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27/09/2021 | LUXEMBOURG | N°46443

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 septembre 2021, 46443


Tribunal administratif N° 46443 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 septembre 2021 Audience publique du 27 septembre 2021 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par la société X, …, par rapport à deux décisions du directeur de l’administration des Contributions directes et une contrainte et un commandement émis par le Bureau de Recettes de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts directs

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ORDONNANCE

Vu la requête in

scrite sous le numéro 46443 du rôle et déposée le 7 septembre 2021 au greffe du tribunal adm...

Tribunal administratif N° 46443 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 septembre 2021 Audience publique du 27 septembre 2021 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par la société X, …, par rapport à deux décisions du directeur de l’administration des Contributions directes et une contrainte et un commandement émis par le Bureau de Recettes de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts directs

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 46443 du rôle et déposée le 7 septembre 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Virginie Brouns, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société X, société à responsabilité limitée qualifiée comme société de gestion du patrimoine familial, établie et ayant son siège social à …, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions tendant à voir instituer un sursis à exécution, par rapport à :

• la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 9 décembre 2020, référencée sous le numéro …, portant rejet de la réclamation introduite par la société à responsabilité limitée X, à l’encontre d’un bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2017 émis le 12 février 2020 ;

• la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 14 décembre 2020, référencée sous le numéro …, rejetant le recours hiérarchique dirigé par la société à responsabilité limitée X contre la décision du bureau d’imposition Sociétés 6 du 12 mai 2020 portant refus de faire droit à une demande de sursis à exécution ;

• « la contrainte, numéro d’ordre … » émise par le Bureau des Recettes en date du 15 juin 2021, notifiée à la société X par voie de commandement de payer, en date du 5 août 2021, pour un montant de … EUR » ;

un recours au fond, inscrit sous le numéro 45759 du rôle, dirigé contre les décisions précitées du directeur de l’administration des Contributions directes des 9 et 14 décembre 2020, ayant été déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 mars 2021 ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les actes critiqués au fond ;

Entendus Maître Desislava Gosteva en remplacement de Maître Virginie Brouns et Monsieur le délégué du gouvernement Steve Collart en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 septembre 2021.

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Le 12 février 2020, le bureau d’imposition Sociétés 6 Luxembourg, désigné ci-après par « le bureau d’imposition », émit un bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux relatif à l’année 2017 à l’égard de la société à responsabilité limitée X, désignée ci-

après par « la société X ». Ledit bulletin indique que « la société désignée ci-dessus est débitrice de retenues d’impôt sur les revenus de capitaux du montant établi ci-après (…), La société n’a pas pris la retenue à sa charge : 15,000% de EUR … = EUR … ».

Par courrier du 6 mai 2020, la société X introduisit une réclamation contre le prédit bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux relatif à l’année 2017 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le directeur ».

Par un second courrier du 6 mai 2020, la société X s’adressa au préposé du bureau d’imposition pour introduire une demande en obtention d’un sursis à l’exécution du prédit bulletin jusqu’à la prise d’une décision par le directeur sur la réclamation précitée introduite contre le bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux relatif à l’année 2017.

Par courrier du 12 mai 2020 adressé à la société X, le préposé du bureau d’imposition refusa de faire droit à la demande précitée en obtention d’un sursis à l’exécution au motif que :

« (…) suite à l’examen de votre réclamation contre le bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2017, je vous informe qu’un sursis à exécution ne peut vous être accordé, alors que la réformation du bulletin me semble peu probable. ».

Par courrier du 8 juin 2020, réceptionné par la direction de l’administration des Contributions directes le 15 juin 2020, la société X introduisit une réclamation auprès du directeur contre la décision précitée du préposé du bureau d’imposition du 12 mai 2020 portant refus d’accorder un sursis à l’exécution du bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2017.

Par décision du 9 décembre 2020, référencée sous le numéro …, le directeur rejeta la réclamation introduite par la société X contre le bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2017 en les termes suivants :

« Vu la requête introduite le 7 mai 2020 par la dame …, gérant unique, au nom de la société à responsabilité limitée X (anciennement X), avec siège social à …, pour réclamer contre le bulletin de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux de l'année 2017 daté du 12 février 2020 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu l'article 3, alinéa 3 de la loi du 12 mai 2020 portant adaptation de certains délais en matière fiscale, financière et budgétaire dans le contexte de l'état de crise, qui retient notamment que les délais relatifs à la réclamation, au sens du § 228 de la loi générale des impôts modifiée du 22 mai 1931 (AO), sont suspendus du 18 mars 2020 jusqu'au 30 juin 2020 ;

Vu les §§ 102, 228, 238 et 301 AO ;

2 Considérant que la requête a été introduite par qui de droit (§ 238 A0), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d'imposition d'avoir opéré une retenue d'impôt sur revenus de capitaux de 15% sur une opération de rachat de ses propres parts sociales ;

Considérant qu'en vertu du § 243 A0, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens de la réclamante, la loi d'impôt étant d'ordre public ;

qu'à cet égard le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé ; qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant qu'il ressort du dossier fiscal qu'en date du 22 avril 2016, la réclamante a transféré son siège social et son administration centrale de Chypre au Luxembourg ; qu'elle a également le même jour fixé son capital social à 12.500,00 euros divisés en 12.500 parts sociales ordinaires d'une valeur nominale de 1 euro chacune ;

Considérant que par assemblée générale extraordinaire des associés de la réclamante du 6 novembre 2017, les parts sociales ordinaires ont été converties en parts sociales de différentes classes, toutes souscrites par les deux associés de la réclamante, le sieur … ayant souscrit à 6025 parts sociales de classe A et 25 parts sociales dans chacune des parts sociales de classes B, C, D, E, F, G, H, 1 et J et le sieur … ayant souscrit à 6025 parts sociales de classe AA et 25 parts sociales dans chacune des parts sociales de classes BB, CC, DD, EE, FF, GG, HH, Il et JJ ;

Considérant que, suivant acte notarié du 29 décembre 2017, la réclamante a procédé au rachat suivi de l'annulation immédiate de 25 parts sociales de classe J et de 25 parts sociales de classe JJ, ayant une valeur nominale de 1 euro chacune, pour un montant global de … euros à l'aide des réserves distribuables de la réclamante ; que l'annulation des parts rachetées a entraîné une réduction subséquente du capital social de la réclamante d'un montant de 50,00 euros pour s'élever alors à 12.450,00 euros ;

Considérant qu'il ressort du dossier fiscal que le bureau d'imposition a considéré que création et par la suite le rachat et l'annulation de 2 classes d'actions est à considérer comme un abus de droit suivant § 6 StAnpG car dans ce cas, les actionnaires sont des personnes physiques » ; qu'il a en conséquence appliqué un taux de retenue de 15% sur le montant de … euros (prix de rachat valeur nominale) soit un impôt à payer de … euros ;

Considérant que la réclamante allègue que le rachat effectué serait à qualifier de cession de parts sociales engendrant une plus-value et non un revenu de capitaux mobiliers passible de la retenue à la source sur les revenus de capitaux ;

Considérant en matière de principe qu'aux termes de l'article 146 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.), sont passibles de la retenue à la source au titre de l'impôt sur le revenu les revenus visés sub 1 de l'article 97, alinéa 1° L.I.R. tels que les dividendes, parts de bénéfices et autres produits alloués, sous quelque forme que ce soit, en raison des actions, parts de capital, etc. ;

3 Considérant que l'article 97, alinéa 3 L.I.R. prévoit cependant que ne constituent pas des revenus de capitaux mobiliers :

b) les allocations qui sont la contrepartie de la réduction de capital social constitué par les apports des associés, la partie du capital social provenant éventuellement de la capitalisation de réserves en exemption totale ou partielle de l'impôt sur le revenu étant censée distribuée en premier lieu ; les allocations de l'espèce restent cependant imposables, lorsque la réduction de capital n'est pas motivée par de sérieuses raisons économiques, d) les sommes allouées à l'occasion du partage, visé à l'article 101 L.I.R., de l'actif net investi ;

Considérant que l'article 101, alinéa 1er L.I.R. prévoit que « lors du partage total ou partiel de l'actif social de l'un des organismes mentionnés à l'alinéa premier de l'article 100, le produit alloué aux associés possesseurs de participations importantes est considéré comme le produit d'une aliénation de la participation au sens de cet article. » ;

Considérant que l'article 101 L.I.R., alinéa 2 dispose que « lorsqu'une participation fait l'objet d'un rachat ou d'un retrait et qu'il en résulte une réduction de capital, l'actif social est censé être partagé pour la fraction correspondant à ladite participation. » ;

Considérant que la réclamante a procédé au rachat de deux classes de parts sociales qui ont été immédiatement annulées, résultant en une réduction de capital correspondante ;

Considérant cependant que « la juridiction saisie ne saurait s'arrêter aux seules formes juridiques choisies par les parties pour réaliser une opération déterminée, mais elle est appelée, au-delà de l'apparence juridique, de rechercher et d'analyser la réalité économique recouverte par lesdites formes juridiques. En effet, il est de principe en droit fiscal que les faits et les actes juridiques doivent être interprétés et appréciés d'après des critères économiques.

(…) Les qualifications juridiques avancées par les parties ne sont retenues par le juge de l'impôt que dans la mesure où elles correspondent à l'intention réelle des parties. » (Tribunal administratif du 25 août 1999, n° 10456 du rôle ; Cour administrative du 26 juin 2008, n° 24061C du rôle ; Tribunal administratif du 3 juin 2015, n° 35745 du rôle) ;

Considérant qu'au vœu du § 5 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG), le droit fiscal doit s'attacher à des faits réels et que, pour les besoins de l'imposition, il n'y a pas lieu de tenir compte de simulations ; que conformément au § 6 StAnpG, lors d'un abus de droit, les impôts sont à percevoir de la même manière qu'ils l'auraient été au cas d'une conception juridique tenant compte des activités, des relations et de la réalité économique ;

Considérant qu'il convient d'analyser les opérations effectuées par la réclamante sur base des critères tels qu'énumérés et retenus à travers la jurisprudence constante, afin d'être en mesure de juger si la voie juridique choisie par elle est à qualifier d'abus de droit au sens du § 6 StAnpG ; que les trois critères à remplir sont les suivants :

1) l'utilisation de formes et d'institutions du droit privé, 2) la recherche d'une économie d'impôt consistant en un contournement ou une réduction de la charge d'impôt et 3) l'usage d'une voie inadéquate et l'absence de motifs extra-fiscaux valables pouvant justifier la voie choisie ;

4 Quant à l'utilisation de formes et d'institutions du droit privé Considérant que la réclamante est une société à responsabilité limitée dont l'objet social consiste en la détention de participations ; que suite à la division de son capital social en 20 différentes classes de parts sociales, la réclamante a procédé à un rachat de deux classes de parts sociales suivi de leur annulation ; que ces opérations rentrent sans équivoque dans la conception de l'utilisation de formes et d'institutions du droit privé, de manière que ce premier élément se trouve vérifié, ce qui n'est d'ailleurs pas autrement contesté par la réclamante ;

Quant à la recherche d'une économie d'impôt consistant en un contournement ou une réduction de la charge d'impôt Considérant que le deuxième critère s'avère manifestement rempli, une distribution officielle de dividende aurait en l'espèce entraîné l'application d'une retenue à la source de 15% alors que les opérations susvisées permettent de rapatrier les profits accumulés par ladite réclamante sans retenue à la source par le biais du rachat de ses parts propres ;

Considérant que la réclamante réfute ce point en invoquant que « le mécanisme choisi ne consiste pas en un détournement ou une réduction de charge d'impôt car le recours à une distribution de dividendes nécessiterait une décision du gérant et n'appartient donc pas aux associés» ; que cet argument ne tient d'aucune réalité juridique alors que le pouvoir ultime de décider de l'allocation des bénéfices annuels appartient de par la loi aux associés et qu'un rachat de parts est par définition une opération synallagmatique à laquelle la réclamante dont les parts sont rachetées est partie ; qu'elle allègue encore que « le même effet aurait pu être obtenu par les Associés en procédant à une vente de leurs parts sociales à un tiers » ; qu'elle n'apporte cependant pas la moindre preuve qu'un tiers aurait été disposé à débourser ce prix pour l'acquisition des parts sociales des classes J et JJ ; que ne s'agissant justement pas d'une cession entre tiers, cet argument ne tient d'aucune réalité économique comme il sera plus amplement développé dans l'analyse du troisième critère de l'abus de droit ;

Quant à l'usage d'une voie inadéquate et l'absence de motifs extra-fiscaux valables pouvant justifier la voie choisie Considérant que conformément à la jurisprudence établie, le caractère simplement inhabituel des formes, constructions ou opérations de droit privé n'est pas à lui seul suffisant pour les voir qualifier d'inadéquates au vu de la liberté en principe reconnue au contribuable de choisir la voie la moins imposée, mais qu'il faut que l'objectif économique soit atteint par cette voie dans le contexte économique donné d'une manière telle qu'elle permet l'obtention d'un effet fiscal que le législateur ne peut pas être considéré comme ayant voulu accorder dans le cadre d'une application de la loi fiscale conforme à son intention (Cour administrative du 2 août 2017, n° 38990C du rôle) ;

Considérant qu'en l'espèce, la réclamante est une société détenue par deux personnes physiques résidentes en Fédération de Russie ; que la convention fiscale conclue entre le Grand-Duché du Luxembourg et la Fédération de Russie tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ne prévoit, en cas de distribution de bénéfice, aucune réduction ou atténuation du taux de 15% de la retenue à la source prévu par la législation luxembourgeoise ; que les deux associés ayant le contrôle sur la réclamante, les intérêts propres de cette dernière sont intimement liés avec ceux de ses associés ;

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Considérant que l'objet social de la réclamante est principalement la détention de participations ; qu'à partir d'octobre et jusqu'à fin 2017, la société a perçu plusieurs dividendes, pour un montant total de … euros, de sa filiale Y., filiale qu'elle contrôle à 100% puisqu'elle détient 18.899 actions sur un total de 19.000, l'action restante étant détenue par Z, une autre filiale détenue à 100% de la réclamante ;

Considérant que, par acte notarié du 6 novembre 2017, soit concomitamment à la distribution des dividendes par la filiale, les deux associés de la réclamante ont procédé à la division du capital social de la réclamante en 20 classes de parts sociales ;

Considérant qu'à la lecture des statuts dans leur version consolidée du 6 novembre 2017, il apparait que les parts sociales, quelle que soit la classe à laquelle elles appartiennent, n'ont pas de droits économiques différents et que de manière générale, leurs droits et obligations tels qu'ils existaient avant la mise en place des classes de parts sociales sont restés absolument identiques ; qu'il est dès lors incontestable que, comparativement aux parts sociales ordinaires en place précédemment, les 20 classes de parts sociales ne confèrent aucun avantage économique intrinsèque ni pour la réclamante ni pour ses associés ;

Considérant en outre que par acte notarié du 29 décembre 2017, soit moins de deux mois après la mise en place des dites classes mais après réception des dividendes de la filiale, la réclamante a procédé au rachat de deux classes de parts sociales, soit 50 parts sociales d'une valeur nominale de 1 euro chacune, pour un montant total de … euros ; que, conformément au mode de calcul prévu dans les statuts, le prix de rachat a permis l'extraction des bénéfices nets de la réclamante, c'est-à-dire en l'espèce sensiblement le montant des dividendes perçus au préalable de la filiale ;

Considérant que la structuration des opérations constitue sans équivoque un rapatriement de facto des bénéfices de la réclamantes à ses associés ; que tant l'absence d'avantage économique conféré par les classes de parts sociales que la connexité temporelle entre leur mise en place, la réception de dividendes de la filiale et le rachat de 2 classes pour un montant similaire, ne peut être expliqué que par le seul objectif d'éluder la retenue à la source qui serait normalement perçue sur une distribution officielle de dividende, distribution qui aurait été la voie normalement utilisée en l'absence de toute considération fiscale ;

Considérant qu' « il incombe en principe à l'Etat qui invoque un abus de droit à cet égard de prouver que les éléments constitutifs de l'abus se trouvent réunis. Par rapport au critère de l'existence de considérations économiques à la base de la voie choisie, cette charge de la preuve ne saurait cependant avoir pour conséquence d'imposer à l'Etat la preuve concrète de l'impossibilité d'une justification économique de la voie choisie. La preuve à rapporter par une partie devant plutôt toujours être limitée aux éléments qu'elle peut raisonnablement être supposée établir, il y a lieu d'admettre que l'Etat devra rendre plausible l'absence d'une justification économique à la base de la voie choisie et qu'il incombe alors au contribuable, à la source de la voie choisie, de faire état de considérations économiques justifiant, d'après lui, la voie choisie malgré l'apparence établie par l'Etat. A cet égard, il ne suffit pas que le contribuable fasse simplement état de motifs économiques pour que ceux-ci doivent nécessairement être admis comme valables, mais il faut que ces motifs puissent être considérés comme réels et présentant un avantage économique suffisant au-delà du seul bénéfice fiscal obtenu. » (Tribunal administratif du 14 janvier 2015, n° 33678 du rôle) ;

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Considérant en l'espèce que, bien que la réclamante indique pouvoir « démontrer des raisons pertinentes autres que fiscales, [qui] justifient la construction juridique contestée par le bureau d'imposition », il convient de relever qu'en dehors du fait qu'elle invoque la liberté de choisir la voie la moins imposée, ce qui corrobore au demeurant le fait que la réclamante avait effectivement comme objectif de bénéficier d'une économie d'impôts, elle reste en défaut d'invoquer le moindre motif valable présentant un avantage économique réel et suffisant de nature à justifier, au-delà du seul avantage fiscal obtenu, le recours à l'opération litigieuse ;

Considérant qu'aucun motif extra-fiscal valable n'ayant été avancé par la réclamante pour justifier autrement les opérations litigieuses, celles-ci doivent être considérées globalement comme inadéquates de sorte que le 3e et dernier critère de l'abus de droit est également rempli ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'opération litigieuse se caractérise par un détournement abusif des dispositions légales de leur objectif premier en vue de bénéficier, par un montage purement artificiel, d'avantages fiscaux injustifiés et non voulus par le législateur ; que tous les critères permettant de qualifier l'abus de droit au sens du § 6 StAnpG s'avèrent remplis de sorte qu'il y a pleinement lieu de confirmer le bureau d'imposition dans sa manière d'agir ;

Considérant que la réclamante allègue finalement une violation du principe de confiance légitime dans le traitement de son dossier alors que « selon la législation et la pratique applicables au cours de l'année d'imposition 2017, le traitement fiscal du rachat/l'annulation d'une catégorie entières d'actions n'était aucunement remise en cause par l'administration » ; qu'elle n'apporte non seulement aucun élément à l'appui de ses allégations mais qu'en tout état de cause « le principe de la légalité matérielle de l'impôt exige dans chaque cas d'imposition un examen de la situation de droit et de fait et que tant l'égalité de traitement des contribuables que le principe général du droit de la confiance légitime ne peut jouer que dans les strictes limites de la légalité. (jurisprudence constante, Tribunal administratif du 3 mai 2000, n° 7340 du rôle, Cour administrative du 3 septembre 2014, n° 33525C du rôle) ;

Considérant que la réclamante ne conteste pas le principe de l'imposition des distributions de bénéfices à la retenue sur revenus de capitaux en vertu de l'article 146 L.I.R.

; qu'en vertu des dispositions de l'article 146 L.I.R., les distributions de bénéfices tant ouvertes que cachées doivent faire l'objet d'une retenue d'impôt sur les revenus de capitaux ;

Considérant qu'aux termes de l'article 148, alinéa 1er L.I.R., le taux de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux applicable pour l'année 2017 est de 15%, à moins que le débiteur des revenus ne prenne à sa charge l'impôt à retenir, ce qui, même en matière de distribution cachée de bénéfices, n'est jamais présumé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le bulletin de la retenue d'impôt sur revenus de capitaux relatifs à l'année 2017 est à confirmer ; (…) ».

Par une « Décision sur recours hiérarchique formel » du 14 décembre 2020, le directeur rejeta ensuite la réclamation introduite par la société X contre la décision précitée du bureau d’imposition du 12 mai 2020, portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’un sursis de l’exécution du bulletin de la retenue de l’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2017.

Ladite décision est fondée sur les motifs et considérations suivants :

« Vu la requête introduite le 15 juin 2020 par la dame …, gérant unique, au nom de la société à responsabilité limitée X (anciennement X), avec siège social à …, pour introduire un recours hiérarchique formel contre une décision du bureau d'imposition du 12 mai 2020 refusant de faire droit à la demande en obtention d'un sursis à exécution du bulletin de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2017 daté du 12 février 2020 ;

Vu l'article 3, alinéa 4 de la loi du 12 mai 2020 portant adaptation de certains délais en matière fiscale, financière et budgétaire dans le contexte de l'état de crise, qui retient notamment que les délais relatifs au recours hiérarchique formel au sens du § 237 de la loi générale des impôts modifiée du 22 mai 1931 (A0), sont suspendus du 18 mars 2020 jusqu'au 30 juin 2020 ;

Considérant que le recours contre la décision en cause a été introduit par qui de droit (§ 303 A0), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi ; qu'il est partant recevable ;

Considérant que la recourante a introduit le 7 mai 2020 une réclamation, enrôlée sous le n° …, contre le bulletin de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2017 ;

Considérant que le § 251 AO autorise le bureau d'imposition à accorder un sursis à exécution à condition que la réclamation sur laquelle se greffe la demande de sursis ait des chances sérieuses de prospérer ; qu'en vertu de cette disposition, le bureau d'imposition dispose d'un pouvoir discrétionnaire et doit donc, de cas en cas, mesurer la décision en raison et en équité, conformément au § 2 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) ;

Considérant qu'en l'espèce, le bureau d'imposition a estimé, après un examen sommaire de la réclamation au fond, que la réformation du bulletin entrepris était peu probable et par conséquent a refusé d'accorder un sursis à exécution ;

Considérant que « Le sursis à exécution au sens du paragraphe 251 AO ne se conçoit que lorsqu'une décision de l'administration des Contributions directes, susceptible d'être exécutée, a fait l'objet d'un recours contentieux lequel n'a pas encore été toisé, ledit sursis consistant ainsi en une mesure provisoire, permettant au fisc de suspendre à titre de précaution l'exécution d'une décision en attendant l'issue du recours afférent, du sorte que, par définition, le sursis éventuellement accordé, cesse ses effets dès que la réclamation a été définitivement tranchée.» ;

Considérant que force est de constater, que par décision sur réclamation, séparée, émise le 9 décembre 2020 sous le n° … du rôle, le directeur a rejeté comme non fondée la réclamation susénoncée ;

Considérant, par conséquent, qu'il n'y a plus lieu de statuer sur le recours contre la décision du bureau d'imposition refusant de faire droit à la demande en obtention d'un sursis à exécution du bulletin d'impôt en question au motif que la réclamation y afférente a déjà été toisée ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2021, inscrite sous le numéro 45759 du rôle, la société X a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des deux décisions précitées du directeur des 9 et 14 décembre 2020.

Par contrainte du 28 mai 2021 le préposé du bureau de recette Luxembourg de l’administration des Contributions directes ordonna que la société X soit contrainte au paiement de la somme de … euros1. Le directeur rendit exécutoire ladite contrainte le 15 juin 2021. Un commandement ordonnant de payer la somme de … euros, fut ensuite signifié à la société X le 5 août 2021 par l’administration des Contributions directes.

Par une seconde requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 septembre 2021, inscrite sous le numéro 46443 du rôle, la société X a fait introduire une demande tendant aux termes de son dispositif à voir ordonner un sursis à exécution des deux décisions précitées du directeur des 9 et 14 décembre 2020 ainsi que de « la contrainte, numéro d'ordre …, émise par le Bureau des Recettes en date du 15 juin 2021, notifiée à la société X par voie de commandement de payer, en date du 5 août 2021, pour un montant de … EUR ».

La demanderesse estime que les deux conditions légalement posées par l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », seraient remplies en cause. Elle estime encore que l’affaire ne serait pas en état d’être plaidée et décidée à brève échéance et, enfin, qu’un recours au fond aurait été introduit auprès du tribunal administratif à l’encontre des actes dont le sursis à l’exécution est demandé par la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 septembre 2021.

Au titre de l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, la demanderesse expose à titre liminaire, que la crise sanitaire serait source d’incertitudes en termes de gestion financière des sociétés holding et nulle ne pourrait prédire sa fin. Cette situation inédite serait également susceptible d'entrainer un retard dans le traitement judiciaire du recours sur le fond, de sorte que le défaut d’un effet suspensif de l'exécution des décisions directoriales irait au-

delà d’une gêne ou d'un sacrifice courant.

Par ailleurs, de multiples réformes fiscales en matière d'impôts directs faites ces dernières années auraient créé des insécurités juridiques qui seraient de nature à augmenter de façon substantielle le nombre de recours devant le tribunal administratif ainsi que la charge de travail de l'administration des Contributions directes et donc la durée habituelle de traitement des affaires.

La demanderesse explique encore subir un risque de préjudice grave, définitif, disproportionné et difficilement réparable en raison du fait qu’elle ne disposerait pas de fonds suffisants en banque lui permettant de faire face à ses charges courantes et notamment au paiement de l'imposition litigieuse. Elle estime encourir un risque réel et sérieux de se voir assigner en faillite faute de disposer de fonds liquides suffisants pour pouvoir payer la prétendue dette. Dans l’attente des résultats de la procédure au fond actuellement en cours, l’exécution des décisions directoriales contestées risquerait donc de produire des effets irrémédiables en mettant en péril son existence même.

En tout cas, l'exécution forcée des décisions directoriales la contraindrait à vendre une partie de ses participations qui composeraient ses actifs liquides dont la valeur aurait subi de fortes variations négatives courant les années 2019 et 2020, en raison de la crise sanitaire actuelle. La diminution de la valeur de ces participations ne serait pas non plus à exclure dans les mois qui arrivent. Elle explique à cet égard que ses actifs consisteraient essentiellement 1 se composant du principal, à savoir … euros et des intérêts, à savoir … eurosdans la détention de parts sociales dans ses deux filiales chypriote respectivement russe, qu’elle détiendrait à 100% et qui seraient spécialisées dans la production et le commerce de boissons alcoolisées (en gros et au détail) et/ou le transport de marchandises. Ses actifs seraient donc fixes et non-liquides, de sorte que ses performances économiques actuelles auraient nécessairement été fortement impactées par les mesures de confinement exceptionnelles imposées par les pays concernés.

En outre, l'éventuelle liquidation de ces titres porteraient directement atteinte à sa réputation et celle de ses filiales et affecterait ainsi leur performance. Une telle liquidation aurait nécessairement un impact sur leur attractivité, leur réputation et impliquerait des modifications et des renégociations de leur financement existant auprès des institutions de crédit. Le préjudice ainsi créée serait difficilement réparable et même dans l’hypothèse d’un gain de cause au fond ainsi que d'une indemnisation, il ne serait pas sûr qu’elle pourrait racheter les titres et participations cédés aux mêmes conditions économiques.

Enfin, le directeur aurait refusé de faire droit à la demande en obtention d’un sursis à exécution sans prendre en considération la possibilité d'un tel sursis « sur base de garanties au paiement de la retenue d'impôt sur les revenus de capitaux 2017 ».

La demanderesse estime, ensuite, que son recours au fond présenterait de sérieuses chances de succès. Les moyens invoqués dans le cadre de son recours au fond peuvent se résumer en substance comme suit :

- L’administration fiscale et le directeur auraient fait abstraction d’une partie des faits d’espèce, en ignorant, d’abord, le fait que la société demanderesse aurait racheté une partie de ses propres parts sociales, à l’aide de réserves distribuables et, ensuite, que le fait que le capital social de la société demanderesse aurait été réduit par l’annulation de 25 parts sociales de la classe J et de 25 parts de la classe JJ. En qualifiant les opérations effectuées par la demanderesse de distributions de dividendes, l’administration fiscale ainsi que le directeur aurait ignoré une jurisprudence bien établie en la matière, selon laquelle les sommes allouées à l'occasion d'un partage de l'actif net investi ne constitueraient pas un revenu de capitaux mobiliers et qu'il y aurait partage de l'actif social en cas de rachat ou de retrait portant sur la participation d'un associé à condition qu'il y ait réduction correspondante du capital social. La demanderesse se réfère dans ce contexte à un jugement du tribunal administratif du 31 janvier 2017, inscrit sous le numéro 37032 de rôle.

- Contestation de l’existence d’un abus de droit au sens du paragraphe 6 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, communément désignée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG ». La preuve de l'existence d'un abus de droit au sens du §6 StAnpG appartiendrait, conformément à l'article 59 (1) de la loi du 21 juin 1999 à 1' administration, qui aurait donc dû apporter la preuve de l’ensemble des éléments constitutifs d’un abus de droit à savoir : (i) l'utilisation de formes et institutions du droit privé par le contribuable ; (ii) l'existence objective d'une économie d'impôt réalisée par le contribuable consistant en un contournement ou une réduction de la charge d'impôt ; (iii) la plausibilité, donc la démonstration objective d'une vraisemblance de « l'absence de motifs extra-

fiscaux valables », donc de « l’absence d'une justification économique à la base de la voie choisie ». Les décisions déférées n’apporteraient toutefois aucune preuved’une économie d’impôts qui aurait été réalisée par la demanderesse.

- Des paiements intervenus en raison du rachat, suivi de l'annulation de parts sociales, dans un contexte de réduction du capital social devraient être considérés fiscalement comme étant le paiement du produit d'un partage partiel d'actif. De même, les allocations qui seraient la contrepartie d'une réduction du capital social ne sauraient constituer des dividendes par application de l'article 97, alinéa 3 (d) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR ».

- Défaut objectif de la réalisation d’une économie d’impôt. Ainsi, de l’avis de la demanderesse, même à considérer que le montant payé pour le rachat des parts sociales de classes J et JJ et distribué suivant l'annulation de ces parts sociales aux actionnaires serait qualifiable, de « distribution officielle de dividendes », ou encore, de « distribution de bénéfices », ces dividendes ou bénéfices n'auraient jamais dû faire l’objet d'une retenue d'impôt sur le revenu si l'Etat avait pris en considération toutes les dispositions pertinentes de la LIR et notamment (i) l’exception prévue à l’article 147, paragraphe 3 de la LIR selon lequel la retenue d'impôt faisant l'objet de 1 'article 146 ne serait pas à opérer lorsque les revenus sont alloués par une société holding de droit luxembourgeois définie par la loi du 31 juillet 1929 (…) sans préjudice toutefois de l'imposition desdits revenus dans le chef des bénéficiaires résidents, (ii) l’article 166 de la LIR ainsi que les dispositions de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents, désignée ci-après par « la directive 2011/96/UE ».

- Défaut de prise en compte de la Convention bilatérale entre le Grand-Duché de Luxembourg et la Fédération de Russie tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 28 juin 1993, désignée ci-après par « la convention bilatérale », et de l'imposition déjà intervenue à hauteur de 15% des montants distribués par la société demanderesse dans la Fédération de la Russie. Selon la demanderesse, l'administration fiscale ainsi que le directeur auraient reconnu que les personnes physiques, bénéficiaires effectifs des paiements réalisés, seraient résidents de la Fédération de la Russie, de sorte qu’ils auraient été pleinement imposés dans ce pays à hauteur de 15% des montants ayant fait l'objet du paiement litigieux. Il en résulterait que les paiements litigieux seraient effectivement qualifiables de distributions de dividendes de sorte que l’administration fiscale aurait dû procéder à l'exemption de l'impôt à Luxembourg de ces paiements faits aux associés et, dans tous les cas, déduire un montant égal à l'impôt payé par chacune de ces personnes en Russie, soit, en l'espèce 15% du montant des paiements réalisés.

- « excès de pouvoir des Décisions Directoriales Litigieuses résultant de la violation du principe général de bonne administration dans son volet de sécurité juridique et de respect dû à la confiance légitime de l'administré, d'une part, et du principe patere legem quant ipse fecisti. d'autre part ».

Le délégué du gouvernement fait valoir qu’aucune des conditions requises pour l’institution d’un sursis à l’exécution ne serait remplie en l’espèce. A l’audience publique des plaidoiries il a plus particulièrement insisté sur l’absence d’un préjudice grave et définitif dans le chef de la demanderesse occasionné par les décisions dont l’effet suspensif est demandé. Ila souligné qu’il ressortirait des documents versés en cause par la demanderesse elle-même qu’elle disposerait d’un actif de près … euros, qui serait, certes, sous forme immobilisée, mais qui lui permettrait aisément de s’acquitter de sa dette fiscale dont le montant s’élèverait à … d’euros. Comparé au montant important de … d’euros, le montant d’… d’euros apparaitrait comme dérisoire, de sorte que, contrairement aux affirmations de la demanderesse, la liquidation de participations d’un montant de … euros ne pourrait guère nuire à sa réputation.

Le délégué du gouvernement a encore signalé qu’il ressortirait des comptes annuels de la société demanderesse établis au 31 décembre 2020 qu’elle aurait procédé à la distribution de … d’euros de dividendes. Selon le délégué du gouvernement cette décision de procéder à une distribution de dividendes d’un montant de … d’euros serait inexplicable à un moment où la société n’aurait pas pu ignorer qu’elle devrait faire face à un paiement d’impôt de … euros. En effet, en date du 14 août 2019 le bureau d’imposition se serait d’ores et déjà adressé par courrier à la société demanderesse pour l’informer qu’il aurait constaté un abus de droit au sens du paragraphe 6 StAnpG et que l’imposition serait donc calculée en conséquence, de sorte que l’impôt à payer s’élèverait à … d’euros. Par la distribution de dividendes d’un montant de … d’euros, la demanderesse se serait donc débarrassée de ses liquidités, de sorte qu’elle serait désormais malvenue d’invoquer une insuffisance d’actifs liquides pour faire face aux dettes d’impôts.

Le délégué du gouvernement conteste encore le caractère sérieux des moyens invoqués et conclut au rejet de la requête en institution d’un sursis à exécution.

Quant à la question de la recevabilité de la requête en sursis à exécution En vertu de l’article 11 de la loi du 21 juin 1999, la requête en sursis à exécution est rejetée si l’affaire introduite au fond contre la décision déférée est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

En l’espèce, en ce qui concerne le volet de la requête tendant à voir ordonner l’effet suspensif des décisions directoriales des 9 et 14 décembre 2020, un recours au fond a été introduit le 8 mars 2021 à l’encontre desdites décisions. Compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi du 21 juin 1999, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

Force est ensuite à la soussignée de constater que la requête sous analyse tend en son premier volet formellement, et ce tant à travers ses moyens qu’à travers son dispositif, à l’obtention d’un sursis par rapport aux décisions directoriales des 9 et 14 décembre 2020 ayant rejeté les réclamations de la partie demanderesse, cette dernière ayant d’ailleurs exclusivement indiqué en tant que base légale l’article 11 la loi du 21 juin 1999, visant l’hypothèse du seul sursis à exécution.

Les décisions directoriales déférées constituent toutefois des décisions négatives qui ne sont pas susceptibles d’un effet suspensif. En effet, une décision administrative négative qui ne modifie pas une situation de fait ou de droit antérieure ne saurait en effet faire l’objet d’une mesure de sursis à exécution, même si elle est en revanche susceptible de faire l’objet d’une mesure de sauvegarde.

En ce qui concerne, ensuite, le volet de la requête tendant à voir ordonner l’effet suspensif des contrainte et commandement émis par l’administration fiscale le 15 juin, respectivement le 5 août 2021, la soussignée a d’office soulevé, à l’audience publique desplaidoiries, la question de sa recevabilité au vu du fait que le recours au fond viserait exclusivement les deux décisions directoriales des 9 et 14 décembre 2020 et non pas la contrainte et le commandement précités.

Le litismandataire de la partie demanderesse, tout en se rapportant à prudence de justice, a fait valoir que la contrainte, respectivement le commandement de payer constitueraient en quelque sorte un accessoire aux décisions directoriales déférées, de sorte qu’à ce titre leur exécution pourrait éventuellement être suspendue.

Le délégué du gouvernement a conclu à l’irrecevabilité du volet afférent de la requête.

La recevabilité d’une requête en sursis à exécution est conditionnée notamment par l'existence d'un recours au fond dirigée contre la décision au sujet de laquelle la mesure provisoire est sollicitée2.

En l’espèce, il est constant que le recours au fond, inscrit sous le numéro 45759 du rôle, est dirigé contre la décision précitée du directeur du 9 décembre 2020, ainsi que contre la décision du directeur du 14 décembre 2020, mais non point contre la contrainte ou le commandement des 15 juin et 5 août 2021.

Il s'ensuit que le recours sous examen est irrecevable en ce qu'il tend à la suspension de l’exécution de la contrainte respectivement du commandement de payer.

Cette conclusion n’est pas énervée par les explications du litismandataire de la demanderesse selon lesquelles la contrainte ainsi que le commandement constitueraient des accessoires aux décisions directoriales déférées, de sorte qu’à ce titre leur exécution pourrait être suspendue. En effet, la contrainte ainsi que le commandement ne constituent pas des accessoires des décisions directoriales, voire d’un bulletin d’impôt, mais des mesures distinctes de ces actes visant leur exécution et plus particulièrement le recouvrement de l’impôt. Les développements afférents du litismandataire de la demanderesse sont donc à rejeter.

Dans ce contexte, il convient encore de noter qu’il résulte de la jurisprudence constante des juridictions administratives que le contentieux fiscal leur dévolu ne comprend pas les actes posés dans le cadre de la phase du recouvrement de l’impôt3. Plus particulièrement, il a été jugé qu’aucune disposition en matière d’impôts directs de l’Etat ne vise, parmi les décisions susceptibles d’un recours en réformation devant le juge administratif, l’exécutoire donné par le directeur à une contrainte4, la jurisprudence administrative5 ayant encore rejeté pour incompétence des juridictions administratives des recours dirigés contre des contraintes et des commandements du bureau de recette de l’administration des Contributions directes.

Or, les actes visés par la requête sous examen, à savoir la contrainte du 15 juin 2021 et le commandement du 5 août 2021, constituent des actes posés en exécution des décisions directoriales déférées qui relèvent de la phase de recouvrement et échappent aux juridictions administratives pour relever, le cas échéant, des attributions des juridictions de l’ordre judiciaire. Il s’ensuit qu’il est probable que les juges du fond arrivent à la conclusion qu’ils ne sont pas compétents pour connaître de la contrainte ainsi que du commandement déféré.

2 Trib. adm. prés. 20 février 2001, n° 11940 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n°523 3 Trib. adm. 2 avril 2001, n° 12490, Pas. adm. 2018, V° Compétence, n° 98, et autres références.

4 Trib. adm. 19 juillet 2000, n° 11533, Pas. adm. 2018, V° Compétence, n° 100.

5 Trib. adm. 26 mai 2017, 38244, confirmé par arrêt du 20 mars 2018, n° 39844C.

Quant à la question de savoir si l’exécution des actes déférés risque de causer un préjudice grave et définitif et quant à la question du caractère sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours au fond • Quant à la décision du directeur du 9 décembre 2020 Par sa décision du 9 décembre 2020, citée in extenso ci-avant et dont la demanderesse sollicite la suspension de l’exécution, le directeur a rejeté la réclamation dirigée par la demanderesse contre le bulletin de la retenue d’impôts sur les revenus de capitaux de l’année 2017, émis le 12 février 2020.

En vertu de l’article 11 de la loi du 21 juin 1999, un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

En ce qui concerne tout d’abord le préjudice grave et définitif, il convient de rappeler que l’existence du préjudice allégué, sa gravité et son caractère difficilement réparable doivent s’apprécier au cas par cas, sur le vu de l’exposé du requérant d’une mesure provisoire, ensemble les pièces justificatives produites par celui-ci6.

Si un préjudice de nature essentiellement pécuniaire n’est pas, en soi, grave et difficilement réparable, pour être, en principe, entièrement compensable par l’allocation de dommages et intérêts, il en est différemment lorsque le requérant établit l’existence d’une circonstance particulière rendant le préjudice pécuniaire grave ou difficilement réparable.

Or, il convient de rappeler que le référé a pour objet d’empêcher, temporairement, la survenance d’un préjudice grave et définitif et qu’un sursis à exécution, respectivement une mesure de sauvegarde, ne saurait être ordonné que si le préjudice invoqué par la partie requérante résulte de l’exécution immédiate de l’acte attaqué. Il convient encore de rappeler que pour l’appréciation du caractère définitif du dommage, il n’y a pas lieu de prendre en considération le dommage subi pendant l’application de l’acte illégal et avant son annulation ou sa réformation. Admettre le contraire reviendrait en effet à remettre en question le principe du caractère immédiatement exécutoire des actes administratifs, car avant l’intervention du juge administratif, tout acte administratif illégal cause en principe un préjudice qui, en règle, peut être réparé ex post par l’allocation de dommages et intérêts. Ce n’est que si l’illégalité présumée cause un dommage irréversible dans le sens qu’une réparation en nature, pour l’avenir, ou qu’un rétablissement de la situation antérieure, ne seront pas possibles, que le préjudice revêt le caractère définitif tel que prévu par l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999.

Il incombe partant au demandeur d’établir l’existence d’une circonstance particulière rendant le préjudice pécuniaire grave ou difficilement réparable.

En l’espèce, la demanderesse fait valoir qu’elle ne disposerait pas des liquidités suffisantes pour faire face à ses charges courantes, dont notamment le paiement des impôts litigieux, étant donné que ses actifs seraient des actifs fixes et non liquides, dont la valeur aurait 6 Trib. adm. (prés.) 16 mai 2012, n° 30478, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 621.été impactée par les effets financiers de la crise sanitaire. Elle ajoute qu’une éventuelle vente de ses titres, dans l’objectif de se procurer des liquidités, porterait directement atteinte à sa réputation, impliquant ainsi un préjudice difficilement réparable.

S’il est vrai, qu’un préjudice financier, notamment du fait de la vente d’actifs, est susceptible de constituer un préjudice grave et difficilement réparable, dès lors que l’exécution de l’acte est susceptible de placer le demandeur dans une situation financière difficile, il n’en reste pas moins qu’il incombe au demandeur de démontrer concrètement non seulement l’envergure de la dépense, mais aussi les répercussions graves risquant de le placer dans une situation financière intenable.

Or, en l’espèce, force est de constater, tel que souligné par le délégué du gouvernement, qu’il ressort des comptes annuels de l’année 2020 de la demanderesse que si ses liquidités en banque ne s’élevaient au 1er janvier 2020, certes, qu’au montant de … euros, elle disposait, toutefois, au 1er janvier 2020 ainsi qu’au 31 décembre 2020 d’un actif immobilisé de … euros, de sorte qu’elle disposait de fonds largement suffisants au paiement de sa dette fiscale de … euros. S’il est encore vrai qu’afin de se procurer les liquidités nécessaires au remboursement de sa dette fiscale, la demanderesse sera contrainte de mettre en vente une partie de ses participations, il n’en demeure pas moins que, tel qu’également soulevé par le délégué du gouvernement, elle ne devra procéder qu’à la liquidation de participations pour un montant de … euros. Ce dernier montant parait peu élevé par rapport au montant total des participations détenues par la demanderesse s’élevant à … euros. Le risque d’atteinte à sa réputation, impliqué par une telle liquidation, reste au stade de simple allégation de la part de la demanderesse qui se limite à invoquer un impact sur son attractivité ainsi que « des modifications et renégociations de leur financement existant auprès des institutions de crédits ». Ces affirmations, à défaut d’un quelconque élément concret à leur appui et au vu du montant peu élevé sur lequel devra porter la liquidation par rapport au montant total des actifs immobilisés détenus par la demanderesse, restent donc simplement hypothétiques et ne permettent pas d’établir l’existence d’un préjudice grave et définitif, dépassant le simple inconfort financier, du fait des décisions déférées, dans le chef de la demanderesse.

Au-delà de ce premier constat, il appert ensuite, tel qu’également souligné par le délégué du gouvernement, qu’il ressort des comptes annules de l’année 2020 que la société demanderesse a procédé à une distribution de dividendes d’un montant de … euros. Si la société demanderesse bénéficie certes d’une pleine liberté de gestion, elle ne saurait toutefois actuellement se prévaloir d’un manque de trésorerie pour faire face à ses dettes fiscales, alors que ce manque de trésorerie résulte notamment de ses propres choix économiques et de la gestion de la société demanderesse.

En effet, en se plaçant délibérément dans une situation économique telle qu’elle est dépourvue des liquidités nécessaires au paiement de sa dette fiscale, la société demanderesse s’est, par sa propre gestion financière, exposée au risque de devoir procéder à la licitation d’une partie restreinte de ses participations, de sorte qu’elle est malvenue de soutenir que ce serait l’exécution de l’imposition litigieuse qui lui causerait un préjudice.

Confronté à ce constat par le délégué du gouvernement, à l’audience publique des plaidoiries, le litismandataire de la demanderesse a expliqué que la décision de procéder à une distribution de dividendes aurait été prise bien avant l’intervention de la décision directoriale du 9 décembre 2020.

Il convient toutefois de constater que la décision du directeur du 9 décembre 2020 est intervenue sur réclamation introduite par la demanderesse contre le bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux émis le 12 février 2020. Ledit bulletin était, en vertu du principe du caractère immédiatement exécutoire des actes administratifs, exécutoire à compter de février 2020. Il s’y ajoute qu’il ressort des documents versés en cause que, tel que relevé par le délégué du gouvernement, le bureau d’imposition s’était adressé en date du 14 août 2019, donc bien avant l’année 2020, à la société demanderesse pour lui signaler qu’il venait de constater des faits qualifiables d’abus de droit, de sorte que l’imposition du montant de … euros se ferait selon un taux de retenue de 15% et que l’impôt à payer « s’élèvera à … EUR ». La société demanderesse était donc, au plus tard, à compter de la date du 14 août 2019 au courant du fait qu’elle devrait faire face à une imposition d’… d’euros, elle est partant malvenue d’expliquer la distribution de dividendes au cours de l’année 2020 par le fait que cette décision aurait été adoptée à un moment où elle aurait ignoré qu’elle allait être confrontée à une dette fiscale.

Il suit de ce qui précède que la demanderesse n’a pas établi à suffisance que l’exécution de la décision du 9 décembre 2020 risque de lui causer un préjudice grave et définitif, de sorte qu’il y a lieu de la débouter de sa demande en institution d’un sursis à exécution, sans examiner davantage la question du sérieux des moyens soulevés au fond à l’encontre de ladite décision du directeur du 9 décembre 2020, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une des conditions légales entraîne à elle seule l’échec de la demande.

• Quant à la décision du directeur du 14 décembre 2020 Par sa décision du 14 décembre 2020, citée in extenso ci-avant et dont la demanderesse sollicite également la suspension de l’exécution, le directeur a rejeté la réclamation dirigée par la demanderesse contre la décision du bureau d’imposition de ne pas faire droit à sa demande en obtention d’un sursis à exécution du bulletin de la retenue d’impôts sur les revenus de capitaux de l’année 2017, émis le 12 février 2020.

Tel que relevé ci-avant, un sursis à exécution ne peut être décrété, en vertu de l’article 11 de la loi du 21 juin 1999, qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

En ce qui concerne la question du préjudice grave et définitif il convient d’abord de constater que la requête en sursis à exécution de la demanderesse ne contient aucune explication quant à un éventuel préjudice causé par la décision directoriale du 14 décembre 2020. Ladite requête ne prend position que par rapport à la décision directoriale du 9 décembre 2020. De même, à l’audience publique des plaidoiries, le litismandataire de la demanderesse n’a pas davantage fourni d’explication quant à un éventuel préjudice causé par la décision du 14 décembre 2020.

Par ailleurs, la soussignée vient de retenir que la demanderesse n’a pas établi à suffisance que l’exécution de la décision du directeur du 9 décembre 2020 lui cause un préjudice grave et définitif de sorte qu’elle était à débouter de sa demande en sursis à exécution à cet égard.

Si la demanderesse reste en défaut d’établir à suffisance l’existence d’un préjudice lui causé par la décision directoriale du 9 décembre 2020, ayant rejeté la réclamation contre le bulletin de la retenue d’impôts sur les revenus de capitaux de l’année 2017, elle reste a fortiori en défaut d’établir un quelconque préjudice lui causé par la décision du 14 décembre 2020, ayant rejeté la réclamation contre la décision du bureau d’imposition refusant, à son tour, d’accorder un sursis à exécution du bulletin de la retenue d’impôts sur les revenus de capitaux de l’année 2017, d’autant plus qu’elle n’avance aucun moyen distinct à l’encontre de la décision du 14 décembre 2020.

Il suit de ce qui précède que la demanderesse n’a pas non plus établi à suffisance que l’exécution de la décision du 14 décembre 2020 risque de lui causer un préjudice grave et définitif, de sorte qu’il y a lieu de la débouter de sa demande en institution d’un sursis à exécution, sans examiner davantage la question du sérieux des moyens soulevés au fond à l’encontre de ladite décision du directeur du 14 décembre 2020, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une des conditions légales entraîne à elle seule l’échec de la demande.

Par ces motifs, la soussignée, premier vice-président du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président, légitimement empêché, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 septembre 2021 par Françoise Eberhard, premier vice-président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27 septembre 2021 Le greffier du tribunal administratif 17


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46443
Date de la décision : 27/09/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-09-27;46443 ?

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