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22/04/2022 | LUXEMBOURG | N°47228

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 avril 2022, 47228


Tribunal administratif N° 47228 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 mars 2022 Audience publique du 22 avril 2022 Recours formé par Monsieur … et consorts, Mersch, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47228 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 mars 2022 par la société à responsabilité limit

ée NCS AVOCATS SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou...

Tribunal administratif N° 47228 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 mars 2022 Audience publique du 22 avril 2022 Recours formé par Monsieur … et consorts, Mersch, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47228 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 mars 2022 par la société à responsabilité limitée NCS AVOCATS SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée par son gérant actuellement en fonctions, Maître Aline Condrotte, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Monténégro), et de son épouse Madame …, née le … à …, agissant pour leur compte et au nom et pour le compte de leur fille mineure …, née le … à …, tous de nationalité monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 9 mars 2022 de statuer sur le bien-

fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée, de refuser de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 avril 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Vu l’article 1er de la loi du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu l’information de Maître Aline Condrotte du 19 avril 2022 suivant laquelle celle-ci marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Le premier juge remplaçant le président de la quatrième chambre du tribunal administratif entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Hélène Massard en sa plaidoirie à l’audience publique du 19 avril 2022.

Le 3 février 2022, Monsieur … et son épouse Madame …, accompagnés de leur fille mineure …, ci-après dénommés « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 à relative à la 1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. » protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations des consorts … sur leurs identités et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

Le 22 février 2022, Monsieur et Madame … furent entendus séparément par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leurs demandes de protection internationale.

Par décision du 9 mars 2022, notifiée aux intéressés par lettre recommandée expédiée le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », résuma les déclarations des consorts … comme suit :

« (…) En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 3 février 2022, vos rapports d'entretien respectifs de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 22 février 2022 sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, ainsi que les pièces versées au dossier.

Madame, vous déclarez être née en date du … à … (Montenegro), être d'ethnie serbe et de confession orthodoxe. Vous seriez marié depuis le … 2022 à votre mari …, né le …, d'ethnie monténégrine, de confession musulmane et avec lequel vous auriez une fille née en 2020. Vous auriez vécu à …/… avec votre mari et sa famille. Vous n'auriez jamais travaillé.

A l'appui de votre demande, vous déclarez avoir des problèmes avec votre famille qui ne serait pas d'accord avec votre mariage alors que votre mari serait d'une autre confession.

Au Monténégro, « ils regardent beaucoup cela. Il y a même des meurtres » et ce serait donc difficile de « vivre avec ça » (entretien page 3).

Vous connaîtriez votre mari depuis que vous auriez 17 ans, soit depuis 2019. Vous auriez eu des problèmes dès le début de votre relation. Vous auriez essayé de vivre votre relation en cachette, « mais les rumeurs circulent vite » (entretien page 3). Vous vous seriez uniquement marié en janvier 2022, alors que vous auriez eu beaucoup de problèmes et auriez dû réfléchir. Votre frère aurait frappé votre mari « il n'y a pas longtemps » (entretien page 3) et aurait essayé de l'agresser une deuxième fois, mais votre mari aurait réussi à s'enfuir.

Votre mari n'aurait pas porté plainte suite à l'agression par votre frère. Vous auriez été à la police mais ça ne servirait à rien et la police vous aurait dit qu'elle ne pourrait rien faire.

Vous auriez tenté de vivre « ailleurs » pendant quinze jours, mais « on nous a retrouvés » (entretien page 3) alors que le pays serait petit. Vous voudriez par ailleurs protéger votre fille.

Vous déclarez en outre avoir perdu un enfant au 5ème mois de grossesse « à cause du stress de la situation » et vous auriez même reçu des menaces sur votre téléphone « comme quoi ils allaient no[u]s dégager de ce pays » (entretien page 3). A part les problèmes avec votre famille, vous n'auriez pas eu d'autres problèmes. Votre mari aurait une sœur au Luxembourg laquelle vous aurait conseillé de venir au Luxembourg parce que « c'est un pays calme » (entretien page 3). En cas de retour au Monténégro, vous auriez le « même genre de problème » (entretien page 4).

Monsieur, vous confirmez les dires de votre épouse en grande ligne et déclarez avoir quitté le Monténégro, où vous auriez vécu avec votre épouse et votre famille, alors que votre épouse ne serait pas de la même confession que vous-même. Vous auriez eu beaucoup de problèmes à cause de cela « des agressions, des disputes, des bagarres » (entretien page 3) et votre épouse aurait par ailleurs perdu un enfant de première grossesse au 4/5ème mois, en janvier 2019. Votre beau-frère vous aurait frappé une fois, 15 jours avant de venir au Luxembourg, mais vous n'auriez pas été chez le médecin et n'auriez pas non plus porté plainte contre lui. Vous déclarez encore ne vous être mariés qu'en 2022, soit quelques jours avant votre départ pour le Luxembourg, alors que votre épouse aurait encore été mineure lorsque vous vous seriez connus.

Dans le contexte des problèmes que vous auriez eus avec votre belle-famille, vous auriez été à la police à trois reprises, mais on vous aurait dit qu'ils ne pourraient rien faire alors qu'il n'y aurait « pas eu de vrai conflit ou d'agression » (entretien page 3). Vous vous seriez présenté à la police à plusieurs reprises, mais vous n'auriez qu'une seule déclaration écrite de la police alors que « les autres, c'était uniquement par oral » (entretien page 3).

Concernant cette déclaration, vous déclarez qu'il s'agirait d'une déposition que vous auriez faite après avoir été convoqué par la police en 2019 après que cette dernière serait venue chercher votre épouse chez vous à la maison. Vous auriez déposé que vous connaîtriez votre épouse depuis trois années, qu'elle aurait été enceinte à l'insu de sa famille et qu'elle se serait enfuie pour vivre avec vous. La police serait venue la chercher mais elle se serait enfuie à nouveau chez vous.

Vous auriez par ailleurs été chez le maire de votre lieu de séjour, lequel aurait été comme un père pour vous, aux fins de vous faire établir une déclaration en vue de votre demande de protection internationale en Europe et pour prouver la véracité de vos dires.

Vous auriez pris la décision de quitter votre pays d'origine alors que vous n'auriez plus pu vivre à cause du stress.

A l'appui de votre demande, vous remettez les pièces suivantes :

- Votre passeport monténégrin, Monsieur, établi en date du 18 décembre 2013, valable jusqu'au 18 décembre 2023, le vôtre Madame, émis en date du 24 janvier 2022, valable jusqu'au 24 janvier 2032, ainsi que celui de votre fille, émis en date du 23 novembre 2021, valable jusqu'au 23 novembre 2023 ;

- Vos cartes d'identité monténégrines, Monsieur et Madame, valables jusqu'en 2023, respectivement jusqu'en 2032 ;

- Vos actes de naissance non traduits établis en date du 24 janvier 2022 ;

- Un acte de mariage non traduit du 26 janvier 2022 ;

- Une déclaration non traduite, non datée que vous auriez faite, Monsieur, quinze jours avant votre départ du Monténégro auprès du maire dans le but de votre demande de protection internationale que vous auriez prévue d'introduire en Europe ;

- Une déposition non traduite que vous, Monsieur, auriez faite auprès de la police suite à avoir été convoqué en date du 2 novembre 2019 dans le cadre d'un problème avec votre la famille de votre épouse. (…) ».

Le ministre informa ensuite les intéressés qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1) sous a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que leurs demandes avaient été refusées comme non fondées, tout en leur ordonnant de quitter le territoire.

Dans ce contexte, le ministre justifia le recours à procédure accélérée par le constat que les consorts … seraient de nationalité monténégrine et proviendraient partant d’un pays d’origine sûr, respectivement qu’ils n'auraient soulevé que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'ils remplissent les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Au fond, s’agissant du statut de réfugié, le ministre estima que les consorts … seraient restés en défaut de rapporter la preuve qu’ils auraient eu des problèmes en raison de leur union de confession mixte, musulmane, respectivement orthodoxe, et que Monsieur … aurait été agressé physiquement par son beau-frère, alors que tant la déclaration de Monsieur … auprès de la police monténégrine en novembre 2019, que celle auprès du maire juste avant leur départ, ne sauraient valoir comme élément de preuve s’agissant d’une simple retranscription des propres déclarations de Monsieur …. De plus, il ne ressortirait pas des déclarations auprès de la police monténégrine que les problèmes invoqués auraient leur origine dans leurs confessions différentes, respectivement que Monsieur … aurait été agressé par la famille de Madame …, le ministre relevant encore que sur leurs fiches de motifs remplies à l'occasion du dépôt de leurs demandes de protection internationale au Luxembourg, ni Monsieur ni Madame … n’auraient fait état d'une agression physique par le frère de Madame …. Au contraire, cette dernière affirmerait seulement que son frère aurait tenté d'affronter Monsieur …, qui aurait pourtant réussi à s'enfuir. De son côté Monsieur … n’y aurait évoqué que des problèmes, menaces et insultes.

En tout état de cause, le ministre cite des extraits de la constitution monténégrine qui garantirait la liberté religieuse et le libre exercice des cultes et fait valoir que des menaces et une agression unique ne sauraient manifestement pas remplir le degré de gravité requis pour être qualifié de persécution au sens de la Convention de Genève, d’autant plus que les consorts … seraient restés en défaut d’établir que les autorités de leur pays d’origine et notamment la police monténégrine, n'auraient ou ne seraient pas disposées à les aider face à des actes commis par des personnes privées sans lien avec l'Etat, comme en l’espèce. Le ministre jugeant non concluantes leurs déclarations dans ce contexte selon lesquelles la police leur aurait dit ne rien pouvoir faire, faute d’avoir déposé une plainte en bonne et due forme, d’autant plus que la police monténégrine serait un acteur efficace, le Monténégro ayant le plus d'agents de police par habitants en Europe.

Ainsi, d’après le ministre, l'analyse des éléments de leur dossier permettrait de constater que des raisons économiques et de convenance personnelle seraient à la base des demandes de protection internationale des consorts …, et que la tentative d'y intégrer un élément religieux ne servirait qu’à leur aménager ainsi un récit susceptible de tomber dans le champ d'application de la Convention de Genève. En effet, il se dégagerait encore des éléments du dossier que Monsieur … aurait été chômeur au Monténégro et que Madame … n'aurait jamais travaillé. Par ailleurs, il ne serait pas établi que Monsieur … se serait vu refuser un poste en raison de son union avec son épouse de confession orthodoxe.

Pour les mêmes raisons, ils ne rempliraient pas non plus les conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 mars 2022, les consorts … ont introduit un recours tendant à la réformation, sinon en annulation de la décision du ministre du 9 mars 2022 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée, de celle ayant refusé de faire droit à leurs demandes de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, le soussigné est compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 9 mars 2022, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs, outre de rappeler les rétroactes passés en revue ci-avant, expliquent que Madame … serait de confession orthodoxe tandis que Monsieur … serait de confession musulmane ce qui ne serait pas accepté au Monténégro, de sorte que dès leur rencontre, leur relation aurait causé des problèmes au quotidien, ce qui, dans un premier temps, les aurait amenés à hésiter de se marier légalement, avant de finalement franchir le cap le 20 janvier 2022.

Ils font relever qu’ils auraient été victimes de pressions familiales et que Monsieur … aurait essuyé des coups de la part du frère de Madame ….

Etant donné que leur vie au Monténégro aurait été rendue impossible en raison de ces menaces constantes, ils n’auraient pas eu d’autres solutions que d'introduire des demandes de protection internationale au Grand-Duché de Luxembourg en date du 3 février 2022.

En droit, les demandeurs concluent d’abord à une violation des articles 2, point f), 42, paragraphe (1) et 39 de la loi du 18 décembre 2015, alors que les faits invoqués trouveraient leur cause dans le fait qu’ils constitueraient un couple mixte dans un pays où la religion et les différences ethniques seraient un sujet complexe et sensible, notamment au vu de l'historique des conflits religieux dans la région des Balkans. Ainsi, les importantes pressions sociales et familiales, les menaces et l’agression physique de Monsieur …, seraient entièrement motivées par l'appartenance religieuse de ce dernier et de son union avec Madame …, de sorte à ce qu’elles seraient à considérer comme étant suffisamment graves, d’autant plus que malgré le fait d’avoir été sollicitée par Monsieur …, la police n’aurait pas pris la situation au sérieux.

Quant à l’argumentation ministérielle au sujet de la situation du Monténégro sur base des dispositions de la constitution ou des rapports sur l'existence des institutions de protection de droits de l'Homme, les demandeurs rétorquent que le nombre de policiers par habitant ne saurait constituer un signe de qualité de leur formation ou de leur travail, alors que bien au contraire, ce serait plutôt signe d'une corruption profondément ancrée dans le système institutionnel, expliquant pourquoi la police n'aurait aucunement réagi à la plainte de Monsieur … et pourquoi celui-ci n'aurait pas cherché à saisir les juridictions nationales. Ils se réfèrent à ce sujet à un rapport officiel de l'Office des Nations unies contre les drogues et le crime versé au dossier qui analyserait en détail le fait que la corruption ferait partie intégrante des institutions de l'état monténégrin et selon lequel, dans le secteur public, la police serait l'institution de l'Etat la plus corrompue, les institutions judiciaires se trouvant à la 5ième place.

Cette situation, difficilement imaginable dans un Etat de droit où les institutions étatiques fonctionneraient de manière normale, devrait pourtant être prise en compte en l’espèce afin de bien comprendre et analyser leur situation personnelle de couple mixte.

Leur plainte n'ayant trouvé aucun écho, les demandeurs affirment ne pas avoir jugé utile de continuer à chercher une solution auprès des autorités monténégrines, alors que dès la première étape ils se seraient heurtés à un mur. Par peur pour la sécurité de leur famille et notamment leur fille, ils auraient pris la décision de quitter leur pays, alors que, bien qu'ils aient tenté de quitter leur ville, la famille de Madame … les aurait rapidement retrouvés.

Les demandeurs en concluent qu’ils rempliraient amplement les conditions d'octroi du statut de réfugié tel que défini par l'article 1A, paragraphe 2 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et repris par l'article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte qu’il y aurait lieu de leur accorder le statut de réfugié.

En deuxième lieu, les demandeurs concluent à une violation des articles 2, point g), 48 et 39 de la loi du 18 décembre 2015, alors qu’il ressortirait des faits de l'espèce que les persécutions subies seraient motivées par leur différences religieuses et plus particulièrement par le fait que Monsieur … serait musulman. Ainsi, bien qu'il n'y ait pas de conflit interne actuellement, les tensions des à la coexistence des différentes ethnies seraient bien présentes au Monténégro, sans qu’une aide n'ait pu être obtenue auprès des autorités étatiques, de sorte qu’il devrait leur être accordé la protection subsidiaire tel qu'elle résulterait de la combinaison des articles 48 et 39 de la loi du 18 décembre 2015 ;

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en son triple volet.

Aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification. Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé, dans la négative, le recours étant renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient au soussigné de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

A titre liminaire, force est au soussigné de relever que les demandeurs ne prennent pas explicitement position par rapport à la mise en cause par le ministre de la crédibilité de leur récit.

Or, force est de constater que la partie gouvernementale se limite en substance à contester les faits invoqués faute de preuve afférente, sans pour autant faire état de problèmes de cohérence du récit commun, respectivement d’une autre cause prévue par le paragraphe (5) de l’article 37 de la loi du 18 décembre 2015 de nature à faire obstacle à la dispense accordée aux demandeurs de protection internationale d’étayer leurs dires par des preuves documentaires ou autres. Le simple fait que les demandeurs aient seulement fait mention de l’agression physique subie par Monsieur … lors de leurs entretiens sur les motifs de leurs demandes de protection internationale ne saurait leur être préjudiciable, alors qu’il ne saurait être exigé d’un demandeur de protection internationale qu’il fournisse tous les détails de son récit dès le remplissage de la fiche de motifs le jour de son arrivée au Luxembourg.

Pareillement, aucune contradiction ne saurait être tirée du fait que, dans ses déclarations faites auprès de la police en 2019, dans le contexte de la fuite de Madame …, encore mineure à cette époque, de sa maison familiale, Monsieur … ait omis de mentionner spécialement un conflit de nature religieux avec sa future belle-famille.

Il s’ensuit que le récit des demandeurs est à considérer comme globalement crédible.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Le soussigné relève de prime abord que les demandeurs ne formulent pas de moyen en droit spécifique dirigé contre le 1er volet de la décision par lequel le ministre a décidé de recourir à la procédure accélérée, les demandeurs se limitant de conclure au fond concernant les conditions d’octroi de la protection internationale en soulignant en substance qu’au vu des faits invoqués, ils auraient fait état de persécutions suffisamment graves en raison de la confession de Monsieur … contre lesquelles aucune protection ne leur aurait été possible.

En l’espèce, la décision ministérielle est, en l’espèce, fondée sur les dispositions des points a) et b) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquelles « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), sous a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la même loi.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Le soussigné est dès lors amené à analyser si les moyens avancés par un demandeur à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par lui ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27, paragraphe (1), point a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Concernant plus particulièrement le point b) de l’article 27, paragraphe (1) précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, il convient de relever qu’un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.

(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.

Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.

La situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent paragraphe est régulièrement examinée par le ministre ».

En l’espèce, le ministre a conclu que les demandeurs proviennent d’un pays sûr, à savoir le Monténégro.

Il n’est pas contesté que les demandeurs ont la nationalité monténégrine, et il est constant en cause que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, tel que modifié par la suite, a désigné le Monténégro comme pays d’origine sûr.

Il convient toutefois de relever que vu le libellé de l’article 30, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe, par ailleurs, au ministre d’évaluer si le demandeur de protection internationale ne lui a pas soumis des raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Pour l’examen de la question de savoir si un pays est à considérer comme pays d’origine sûr pour un demandeur compte tenu de sa situation personnelle, s’il fait, comme en l’espèce, état de faits subis par des personnes non étatiques, les demandeurs invoquant, en effet, des menaces et une agression de la part du frère de Madame …, seule la condition, commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire, tenant à l’absence de protection dans le pays d’origine au sens de l’article 392 de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 403 de la même loi est susceptible d’être pertinente, de sorte que l’examen de la 2 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », 3 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

situation individuelle doit être fait par rapport aux moyens présentés par le demandeur tendant à établir que cette condition requise pour prétendre à une protection internationale est remplie dans son chef.

L’une des conditions d’octroi d’une protection internationale est, en effet, celle de la preuve, à fournir par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, puisque chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale.

En l’espèce, l’analyse de la situation décrite par les demandeurs lors de leurs auditions ainsi qu’au cours de la présente instance, ne permet cependant pas au soussigné d’en dégager des éléments convaincants pour renverser la présomption se dégageant de l’inscription de leur pays d’origine sur la liste des pays sûrs et pour pouvoir conclure en conséquence à l’illégalité de la décision déférée.

Le soussigné relève, en effet, que les demandeurs n’ont apporté aucune raison valable de penser que leurs droits les plus élémentaires seraient bafoués en cas de retour dans leur pays d’origine, sans que les autorités de ce pays ne puissent, respectivement ne veuillent leur fournir une protection appropriée.

A cet égard, il y a lieu de souligner que si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions ou atteintes graves - cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.

En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire.

Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » A cet égard, il convient encore de souligner l’importance de rechercher la protection des autorités du pays d’origine puisqu’à défaut d’avoir au moins tenté de solliciter une forme quelconque d’aide, les demandeurs de protection internationale ne sauraient reprocher aux autorités étatiques une inaction volontaire ou un refus de les aider.

Dans ce contexte, si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a lui-même pas tenté formellement d’obtenir une telle protection : or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence d’agressions, communément la forme d’une plainte.

En l’espèce, si dans leurs auditions, ainsi que dans leur recours, les demandeurs déclarent ne pas avoir pu bénéficier de l’assistance des autorités policières monténégrines par rapport au conflit provoqué par leur mariage mixte, force est néanmoins de constater que cette déclaration ne se base que sur la réaction des policiers à leurs plaintes à un moment où aucun acte concret n’avait été commis par la famille de Madame …, Monsieur … précisant à cet égard que la police lui aurait dit qu’elle ne pouvait rien faire « car il n’y a pas eu de vrai conflit ou d’agression »4. Or, au-delà du fait que le demandeur aurait pu s’adresser à des instances supérieures, auxquels le ministre a fait référence, sources internationales à l’appui, s’il avait eu l’impression que les agents de police auxquels il s’est adressé n’avaient pas montré de réactivité suffisante, les demandeurs restent en défaut de s’être tournés vers la police suite à l’agression concrète subie par Monsieur … pour déposer plainte contre le frère de Madame …, de sorte qu’ils sont malvenus d’invoquer un défaut de protection de la part des autorités monténégrines, le simple fait d’invoquer un rapport datant de plus de 10 ans, sans relation avec leur situation personnelle, dénotant des problèmes de corruption ne saurait manifestement suffire à conclure que de manière générale, la police monténégrine serait impuissante ou non disposée à leur offrir une protection contre les problèmes dont il font état.

Dès lors, les demandeurs ne sont manifestement pas fondés à soutenir qu’ils n’auraient eu aucune possibilité de requérir une aide contre les difficultés rencontrées dans leur pays d’origine, et que de la sorte le Monténégro ne serait pas à considérer comme pays d’origine sûr compte tenu de leur situation particulière.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours des demandeurs, dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande d’octroi d’une protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, est manifestement infondé, en ce sens que les moyens visant à établir que le Monténégro ne serait pas à considérer comme pays sûr dans son chef sont visiblement dénués de tout fondement, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les moyens fondés sur l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.

Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé.

2) Quant au recours en réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale 4 Rapport d’audition de Monsieur … du 22 février 2022, page 3.

Le soussigné relève qu’aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 395 et 406 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou 5 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », 6 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-

avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précités, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Force est de constater que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire est la preuve, à rapporter par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection.

Or, le soussigné relève qu’il vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse de la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, qu’il n’est manifestement pas établi en l’espèce que les autorités monténégrines seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas fournir aux demandeurs une protection appropriée par rapport aux craintes dont ils font état. Dès lors, dans la mesure où, dans le cadre du présent recours, le soussigné ne s’est pas vu soumettre d’éléments permettant d’énerver cette conclusion, les craintes avancées par les demandeurs, au-delà du constat que ces dernières ne correspondant par ailleurs pas au degré de gravité requis par les dispositions précitées, ne sauraient manifestement justifier ni l’octroi du statut de réfugié, ni l’octroi de la protection subsidiaire.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen est à déclarer manifestement infondé et que les consorts … sont à débouter de leurs demandes de protection internationale.

3) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Il convient de relever qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où le soussigné vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé et que partant c’est à juste titre que le ministre a rejeté les demandes de protection internationale des demandeurs, impliquant qu’il a à bon droit pu retenir que le retour de ceux-ci dans leur pays d’origine ne les expose pas à des conséquences graves, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, décision qui n’est d’ailleurs pas autrement remise en cause par la requête introductive d’instance.

Il s’ensuit et à défaut d’autre moyen que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, Le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la quatrième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 9 mars 2022 de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute les demandeurs de leurs demandes de protection internationale ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les recours subsidiaires en annulation condamne les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 avril 2022, par le soussigné, Olivier Poos, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Olivier Poos Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 avril 2022 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 47228
Date de la décision : 22/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-04-22;47228 ?

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