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26/10/2022 | LUXEMBOURG | N°48059

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 octobre 2022, 48059


Tribunal administratif N° 48059 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 octobre 2022 Audience publique du 26 octobre 2022 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Monsieur A, demeurant à … par rapport à divers actes de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 48059 du rôle et déposée le 18 octobre 2022 au greffe du tribunal administratif par la société E

2M SARL, ayant son siège social à L-2419 Luxembourg, 2, rue du Fort Rheinsheim, immatriculée ...

Tribunal administratif N° 48059 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 octobre 2022 Audience publique du 26 octobre 2022 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Monsieur A, demeurant à … par rapport à divers actes de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 48059 du rôle et déposée le 18 octobre 2022 au greffe du tribunal administratif par la société E2M SARL, ayant son siège social à L-2419 Luxembourg, 2, rue du Fort Rheinsheim, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B210.821 et inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg, par l’organe de Maître Max MAILLIET, avocat à la Cour, inscrit au Barreau de Luxembourg, au nom de Monsieur A, demeurant à …, tendant à voir instituer un sursis à exécution par rapport à divers actes de l’administration des Contributions directes, à savoir :

1) un bulletin d’appel en garantie de l’administration des Contributions directes émis en date du 22 mars 2022 déclarant le requérant redevable d’un montant total de … euros, en principal et intérêts, dû au titre d’impôts des années 2014 et 2015 redûs par la société X, en faillite, établie et ayant eu son siège social à … ;

2) et, « pour autant que de besoin », une décision de refus implicite du directeur de l’administration des Contributions directes rejetant un recours gracieux (sic) exercé par le requérant en date du 8 avril 2022 contre le prédit bulletin d’appel en garantie ;

un recours au fond, inscrit sous le numéro 47903 du rôle, dirigé contre ces mêmes actes, ayant été déposé antérieurement au greffe du tribunal administratif en date du 7 septembre 2022 ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les actes critiqués au fond ;

Maître Emilie WALTER, en remplacement de Maître Max MAILLIET, pour le requérant, et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 octobre 2022.

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Le 22 mars 2022, le bureau d’imposition RTS Esch-sur-Alzette de l’administration des Contributions directes émit un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », déclarant Monsieur A redevable d’un montant total de … euros, en principal et intérêts, dû au titre d’impôts des années 2014 et 2015 redûs par la société X, en faillite, établie et ayant eu son siège social à ….

Par courrier de son mandataire du 6 avril 2022, Monsieur A adressa au directeur de l’administration des Contributions directes une réclamation, actuellement qualifiée de « recours gracieux », à l’encontre du bulletin d’appel en garantie précité, réclamation enregistrée le 8 avril 2022 par l’administration des Contributions directes.

A défaut de réaction lui parvenue de la part du directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après « le directeur », Monsieur A a, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 septembre 2022, inscrite sous le numéro 47903 du rôle, fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation du bulletin d’appel en garantie du 22 mars 2022 et, « pour autant que de besoin », une décision de refus implicite du directeur de l’administration des Contributions directes rejetant son prétendu recours gracieux exercé en date du 8 avril 2022 contre le prédit bulletin d’appel en garantie.

Monsieur A s’étant vu notifier en date du 29 septembre 2022 une contrainte par le receveur du bureau de recette Esch-sur-Alzette de l’administration des Contributions directes et en date du 4 octobre 2022 un commandement à payer le montant de … euros, il a encore fait introduire le 18 octobre 2022 un recours, inscrit sous le numéro 48059 du rôle, tendant à voir ordonner le sursis à exécution par rapport au bulletin d’appel en garantie du 22 mars 2022 et à la décision implicite de refus.

Le requérant estime que les deux conditions légalement posées par l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », seraient remplies en cause.

Le délégué du gouvernement soutient quant à lui qu’aucune des conditions requises pour l’institution d’une mesure provisoire ne serait remplie en l’espèce. Il insiste plus particulièrement sur l’irrecevabilité du recours au fond pour être prématuré.

En vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 7 septembre 2022 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, elle ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

En ce qui concerne la seconde condition pour l’obtention d’un sursis à exécution, à savoir l’existence de moyens sérieux invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, cette exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond.

Ainsi, le juge du référé est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante la réformation ou l’annulation de la décision attaquée.

La compétence du juge du référé est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui.

Il s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire.

Au niveau de l’examen des moyens invoqués à l’appui du recours au fond, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, notamment au vu des solutions jurisprudentielles dégagées par le juge du fond, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée - les moyens devant offrir une apparence de droit suffisante ou un degré de vraisemblance tel que l’on peut nourrir des doutes importants quant à la légalité de l’acte -, étant rappelé que comme le sursis à exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

Or, à l’analyse du recours au fond, il apparaît que celui-ci ne présente, globalement, guère de sérieux susceptible de justifier la mesure provisoire sollicitée, alors qu’il est vraisemblable, voire probable, que les juges du fond retiennent l’irrecevabilité de ce recours.

Ainsi, en ce qui concerne le bulletin d’appel en garantie du 22 mars 2022 la jurisprudence1 rappelle qu’en vertu de l’article 8 (3) 3. de la loi précitée du 7 novembre 1996, un bulletin d’impôt peut uniquement être directement déféré au tribunal administratif 1 Trib. adm. 6 janvier 1999, n° 10357 et 10844, confirmé par arrêt du 14 octobre 1999, n° 11126C, Pas. adm.

2021, V° Impôts, n° 1197, et les autres références y citées.

lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 AO ou une demande en application du paragraphe 131 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande.

Il résulte plus particulièrement à cet égard de la jurisprudence qu’en vertu des dispositions de l’article 8 (3), 3. de la loi du 7 novembre 1996, le contribuable dont la réclamation n’a pas fait l’objet d’une décision définitive du directeur dans un délai de 6 mois a le droit de déférer directement au tribunal le bulletin qui a fait l’objet de la réclamation, étant entendu que, s’agissant d’une condition de recevabilité, l’observation de ce délai de 6 mois, qui court à partir de l’introduction de la réclamation contre le bulletin, s’apprécie au jour de l’introduction du recours. Aussi, si le délai de 6 mois n’est pas encore révolu, le recours est à déclarer irrecevable pour avoir été introduit prématurément2, étant entendu que, s’agissant d’une condition de recevabilité, l’observation de ce délai de six mois, qui court à partir de l’introduction de la réclamation contre le bulletin, s’apprécie au jour de l’introduction du recours3.

En l’espèce, il est constant en cause que le requérant a fait introduire une réclamation, improprement qualifiée de « recours gracieux », sur base du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », en date du 8 avril 2022.

Le délai précité de six mois, qui court à partir de l’introduction de la réclamation introduite contre le prédit bulletin d’impôt, a partant commencé à courir le 8 avril 2022 pour expirer le 8 octobre 2022. Le recours en réformation, sinon annulation, ayant été introduit au greffe du tribunal administratif le 7 septembre 2022, soit moins de six mois après l’introduction de la réclamation prémentionnée, est dès lors, a priori et conformément à la jurisprudence des juges du fond, irrecevable en raison de son caractère prématuré4.

En ce qui concerne ensuite le recours au fond dirigé, « pour autant que de besoin » contre le refus implicite résultant du silence du directeur, la jurisprudence retient, de manière constante, que suite à une réclamation, le recours est à diriger, non contre une décision implicite de rejet du directeur, mais contre la décision qui fait l’objet de la réclamation, c’est-à-dire le bulletin d’impôt attaqué5 : en effet, aucune décision directoriale naît du silence de plus de six mois après l’introduction de la réclamation auprès du directeur6.

Dès lors, comme aucun recours contre une décision implicite de rejet se dégageant du silence gardé pendant plus de trois mois par le directeur à la suite de l’introduction d’une réclamation n’est prévu par la législation en vigueur, la jurisprudence retient que le tribunal 2 Trib. adm. 21 mars 2002, n° 12843 ; trib. adm. 22 avril 2009, n° 24804 ; trib. adm. 23 mars 2011, n° 27128 ;

trib. adm. 15 juin 2016, n° 36233, confirmé par arrêt du 1er décembre 2016, n° 38222C, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 1190.

3 Trib. adm. 15 juin 2016, n° 36233.

4 Trib. adm. 31 mars 2021, n° 43777 ; trib. adm. 18 janvier 2019, n° 40162.

5 Trib. adm. 25 novembre 1998, n° 10308 à 10311); Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 1187, et les autres références y citées.

6 Trib. adm. 10 mai 2017, n° 37778, confirmé par arrêt du 5 décembre 2017, n° 40231C, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 1191.

administratif doit se déclarer incompétent lorsqu’un recours est dirigé contre une prétendue décision implicite de rejet7.

Le sort négatif que les juges réserveront probablement au recours en réformation, sinon à annulation portant sur cette prétendue décision implicite ne plaide dès lors pas en faveur de l’octroi de la mesure provisoire sollicitée.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’au stade actuel de l’instruction de l’affaire au fond et sur base d’une analyse nécessairement sommaire, la recevabilité même du recours au fond tel qu’introduit à l’encontre de ces deux actes de l’administration des Contributions directes paraît sévèrement sujette à caution, de sorte à ébranler le caractère sérieux global dudit recours, sans qu’il n’y ait lieu à encore analyser sommairement séparément les différents moyens du requérant.

Le requérant est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle d’un risque de préjudice grave et définitif, en tout état de cause non précisé et documenté, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500 euros formulée par le requérant laisse d’être fondée, les conditions légales afférentes n’étant pas remplies en cause.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;

rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par le requérant ;

condamne le requérant aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 octobre 2022 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 octobre 2022 Le greffier du tribunal administratif 7 Trib. adm. 21 mars 2002, n° 12843 Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 1189, et les autres références y citées.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 48059
Date de la décision : 26/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-10-26;48059 ?

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