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28/04/2022 | LUXEMBOURG | N°47264

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 avril 2022, 47264


Tribunal administratif N° 47264 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er avril 2022 2e chambre Audience publique du 28 avril 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47264 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er avril 2022 par la société à responsabilité limité

NCS Avocats SARL, établie à L-1475 Luxembourg, 7, rue du St. Esprit, immatriculée au regist...

Tribunal administratif N° 47264 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er avril 2022 2e chambre Audience publique du 28 avril 2022 Recours formé par Monsieur …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47264 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er avril 2022 par la société à responsabilité limité NCS Avocats SARL, établie à L-1475 Luxembourg, 7, rue du St. Esprit, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B225706, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée aux fins de la présente instance par Maître Aline Condrotte, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 16 mars 2022 de recourir à la procédure accélérée et de celle portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 avril 2022 ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu la communication de Maître Aline Condrotte du 25 avril 2022 suivant laquelle celle-ci marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le président de la deuxième chambre du tribunal administratif entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Genot en sa plaidoirie à l’audience publique du 25 avril 2022.

Le 3 mars 2022, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. ».

118 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.

Le 11 mars 2022, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 16 mars 2022, notifiée à l’intéressé le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait été statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 27, paragraphe (1), point b), de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.

Le ministre résuma les déclarations de l’intéressé comme suit :

« […] En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 3 mars 2022, ainsi que le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 11 mars 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Vous déclarez vous nommer …, être née le … à … (Albanie), de nationalité albanaise, de confession chrétienne et avoir vécu à …. Vous auriez terminé vos études secondaires et auriez fait deux années d’études supérieures. Vous auriez travaillé dans des bars comme serveur. Depuis l’arrivée de la pandémie Covid-19, vous n’auriez plus eu de travail.

A l’appui de votre demande, vous déclarez qu’en date du 1er mai 2018, vous auriez travaillé à … dans l’hôtel « … » en tant que barman et que « quelqu’un » aurait tiré dans ce bar sur un dénommé …. Suite à cet incident, la police serait venue vous dire de les accompagner au commissariat pour faire une déclaration en tant que témoin, sinon que la police vous aurait contacté par téléphone une heure après les faits et vous aurait demandé de venir déposer en tant que témoin. Néanmoins, la police ne vous aurait jamais entendu et vous aurait tout de suite accusé d’être l’auteur du crime et vous aurait immédiatement mis en prison. Vous auriez passé 11 mois en prison, du 1er mai 2018 au 4 avril 2019, en attendant votre jugement et « j’ai été innocenté par deux juges » (entretien page 3). Après, la victime vous aurait accusé d’être le coupable alors même que vous seriez innocent. Deux mois après votre sortie de prison, cette personne aurait fait circuler des rumeurs comme quoi elle allait se venger contre vous. Par la suite, vous auriez dit aux gens de votre entourage que vous voudriez rencontrer cette personne, mais elle aurait refusé. Votre famille aurait contacté la famille de la victime pour discuter mais cette personne « veut juste la vengeance envers mois » (entretien page 4).

Vous auriez quitté l’Albanie en février 2022 « pour venir au Luxembourg » (entretien page 3).

Vous vous sentiriez en danger en Albanie, raison pour laquelle vous seriez venu au Luxembourg alors que « la personne dont je vous ai parlé m’accuse toujours » (entretien page 3). La victime des tirs penserait que vous auriez aidé l’auteur de l’acte « d’être caché » (entretien page 4) et penserait aussi que vous seriez l’auteur de l’acte alors que « je ressemble 2à la personne qui a commis le crime » (entretien page 4).

Vous n’auriez pas cherché à porter plainte dans ce contexte alors que vous n’auriez pas confiance dans la police albanaise.

Vous auriez pris la décision de quitter votre pays d’origine puisque vous n’auriez plus de travail à cause de la pandémie et lorsque vous vous seriez aperçu que « je n’ai aucune solution au problème » (entretien page 5).

Vous pourriez retourner vous installer à … où on pourrait « faire une vie civilisée et avoir un job », tandis que dans les autres villes, il y aurait plus de pauvreté.

A l’appui de votre demande, vous remettez votre passeport délivré par les autorités albanaises en date du 12 octobre 2012 et valable jusqu’au 11 octobre 2022, ainsi que votre carte d’identité albanaise établie en date du 12 octobre 2012 et valable jusqu’au 11 octobre 2022. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er avril 2022, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation 1) de la décision précitée du ministre du 16 mars 2022 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) de la décision du même ministre refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre un éventuel ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 16 mars 2022, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur expose d’abord les faits et rétroactes à la base de sa demande de protection internationale tels que retranscrits dans le rapport d’entretien auprès de la direction de l’Immigration, en insistant plus particulièrement sur le fait qu’après avoir été libéré de prison pour des faits - en l’occurrence avoir tiré sur un individu et blessé celui-ci - dont il aurait été innocenté, il aurait continué à recevoir des menaces de la part de la famille de la victime qui aurait cherché à se venger aveuglément. Il souligne, à cet égard, qu’en Albanie le code coutumier dit le « Kanun », lequel régirait notamment les règles de la vendetta en prévoyant que chaque crime se paie par une « prise de sang » dans la famille de l’agresseur, serait actuellement toujours source de nombreux conflits. Il explique encore qu’en raison de la corruption qui ferait partie intégrante des institutions de l’Etat albanais et du manque général de confiance dans les autorités, il n’aurait pas estimé utile de demander de l’aide auprès de la police, laquelle serait de toute façon impuissante face à la loi du Kanun.

En droit, le demandeur insiste tout d’abord sur le fait que contrairement à ce qu’a retenu le ministre, il remplirait les conditions nécessaires pour se voir octroyer le statut de réfugié tel 3que défini par l’article 1A de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, tel que repris à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015.

En effet, il serait victime des coutumes albanaises provenant du Kanun, à savoir la vendetta, le demandeur expliquant qu’après avoir été accusé à tort d’avoir tiré sur quelqu’un sur son lieu de travail en date du 1er mai 2018, la famille de la victime resterait persuadée qu’il serait responsable des tirs.

Il ajoute que du fait que la corruption serait profondément ancrée dans les pratiques publiques et privées en Albanie, il n’aurait pas pu obtenir une protection policière.

Le demandeur reproche ensuite au ministre de s’être contenté de citer des articles au sujet de la situation en Albanie censés démontrer que celle-ci semblerait être tout à fait exemplaire et d’en avoir conclu à tort que rien ne justifierait l’octroi dans son chef du statut de réfugié.

Le demandeur donne, à cet égard, à considérer que le fait qu’il soit possible de porter plainte contre d’éventuels abus des pouvoirs judiciaires, ne prouverait pas qu’une telle plainte soit réellement efficace. En effet, contrairement à ce que voudrait faire croire le ministre, la corruption serait bien ancrée dans le système institutionnel albanais. Ce serait, en tout état de cause, face à la complexité due à la corruption, aux coutumes du Kanun et à l’attitude de la police locale face à celles-ci qu’il aurait estimé que toute démarche auprès des autorités étatiques serait vaine.

Le demandeur estime ensuite que même à admettre que ce serait à bon droit que le ministre avait décidé qu’il ne remplit pas les conditions pour se voir octroyer le statut de réfugié, il n’en resterait pas moins qu’il y aurait lieu d’admettre, sur base de la même argumentation que celle invoquée à la base de sa demande de statut de réfugié, qu’il devrait se voir accorder le bénéfice du statut conféré par la protection subsidiaire.

Au vu de ces considérations, ce serait partant à tort que le ministre aurait non seulement décidé de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée mais également refusé de lui octroyer l’un des statuts conférés par la protection internationale, tout en lui ordonnant de quitter le territoire.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours, pris en son triple volet.

Aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 : « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification.

Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

4 Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il résulte de cette disposition qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé, dans la négative, le recours étant renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

A cet égard, il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

1) Quant au recours dirigé contre la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Quant au fond, il y a lieu de relever que la décision ministérielle est, en l’espèce, fondée sur les dispositions du point b) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquelles « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-

fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

[…] b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1) sous b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la même loi.

5La soussignée est dès lors amenée à analyser si les moyens avancés par le demandeur à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par ce dernier ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27, paragraphe (1), point b) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande de protection internationale lui soumise dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Concernant plus particulièrement le point b) de l’article 27, paragraphe (1) précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes :

« (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.

(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.

Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr:

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b) le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.

La situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent paragraphe est régulièrement examinée par le ministre ».

Il est constant en cause que le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 a désigné l’Albanie comme pays d’origine sûr, pays dont le demandeur a la nationalité.

Au vu du libellé de l’article 30, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis des raisons 6sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Pour l’examen de la question de savoir si un pays est à considérer comme pays d’origine sûr pour un demandeur compte tenu de sa situation personnelle, s’il fait, comme en l’espèce, état de faits subis par des personnes non étatiques, le demandeur invoquant, en effet, sa crainte de faire l’objet de représailles de la part d’un dénommé …, ainsi que la famille de celui-ci qui auraient menacé de se venger de lui, seule la condition, commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire, tenant à l’absence de protection dans le pays d’origine au sens de l’article 392 de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 403 de la même loi est susceptible d’être pertinente, de sorte que l’examen de la situation individuelle doit être fait par rapport aux moyens présentés par le demandeur tendant à établir que cette condition requise pour prétendre à une protection internationale est remplie dans son chef.

A cet égard, la soussignée relève à titre liminaire que si le litismandataire du demandeur entend, dans le cadre du recours sous analyse, relier les menaces dont Monsieur … a fait état à la base de sa demande de protection internationale aux coutumes du Kanun, ce lien ne se trouve aucunement établi en l’espèce. Il se dégage, en effet, sans conteste, de la fiche de motifs qu’il a remplie le 11 mars 2022 ainsi que de ses déclarations auprès du ministère que le demandeur n’a fait état que de sa crainte de faire l’objet de simples actes de vengeance sans faire allusion d’une quelconque manière aux coutumes du Kanun. Dans ces conditions, il y a lieu d’admettre que les menaces dont fait état le demandeur sont à entrevoir exclusivement dans le contexte d’un conflit privé et non pas dans le contexte spécial des règles coutumières du Kanun. Il s’ensuit que les développements du demandeur visant à mettre en avant la prétendue impuissance des autorités albanaises pour lutter contre les problèmes de vendetta, développements qu’il semble vouloir sous-tendre en versant un article intitulé « Loi du Kanun :

du mythe à la réalité », lequel n’a été ni discuté ni mis en relation avec la situation personnelle et concrète du demandeur, sont écarter pour être manifestement non pertinents.

Il convient ensuite de rappeler que l’une des conditions d’octroi d’une protection 2 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-

ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », 3 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire.

Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » 7internationale est celle de la preuve, à fournir par le demandeur de protection internationale, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, puisque chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale.

Il y a partant lieu d’analyser si le demandeur a soumis, conformément à l’article 30, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, des raisons sérieuses permettant de penser que l’Albanie n’est pas un pays sûr compte tenu de sa situation personnelle.

En l’espèce, l’analyse de la situation décrite par le demandeur lors de son audition ainsi qu’au cours de la présente instance, ne permet cependant pas à la soussignée d’en dégager des éléments convaincants pour renverser la présomption se dégageant de l’inscription de son pays d’origine sur la liste des pays sûrs et pour pouvoir conclure en conséquence à l’illégalité de la décision déférée.

La soussignée relève, en effet, que le demandeur n’a apporté aucune raison valable de penser que ses droits les plus élémentaires seraient bafoués en cas de retour dans son pays d’origine sans que les autorités de ce pays ne puissent, respectivement ne veuillent lui fournir une protection appropriée.

Par ailleurs, il convient de relever que pour qu’un défaut de protection au pays d’origine puisse être retenu, il faut en toute hypothèse, que l’intéressé ait tenté d’obtenir cette protection pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut.

L’essentiel est, en effet, d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. C’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution ou de l’atteinte grave infligée.

Il y a encore lieu de souligner que si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions ou atteintes graves - cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.

En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des 8actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

A cet égard, il convient encore de souligner l’importance de rechercher la protection des autorités du pays d’origine puisqu’à défaut d’avoir au moins tenté de solliciter une forme quelconque d’aide, un demandeur de protection internationale ne saurait reprocher aux autorités étatiques une inaction volontaire ou un refus de l’aider.

En effet, si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a lui-même pas tenté formellement d’obtenir une telle protection : or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de menaces de vengeance, communément la forme d’une plainte.

En l’espèce, force est toutefois à la soussignée de constater qu’il n’est pas contesté en cause que le demandeur n’a jamais personnellement recherché l’aide de la police ou d’une autre autorité locale en relation avec les représailles qu’il craint de subir de la part du dénommé … et de la famille de celui-ci.

Or, à défaut d’avoir recherché la protection des autorités de son pays d’origine, le demandeur n’est pas fondé à soutenir que les autorités albanaises ne seraient pas disposées ou ne pourraient pas lui accorder une protection adéquate.

C’est à cet égard en vain qu’il tente de justifier son inaction par son manque de confiance dans les autorités albanaises.

En effet, s’il se dégage certes de son récit qu’il a été arrêté par la police suite aux tirs portés contre le dénommé … et qu’il a été placé en détention préventive pendant presqu’un an avant d’être finalement innocenté par la justice et remis en liberté, cet état de fait n’est pas de nature à établir un dysfonctionnement dans le système policière et judiciaire albanais. Au contraire, le fait d’avoir été dans un premier temps placé en détention préventive après avoir été arrêté en flagrant délit comme étant l’auteur des tirs, tel que cela se dégage de manière non contestée de la décision ministérielle litigieuse, pour ensuite avoir été libéré après avoir été innocenté par la justice, prouve que le système en question fonctionne, le demandeur n’alléguant d’ailleurs pas que ses droits de la défense auraient été violés pendant sa détention préventive ni qu’il n’aurait pas bénéficié d’un procès équitable. Ainsi, si l’expérience qu’il a vécue peut expliquer une certaine réticence dans son chef pour s’adresser à la police immédiatement après avoir entendu les premières rumeurs suivant lesquelles le dénommé … voudrait se venger sur lui, elle ne saurait toutefois à l’évidence justifier qu’à partir du moment où il a réellement eu peur pour sa vie, il ne se soit pas adressé aux autorités de son pays pour demander une aide.

Ce constat s’impose d’autant plus qu’hormis ses problèmes avec la justice en relation avec les tirs portés contre le dénommé …, le demandeur ne fait pas état d’une quelconque expérience négative qu’il aurait vécue avec les autorités de son pays d’origine, ni plus particulièrement d’un quelconque refus en relation avec une plainte qu’il aurait par le passé infructueusement tenté de déposer. A cela s’ajoute que si le demandeur avait eu le sentiment que ses doléances ne seraient pas accueillies avec le sérieux nécessaire par les policiers du commissariat local, il aurait pu et dû porter sa plainte par devant les policiers d’un autre commissariat ou bien déposer plainte directement auprès du parquet, de même qu’il aurait pu, 9selon les explications étatiques, sources internationales à l’appui, se plaindre du comportement des policiers locaux auprès de la direction régionale de la police, auprès de la direction générale de la police ou bien auprès du ministère de l’Intérieur ou encore de l’Ombudsman, ce qu’il n’a toutefois pas fait.

Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure qu’il ne ressort manifestement pas des déclarations du demandeur, ni des éléments soumis à l’appréciation de la soussignée à travers la requête introductive d’instance, ni des pièces du dossier, que les autorités albanaises compétentes aient refusé ou aient été dans l’incapacité de lui fournir une protection quelconque contre les agissements dont il déclare avoir été victime, voire qu’il redoute en cas de retour dans son pays d’origine et que, de la sorte, l’Albanie ne serait pas à considérer comme un pays d’origine sûr compte tenu de sa situation particulière.

Ce constat n’est pas ébranlé par les problèmes de corruption qui existeraient, selon le demandeur, au sein des autorités albanaises, Monsieur … restant, en effet, en défaut d’apporter des éléments pertinents à cet égard relatifs à sa situation personnelle, respectivement ne faisant pas état d’expériences négatives en termes de corruption qu’il aurait concrètement et personnellement vécues avec les autorités judiciaires et policières de son pays d’origine, voire qui l’auraient empêché d’avoir accès à ces autorités. Il est dès lors vain d’invoquer une situation générale de corruption, voire, de manière générale, des dysfonctionnements au sein du système policier et judiciaire albanais pour discréditer la protection que peuvent apporter les autorités nationales aux citoyens albanais contre les agissements dont le demandeur craint d’être victime et pour justifier sa propre inaction.

L’appréciation de la soussignée suivant laquelle le demandeur n’a pas apporté de raisons sérieuses permettant de penser que l’Albanie n’est pas à considérer comme un pays sûr dans son chef compte tenu de sa situation personnelle est encore confortée par le fait qu’il se dégage de son récit que ce n’est en fin de compte pas en raison d’un défaut de protection de la part des autorités de son pays qu’il a décidé de quitter celui-ci, mais parce qu’il n’avait plus de travail à cause de la pandémie, sans avoir réussi à trouver une solution pour remédier à ce problème4, étant relevé que les difficultés d’ordre économique mises en avant par le demandeur ne permettent à l’évidence pas non plus de renverser la présomption se dégageant de l’inscription de l’Albanie sur la liste des pays d’origine sûr.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours du demandeur, dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande d’octroi d’une protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’il a présentés pour établir que l’Albanie ne serait pas à considérer comme pays sûr dans son chef sont visiblement dénués de tout fondement.

Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé.

2) Quant au recours dirigé contre la décision du ministre portant refus d’une protection internationale La soussignée relève qu’aux termes de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 4 Page 5 du rapport d’audition.

102015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, précités, de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-

avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précités, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Force est de constater que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire est la preuve, à rapporter par le demandeur, que les autorités de 11son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection.

Or, indépendamment de la qualification des faits invoqués à l’appui de la demande de protection internationale, respectivement de la gravité et du sérieux des motifs dont fait état le demandeur, la soussignée relève qu’elle vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse de la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, qu’il n’est manifestement pas établi en l’espèce que les autorités albanaises seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas fournir au demandeur une protection appropriée par rapport aux craintes dont il fait état. Dès lors, dans la mesure où, dans le cadre du présent recours, la soussignée ne s’est pas vu soumettre d’éléments permettant d’énerver cette conclusion, les craintes avancées par le demandeur ne sauraient manifestement justifier ni l’octroi du statut de réfugié, ni l’octroi de la protection subsidiaire.

Enfin, et pour être tout à fait complet, la soussignée relève que des motifs économiques, tels qu’invoqués par le demandeur lors de son audition par la direction de l’Immigration, ne sont à l’évidence pas non plus de nature à justifier dans son chef l’octroi de l’un des statuts conférés par la protection internationale Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen est à déclarer manifestement infondé et que Monsieur … est à débouter de sa demande de protection internationale.

3) Quant au recours dirigé contre la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Il convient de relever qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé et que partant c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, impliquant qu’il a à bon droit pu retenir que le retour de celui-ci dans son pays d’origine ne l’expose pas à des conséquences graves, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer le principe de non-refoulement.

Il s’ensuit, et à défaut d’autre moyen, que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

12Par ces motifs, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 16 mars 2022 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre le refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare ledit recours dirigé contre les trois décisions déférées manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 avril 2022, par la soussignée, Alexandra Castegnaro, président de la deuxième chambre du tribunal administratif, en présence du greffier Lejila Adrovic.

s.Lejila Adrovic s.Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 avril 2022 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Numéro d'arrêt : 47264
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-04-28;47264 ?

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