes écrites du fonctionnaire PERSONNE2.) concernant la décision de « ruling », décision qui aurait été prise lors de la réunion du 8 juillet 2003. »82.
Il avait encore fait soutenir à ce sujet que :
« […] le droit à un procès équitable signifierait la possibilité pour PERSONNE1.) de connaître les notes manuscrites du fonctionnaire PERSONNE2.). Or, ces notes n’auraient pas été versées et auraient finalement été déclarées disparues à l’audience des juges de première instance. Selon la défense, il y aurait donc violation de l’article 6.1 ainsi que 6.3b), c) et d) de la Convention.
Ensuite, selon la défense, PERSONNE1.) n’aurait pas été jugé dans un délai raisonnable. Ce dépassement du délai raisonnable aurait conduit à un dépérissement des preuves, le préposé PERSONNE2.) étant entretemps décédé, les notes manuscrites de ce dernier ayant été perdues et la mémoire des témoins entendus étant défaillante au vu de l’ancienneté des faits. […] »83.
Au sujet de ces notes, les juges de première instance avaient constaté que l’agent de l’Administration fiscale PERSONNE3.) avait au cours de l’enquête de police fait des déclarations au sujet de l’entrevue du 8 juillet 2003 entre le demandeur en cassation et des 81 Idem, même page, sixième au dernier alinéa.
82 Idem, page 58, cinquième alinéa.
83 Idem, page 40, deuxième et troisième alinéa.
95agents de cette Administration dans le cadre de laquelle le préposé PERSONNE2.) avait pris des notes. Les juges résument les constatations policières comme suit :
« Sur base de ces informations [fournies par le demandeur en cassation], desquelles il aurait été retenu que le Dr. PERSONNE1.) n’aurait pas eu de base fixe au Luxembourg, il y aurait eu un accord que le Dr. PERSONNE1.) ne devrait pas être imposé au Grand-
Duché de Luxembourg. PERSONNE3.) a encore précisé et confirmé que PERSONNE2.) a noté cet accord de manière manuscrite et qu’ils n’ont pas fait de recherches supplémentaires, les déclarations du Dr. PERSONNE1.) ayant été crédibles. »84.
La Cour d’appel constatèrent au sujet de ces mêmes notes ce qui suit :
« Il est constant en cause que dans une première phase, PERSONNE1.) a demandé aux fonctionnaires du bureau d’imposition en charge de son dossier fiscal un rendez-vous pour se renseigner sur sa situation fiscale. Ainsi, PERSONNE1.) et son comptable à l’époque des faits, PERSONNE4.), ont rencontré les fonctionnaires de l’administration fiscale, PERSONNE3.) et PERSONNE2.), le 8 juillet 2003.
La discussion de la situation fiscale de PERSONNE1.) a été résumée dans un compte-
rendu établi par PERSONNE4.) le 22 juillet 2003.
Ce compte-rendu figure au dossier pénal et est rédigé dans les termes suivants :
« Monsieur PERSONNE1.) est résident monégasque, il habite à Monaco où il a loué un appartement, ses enfants y habitent et y vont à l’école. Il est vrai qu’il vient au Luxembourg régulièrement à l’ordre de 90 à 110 jours par année, mais il n’a pas de domicile au Luxembourg et son lieu de séjour habituel est à l’étranger. Par conséquent, selon l’art. 13 et 14 du Steueranpassungsgesetz il n’est pas à considérer comme résident selon la loi fiscale luxembourgeoise : sont donc imposables uniquement les revenus d’origine luxembourgeoise. En particulier des revenus provenant de l’exercice d’une activité indépendante ne sont imposables que s’ils proviennent d’une base fixe luxembourgeoise. Le Dr PERSONNE1.) a transféré entretemps son domicile et sa résidence fiscale vers la Suisse essentiellement pour des raisons professionnelles. Il avait déjà cédé l’immeuble d’exploitation et l’installation de son cabinet d’implantologie et est en train de réduire sa présence physique au Luxembourg encore plus par la cession partielle projetée de son activité… Cette réduction de la présence physique est également conditionnée par un nouveau contrat de collaboration avec la société suisse… Suite à ces informations, le bureau d’imposition a donné son accord de clôturer le dossier du Dr PERSONNE1.) avec l’année 2001. » Le témoin PERSONNE3.) a déclaré au sujet de cette réunion devant la police le 6 février 2017 que: « Lors de la réunion en juillet 2003, Dr PERSONNE1.) a argumenté qu’il avait son domicile à Monaco et qu’il aurait encore une deuxième résidence en Suisse. Il nous a informés qu’il travaillait pour une société suisse dans le domaine de la technologie dentaire. Lors de cette réunion, il y a eu un accord que M.
PERSONNE1.) ne devrait pas être imposé au Grand-Duché si les faits sont tels que décrits par lui, c’est-à-dire qu’il n’aurait pas de base fixe au Luxembourg pour générer 84 Idem, page 6, deuxième alinéa (c’est nous qui soulignons).
96ses revenus. Je confirme que M. PERSONNE2.) a noté cela de manière manuscrite….
Dr PERSONNE1.) ne nous a pas renseignés à l’époque sur le fait qu’il avait un cabinet dentaire… il ne nous a rien dit à ce sujet. » et ce témoin a encore précisé que « Suite aux déclarations faites par Dr PERSONNE1.) ou son comptable lors de la réunion en juillet 2003, il a été décidé que Dr PERSONNE1.) ne serait pas imposé au Luxembourg.
Vu qu’il déclarait qu’il n’avait pas de base fixe au Luxembourg. » Ce témoin a confirmé ses déclarations sous la foi du serment à l’audience des juges de première instance « Den Dr PERSONNE1.) sollt fir eng schwäizer Firma täteg sinn an zu Monaco wunnen.
Eng base fixe wäer net ginn. ». »85.
En réponse au moyen d’appel du demandeur en cassation relatif à la violation du principe d’égalité des armes en rapport avec les notes manuscrites du préposé PERSONNE2.), la Cour décida ce qui suit :
« Selon la jurisprudence de la CEDH, l’égalité des armes est l’un des éléments inhérents à la notion de procès équitable. Elle veut que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Le droit à un procès contradictoire signifie en principe la possibilité pour les parties de connaître et de commenter tous les éléments de preuve produits et toutes les observations présentées de manière à orienter la décision du tribunal.
En l’occurrence, il faut constater que si PERSONNE2.) n’a pas pu être interrogé sur ce qui a été discuté et arrêté lors de cette réunion, celui-ci étant décédé au début de l’année 2007, il n’en reste pas moins que deux autres personnes qui ont été personnellement présentes lors de cette réunion ont pu être entendues. En effet, le témoin PERSONNE3.), fonctionnaire de l’administration fiscale, a été entendu et a détaillé le contenu de la réunion du 8 juillet 2003. De même, PERSONNE4.), le comptable de PERSONNE1.) à l’époque des faits, a été entendu sur le contenu de la réunion et ce dernier a établi un compte-rendu manuscrit de la réunion en question.
La circonstance que les notes manuscrites de PERSONNE2.) disparues n’aient pas été communiquées à PERSONNE1.) n’est pas de nature à entraver les droits de la défense dans la mesure où ces notes n’ont à aucun moment fait partie intégrante du dossier pénal et que celles-ci n’ont pas pu fonder la décision de culpabilité de ce dernier quant aux infractions en litige.
PERSONNE1.) n’a donc pas été placé dans une situation de net désavantage par rapport au ministère public du fait que les notes manuscrites de PERSONNE2.) ne sont pas versées au dossier et il n’y a pas eu violation irréparable des droits de la défense qui aurait entraîné l’irrecevabilité des poursuites.
Le moyen tiré d’une violation de l’égalité des armes et du droit à une procédure contradictoire n’est donc pas fondé. »86 Elle ajouta, au sujet d’autres moyens tirés de la disparition de ces notes, ce qui suit :
85 Idem, page 68, cinquième au dernier alinéa (c’est nous qui soulignons).
86 Idem, page 58, sixième au dernier alinéa.
97- au sujet d’un moyen tiré du dépassement du délai raisonnable de procédure par suite d’un dépérissement des preuves : « En l’espèce, il convient de constater au vu des développements faits ci-dessus que le décès du préposé PERSONNE2.) et la disparition de ses notes manuscrites du dossier répressif n’ont pas d’incidence sur l’administration de la preuve des faits et le respect des droits de la défense. »87 et - au sujet d’un moyen tiré de la violation de la présomption d’innocence : « Si, en l’espèce, les notes manuscrites de PERSONNE2.), préposé du bureau d’imposition à l’époque des faits, ont disparu du dossier administratif et n’ont jamais été versées au dossier répressif et si le témoignage de Monique Adams a été pris en considération par le tribunal, il convient toutefois de constater que d’autres personnes ont été entendues sur le contenu de la réunion du 8 juillet 2003, que PERSONNE1.) et ses mandataires ont eu connaissance de ces déclarations et que c’est sur base de l’ensemble des éléments recueillis que le tribunal a retenu la culpabilité de ce dernier. »88.
Dans son sixième moyen, le demandeur en cassation critique la réponse citée ci-avant de la Cour d’appel au sujet de son grief de la violation du principe d’égalité des armes. Il soutient à cet effet qu’il a été privé de la possibilité d’invoquer les notes manuscrites disparues à titre d’élément de preuve à décharge.
Le principe d’égalité des armes a pour objet de s’assurer que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de désavantage par rapport à son adversaire89. Elle implique donc, dans le cadre du procès pénal, que la défense ne soit pas placée dans une situation de désavantage par rapport au Ministère public.
Or, une telle situation de désavantage ne se présenta pas en l’espèce pour les motifs énoncés par la Cour d’appel :
- le Ministère public ne disposait pas, plus que la défense, des notes en question, qui n’avaient à aucun moment figuré au dossier pénal, de sorte que le désavantage découlant du défaut de ces notes était équivalant pour les deux adversaires, - le Ministère public était donc tout autant privé de la possibilité d’invoquer les notes à titre d’éléments à charge que la défense était privé de la possibilité de les invoquer à titre d’éléments à décharge, - il n’existait donc de ce point de vue aucun désavantage comparatif au détriment de la défense.
Il s’ajoute que le défaut de ces notes n’avait, en fait, aucune incidence sérieuse puisque ces notes avaient eu pour objet de résumer les discussions ayant eu lieu au cours d’une entrevue - sur le contenu duquel deux témoins ont déposé, à savoir les témoins PERSONNE3.) et PERSONNE4.), et 87 Idem, page 59, avant-dernier alinéa.
88 Idem, page 60, dernier alinéa.
89 Guide sur l’article 6 (volet pénal), précité, point 159.
98- dont le contenu a été résumé par un autre document, à savoir un compte-rendu manuscrit, rédigé à l’époque des faits par un autre témoin, à savoir par PERSONNE4.).
C’est donc à juste titre que la Cour d’appel rejeta le moyen d’appel en question.
Il en suit que le moyen de cassation n’est pas fondé.
Sur le septième moyen (les « six casquettes » de l’Administration des contributions directes et l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales) Le septième moyen est tiré de la violation de l’article 6, paragraphes 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en rejetant un moyen de défense tiré de ce que « l’Administration des contributions directes aurait six « casquettes ». Ainsi, cette administration serait à la fois une autorité fiscale, une autorité de recouvrement, une autorité chargée de faire respecter la loi, un juge fiscal et administratif, un témoin et une partie civile. Cette administration participerait à l’administration de la justice fiscale et pénale, notamment en vertu des articles 228, 421 et 425 de la loi générale des impôts. Dès lors, et au vu de la jurisprudence de la CEDH, notamment son arrêt dans l’affaire P[ie]sack contre la Belgique et celui dans l’affaire Procola contre le Luxembourg, le fait de porter plusieurs « casquettes » ne serait pas admissible du point de vue du principe de l’indépendance, celui de l’impartialité et celui de la neutralité d’une juridiction. L’article 6.1 de la Convention serait donc violé »90, aux motifs que « Quant à l’argumentation des mandataires de PERSONNE1.) quant aux six «casquettes » de l’administration des contributions directes, situation qui violerait le principe de l’indépendance, de l’impartialité et de la neutralité, celle-ci n’est pas fondée. Ainsi que cela a été développé ci-dessus, la Cour européenne a défini l’impartialité comme l’absence, dans le chef du juge, de préjugé ou de parti pris et, à cette occasion, elle opère une distinction entre une approche subjective de cette notion qui procède de l’appréciation in concreto de l’impartialité personnelle (conviction personnelle) d’un juge déterminé en telle occasion et une démarche objective dont l’objet est de rechercher si le juge offrait des garanties suffisantes pour exclure, à cet égard, tout doute légitime. En l’occurrence, il faut constater que les mandataires de PERSONNE1.) ne reprochent pas au tribunal correctionnel une impartialité.
Quant à l’impartialité reprochée à l’administration des contributions directes, ce reproche ne saurait être examiné par la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle. En effet, et tel que relevé par le représentant du ministère public, l’Administration des contributions directes n’a pas joué le rôle de juge ou de tribunal dans l’affaire correctionnelle en litige. »91, alors que l’exercice conjoint et successif par l’Administration des contributions directes d’attributions d’autorité fiscale, d’autorité de recouvrement, d’autorité de poursuite, d’autorité judiciaire, de témoin à charge et de partie civile a, in concreto, porté atteinte aux principes d’indépendance et d’impartialité du tribunal décidant, au sens des dispositions visées, du bien-fondé de l’accusation en matière pénale et qu’en cas de doute sur le bien-fondé du moyen il y a lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour constitutionnelle de différentes questions préjudicielles.
90 Arrêt attaqué, page 41, deuxième et troisième alinéa.
91 Idem, page 61, deuxième au quatrième alinéa.
99 Le demandeur avait invoqué à titre de moyen d’appel que :
« En outre, l’Administration des contributions directes aurait six « casquettes ». Ainsi, cette administration serait à la fois une autorité fiscale, une autorité de recouvrement, une autorité chargée de faire respecter la loi, un juge fiscal et administratif, un témoin et une partie civile. Cette administration participerait à l’administration de la justice fiscale et pénale, notamment en vertu des articles 228, 421 et 425 de la loi générale des impôts.
Dès lors, et au vu de la jurisprudence de la CEDH, notamment son arrêt dans l’affaire Piersack contre la Belgique et celui dans l’affaire Procola contre le Luxembourg, le fait de porter plusieurs « casquettes » ne serait pas admissible du point de vue du principe de l’indépendance, celui de l’impartialité et celui de la neutralité d’une juridiction. L’article 6.1 de la Convention serait donc violé. »92.
La Cour d’appel rejeta ce moyen aux motifs que :
« Quant à l’argumentation des mandataires de PERSONNE1.) quant aux six «casquettes » de l’administration des contributions directes, situation qui violerait le principe de l’indépendance, de l’impartialité et de la neutralité, celle-ci n’est pas fondée.
Ainsi que cela a été développé ci-dessus, la Cour européenne a défini l’impartialité comme l’absence, dans le chef du juge, de préjugé ou de parti pris et, à cette occasion, elle opère une distinction entre une approche subjective de cette notion qui procède de l’appréciation in concreto de l’impartialité personnelle (conviction personnelle) d’un juge déterminé en telle occasion et une démarche objective dont l’objet est de rechercher si le juge offrait des garanties suffisantes pour exclure, à cet égard, tout doute légitime.
En l’occurrence, il faut constater que les mandataires de PERSONNE1.) ne reprochent pas au tribunal correctionnel une impartialité. Quant à l’impartialité reprochée à l’administration des contributions directes, ce reproche ne saurait être examiné par la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle. En effet, et tel que relevé par le représentant du ministère public, l’Administration des contributions directes n’a pas joué le rôle de juge ou de tribunal dans l’affaire correctionnelle en litige. »93.
Dans son septième moyen, le demandeur en cassation réitère le moyen d’appel rejeté par la Cour d’appel en dirigeant sa critique contre les motifs précités.
U n m o y e n q u i n ’ e s t p a s f o n d é Le moyen reprend, en partie et en substance, la critique exposée au quatrième moyen, sauf à se limiter à déduire cette fois la violation de la Convention de sauvegarde de façon exclusive du rôle prétendument trop prépondérant de l’Administration fiscale.
92 Idem, page 41, deuxième et troisième alinéa.
93 Idem, page 61, deuxième au quatrième alinéa.
100 Il y a lieu de renvoyer aux développements relatifs à cette question dans la discussion relative au quatrième moyen.
L’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde, invoqué à l’appui du moyen, garantit le droit à un « tribunal indépendant et impartial » pour décider du bien-fondé de toute accusation en matière pénale. L’Administration fiscale n’est pas le « tribunal » de la poursuite pénale dont la Cour d’appel était saisie. Elle a dénoncé des faits pénaux au Ministère public, qui engagea la poursuite pénale et assuma dans le cadre de celle-ci le rôle de partie poursuivante.
A l’appui de son moyen, le demandeur en cassation réitère ses allégations sur le rôle de cette Administration dans l’établissement des taxations d’office. Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion des premier et deuxième moyens réunis faite à titre plus subsidiaire, que la procédure de taxation d’office et le jugement du tribunal administratif rendu sur le recours du demandeur en cassation contre certaines des décisions de taxations ne sont pas à qualifier de procédure « pénale » au sens autonome de la Convention de sauvegarde, puisqu’ils n’ont aucune finalité de sanction.
C’est donc à juste titre et par des motifs suffisants que la Cour d’appel rejeta le moyen d’appel.
Les développements exposés dans la discussion du moyen, qui vous invitent à examiner le rôle assumé en fait par l’Administration fiscale ne sauraient être accueillis parce qu’ils reviennent à remettre en discussion l’appréciation souveraine des faits par les juges du fond et méconnaissent votre rôle, qui consiste à contrôler la légalité des arrêts, mais non à rejuger la cause en fait et en droit comme un troisième degré de juridiction.
Il en suit que le moyen n’est pas fondé.
D e s q u e s t i o n s p r é j u d i c i e l l e s d é p o u r v u e s d e p e r t i n e n c e Dans un ordre subsidiaire le demandeur en cassation vous invite à saisir la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour constitutionnelle de différentes questions préjudicielles.
Ces demandes sont à rejeter pour les motifs exposés ci-avant dans le cadre de la discussion du quatrième moyen.
Sur le huitième moyen (les « six casquettes » de l’Administration des contributions directes et l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne) Le huitième moyen est tiré de la violation de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en rejetant un moyen de défense tiré de ce que « l’Administration des contributions directes aurait six « casquettes ».
Ainsi, cette administration serait à la fois une autorité fiscale, une autorité de recouvrement, une autorité chargée de faire respecter la loi, un juge fiscal et administratif, un témoin et une partie civile. Cette administration participerait à l’administration de la justice fiscale et 101pénale, notamment en vertu des articles 228, 421 et 425 de la loi générale des impôts. Dès lors, et au vu de la jurisprudence de la CEDH, notamment son arrêt dans l’affaire P[ie]rsack contre la Belgique et celui dans l’affaire Procola contre le Luxembourg, le fait de porter plusieurs « casquettes » ne serait pas admissible du point de vue du principe de l’indépendance, celui de l’impartialité et celui de la neutralité d’une juridiction. L’article 6.1 de la Convention serait donc violé »94, que « Les mandataires de PERSONNE1.) invoquent différents griefs tirés de la violation du droit de l’Union européenne et demandent à la Cour d’appel d’annuler le jugement sinon de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la : « CJUE ») de trois questions préjudicielles. Les griefs formulés par la défense de PERSONNE1.) sont les suivants : […] - (4) violation des principes fondamentaux tels que le droit à un recours effectif et à un procès équitable, le droit au silence, le droit à l’interdiction de la double incrimination et le droit au respect du principe de proportionnalité des peines. »95 et de ce qu’il y avait, à titre subsidiaire, lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de la question préjudicielle suivante : « L’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’oppose-t-elle à la législation et la pratique d’un Etat membre en vertu de laquelle l’Administration des contributions directes exerce simultanément les fonctions suivantes : (1) celle d’une autorité fiscale, (2) celle d’une autorité de recouvrement, (3) celle d’une autorité de poursuite, (4) des fonctions judiciaires, (5) la fonction de témoin à charge dans une procédure fiscale pénale, (6) la fonction de partie civile ? »96 aux motifs que « Quant à l’argumentation des mandataires de PERSONNE1.) quant aux six « casquettes » de l’administration des contributions directes, situation qui violerait le principe de l’indépendance, de l’impartialité et de la neutralité, celle-ci n’est pas fondée. Ainsi que cela a été développé ci-dessus, la Cour européenne a défini l’impartialité comme l’absence, dans le chef du juge, de préjugé ou de parti pris et, à cette occasion, elle opère une distinction entre une approche subjective de cette notion qui procède de l’appréciation in concreto de l’impartialité personnelle (conviction personnelle) d’un juge déterminé en telle occasion et une démarche objective dont l’objet est de rechercher si le juge offrait des garanties suffisantes pour exclure, à cet égard, tout doute légitime. En l’occurrence, il faut constater que les mandataires de PERSONNE1.) ne reprochent pas au tribunal correctionnel une impartialité.
Quant à l’impartialité reprochée à l’administration des contributions directes, ce reproche ne saurait être examiné par la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle. En effet, et tel que relevé par le représentant du ministère public, l’Administration des contributions directes n’a pas joué le rôle de juge ou de tribunal dans l’affaire correctionnelle en litige. »97 et que « Pour ce qui concerne les moyens sub […] (4) de la justice, ceux-ci reposent […] sur l’article 47 de la Charte qui prévoit le droit à un recours effectif et le droit d’accès à un tribunal impartial […]. Il faut constater que les dispositions des articles […] 47 […] de la Charte, dont les mandataires de PERSONNE1.) se prévalent, correspondent aux mêmes droits garantis par la Convention et notamment les droits garantis par les articles 6 […] [de] la Convention.
D’après l’article 52 (3) de la Charte : « Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention…, leurs sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention… ». Dès lors, il convient de renvoyer aux développements précédents, à savoir que les moyens tirés de la violation aux articles 6 […] de la Convention […] sont à rejeter. […] Il y a lieu d’en conclure qu’une violation des articles […] 47 […] de la Charte n’est pas donnée en l’espèce. »98, alors que l’exercice conjoint et successif par l’Administration des contributions directes d’attributions d’autorité fiscale, 94 Idem, page 41, deuxième et troisième alinéa.
95 Idem, page 63, avant-dernier et dernier alinéa.
96 Idem, page 65, Question préjudicielle 2.
97 Idem, page 61, deuxième au quatrième alinéa.
98 Idem, page 64, quatrième au septième et neuvième alinéa.
102d’autorité de recouvrement, d’autorité de poursuite, d’autorité judiciaire, de témoin à charge et de partie civile a, in concreto, porté atteinte aux principes d’indépendance et d’impartialité du tribunal décidant, au sens de la disposition visée, de la cause et qu’en cas de doute sur le bien-
fondé du moyen il y a lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour constitutionnelle de différentes questions préjudicielles.
Dans son huitième moyen, le demandeur en cassation réitère la critique exposée au septième moyen, sauf à la tirer d’une violation de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, correspondant, en substance, à l’article 6 de la Convention de sauvegarde.
U n m o y e n i r r e c e v a b l e p o u r ê t r e t i r é d e l a v i o l a t i o n d ’ u n e d i s p o s i t i o n é t r a n g è r e a u l i t i g e Le moyen est tiré de la violation de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion relative aux questions préjudicielles proposées dans le quatrième moyen, que la Charte dispose dans son article 51, paragraphe 1, que « [l]es dispositions de la […] Charte s’adressent aux institutions et organes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union ».
La Charte ne s’applique donc que si et dans la mesure où les Etats membres mettent en œuvre le droit de l’Union européenne. Or, le présent cas d’espèce est étranger à une telle mise en œuvre. Il a pour objet une procédure pénale engagée par suite d’un délit dans un contexte où tant la procédure pénale que le délit sont étrangers au droit de l’Union européenne99.
Le seul point de rattachement à ce droit avancé par le demandeur en cassation est l’Accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé le 21 juin 1999100, qui, selon lui, serait pertinent dans l’appréciation de la légalité de la fixation de son impôt.
Cet Accord aurait, en effet, selon lui, une incidence sur la fixation de l’impôt, dans laquelle intervient la Convention entre le Grand-Duché de Luxembourg et la Confédération suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Berne, le 21 janvier 1993101.
99 Ce qui ne serait, par exemple, pas le cas en présence d’une procédure engagée sur base des articles 136-3 à 136-
75, nouveaux, du Code de procédure pénale par le Procureur européen délégué, tels qu’ils ont été introduits par la loi du 22 juillet 2022 modifiant le Code de procédure pénale aux fins de la mise en œuvre du règlement (UE) 2017/1939 du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen (Mémorial, A, 2022, n° 428 du 5 août 2022).
100 Journal official de l’Union européenne L 114 du 30.4.2002, page 6 (texte originaire) ; une version coordonnée à jour est publiée sous : CL2002A1430FR0040010.0001_cp 1..2 (europa.eu) (consulté le 9 novembre 2022). Voir, au sujet de l’invocation de cet Accord : arrêt attaqué, page 65, deuxième alinéa. Voir également à ce sujet sujet le vingtième et le vingt-quatrième moyen.
101 Convention approuvée par une loi du 16 décembre 1993 (Mémorial, A, 1993, n° 101, du 28 décembre 1993, page 2124). Cette Convention a connu par la suite deux avenants (approuvés par une loi du 31 mars 2010 (Mémorial, A, 2010, n° 51, du 6 avril 2010, page 830, voir page 915) et par une loi du 14 juin 2013 (Mémorial, A, 2013, n° 114, du 4 juillet 2013, page 1969), qui sont cependant étrangers à l’article 14 de la Convention, invoqué à l’appui du vingtième moyen). Voir, au sujet de l’invocation de cette Convention : arrêt attaqué, page 46, premier alinéa, premier tiret. Voir également à ce sujet le vingtième moyen.
103Or, ce raisonnement est déjà contredit par l’article 21 de l’Accord, qui dispose, dans son paragraphe 1, que « [l]es dispositions des accords bilatéraux entre la Suisse et les Etats membres de la Communauté européenne en matière de double imposition ne sont pas affectées par les dispositions du présent accord ».
Plus fondamentalement, la fixation de l’impôt par l’Administration fiscale est étrangère à la poursuite pénale pour tentative d’escroquerie fiscale. Cette fixation a, en effet, donné lieu à des décisions administratives individuelles que le demandeur en cassation était en droit d’attaquer au moyen d’un recours en réformation devant le tribunal administratif. Un tel recours a, en l’espèce, été introduit contre certaines des décisions de taxation, à savoir celles se rapportant aux années fiscales 2002 à 2007. Il a été déclaré non fondé par le tribunal administratif, ce jugement n’ayant pas été attaqué par le requérant devant la Cour administrative. Aucun recours n’a été introduit contre les autres décisions de taxation, relatives aux années fiscales 2008 à 2012. Ainsi qu’il a été exposé ci-avant, dans le cadre de la discussion des questions préjudicielles devant la Cour constitutionnelle, proposées dans le quatrième moyen, l’article 95bis, paragraphe 1, premier alinéa, de la Constitution dispose que « [l]e contentieux administratif est du ressort du tribunal administratif et de la Cour administrative ». L’article 95 de la Constitution rend les juridictions judiciaires compétentes pour connaître d’exceptions d’illégalités dirigées contre les « arrêtés et règlements généraux et locaux ». Ces juridictions sont, en revanche, dépourvues de compétence pour connaître d’une exception d’illégalité dirigée contre des actes administratifs autres que les « arrêtés et règlements généraux et locaux », donc les décisions administratives individuelles. Vous rappelez ainsi régulièrement, dans votre jurisprudence énoncée dans la discussion du quatrième moyen, que l’article 95 de la Constitution s’oppose à soulever l’illégalité de telles décisions devant le juge judiciaire, puisqu’une telle démarche viserait à contourner les règles régissant les recours de droit administratif. Dans notre cas d’espèce, dans la mesure où un recours a été formé devant le tribunal administratif contre certaines des décisions de taxation, l’admission d’une telle exception d’illégalité reviendrait de surcroît à doubler le recours de droit administratif d’un second recours devant le juge judiciaire et à méconnaître l’autorité de chose jugée des décisions des juridictions administratives.
Bref, il n’appartient pas au juge judiciaire, y compris au juge pénal, de remettre en discussion, à l’occasion d’une poursuite pénale pour fraude fiscale aggravée ou escroquerie fiscale, la décision de fixation de l’impôt qui n’a pas été attaquée par le contribuable dans le cadre du recours en réformation qu’il était en droit de former devant les juridictions administratives ou les décisions rendues par ces juridictions sur un tel recours. La fixation de l’impôt est donc étrangère au procès pénal pour infraction fiscale.
Or, le seul rattachement au droit de l’Union européenne proposée par le demandeur en cassation concerne l’application de l’Accord précité, dont la pertinence alléguée, d’ailleurs démentie par l’article 21 de ce dernier, se limite à la fixation de l’impôt, question qui échappe à la compétence des juridictions judiciaires, y compris du juge pénal.
La procédure dont vous êtes saisis étant étrangère à la mise en œuvre du droit de l’Union européenne, la Charte est inapplicable.
Ce motif de pur droit est à substituer à ceux de l’arrêt attaqué, tirés de ce que « Pour ce qui concerne les moyens sub […] (4) de la justice, ceux-ci reposent […] sur l’article 47 de la Charte qui prévoit le droit à un recours effectif et le droit d’accès à un tribunal impartial […].
Il faut constater que les dispositions des articles […] 47 […] de la Charte, dont les mandataires 104de PERSONNE1.) se prévalent, correspondent aux mêmes droits garantis par la Convention et notamment les droits garantis par les articles 6 […] [de] la Convention. D’après l’article 52 (3) de la Charte : « Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention…, leurs sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention… ». Dès lors, il convient de renvoyer aux développements précédents, à savoir que les moyens tirés de la violation aux articles 6 […] de la Convention […] sont à rejeter. […] Il y a lieu d’en conclure qu’une violation des articles […] 47 […] de la Charte n’est pas donnée en l’espèce. »102.
La décision déférée se trouve ainsi légalement justifiée103.
Il en suit que le moyen est irrecevable.
A t i t r e s u b s i d i a i r e : u n m o y e n q u i n ’ e s t p a s f o n d é Dans un ordre subsidiaire, le moyen est à déclarer non fondé pour les motifs énoncés ci-avant, dans le cadre de la discussion du septième moyen.
D e s q u e s t i o n s p r é j u d i c i e l l e s d é p o u r v u e s d e p e r t i n e n c e Dans un ordre subsidiaire le demandeur en cassation vous invite à saisir la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour constitutionnelle de différentes questions préjudicielles.
Ces demandes sont à rejeter pour les motifs exposés ci-avant dans le cadre de la discussion du quatrième moyen.
Sur le neuvième moyen (la violation par l’Administration des contributions directes de son devoir de bonne administration découlant de l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne) Le neuvième moyen est tiré de la violation de l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en rejetant un moyen de défense tiré de ce que « l’Administration des contributions directes aurait six «casquettes ».
Ainsi, cette administration serait à la fois une autorité fiscale, une autorité de recouvrement, une autorité chargée de faire respecter la loi, un juge fiscal et administratif, un témoin et une partie civile. Cette administration participerait à l’administration de la justice fiscale et pénale, notamment en vertu des articles 228, 421 et 425 de la loi générale des impôts. Dès lors, et au vu de la jurisprudence de la CEDH, notamment son arrêt dans l’affaire P[ie]rsack contre la Belgique et celui dans l’affaire Procola contre le Luxembourg, le fait de porter plusieurs « casquettes » ne serait pas admissible du point de vue du principe de l’indépendance, celui de l’impartialité et celui de la neutralité d’une juridiction. L’article 6.1 de la Convention serait 102 Arrêt attaqué, page 64, quatrième au septième et neuvième alinéa.
103 Voir, à titre d’illustration d’une substitution de motifs en matière pénale : Cour de cassation, 2 décembre 2021, n° 140/2021 pénal, numéro CAS-2021-0005 du registre (réponse aux quatre premiers moyens réunis).
105donc violé »104, que « Les mandataires de PERSONNE1.) invoquent différents griefs tirés de la violation du droit de l’Union européenne et demandent à la Cour d’appel d’annuler le jugement sinon de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la : « CJUE ») de trois questions préjudicielles. Les griefs formulés par la défense de PERSONNE1.) sont les suivants : […] – (3) violation […] [du] droit à une bonne administration […] »105 et de ce qu’il y avait, à titre subsidiaire, lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de la question préjudicielle suivante : « 1. Les dispositions du droit de l’Union européenne suivantes s’opposent-t-elles à la législation d’un Etat membre en vertu de laquelle l’Administration des contributions directes délivre en premier lieu une décision anticipée contraignante (« ruling ») en matière d’impôt, exonérant un ressortissant de cet Etat membre qui est initialement soumis à l’imposition fiscale dans cet Etat membre, de ses obligations fiscales, à l’occasion du transfert de sa résidence en Suisse, alors que par la suite les autorités de poursuite nient d’abord l’existence de la décision et prétendent ensuite, contrairement, aux témoignages des personnes concernées, que la décision a été obtenue par fraude, ce qui a conduit à une condamnation pénale de la personne concernée, étant donné que cette décision ait disparu du dossier fiscal de la personne condamnée. Une telle décision prise à l’encontre du ressortissant est-elle dès lors contraire aux dispositions suivantes du droit de l’Union européenne : […] c.
Le droit à une bonne administration garanti par l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE. »106, aux motifs que « Quant à l’argumentation des mandataires de PERSONNE1.) quant aux six « casquettes » de l’administration des contributions directes, situation qui violerait le principe de l’indépendance, de l’impartialité et de la neutralité, celle-
ci n’est pas fondée. Ainsi que cela a été développé ci-dessus, la Cour européenne a défini l’impartialité comme l’absence, dans le chef du juge, de préjugé ou de parti pris et, à cette occasion, elle opère une distinction entre une approche subjective de cette notion qui procède de l’appréciation in concreto de l’impartialité personnelle (conviction personnelle) d’un juge déterminé en telle occasion et une démarche objective dont l’objet est de rechercher si le juge offrait des garanties suffisantes pour exclure, à cet égard, tout doute légitime. En l’occurrence, il faut constater que les mandataires de PERSONNE1.) ne reprochent pas au tribunal correctionnel une impartialité. Quant à l’impartialité reprochée à l’administration des contributions directes, ce reproche ne saurait être examiné par la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle. En effet, et tel que relevé par le représentant du ministère public, l’Administration des contributions directes n’a pas joué le rôle de juge ou de tribunal dans l’affaire correctionnelle en litige. »107 et que « Pour ce qui concerne les moyens sub (3) […]de la justice, ceux-ci reposent sur l’article 41 de la Charte qui prévoit le droit à une bonne administration de la justice, à savoir que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable, […]. Il faut constater que les dispositions des articles 41 […] de la Charte, dont les mandataires de PERSONNE1.) se prévalent, correspondent aux mêmes droits garantis par la Convention et notamment les droits garantis par les articles 6 […] [de] la Convention. D’après l’article 52 (3) de la Charte : « Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention…, leurs sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention… ». Dès lors, il convient de renvoyer aux développements précédents, à savoir que les moyens tirés de la violation aux articles 6 […] de la Convention […] sont à rejeter. […] Il y a lieu d’en conclure qu’une violation des articles […] 41 […] de la Charte n’est pas donnée en l’espèce. »108, alors que la disposition visée s’étend à toute administration des Etats 104 Arrêt attaqué, page 41, deuxième et troisième alinéa.
105 Idem, page 63, avant-dernier et dernier alinéa.
106 Idem, pages 64-65, Question préjudicielle 1.
107 Idem, page 62, deuxième au quatrième alinéa.
108 Idem, page 64, quatrième au septième et neuvième alinéa.
106membres, y compris à l’Administration des contributions directes, et que celle-ci a, par le comportement de ses agents, gravement méconnu les devoirs de neutralité, de loyauté et d’impartialité s’imposant à elle au titre de cette disposition, ce que la Cour d’appel aurait dû sanctionner, et qu’en cas de doute sur le bien-fondé du moyen il y a lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle.
U n m o y e n i r r e c e v a b l e p o u r ê t r e t i r é d e l a v i o l a t i o n d ’ u n e d i s p o s i t i o n é t r a n g è r e a u l i t i g e Le moyen est tiré de la violation de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion du huitième moyen, que la Charte est inapplicable au litige. Il y a donc lieu de constater cette inapplicabilité par un motif de pur droit qui est à substituer à celui, erroné, de l’arrêt attaqué, énoncé dans la discussion du huitième moyen, et de déclarer le moyen irrecevable.
A t i t r e s u b s i d i a i r e : u n m o y e n q u i n ’ e s t p a s f o n d é Dans un ordre subsidiaire, le moyen est à déclarer non fondé pour les motifs énoncés ci-avant, dans le cadre de la discussion du septième moyen.
U n e q u e s t i o n p r é j u d i c i e l l e d é p o u r v u e d e p e r t i n e n c e Dans un ordre subsidiaire le demandeur en cassation vous invite à saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle.
Cette demande est à rejeter pour les motifs exposés ci-avant dans le cadre de la discussion du quatrième moyen, relative aux questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne.
Sur le dixième moyen (violation des droits de la défense par suite du décès du préposé PERSONNE2.) et de la perte des notes manuscrites de ce dernier) Le dixième moyen est tiré de la violation de l’article 6, paragraphes 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en rejetant un moyen de défense tiré de ce que « le droit à un procès équitable signifierait la possibilité pour PERSONNE1.) de connaître les notes manuscrites du fonctionnaire PERSONNE2.). Or, ces notes n’auraient pas été versées et auraient finalement été déclarées disparues à l’audience des juges de première instance. Selon la défense, il y aurait donc violation de l’article 6.1 ainsi que 6.3b), c) et d) de la Convention »109 et de ce que le « dépassement du délai raisonnable aurait conduit à un dépérissement des preuves, le préposé PERSONNE2.) étant entretemps décédé, les notes manuscrites de ce dernier ayant été perdues et la mémoire des témoins entendus étant défaillante au vu de l’ancienneté des 109 Idem, page 40, deuxième alinéa.
107faits »110, aux motifs que « Selon la jurisprudence de la CEDH, l’égalité des armes est l’un des éléments inhérents à la notion de procès équitable. Elle veut que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Le droit à un procès contradictoire signifie en principe la possibilité pour les parties de connaître et de commenter tous les éléments de preuve produits et toutes les observations présentées de manière à orienter la décision du tribunal. En l’occurrence, il faut constater que si PERSONNE2.) n’a pas pu être interrogé sur ce qui a été discuté et arrêté lors de cette réunion, celui-ci étant décédé au début de l’année 2007, il n’en reste pas moins que deux autres personnes qui ont été personnellement présentes lors de cette réunion ont pu être entendues. En effet, le témoin PERSONNE3.), fonctionnaire de l’administration fiscale, a été entendu et a détaillé le contenu de la réunion du 8 juillet 2003. De même, PERSONNE4.), le comptable de PERSONNE1.) à l’époque des faits, a été entendu sur le contenu de la réunion et ce dernier a établi un compte-rendu manuscrit de la réunion en question. La circonstance que les notes manuscrites de PERSONNE2.) disparues n’aient pas été communiquées à PERSONNE1.) n’est pas de nature à entraver les droits de la défense dans la mesure où ces notes n’ont à aucun moment fait partie intégrante du dossier pénal et que celles-ci n’ont pas pu fonder la décision de culpabilité de ce dernier quant aux infractions en litige. PERSONNE1.) n’a donc pas été placé dans une situation de net désavantage par rapport au ministère public du fait que les notes manuscrites de PERSONNE2.) ne sont pas versées au dossier et il n’y a pas eu violation irréparable des droits de la défense qui aurait entraîné l’irrecevabilité des poursuites. Le moyen tiré d’une violation de l’égalité des armes et du droit à une procédure contradictoire n’est donc pas fondé. »111 et que « En l’espèce, il convient de constater au vu des développements faits ci-
dessus que le décès du préposé PERSONNE2.) et la disparition de ses notes manuscrites du dossier répressif n’ont pas d’incidence sur l’administration de la preuve des faits et le respect des droits de la défense. »112, alors que les notes du préposé PERSONNE2.) sont très importantes pour l’exercice des droits de la défense, surtout eu égard au caractère contradictoire des décisions du tribunal administratif et des juridictions pénales sur l’existence ou l’inexistence d’une décision de l’Administration des contributions directes au sujet du statut de résident fiscal du demandeur en cassation et que l’Administration a perdu ces pièces, empêchant le demandeur en cassation d’avoir accès à celles-ci nonobstant leur caractère essentiel pour l’exercice de ses droits de la défense, de sorte que ces droits ont été méconnus et que c’est à tort que la Cour d’appel a omis de sanctionner cette violation.
Le demandeur en cassation avait présenté un moyen d’appel tiré de ce que « le droit à un procès équitable signifierait la possibilité pour PERSONNE1.) de connaître les notes manuscrites du fonctionnaire PERSONNE2.). Or, ces notes n’auraient pas été versées et auraient finalement été déclarées disparues à l’audience des juges de première instance. Selon la défense, il y aurait donc violation de l’article 6.1 ainsi que 6.3b), c) et d) de la Convention »113 et de ce que le « dépassement du délai raisonnable aurait conduit à un dépérissement des preuves, le préposé PERSONNE2.) étant entretemps décédé, les notes manuscrites de ce dernier 110 Idem, même page, troisième alinéa.
111 Idem, page 58, sixième au dernier alinéa.
112 Idem, page 59, avant-dernier alinéa.
113 Idem, page 40, deuxième alinéa.
108ayant été perdues et la mémoire des témoins entendus étant défaillante au vu de l’ancienneté des faits »114.
La Cour d’appel rejeta ce moyen aux motifs que :
« Selon la jurisprudence de la CEDH, l’égalité des armes est l’un des éléments inhérents à la notion de procès équitable. Elle veut que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Le droit à un procès contradictoire signifie en principe la possibilité pour les parties de connaître et de commenter tous les éléments de preuve produits et toutes les observations présentées de manière à orienter la décision du tribunal.
En l’occurrence, il faut constater que si PERSONNE2.) n’a pas pu être interrogé sur ce qui a été discuté et arrêté lors de cette réunion, celui-ci étant décédé au début de l’année 2007, il n’en reste pas moins que deux autres personnes qui ont été personnellement présentes lors de cette réunion ont pu être entendues. En effet, le témoin PERSONNE3.), fonctionnaire de l’administration fiscale, a été entendu et a détaillé le contenu de la réunion du 8 juillet 2003. De même, PERSONNE4.), le comptable de PERSONNE1.) à l’époque des faits, a été entendu sur le contenu de la réunion et ce dernier a établi un compte-rendu manuscrit de la réunion en question.
La circonstance que les notes manuscrites de PERSONNE2.) disparues n’aient pas été communiquées à PERSONNE1.) n’est pas de nature à entraver les droits de la défense dans la mesure où ces notes n’ont à aucun moment fait partie intégrante du dossier pénal et que celles-ci n’ont pas pu fonder la décision de culpabilité de ce dernier quant aux infractions en litige.
PERSONNE1.) n’a donc pas été placé dans une situation de net désavantage par rapport au ministère public du fait que les notes manuscrites de PERSONNE2.) ne sont pas versées au dossier et il n’y a pas eu violation irréparable des droits de la défense qui aurait entraîné l’irrecevabilité des poursuites.
Le moyen tiré d’une violation de l’égalité des armes et du droit à une procédure contradictoire n’est donc pas fondé. »115 et que « En l’espèce, il convient de constater au vu des développements faits ci-dessus que le décès du préposé PERSONNE2.) et la disparition de ses notes manuscrites du dossier répressif n’ont pas d’incidence sur l’administration de la preuve des faits et le respect des droits de la défense. »116.
Dans son dixième moyen, le demandeur en cassation critique ces réponses en soutenant que la Cour d’appel aurait dû sanctionner une violation des droits de la défense. Le dixième moyen est dans une certaine mesure analogue au sixième moyen, qui critique, en substance, les mêmes motifs au regard du principe de l’égalité des armes.
114 Idem, même page, troisième alinéa.
115 Idem, page 58, sixième au dernier alinéa.
116 Idem, page 59, avant-dernier alinéa.
109Il suffit de rappeler que le défaut des notes manuscrites et l’impossibilité d’entendre le préposé PERSONNE2.) comme témoin en raison du décès inopiné de ce dernier n’avaient aucune incidence sérieuse sur l’exercice des droits de la défense puisque ces notes avaient eu pour objet de résumer les discussions ayant eu lieu au cours d’une entrevue - au sujet de laquelle deux témoins ont déposé, à savoir les témoins PERSONNE3.) et PERSONNE4.) et - dont le contenu a été résumé par un autre document, à savoir un compte-rendu manuscrit, rédigé à l’époque des faits par un autre témoin, à savoir par PERSONNE4.).
Dans ces circonstances, le contenu des discussions au cours de la réunion du 8 juillet 2002 a été bien documenté, de sorte que le défaut des notes et le cas de force majeure du décès du témoin potentiel PERSONNE2.) n’ont pas eu une incidence significative sur l’exercice des droits de la défense.
Il s’ajoute que, comme il a également été exposé dans le cadre de la discussion du sixième moyen, la défense n’a de ce point de vue pas été désavantagée par rapport au Ministère public, partie poursuivante, qui ne disposait pas non plus de ces notes et qui était aussi privé de la possibilité de recueillir ce témoignage.
C’est donc à juste titre et par des motifs adéquats que la Cour d’appel rejeta le moyen d’appel en question.
Il en suit que le moyen de cassation n’est pas fondé.
Sur le onzième moyen (violation du droit d’être informé dans le plus court délai de l’accusation) Le onzième moyen est tiré de la violation de l’article 6, paragraphes 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en rejetant un moyen de défense tiré du caractère tardif de l’information sur l’accusation au sens de l’article 6, paragraphe 3, point a), de la Convention précitée, aux motifs que « Concernant le moyen tiré de la violation de l’article 6.3 a) de la Convention garantissant le droit d’être informé, dans le plus court délai, de la nature et de la cause de l’accusation portée, il faut constater que si une plainte a été déposée le 7 décembre 2011 par l’administration fiscale et que PERSONNE1.) n’a été officiellement informé de la base juridique et factuelle des reproches formulés contre lui qu’en mars 2017 et notamment lors d’une audition policière, il n’en reste pas moins que cette façon de procéder est conforme aux dispositions du Code de procédure pénale. En effet, l’information ne doit être communiquée à la personne concernée que lors d’un interrogatoire effectué dans le cadre d’une enquête préliminaire sur les instructions du procureur d’Etat. Le fait pour le droit interne luxembourgeois de n’informer la personne concernée que lors d’un interrogatoire n’est pas à assimiler à une violation des droits de la défense au sens de l’article 6.3 de la Convention, qui reconnaît à toute personne le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. Il y a lieu d’en conclure qu’une violation de l’article 6.3 de la 110Convention n’est pas donnée en l’espèce. »117, alors que, eu égard à l’importance du temps écoulé entre les faits reprochés, commis à partir du 8 juillet 2003, et le premier interrogatoire du demandeur en cassation, le 22 mars 2017, à un moment où le préposé PERSONNE2.) était décédé et ses notes avaient été perdues, le demandeur en cassation ne disposait in concreto plus des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.
Le demandeur critique dans le onzième moyen d’avoir rejeté un moyen d’appel qui était tiré, non pas du non-respect du délai raisonnable de procédure en lui-même, mais de la tardiveté de l’information sur l’accusation, qui, par suite de l’écoulement du temps, l’aurait privé de la possibilité d’organiser de façon adéquate sa défense. Cette critique était fondée sur l’article 6, paragraphe 3, point a), de la Convention de sauvegarde, qui dispose que « [t]out accusé a droit notamment à : a) être informé, dans le plus court délai […] de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ».
La Cour d’appel rejeta ce moyen aux motifs que « Concernant le moyen tiré de la violation de l’article 6.3 a) de la Convention garantissant le droit d’être informé, dans le plus court délai, de la nature et de la cause de l’accusation portée, il faut constater que si une plainte a été déposée le 7 décembre 2011 par l’administration fiscale et que PERSONNE1.) n’a été officiellement informé de la base juridique et factuelle des reproches formulés contre lui qu’en mars 2017 et notamment lors d’une audition policière, il n’en reste pas moins que cette façon de procéder est conforme aux dispositions du Code de procédure pénale.
En effet, l’information ne doit être communiquée à la personne concernée que lors d’un interrogatoire effectué dans le cadre d’une enquête préliminaire sur les instructions du procureur d’Etat.
Le fait pour le droit interne luxembourgeois de n’informer la personne concernée que lors d’un interrogatoire n’est pas à assimiler à une violation des droits de la défense au sens de l’article 6.3 de la Convention, qui reconnaît à toute personne le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.
Il y a lieu d’en conclure qu’une violation de l’article 6.3 de la Convention n’est pas donnée en l’espèce. »118.
Le demandeur en cassation critique cette réponse dans son moyen de cassation aux motifs que les circonstances de la réunion entre lui-même et l’Administration du 8 juillet 2003 n’aurait plus pu être élucidée de façon satisfaisante au moment de son interpellation de mars 2017 étant donné qu’à ce moment l’un des participants à cette réunion, à savoir le préposé PERSONNE2.), était entretemps décédé et que les notes manuscrites tenues par ce dernier au sujet de cette réunion avaient été perdues.
Le onzième moyen reprend de ce point de vue les critiques du sixième et du dixième moyen.
Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion de ces deux moyens, que ces circonstances n’avaient, en fait, aucune incidence sérieuse sur la reconstitution de la réunion en question, 117 Idem, page 62, troisième au sixième alinéa.
118 Idem et loc.cit.
111 - au sujet de laquelle deux témoins ont déposé, à savoir les témoins PERSONNE3.) et PERSONNE4.) et - dont le contenu a été résumé par un autre document, à savoir un compte-rendu manuscrit, rédigé à l’époque des faits par un autre témoin, à savoir par PERSONNE4.).
La Cour d’appel a constaté ces faits dans les motifs suivants :
« En l’occurrence, il faut constater que si PERSONNE2.) n’a pas pu être interrogé sur ce qui a été discuté et arrêté lors de cette réunion, celui-ci étant décédé au début de l’année 2007, il n’en reste pas moins que deux autres personnes qui ont été personnellement présentes lors de cette réunion ont pu être entendues. En effet, le témoin PERSONNE3.), fonctionnaire de l’administration fiscale, a été entendu et a détaillé le contenu de la réunion du 8 juillet 2003. De même, PERSONNE4.), le comptable de PERSONNE1.) à l’époque des faits, a été entendu sur le contenu de la réunion et ce dernier a établi un compte-rendu manuscrit de la réunion en question.
La circonstance que les notes manuscrites de PERSONNE2.) disparues n’aient pas été communiquées à PERSONNE1.) n’est pas de nature à entraver les droits de la défense dans la mesure où ces notes n’ont à aucun moment fait partie intégrante du dossier pénal et que celles-ci n’ont pas pu fonder la décision de culpabilité de ce dernier quant aux infractions en litige. »119.
Il en suit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le douzième moyen (méconnaissance du point de départ du délai raisonnable au sens de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales) Le douzième moyen est tiré de la violation de l’article 6, paragraphes 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en rejetant un moyen de défense tiré de ce que « selon la défense, PERSONNE1.) n’aurait pas été jugé dans un délai raisonnable. […]. Dans ce contexte, la défense relève que la décision du tribunal de fixer la date de départ du délai au 22 mars 2017, soit la date de la première audition policière de PERSONNE1.), serait contraire à l’esprit et la finalité de l’article 6.1 de la Convention. A cet égard, elle cite différentes jurisprudences et affirme que le délai a commencé à courir à partir du 26 octobre 2011. »120, aux motifs que « Aux termes de l’article 6.1 de la Convention « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable…». Le délai raisonnable est celui dans lequel une action publique exercée à charge d’une personne doit être jugée. Ce délai prend cours au moment où l’intéressé est « accusé » du chef d’infractions faisant l’objet de l’action publique, c’est-à-dire le jour où la personne se trouve dans l’obligation de fait de se défendre. C’est, en effet la date de « l’accusation » qui déclenchera le cours du délai, le mot 119 Idem, page 58, septième et huitième alinéa.
120 Idem, page 40, troisième alinéa.
112« accusation » étant entendu comme « la notification officielle, émanant de l’autorité compétente, du reproche d’avoir accompli une infraction pénale » (CEDH, 27 février 1980, no 6903/75, affaire Deweer, série A, no 35 ° 46). Aussi, d’après la jurisprudence nationale, le point de départ du délai se situe à la date où une personne se trouve accusée, cette date pouvant être suivant le cas, celle de l’ouverture des enquêtes policières préliminaires, de l’inculpation ou de l’arrestation (Cour d’appel, 12 juillet 1994, no 273/94). C’est dès lors à bon droit que le tribunal n’a pas retenu comme point de départ la date du 21 octobre 2011, respectivement celle du 7 décembre 2011, dates où l’Administration des contributions directes a commencé sa procédure de recouvrement, mais a considéré que le point de départ du délai raisonnable est la date à laquelle l’accusation pénale est formulée, soit la date du 22 mars 2017, lorsque PERSONNE1.) a fait l’objet d’une audition policière suivant rapport numéro JDA 51588/11 du 22 mars 2017 de l’unité SPJ-BABF. Le jugement est encore à confirmer en ce qu’il retient que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure est fonction de la complexité de l’affaire en litige, du comportement du prévenu et de la manière dont les autorités judiciaires ont diligenté l’ensemble de la procédure. […] Par ailleurs, et ainsi que le tribunal le souligne, depuis le 22 mars 2017, l’instruction judiciaire, la procédure de renvoi et celle de citation du prévenu à l’audience ont été suivies de manière continue et sans qu’il y ait eu des périodes d’inactivité prolongées de façon injustifiée. C’est dès lors à bon droit que le tribunal a retenu qu’il n’y a pas eu en l’espèce de dépassement du délai raisonnable au sens de l’article 6. 1 de la Convention »121, alors que, par l’envoi, le 21 octobre 2011, de lettres par l’Administration des contributions directes au demandeur en cassation invitant ce dernier à déposer des déclarations fiscales pour les années 2002 à 2007 et par l’envoi, le 26 octobre 2010, de taxations d’office, l’Administration faisait comprendre qu’elle n’accepta plus la radiation du demandeur en cassation des registres fiscaux et signifiait à ce dernier qu’il était dans l’illégalité, ce qui, au vu des attributions de l’Administration en matière de poursuites pénales implique l’annonce d’une telle poursuite, donc est à considérer comme point de départ du délai raisonnable au sens des dispositions visées au moyen.
Le demandeur en cassation avait critiqué le respect du délai raisonnable de procédure imposé par l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde, qui dispose que « [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue […] dans un délai raisonnable […] » :
« selon la défense, PERSONNE1.) n’aurait pas été jugé dans un délai raisonnable.
[…]. Dans ce contexte, la défense relève que la décision du tribunal de fixer la date de départ du délai au 22 mars 2017, soit la date de la première audition policière de PERSONNE1.), serait contraire à l’esprit et la finalité de l’article 6.1 de la Convention.
A cet égard, elle cite différentes jurisprudences et affirme que le délai a commencé à courir à partir du 26 octobre 2011. »122.
La Cour d’appel rejeta ce moyen d’appel aux motifs que :
« Aux termes de l’article 6.1 de la Convention « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable…».
Le délai raisonnable est celui dans lequel une action publique exercée à charge d’une personne doit être jugée. Ce délai prend cours au moment où l’intéressé est « accusé » 121 Idem, page 59, troisième au septième et dernier alinéa, à page 60, premier alinéa.
122 Idem, page 40, troisième alinéa.
113du chef d’infractions faisant l’objet de l’action publique, c’est-à-dire le jour où la personne se trouve dans l’obligation de fait de se défendre.
C’est, en effet la date de « l’accusation » qui déclenchera le cours du délai, le mot « accusation » étant entendu comme « la notification officielle, émanant de l’autorité compétente, du reproche d’avoir accompli une infraction pénale » (CEDH, 27 février 1980, no 6903/75, affaire Deweer, série A, no 35 ° 46). Aussi, d’après la jurisprudence nationale, le point de départ du délai se situe à la date où une personne se trouve accusée, cette date pouvant être suivant le cas, celle de l’ouverture des enquêtes policières préliminaires, de l’inculpation ou de l’arrestation (Cour d’appel, 12 juillet 1994, no 273/94).
C’est dès lors à bon droit que le tribunal n’a pas retenu comme point de départ la date du 21 octobre 2011, respectivement celle du 7 décembre 2011, dates où l’Administration des contributions directes a commencé sa procédure de recouvrement, mais a considéré que le point de départ du délai raisonnable est la date à laquelle l’accusation pénale est formulée, soit la date du 22 mars 2017, lorsque PERSONNE1.) a fait l’objet d’une audition policière suivant rapport numéro JDA 51588/11 du 22 mars 2017 de l’unité SPJ-BABF.
Le jugement est encore à confirmer en ce qu’il retient que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure est fonction de la complexité de l’affaire en litige, du comportement du prévenu et de la manière dont les autorités judiciaires ont diligenté l’ensemble de la procédure.
[…] Par ailleurs, et ainsi que le tribunal le souligne, depuis le 22 mars 2017, l’instruction judiciaire, la procédure de renvoi et celle de citation du prévenu à l’audience ont été suivies de manière continue et sans qu’il y ait eu des périodes d’inactivité prolongées de façon injustifiée.
C’est dès lors à bon droit que le tribunal a retenu qu’il n’y a pas eu en l’espèce de dépassement du délai raisonnable au sens de l’article 6. 1 de la Convention »123.
Le demandeur en cassation critique ces motifs en soutenant que l’envoi, le 21 octobre 2011, de lettres par l’Administration des contributions directes l’ayant invité à déposer des déclarations fiscales pour les années 2002 à 2007 et par l’envoi, le 26 octobre 2010, de taxations d’office, l’Administration faisait comprendre qu’elle n’accepta plus la radiation du demandeur en cassation des registres fiscaux et signifiait à ce dernier qu’il était dans l’illégalité, ce qui, au vu des attributions de l’Administration en matière de poursuite impliquerait l’annonce d’une poursuite pénale, donc serait à considérer comme point de départ du délai raisonnable au sens des dispositions visées au moyen.
123 Idem, page 59, troisième au septième et dernier alinéa, à page 60, premier alinéa.
114U n m o y e n q u i n e s a u r a i t ê t r e a c c u e i l l i Suivant votre jurisprudence l’appréciation du dépassement du délai raisonnable par rapport à l’ancienneté des faits relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, échappant au contrôle de votre Cour124.
Le moyen ne tendant qu’à remettre en cause cette appréciation, il ne saurait être accueilli.
A t i t r e s u b s i d i a i r e : u n m o y e n q u i n ’ e s t p a s f o n d é Dans un ordre subsidiaire, le moyen n’est pas fondé.
Le délai raisonnable visé par l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde commence « le jour où une personne se trouve accusée »125. « Il arrive que [le] délai raisonnable ait pour point de départ une date antérieure à la saisine de la juridiction de jugement […], comme par exemple le moment de l’arrestation […], de l’inculpation […], de l’ouverture des enquêtes préliminaires […], ou de l’interrogatoire du requérant en qualité de témoin soupçonné d’avoir commis une infraction […]. En tout état de cause, le moment à retenir est celui à partir duquel le requérant prend connaissance de l’accusation ou celui à partir duquel sa situation est substantiellement affectée par les mesures prises dans le cadre d’une enquête ou d’une procédure pénale […] »126.
La demande par l’Administration fiscale adressée à un contribuable de lui faire parvenir des déclarations fiscales et l’envoi par celle-ci de bulletins d’imposition sont étrangers à toute procédure pénale. Ayant pour objet de déterminer la dette fiscale et de recouvrer l’impôt, ils ne sont par ailleurs pas de nature à annoncer ou même seulement à laisser présager la dénonciation de faits pénaux par l’Administration fiscale au Ministère public, voire la mise en œuvre de poursuites pénales par ce dernier.
Sur le treizième moyen (violation du principe de la présomption d’innocence) Le treizième moyen est tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale aux motifs que « Quant à l’élément moral, celui-ci est également établi. En effet, au vu du contrat cadre conclu le 1er janvier 2005 entre PERSONNE1.) et les docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.), il est établi à suffisance que lors de l’entrevue du 8 juillet 2003 PERSONNE1.) a eu l’intention de tromper l’administration fiscale pour voir clôturer son dossier fiscal. »127, que « Finalement, quant à l’argumentation de PERSONNE1.) basée sur l’existence d’un « ruling » qui lui aurait été accordé par l’Administration des contributions directes, ou encore l’argumentation basée sur le principe de « l’estoppel », celles-ci ne sont pas pertinentes. En effet, au vu des éléments ci-avant exposés, il est établi que ce dernier a volontairement trompé l’Administration des contributions directes de sorte que la décision 124 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 7 juillet 2011 pénal, numéro 2891 du registre (réponse au premier moyen) ; idem, 14 février 2019, n° 29/2019 pénal, numéro 4083 du registre (réponse au cinquième moyen).
125 Guide sur l’article 6 (volet pénal), précité, point 323.
126 Idem, n° 324 et les références jurisprudentielles y citées.
127 Arrêt attaqué, page 71, deuxième alinéa.
115relative à la clôture du dossier fiscal de PERSONNE1.) a été viciée et qu’il ne saurait être question de bonne foi dans le chef de ce dernier. »128 et que « En l’occurrence, les renseignements donnés par PERSONNE1.) lors de la réunion du 8 juillet 2003 selon lesquels il n’aurait plus de résidence au Luxembourg, qu’il aurait transféré son domicile ainsi que sa résidence fiscale vers la Suisse et qu’il aurait l’intention de réduire sa présence au Luxembourg, renseignements qui ont été confirmés par écrit dans le courrier du 22 juillet 2003 et qui font sous-entendre une cessation imminente de ses activités professionnelles au Luxembourg, sont appuyés sur un compte-rendu de nature à imprimer à ses dires l’apparence de vérité et à surprendre la confiance de l’Administration des contributions directes pour qu’elle clôture son dossier fiscal. »129, alors que, ce constat, d’une tromperie de l’Administration par le demandeur en cassation aux fins d’amener celle-ci, en la convainquant de sa volonté de cesser ses activités professionnelles à Luxembourg, à clôturer son dossier fiscal, est en contradiction avec le constat du tribunal administratif dans son jugement du 23 octobre 2013 que l’existence d’un accord de l’Administration de clôturer le dossier fiscal du demandeur en cassation n’est pas établi et que, nonobstant cette contradiction, la Cour d’appel a retenu le montant d’impôt dû fixé par le tribunal administratif sur base de la prémisse d’une absence de clôture du dossier fiscal, cette contradiction étant constitutive d’une violation de la présomption d’innocence.
Dans son treizième moyen, le demandeur en cassation critique le bien-fondé des constatations de la Cour d’appel au sujet de l’élément moral du délit retenu, relatives à une volonté de tromper l’Administration fiscale aux fins d’amener celle-ci à clôturer le dossier fiscal au motif que ces constatations se trouvent en contradiction avec la prétendue constatation par le tribunal administratif dans son jugement rendu sur un recours formé contre certaines des décisions de taxation que l’Administration fiscale n’aurait pas adopté une décision de clôture du dossier du contribuable.
Ce moyen tire donc à nouveau argument, comme les deux premiers moyens, d’une prétendue contradiction entre l’arrêt de la Cour d’appel et le jugement du tribunal administratif.
U n m o y e n q u i n e s a u r a i t ê t r e a c c u e i l l i Le moyen remet en discussion l’appréciation de l’élément moral du délit. Or, cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond, échappant au contrôle de votre Cour.
Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.
A t i t r e s u b s i d i a i r e : u n m o y e n q u i n ’ e s t p a s f o n d é Dans un ordre subsidiaire, le moyen n’est pas fondé.
Il méconnaît qu’il n’est pas pertinent de savoir si l’appréciation de la Cour d’appel diverge de celle du tribunal administratif. Ce dernier n’avait, contrairement à la première, pas pour mission de statuer dans le cadre d’une procédure pénale sur la preuve des éléments constitutifs d’un délit, mais devait décider d’un recours de droit administratif dirigé contre des décisions de 128 Idem, même page, quatrième alinéa.
129 Idem, même page, dernier alinéa.
116taxation. Le tribunal administratif n’a par ailleurs pas statué sur une base aussi large d’éléments de preuve que la Cour d’appel puisqu’il ne pouvait tirer ses conclusions qu’à partir des documents versés par les parties, tandis que la Cour d’appel a rendu son arrêt sur base des éléments de preuve recueillis à la suite de la mise en œuvre des méthodes de recherche et d’investigation prévues par le Code de procédure pénale, ordonnées par un juge d’instruction dans le cadre d’une instruction préparatoire ou résultant de dépositions de témoins sous la foi du serment à l’audience.
De façon plus décisive encore, il n’existe en fait aucune contradiction entre les constatations du tribunal administratif et de la Cour d’appel au sujet de la décision de clôture du dossier fiscal du demandeur en cassation. Comme il a été exposé ci-avant, dans le cadre de la discussion des deux premiers moyens de cassation, le tribunal administratif n’a pas constaté le défaut de décision de clôture. Il s’est limité à conclure que les éléments de preuve invoqués par le demandeur en cassation étaient insuffisants pour établir l’existence d’une telle décision. Cette conclusion constate un échec de preuve, mais se garde de se prononcer de façon absolue sur l’existence ou l’inexistence du fait allégué. Le jugement du tribunal administratif laisse ouverte la question de savoir si l’existence d’une décision de clôture ne pourrait pas être établie en cas de production de preuves plus pertinentes, par exemple à la suite d’une procédure pénale. Il n’existe donc aucune contradiction entre le constat provisoire, par le tribunal administration, de l’échec par le demandeur en cassation d’établir la preuve du fait allégué et le constat, effectué sur base d’éléments de preuve beaucoup plus décisifs et pertinents, par la Cour d’appel que ce fait est à considérer comme établi.
Sur le quatorzième moyen (violation de la liberté d’entreprise au sens de l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne) Le quatorzième moyen est tiré de la violation de l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en rejetant un moyen de défense tiré de ce que la décision de taxation d’office, à la base des poursuites pénales pour escroquerie fiscale, intervenue après transfert du domicile fiscal du demandeur en cassation de Luxembourg vers la Suisse, méconnaît la liberté d’entreprendre au sens de la disposition visée, aux motifs que « Quant à l’article 16 de la Charte qui traite de la liberté d’entreprise, il résulte de ce qui précède que PERSONNE1.) n’a pas fait l’objet d’une taxation d’office en raison de sa décision de transférer son domicile en Suisse et de constituer diverses sociétés pour investir. Ce moyen est donc à rejeter. Il y a lieu d’en conclure qu’une violation des articles 16 […] de la Charte n’est pas donnée en l’espèce. »130, après avoir retenu que « la décision du tribunal administratif du 23 octobre 2013, qui n’a pas été entreprise par PERSONNE1.), est coulée en force de chose jugée et que ce n’est pas le transfert du domicile de PERSONNE1.) vers la Suisse qui est à l’origine de la procédure de taxation d’office par l’administration fiscale luxembourgeoise, mais le fait de son activité professionnelle sur le territoire luxembourgeois, notamment à partir d’une base fixe »131, tout en constatant que « Par ailleurs, l’enquête a encore permis d’établir que PERSONNE1.) a constitué diverses sociétés, c’est-à-dire qu’il a mis en place des structures juridiques afin de changer la possession de son patrimoine. »132, alors que la Cour d’appel a, par ces derniers motifs, 130 Idem, page 64, huitième et neuvième alinéa.
131 Idem, même page, troisième alinéa.
132 Idem, page 72, deuxième alinéa.
117présumé que ces sociétés et structures avaient pour seul but de modifier la possession du patrimoine du demandeur en cassation, sans rechercher si elles n’avaient pas pour but l’exercice de nouvelles activités économiques et de nouvelles entreprises, donc l’exercice de la liberté d’entreprendre, et qu’en cas de doute sur le bien-fondé du moyen il y a lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de deux questions préjudicielles.
Le quatorzième moyen est, comme le huitième et le neuvième, tiré d’une violation de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il appelle la même réponse que ces deux moyens.
U n m o y e n i r r e c e v a b l e p o u r ê t r e t i r é d e l a v i o l a t i o n d ’ u n e d i s p o s i t i o n é t r a n g è r e a u l i t i g e Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion du huitième moyen, que la Charte est inapplicable au litige. Il y a donc lieu de constater cette inapplicabilité par un motif de pur droit qui est à substituer à celui, erroné, de l’arrêt attaqué, énoncé dans la discussion du huitième moyen, et de déclarer le moyen irrecevable.
A t i t r e s u b s i d i a i r e : u n m o y e n q u i n ’ e s t p a s f o n d é Le moyen critique la décision de taxation d’office de l’Administration fiscale, qui aurait méconnu la liberté d’entreprendre du demandeur en cassation.
Il se heurte à un double obstacle.
D’une part, le demandeur en cassation a été taxé à Luxembourg du « fait de son activité professionnelle sur le territoire luxembourgeois »133, qu’il a continué à y exercer nonobstant qu’il avait frauduleusement fait « sous-entendre une cessation imminente de ses activités professionnelles à Luxembourg »134. « [C]e n’est [donc] pas le transfert du domicile […] vers la Suisse qui est à l’origine de la procédure de taxation d’office par l’administration fiscale luxembourgeoise »135. L’activité professionnelle du demandeur en cassation en Suisse est étrangère à la procédure de taxation.
D’autre part, et de façon plus décisive, le juge judiciaire est, ainsi qu’il a été exposé ci-avant, dans le cadre de la discussion du huitième moyen, sans compétence pour remettre en discussion, à l’occasion d’une poursuite pénale pour fraude fiscale aggravée ou escroquerie fiscale, la décision de fixation de l’impôt de l’Administration fiscale. Cette compétence appartient aux juridictions administratives. De deux choses l’une, soit la décision a été entreprise par le contribuable devant ces juridictions, auquel cas le jugement ou l’arrêt de celles-ci s’impose au juge judiciaire, soit elle n’a pas été entreprise, auquel cas elle ne peut plus être remise en cause devant le juge judiciaire. Comme le demandeur en cassation a attaqué, en l’espèce, certaines des décisions de taxation d’office devant le tribunal administratif, à savoir celles de 2002 à 2007, « la décision du tribunal administratif [y relative] du 23 octobre 2013, 133 Idem, page 64, troisième alinéa.
134 Idem, page 71, dernier alinéa.
135 Idem, page 64, troisième alinéa.
118qui n’a pas été entreprise [par le demandeur en cassation], est coulée en force de chose jugée »136.
Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.
U n e q u e s t i o n p r é j u d i c i e l l e d é p o u r v u e d e p e r t i n e n c e Dans un ordre subsidiaire le demandeur en cassation vous invite à saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle.
Cette demande est à rejeter pour les motifs exposés ci-avant dans le cadre de la discussion du quatrième moyen relative aux questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne. La légalité des décisions de taxation de l’Administration fiscale, dont, dans cet ordre d’idées, la correcte application du droit de l’Union européenne par ces décisions, échappant à la compétence du juge judiciaire, ce à quoi s’ajoute, à titre subsidiaire, que le droit de l’Union européenne est étranger à ces décisions, les questions préjudicielles sont dépourvues de pertinence, de sorte que votre Cour est dispensée à les poser.
Sur le quinzième moyen (violation de l’obligation de motivation, du principe de loyauté et du principe d’estoppel) Le quinzième moyen est tiré de la violation des articles 89 de la Constitution, 195 et 211 du Code de procédure pénale, du principe de loyauté qui découlerait de l’article 6, paragraphes 1 et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et d’un principe dit de l’estoppel, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en constatant que « Finalement, quant à l’argumentation de PERSONNE1.) basée sur l’existence d’un « ruling » qui lui aurait été accordé par l’Administration des contributions directes, ou encore l’argumentation basée sur le principe de « l’estoppel », celles-ci ne sont pas pertinentes. En effet, au vu des éléments ci-avant exposés, il est établi que ce dernier a volontairement trompé l’Administration des contributions directes de sorte que la décision relative à la clôture du dossier fiscal de PERSONNE1.) a été viciée et qu’il ne saurait être question de bonne foi dans le chef de ce dernier. »137 et que « En l’occurrence, les renseignements donnés par PERSONNE1.) lors de la réunion du 8 juillet 2003 selon lesquels il n’aurait plus de résidence au Luxembourg, qu’il aurait transféré son domicile ainsi que sa résidence fiscale vers la Suisse et qu’il aurait l’intention de réduire sa présence au Luxembourg, renseignements qui ont été confirmés par écrit dans le courrier du 22 juillet 2003 et qui font sous-entendre une cessation imminente de ses activités professionnelles au Luxembourg, sont appuyés sur un compte-rendu de nature à imprimer à ses dires l’apparence de vérité et à surprendre la confiance de l’Administration des contributions directes pour qu’elle clôture son dossier fiscal. »138, alors que le tribunal administratif, statuant dans son jugement du 23 octobre 2013 sur le recours du demandeur en cassation contre certaines des décisions de taxation d’office de l’Administration des contributions directes, avait constaté « que le courrier daté du 22 juillet 2003 n’émane pas de l’administration des Contributions directes, mais de la fiduciaire assistant le contribuable, 136 Idem et loc.cit.
137 Idem, page 71, quatrième alinéa.
138 Idem, même page, dernier alinéa.
119de sorte à ne pas être de nature à établir un quelconque accord de l’administration avec son contenu », de sorte qu’il existe une contradiction entre les motifs de l’arrêt de la Cour d’appel, constatant une clôture du dossier fiscal du demandeur en cassation, et du jugement du tribunal administratif, déniant, sur conclusions conformes de l’Administration, une telle clôture, que l’Administration a donc adopté devant le tribunal administratif une position différente de celle défendue par elle devant le juge pénal (déniant devant le premier une clôture du dossier fiscal affirmé devant le second), ce qui constitue une violation du principe de loyauté et du principe d’estoppel, qui aurait obligé la Cour d’appel à déclarer irrecevable la contestation par l’Administration d’une clôture du dossier fiscal.
Le quinzième moyen critique comme les deux premiers moyens une prétendue contradiction entre l’arrêt attaqué et le jugement du tribunal administratif ayant statué sur un recours formé par le demandeur en cassation contre certaines des décisions de taxation d’office.
M o y e n i n o p é r a n t p o u r c r i t i q u e r u n e c o n t r a d i c t i o n e n t r e d e s m o t i f s s u r a b o n d a n t s Le moyen critique une contradiction entre le motif du jugement du tribunal administratif, concluant que le demandeur en cassation n’a pas réussi à établir l’existence d’une décision de clôture de son dossier fiscal par l’Administration fiscale suite à la réunion du 8 juillet 2003, tandis que la Cour d’appel conclut, à l’inverse, que l’existence d’une telle décision de clôture est établie.
Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion des deux premiers moyens de cassation, que la contradiction critiquée concerne des motifs surabondants.
Il est renvoyé à ces développements.
Il en suit que, abstraction faite de toute autre considération, le moyen, qui critique cette contradiction, est inopérant.
A t i t r e s u b s i d i a i r e : l e m o t i f d e l a C o u r d ’ a p p e l n ’ e s t , e n f a i t , e n r i e n c o n t r a d i c t o i r e à c e l u i d u t r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion des deux premiers moyens, que la contradiction alléguée entre le tribunal administratif et la Cour d’appel au sujet de l’existence ou de l’absence d’une décision de clôture du dossier fiscal par l’Administration fiscale n’est qu’apparente, donc n’existe en réalité pas.
Il y est renvoyé.
Il en suit que le moyen manque en fait.
Le quinzième moyen, outre ce critiquer la contradiction entre les conclusions relatives à l’existence ou à l’absence d’une décision de clôture du dossier fiscal, critique encore une divergence d’appréciation des deux juridictions au sujet d’un moyen de preuve, à savoir un courrier du 22 juillet 2003 émanant du comptable du demandeur en cassation.
120Le tribunal administratif considéra que ce courrier « n’émane pas de l’administration des Contributions directes, mais de la fiduciaire assistant le contribuable, de sorte à ne pas être de nature à établir un quelconque accord de l’administration avec son contenu »139.
La Cour d’appel se réfère à ce courrier pour déterminer la portée des discussions faites entre le demandeur en cassation et l’Administration fiscale à l’occasion de la réunion du 8 juillet 2003140 et pour conclure que ce courrier, ensemble avec les renseignements donnés par le demandeur en cassation à l’occasion de cette réunion, « font sous-entendre une cessation imminente de ses activités professionnelles au Luxembourg, [et] sont appuyés sur un compte-
rendu [donc le courrier du 22 juillet 2003] de nature à imprimer à ses dires l’apparence de vérité et à surprendre la confiance de l’Administration des contributions directes pour qu’elle clôture son dossier fiscal »141.
Le courrier a donc été pris en considération par les deux juridictions dans le cadre de la preuve de faits différents :
- il a été examiné par le tribunal administratif comme moyen de preuve de l’existence ou de l’absence d’une décision de l’Administration fiscale de clôturer le dossier fiscal du demandeur en cassation tandis que - il a été examiné par la Cour d’appel comme moyen de preuve de l’intention du demandeur en cassation de tromper l’Administration fiscale sur le maintien des activités professionnelles à Luxembourg.
Ce sont donc également des passages différents du courrier qui ont été pris en considération par les deux juridictions :
- le tribunal administratif se référa au passage de ce courrier alléguant un accord de l’Administration fiscale de clôturer le dossier du demandeur en cassation tandis que - la Cour d’appel se référa au passage suggérant une cessation imminente des activités professionnelles du demandeur en cassation à Luxembourg.
Il n’existe donc aucune contradiction entre les prises en considération de ce courrier à titre d’élément de preuve par les deux juridictions.
Le moyen, dans la mesure où il soutient de ce point de vue l’existence d’une contradiction, manque donc également sous ce rapport en fait.
A t i t r e p l u s s u b s i d i a i r e : u n m o y e n q u i n e s a u r a i t ê t r e a c c u e i l l i Le moyen vous invite à contrôler le caractère probant du courrier du 22 juillet 2003.
139 Jugement du tribunal administratif, page 8, avant-dernier alinéa.
140 Arrêt attaqué, page 68, cinquième au septième alinéa : « La discussion de la situation fiscale de PERSONNE1.) a été résumée dans un compte-rendu établi par PERSONNE4.) le 22 juillet 2003. […] ».
141 Idem, page 72, dernier alinéa.
121Il en suit que, sous le couvert du grief des dispositions et principes visés, il ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par la Cour d’appel, de la force probante d’un élément de preuve, qui relève de son pouvoir souverain et échappe à votre contrôle.
Il en suit, à titre plus subsidiaire, que le moyen ne saurait être accueilli.
Sur le seizième et le dix-septième moyen réunis (violation de l’autorité de la chose jugée) Le seizième moyen est tiré de la violation de l’article 1351 du Code civil, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en constatant que « Finalement, quant à l’argumentation de PERSONNE1.) basée sur l’existence d’un « ruling » qui lui aurait été accordé par l’Administration des contributions directes, ou encore l’argumentation basée sur le principe de « l’estoppel », celles-ci ne sont pas pertinentes. En effet, au vu des éléments ci-avant exposés, il est établi que ce dernier a volontairement trompé l’Administration des contributions directes de sorte que la décision relative à la clôture du dossier fiscal de PERSONNE1.) a été viciée et qu’il ne saurait être question de bonne foi dans le chef de ce dernier. »142 et que « En l’occurrence, les renseignements donnés par PERSONNE1.) lors de la réunion du 8 juillet 2003 selon lesquels il n’aurait plus de résidence au Luxembourg, qu’il aurait transféré son domicile ainsi que sa résidence fiscale vers la Suisse et qu’il aurait l’intention de réduire sa présence au Luxembourg, renseignements qui ont été confirmés par écrit dans le courrier du 22 juillet 2003 et qui font sous-entendre une cessation imminente de ses activités professionnelles au Luxembourg, sont appuyés sur un compte-rendu de nature à imprimer à ses dires l’apparence de vérité et à surprendre la confiance de l’Administration des contributions directes pour qu’elle clôture son dossier fiscal. »143, alors que le tribunal administratif, statuant dans son jugement du 23 octobre 2013 sur le recours du demandeur en cassation contre certaines des décisions de l’Administration des contributions directes le taxant d’office, avait constaté « que le courrier daté du 22 juillet 2003 n’émane pas de l’administration des Contributions directes, mais de la fiduciaire assistant le contribuable, de sorte à ne pas être de nature à établir un quelconque accord de l’administration avec son contenu », de sorte qu’il existe une contradiction entre les motifs de l’arrêt de la Cour d’appel, constatant une clôture du dossier fiscal du demandeur en cassation, et du jugement du tribunal administratif, déniant une telle clôture, que la Cour d’appel considère que ce jugement s’impose à elle aux motifs que « Conformément aux articles 84, 85 et 95 bis, alinéa 1er, de la Constitution, le tribunal administratif connaît du contentieux fiscal dans les cas et sous les conditions à déterminer par le législateur. Ainsi, la connaissance des contestations des décisions du directeur de l’administration des contributions directes en matière de contestations des bulletins d’impôt est attribuée aux juridictions administratives. Par ailleurs, quant au principe que le juge de l’action est le juge de l’exception sauf disposition contraire, l’article 468 de la loi générale des impôts, qui n’a pas été abrogé, dispose : « (1) Hängt eine Verurteilung wegen Steuerhinterziehung oder Steuergefährdung davon ab, ob ein Steuervorteil zu Unrecht besteht oder ob und in welcher Höhe ein Steueranspruch verkürzt oder ein Steuervorteil zu Unrecht gewährt ist, und hat das Verwaltungsgericht über diese Frage entschieden, so bindet dessen Entscheidung das Gericht. Liegt eine Entscheidung des Verwaltungsgerichts nicht vor, sind die Fragen jedoch von Finanzbehörden oder 142 Idem, page 71, quatrième alinéa.
143 Idem, même page, dernier alinéa.
122Finanzgerichten zu entscheiden, so hat das Gericht das Strafverfahren auszusetzen, bis über die Fragen rechtskräftig entschieden worden ist. Entscheidet das Verwaltungsgericht, so bindet dessen Entscheidung das Gericht. Ergeht keine Entscheidung des Verwaltungsgerichts, so hat das Gericht, wenn es von der rechtskräftigen Entscheidung des Finanzamts oder der Rechtsmittelbehörde abweichen will, die Entscheidung des Verwaltungsgerichts einzuholen.
Es übersendet die Akten dem Verwaltungsgericht. Seine Entscheidung ist bindend. ». La décision rendue par les juridictions administratives en matière fiscale s’impose dès lors aux juridictions pénales, et notamment à la Cour d’appel. Il s’ensuit que la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle n’est pas compétente pour connaître des questions de nature fiscale invoquées par la défense en relation avec le jugement rendu par le tribunal administratif le 23 octobre 2013, jugement qui n’a pas été entrepris par PERSONNE1.) et qui est donc coulé en force de chose jugée. »144, que l’autorité de la chose jugée du jugement du tribunal administratif s’étend à la qualification des faits par le tribunal administratif et à la motivation de ce jugement, de sorte que la Cour d’appel a méconnu l’autorité de la chose jugée, consacrée par l’article 1351 du Code civil.
Le dix-septième moyen est tiré de la violation de l’article 468 de la loi générale des impôts, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en constatant que « Finalement, quant à l’argumentation de PERSONNE1.) basée sur l’existence d’un « ruling » qui lui aurait été accordé par l’Administration des contributions directes, ou encore l’argumentation basée sur le principe de « l’estoppel », celles-ci ne sont pas pertinentes. En effet, au vu des éléments ci-avant exposés, il est établi que ce dernier a volontairement trompé l’Administration des contributions directes de sorte que la décision relative à la clôture du dossier fiscal de PERSONNE1.) a été viciée et qu’il ne saurait être question de bonne foi dans le chef de ce dernier. »145 et que « En l’occurrence, les renseignements donnés par PERSONNE1.) lors de la réunion du 8 juillet 2003 selon lesquels il n’aurait plus de résidence au Luxembourg, qu’il aurait transféré son domicile ainsi que sa résidence fiscale vers la Suisse et qu’il aurait l’intention de réduire sa présence au Luxembourg, renseignements qui ont été confirmés par écrit dans le courrier du 22 juillet 2003 et qui font sous-entendre une cessation imminente de ses activités professionnelles au Luxembourg, sont appuyés sur un compte-rendu de nature à imprimer à ses dires l’apparence de vérité et à surprendre la confiance de l’Administration des contributions directes pour qu’elle clôture son dossier fiscal. »146, alors que le tribunal administratif, statuant dans son jugement du 23 octobre 2013 sur le recours du demandeur en cassation contre certaines des décisions de l’Administration des contributions directes le taxant d’office, avait constaté « que le courrier daté du 22 juillet 2003 n’émane pas de l’administration des Contributions directes, mais de la fiduciaire assistant le contribuable, de sorte à ne pas être de nature à établir un quelconque accord de l’administration avec son contenu », de sorte qu’il existe une contradiction entre les motifs de l’arrêt de la Cour d’appel, constatant une clôture du dossier fiscal du demandeur en cassation, et du jugement du tribunal administratif, déniant une telle clôture, que la Cour d’appel considère que ce jugement s’impose à elle aux motifs que « Conformément aux articles 84, 85 et 95 bis, alinéa 1er, de la Constitution, le tribunal administratif connaît du contentieux fiscal dans les cas et sous les conditions à déterminer par le législateur. Ainsi, la connaissance des contestations des décisions du directeur de l’administration des contributions directes en matière de contestations des bulletins d’impôt est attribuée aux juridictions administratives. Par ailleurs, quant au principe que le juge de l’action est le juge de l’exception sauf disposition contraire, 144 Idem, page 55, antépénultième alinéa, à page 56, troisième alinéa.
145 Idem, page 71, quatrième alinéa.
146 Idem, même page, dernier alinéa.
123l’article 468 de la loi générale des impôts, qui n’a pas été abrogé, dispose : « (1) Hängt eine Verurteilung wegen Steuerhinterziehung oder Steuergefährdung davon ab, ob ein Steuervorteil zu Unrecht besteht oder ob und in welcher Höhe ein Steueranspruch verkürzt oder ein Steuervorteil zu Unrecht gewährt ist, und hat das Verwaltungsgericht über diese Frage entschieden, so bindet dessen Entscheidung das Gericht. Liegt eine Entscheidung des Verwaltungsgerichts nicht vor, sind die Fragen jedoch von Finanzbehörden oder Finanzgerichten zu entscheiden, so hat das Gericht das Strafverfahren auszusetzen, bis über die Fragen rechtskräftig entschieden worden ist. Entscheidet das Verwaltungsgericht, so bindet dessen Entscheidung das Gericht. Ergeht keine Entscheidung des Verwaltungsgerichts, so hat das Gericht, wenn es von der rechtskräftigen Entscheidung des Finanzamts oder der Rechtsmittelbehörde abweichen will, die Entscheidung des Verwaltungsgerichts einzuholen.
Es übersendet die Akten dem Verwaltungsgericht. Seine Entscheidung ist bindend. ». La décision rendue par les juridictions administratives en matière fiscale s’impose dès lors aux juridictions pénales, et notamment à la Cour d’appel. Il s’ensuit que la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle n’est pas compétente pour connaître des questions de nature fiscale invoquées par la défense en relation avec le jugement rendu par le tribunal administratif le 23 octobre 2013, jugement qui n’a pas été entrepris par PERSONNE1.) et qui est donc coulé en force de chose jugée. »147, que l’autorité de la chose jugée du jugement du tribunal administratif, imposé par l’article 468 de la loi générale des impôts, s’étend à la qualification des faits par le tribunal administratif et à la motivation de ce jugement, de sorte que la Cour d’appel a méconnu cette autorité.
Dans le seizième et dix-septième moyen le demandeur en cassation met à nouveau en exergue l’existence d’une contradiction entre le jugement du tribunal administratif et de l’arrêt de la Cour d’appel. Toutefois, par opposition au premier, deuxième et quinzième moyen, il n’insiste pas sur la contradiction alléguée entre le refus par le tribunal administratif d’admettre l’existence d’une décision de clôture du dossier fiscal et l’admission d’une telle décision par la Cour d’appel, mais sur la contradiction alléguée au sujet de l’appréciation du caractère probant du courrier du 22 juillet 2003 émanant du comptable du demandeur en cassation.
U n m o y e n q u i m a n q u e e n f a i t Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion du quinzième moyen, que le grief d’une contradiction entre le jugement du tribunal administratif et de l’arrêt de la Cour d’appel au sujet des conséquences tirées du courrier du 22 juillet 2003 manque en fait : les deux juridictions ont pris ce courrier en considération aux fins de déterminer la preuve de faits différents et ils ont, à cet effet, pris en compte des passages différents du courrier.
Il n’existe donc aucune contradiction entre les motifs des deux décisions.
Il en suit que les moyens manquent en fait.
A t i t r e p l u s s u b s i d i a i r e : u n m o y e n q u i n e s a u r a i t ê t r e a c c u e i l l i Les moyens critiquent le caractère probant du courrier du 22 juillet 2003.
147 Idem, page 55, antépénultième alinéa, à page 56, troisième alinéa.
124Il en suit que, sous le couvert du grief des dispositions visées, ils ne tendent qu’à remettre en discussion l’appréciation, par la Cour d’appel, de la force probante d’un élément de preuve, qui relève de son pouvoir souverain et échappe à votre contrôle.
Il en suit, à titre plus subsidiaire, que le moyen ne saurait être accueilli.
Sur le dix-huitième moyen (prescription de l’action publique) Le dix-huitième moyen est tiré de la violation des articles 419 de la loi générale des impôts et 100 de la Constitution, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en rejetant l’exception de prescription de l’action publique soulevée par lui aux motifs que « Quant à la prescription de l’action publique : L’article 419 de la loi générale des impôts dispose que : « (1) Die Strafverfolgung von Steuervergehen verjährt in fünf Jahren…, (2) Die Einleitung der Untersuchung und der Erlass eines Strafbescheids unterbrechen die Verjährung gegen den, gegen den sie gerichtet sind. ». Par ailleurs, d’après la jurisprudence, il est retenu que « Plusieurs infractions instantanées, en formant une unité tant par l’intention délictueuse que par l’unité de droit vi[s]ée, constituent une infraction continuée dont la prescription ne commencera à courir qu’à partir de la consommation du dernier fait. » (Lux, 4 décembre 2008, no 3506/2008 ; Cour d’appel, 9 juin 2015, no 240/15 V). Tel est précisément le cas en l’espèce au vu des éléments du dossier, de sorte que le tribunal est à confirmer en ce qu’il a décidé de faire application de la notion d’infraction continuée. Face à cette notion d’infraction continuée, l’argumentation de la défense de PERSONNE1.), selon laquelle « la loi fiscale étant annuelle par impôt, une fraude aux obligations prévues par cette loi ne saurait être qu’annuelle et doit s’apprécier exercice par exercice » et selon laquelle il y aurait violation du principe de l’annuité de l’impôt ainsi que des articles 100 de la Constitution et 3 du StAngG, est à rejeter.
En outre, et ainsi que le tribunal le rappelle à bon escient sur base de la jurisprudence citée dans son jugement, l’acte interruptif de la prescription spéciale est la transmission du dossier avec la demande de procéder à des poursuites au Parquet par l’Administration des contributions directes et celle-ci fait courir un nouveau délai de cinq ans. Il est constant en cause que l’Administration des contributions directes a transmis, conformément à l’article 425 de la loi générale des impôts, le dossier de PERSONNE1.) au Parquet du tribunal d’arrondissement de Luxembourg le 7 décembre 2011. Cette transmission constitue un premier acte qui a valablement interrompu la prescription. Par la suite, la prescription a été interrompue par divers autres actes de poursuite qui sont intervenus jusqu’à la clôture de l’instruction le 24 septembre 2018. Le jugement est dès lors à confirmer en ce qu’il a retenu que l’action publique dirigée contre PERSONNE1.) n’est pas prescrite. »148, alors que la loi fiscale est annuelle, de sorte qu’une fraude aux obligations prévues par cette loi, tel le fait reproché en l’espèce du défaut de déposer une déclaration dans le délai légal, ne saurait qu’être annuelle, donc se consomme chaque année par l’écoulement du délai légal pour le dépôt des déclarations fiscales, soit au 31 mars suivant l’année fiscale considérée, et s’apprécie, partant d’année en année, de sorte que c’est à tort que la Cour d’appel a considéré que l’escroquerie fiscale était une infraction continuée et que la prescription de l’action publique a été acquise en l’espèce antérieurement à la dénonciation des faits par l’Administration des contributions directes au Ministère public en date du 7 décembre 2011, et qu’en cas de doute sur le bien-
fondé du moyen il y a lieu de saisir la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle.
148 Idem, page 67, cinquième alinéa, à page 68, deuxième alinéa.
125 En instance d’appel, le demandeur en cassation avait « fait […] grief dans sa note de plaidoiries au tribunal d’avoir procédé à « une extension de l’infraction dans le temps » en retenant qu’il s’agit d’une infraction « continuée », malgré le principe de l’annuité de l’impôt prévu aux dispositions de l’article 100 de la Constitution et l’article 3 STAngG [Steueranpassungsgesetz].
Contrairement à ce que le tribunal retient, la loi fiscale étant annuelle, une fraude ne saurait être qu’annuelle, c’est-à-dire une infraction « instantanée par nature ». »149.
La Cour d’appel rejeta ce moyen aux motifs que :
« Quant à la prescription de l’action publique :
L’article 419 de la loi générale des impôts dispose que :
« (1) Die Strafverfolgung von Steuervergehen verjährt in fünf Jahren…, (2) Die Einleitung der Untersuchung und der Erlass eines Strafbescheids unterbrechen die Verjährung gegen den, gegen den sie gerichtet sind. » Par ailleurs, d’après la jurisprudence, il est retenu que « Plusieurs infractions instantanées, en formant une unité tant par l’intention délictueuse que par l’unité de droit vidée, constituent une infraction continuée dont la prescription ne commencera à courir qu’à partir de la consommation du dernier fait. » (Lux, 4 décembre 2008, no 3506/2008 ; Cour d’appel, 9 juin 2015, no 240/15 V).
Tel est précisément le cas en l’espèce au vu des éléments du dossier, de sorte que le tribunal est à confirmer en ce qu’il a décidé de faire application de la notion d’infraction continuée.
Face à cette notion d’infraction continuée, l’argumentation de la défense de PERSONNE1.), selon laquelle « la loi fiscale étant annuelle par impôt, une fraude aux obligations prévues par cette loi ne saurait être qu’annuelle et doit s’apprécier exercice par exercice » et selon laquelle il y aurait violation du principe de l’annuité de l’impôt ainsi que des articles 100 de la Constitution et 3 du StAngG, est à rejeter.
En outre, et ainsi que le tribunal le rappelle à bon escient sur base de la jurisprudence citée dans son jugement, l’acte interruptif de la prescription spéciale est la transmission du dossier avec la demande de procéder à des poursuites au Parquet par l’Administration des contributions directes et celle-ci fait courir un nouveau délai de cinq ans.
Il est constant en cause que l’Administration des contributions directes a transmis, conformément à l’article 425 de la loi générale des impôts, le dossier de PERSONNE1.) au Parquet du tribunal d’arrondissement de Luxembourg le 7 décembre 2011.
Cette transmission constitue un premier acte qui a valablement interrompu la prescription. Par la suite, la prescription a été interrompue par divers autres actes de poursuite qui sont intervenus jusqu’à la clôture de l’instruction le 24 septembre 2018.
149 Idem, page 45, avant-dernier alinéa.
126Le jugement est dès lors à confirmer en ce qu’il a retenu que l’action publique dirigée contre PERSONNE1.) n’est pas prescrite. »150.
Dans son moyen de cassation, le demandeur tire grief d’une violation des articles 419 de la loi générale des impôts, rappelé par la Cour d’appel dans le passage précité, et 100 de la Constitution, qui dispose que « Les impôts au profit de l’Etat sont votés annuellement. – Les lois qui les établissent n’ont de force que pour un an, si elles ne sont renouvelées. ». Il fait soutenir que, du fait du caractère annuel de l’impôt, l’escroquerie fiscale est une infraction instantanée, qui suppose l’intention spécifique du contribuable de frauder le fisc pour une année fiscale considérée, ce qui empêcherait de la considérer comme une infraction continuée.
U n m o y e n q u i n ’ e s t p a s f o n d é Vous admettez151, tout comme la Cour de cassation de Belgique152, que des infractions instantanées commises ensemble dans une intention unique constituent une infraction collective ou continuée, dont le délai de prescription ne commence à courir qu’à partir du dernier fait.
Le caractère instantané de l’infraction ne fait donc pas obstacle à considérer celle-ci comme constituant, ensemble avec d’autres, commises dans la même intention, une infraction collective ou continuée unique. Il n’existe donc aucune contradiction entre les qualifications d’infraction instantanée et d’infraction collective, une infraction instantanée pouvant, si elle a été commise dans une intention unique ensemble avec d’autres infractions, faire partie d’une infraction collective.
La question de savoir si l’escroquerie fiscale est à considérer comme infraction instantanée, se commettant d’année en année, est donc dépourvue de pertinence pour mettre en échec la possibilité de considérer une série d’escroqueries fiscales se rapportant à des années fiscales différentes, mais commises dans une intention unique, comme constituant ensemble une infraction collective ou continuée unique, dont le délai de prescription ne commence à courir qu’à partir du dernier fait.
Il en suit que le moyen n’est pas fondé.
U n e q u e s t i o n p r é j u d i c i e l l e d é p o u r v u e d e p e r t i n e n c e Dans un ordre subsidiaire le demandeur en cassation vous invite à saisir la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle.
Cette question a pour objet de déterminer si l’escroquerie fiscale est, au regard du principe de l’annuité de l’impôt, à qualifier d’infraction instantanée. Or, comme cette qualification, même à la supposer établie, est sans pertinence pour exclure le concept d’infraction collective, propre 150 Idem, page 67, cinquième au dernier alinéa, et page 68, deux premiers alinéas.
151 Cour de cassation, 24 mai 2012, n° 22/2012 pénal, numéro 3008 du registre (réponse au deuxième moyen).
152 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation de Belgique, chambres réunies, 5 avril 1996, Pas. Belge, I, page 283 ; même Cour, 14 octobre 2015, Pas. belge, page 2346 ; idem, 12 juin 2019, Pas. belge, page 1286 ; Franklin KUTY, Principes généraux du droit pénal belge, Tome IV, La peine, Bruxelles, Larcier, 1ère édition, 2017, n° 3551, page 978.
127au droit pénal, qui s’applique à toute infraction, même instantanée, « la question soulevée n’est pas nécessaire pour [vous permettre de] rendre [votre] jugement », de sorte que vous êtes, sur base de l’article 6, alinéa 2, point a), de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, dispensée de poser la question proposée.
Sur le dix-neuvième moyen (absence de recours effectif aux fins de contrôler le comportement de l’Administration des contributions directes) Le dix-neuvième moyen est tiré de la violation de l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en se déclarant incompétente pour connaître de questions de nature fiscale invoquées par le demandeur en cassation aux motifs que « Conformément aux articles 84, 85 et 95 bis, alinéa 1er, de la Constitution, le tribunal administratif connaît du contentieux fiscal dans les cas et sous les conditions à déterminer par le législateur. Ainsi, la connaissance des contestations des décisions du directeur de l’administration des contributions directes en matière de contestations des bulletins d’impôt est attribuée aux juridictions administratives. Par ailleurs, quant au principe que le juge de l’action est le juge de l’exception sauf disposition contraire, l’article 468 de la loi générale des impôts, qui n’a pas été abrogé, dispose : « (1) Hängt eine Verurteilung wegen Steuerhinterziehung oder Steuergefährdung davon ab, ob ein Steuervorteil zu Unrecht besteht oder ob und in welcher Höhe ein Steueranspruch verkürzt oder ein Steuervorteil zu Unrecht gewährt ist, und hat das Verwaltungsgericht über diese Frage entschieden, so bindet dessen Entscheidung das Gericht. Liegt eine Entscheidung des Verwaltungsgerichts nicht vor, sind die Fragen jedoch von Finanzbehörden oder Finanzgerichten zu entscheiden, so hat das Gericht das Strafverfahren auszusetzen, bis über die Fragen rechtskräftig entschieden worden ist. Entscheidet das Verwaltungsgericht, so bindet dessen Entscheidung das Gericht. Ergeht keine Entscheidung des Verwaltungsgerichts, so hat das Gericht, wenn es von der rechtskräftigen Entscheidung des Finanzamts oder der Rechtsmittelbehörde abweichen will, die Entscheidung des Verwaltungsgerichts einzuholen.
Es übersendet die Akten dem Verwaltungsgericht. Seine Entscheidung ist bindend. ». La décision rendue par les juridictions administratives en matière fiscale s’impose dès lors aux juridictions pénales, et notamment à la Cour d’appel. Il s’ensuit que la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle n’est pas compétente pour connaître des questions de nature fiscale invoquées par la défense en relation avec le jugement rendu par le tribunal administratif le 23 octobre 2013, jugement qui n’a pas été entrepris par PERSONNE1.) et qui est donc coulé en force de chose jugée. »153, alors que le demandeur en cassation est ainsi privé d’un recours effectif au sens de la disposition visée étant donné que, au moment de son recours devant le tribunal administratif, des éléments déterminants pour l’administration de la preuve, notamment au sujet de l’existence ou de l’inexistence d’une décision relative à la clôture du dossier fiscal, n’étaient pas communiqués.
U n m o y e n q u i m a n q u e e n f a i t Dans son dix-neuvième moyen, le demandeur en cassation fait soutenir que son droit d’accès à un tribunal au sens de l’article 13 de la Convention de sauvegarde aurait été méconnu parce qu’au moment du recours qu’il forma devant le tribunal administratif contre les décisions de taxation d’office se rapportant aux années 2002 à 2007 il n’aurait pas encore eu à sa disposition 153 Arrêt attaqué, page 55, antépénultième alinéa, à page 56, troisième alinéa.
128les éléments de preuve, recueillis postérieurement, au cours de la procédure pénale, qui lui auraient permis de prouver devant le tribunal administratif que l’Administration fiscale avait décidé de clôturer son dossier fiscal suite à la réunion du 8 juillet 2003 entre lui-même et cette Administration.
Ce moyen manque doublement en fait.
D’une part, et surtout, ainsi qu’il a été vu ci-avant, notamment dans le cadre de la discussion du quatrième moyen (défaut de pertinence des questions préjudicielles posées à la Cour constitutionnelle) et du huitième moyen, le juge judiciaire est sans compétence pour statuer sur la légalité de décisions administratives individuelles, telles que des décisions fiscales de taxation. A plus forte raison, le juge judiciaire est sans compétence pour réformer ou corriger, sous couvert de l’article 13 de la Convention de sauvegarde, un jugement du tribunal administratif statuant sur un recours contre une décision administrative individuelle et d’ailleurs passé en force de chose jugée. Il n’appartient donc pas au juge judiciaire de revenir, par l’admission prétorienne d’une exception d’illégalité contre une décision administrative individuelle, prohibée par la Constitution, sur un jugement du tribunal administratif ayant statué sur un recours formé contre une telle décision. Or, le moyen vous invite à sanctionner une violation alléguée du droit d’accès à un tribunal au sens de l’article 13 de la Convention par le tribunal administratif en admettant le demandeur en cassation à revenir sur ce qui a été décidé, de surcroît de façon définitive, par le juge administratif.
D’autre part, le jugement du tribunal administratif, s’il a retenu que le demandeur en cassation n’avait pas réussi à établir l’existence d’une décision de clôture du dossier fiscal, ce motif était, ainsi qu’il a été exposé ci-avant dans le cadre de la discussion du premier et deuxième moyen réunis, surabondant puisqu’il a été ajouté « en sus [du] défaut de tout développement juridique »154 après le constat par le tribunal administratif que « [f]orce est de prime abord de constater que le demandeur reste en défaut de préciser, voire seulement d’indiquer quelle règle ou principe de droit aurait été violé par l’administration des Contributions directes, violation qui justifierait la « nullité » de l’imposition, et en particulier quelle disposition légale ou autre impératif imposerait l’information préalable telle que revendiquée »155. Le motif critiqué, au sujet duquel le demandeur en cassation allègue actuellement qu’il aurait pu amener le tribunal administratif à rendre un jugement différent s’il avait eu à sa disposition les moyens de preuve ultérieurement recueillis par le juge judiciaire, était donc sans pertinence pour la décision du tribunal administratif de rejeter le moyen du demandeur en cassation, soulevé devant ce tribunal, tiré de la « nullité de l’imposition pour défaut d’information antérieure du contribuable »156.
A t i t r e s u b s i d i a i r e : u n m o y e n q u i n ’ e s t p a s f o n d é Le droit au recours effectif, garanti par l’article 13 de la Convention de sauvegarde, suppose un recours qui soit « capable de porter directement remède à la situation critiquée »157.
154 Jugement du tribunal administratif, page 8, troisième alinéa.
155 Idem, même page, deuxième alinéa.
156 Idem, page 7, avant-dernier alinéa, premier tiret.
157 Cour européenne des droits de l’homme, Guide sur l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, à jour au 31 août 2022, (Guide sur l’article 13 - Droit à un recours effectif (coe.int)) (consulté le 21 novembre 2022), point 32.
129Le demandeur en cassation disposait en l’espèce, contre les décisions de taxation d’office, un recours devant le tribunal administratif, qu’il exerça en ce qui concerne les décisions de taxation se rapportant aux années 2002 à 2007158, mais omit d’exercer en ce qui concerne les décisions se rapportant aux autres années fiscales pertinentes en cause, à savoir les années 2008 à 2012. Ce recours était un recours en réformation159. Eu égard à cette nature, il était « capable de porter directement remède à la situation critiquée ».
La circonstance, critiquée par le demandeur en cassation, de ne pas avoir été en mesure d’établir l’existence d’une décision de l’Administration fiscale de clôturer son dossier, n’était, en fait, pas de nature à nuire à ses droits et intérêts parce que :
- le moyen dans le cadre duquel il invoqua ce fait devant le tribunal administratif a été rejeté, ainsi qu’il a été vu ci-avant, pour un motif différent, le motif critiqué du jugement du tribunal administratif constatant le défaut de preuve d’une telle décision ayant été seulement surabondant et que - comme il a été exposé ci-avant, dans le cadre de la discussion des deux premiers moyens, la question de savoir si l’Administration fiscale a adopté en 2003 une décision de clôture du dossier du demandeur en cassation est étrangère aux éléments constitutifs du délit poursuivi contre ce dernier.
Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.
Sur le vingtième moyen (Légalité des peines) Le vingtième moyen est tiré de la violation des articles 14 de la Constitution, 7, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 49, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et 1, 4, 5, 6 et 7 de l’Accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé le 21 juin 1999160, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en rejetant un moyen tiré de ce que « Il y aurait également violation de l’article 7 (1) de la Convention [de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales] […] en ce qui concerne les textes nationaux concernant les personnes physiques qui ont une activité libérale et qui désirent s’expatrier vers la Suisse […].La situation au niveau international et européen ne serait guère plus transparente. Ce serait précisément la raison pour laquelle PERSONNE1.) a demandé une entrevue pour s’informer sur sa situation fiscale, entrevue lors de laquelle celui-ci aurait reçu une réponse qui aurait été claire, à savoir : « qu’il n’est plus imposable au Luxembourg», mais l’administration des contributions directes aurait renié sa propre décision par la suite. En outre, quant à la notion de « base fixe », notion tirée de l’article 14 de la Convention entre le Grand-Duché de Luxembourg et la Confédération suisse, la question se poserait si cette notion se définit par la présence au Luxembourg, par analogie à l’article 15 de cette convention, ou si cette notion se définit par l’existence d’un chiffre d’affaires réalisé, critère qui serait vague et aléatoire et qui aurait été appliqué par le tribunal. L’article 14 de la convention en question 158 Jugement du tribunal administratif, page 7, troisième alinéa.
159 Idem, même page, quatrième alinéa.
160 Les références à cet Accord ont été précisées dans le cadre de la discussion du huitième moyen.
130serait donc imprévisible et inaccessible. PERSONNE1.) se serait fié à l’interprétation donnée par PERSONNE2.), selon lequel le nombres de jours de présence serait à prendre en considération par référence aux articles 13, 14 et 15 de la Convention conclue entre le Grand-
Duché de Luxembourg et la Confédération suisse. »161, aux motifs que « En l’occurrence, il est établi au vu des éléments ci-avant exposés que PERSONNE1.) a obtenu un avantage fiscal qui n’était pas justifié en insinuant une cessation d’activité professionnelle au Luxembourg.
En effet, d’après le compte rendu de PERSONNE4.) de la réunion du 8 juillet 2003, il est établi que PERSONNE1.) a informé l’administration fiscale qu’il allait réduire sa présence au Luxembourg et qu’il n’était pas à considérer comme résident selon la loi fiscale luxembourgeoise, alors que, selon le contrat cadre conclu le 1er janvier 2005, ce dernier s’est engagé à travailler au Luxembourg pour un total de cent trente jours par an et à conclure un contrat de bail avec la société SOCIETE3.), société qui est propriétaire de l’immeuble dans lequel est installé le cabinet dentaire, et qu’en conséquence il avait une « base fixe » au Grand-
Duché de Luxembourg à partir de laquelle il exerçait une partie de son activité professionnelle.
Dès lors, l’argumentation de PERSONNE1.) qui consiste à contester qu’il avait une base fixe au Luxembourg en ce qui concerne la période de 2002 à 2012 au motif qu’il ne se rendait au cabinet dentaire que dix jours par mois n’est pas pertinente. Il s’ensuit que toutes références à l’attestation testimoniale du témoin PERSONNE7.) selon laquelle celui-ci dépose que « Ich kann bestätigen dass Dr PERSONNE1.) in dem Zeitraum 2008-2012 nicht mehr als 10 Tage pro Monat in der Praxis in Mamer gearbeitet hat… » ou la demande à voir ordonner avant tout autre progrès en cause une expertise afin de déterminer « le temps de travail passé par PERSONNE1.) à Luxembourg…pour les années 2002 à 2012 et ce sur base des relevés UCM/CNS et facturées adressées à l’UCM/CNS… » sont à rejeter. »162 et que « dit non fondés les moyens tirés de la violation de l’article […] 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, […], de l’accord de l’Union européenne et la Suisse sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 »163, alors que, en vertu du principe de la légalité des peines la Cour d’appel aurait dû déclarer l’article 14 de la Convention entre le Grand-Duché de Luxembourg et la Confédération suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Berne, le 21 janvier 1993164, qui emploie le terme imprécis de « base fixe » contraire au principe précité et aurait, partant, dû refuser de l’appliquer et qu’en cas de doute sur le bien-fondé du moyen il y a lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de questions préjudicielles.
Dans son vingtième moyen, le demandeur en cassation critique le bien-fondé des décisions de taxation de l’Administration fiscale en critiquant le critère sur base duquel ces décisions ont été prises, à savoir celui prévu par l’article 14 de la Convention entre le Grand-Duché de Luxembourg et la Confédération suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Berne, le 21 janvier 1993.
Cet article 14 est relatif à l’imposition des « Professions indépendantes ».
Il dispose que :
161 Arrêt attaqué, page 41, quatrième et cinquième alinéa.
162 Idem, page 70, avant-dernier et dernier alinéa.
163 Idem, page 74, premier point du dispositif sous « au pénal ».
164 L’approbation et la publication de cette Convention ont été précisées ci-avant dans le cadre de la discussion du huitième moyen.
131 « Article 14 Professions indépendantes 1. Les revenus qu’un résident d’un Etat contractant tire d’une profession libérale ou d’autres activités de caractère indépendant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que ce résident ne dispose de façon habituelle dans l’autre Etat contractant d’une base fixe pour l’exercice de ses activités. S’il dispose d’une telle base fixe, les revenus sont imposables dans l’autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cette base fixe.
2. L’expression « profession libérale » comprend notamment les activités indépendantes d’ordre scientifique, littéraire, artistique, éducatif ou pédagogique, ainsi que les activités indépendantes des médecins, avocats, ingénieurs, architectes, dentistes et comptables. ».
Le terme de « base fixe », qui n’est pas précisé par la Convention, est repris de l’article 14 du Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) tel qu’il était en vigueur jusqu’à une modification opérée le 29 avril 2000165. Suivant les commentaires du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE, ce terme est similaire à celui « d’établissement stable », sauf que ce dernier est réservé aux activités commerciales et industrielles. Il n’a pas été jugé opportun de définir la notion de « base fixe », « mais cette expression vise, par exemple, le cabinet de consultation d’un médecin ou le bureau d’un architecte ou d’un avocat. Il semble qu’une personne exerçant une activité indépendante ne dispose pas normalement d’installations de ce genre dans un Etat autre que celui dont elle est le résident. Toutefois, s’il existe dans un autre Etat un centre d’activités présentant certains caractères de fixité ou de permanence, cet Etat devrait pouvoir imposer les activités en question. »166.
Il avait soutenu devant la Cour d’appel que :
« Il y aurait également violation de l’article 7 (1) de la Convention [de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales] […] en ce qui concerne les textes nationaux concernant les personnes physiques qui ont une activité libérale et qui désirent s’expatrier vers la Suisse […]. La situation au niveau international et européen ne serait guère plus transparente. Ce serait précisément la raison pour laquelle PERSONNE1.) a demandé une entrevue pour s’informer sur sa situation fiscale, 165 Modèle précité, Version 2017, (Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune 2017 (Version complète) | READ online (oecd-ilibrary.org)) (consulté le 21 novembre 2022), page 935 (C (14)). Antérieurement à son abrogation cet article 14 du Modèle de Convention fiscale disposait que : « PROFESSIONS INDEPENDANTES 1. Les revenus qu’un résident d’un Etat contractant tire d’une profession libérale ou d’autres activités de caractère indépendant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que ce résident ne dispose de façon habituelle dans l’autre Etat contractant d’une base fixe pour l’exercice de ses activités. S’il dispose d’une telle base fixe, les revenus sont imposables dans l’autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cette base fixe. 2. L’expression « profession libérale » comprend notamment les activités indépendantes d’ordre scientifique, littéraire, artistique, éducatif ou pédagogique, ainsi que les activités indépendantes des médecins, avocats, ingénieurs, architectes, dentistes et comptables. » (Article 14 Concernant l’imposition des professions indépendantes [Supprimé] | READ online (oecd-ilibrary.org)) (consulté le 21 novembre 2022) : La Convention de double imposition entre le Luxembourg et la Suisse reprend donc mot à mot l’article 14 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE.
166 Idem, page 937 (C (14)), troisième alinéa, Commentaire du paragraphe 4, ancien, de la Convention.
132entrevue lors de laquelle celui-ci aurait reçu une réponse qui aurait été claire, à savoir : « qu’il n’est plus imposable au Luxembourg », mais l’administration des contributions directes aurait renié sa propre décision par la suite.
En outre, quant à la notion de « base fixe », notion tirée de l’article 14 de la Convention entre le Grand-Duché de Luxembourg et la Confédération suisse, la question se poserait si cette notion se définit par la présence au Luxembourg, par analogie à l’article 15 de cette convention, ou si cette notion se définit par l’existence d’un chiffre d’affaires réalisé, critère qui serait vague et aléatoire et qui aurait été appliqué par le tribunal. L’article 14 de la convention en question serait donc imprévisible et inaccessible. PERSONNE1.) se serait fié à l’interprétation donnée par PERSONNE2.), selon lequel le nombres de jours de présence serait à prendre en considération par référence aux articles 13, 14 et 15 de la Convention conclue entre le Grand-Duché de Luxembourg et la Confédération suisse. »167.
La Cour d’appel rejeta ces moyens aux motifs que :
« En l’occurrence, il est établi au vu des éléments ci-avant exposés que PERSONNE1.) a obtenu un avantage fiscal qui n’était pas justifié en insinuant une cessation d’activité professionnelle au Luxembourg. En effet, d’après le compte rendu de PERSONNE4.) de la réunion du 8 juillet 2003, il est établi que PERSONNE1.) a informé l’administration fiscale qu’il allait réduire sa présence au Luxembourg et qu’il n’était pas à considérer comme résident selon la loi fiscale luxembourgeoise, alors que, selon le contrat cadre conclu le 1er janvier 2005, ce dernier s’est engagé à travailler au Luxembourg pour un total de cent trente jours par an et à conclure un contrat de bail avec la société SOCIETE3.), société qui est propriétaire de l’immeuble dans lequel est installé le cabinet dentaire, et qu’en conséquence il avait une « base fixe » au Grand-
Duché de Luxembourg à partir de laquelle il exerçait une partie de son activité professionnelle.
Dès lors, l’argumentation de PERSONNE1.) qui consiste à contester qu’il avait une base fixe au Luxembourg en ce qui concerne la période de 2002 à 2012 au motif qu’il ne se rendait au cabinet dentaire que dix jours par mois n’est pas pertinente. Il s’ensuit que toutes références à l’attestation testimoniale du témoin PERSONNE7.) selon laquelle celui-ci dépose que « Ich kann bestätigen dass Dr PERSONNE1.) in dem Zeitraum 2008-2012 nicht mehr als 10 Tage pro Monat in der Praxis in Mamer gearbeitet hat… » ou la demande à voir ordonner avant tout autre progrès en cause une expertise afin de déterminer « le temps de travail passé par PERSONNE1.) à Luxembourg…pour les années 2002 à 2012 et ce sur base des relevés UCM/CNS et facturées adressées à l’UCM/CNS… » sont à rejeter. »168.
Elle a par voie de conséquence :
« dit non fondés les moyens tirés de la violation de l’article […] 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, […], de l’accord de l’Union européenne et la Suisse sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 »169.
167 Arrêt attaqué, page 41, quatrième et cinquième alinéa.
168 Idem, page 70, avant-dernier et dernier alinéa.
169 Idem, page 74, premier point du dispositif sous « au pénal ».
133 Le demandeur en cassation soutient dans son vingtième moyen que la notion de « base fixe » serait trop imprécise pour fonder une condamnation pénale et serait contraire à l’Accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé le 21 juin 1999170.
Ce raisonnement soulève plusieurs difficultés.
U n m o y e n i r r e c e v a b l e p o u r r e m e t t r e e n c a u s e l a l é g a l i t é d e s d é c i s i o n s d ’ i m p o s i t i o n Le moyen critique la légalité des décisions d’imposition, donc de décisions administratives individuelles de l’Administration. Ces décisions étaient susceptibles d’un recours en réformation devant le tribunal administratif. Le demandeur en cassation a d’ailleurs formé un tel recours contre certaines de ces décisions, à savoir celles se rapportant aux années fiscales 2002 à 2007, tout en omettant d’exercer cette voie de recours pour les décisions se rapportant aux années fiscales 2008 à 2012, également pertinentes en cause.
Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion relative à la pertinence des questions préjudicielles proposées sous le quatrième moyen et dans la discussion du huitième moyen, que le juge judiciaire est, conformément à la Constitution et à votre jurisprudence, dépourvu de compétence pour connaître, par exception d’illégalité, de la légalité de décisions administratives individuelles. Si, comme en matière d’infractions fiscales, des poursuites pénales sont engagées en prenant en considération de telles décisions, il n’appartient donc pas au juge judiciaire, en l’occurrence au juge pénal, de discuter de la légalité de ces décisions. En l’espèce, certaines des décisions pertinentes ont d’ailleurs fait l’objet d’un recours en réformation devant le tribunal administratif, qui a été rejeté par ce dernier. Discuter dans ces circonstances de la légalité de ces décisions reviendrait ainsi pour le juge judiciaire à remettre en cause ce qui a été définitivement jugé par les juridictions administratives.
Il n’appartient donc pas au juge judiciaire de s’exprimer sur la question de savoir si les décisions d’imposition ont été adoptées à juste titre et, plus particulièrement, si l’Administration n’aurait pas dû ou a mal ou erronément appliqué la notion de « base fixe » de l’article 14 de la Convention bilatérale de double imposition entre le Luxembourg et la Suisse171.
La Cour d’appel aurait donc dû s’abstenir de statuer sur cette question et se déclarer de ce point de vue incompétente sur base de l’article 95 de la Constitution.
Ce motif de pur droit est à substituer à ceux de l’arrêt attaqué, tirés de ce que « « En l’occurrence, il est établi au vu des éléments ci-avant exposés que PERSONNE1.) a obtenu un avantage fiscal qui n’était pas justifié en insinuant une cessation d’activité professionnelle au Luxembourg. En effet, d’après le compte rendu de PERSONNE4.) de la réunion du 8 juillet 2003, il est établi que PERSONNE1.) a informé l’administration fiscale qu’il allait réduire sa présence au Luxembourg et qu’il n’était pas à considérer comme résident selon la loi fiscale luxembourgeoise, alors que, selon le contrat cadre conclu le 1er janvier 2005, ce dernier s’est 170 Les références à cet Accord ont été précisées dans le cadre de la discussion du huitième moyen.
171 Les références à cette Convention sont précisées dans les développements relatifs au huitième moyen.
134engagé à travailler au Luxembourg pour un total de cent trente jours par an et à conclure un contrat de bail avec la société SOCIETE3.), société qui est propriétaire de l’immeuble dans lequel est installé le cabinet dentaire, et qu’en conséquence il avait une « base fixe » au Grand-
Duché de Luxembourg à partir de laquelle il exerçait une partie de son activité professionnelle.
Dès lors, l’argumentation de PERSONNE1.) qui consiste à contester qu’il avait une base fixe au Luxembourg en ce qui concerne la période de 2002 à 2012 au motif qu’il ne se rendait au cabinet dentaire que dix jours par mois n’est pas pertinente. Il s’ensuit que toutes références à l’attestation testimoniale du témoin PERSONNE7.) selon laquelle celui-ci dépose que « Ich kann bestätigen dass Dr PERSONNE1.) in dem Zeitraum 2008-2012 nicht mehr als 10 Tage pro Monat in der Praxis in Mamer gearbeitet hat… » ou la demande à voir ordonner avant tout autre progrès en cause une expertise afin de déterminer « le temps de travail passé par PERSONNE1.) à Luxembourg…pour les années 2002 à 2012 et ce sur base des relevés UCM/CNS et facturées adressées à l’UCM/CNS… » sont à rejeter. »172.
La décision déférée se trouve ainsi légalement justifiée173.
A t i t r e s u b s i d i a i r e : u n m o y e n p a r t i e l l e m e n t i r r e c e v a b l e p o u r ê t r e t i r é d e l a v i o l a t i o n d e d i s p o s i t i o n s é t r a n g è r e s a u l i t i g e Le moyen est tiré, outre des articles 14 de la Constitution et 7 de la Convention de sauvegarde, de différents articles de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de l’Accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé le 21 juin 1999.
Ces dispositions du droit de l’Union européenne sont inapplicables en cause.
Ainsi qu’il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion du huitième moyen, le seul point de rattachement proposé par le demandeur en cassation au droit de l’Union européenne est l’Accord précité, qui serait à prendre en considération dans l’application de l’article 14 de la Convention bilatérale de double imposition entre le Luxembourg et la Suisse. Or, l’article 21 de l’Accord, dispose, dans son paragraphe 1, que « [l]es dispositions des accords bilatéraux entre la Suisse et les Etats membres de la Communauté européenne en matière de double imposition ne sont pas affectées par les dispositions du présent accord ».
L’Accord est donc sans pertinence pour le présent litige.
Par voie de conséquence, la Charte des droits fondamentaux, qui, au regard de son article 51, paragraphe 1, s’applique « aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union », est à son tour inapplicable.
Le moyen est dès lors, à titre subsidiaire, irrecevable dans la mesure où il a été tiré de ces deux dispositions.
172 Idem, page 70, avant-dernier et dernier alinéa.
173 Voir, à titre d’illustration d’une substitution de motifs en matière pénale : Cour de cassation, 2 décembre 2021, n° 140/2021 pénal, numéro CAS-2021-0005 du registre (réponse aux quatre premiers moyens réunis).
135A t i t r e p l u s s u b s i d i a i r e : u n m o y e n i r r e c e v a b l e p o u r c r i t i q u e r l e c a r a c t è r e i m p r é c i s d ’ u n e n o t i o n q u i e s t é t r a n g è r e a u x t e x t e s d ’ i n c r i m i n a t i o n a p p l i c a b l e s Le moyen critique que la notion de « base fixe » serait imprécise.
L’imprécision ainsi critiquée est celle de la loi pénale, donc du texte d’incrimination. Or, le demandeur en cassation a été poursuivi en l’espèce non pas pour violation de l’article 14 de la Convention bilatérale de double imposition entre le Luxembourg et la Suisse, mais pour infraction à l’article 396 de la loi générale des impôts, qui incrimine le délit d’escroquerie fiscale.
C’est cet article, qui définit la norme pénale sanctionnée, qui doit répondre aux critères de précision. L’article 14 de la Convention est, en revanche, étranger à l’incrimination.
Il en suit que le moyen est irrecevable.
A t i t r e e n c o r e p l u s s u b s i d i a i r e : u n m o y e n q u i n e s a u r a i t ê t r e a c c u e i l l i La Cour d’appel a retenu que le demandeur en cassation a trompé l’Administration fiscale en faisant « sous-entendre [contrairement à la vérité] une cessation imminente de ses activités professionnelles au Luxembourg »174, mais que cette « tentative n’a pas abouti parce que l’administration fiscale a découvert la fraude et les manœuvres frauduleuses »175.
Elle a donc constaté que le demandeur en cassation a, de mauvaise foi, voulu tromper l’Administration fiscale sur le maintien de son activité professionnelle à Luxembourg.
Le moyen, qui critique le caractère prétendument imprécis de la notion de « base fixe » tiré de la Convention bilatérale de double imposition entre le Luxembourg et la Suisse, implique que le demandeur en cassation, loin de toute intention de fraude, s’est de bonne foi mépris sur la portée des dispositions fiscales applicables. Il implique donc que ce dernier aurait, de bonne foi, cru ne pas être imposable.
Ainsi compris, le moyen revient, sous le couvert de la violation des dispositions visées, à remettre en discussion l’appréciation par la Cour d’appel de l’élément moral du délit, question qui échappe à votre compétence.
Il en suit, à titre encore plus subsidiaire, que le moyen ne saurait être accueilli.
A t i t r e d e d e r n i è r e s u b s i d i a r i t é : u n m o y e n q u i n ’ e s t p a s f o n d é A titre de dernière subsidiarité, donc à supposer que le moyen soit recevable, qu’il puisse être accueilli et que la notion de « base fixe » fasse partie de la loi d’incrimination, il reste que, comme il a été vu ci-avant, cette notion est tirée du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE 174 Arrêt attaqué, page 71, dernier alinéa.
175 Idem, page 73, troisième alinéa.
136et que sa portée est précisée par des commentaires officiels publiés sur le site internet de l’OCDE. Elle présente dès lors une précision manifestement suffisante pour déjouer toute incertitude sur sa portée.
Par ailleurs cet article se limite à confirmer qu’un membre d’une profession libérale, tel qu’un dentiste, qui exerce de façon constante, par exemple dans un cabinet dentaire, une profession libérale, est passible à Luxembourg de l’impôt sur les revenus y générés par cette activité, même s’il réside par ailleurs en Suisse et y exerce également une activité professionnelle. Il se limite donc à confirmer que le maintien d’une activité professionnelle stable et fixe, par exemple dans le cadre d’un cabinet dentaire, qui génère de façon constante des revenus professionnels, oblige le bénéficiaire de ces revenus à les imposer.
L’article ne fait donc que rappeler une évidence.
Le demandeur en cassation n’a d’ailleurs pas soutenu avoir cru, par erreur, que les revenus en question générés à Luxembourg seraient imposables en Suisse et qu’il les y aurait déclarés.
Il en suit, à titre de dernière subsidiarité, que le moyen n’est pas fondé.
D e s q u e s t i o n s p r é j u d i c i e l l e s d é p o u r v u e s d e p e r t i n e n c e Dans un ordre subsidiaire le demandeur en cassation vous invite à saisir la Cour de justice de l’Union européenne de deux questions préjudicielles.
Cette demande est à rejeter pour les motifs exposés ci-avant dans le cadre de la discussion du quatrième moyen, au sujet des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne. La légalité des décisions de taxation de l’Administration fiscale, dont, dans cet ordre d’idées, la correcte application du droit de l’Union européenne par ces décisions, échappant à la compétence du juge judiciaire, ce à quoi s’ajoute que le droit de l’Union européenne est étranger à ces décisions, les questions préjudicielles sont dépourvues de pertinence, de sorte que votre Cour est dispensée à les poser.
Sur les vingt-et-unième et vingt-deuxième moyen réunis (élément moral du délit d’escroquerie fiscale) Le vingt-et-unième moyen est tiré de la violation de l’article 396 du Code général des impôts, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en considérant que l’élément moral de ce délit était établi aux motifs que « Quant à l’élément moral, celui-ci est également établi. En effet, au vu du contrat cadre conclu le 1er janvier 2005 entre PERSONNE1.) et les docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.), il est établi à suffisance que lors de l’entrevue du 8 juillet 2003 PERSONNE1.) a eu l’intention de tromper l’administration fiscale pour voir clôturer son dossier fiscal. »176, alors que l’intention dolosive du demandeur en cassation en juillet 2003 est ainsi déduite de la conclusion d’un contrat en janvier 2005, donc d’un fait postérieur au moment 176 Idem, page 71, deuxième alinéa.
137où l’intention est considérée comme ayant existé, de sorte que l’élément moral est caractérisé d’une façon insuffisante.
Le vingt-et-unième moyen est tiré de la violation des articles 89 de la Constitution et 195 et 211 du Code de procédure pénale, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en considérant que l’élément moral de ce délit était établi aux motifs que « Quant à l’élément moral, celui-ci est également établi. En effet, au vu du contrat cadre conclu le 1er janvier 2005 entre PERSONNE1.) et les docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.), il est établi à suffisance que lors de l’entrevue du 8 juillet 2003 PERSONNE1.) a eu l’intention de tromper l’administration fiscale pour voir clôturer son dossier fiscal. »177, alors que l’intention dolosive du demandeur en cassation en juillet 2003 est ainsi déduite de la conclusion d’un contrat en janvier 2005, donc d’un fait postérieur au moment où l’intention est considérée comme ayant existé, de sorte que cette motivation est contradictoire.
Dans son vingt-et-unième et vingt-deuxième moyen, le demandeur en cassation critique les constatations faites par la Cour d’appel au sujet de l’élément moral du délit retenu. Il soutient que cet élément moral aurait été déduit de la conclusion d’un contrat postérieur au moment où cet élément a, selon elle, existé.
D e s m o y e n s q u i n e s a u r a i e n t ê t r e a c c u e i l l i s Les deux moyens tendent, sous le couvert de la violation des dispositions visées, à remettre en discussion l’appréciation par la Cour d’appel de l’élément moral du délit, qui relève de son pouvoir souverain et échappe à votre contrôle, de sorte qu’ils ne sauraient être accueillis.
A t i t r e s u b s i d i a i r e : d e s m o y e n s q u i n e s o n t p a s f o n d é s Le premier des moyens est tiré de la violation de l’article 396 de la loi générale des impôts, donc de la loi pénale applicable, tandis que le second est tiré d’une violation, pour contradiction de motifs, de l’obligation de motivation.
Sur le vingt-et-unième moyen, tiré de la violation de l’article 396 de la loi générale des impôts Le demandeur en cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir déduit l’existence de l’élément moral, en l’occurrence de l’intention de tromper l’Administration fiscale, « lors de l’entrevue du 8 juillet 2003 »178 d’un « contrat cadre conclu le 1er janvier 2005 entre PERSONNE1.) et les docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.) »179, donc d’un élément postérieur au moment où l’intention frauduleuse est supposée avoir existé.
Ce motif critiqué est à lire ensemble avec les motifs suivants, dans lesquels la Cour d’appel constate les faits constants en cause :
177 Idem et loc.cit..
178 Idem et loc.cit.
179 Idem et loc.cit.
138« - les faits dégagés par l’enquête et l’instruction:
Le tribunal a fourni un descriptif détaillé et correct des faits auquel il convient de se référer. Il y a uniquement lieu de préciser certains faits.
Il est constant en cause que dans une première phase, PERSONNE1.) a demandé aux fonctionnaires du bureau d’imposition en charge de son dossier fiscal un rendez-vous pour se renseigner sur sa situation fiscale. Ainsi, PERSONNE1.) et son comptable à l’époque des faits, PERSONNE4.), ont rencontré les fonctionnaires de l’administration fiscale, PERSONNE3.) et PERSONNE2.), le 8 juillet 2003.
La discussion de la situation fiscale de PERSONNE1.) a été résumée dans un compte-
rendu établi par PERSONNE4.) le 22 juillet 2003.
Ce compte-rendu figure au dossier pénal et est rédigé dans les termes suivants :
« Monsieur PERSONNE1.) est résident monégasque, il habite à Monaco où il a loué un appartement, ses enfants y habitent et y vont à l’école. Il est vrai qu’il vient au Luxembourg régulièrement à l’ordre de 90 à 110 jours par année, mais il n’a pas de domicile au Luxembourg et son lieu de séjour habituel est à l’étranger. Par conséquent, selon l’art. 13 et 14 du Steueranpassungsgesetz il n’est pas à considérer comme résident selon la loi fiscale luxembourgeoise : sont donc imposables uniquement les revenus d’origine luxembourgeoise. En particulier des revenus provenant de l’exercice d’une activité indépendante ne sont imposables que s’ils proviennent d’une base fixe luxembourgeoise. Le Dr PERSONNE1.) a transféré entretemps son domicile et sa résidence fiscale vers la Suisse essentiellement pour des raisons professionnelles. Il avait déjà cédé l’immeuble d’exploitation et l’installation de son cabinet d’implantologie et est en train de réduire sa présence physique au Luxembourg encore plus par la cession partielle projetée de son activité… Cette réduction de la présence physique est également conditionnée par un nouveau contrat de collaboration avec la société suisse… Suite à ces informations, le bureau d’imposition a donné son accord de clôturer le dossier du Dr PERSONNE1.) avec l’année 2001. » Le témoin PERSONNE3.) a déclaré au sujet de cette réunion devant la police le 6 février 2017 que: « Lors de la réunion en juillet 2003, Dr PERSONNE1.) a argumenté qu’il avait son domicile à Monaco et qu’il aurait encore une deuxième résidence en Suisse. Il nous a informés qu’il travaillait pour une société suisse dans le domaine de la technologie dentaire. Lors de cette réunion, il y a eu un accord que M.
PERSONNE1.) ne devrait pas être imposé au Grand-Duché si les faits sont tels que décrits par lui, c’est-à-dire qu’il n’aurait pas de base fixe au Luxembourg pour générer ses revenus. Je confirme que M. PERSONNE2.) a noté cela de manière manuscrite…. Dr PERSONNE1.) ne nous a pas renseignés à l’époque sur le fait qu’il avait un cabinet dentaire… il ne nous a rien dit à ce sujet.. » et ce témoin a encore précisé que « Suite aux déclarations faites par Dr PERSONNE1.) ou son comptable lors de la réunion en juillet 2003, il a été décidé que Dr PERSONNE1.) ne serait pas imposé au Luxembourg. Vu qu’il déclarait qu’il n’avait pas de base fixe au Luxembourg. » Ce témoin a confirmé ses déclarations sous la foi du serment à l’audience des juges de première instance « Den Dr PERSONNE1.) sollt fir eng schwäizer Firma täteg sinn an zu Monaco wunnen. Eng base fixe wäer net ginn. ».
139Dans un second temps, le 1er janvier 2005, PERSONNE1.), représentant la société anonyme SOCIETE1.), a cédé les parts sociales de la société à responsabilité limitée SOCIETE2.) et les actions de la société anonyme SOCIETE3.), ainsi que son fonds de commerce aux docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.).
Selon une convention intitulée « CONVENTION CADRE » conclue le même jour, soit le 1er janvier 2005, avec les docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.), PERSONNE1.) s’est engagé :
« à continuer d’exercer son activité de médecin dentiste à titre indépendant au sein du Cabinet Dentaire pour une période de cinq (5) années à compter de la cession des titres.
Pour la poursuite de son activité au sein du Cabinet Dentaire, le Cédant s’engage à conclure un contrat de bail avec la société SOCIETE3.) S.A (le « Contrat de Bail ») dont une version exécutée demeurera annexée à la présente convention (….) Le cédant exercera la dentisterie au cabinet dentaire du Bailleur durant une période de cinq (5) années consécutives. Il s’engage à se déplacer au moins 5 jours une semaine sur deux à Luxembourg et ceci pendant 25 semaines par an pendant la durée du bail. ». »180.
Il résulte de ces motifs - que le demandeur en cassation a, à l’occasion de la réunion du 8 juillet 2003, annoncé à l’Administration fiscale son intention de réduire son activité à Luxembourg, de céder son immeuble d’exploitation et de céder partiellement son activité, donc fait « sous-
entendre une cessation imminente de ses activités professionnelles au Luxembourg »181, - tandis que la convention cadre du 1er janvier 2005 révèle qu’il « continue[..] d’exercer son activité de médecin dentiste à titre indépendant au sein du Cabinet Dentaire pour une période de cinq (5) années à compter de la cession des titres » à raison de « 5 jours une semaine sur deux à Luxembourg et ceci pendant 25 semaines par an pendant la durée du bail », ce qui implique o qu’il continuera d’exercer cette activité de façon constante et stable à partir du 1er janvier 2005, mais surtout aussi o qu’il n’avait nullement cessé d’exercer cette activité antérieurement (qu’il continue d’exercer le 1er janvier 2005), donc après la réunion du 8 juillet 2003.
La convention cadre du 1er janvier 2005, stipulant que le demandeur en cassation continuera à ce moment d’exercer son activité professionnelle, ce qui implique qu’il ne l’avait pas cessée avant cette date, confirme qu’il n’a pas respecté ses engagements pris à l’occasion de la réunion du 8 juillet 2003, un an et demi plus tôt.
Ainsi compris, la convention cadre de 2005 confirme l’existence d’une intention frauduleuse à l’occasion de la réunion du 8 juillet 2003.
Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.
180 Idem, page 68, troisième alinéa, à page 69, quatrième alinéa (les passages en gras sont marqués en gras dans l’arrêt attaqué ; le passage souligné est souligné par nous).
181 Idem, page 71, dernier alinéa.
140Sur le vingt-deuxième moyen, tiré d’une contradiction de motifs Le grief tiré d’une contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision182.
Cette condition n’est pas respectée pour les motifs visés, qui impliquent implicitement, à les considérer seuls, donc sans les combiner avec les motifs complémentaires cités ci-avant dans le cadre de la discussion du bien-fondé du vingt-et-unième moyen, que la Cour d’appel considère que la convention cadre du 1er janvier 2005 révèle l’existence d’une intention frauduleuse à l’occasion de la réunion du 8 juillet 2003.
Le moyen, à ne prendre en considération que les seuls motifs critiqués, n’est donc pas fondé, le grief d’un défaut de motif ne permettant pas de critiquer l’insuffisance d’une motivation.
Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.
Dans un ordre plus subsidiaire, donc à supposer que les motifs critiqués par le moyen soient à considérer comme contradictoires, cette contradiction se résout en combinant ces motifs avec ceux cités ci-avant, desquels résulte que le demandeur en cassation s’est engagé le 1er janvier 2005 à continuer d’exercer son activité, ce qui implique qu’il ne l’avait, contrairement à son engagement pris lors de la réunion du 8 juillet 2003, pas antérieurement cessée.
Il en suit que, dans cet ordre plus subsidiaire, le moyen n’est pas non plus fondé.
Sur le vingt-troisième moyen (manœuvres frauduleuses – contradiction de motifs) Le vingt-troisième moyen est tiré de la violation des articles 89 de la Constitution et 195 et 211 du Code de procédure pénale, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en considérant que la preuve de manœuvres frauduleuses était notamment établie aux motifs que « En l’occurrence, les renseignements donnés par PERSONNE1.) lors de la réunion du 8 juillet 2003 selon lesquels il n’aurait plus de résidence au Luxembourg, qu’il aurait transféré son domicile ainsi que sa résidence fiscale vers la Suisse et qu’il aurait l’intention de réduire sa présence au Luxembourg, renseignements qui ont été confirmés par écrit dans le courrier du 22 juillet 2003 et qui font sous-entendre une cessation imminente de ses activités professionnelles au Luxembourg, sont appuyés sur un compte-rendu de nature à imprimer à ses dires l’apparence de vérité et à surprendre la confiance de l’Administration des contributions directes pour qu’elle clôture son dossier fiscal. »183, alors que ces motifs tiennent pour établis que la lettre du 22 juillet 2003 sous-entend une cessation immédiate des activités professionnelles du demandeur en cassation et que cette lettre aurait convaincu l’Administration des contributions directes de clôturer le dossier fiscal du demandeur en cassation, ce qui méconnaît que la décision supposée de l’Administration, du 8 juillet 2003, était antérieure à cette lettre, du 22 juillet 2003, qu’il est cependant constant que le demandeur en cassation n’avait déjà à cette époque pas de résidence à Luxembourg et que la lettre se limite à évoquer une réduction de la 182 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 17 novembre 2022, n° 137/2022, numéro CAS-2022-00015 du registre (réponse au premier moyen).
183 Arrêt attaqué, page 71, dernier alinéa.
141présence du demandeur en cassation à Luxembourg et une cessation partielle de ses activités professionnelles dans ce pays et non une cessation totale de celles-ci, de sorte que cette interprétation de la lettre en constitue une dénaturation et que les motifs sont contradictoires.
U n m o y e n q u i n e s a u r a i t ê t r e a c c u e i l l i Dans son vingt-troisième moyen, le demandeur en cassation critique le bien-fondé des déductions de fait tirées par la Cour d’appel de la lettre du 22 juillet 2003. Il critique donc l’interprétation de ce courrier.
Sous le couvert de la violation des dispositions visées, le moyen ne tend donc qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond des moyens de preuve, donc une question qui relève de leur pouvoir souverain et échappe à votre contrôle.
Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.
A t i t r e s u b s i d i a i r e : m o y e n i r r e c e v a b l e p o u r s o u l e v e r u n g r i e f é t r a n g e r a u c a s d ’ o u v e r t u r e Le moyen est tiré d’une violation, par contradiction de motifs, de l’obligation de motivation.
La contradiction de motifs suppose, ainsi qu’il a été rappelé ci-avant, dans le cadre de la discussion subsidiaire faite au sujet du vingt-deuxième moyen, une contradiction entre deux motifs de la décision attaquée.
Le moyen ne critique cependant pas une contradiction entre deux motifs, mais le caractère erroné d’un motif, qui serait en contradiction avec ce qui, selon le demandeur en cassation, aurait constitué un motif adéquat. Il soulève donc un vice de fond, ce qui est confirmé par la référence faite à une « dénaturation ».
Or, le défaut de motifs, dont la contradiction de motifs constitue un cas de figure, est, comme précisé ci-avant, un vice de forme. Un jugement est dès lors régulier en la forme dès qu’il comporte un motif sur le point considéré, serait-il incomplet ou vicié184.
Le grief est donc étranger au cas d’ouverture.
Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen est irrecevable185.
184 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 7 juillet 2016, n° 76/16, numéro 3626 du registre (réponse au sixième moyen).
185 Voir, à titre d’illustration : idem, 12 mars 2015, n° 20/15, numéro 3438 du registre (réponse au premier moyen).
142Sur le vingt-quatrième et le vingt-sixième moyen réunis (violation de l’Accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé le 21 juin 1999) Le vingt-quatrième moyen et le vingt-sixième moyen sont tirés de la violation des articles 1er suivants de l’Accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé le 21 juin 1999186, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en rejetant un moyen de défense tiré de ce que le jugement de première instance encourt l’annulation parce que « il y aurait violation de l’accord sur la libre circulation des personnes entre l’Union européenne et la Suisse »187 et que, dans cet ordre d’idées, « La défense reproche au tribunal d’énoncer un certain nombre de faits qui donneraient une fausse image de la situation professionnelle de PERSONNE1.). Elle décrit en détail cette situation et les motifs de la réunion du 8 juillet 2003, soit les faits tels qu’ils se sont passés pendant la période antérieure et postérieure à la réunion du 8 juillet 2003.
Dans ce contexte, la défense de PERSONNE1.) insiste sur le fait que ce dernier ne possédait plus de cabinet dentaire propre au Luxembourg, la propriété des installations et des murs du cabinet appartenant à une société anonyme, à savoir la société SOCIETE3.) S.A., société qui était détenue par la société SOCIETE12.) S.A. Holding. Elle relève encore que le 1er janvier 2005 la société SOCIETE3.) S.A. a été cédée à la société SOCIETE4.) S.A., société qui appartenait aux docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.). PERSONNE1.) serait venu poser des implants en tant que médecin résidant en Suisse dans le cabinet géré et détenu par les docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.). Ce serait cette présence très limitée en tant que médecin exerçant une activité libérale au Luxembourg qui aurait déclenché une discussion sur la question de savoir s’il avait ou non une « base fixe » au Luxembourg au sens de l’article 14 de la Convention entre le Grand-Duché de Luxembourg et la Confédération suisse. A cet égard, les mandataires de PERSONNE1.) contestent notamment que ce dernier ait caché « son activité libérale permise en vertu de l’Accord sur la libre circulation des personnes entre l’UE et la Suisse ». »188 aux motifs que « Concernant les moyens sub (1) [relatif à la violation de l’Accord précité] […], les mandataires de PERSONNE1.) font valoir que la condamnation pénale retenue par le tribunal entraîne une violation de l’accord sur la libre circulation des personnes convenu entre l’Union européenne et la Suisse, ainsi qu’une violation de la libre circulation des capitaux au sens du TFUE. Il convient de préciser que les questions de violation de l’accord sur la libre circulation des personnes, respectivement sur le principe de la libre circulation des capitaux, respectivement sur le principe d’égalité de traitement et l’interdiction à l’arbitraire en matière fiscale, sont étrangères aux faits et infractions pénales dont la Cour d’appel est saisie. Par ailleurs, ces moyens sont à rejeter étant donné que la décision du tribunal administratif du 23 octobre 2013, qui n’a pas été entreprise par PERSONNE1.), est coulée en force de chose jugée et que ce n’est pas le transfert du domicile de PERSONNE1.) vers la Suisse qui est à l’origine de la procédure de taxation d’office par l’administration fiscale luxembourgeoise, mais le fait de son activité professionnelle sur le territoire luxembourgeois, notamment à partir d’une base fixe. »189 et en constatant en ce qui concerne la situation fiscale du demandeur en cassation ce qui suit : « - les faits dégagés par l’enquête et l’instruction: Le tribunal a fourni un descriptif détaillé et correct des faits auquel il convient 186 Les références à cet Accord ont été précisées dans le cadre de la discussion du huitième moyen.
187 Arrêt attaqué, page 42, dernier alinéa.
188 Idem, page 44, antépénultième au dernier alinéa.
189 Idem, page 64, premier au troisième alinéa.
143de se référer. Il y a uniquement lieu de préciser certains faits. Il est constant en cause que dans une première phase, PERSONNE1.) a demandé aux fonctionnaires du bureau d’imposition en charge de son dossier fiscal un rendez-vous pour se renseigner sur sa situation fiscale. Ainsi, PERSONNE1.) et son comptable à l’époque des faits, PERSONNE4.), ont rencontré les fonctionnaires de l’administration fiscale, PERSONNE3.) et PERSONNE2.), le 8 juillet 2003.
La discussion de la situation fiscale de PERSONNE1.) a été résumée dans un compte-rendu établi par PERSONNE4.) le 22 juillet 2003. Ce compte-rendu figure au dossier pénal et est rédigé dans les termes suivants :
« Monsieur PERSONNE1.) est résident monégasque, il habite à Monaco où il a loué un appartement, ses enfants y habitent et y vont à l’école. Il est vrai qu’il vient au Luxembourg régulièrement à l’ordre de 90 à 110 jours par année, mais il n’a pas de domicile au Luxembourg et son lieu de séjour habituel est à l’étranger. Par conséquent, selon l’art. 13 et 14 du Steueranpassungsgesetz il n’est pas à considérer comme résident selon la loi fiscale luxembourgeoise : sont donc imposables uniquement les revenus d’origine luxembourgeoise.
En particulier des revenus provenant de l’exercice d’une activité indépendante ne sont imposables que s’ils proviennent d’une base fixe luxembourgeoise. Le Dr PERSONNE1.) a transféré entretemps son domicile et sa résidence fiscale vers la Suisse essentiellement pour des raisons professionnelles. Il avait déjà cédé l’immeuble d’exploitation et l’installation de son cabinet d’implantologie et est en train de réduire sa présence physique au Luxembourg encore plus par la cession partielle projetée de son activité… Cette réduction de la présence physique est également conditionnée par un nouveau contrat de collaboration avec la société suisse… Suite à ces informations, le bureau d’imposition a donné son accord de clôturer le dossier du Dr PERSONNE1.) avec l’année 2001. » Le témoin PERSONNE3.) a déclaré au sujet de cette réunion devant la police le 6 février 2017 que: « Lors de la réunion en juillet 2003, Dr PERSONNE1.) a argumenté qu’il avait son domicile à Monaco et qu’il aurait encore une deuxième résidence en Suisse. Il nous a informés qu’il travaillait pour une société suisse dans le domaine de la technologie dentaire. Lors de cette réunion, il y a eu un accord que M.
PERSONNE1.) ne devrait pas être imposé au Grand-Duché si les faits sont tels que décrits par lui, c’est-à-dire qu’il n’aurait pas de base fixe au Luxembourg pour générer ses revenus. Je confirme que M. PERSONNE2.) a noté cela de manière manuscrite…. Dr PERSONNE1.) ne nous a pas renseignés à l’époque sur le fait qu’il avait un cabinet dentaire… il ne nous a rien dit à ce sujet.. » et ce témoin a encore précisé que « Suite aux déclarations faites par Dr PERSONNE1.) ou son comptable lors de la réunion en juillet 2003, il a été décidé que Dr PERSONNE1.) ne serait pas imposé au Luxembourg. Vu qu’il déclarait qu’il n’avait pas de base fixe au Luxembourg. » Ce témoin a confirmé ses déclarations sous la foi du serment à l’audience des juges de première instance « Den Dr PERSONNE1.) sollt fir eng schwäizer Firma täteg sinn an zu Monaco wunnen. Eng base fixe wäer net ginn. ». Dans un second temps, le 1er janvier 2005, PERSONNE1.), représentant la société anonyme SOCIETE1.), a cédé les parts sociales de la société à responsabilité limitée SOCIETE2.) et les actions de la société anonyme SOCIETE3.), ainsi que son fonds de commerce aux docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.). Selon une convention intitulée « CONVENTION CADRE » conclue le même jour, soit le 1er janvier 2005, avec les docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.), PERSONNE1.) s’est engagé :
« à continuer d’exercer son activité de médecin dentiste à titre indépendant au sein du Cabinet Dentaire pour une période de cinq (5) années à compter de la cession des titres. Pour la poursuite de son activité au sein du Cabinet Dentaire, le Cédant s’engage à conclure un contrat de bail avec la société SOCIETE3.) S.A (le « Contrat de Bail ») dont une version exécutée demeurera annexée à la présente convention (….) Le cédant exercera la dentisterie au cabinet dentaire du Bailleur durant une période de cinq (5) années consécutives. Il s’engage à se déplacer au moins 5 jours une semaine sur deux à Luxembourg et ceci pendant 25 semaines 144par an pendant la durée du bail. ». L’enquête policière a permis de faire le constat que PERSONNE1.) a constitué diverses sociétés de droit luxembourgeois en juin 2008, à savoir les sociétés SOCIETE5.) S.A., SOCIETE6.) S.A., SOCIETE7.) S.A., SOCIETE8.) S.A. et SOCIETE9.) S.A., sociétés qui ont comme actionnaire unique la société anonyme de droit suisse, SOCIETE10.) S.A., et que c’est le prévenu qui est le bénéficiaire économique de cette société de droit suisse. (cf. pages 2, 3 et 4 du rapport SPJ/BABF/ JDA 51588/26/MOCA du 29 juin 2017). Par ailleurs, l’analyse des bilans déposés par ces sociétés a permis de faire le constat que les valeurs reprises dans les rubriques de l’actif immobilier sont importantes. Il s’y ajoute au vu d’un rapport de transmission du 28 novembre 2017 de la Cellule de renseignement financier (ci-après la : « CRF »), qu’un changement de bénéficiaire effectif a été effectué en septembre 2017, soit deux mois après l’inculpation officielle de PERSONNE1.), pour ce qui concerne les racines suivantes des comptes ouverts auprès de la banque BANQUE1.): - SOCIETE9.) » SA – SOCIETE8.) SA - SOCIETE6.) SA - SOCIETE5.) SA -
SOCIETE5.) SA . Ainsi, selon ce rapport de la CRF, PERSONNE1.) et son épouse SOCIETE8.) étaient-ils déclarés comme bénéficiaires effectifs des comptes précités jusqu’au mois de septembre 2017 et après cette date l’épouse de PERSONNE1.) figure seule comme bénéficiaire économique des comptes en question. Finalement, il est constant en cause que PERSONNE1.) n’a pas tenu une comptabilité simplifiée conformément à l’article 162 de la loi générale des impôts modifiée et que ce reproche avait déjà été formulé à son encontre dans un rapport de révision du 17 mars 1999 ainsi que lors de diverses réunions avec le service de révision de l’administration des contributions directes. »190, alors que, vingt-quatrième moyen, le demandeur en cassation exerçait son activité professionnelle conformément aux règles établies par l’Accord et non dans le contexte d’une base fixe au sens de l’article 14 de la Convention entre le Grand-Duché de Luxembourg et la Confédération suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Berne, le 21 janvier 1993191 et qu’en cas de doute sur le bien-fondé du moyen il y a lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de questions préjudicielles et que, vingt-sixième moyen, c’est à tort que la Cour d’appel a déduit l’intention frauduleuse du demandeur en cassation de son défaut de tenue de comptabilité à Luxembourg étant donné que, sur base de l’Accord précité, il pouvait, en sa qualité de résident suisse, de bonne foi estimer être soumis aux règles comptables suisses et à l’impôt suisse et qu’en cas de doute sur le bien-fondé du moyen il y a lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle.
Le demandeur en cassation fit invoquer en l’espèce l’Accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé le 21 juin 1999.
Il contesta avoir été imposable à Luxembourg. Il contesta plus particulièrement d’y avoir exercé des activités dans le cadre d’une « base fixe » au sens de l’article 14 de la Convention bilatérale de double imposition entre le Luxembourg et la Suisse qui auraient été de nature à générer une obligation fiscale à Luxembourg. Il fit dans cet ordre d’idées valoir que cet article ne pourrait trouver application pour être contraire à l’Accord précité et, par voie de conséquence, comme cet Accord fait partie du droit de l’Union européenne, à ce droit et, dans cet ordre d’idées, notamment à la liberté de circulation des capitaux. :
« La défense reproche au tribunal d’énoncer un certain nombre de faits qui donneraient une fausse image de la situation professionnelle de PERSONNE1.).
190 Idem, page 68, sous « Quant au fond », à page 69.
191 Les références à cette Convention sont précisées dans les développements relatifs au huitième moyen.
145 Elle décrit en détail cette situation et les motifs de la réunion du 8 juillet 2003, soit les faits tels qu’ils se sont passés pendant la période antérieure et postérieure à la réunion du 8 juillet 2003. Dans ce contexte, la défense de PERSONNE1.) insiste sur le fait que ce dernier ne possédait plus de cabinet dentaire propre au Luxembourg, la propriété des installations et des murs du cabinet appartenant à une société anonyme, à savoir la société SOCIETE3.) S.A., société qui était détenue par la société SOCIETE12.) S.A.
Holding. Elle relève encore que le 1er janvier 2005 la société SOCIETE3.) S.A. a été cédée à la société SOCIETE13.) S.A., société qui appartenait aux docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.). PERSONNE1.) serait venu poser des implants en tant que médecin résidant en Suisse dans le cabinet géré et détenu par les docteurs PERSONNE5.) et PERSONNE6.).
Ce serait cette présence très limitée en tant que médecin exerçant une activité libérale au Luxembourg qui aurait déclenché une discussion sur la question de savoir s’il avait ou non une « base fixe » au Luxembourg au sens de l’article 14 de la Convention entre le Grand-Duché de Luxembourg et la Confédération suisse. A cet égard, les mandataires de PERSONNE1.) contestent notamment que ce dernier ait caché « son activité libérale permise en vertu de l’Accord sur la libre circulation des personnes entre l’UE et la Suisse ». »192.
La Cour d’appel rejeta ce moyen d’appel comme suit :
« Concernant les moyens sub (1) [relatif à la violation de l’Accord précité] […], les mandataires de PERSONNE1.) font valoir que la condamnation pénale retenue par le tribunal entraîne une violation de l’accord sur la libre circulation des personnes convenu entre l’Union européenne et la Suisse, ainsi qu’une violation de la libre circulation des capitaux au sens du TFUE.
Il convient de préciser que les questions de violation de l’accord sur la libre circulation des personnes, respectivement sur le principe de la libre circulation des capitaux, respectivement sur le principe d’égalité de traitement et l’interdiction à l’arbitraire en matière fiscale, sont étrangères aux faits et infractions pénales dont la Cour d’appel est saisie.
Par ailleurs, ces moyens sont à rejeter étant donné que la décision du tribunal administratif du 23 octobre 2013, qui n’a pas été entreprise par PERSONNE1.), est coulée en force de chose jugée et que ce n’est pas le transfert du domicile de PERSONNE1.) vers la Suisse qui est à l’origine de la procédure de taxation d’office par l’administration fiscale luxembourgeoise, mais le fait de son activité professionnelle sur le territoire luxembourgeois, notamment à partir d’une base fixe. »193.
Dans le vingt-quatrième moyen, le demandeur en cassation réitère la contestation de son imposition sur base de l’article 14 de la Convention bilatérale au regard de l’Accord. Dans le vingt-sixième moyen, il invoque qu’il se serait, de bonne foi, fié à l’Accord ce qui l’aurait 192 Arrêt attaqué, page 44, antépénultième au dernier alinéa.
193 Idem, page 64, premier au troisième alinéa.
146convaincu de ne pas être imposable, de sorte que ce serait à tort que la Cour d’appel aurait retenu à son encontre une intention frauduleuse.
Ces moyens appellent, en substance, la même réponse que le vingtième moyen.
D e s m o y e n s i r r e c e v a b l e s p o u r r e m e t t r e e n c a u s e l a l é g a l i t é d e s d é c i s i o n s d ’ i m p o s i t i o n Les moyens, qui soutiennent que le demandeur en cassation n’est, sur base de l’Accord, pas imposable, critiquent ainsi la légalité des décisions administratives individuelles d’imposition de l’Administration fiscale et reprochent à la Cour d’appel de ne pas avoir constaté l’illégalité de celles-ci dans le cadre d’une exception d’illégalité.
Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion relative à la pertinence des questions préjudicielles proposées sous le quatrième moyen, dans la discussion sur le huitième moyen et dans celle relative au vingtième moyen, que le juge judiciaire est, conformément à la Constitution et à votre jurisprudence, dépourvu de compétence pour connaître, par exception d’illégalité, de la légalité de décisions administratives individuelles. Si, comme en matière d’infractions fiscales, des poursuites pénales sont engagées en prenant en considération de telles décisions, il n’appartient donc pas au juge judiciaire, en l’occurrence au juge pénal, de discuter de la légalité de ces décisions. En l’espèce, certaines des décisions pertinentes ont d’ailleurs fait l’objet d’un recours en réformation devant le tribunal administratif, qui a été rejeté par ce dernier. Discuter dans ces circonstances de la légalité de ces décisions reviendrait ainsi pour le juge judiciaire à vouloir remettre en cause ce qui a été définitivement jugé par les juridictions administratives.
Il n’appartient donc pas au juge judiciaire de s’exprimer sur la question de savoir si les décisions d’imposition ont été adoptées à juste titre et, plus particulièrement, si l’Administration n’aurait pas dû ou a mal ou erronément appliqué la notion de « base fixe » de l’article 14 de la Convention bilatérale de double imposition entre le Luxembourg et la Suisse et qu’elle aurait à cette fin dû prendre en considération l’Accord.
La Cour d’appel aurait donc dû s’abstenir de statuer sur cette question et se déclarer de ce point de vue incompétente sur base de l’article 95 de la Constitution.
Ce motif de pur droit est à substituer à ceux, surabondants, de l’arrêt attaqué, tirés de ce que « Par ailleurs, ces moyens sont à rejeter étant donné que la décision du tribunal administratif du 23 octobre 2013, qui n’a pas été entreprise par PERSONNE1.), est coulée en force de chose jugée et que ce n’est pas le transfert du domicile de PERSONNE1.) vers la Suisse qui est à l’origine de la procédure de taxation d’office par l’administration fiscale luxembourgeoise, mais le fait de son activité professionnelle sur le territoire luxembourgeois, notamment à partir d’une base fixe. »194.
La décision déférée se trouve ainsi légalement justifiée195.
194 Idem, même page, troisième alinéa.
195 Voir, à titre d’illustration d’une substitution de motifs en matière pénale : Cour de cassation, 2 décembre 2021, n° 140/2021 pénal, numéro CAS-2021-0005 du registre (réponse aux quatre premiers moyens réunis).
147A t i t r e s u b s i d i a i r e : d e s m o y e n s i r r e c e v a b l e s p o u r ê t r e t i r é s d e l a v i o l a t i o n d e d i s p o s i t i o n s é t r a n g è r e s a u l i t i g e Le moyen est tiré de la violation de l’Accord, dont les dispositions sont cependant inapplicables en cause.
Ainsi qu’il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion du huitième moyen, le seul point de rattachement proposé par le demandeur en cassation au droit de l’Union européenne est l’Accord précité, qui serait à prendre en considération dans l’application de l’article 14 de la Convention bilatérale de double imposition entre le Luxembourg et la Suisse. Or, l’article 21 de l’Accord dispose, dans son paragraphe 1, que « [l]es dispositions des accords bilatéraux entre la Suisse et les Etats membres de la Communauté européenne en matière de double imposition ne sont pas affectées par les dispositions du présent accord ».
L’Accord est donc sans pertinence pour le présent litige.
Le moyen est dès lors, à titre subsidiaire, irrecevable pour ce motif supplémentaire.
A t i t r e p l u s s u b s i d i a i r e e n c e q u i c o n c e r n e l e v i n g t - s i x i è m e m o y e n : u n m o y e n q u i n e s a u r a i t ê t r e a c c u e i l l i Dans son vingt-sixième moyen, le demandeur en cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir omis de tenir compte de l’Accord pour en déduire qu’il pouvait, de bonne foi, être persuadé avoir été dispensé de l’obligation de respecter les règles comptables luxembourgeoises.
Ce moyen, outre de se heurter aux irrecevabilités énumérées ci-avant, vous invite à remettre en discussion l’appréciation de l’élément moral de l’infraction par les juges du fond, qui relève de leur pouvoir souverain et échappe à votre contrôle.
Il en suit, à titre plus subsidiaire, que le vingt-sixième moyen ne saurait être accueilli.
D e s q u e s t i o n s p r é j u d i c i e l l e s d é p o u r v u e s d e p e r t i n e n c e Dans un ordre subsidiaire le demandeur en cassation vous invite à saisir la Cour de justice de l’Union européenne de questions préjudicielles.
Cette demande est à rejeter pour les motifs exposés ci-avant dans le cadre de la discussion du quatrième moyen, au sujet des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne. La légalité des décisions de taxation de l’Administration fiscale, dont, dans cet ordre d’idées, la correcte application du droit de l’Union européenne par ces décisions, échappant à la compétence du juge judiciaire, ce à quoi s’ajoute que le droit de l’Union européenne est étranger à ces décisions, les questions préjudicielles sont dépourvues de pertinence, de sorte que votre Cour est dispensée à les poser.
148Sur le vingt-cinquième moyen (violation de la libre circulation des capitaux garanti par l’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) Le vingt-cinquième moyen est tiré de la violation de l’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en rejetant un moyen de défense tiré de ce que le jugement de première instance encourt l’annulation parce que « il y aurait violation […] de la liberté de circulation des capitaux au titre du TFUE »196, aux motifs que « Concernant les moyens sub […] (2) [relatif à la violation de la liberté de circulation des capitaux au sens du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne] […], les mandataires de PERSONNE1.) font valoir que la condamnation pénale retenue par le tribunal entraîne une violation de l’accord sur la libre circulation des personnes convenu entre l’Union européenne et la Suisse, ainsi qu’une violation de la libre circulation des capitaux au sens du TFUE. Il convient de préciser que les questions de violation de l’accord sur la libre circulation des personnes, respectivement sur le principe de la libre circulation des capitaux, respectivement sur le principe d’égalité de traitement et l’interdiction à l’arbitraire en matière fiscale, sont étrangères aux faits et infractions pénales dont la Cour d’appel est saisie. Par ailleurs, ces moyens sont à rejeter étant donné que la décision du tribunal administratif du 23 octobre 2013, qui n’a pas été entreprise par PERSONNE1.), est coulée en force de chose jugée et que ce n’est pas le transfert du domicile de PERSONNE1.) vers la Suisse qui est à l’origine de la procédure de taxation d’office par l’administration fiscale luxembourgeoise, mais le fait de son activité professionnelle sur le territoire luxembourgeois, notamment à partir d’une base fixe. »197, tout en retenant notamment, dans le cadre de l’examen des éléments constitutifs du délit poursuivi, que « L’enquête policière a permis de faire le constat que PERSONNE1.) a constitué diverses sociétés de droit luxembourgeois en juin 2008, à savoir les sociétés SOCIETE5.) S.A., SOCIETE6.) S.A., SOCIETE7.) S.A., SOCIETE8.) S.A. et SOCIETE9.) S.A., sociétés qui ont comme actionnaire unique la société anonyme de droit suisse, SOCIETE10.) S.A., et que c’est le prévenu qui est le bénéficiaire économique de cette société de droit suisse. (cf. pages 2, 3 et 4 du rapport SPJ/BABF/ JDA 51588/26/MOCA du 29 juin 2017). Par ailleurs, l’analyse des bilans déposés par ces sociétés a permis de faire le constat que les valeurs reprises dans les rubriques de l’actif immobilier sont importantes. »198, alors que la Cour d’appel a, par la dernière série de motifs citée ci-avant, érigé en élément constitutif du délit de tentative d’escroquerie fiscale la constitution en 2008 par le demandeur en cassation et de son épouse, tous deux résidents suisses, de sociétés commerciales à Luxembourg et l’investissement de capitaux importants dans ces sociétés et considéré que cette constitution et ces investissements avaient forcément et nécessairement comme but de dissimuler des faits pertinents à l’Administration des contributions directes ou à la persuader de faits inexacts, sans rechercher s’ils ne poursuivaient pas un but légitime, d’exercice de la liberté de circulation des capitaux garantie par la disposition visée au moyen et qu’en cas de doute sur le bien-fondé du moyen il y a lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de questions préjudicielles.
Le vingt-cinquième moyen est similaire aux vingt-quatrième et vingt-sixième, sauf à être tiré de la violation de l’article 65 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le demandeur en cassation avait soutenu devant la Cour d’appel que l’Accord précité était applicable et que sa violation entraînerait celle de la disposition précitée du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
196 Arrêt attaqué, page 42, dernier alinéa.
197 Idem, page 64, premier au troisième alinéa.
198 Idem, page 69, cinquième alinéa.
149 Ce moyen appelle la même réponse que les vingt-quatrième et vingt-sixième :
- il est, à titre principal, irrecevable parce qu’il remet en cause la légalité de décisions administratives individuelles d’imposition, qui ont d’ailleurs en partie fait l’objet d’un recours devant le tribunal administratif, qui a été rejeté et qui est passé en force de chose jugée ; or, le juge judiciaire est, sur base de l’article 95 de la Constitution, ainsi que le confirme jurisprudence constante, sans compétence pour apprécier, serait-ce par exception, la légalité de décisions administratives individuelles ; ce motif de pur droit est à substituer aux motifs surabondants cités ci-avant dans le cadre de la discussion du vingt-quatrième et vingt-sixième moyen, la décision attaquée étant ainsi légalement justifiée et - il est, à titre subsidiaire, irrecevable pour être tiré d’une disposition étrangère au litige ;
l’applicabilité de l’article 65 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne est déduite, par le demandeur en cassation, de celle de l’Accord ; or, ce dernier dispose dans son article 21 qu’il n’est pas de nature à affecter les Conventions bilatérales de double imposition, telle la Convention entre le Luxembourg et la Suisse, dont l’article 14 était pertinente pour les décisions d’imposition de l’Administration fiscale.
Le demandeur en cassation vous demande, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle. Cette question est dépourvue de pertinence pour les motifs exposés ci-avant dans le cadre de la discussion du vingt-quatrième et vingt-
sixième moyen, de sorte que vous êtes dispensés de saisir la Cour.
Sur le vingt-septième moyen (défaut de saisine de la Cour de justice de l’Union européenne) Le vingt-septième moyen est tiré de la violation de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en refusant de saisir la Cour de justice de l’Union européenne des questions préjudicielles suivantes, proposées par le demandeur en cassation : « 1. Les dispositions du droit de l’Union européenne suivantes s’opposent-t-elles à la législation d’un Etat membre en vertu de laquelle l’Administration des contributions directes délivre en premier lieu une décision anticipée contraignante (« ruling ») en matière d’impôt, exonérant un ressortissant de cet Etat membre qui est initialement soumis à l’imposition fiscale dans cet Etat membre, de ses obligations fiscales, à l’occasion du transfert de sa résidence en Suisse, alors que par la suite les autorités de poursuite nient d’abord l’existence de la décision et prétendent ensuite, contrairement, aux témoignages des personnes concernées, que la décision a été obtenue par fraude, ce qui a conduit à une condamnation pénale de la personne concernée, étant donné que cette décision ait disparu du dossier fiscal de la personne condamnée. Une telle décision prise à l’encontre du ressortissant est-elle dès lors contraire aux dispositions suivantes du droit de l’Union européenne : a. Les dispositions de l’accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999. b. Les règles pertinentes du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) sur la libre circulation des capitaux et/ou l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui protège la liberté d’entrepris. c. Le droit à une bonne administration garanti par l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE.
1502. L’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’oppose-t-elle à la législation et la pratique d’un Etat membre en vertu de laquelle l’Administration des contributions directes exerce simultanément les fonctions suivantes : (1) celle d’une autorité fiscale, (2) celle d’une autorité de recouvrement, (3) celle d’une autorité de poursuite, (4) des fonctions judiciaires, (5) la fonction de témoin à charge dans une procédure fiscale pénale, (6) la fonction de partie civile ? 3. Les principes de proportionnalité et d’adéquation des peines énoncés à l’article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’opposent-
ils à la législation d’un Etat membre en vertu de laquelle l’assiette de l’impôt d’un dentiste, qui n’a pas tenu de comptabilité n’est pas son revenu, mais son chiffre d’affaires brut majoré d’une surtaxe de 20 % ? »199, aux motifs que « Il importe de relever que les traités instituant l’Union européenne, ainsi que le droit européen qui en découle créent un ordre juridique applicable aux ressortissants des Etats membres et s’imposent aux législateurs nationaux, y compris en droit pénal. Lorsqu’une infraction consiste dans la violation d’un texte européen, le juge national, dès lors que ce texte doit être interprété, peut surseoir à statuer et saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une demande d’interprétation. A cet égard, l’article 267 du TFUE institue une procédure qui est un instrument de coopération entre la CJUE et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union européenne qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher. Concernant l’article 267 du TFUE, cette disposition prévoit : « La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel : a) sur l’interprétation des traités, b) sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union. Lorsqu’une telle question est soulevée devant une juridiction, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement demander à la Cour de statuer sur cette question. » Le renvoi préjudiciel, mécanisme qui vise donc à garantir une interprétation et application uniforme du droit de l’Union européenne, suppose que le droit de l’Union soit applicable à l’affaire pénale en litige. Par ailleurs, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige, d’apprécier au regard des faits qui lui sont soumis, tant la nécessité d’une question préjudicielle à poser à la CJUE que la pertinence de cette question préjudicielle pour ce qui concerne la solution du litige. En effet, il y a lieu de rappeler que selon la doctrine l’article 19, paragraphe 3, point b du TFUE, ainsi que l’article 267 du même traité prévoient la compétence de la CJUE pour se prononcer à titre préjudiciel sur l’interprétation des traités et sur la validité et l’interprétation du droit dérivé de l’Union européenne lorsqu’une décision sur un tel point est nécessaire pour qu’une juridiction nationale puisse trancher un litige qui lui est soumis. La possibilité de soumettre une question préjudicielle à la CJUE est limitée aux questions qui mettent en cause l’interprétation des traités ou la validité et l’interprétation de l’intégralité du droit dérivé de l’Union européenne. Le juge national dispose d’une certaine latitude pour poser une question préjudicielle à la CJUE. Il peut être d’avis que le litige qui lui est soumis ne comporte aucune incidence en termes de droit communautaire et que la question d’un renvoi préjudiciel ne se pose pas. Pour autant que le droit européen a une incidence sur le litige, le renvoi préjudiciel est facultatif pour les juridictions nationales dont les décisions peuvent faire l’objet d’un recours interne (Thierry Hoscheit, Le droit judiciaire privé, numéros 883 et 884). Dès lors, et au vu des développements qui précèdent dont il ressort qu’il y a incompétence du juge pénal pour connaître d’une éventuelle violation de l’Accord sur la libre circulation des personnes entre l’Union européenne et la Suisse et violation du principe de la libre circulation des capitaux au sens du TFUE et qu’il y a absence d’une violation des principes généraux de la Charte, en particulier le principe de la liberté d’entreprise, d’une bonne administration de la justice, d’un recours effectif devant un tribunal impartial, de 199 Idem, page 64, dernier alinéa.
151l’égalité des armes, d’un procès contradictoire, d’être jugé dans un délai raisonnable, de la présomption d’innocence et de proportionnalité des peines, le renvoi préjudiciel devant la CJUE demandé par la défense de PERSONNE1.) ne se conçoit pas et il n’y a pas lieu d’y faire droit. »200, alors que la Cour d’appel était obligée de poser des questions préjudicielles lorsqu’elles sont, comme en l’espèce, pertinentes et suffisamment précises et qu’il appartient maintenant à votre Cour de poser ces mêmes questions.
Dans son vingt-septième moyen, le demandeur en cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir omis de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de différentes questions préjudicielles.
L a C o u r d ’ a p p e l n ’ é t a i t p a s t e n u e d e s a i s i r l a C o u r d e j u s t i c e L’article 267, alinéas 2 et 3, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dispose que :
« Lorsqu’une […] question [préjudicielle] est soulevée devant une juridiction d’un des Etats membres, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.
Lorsqu’une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. »201.
La Cour d’appel n’étant pas une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, elle n’était pas obligée de saisir la Cour de justice. Elle avait simplement la faculté de ce faire.
Suivant votre jurisprudence, « l’exercice de la faculté de poser, sur base de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ex-article 234 TCE), une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne échappe au contrôle de la Cour de cassation »202.
Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.
A t i t r e s u b s i d i a i r e :
l e s q u e s t i o n s p r o p o s é e s é t a i e n t d é p o u r v u e s d e p e r t i n e n c e Il a été vu ci-avant, notamment dans le cadre de la discussion de la pertinence des questions préjudicielles à la Cour de justice soulevées dans le quatrième moyen, ainsi que dans la discussion du huitième, vingtième, vingt-quatrième et vingt-sixième moyen, que le droit de l’Union européenne a été invoqué par le demandeur en cassation pour critiquer la légalité des décisions administratives individuelles d’imposition, mais que le juge judiciaire est, sur base de l’article 95 de la Constitution, incompétent pour connaître de cette question. Cette problématique est donc étrangère au litige, à savoir à la procédure pénale dont la Cour d’appel 200 Idem, 65, antépénultième alinéa, à page 66, antépénultième alinéa.
201 C’est nous qui soulignons.
202 Cour de cassation, 9 février 2017, n° 14/2017, numéro 3818 du registre (réponse au deuxième moyen).
152avait à connaître. Il s’ajoute, dans un ordre subsidiaire, que l’applicabilité du droit de l’Union est déduite, par le demandeur en cassation, de l’Accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé le 21 juin 1999203. Il était soutenu que cet Accord était à prendre en considération dans l’application de l’article 14 de la Convention bilatérale de double imposition entre le Luxembourg et la Suisse204. Or, l’article 21 de l’Accord, dispose, dans son paragraphe 1, que « [l]es dispositions des accords bilatéraux entre la Suisse et les Etats membres de la Communauté européenne en matière de double imposition ne sont pas affectées par les dispositions du présent accord ».
Il en suit, à titre subsidiaire, que les questions proposées étaient dépourvues de pertinence.
D e s q u e s t i o n s p r é j u d i c i e l l e s d é p o u r v u e s d e p e r t i n e n c e Dans un ordre subsidiaire le demandeur en cassation vous invite à saisir la Cour de justice de l’Union européenne de ces mêmes questions préjudicielles.
Cette demande est à rejeter pour les motifs exposés ci-avant dans le cadre de la discussion du quatrième moyen, au sujet des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne. La légalité des décisions de taxation de l’Administration fiscale, dont, dans cet ordre d’idées, la correcte application du droit de l’Union européenne par ces décisions, échappant à la compétence du juge judiciaire, ce à quoi s’ajoute que le droit de l’Union européenne est étranger à ces décisions, les questions préjudicielles sont dépourvues de pertinence, de sorte que votre Cour est dispensée à les poser.
Sur le vingt-huitième moyen (défaut de saisine de la Cour constitutionnelle) Le vingt-huitième moyen est tiré de la violation des articles 95ter de la Constitution et 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, en ce que la Cour d’appel a retenu, par confirmation, à charge du demandeur en cassation le délit de tentative d’escroquerie fiscale en refusant de saisir la Cour constitutionnelle des questions préjudicielles suivantes, proposées par le demandeur en cassation : « 1. Si par le fait que les paragraphes 420 et suivants et notamment les paragraphes 421 et 425 de la Abgabenordnung (loi générale des impôts) dans leur version antérieure à la loi du 23 décembre 2016 confèrent des pouvoirs d’enquête, de poursuite et de sanctions à l’Administration des Contributions, cette dernière est à considérer comme une autorité qualifiée pour la recherche et la poursuite d’infractions en matière pénale fiscale, ceci serait-il contraire au principe constitutionnel de la séparation des autorités administratives et judiciaires, régie notamment par les articles 84 et 85 de la Constitution ? 2. Si par le fait que les délits fiscaux, portant sur plusieurs exercices fiscaux, se prescrivent par cinq ans sont interprétés comme des infractions continues ou continuées se prescrivant à compter de la consommation du dernier fait, ceci ne constituerait pas une violation de l’article 100 de la Constitution qui prévoit le principe de l’annuité de l’impôt en disposant que les impôts au profit de l’Etat sont votés annuellement ? 3. Si par le fait que le juge pénal en tant que juge de l’action est également juge de l’exception en matière pénale fiscale, contrevient-il aux articles 84, 85 ou 85 bis de la Constitution lorsqu’il juge les 203 Les références à cet Accord ont été précisées dans les développements relatifs au huitième moyen.
204 Les références à cette Convention sont précisées dans les développements précités.
153exceptions de nature fiscale? »205, aux motifs que « Il convient de rappeler que la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle prévoit, en son article 6, que « lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif, celle-ci est tenue de saisir la Cour constitutionnelle. Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que : a) une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement, b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ; c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet.
». En l’occurrence, et notamment au vu de l’ensemble des développements précédents, le renvoi préjudiciel devant la Cour constitutionnelle demandé par la défense de PERSONNE1.) n’est pas nécessaire pour la solution du présent litige et il n’y a pas lieu d’y faire droit. »206 et aux motifs auxquels il est ainsi renvoyé que « Conformément aux articles 84, 85 et 95 bis, alinéa 1er, de la Constitution, le tribunal administratif connaît du contentieux fiscal dans les cas et sous les conditions à déterminer par le législateur. Ainsi, la connaissance des contestations des décisions du directeur de l’administration des contributions directes en matière de contestations des bulletins d’impôt est attribuée aux juridictions administratives.
Par ailleurs, quant au principe que le juge de l’action est le juge de l’exception sauf disposition contraire, l’article 468 de la loi générale des impôts, qui n’a pas été abrogé, dispose : « (1) Hängt eine Verurteilung wegen Steuerhinterziehung oder Steuergefährdung davon ab, ob ein Steuervorteil zu Unrecht besteht oder ob und in welcher Höhe ein Steueranspruch verkürzt oder ein Steuervorteil zu Unrecht gewährt ist, und hat das Verwaltungsgericht über diese Frage entschieden, so bindet dessen Entscheidung das Gericht. Liegt eine Entscheidung des Verwaltungsgerichts nicht vor, sind die Fragen jedoch von Finanzbehörden oder Finanzgerichten zu entscheiden, so hat das Gericht das Strafverfahren auszusetzen, bis über die Fragen rechtskräftig entschieden worden ist. Entscheidet das Verwaltungsgericht, so bindet dessen Entscheidung das Gericht. Ergeht keine Entscheidung des Verwaltungsgerichts, so hat das Gericht, wenn es von der rechtskräftigen Entscheidung des Finanzamts oder der Rechtsmittelbehörde abweichen will, die Entscheidung des Verwaltungsgerichts einzuholen.
Es übersendet die Akten dem Verwaltungsgericht. Seine Entscheidung ist bindend. ». La décision rendue par les juridictions administratives en matière fiscale s’impose dès lors aux juridictions pénales, et notamment à la Cour d’appel. Il s’ensuit que la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle n’est pas compétente pour connaître des questions de nature fiscale invoquées par la défense en relation avec le jugement rendu par le tribunal administratif le 23 octobre 2013, jugement qui n’a pas été entrepris par PERSONNE1.) et qui est donc coulé en force de chose jugée. »207, alors que les questions proposées étaient nécessaires pour permettre à la Cour d’appel de rendre sa décision parce que les procédures fiscale et pénale sont enchevêtrées, que la Cour d’appel a contredit des constatations du tribunal administratif, et qu’elle a considéré à tort que la transmission du dossier par l’Administration des contributions directes au Ministère public n’a pas été effectuée par celle-ci en exécution de pouvoirs d’enquête, de poursuite et de sanctions de nature judiciaire prévus par les articles 421 et suivants de la loi générale des impôts et que, à titre subsidiaire, votre Cour doit actuellement saisir la Cour constitutionnelle de ces mêmes questions préjudicielles.
Le demandeur en cassation avait, en l’espèce, soulevé différentes questions préjudicielles à poser à la Cour constitutionnelle :
205 Arrêt attaqué, page 37, avant-dernier alinéa, à page 38, premier alinéa.
206 Idem, page 66, deux derniers alinéas.
207 Idem, page 55, antépénultième alinéa, à page 56, troisième alinéa.
154« 1. Si par le fait que les paragraphes 420 et suivants et notamment les paragraphes 421 et 425 de la Abgabenordnung (loi générale des impôts) dans leur version antérieure à la loi du 23 décembre 2016 confèrent des pouvoirs d’enquête, de poursuite et de sanctions à l’Administration des Contributions, cette dernière est à considérer comme une autorité qualifiée pour la recherche et la poursuite d’infractions en matière pénale fiscale, ceci serait-il contraire au principe constitutionnel de la séparation des autorités administratives et judiciaires, régie notamment par les articles 84 et 85 de la Constitution ? 2. Si par le fait que les délits fiscaux, portant sur plusieurs exercices fiscaux, se prescrivent par cinq ans sont interprétés comme des infractions continues ou continuées se prescrivant à compter de la consommation du dernier fait, ceci ne constituerait pas une violation de l’article 100 de la Constitution qui prévoit le principe de l’annuité de l’impôt en disposant que les impôts au profit de l’Etat sont votés annuellement ? 3. Si par le fait que le juge pénal en tant que juge de l’action est également juge de l’exception en matière pénale fiscale, contrevient-il aux articles 84, 85 ou 85 bis de la Constitution lorsqu’il juge les exceptions de nature fiscale? »208.
La Cour d’appel avait refusé de poser ces questions aux motifs que :
« Il convient de rappeler que la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle prévoit, en son article 6, que « lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif, celle-ci est tenue de saisir la Cour constitutionnelle. Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que : a) une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement, b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ; c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet. ».
En l’occurrence, et notamment au vu de l’ensemble des développements précédents, le renvoi préjudiciel devant la Cour constitutionnelle demandé par la défense de PERSONNE1.) n’est pas nécessaire pour la solution du présent litige et il n’y a pas lieu d’y faire droit. »209.
Ces motifs sont à lire ensemble avec les motifs suivants, auxquels il est ainsi renvoyé :
« Conformément aux articles 84, 85 et 95 bis, alinéa 1er, de la Constitution, le tribunal administratif connaît du contentieux fiscal dans les cas et sous les conditions à déterminer par le législateur. Ainsi, la connaissance des contestations des décisions du directeur de l’administration des contributions directes en matière de contestations des bulletins d’impôt est attribuée aux juridictions administratives.
208 Idem, page 37, avant-dernier alinéa, à page 38, premier alinéa.
209 Idem, page 66, deux derniers alinéas.
155Par ailleurs, quant au principe que le juge de l’action est le juge de l’exception sauf disposition contraire, l’article 468 de la loi générale des impôts, qui n’a pas été abrogé, dispose :
« (1) Hängt eine Verurteilung wegen Steuerhinterziehung oder Steuergefährdung davon ab, ob ein Steuervorteil zu Unrecht besteht oder ob und in welcher Höhe ein Steueranspruch verkürzt oder ein Steuervorteil zu Unrecht gewährt ist, und hat das Verwaltungsgericht über diese Frage entschieden, so bindet dessen Entscheidung das Gericht. Liegt eine Entscheidung des Verwaltungsgerichts nicht vor, sind die Fragen jedoch von Finanzbehörden oder Finanzgerichten zu entscheiden, so hat das Gericht das Strafverfahren auszusetzen, bis über die Fragen rechtskräftig entschieden worden ist. Entscheidet das Verwaltungsgericht, so bindet dessen Entscheidung das Gericht.
Ergeht keine Entscheidung des Verwaltungsgerichts, so hat das Gericht, wenn es von der rechtskräftigen Entscheidung des Finanzamts oder der Rechtsmittelbehörde abweichen will, die Entscheidung des Verwaltungsgerichts einzuholen. Es übersendet die Akten dem Verwaltungsgericht. Seine Entscheidung ist bindend. ».
La décision rendue par les juridictions administratives en matière fiscale s’impose dès lors aux juridictions pénales, et notamment à la Cour d’appel.
Il s’ensuit que la Cour d’appel siégeant en matière correctionnelle n’est pas compétente pour connaître des questions de nature fiscale invoquées par la défense en relation avec le jugement rendu par le tribunal administratif le 23 octobre 2013, jugement qui n’a pas été entrepris par PERSONNE1.) et qui est donc coulé en force de chose jugée. »210.
D e s q u e s t i o n s p r é j u d i c i e l l e s q u i n ’ é t a i e n t p a s n é c e s s a i r e s p o u r p e r m e t t r e à l a C o u r d ’ a p p e l d e r e n d r e s o n a r r ê t La Cour d’appel a refusé de poser les questions préjudicielles parce qu’elle considéra que celles-ci n’étaient pas nécessaires pour lui permettre de rendre son arrêt.
Parmi les questions il y a lieu de distinguer entre, d’une part, la première et le troisième et, d’autre part, la deuxième question.
Sur la première et la troisième question La première et la troisième question ont eu pour objet de soutenir que la Cour d’appel aurait une compétence pour statuer, par exception, sur la légalité des décision administratives individuelles d’imposition.
La Cour d’appel a, par les motifs précités, dénié cette compétence aux motifs qu’elle ne saurait revenir, sur base des articles 84, 85 et 95bis de la Constitution et 468 de la loi générale des impôts, sur ce qui a été définitivement décidé par les juridictions administratives.
Il est à cet effet à rappeler que l’Administration fiscale avait émis à l’encontre du demandeur en cassation des décisions de taxation d’office concernant les années fiscales 2002 à 2012. Le demandeur en cassation avait formé un recours contre les décisions relatives aux années 2002 210 Idem, page 55, antépénultième alinéa, à page 56, troisième alinéa.
156à 2007. Ce recours avait été rejeté par le tribunal administratif, jugement contre lequel aucun appel n’avait été formé devant la Cour administrative. Le demandeur en cassation n’avait formé aucun recours contre les décisions de taxation relatives aux années 2008 à 2012.
Ainsi qu’il a été exposé ci-avant, dans le cadre de la discussion des questions préjudicielles devant la Cour constitutionnelle soulevées dans le quatrième moyen, l’article 95bis, paragraphe 1, premier alinéa, de la Constitution dispose que « [l]e contentieux administratif est du ressort du tribunal administratif et de la Cour administrative ».
L’article 95 confère, par exception à ce principe, compétence aux juridictions judiciaires pour connaître, dans le cadre d’une exception d’illégalité, de la légalité des « arrêtés et règlements généraux et locaux ». Cette compétence ne s’étend, en revanche, pas aux actes administratifs individuels.
Vous rappelez à ce titre régulièrement que cet article s’oppose à soulever l’illégalité de décisions administratives individuelles devant le juge judiciaire, puisqu’une telle démarche viserait à contourner les règles régissant les recours de droit administratif211.
Ce défaut de compétence ne s’applique non seulement lorsque le juge administratif avait été saisi d’un recours contre une telle décision et qu’il a rendu un jugement statuant sur cette question qui est passé en force de chose jugée et qui doit, à ce titre, être respecté par le juge judiciaire. Il s’applique également lorsqu’une décision administrative individuelle n’a fait l’objet d’aucun recours, donc que les personnes ayant prétendu avoir subi un grief du chef de cette décision ont négligé d’exercer un recours devant le juge administratif.
La Cour d’appel était donc, sur base de l’article 95 de la Constitution, dépourvue de compétence pour connaître des griefs tirés par le demandeur en cassation de la légalité des décisions de taxation, y compris de celles, relatives aux années 2008 à 2012, qui n’ont pas fait l’objet d’un recours devant le tribunal administratif, mais également, bien entendu, de celles, relatives aux années 2002 à 2007, qui ont fait l’objet d’un tel recours, qui a été rejeté par le jugement du tribunal administratif du 23 octobre 2013, qui est passé en force de chose jugée.
Ce défaut de compétence du juge judiciaire ne résulte pas d’une loi, mais de la Constitution elle-même, à savoir de l’article 95 de celle-ci. Il ne saurait donc faire l’objet d’une question préjudicielle auprès de la Cour constitutionnelle, dont la compétence se limite, au regard de l’article 95ter, paragraphe 1, de la Constitution, à statuer « sur la conformité des lois à la Constitution ».
La première et la troisième question préjudicielle n’étaient donc pas nécessaires pour permettre à la Cour d’appel de rendre son arrêt, de sorte qu’elle était dispensée à les soulever.
211 Jurisprudence, déjà citée dans le cadre de la discussion du quatrième moyen, rappelée à cet endroit : Cour de cassation, 7 janvier 2016, n° 2/16, numéro 3578 du registre (réponse au deuxième moyen) ; idem, même date, n° 3/16, numéro 3579 du registre (réponse au deuxième moyen) ; idem, 4 juin 2020, n° 77/2020, numéro CAS-2019-
00063 du registre (réponse au sixième moyen) ; idem, 17 mars 2022, n° 41/2022, numéro CAS-2021-00029 du registre (réponse au troisième moyen) ; idem, 21 avril 2022, n° 53/2022, numéro CAS-2021-00044 du registre (réponse au huitième moyen).
157Par ces motifs de pur droit, qui complètent ceux, précités, de l’arrêt attaqué, ce dernier se trouve légalement justifié212.
Il en suit que le moyen n’est pas fondé pour autant qu’il est tiré du refus de poser la première et la troisième question.
Sur la deuxième question La deuxième question préjudicielle est relative à la prétention, déjà discutée dans le dix-
huitième moyen, que le principe de l’annuité de l’impôt, prévu par l’article 100 de la Constitution, qui, selon le demandeur en cassation, obligerait de qualifier le délit d’escroquerie fiscale d’infraction instantanée, se consommant année fiscale par année fiscale, empêcherait de qualifier ce délit d’infraction collective ou continuée, donc de considérer que des escroqueries fiscales se rapportant à différentes années fiscales pourraient, en raison de l’unité de l’intention dans laquelle elles ont été commises, être considérées comme constituant une infraction unique, dont la prescription de l’action publique commence à courir à partir du dernier des faits posés.
Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion du dix-huitième moyen, que la qualification de l’escroquerie fiscale comme infraction instantanée est dépourvue de pertinence pour exclure le concept d’infraction collective ou continuée, propre au droit pénal, qui s’applique à toute infraction, même instantanée. Il n’existe donc aucune contradiction entre la qualification d’une infraction comme infraction instantanée et celle d’infraction collective donnée à des infractions, même instantanées, commises dans une intention unique.
Par voie de conséquence « la question soulevée n’[était] pas nécessaire pour [permettre à la Cour d’appel de] rendre [son] jugement », de sorte que celle-ci était, sur base de l’article 6, alinéa 2, point a), de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, dispensée de soulever la question proposée.
Par ces motifs de pur droit, qui complètent ceux, précités, de l’arrêt attaqué, ce dernier se trouve légalement justifié.
Il en suit que le moyen n’est pas fondé pour autant qu’il est tiré du refus de poser la deuxième question.
D e s q u e s t i o n s p r é j u d i c i e l l e s d é p o u r v u e s d e p e r t i n e n c e Dans un ordre subsidiaire le demandeur en cassation vous invite à saisir la Cour constitutionnelle des mêmes questions préjudicielles, citées ci-avant.
Celles-ci ne sont, pour les motifs exposés ci-avant, pas nécessaires pour vous permettre de rendre votre arrêt, de sorte que vous êtes dispensés à en saisir la Cour constitutionnelle sur base de l’article 6, alinéa 2, point a), de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle.
212 Voir, à titre d’illustration d’une substitution de motifs en matière pénale : Cour de cassation, 2 décembre 2021, n° 140/2021 pénal, numéro CAS-2021-0005 du registre (réponse aux quatre premiers moyens réunis).
158 Conclusion :
Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.
Pour le Procureur général d’Etat Le Procureur général d’Etat adjoint John PETRY 159