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28/03/2022 | LUXEMBOURG | N°47117

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 mars 2022, 47117


Tribunal administratif N° 47117 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mars 2022 2e chambre Audience publique du 28 mars 2022 Recours formé par Madame …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (4), L. 18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47117 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 mars 2022 par Maître Pascale Petoud, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née l

e … à … (Erythrée), de nationalité érythréenne, demeurant actuellement à L-…, tendant ...

Tribunal administratif N° 47117 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mars 2022 2e chambre Audience publique du 28 mars 2022 Recours formé par Madame …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (4), L. 18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47117 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 mars 2022 par Maître Pascale Petoud, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Erythrée), de nationalité érythréenne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 15 février 2022 de la transférer vers l’Italie, l’Etat membre compétent pour connaître de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 mars 2022 ;

Vu l’article 1er de la loi modifiée du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu les communications de Maître Pascale Petoud du 18 mars 2022 et de Monsieur le délégué du gouvernement Tom Hansen du 21 mars 2022 suivant lesquelles ils marquent leur accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans leur présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 21 mars 2022.

Le 18 août 2021, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Madame … fut entendue par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, section …, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. ».

Il s’avéra à cette occasion, tel que confirmé par une recherche dans la base de données EURODAC, que Madame … avait préalablement franchi illégalement les frontières italiennes en date du 21 juillet 2021.

Le 20 août 2021, Madame … fut entendue par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Le 23 août 2021, les autorités luxembourgeoises contactèrent leurs homologues italiens en vue de la reprise en charge de l’intéressée sur base de l’article 13 (1) du règlement Dublin III.

Le 9 septembre 2021, les autorités italiennes acceptèrent la reprise en charge de la demande de protection internationale de Madame …, avant de se rétracter par courrier électronique du lendemain.

Le 4 octobre 2021, Madame … demanda au ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-

après désigné par « le ministre », l’application de l’article 17 (1) du règlement Dublin III.

Le 5 octobre 2021, les autorités italiennes confirmèrent que Madame … avait irrégulièrement franchi leurs frontières en date du 21 juillet 2021, en indiquant que « (…) à propos de votre demande de prise en charge du cas de la dame en objet, il est convenable de vous informer que la personne en question n est l objet que des situations négatives.

Elle est l objet d une entrèe illègale à Agrigente à la date 21.7.2021.

Par la suite ,elle avait été frappée par des mesures en tant que repoussement et ordre du Préfet de police de Crotone à la date 3.8.2021 afin de quitter le territoire de l Italie en temps utile et d une autre mesure art.24 Schengen comme citoyen au quel refuser l entrée dans un pays .

Cette mesure va expirer à la date 6.8.2024. (…) ».

Face à cette réponse, les autorités luxembourgeoises renvoyèrent un courrier le 11 octobre 2021 dans lequel elles requirent de leurs homologues italiens qu’ils fournissent une acceptation formelle de leur demande de prise en charge de la demande de protection internationale de Madame ….

Sans réponse de leur part, les autorités luxembourgeoises envoyèrent un nouveau courrier à leurs homologues italiens en date du 8 novembre 2021 dans lequel elle constatèrent que ces derniers étaient considérés comme ayant tacitement accepté la prise en charge de la prédite demande en date du 25 octobre 2021.

Par décision du 15 février 2022, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée expédiée le même jour, le ministre informa Madame … que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de la transférer dans les meilleurs délais vers l’Italie sur base de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des articles 13 (1) et 22 (7) du règlement Dublin III, la décision étant libellée comme suit :

« (…) Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 18 août 2021 au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi modifiée du 18 décembre 2015 »).

En vertu des dispositions de l’article 28(1) de la loi précitée et des dispositions des articles 13(1) et 22(7) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transférée vers l’Italie qui est l’Etat membre responsable pour traiter cette demande.

Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s’appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

En mains le rapport de Police Judiciaire du 18 août 2021 et le rapport d’entretien Dublin III sur votre demande de protection internationale du 20 août 2021.

1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date du 18 août 2021, vous avez introduit une demande de protection internationale auprès du service compétent de la Direction de l’immigration.

La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 21 juillet 2021.

Afin de faciliter le processus de détermination de l’Etat responsable, un entretien Dublin III a été mené en date du 20 août 2021.

Sur cette base, la Direction de l’immigration a adressé en date du 23 août 2021 une demande de prise en charge aux autorités italiennes sur base de l’article 13(1) du règlement DIII.

En date du 5 octobre 2021, les autorités italiennes nous ont fait parvenir un courrier d’information, confirmant que vous avez franchi illégalement la frontière italienne en date du 21 juillet 2021. Cependant, ce courrier d’information ne comprend aucune réponse, ni négative, ni positive, tel que les articles 5 et 6 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présenté dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers, modifié par le Règlement Dublin III et le Règlement d’exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, le prévoient. En effet, il ne peut être déduit ni de ce courrier ni d’aucun autre élément du dossier administratif que l’Italie aurait expressément refusé la demande de prise en charge au sens de l’article 5 du règlement d’exécution qui prévoit qu’une réponse négative est pleinement motivée et explique en détail les raisons du refus. Même si les informations reçues en date du 5 octobre 2021 confirment que l’article 13(1) du règlement Dublin III s’applique clairement dans votre cas, la Direction de l’immigration a demandé aux autorités italiennes de lui faire parvenir une acceptation formelle quant à sa requête du 23 août 2021. Ce courrier est cependant resté sans réponse.

Or, l’absence de réponse à la demande de prise en charge équivaut, conformément à l’article 22(7) du règlement DIII, à l’acceptation de la demande par lesdites autorités italiennes en date du 25 octobre 2021.

2.

Quant aux bases légales En tant qu’Etat membre de l’Union européenne, l’Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l’Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S’il ressort de cet examen qu’un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction de l’immigration rend une décision de transfert après que l’Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l’article 28(1) de la loi modifiée du 18 décembre 2015, le Luxembourg n’est pas responsable pour le traitement d’une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.

Lorsqu’il est établi, sur la base de preuves ou d’indices tels qu’ils figurent dans les deux listes mentionnées à l’article 22, paragraphe 3, du règlement DIII, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un Etat membre dans lequel il est entré en venant d’un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale, conformément à l’article 13(1) du règlement DIII.

La responsabilité de l’Italie est acquise suivant l’article 22(7) du règlement DIII en ce que l’absence de réponse à l’expiration d’un délai de deux mois équivaut à l’acceptation de la requête, et entraîne l’obligation de prendre en charge la personne concernée.

En application de l’article 3(2), alinéa 2, du règlement DIII, il y a lieu d’analyser s’il existe de sérieuses raisons de croire que la procédure de demande de protection internationale ou les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale présentent des défaillances systémiques susceptibles d’entraîner un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la Charte UE ») ou de l’article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH »).

Un Etat n’est pas non plus autorisé à transférer un demandeur vers l’Etat normalement responsable lorsqu’il existe des preuves ou indices avérés qu’un demandeur risquerait dans son cas particulier d’être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 CEDH ou 4 de la Charte UE.

3.

Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l’espèce, il ressort des résultats du 18 août 2021 de la comparaison de vos données dactyloscopiques avec celles enregistrées dans la base de données Eurodac que vous avez franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 21 juillet 2021.

Selon vos déclarations, vous auriez quitté l’Erythrée en janvier 2020. Vous seriez partie à pied au Soudan et vous y seriez restée pendant six mois. Ensuite, vous seriez partie en Libye où vous auriez séjourné pendant sept mois avant de traverser la mer en bateau pour arriver en Italie. Vous racontez que les passeurs en Libye vous auraient maltraitée, frappée et qu’ils auraient essayé de vous violer.

Vous seriez ensuite restée en quarantaine dans un foyer à Vintimille/Italie pendant 15 jours avant de partir en train vers le Luxembourg où vous seriez arrivée en date du 15 août 2021.

Lors de votre entretien Dublin III en date du 20 août 2021, vous n’avez pas fait mention d’éventuelles particularités sur votre état de santé ou fait état d’autres problèmes généraux empêchant un transfert vers l’Italie qui est l’Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.

Madame, vous déclarez ne pas vouloir vivre en Italie à cause des mauvaises conditions de vie et vous auriez quitté l’Italie afin de pouvoir aider votre famille.

Rappelons à cet égard que l’Italie est liée à la Charte UE et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).

Il y a également lieu de soulever que l’Italie est liée par la Directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil »).

Soulignons en outre que l’Italie profite, comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu’elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière. S’il est notoire que les autorités italiennes connaissent des problèmes quant à leurs capacités d’accueil des demandeurs de protection internationale, qui peuvent être confrontés à d’importantes difficultés sur le plan de l’hébergement et des conditions de vie, il n’y a toutefois aucune sérieuse raison de croire qu’il existe, en Italie, des défaillances systémiques dans la procédure de demandes de protection internationale et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte UE.

Notons dans ce contexte que l’Italie a adopté en date du 21 octobre 2020 le décret n° 130/2020 qui remplace la loi n° 132/2018 du 1er décembre 2018 et met en place le SAI (Sistema di accoglienza e integrazione). Ce nouveau système en matière d’accueil et d’intégration a réformé le système établi en 2018 et permet depuis lors d’améliorer l’accueil pour les demandeurs de protection internationale.

Par conséquent, en l’absence d’une pratique actuelle avérée en Italie de violation systématique de ces normes minimales de l’Union européenne, cet Etat est présumé respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-

refoulement énoncé expressément à l’article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l’interdiction des mauvais traitements ancrée à l’article 3 CEDH et à l’article 3 Conv. torture, de même que les conditions minimales d’accueil fixées dans la directive Accueil.

Par ailleurs, il n’existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la CJUE, de même qu’il n’existe aucune recommandation de I’UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers l’Italie sur base du règlement (UE) n° 604/2013.

Madame, vous n’avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d’existence en Italie revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu’elles seraient constitutives d’un traitement contraire à l’article 3 CEDH ou encore à l’article 3 Conv. torture.

Relevons dans ce contexte que vous avez la possibilité, dès votre arrivée en Italie, d’introduire une demande de protection internationale et si vous deviez estimer que les autorités italiennes ne respectent pas vos droits élémentaires, il vous appartient de saisir les autorités compétentes italiennes, notamment judiciaires.

Au vu de ce qui précède, l’application de l’article 3(2), alinéa 2, du règlement DIII ne se justifie pas.

Aussi, les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l’application des articles 8, 9, 10 et 11 du règlement DIII.

Il n’existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l’article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l’examen au fond de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu’en vertu de l’article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l’application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

Il ne ressort pas de l’ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l’article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Pour l’exécution du transfert vers l’Italie, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l’objet d’une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.

Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l’exécution de votre renvoi vers l’Italie, l’exécution du transfert serait suspendue jusqu’à ce que vous seriez à nouveau apte à être transférée. Par ailleurs, si cela devait s’avérer nécessaire, la Direction de l’immigration prendra en compte votre état de santé lors de l’organisation du transfert vers l’Italie en informant les autorités italiennes conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D’autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités italiennes n’ont pas été constatées. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 mars 2022, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 15 février 2022.

Etant donné que l’article 35 (4) tel qu’introduit par la loi du 16 juin 2021 portant modification de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de transfert, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 15 février 2022, telle que déférée.

Le recours est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse résume les rétroactes tels que relevés ci-avant.

En droit, elle se prévaut en premier lieu d’une violation de l’article 22 (7) du règlement Dublin III par le ministre, dans la mesure où la procédure prévue à cet article n’aurait pas été respectée. En effet, l’acceptation de prise en charge du 9 septembre 2021 aurait été expressément annulée par les autorités italiennes en raison d’une erreur sur la personne et celles-ci auraient, par ce biais, négativement répondu à la demande de reprise en charge dans le délai de deux mois prévu à l’article 22 (1) du règlement Dublin III, de sorte que l’article 22 (7) prévoyant le cas d’une absence de réponse des autorités requises ne trouverait pas application. Elle ajoute que le courrier des autorités italiennes du 5 octobre 2021 informant les autorités luxembourgeoises qu’elle aurait franchi illégalement la frontière italienne n’aurait ni annulé, ni remplacé le courrier électronique du 10 septembre 2021 refusant la demande de prise en charge. Elle fait également valoir que le dossier administratif ne renseignerait pas si les autorités luxembourgeoises ont adressé aux autorités italiennes une demande de réexamen de la demande de prise en charge sur base de l’article 5 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présenté dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers, ci-après désigné par « le règlement n° 1560/2003 ». Elle renvoie, dans ce contexte, à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 13 novembre 2018, dans les affaires C-47/17 et C-48/17, dans lequel la CJUE aurait retenu que le prédit article 5 du règlement n° 1560/2003 devait être interprété en ce sens que l’Etat membre saisi d’une requête de prise ou de reprise en charge, qui a répondu par la négative à celle-ci dans les délais et qui, par la suite, a été saisi d’une demande de réexamen en vertu du deuxième paragraphe dudit article 5, doit répondre à cette dernière dans un délai de deux semaines, et que dans l’hypothèse contraire, l’Etat membre requérant est considéré comme responsable de l’examen de la demande de protection internationale, à moins de disposer encore du temps nécessaire pour pouvoir introduire, dans les délais impératifs prévus à cet effet aux articles 21 (1) et 23 (2) du règlement Dublin III, une nouvelle requête de prise ou de reprise en charge. La demanderesse en conclut que l’examen de sa demande de protection internationale incomberait aux autorités luxembourgeoises.

Ensuite, Madame … se prévaut d’une violation de l’article 3 (2), alinéa 2, du règlement Dublin III, au motif qu’un transfert vers l’Italie entraînerait, dans son chef, un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », et/ou au sens de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ».

A ce titre, elle s’empare d’un rapport de l’Organisation Suisse d’Aide aux Réfugiés (OSAR) intitulé « Conditions d’accueil en Italie », initialement publié en janvier 2020 et mis à jour le 17 juin 2021, et dans lequel cette dernière aurait souligné que si le tollé suscité par l’ancien ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini serait retombé, les conséquences de sa politique d’asile imprévoyante et misanthrope continueraient à se faire sentir, même si entre-

temps, quelques-unes de ces modifications avaient déjà été corrigées sur le papier et parfois annulées par le ministre de l’Intérieur en fonctions, étant donné qu’un acte législatif ne pourrait pas immédiatement rétablir le statu quo antérieur.

Ainsi, même si le décret-loi italien n° 130/2020 du 21 octobre 2020, confirmé par la loi n°173/2020 du 18 décembre 2020, aurait annulé de nombreuses restrictions de l’époque Salvini en modifiant notamment les conditions d’adjudication des centres « CAS » (strutture temporanee) qui permettraient une base financière moins précaire et l’accès des demandeurs d’asile au système d’accueil de second niveau « SAI », le changement n’existerait, jusqu’à présent, que sur le papier alors qu’il n’y aurait pas d’amélioration sensible au vu du manque de places.

Quant aux demandeurs d’asile transférés vers l’Italie en vertu du règlement Dublin III, qui seraient très probablement placés dans un CAS, du fait qu’il n’y aurait pas de nouveaux projets dans le système SAI et que les places disponibles dans l’ancien système « SPRAR » seraient insuffisantes, le rapport de l’OSAR noterait que de nombreuses organisations de protection des droits des demandeurs d’asile auraient souligné que l’accès à un CAS ne serait pas toujours garanti pour les demandeurs d’asile transférés vers l’Italie, qui seraient souvent livrés à eux-mêmes à leur arrivée dans les aéroports, sans aucun hébergement, alors que le risque serait grand pour ces personnes d’avoir perdu le droit à l’hébergement.

La demanderesse ajoute qu’aucun changement ne serait intervenu en ce qui concerne l’accès à la procédure d’asile et que l’OSAR renverrait dans le cadre de la mise à jour de son rapport à celui de janvier 2020 qui resterait toujours valable, tout en considérant que les temps d’attente seraient plus longs en raison de la pandémie.

Ainsi, l’accès à la procédure d’asile serait très difficile pour les personnes qui, pour diverses raisons, seraient exclues du système d’accueil public ou n’y seraient pas admises, parce que les services de police (Questure), contrairement à ce que la loi prévoirait, exigeraient la preuve d’un logement privé pour procéder à l’enregistrement. Si le décret Salvini, selon lequel les demandeurs d’asile en Italie n’auraient pas la possibilité de demander une résidence, n’est certes plus en vigueur, ses répercussions se feraient néanmoins encore sentir.

La demanderesse souligne encore qu’en raison des manquements persistants dans le système d’accueil décrits et des difficultés supplémentaires causées par la pandémie de la COVID-19 en Italie, le rapport de l’OSAR maintiendrait ses recommandations de ne pas y renvoyer de manière générale les demandeurs d’asile vulnérables en cas de risque de violation de leurs droits de l’Homme, alors que les conditions d’accueil resteraient très précaires, sauf s’il était possible de déterminer en détail et au cas par cas par l’obtention de la part des autorités italiennes d’une garantie individuelle que l’hébergement de la personne pourrait être garanti en dehors d’un hébergement d’urgence, tout en relevant que faute de garanties d’hébergement, les personnes touchées seraient confrontées à des difficultés matérielles extrêmes, aggravées par la pandémie de la COVID-19 et par la mauvaise situation économique générale de l’Italie.

Finalement, dans le même contexte, la demanderesse fait encore plaider que les transferts de personnes souffrant de problèmes psychiques vers l’Italie seraient également déconseillés par l’OSAR, en versant un article de cette organisation du 17 février 2022. Elle renvoie, dans ce contexte, à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », du 4 novembre 2014, dans l’affaire Tarakhel c. Suisse, requête n° 29217/12, qui aurait retenu que l’expulsion d’un demandeur d’asile par un Etat contractant pourrait soulever un problème au regard de l’article 3 de la CEDH, et donc engager la responsabilité de l’Etat en cause, ce qui impliquerait, le cas échant, l’obligation de ne pas expulser la personne en question vers ce pays.

La même position aurait été adoptée par la CJUE, laquelle aurait retenu, dans un arrêt du 16 février 2018, dans l’affaire C.K. et autres contre Republika Slovenija, que le transfert de demandeurs d’asile dans le cadre du système du règlement Dublin III pourrait, dans certaines circonstances, être incompatible avec l’interdiction prévue à l’article 4 de la Charte et que les Etats membres seraient liés, dans l’application de celui-ci, par la jurisprudence de la CourEDH relative à l’article 3 de la CEDH.

De plus, la demanderesse fait valoir que dans son arrêt Abubacarr Jawo c/ Bundesrepublik Deutschland du 19 mars 2019, la CJUE aurait retenu que l’article 4 de la Charte devait être interprété en ce sens qu’il ne s’opposerait pas à un transfert du demandeur de protection internationale, à moins que la juridiction saisie d’un recours contre la décision de transfert ne constate, sur la base d’éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés et au regard du standard de protection des droits fondamentaux garanti par le droit de l’Union, la réalité de ce risque pour ce demandeur, en raison du fait qu’en cas de transfert, celui-ci se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême.

Or, aucune garantie individuelle n’aurait été demandée aux autorités italiennes, ni a fortiori obtenue de la part de ces dernières quant à ses besoins de base, notamment en termes d’accès à un logement et de suivi de son état psychologique, de sorte que la décision entreprise devrait être réformée.

La demanderesse sollicite finalement la réformation de la décision déférée pour violation de l’article 17 (1) du règlement Dublin III, compte tenu des raisons pour lesquelles elle aurait quitté l’Erythrée et des mauvais traitements qu’elle aurait subis lors de son voyage, et qui l’auraient rendue vulnérable. Elle soutient que, dans le cadre du pouvoir discrétionnaire conféré par l’article 17 (1) du règlement précité, l’autorité ministérielle aurait la faculté de choisir, dans le cadre des lois, la solution qui lui paraît préférable pour la satisfaction des intérêts publics dont elle a la charge, en s’appuyant sur un jugement du tribunal administratif du 10 octobre 2007, n° 22641 du rôle, et qu’il incomberait au juge administratif statuant en matière de recours en réformation de vérifier si son appréciation se couvre avec celle de l’administration et, dans la négative, à substituer sa propre décision à celle de l’administration, en renvoyant à un arrêt de la Cour administrative du 23 novembre 2010, n° 26851C du rôle.

Après avoir précisé qu’elle souffrirait manifestement de stress post traumatique, elle estime que la notification de la décision entreprise du 15 février 2022, soit près de quatre mois après l’acceptation tacite de prise en charge, ne serait pas intervenue dans un délai raisonnable, ce qui aurait créé, dans son chef, une insécurité juridique préjudiciable, alors qu’elle aurait légitimement pu croire que le Luxembourg allait examiner sa demande protection internationale. A cet égard, elle renvoie aux conclusions présentées à la CJUE par l’Avocat général Melchior Wathelet le 22 mars 2018, dans le cadre des affaires précitées C-47/17 et C-

48/17, dans lesquelles il aurait considéré que lorsqu’un Etat membre met en œuvre le règlement Dublin III, le droit à une bonne administration, notamment le droit de toute personne de voir ses affaires traitées dans un délai raisonnable, qui constitue un principe général du droit de l’Union, trouverait à s’appliquer dans le cadre des procédures conduites par des autorités nationales compétentes, et que malgré l’absence dans certains cas d’un délai impératif, la détermination de l’Etat membre responsable devait se faire dans un délai raisonnable.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours sous analyse.

Le tribunal n’est pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent2.

Aux termes de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 : « Si, en application du règlement (UE) n° 604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

L’article 13 (1) du règlement Dublin III sur le fondement duquel la décision litigieuse a été également prise dispose, quant à lui, que « Lorsqu’il est établi, sur la base de preuves ou d’indices tels qu’ils figurent dans les deux listes mentionnées à l’article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un État membre dans lequel il est entré en venant d’un État tiers, cet État membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière ».

Enfin, l’article 22 (7) du règlement Dublin III prévoit que « L’absence de réponse à l’expiration du délai de deux mois [à compter de la date de réception de la requête de prise en charge] et du délai d’un mois [lorsque l’Etat membre requérant a invoqué l’urgence] équivaut à l’acceptation de la requête et entraîne l’obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l’obligation d’assurer une bonne organisation de son arrivée. ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte, même tacitement, la prise ou la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable sans examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

Il est constant en l’espèce que la décision litigieuse a été adoptée par le ministre en application de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015, de l’article 13 (1) et de l’article 22 (7) du règlement Dublin III, au motif que ce ne serait pas le Luxembourg qui serait compétent pour le traitement de la demande de protection internationale présentée par Madame …, mais l’Italie, qui était considérée par le ministre comme ayant accepté tacitement de la prendre en charge à partir du 25 octobre 2021, en raison de l’absence de réponse à la demande luxembourgeoise envoyée le 23 août 2021.

Il échet de constater, à cet égard, que les parties sont en désaccord concernant la portée des courriers des autorités italiennes des 10 septembre et 5 octobre 2021, la demanderesse soutenant que ces dernières auraient refusé de la prendre en charge, alors que le délégué du gouvernement estime qu’elles auraient seulement fait part, dans leur premier courrier, de leur erreur dans la prise en charge qui aurait concerné une autre personne que la demanderesse et qu’elles n’auraient pas donné de réponse claire, dans leur deuxième courrier, quant à la requête de prise en charge, le représentant étatique ajoutant que ce document comportant dans son 2 Trib. adm., 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 494 et les autres références y citées.

intitulé le terme « INFORMATION » ne pourrait, en tout état de cause, pas être qualifié de réponse formelle.

Force est au tribunal de considérer, à l’instar de la partie étatique, que les autorités italiennes n’ont pas donné de réponse formelle à la requête de prise en charge tant par leurs courriers électroniques des 9 et 10 septembre 2021 que par celui du 5 octobre 2021. Il ressort en effet du dossier administratif que les autorités italiennes, après avoir accepté la prise en charge de Madame … par courrier électronique du 9 septembre 2021, ont informé leurs homologues luxembourgeois, par courrier électronique du 10 septembre 2021, que « (…) NOUS VOUS REMERCIONS BEAUCOUP POUR VOTRE COLLABORATION ET NOUS VOUS CONFIRMONS QU’IL S AGIT D UNE ERREUR UN CODE EURODAC ERRONE A ETE ENVOYE A LA POLICE .

IL FAUT RENVOYER LE CODE.

NOUS VOUS PRIONS DE NE PAS CONSIDERER L ACCORD DU MOMENT QU’IL S AGIT D UNE AUTRE PERSONNE (…) ». Ce dernier courrier ne peut dès lors être considéré comme un refus de prise en charge de la demande de protection internationale de Madame …, tel qu’elle le soutient, étant donné qu’il s’agit d’un courrier annulant uniquement leur acceptation du 9 septembre 2021 qui résultait d’une erreur sur la personne à transférer.

Par courrier du 5 octobre 2021, précité, force est de constater que les autorités italiennes ne font que confirmer les renseignements factuels résultant de la base de données EURODAC, celles-ci ne s’exprimant ni sur une acceptation ni sur un refus de la demande de prise en charge de l’examen de la demande de protection internationale de Madame …, l’intitulé dudit courrier indiquant d’ailleurs le terme « INFORMATION ».

Au vu de ce qui précède, il doit être retenu que les autorités italiennes n’ont pas répondu expressément, par une acceptation ou par un refus, à la requête de prise en charge leur transmise le 23 août 2021 par les autorités luxembourgeoises, de sorte qu’elles sont à considérer comme ayant tacitement accepté la prise en charge de l’examen de la demande de protection internationale de Madame … sur le fondement de l’article 22 (7) du règlement Dublin III, en l’absence de réponse, négative ou affirmative, à l’expiration du délai de deux mois, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de la transférer vers l’Italie et de ne pas examiner sa demande de protection internationale déposée au Luxembourg.

Par conséquent, le moyen ayant trait à l’article 5 du règlement n° 1560/2003 qui dispose que « Lorsque, après vérification, l'État membre requis estime que les éléments soumis ne permettent pas de conclure à sa responsabilité, la réponse négative qu'il envoie à l'État membre requérant est pleinement motivée et explique en détail les raisons du refus.

2. Lorsque l'État membre requérant estime que le refus qui lui est opposé repose sur une erreur d'appréciation ou lorsqu'il dispose d'éléments complémentaires à faire valoir, il lui est possible de solliciter un réexamen de sa requête. Cette faculté doit être exercée dans les trois semaines qui suivent la réception de la réponse négative. L'État membre requis s'efforce de répondre dans les deux semaines. En tout état de cause, cette procédure additionnelle ne rouvre pas les délais prévus à l'article 18, paragraphes 1 et 6, et à l'article 20, paragraphe 1, point b), du règlement (CE) no 343/2003. », concernant la demande de réexamen interprété en ce sens que l’État membre saisi d’une requête de prise ou de reprise en charge, qui a répondu par la négative à celle-ci dans les délais et qui, par la suite, a été saisi d’une demande de réexamen en vertu du deuxième paragraphe dudit article 5, doit répondre à cette dernière dans un délai de deux semaines, encourt également le rejet, dans la mesure où le tribunal a retenu que les autorités italiennes avaient tacitement accepté la prise en charge de la demande de protection internationale de Madame ….

Par ailleurs, quant au moyen de la demanderesse selon lequel la notification de la décision litigieuse n’aurait pas été réalisée dans un délai raisonnable, dans le cadre duquel elle renvoie aux conclusions présentées à la CJUE par l’Avocat général Melchior Wathelet le 22 mars 2018, dans le cadre des affaires C-47/17 et C48/17, force est, tout d’abord, de constater que ce dernier visait une autre problématique que celle dont le tribunal est saisi, à savoir l’absence de délai impératif pour la détermination de l’Etat membre effectivement responsable du traitement d’une demande de protection internationale après le refus par un Etat membre requis pour la prise ou reprise en charge de cette demande et de la procédure de réexamen de ce refus. Toutefois, concernant le reproche émis par la demanderesse à l’encontre du ministre de ne pas avoir respecté un délai raisonnable entre le moment où les autorités italiennes auraient refusé la prise en charge et la notification de la décision litigieuse, il échet de relever que, - outre le fait que ce reproche est fondé sur la prémisse erronée d’un refus de prise en charge par les autorités italiennes, le tribunal venant de retenir que ces dernières sont à considérer comme ayant tacitement accepté la prise en charge -, l’acceptation tacite des autorités italiennes est intervenue, tel que relevé ci-avant, le 25 octobre 2021 et que la décision ministérielle du 15 février 2022 a, quant à elle, été notifiée par lettre recommandée expédiée le même jour. Si ce délai de plus de trois mois peut effectivement paraître long, force est néanmoins de constater que la demanderesse ne fait valoir aucun préjudice à cet égard autre qu’une insécurité juridique qui serait née de l’attente. Or, dans la mesure où (i) aucune sanction n’est prévue dans ce cas par le règlement Dublin III, ce que la demanderesse concède d’ailleurs dans sa requête introductive d’instance, et que (ii) elle a été informée, lors de son entretien « Dublin III » devant un agent du ministère le 20 août 2021, que « L’objet de notre entretien est de déterminer l’Etat membre responsable de l’examen de votre demande de protection internationale. En vertu du Règlement Dublin III, une demande de protection internationale est examinée par un seul Etat européen, ainsi votre demande peut relever de la compétence d’un autre Etat membre en application du prédit Règlement. Si le Luxembourg n’est pas responsable de l’examen de votre demande, vous serez en principe transféré vers le pays responsable. (…) », avant de signer ledit rapport d’entretien, confirmant ainsi qu’elle en avait compris le contenu et qu’elle avait dès lors connaissance que l’examen de sa demande de protection internationale pouvait être réalisé par un autre Etat membre, le moyen de la demanderesse est à rejeter pour être non fondé.

Ensuite, il y a lieu de relever que les possibilités légales pour le ministre de ne pas procéder au transfert d’un demandeur de protection internationale et d’examiner, le cas échéant, sa demande sont prévues, d’une part, par l’article 3 (2), alinéa 2, du règlement Dublin III, lequel présuppose l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, auquel cas le ministre ne peut pas transférer l’intéressé dans cet Etat tout en poursuivant la procédure de détermination de l’Etat membre responsable, ainsi que, d’autre part, par l’article 17 (1) du même règlement, accordant au ministre la faculté d’examiner la demande de protection internationale en passant outre la compétence de principe d’un autre Etat membre pour ce faire.

L’article 3 (2), alinéa 2, du règlement Dublin III invoqué par la demanderesse dispose que « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ».

Cette disposition impose à l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur d’asile de s’abstenir de transférer l’intéressé vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable, en application des critères prévus par le règlement Dublin III, s’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », respectivement de l’article 4 de la Charte.

Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard3. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union européenne a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants4.

Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption - réfragable - que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient aux demandeurs de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées5.

Le tribunal est encore amené à souligner que le système Dublin III est basé sur l’hypothèse que tous les Etats membres de l’Union européenne sont des Etats de droit dans lesquels les demandeurs de protection internationale peuvent faire valoir leurs droits et requérir l’aide des organes étatiques, notamment judiciaires, au cas où ils estiment que leurs droits ont été lésés. S’il est exact qu’il est admis qu’une acceptation de prise en charge par un Etat membre peut être remise en cause par un demandeur de protection internationale lorsqu’il y existe des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale dans cet Etat membre, il n’en reste pas moins que ces défaillances systémiques requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de la Charte6.

Dans ce contexte, dans un arrêt du 19 mars 2019, portant le numéro C-163/17 du rôle, la CJUE a retenu que des défaillances ne sont contraires à l’interdiction de traitements inhumains ou dégradants que lorsqu’elles atteignent un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause, ce seuil étant atteint lorsque l’indifférence des autorités d’un État membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement 3 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 78.

4 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 79 ; trib. adm., 26 février 2014, n° 33956 du rôle, trib. adm., 17 mars 2014, n° 34054 du rôle, ainsi que trib. adm., 2 avril 2014, n° 34133 du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu.

5 Voir aussi Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg, 8 janvier 2015, n° A11 S 858/14.

6 CJUE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62.

dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine7, une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie n’atteignant toutefois pas ce seuil lorsqu’elles n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant8.

Etant donné que Madame … remet en question cette présomption du respect des droits fondamentaux par l’Italie, en affirmant risquer des traitements inhumains et dégradants en cas de transfert vers ledit pays, il lui appartient de fournir des éléments concrets permettant de la renverser.

En ce qui concerne les défaillances systémiques qui existeraient dans la procédure d’asile en Italie, il échet de prime abord de constater que si l’extrait de rapport de l’OSAR du 17 juin 2021, cité par la demanderesse dans sa requête introductive d’instance, fait certes état de difficultés d’accueil des migrants ainsi que de problèmes croissants en ce qui concerne l’hébergement, il n’en ressort néanmoins pas que, de manière générale, tous les centres d’accueil d’Italie ne répondent pas aux critères minimaux quant aux conditions d’accueil.

Il ne découle, par ailleurs, pas des documents versés en cause par la demanderesse que les conditions matérielles d’accueil des demandeurs de protection internationale en Italie sont caractérisées par des carences structurelles d’une ampleur telle qu’il y aurait lieu de conclure d’emblée, et quelles que soient les circonstances du cas d’espèce, à l’existence de risques suffisamment réels et concrets, pour les demandeurs, d’être systématiquement exposés à une situation de précarité et de dénuement matériel et psychologique au point que leur transfert dans ce pays constituerait en règle générale un traitement prohibé par l’article 3 de la CEDH.

En effet, contrairement aux affirmations de Madame …, la CourEDH a retenu dans son arrêt Tarakhel que la structure et la situation générale du dispositif d’accueil en Italie ne constitue pas en soi un obstacle à tout renvoi de demandeurs d’asile vers ce pays9, de sorte qu’une analyse de la situation individuelle de cette dernière s’impose.

Or, force est de constater qu’en l’espèce, Madame … ne peut faire valoir des difficultés particulières qu’elle aurait rencontrées pour le dépôt de sa demande de protection internationale, étant donné qu’il ressort, dans ce cadre, de son rapport d’audition qu’elle a refusé d’en déposer une car elle ne voulait pas rester en Italie et que « Je veux aider ma famille et changer ma vie vers le mieux. Ce n’est pas possible en Italie. »10.

Par ailleurs, la demanderesse reste en défaut d’apporter la preuve que, personnellement, ses droits ne seraient pas garantis en cas de retour en Italie, ni que, de manière générale, les droits des demandeurs de protection internationale en Italie ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés, ou encore que ceux-ci n’auraient en Italie aucun droit ou aucune possibilité de les faire valoir auprès des autorités italiennes en usant des voies de droit adéquates11, étant encore relevé que l’Italie est signataire de la Charte, de la CEDH et de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, 7 CJUE, 19 mars 2019, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland., C-163/17, point 92.

8 Ibidem, point 93.

9 CourEDH, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, requête n° 29217/12, § 115.

10 Page 5 du rapport d'audition Dublin III.

11 Voir article 26 de la directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale.

inhumains ou dégradants, de la Convention de Genève ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et devrait, à ce titre, en appliquer les dispositions.

Le tribunal relève encore que la demanderesse n’invoque aucune jurisprudence de la CourEDH relative à une suspension générale des transferts vers l’Italie, voire à une demande en ce sens de la part de l’UNHCR. La demanderesse ne fait pas non plus état de l’existence d’un rapport ou avis émanant de l’UNHCR, ou d’autres institutions ou organismes internationaux, interdisant ou recommandant l’arrêt des transferts vers l’Italie dans le cadre du règlement Dublin III en raison plus particulièrement de la politique d’asile italienne qui les exposerait à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH et de l’article 4 de la Charte.

Dans ces circonstances, le tribunal est amené à retenir que la demanderesse reste en défaut d’établir l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile en Italie de nature à être qualifiées de traitement inhumain et dégradant au sens de la CEDH, de la Charte et de l’article 3 (2), alinéa 2 du règlement Dublin III.

Quant au moyen tiré de la violation par le ministre de l’article 3 de la CEDH et de son corollaire, l’article 4 de la Charte, dans la mesure où le ministre n’aurait pas obtenu au préalable auprès des autorités italiennes une garantie individuelle de prise en charge adaptée aux besoins de Madame …, le tribunal relève qu’étant donné que la demanderesse reste en défaut d’expliquer quels seraient ses besoins et de démontrer que l’absence d’une prise en charge spécifique desdits besoins serait telle qu’elle entraînerait une violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, le tribunal est amené à écarter ledit moyen pour ne pas être fondé.

Enfin, en ce qui concerne la violation de l’article 17 du règlement Dublin III, celui-ci prévoit que : « Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (…). ».

A cet égard, le tribunal précise que la possibilité, pour le ministre, d’appliquer cette disposition du règlement Dublin III relève de son pouvoir discrétionnaire, s’agissant d’une disposition facultative qui accorde un pouvoir d’appréciation étendu aux Etats membres12, le caractère facultatif du recours à la disposition en question ayant encore été souligné dans l’arrêt, précité, de la CJUE du 16 février 201713.

Un pouvoir discrétionnaire des autorités administratives ne s’entend toutefois pas comme un pouvoir absolu, inconditionné ou à tout égard arbitraire, mais comme la faculté qu’elles ont de choisir, dans le cadre des lois, la solution qui leur paraît préférable pour la satisfaction des intérêts publics dont elles ont la charge14, le juge administratif étant appelé, en matière de recours en réformation, non pas à examiner si l’administration est restée à l’intérieur de sa marge d’appréciation, une telle démarche s’imposant en matière de recours en annulation, mais à vérifier si son appréciation se couvre avec celle de l’administration et, dans la négative, à substituer sa propre décision à celle de l’administration15.

12 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 65.

13 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pts. 88 et 97.

14 Trib. adm., 10 octobre 2007, n° 22641 du rôle, Pas. adm. 2021, V° Recours en annulation, n° 55 et les autres références y citées.

15 Cour adm., 23 novembre 2010, n° 26851C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Recours en réformation, n°12 et les autres références y citées.

Or, le tribunal est amené à constater que bien que les violences subies par la demanderesse en Lybie sont d’une gravité incontestable, il n’en reste pas moins qu’elles n’obligent pas ipso facto le ministre à faire application de l’article 17 (1) du règlement Dublin III, d’autant plus que la demanderesse ne verse aucun document attestant qu’elle souffrirait de stress post-traumatique dû aux mauvais traitements qu’elle aurait subis dans son pays d’origine et au long de son voyage.

Il échet dès lors de constater que c’est à bon droit et sans commettre d’erreur d’appréciation, ni excéder ses pouvoirs, que le ministre a décidé de ne pas faire application de l’article 17 du règlement Dublin III et de la transférer vers l’Italie, l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.

Ce constat n’est pas énervé par le reproche de la demanderesse, dans le cadre de l’article 17 du règlement Dublin III, du non-respect d’un délai raisonnable par le ministre lors de la notification de la décision litigieuse et de l’insécurité juridique qui en serait née, au vu des conclusions tirées par le tribunal dans les développements qui précèdent.

Au vu de toutes ces considérations, et à défaut d’autres moyens, le recours est à rejeter pour être non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Daniel Weber, premier juge, Annemarie Theis, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 28 mars 2022, par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 mars 2022 Le greffier du tribunal administratif 16


Synthèse
Numéro d'arrêt : 47117
Date de la décision : 28/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2022-03-28;47117 ?

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