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04/05/2021 | LUXEMBOURG | N°45850

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 mai 2021, 45850


Tribunal administratif N° 45850 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 avril 2021 Audience publique du 4 mai 2021 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par l’ASSOCIATION LUXEMBOURGEOISE DES EMPLOYES DE BANQUE ET D’ASSURANCE (ALEBA) asbl, Luxembourg, en présence de la Confédération Syndicale Indépendante du Luxembourg (OGBL) ainsi que de Madame Nora BACK et de Madame Véronique EISCHEN, ainsi que de la Confédération Luxembourgeoise des Syndicats Chrétiens (LCGB) et de Monsieur Patrick DURY, de Monsieur Francis LOMEL et de Monsieur Paul DE ARAUJO

, en matière de représentativité syndicale

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Tribunal administratif N° 45850 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 avril 2021 Audience publique du 4 mai 2021 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par l’ASSOCIATION LUXEMBOURGEOISE DES EMPLOYES DE BANQUE ET D’ASSURANCE (ALEBA) asbl, Luxembourg, en présence de la Confédération Syndicale Indépendante du Luxembourg (OGBL) ainsi que de Madame Nora BACK et de Madame Véronique EISCHEN, ainsi que de la Confédération Luxembourgeoise des Syndicats Chrétiens (LCGB) et de Monsieur Patrick DURY, de Monsieur Francis LOMEL et de Monsieur Paul DE ARAUJO, en matière de représentativité syndicale

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 45850 du rôle et déposée le 2 avril 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Benoît ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’association sans but lucratif ASSOCIATION LUXEMBOURGEOISE DES EMPLOYES DE BANQUE ET D’ASSURANCE ASBL (ALEBA), établie et ayant son siège social à L-2163 Luxembourg, 29, avenue Monterey, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro F3332, agissant par ses représentants légaux, tendant à voir ordonner qu’il soit sursis à l’exécution d’une décision du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire datant du 2 mars 2021 portant retrait de la reconnaissance de l’ALEBA de la qualité de syndicat justifiant de la représentativité dans un secteur particulièrement important de l’économie, cette décision étant encore attaquée au fond par une requête en réformation sinon en annulation introduite le 26 mars 2021, portant le numéro 45819 du rôle ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 15 avril 2021, portant signification de la prédite requête en effet suspensif à :

- la Confédération Syndicale Indépendante du Luxembourg (OGBL), établie et ayant son siège social à L-4170 Esch-sur-Alzette, 60, bd J.F. Kennedy, représentée par son bureau exécutif, sinon son comité exécutif actuellement en fonctions, - Madame Nora BACK, prise en sa qualité de Présidente de l’OGBL, demeurant professionnellement à L-4170 Esch-sur-Alzette, 60, bd J.F. Kennedy, - Madame Véronique EISCHEN, prise en sa qualité de Secrétaire Centrale de l’OGBL, demeurant professionnellement à L-4170 Esch-sur-Alzette, 60, bd J.F. Kennedy, - la Confédération Luxembourgeoise des Syndicats Chrétiens (LCGB), établie et ayant son siège social à L-1351 Luxembourg, 11, rue du Commerce, représentée par son comité directeur actuellement en fonctions, - Monsieur Patrick DURY, pris en sa qualité de Président National du LCGB, demeurant professionnellement à L-1351 Luxembourg, 11, rue du Commerce, - Monsieur Francis LOMEL, pris en sa qualité de Secrétaire Général du LCGB, demeurant professionnellement à L-1351 Luxembourg, 11, rue du Commerce, - Monsieur Paul DE ARAUJO, pris en sa qualité de Secrétaire Syndical du LCGB, demeurant professionnellement à L-1351 Luxembourg, 11, rue du Commerce, Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu la note de plaidoiries communiquée par Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRÜCK en date du 27 avril 2021 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Maître Benoît ENTRINGER pour l’ALEBA, Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRÜCK, ainsi que Maître Romain ADAM pour les parties OGBL, BACK et EISCHEN, et Maître Déborah SUTTER, en remplacement de Maître Jean-Marie BAULER pour les parties LCGB, DURY, LOMEL et DE ARAUJO, entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 avril 2021.

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Par décision du 2 mars 2021, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire, ci-après « le ministre », procéda au retrait de la reconnaissance de l’ALEBA de sa qualité de syndicat justifiant de la représentativité dans un secteur particulièrement important de l’économie, ladite décision étant formulée comme suit :

« Vu les articles L. 161-3 à L. 161-8 du Code du travail ;

Vu la demande de retrait de la reconnaissance comme syndicat justifiant de la représentativité dans un secteur particulièrement important de l’économie luxembourgeoise, en l’occurrence celui des « banques et assurances », accordée à l’Association luxembourgeoise des employés de banque et d’assurance (ALEBA) par arrêté ministériel du 2 mars 2005, présentée le 12 novembre 2020 par les syndicats OGBL et LCGB sur base de l’article L. 161-

8, paragraphe 3;

Vu l’avis circonstancié de l’inspection du travail et des mines du 23 février 2021 établi conformément à l’article L. 161-8, paragraphe 1er du Code du travail ;

Considérant que la demande introduite par les syndicats OGBL et LCGB remplit les conditions de forme alors qu’elle a été remise en main propre, est motivée et est appuyée par des pièces ;

Considérant que les syndicats OGBL et LCGB, en tant que syndicats justifiant de la représentativité nationale générale, sont signataires des conventions collectives de travail des salariés des secteurs des banques et des assurances ;

Considérant que l’ABBL a partiellement dénoncé en date du 11 novembre 2020 la convention collective de travail des salariés du secteur des banques et que, conformément à l’article L.162-10, paragraphe 1er du Code du travail, ceci vaut demande d’ouverture des négociations au sens de l’article L. 162-2 du même code ;

2 Considérant que les syndicats OGBL et LCGB, en tant que syndicats justifiant de la représentativité nationale générale, font d’office partie de la commission de négociation à constituer en application de l’article L. 162-1, paragraphe 1er du Code du travail ;

Considérant dès lors que les syndicats OGBL et LCGB ont un intérêt né et actuel ;

Considérant qu’en date du 2 mars 2005 l’Association luxembourgeoise des employés de banque et d’assurance (ALEBA) a été reconnue comme syndicat justifiant de la représentativité dans un secteur particulièrement important de l’économie luxembourgeoise en l’occurrence pour le secteur « banques et assurances » sur base des résultats obtenus lors des élections de novembre 2003 dans le groupe 3 de la Chambre des employés privés ;

Considérant que dans le cadre de la fusion de l’ancienne Chambre des employés de l’ancienne Chambre de travail l’intitulé du groupe a été modifié mais la composition est même ;

Considérant que l’Association luxembourgeoise des employés de banque et d’assurance (ALEBA) a présenté des listes et obtenu des élus lors de la dernière élection pour la Chambre des salariés et remplit donc le critère prévu au point 1 de l’article L. 161-7 du code du travail;

Considérant que lors de ces élections l’Association luxembourgeoise des employés de banque et d’assurance (ALEBA) n’a obtenu que 49,22% des voix dans le groupe 4 « Banques et Assurances/services financiers et intermédiation financière » et que dès lors le critère prévu au point 2 premier tiret de l’article L. 161-7 du Code du travail n’est plus rempli ;

Considérant que la demande de retrait présentée conjointement par les syndicats OGBL et LCGB est fondée ;

Considérant que les pièces évoquées dans ce qui précède font partie intégrante du dossier et de la motivation du présent arrêté ;

Arrête:

Art. 1er. La reconnaissance comme syndicat justifiant de la représentativité dans un secteur particulièrement important de l’économie luxembourgeoise, en l’occurrence celui des « banques et assurances », est retirée à l’Association luxembourgeoise des employés de banque et d’assurance (ALEBA).

Art. 2. L’arrêté ministériel du 2 mars 2005 portant reconnaissance à l’Association luxembourgeoise des employés de banque et d’assurance (ALEBA) de la qualité de syndicat justifiant de la représentativité pour les employés privés dans un secteur particulièrement important de l’économie est abrogé.

Art. 3. Le présent arrêté est notifié aux parties intéressées et sa publication au Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg est ordonnée ».

Partant, par une requête introduite le 26 mars 2021, portant le numéro 45819 du rôle, l’ALEBA a introduit un recours en réformation, sinon en annulation contre la prédite décision de retrait et par requête séparée, inscrite sous le numéro 45850 du rôle et déposée le 2 avril 3 2021 au greffe du tribunal administratif, elle a encore sollicité le sursis à exécution de cette même décision.

L’ALEBA fait soutenir que l’exécution de cette décision risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif.

L’ALEBA estime encore que son recours au fond aurait de sérieuses chances de succès de voir annuler la décision querellée.

A cet égard, elle affirme que la décision entreprise violerait « indubitablement le droit luxembourgeois », ainsi que le droit international et « notamment des conventions de l’OIT » telles qu’elles ont été transposées en droit national par une loi de 1958.

Devant les juges du fond, elle conteste d’abord l’existence du rapport exigé par l’article L.161-8 (1) du Code du Travail, lequel prévoit que la décision portant retrait de reconnaissance de la représentativité d’un syndicat présuppose un rapport préalable circonstancié établi par l’Inspection du Travail et des Mines.

Si elle admet que le ministre lui a bien communiqué en date du 8 mars 2021 un document indiquant être un rapport circonstancié émanant de l’Inspection du Travail et des Mines (ci-après « ITM »), elle relève que ce document ne serait pas signé et ne serait pas rédigé sur le papier à entête de l’ITM, de sorte qu’il serait impossible d’en connaître l’auteur, de même que ledit document en comporterait pas de date, de sorte qu’il serait impossible de considérer que ce rapport serait préalable à la décision du ministre.

L’ALEBA affirme ensuite que comme les dernières élections aux Chambres professionnelles remonteraient au mois de mars de l’année 2019, de sorte que le ministre aurait pour le moins approuvé tacitement en fait une situation existante depuis deux années et qu’il n’y aurait donc pas « d’intérêt né et actuel » à la base de la décision de retrait.

Elle insiste encore sur le fait que cette situation aurait créé des droits qui ne sauraient être retirés au profit de deux centrales syndicales concurrentes, tout en relevant que le moment choisi serait particulièrement inopportun puisque dans les secteurs « banques et assurances » des conventions collectives seraient venues à échéance et des négociations seraient en cours en vue de modifier celles-ci pour une nouvelle période de 3 années.

L’ALEBA considère dans le cadre de son troisième moyen que la base légale retenue par le ministre serait erronée, à savoir que le critère prévu au point 2, 1er tiret de l’article L.161-

7 du Code du travail ne serait plus rempli, l’ALEBA critiquant encore la motivation factuelle de l’arrêté ministériel, à savoir le fait qu’elle n’aurait obtenu que 49,22% des voix dans le groupe 4 « banques et assurances - services financiers et intermédiation financière », en faisant exposer que contrairement à l’appréciation ministérielle il y aurait non pas une mais deux conventions collectives, l’une pour les banques, l’autre pour les assurances ou entreprises assimilées, de sorte l’article L.161-7 point 2, 1er tiret, ne serait pas applicable, « le groupe » y visé ne coïncidant pas avec le champ d’application de l’une ou de l’autre convention collective, l’ALEBA en concluant que serait tout au plus applicable la partie du même article prévoyant qu’ « au cas où le groupe de la Chambre des salariés ne coïncide pas entièrement avec le champs d’application de la convention collective concernée ou si le groupe est composé totalement ou partiellement de salariés non couverts par le champ d’application du présent 4 titre, la majorité requise doit être de 50% des voix lors des dernières élections aux délégations du personnel du secteur défini, conformément à l’article L 161-6 paragraphe 2 » L’ALEBA entend encore préciser que suivant l’article L.162-1(1) du Code du travail, pris en son numéro 3, « doivent être admis à la commission des négociations le ou les syndicats ayant obtenu isolément ou ensemble 50% des suffrages au moins lors de la dernière élection pour les délégations du personnel dans les entreprises ou établissements relevant du champ d’application de la convention collective. », ce qui prouverait que « l’exigence professionnelle est une exigence butoir pour ALEBA, exigence qui n’a strictement rien à voir avec une représentativité a minima ».

Enfin, elle expose que ce ne serait pas la première fois qu’elle aurait fait valoir en justice sa représentativité et sa capacité de signer des conventions collectives, et elle explique que suite à une plainte qu’elle aurait adressée au Bureau International du Travail à Genève, en date du 13 juillet 1998, le Comité de la liberté syndicale, organe de l’O.I.T. elle-même organe de l’ONU, aurait pris une recommandation à l’adresse du Luxembourg invitant le gouvernement luxembourgeois en particulier à « réexaminer la situation à la lumière de ses conclusions et (…) de prendre les mesures nécessaires pour qu’une organisation dont le caractère représentatif, constaté conformément aux principes de l’OIT, dans un secteur serait objectivement démontré et qui présenterait un caractère avéré d’indépendance puisse signer, au besoin seule, des conventions collectives, et ce en vue de rendre la pratique luxembourgeoise pleinement conforme à la liberté syndicale ».

Elle relate encore que suite à cette recommandation, la Cour Administrative aurait rendu deux arrêts, dont un enrôlé sous le n°12533C, aurait retenu que l’ALEBA « doit être comptée parmi les organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national est justifiée à suffisance par l’importance numérique de l’organisation dans la catégorie des employés privés et spécialement dans le groupe III « banques et assurance » ainsi que par l’importance de ses activités, comme par exemple celle de faire fonction de chef de file dans les négociations du secteur « banques et assurances », sans que l’appréciation ne doive, pour être positive, s’appuyer pour le surplus sur l’existence des activités dans un ou plusieurs autres secteurs de l’économie », ce qui aurait amené le législateur a adopter la loi du 30 juin 2004 pour accorder la législation luxembourgeoises avec la recommandation citée ci-avant et les deux arrêts de la Cour administrative, mais que suite à la codification du droit du travail par la loi du 31 juillet 2006, l’ALEBA aurait à nouveau été rétrogradée et la nouvelle législation lui aurait à nouveau enlevé les droits lui accordés en 2004.

La partie requérante en déduit qu’il serait partant « clair » que le caractère de représentativité nationale de l’ALEBA, reconnue par le comité des libertés syndicales de l’O.I.T. et par les arrêts du 28 juin 2001, aurait d’abord été rétrogradé en représentativité sectorielle en 2004, puis abandonné purement et simplement en 2006 dans le seul but de protéger les centrales syndicales OGBL et LCBG, dites à représentativité nationale.

Le représentant de l’Etat, rejoint en l’essence de ses plaidoiries par les représentants des parties tiers-intéressées, conclut au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause.

En vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, 5 l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, tandis que le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

En ce qui concerne plus particulièrement l’examen de la deuxième condition énoncée par l’article 11 de la loi du 21 juin 1999 pour justifier une mesure de sursis à exécution, à savoir que les moyens présentés par la partie requérante à l’appui de son recours au fond soient suffisamment sérieux, il y a lieu de rappeler que concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Ainsi, le juge des référés est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’il constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès. Il s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire : en d’autres termes, les moyens doivent offrir une apparence de droit suffisante ou un degré de vraisemblance tel que l’on peut nourrir des doutes importants quant à la légalité de l’acte1.

1 Trib. adm (prés.) 14 avril 2016, n° 37733, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 592, et les autres références y citées.

6 Si une certaine doctrine estime certes qu’il ne saurait être admis que lorsque l’évaluation du caractère fondé des moyens proposés à l’appui d’une demande de suspension ou d’institution d’une mesure de sauvegarde nécessite un examen poussé non différent de celui auquel il devra être procédé dans le cadre de la procédure au fond, le juge du référé ne pourrait pas admettre que lesdits moyens sont sérieux, puisqu’un tel raisonnement aboutirait à exclure d’office du champ des référés tout recours qui susciterait des questions juridiques complexes, ce qui viderait la protection juridictionnelle d’une partie de sa substance2, cette position méconnaît toutefois que la procédure de référé, fondée sur un examen prima facie, n’est pas conçue pour établir la réalité de faits complexes et hautement controversés : en effet, le juge des référés ne dispose pas des moyens nécessaires pour procéder à de tels examens, ne bénéficiant d’ailleurs pas de l’éclairage dont bénéficie le juge du fond à travers les mémoires en réponse, en réplique et en duplique et, dans de nombreux cas, il ne serait que difficilement à même d’y parvenir en temps utile. Ainsi, l’office même du juge des référés l’empêche d’exercer un contrôle semblable à celui du juge du fond qui aura un pouvoir d’investigation plus important : le juge des référés ne doit ainsi pas se fonder sur des appréciations réservées au juge du fond.

Il convient encore de souligner que le caractère sérieux dépend également fondamentalement de la qualité de la démonstration des droits menacés3, et en particulier de l’articulation de moyens de droit cohérents et précis, l’exposé d’un moyen de droit requérant non seulement de désigner la règle de droit qui serait violée, mais également la manière dont celle-ci aurait été violée par l’acte attaqué, un moyen vaguement ébauché, non autrement précisé, ne pouvant en tout état de cause être considéré comme ne présentant ne serait-ce qu’une apparence de sérieux.

Le soussigné tient en effet également à rappeler que, l’institution d’une mesure provisoire devant rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’elle constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

Ainsi, le Conseil d’Etat français a rappelé4 que le caractère exécutoire des actes administratifs est « la règle fondamentale du droit public et que le sursis à exécution n’est pour le juge qu’une simple faculté, alors même qu’existent des moyens sérieux d’annulation et un préjudice difficilement réparable ». Pour cette raison, le sursis reste pour la Haute juridiction française « anormal, puisqu’il entrave le pouvoir de création juridique des autorités administratives et jette la suspicion sur un acte qui bénéficie d’une présomption de légalité »5.

Le juge du référé appréciera partant si un moyen est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse, et ce eu égard à son office.

Il prendra donc en compte la situation juridique en s’en tenant à l’évidence et sans trancher des questions de droit qui ne l’ont pas encore été. L’évidence se définit communément comme la « qualité de ce qui emporte l’assentiment immédiat de l’esprit en s’imposant à lui de façon 2 Contentieux administratif luxembourgeois, Pas. adm. 2020, p.97.

3 Trib. adm. (prés.) 22 mars 2019, n° 42434 ; trib. adm. (prés.) 5 avril 2019, n° 42557 ; trib. adm. (prés.) 14 juin 2019, n° 43039.

4 Conseil d’Etat fr., 2 juillet 1982, Huglo, Rec. p. 257.

5 Morand-Deviller Jacqueline, « Le contrôle de l’administration : la spécificité des méthodes du juge administratif et du juge judiciaire », in Dupuis Georges (Dir.), Le contrôle juridictionnel de l’administration - Bilan critique, Paris : Économica, 1991, p. 190 7 claire et distincte »6. Elle est caractérisée par son immédiateté, par ce qu’elle ne nécessite aucune démonstration ni aucun raisonnement préalable pour être regardée comme vraie7 :

l’évidence est partant une qualité dont est paré le fait ou le raisonnement qui, portant en lui révélation de son existence ou de son bien-fondé, vaut preuve de lui-même et dispense d’autre preuve ou d’autre démonstration8.

Le juge du référé ne peut ainsi en aucun cas tirer d’enseignements et encore moins de conclusions définitives lorsqu’il analyse la condition du caractère sérieux car il ne devra procéder uniquement qu’à un « premier examen » sans anticiper sur l’appréciation, sur le contrôle qu’effectuera le juge du fond. Cet examen se veut sommaire et basé sur les seuls éléments en possession de ce juge ou qui peuvent lui être apportés lors de l’audience. Il doit, en quelque sorte, seulement s’en référer à son intuition provenant de la lecture du dossier, tout en gardant à l’esprit que le juge du fond pourra toujours revenir sur la mesure prononcée en effectuant un contrôle approfondi du dossier.

Ainsi, un moyen est sérieux lorsqu’il laisse présager, aux termes d’une analyse sommaire, une probable réformation ou annulation : un moyen sérieux fait pressentir une annulation ou réformation, tandis que l’examen du caractère sérieux d’un tel moyen se caractérise par son caractère prima facie.

Ce caractère de sérieux peut résulter d’une situation de fait ou de droit manifeste (un élément matériel important a été ignoré, une disposition légale n’a été manifestement pas appliquée) ou encore d’une jurisprudence à tout le moins solidement établie ; le caractère sérieux dépend dès lors également fondamentalement de la qualité de la démonstration des droits menacés : le simple fait de transcrire l’argumentation développée devant les juges du fond, respectivement de s’y référer peut, face à des matières ou questions complexes, s’avérer de ce point de vue insuffisant.

C’est pourquoi le juge du provisoire doit prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

Ne présente en revanche pas un caractère sérieux suffisant, un moyen soulevant un simple doute quant à l’issue du recours, un moyen basé sur une jurisprudence fluctuante ou minoritaire ou lorsqu’il n’existe pas de jurisprudence qui permettrait de répondre aisément aux questions devant être tranchées en l’espèce par le jugement à rendre ultérieurement sur le fond, surtout lorsqu’il s’agit de questions de principe inédites qui ne sauraient être tranchées, pour la première fois, par le juge des référés, mais requièrent un examen approfondi dans le cadre de la procédure principale : le juge du référé est réellement le juge de l’évidence car il est cantonné à une position, sur ce problème, d’archiviste se contentant de reprendre à son compte une position adoptée par une autre juridiction9.

Si la solution du problème conduit le juge des référés à une appréciation juridique motivée qui fait la part entre la thèse de l’un et celle de l’autre, il excède ses pouvoirs dans la 6 Trésor de la langue française.

7 Le Littré la définit ainsi comme « notion si parfaite d’une vérité qu’elle n’a pas besoin d’autre preuve ».

8 G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 8e éd., 2000.

9 J. Piasecki, L’office du juge administratif des référés : Entre mutations et continuité jurisprudentielle. Droit, Université du Sud Toulon Var, 2008, n° 337, p.197.

8 mesure où il est obligé de discuter juridiquement pour écarter l’une de ces thèses qui est donc forcément sérieuse. Lorsque le juge des référés, pour repousser une contestation, est obligé de bâtir un raisonnement juridique que ne dénierait pas un juge du fond, il va au-delà de ses pouvoirs10.

Enfin, il convient de souligner que la requête en obtention d’une mesure provisoire s’appuie directement et uniquement sur les moyens invoqués au fond, le juge statuant au provisoire étant uniquement appelé à apprécier le sérieux des moyens effectivement invoqués au fond.

Il y a en effet lieu de distinguer entre les moyens nouveaux proposés en cours d’instance devant le juge du fond, admissibles comme constituant la contrepartie du droit de l’autorité qui a pris une décision litigieuse de fournir, en cours d’instance, des motifs non invoqués dans la décision critiquée mais de nature à la justifier légalement, et ceux invoqués devant le seul magistrat appelé à prendre une mesure provisoire, ce dernier ne pouvant avoir égard à ces moyens, étant donné que sa juridiction s’inscrit étroitement dans le cadre du litige dont est saisi le juge du fond et qu’il n’est appelé qu’à apprécier le sérieux des moyens produits devant le juge du fond11, c’est-à-dire les moyens figurant à ce stade dans la requête introductive d’instance enrôlée devant le juge au fond, le juge du provisoire ne pouvant plus particulièrement pas tenir compte de moyens qui pourraient figurer postérieurement à sa saisine dans de futurs et hypothétiques mémoires ampliatifs.

Or, en l’espèce, aucun des moyens tels qu’avancés devant les juges du fond et figurant dans le recours en réformation, sinon en annulation ne présentent en l’état d’instruction du dossier le sérieux nécessaire pour justifier la suspension sollicitée.

Ainsi, en ce qui concerne le premier moyen, consistant à soulever une violation de l’article L.161-8 (1) du Code du Travail pour absence de rapport préalable établi par l’ITM, le soussigné ne saurait que constater, tel que résultant d’ailleurs des propres pièces de la partie requérante, que la décision déférée se réfère explicitement à « l’avis circonstancié de l’inspection du travail et des mines du 23 février 2021 établi conformément à l’article L. 161-

8, paragraphe 1er du Code du travail », tandis que l’ALEBA s’est vu notifier par courrier du ministre du 8 mars 2021 un rapport, intitulé « Rapport circonstancié sur base de l’article L.161-8 (1) du Code du travail concernant la demande en retrait de la représentativité sectorielle de l’ALEBA, présentée conjointement par l’OGB-L et le LCGB », ledit rapport débutant par un exposé du champ d’analyse de l’ITM et ayant été formellement identifié par le ministre dans son courrier du 8 mars 2021 comme étant le « Rapport circonstancié de l’inspection du travail et des Mines établi conformément à l’article L.161-8 (1) du Code du travail et sur base duquel l’arrêté ministériel a été pris ».

A défaut de tout indice susceptible de mettre en cause ces faits, le seul constat de l’absence de date, de signature ou de papier à entête identifiant formellement l’ITM comme l’auteur de ce rapport étant insuffisant pour justifier, sur base de ces seules contestations non autrement étayés la mesure provisoire sollicitée, et ce d’autant plus que la loi elle-même ne prescrit manifestement aucune forme particulière pour ledit rapport, de même qu’elle ne prévoit aucune compétence personnelle particulière pour l’établissement dudit rapport, celui-ci devant seulement émaner de l’ITM.

10 Y. Strickler, Le juge des référés, juge du provisoire, thèse, Strasbourg, 1993, p. 96 et 97.

11 Trib. adm. prés. 10 juillet 2002, n° 15086, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 563.

9 Il convient par ailleurs de relever que l’Etat a versé dans le cadre de la communication du dossier administratif un courrier rédigé sur papier à entête de l’ITM adressé le 23 février 2021 par le directeur de l’ITM au ministre lui communiquant ledit rapport « circonstancié », annexé à ce même courrier, partant antérieurement à la décision ministérielle, de sorte que le moyen afférent de l’ALEBA ne paraît pas de nature à devoir entraîner l’annulation de la décision ministérielle déférée, le directeur de l’ITM ayant à première vue identifié ledit rapport comme émanant de ses services.

Le second moyen ne convainc en l’état guère plus.

En effet, dans la mesure de l’intelligibilité de ce moyen tel que figurant dans le recours en réformation, sinon en annulation, qui relève davantage d’une affirmation que d’un moyen de droit, la partie requérante semble contester l’existence d’un « intérêt né et actuel » tel que requis par l’article L-168 (8) 3) du Code du travail - la partie requérante n’ayant pas indiqué la base légale précise dont la violation est alléguée - et ce au motif que le ministre aurait, depuis les dernières élections aux Chambres professionnelles ayant eu lieu au mois de mars 2019, approuvé tacitement une situation de fait qui lui aurait été bien connue.

Ce moyen manque manifestement en droit, l’« intérêt né et actuel » requis par l’article L-168 (8) 3) du Code du travail ne l’est d’évidence pas dans le chef du ministre, mais dans le chef du ou des syndicats qui sollicitent le retrait de la reconnaissance de l’ALEBA de sa qualité de syndicat justifiant de la représentativité dans un secteur particulièrement important de l’économie, la disposition précisant « La décision de retrait est rendue à la requête de tout syndicat justifiant d’un intérêt né et actuel ».

En tout état de cause, une éventuelle reconnaissance tacite par le ministre ne serait, au terme d’une première analyse, pas de nature à dénier un quelconque intérêt dans le chef de l’OGBL et du LCGB, mais éventuellement à soulever la question d’une violation par le ministre du principe de confiance légitime, moyen toutefois non formulé par la requérante.

A titre superfétatoire et de manière à rencontrer l’argumentation supplémentaire développée par l’ALEBA à l’audience, la partie requérante n’ayant pas pris position y relativement dans sa requête, la demande adressée le 12 novembre 2020 par l’OGBL et le LCGB au ministre expose l’intérêt actuel de ces deux syndicats à ce que l’ALEBA se voit retirer sa représentativité dans un secteur national important.

Il résulte ainsi de cette demande adressée le 12 novembre 2020 au ministre que ledit intérêt « né et actuel » dans le chef de ces deux syndicats requérants repose en substance sur le fait que l’ALEBA aurait décidé de faire cavalier seul et aurait arrêté sans concertation avec les autres syndicats un accord de principe avec l’ACA et l’ABBL visant à purement et simplement reconduire les conventions collectives sectorielles concernées, circonstance dont l’OGBL et le LCGB auraient apparemment pris connaissance uniquement par la voie d’un communiqué de presse du 9 novembre 2020 ; cet intérêt déclaré a par ailleurs fait l’objet d’une analyse dans le prédit rapport du 23 février 2021 : la réalité de cet intérêt « né et actuel » dans le chef de ces deux syndicats requérants n’est dès lors en l’état actuel du dossier pas sérieusement énervé.

Le troisième moyen ne présente pas non plus le sérieux nécessaire.

10 En effet, l’ALEBA, si elle conteste la base légale retenue par le ministre, à savoir le critère prévu au point 2, 1er tiret de l’article L.161-7, semble à première vue admettre que la décision aurait dû être basée sur « la partie du même article qui prévoit qu’« au cas où le groupe de la Chambre des salariés ne coïncide pas entièrement avec le champs d’application de la convention collective concernée ou si le groupe est composé totalement ou partiellement de salariés non couverts par le champ d’application du présent titre, la majorité requise doit être de 50% des voix lors des dernières élections aux délégations du personnel du secteur défini, conformément à l’article L 161-6 paragraphe 2 » », l’ALEBA reprochant au ministre d’avoir appliqué la loi sur la prémisse erronée qu’il n'y aurait qu'une seule convention collective au groupe 4, alors qu’il y e aurait deux à savoir l'une pour les banques et l'autre pour le secteur des assurances.

Le ministre a justifié en l’espèce le retrait de la représentativité de l’ALEBA par le fait que le critère prévu au point 2, 1er tiret de l’article L. 161-7 du Code du travail ne serait plus rempli, à savoir le fait que l’ALEBA n’aurait plus obtenu « cinquante pour cent des voix pour le groupe de la Chambre des salariés au cas où le groupe coïncide entièrement avec le champ d’application de la convention collective concernée ».

Force est de constater que ce motif repose manifestement sur l’analyse figurant dans le rapport « circonstancié » établi à première vue par l’ITM, l’ITM n’ayant au terme d’une analyse sommaire pas tablé, contrairement à l’affirmation de l’ALEBA, sur la circonstance qu’il n’y aurait qu’une seule convention collective au groupe 4, alors qu’il y en aurait en fait deux, l’ITM ayant à première vue bien retenu l’existence de deux conventions collectives pour le groupe concerné (« Salariés appartenant au secteur financier des services financiers et de l’intermédiation financière »), à savoir « celle des banques et celle des assurances », tout en estimant néanmoins que « Les conventions collectives coïncident avec le groupe en question, mais il reste des salariés du groupe socioprofessionnel qui ne sont pas couverts par les deux conventions collectives, à savoir les salariés du secteur financier qui ne ressortent ni du secteur bancaire, ni de celui des assurances ».

Il résulte encore de l’analyse de l’ITM que :

« Au regard de l’intention du législateur, ce fait n’est selon nous pas suffisant à lui seul pour exclure l’applicabilité du premier tiret à l’ALEBA.

En effet, selon les travaux parlementaires, le second tiret s’appliquerait dans le cas de groupes hétérogènes. Or, le groupe 4 de la Chambre des salariés n’est pas à considérer comme hétérogène, si l’on en juge les travaux parlementaires :

« Soit le syndicat a obtenu 50% des voix lors des élections pour le groupe de la chambre professionnelle concernant le ou les catégories de salariés visés, mais cela seulement si le groupe en question de la chambre professionnelle coïncide totalement avec le champ d’application de la convention collective ; par exemple, les conventions collectives « banques », « assurances », « auxiliaires financiers », pour lesquels on peut s’imaginer qu’un syndicat revendique la représentativité « sectorielle » au sens de la présente loi, coïncident avec les salariés représentés par un groupe de la Chambre des employés privés ».

En l’espèce, l’ALEBA se revendique être « le syndicat du secteur n°1 du secteur financier » et ne limite plus son activité aux seuls secteurs bancaires et assurance. L’ALEBA intervient d’ailleurs dans le cadre de négociations de conventions collectives d’entreprises 11 faisant partie du secteur financier, mais n’appartenant ni à celui des banques, ni à celui des assurances (i.e. Six Payment Services (Europe), et Post telecom).

Le groupe 4 de la Chambre des salariés constitue par conséquent un groupe homogène pour lequel I’ALEBA affiche expressément son ambition de représenter l’ensemble du groupe.

A titre de comparaison, dans le cadre de l’examen de la demande de l’ALEBA tendant à la reconnaissance dans son chef de la représentativité comme syndicat jouissant d’une représentativité sectorielle pour les employés du secteur « banques et assurances », le premier tiret de la seconde condition de l’article L. 161-7 du Code du travail avait été pris en compte.

Il est certes vrai qu’à cette période, le groupe en question de la Chambre des employés privés, était intitulé « Employés appartenant au secteur des banques et assurances ».

Néanmoins, la seule modification de l’intitulé du groupe en question ne saurait exclure l’application du 1er tiret au regard de l’intention du législateur et des activités de l’ALEBA.

La Chambre des salariés a par courrier du 7 décembre 2020, notifié à l’ITM sa prise de position à cet égard dans les termes suivants : « si l’intitulé du groupe a été adapté lors de la fusion de l’ancienne Chambre de travail avec l’ancienne Chambre des employés privés pour donner lieu à la Chambre des salariés, la composition de ce groupe « Banques et assurances / services financiers et intermédiation financière » ne semble pas avoir été modifiée depuis 2005 ».

La Chambre des salariés estime que cela devrait être à confirmer par les services du ministère du travail.

Il convient partant d’en déduire que la seule modification de l’intitulé du groupe ne saurait suffire à exclure l’application du premier tiret dans la mesure où ta composition de ce groupe est restée inchangée ».

Dans son recours au fond, l’ALEBA n’a pris d’aucune façon position par rapport à cette argumentation circonstanciée, de sorte que celle-ci doit être considérée, en l’état actuel d’instruction du dossier, comme non énervée.

L’ITM a retenu pour conclure qu’au regard des chiffres des dernières élections des délégués à la Chambre des salariés, l’ALEBA n’a obtenu que 49,2% des votes, de sorte que le seuil des 50% n’est pas respecté, constat non contesté par la requérante.

Enfin, l’ITM a encore procédé à une analyse approfondie de la base légale alternative actuellement proposée par l’ALEBA, à savoir l’article L. 161-7, point 2, deuxième tiret, du Code du travail, pour conclure à la non-application de cette disposition précise.

L’ALEBA n’a aucunement pris position dans sa requête par rapport à cette analyse, de sorte que celle-ci et sa conclusion doivent également être considérées, en l’état actuel d’instruction du dossier et des moyens de la partie requérante, comme non énervées.

En ce qui concerne les développements figurant sous les points 2.4, 2.5, 2.6 et 2.7 de la requête au fond de la partie requérante, le soussigné peine à en déceler la pertinence, s’agissant essentiellement d’affirmations, mais non de moyens cohérents et précis: il s’agit en effet, dans une très large partie, tout au plus de moyens simplement ébauchés, voire suggérés, qui ne 12 présentent tels quels pas le sérieux requis, étant rappelé que selon la jurisprudence des juges du fond, des moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, ne sont pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.

La requérante, si elle cite une recommandation du comité de la liberté syndicale de l’OIT, reste en particulier en défaut d’en tirer une quelconque conclusion juridique susceptible de justifier une future annulation de la décision déférée, la requérante semblant plutôt critiquer le choix du législateur lors de la formulation actuelle de l’article L.162-1 du Code du travail, sans avancer de quelconque moyen susceptible d’entrainer l’annulation de la décision ministérielle individuelle actuellement déférée, par exemple en invoquant une norme supérieure conventionnelle contraignante ou constitutionnelle violée par la disposition légale nationale incriminée, étant souligné que si l’OIT peut adopter des normes contraignantes sous la forme de traités internationaux à ratifier par les Etats membres, ses recommandations ne constituent a priori que des principes directeurs à caractère non contraignant.

Quant à l’invocation de deux arrêts de la Cour administrative, force est de constater que si ceux-ci ont apparemment abordé la question factuelle de la représentativité de l’ALEBA, ces arrêts ont été rendus en 2001 manifestement dans un cadre légal différent et actuellement abrogé, à savoir l’article 2 de la loi du 12 juin 1965 concernant les conventions collectives de travail, et plus précisément l’alinéa 3 de l’article 2 aux termes duquel étaient « considérées comme organisations syndicales les plus représentatives, celles qui se signalent par le nombre important de leurs affiliés, par leurs activités et par leur indépendance », sans que la requérante n’explique dans quelle mesure cette disposition abrogée et la conclusion que la Cour administrative en a tiré à l’époque seraient actuellement de nature à énerver légalement l’analyse du ministre reposant sur l’actuel article L. 161-7 du Code du travail.

Ces moyens, dans la mesure où il s’agit de moyens juridiques et non de simples critiques relevant davantage de la politique, ne présentent pas le sérieux requis.

Etant donné que l’une des conditions cumulatives pour prononcer un sursis à exécution, en l’occurrence la condition de l’existence de moyens sérieux, n’est pas remplie en l’espèce, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette la demande en obtention d’une mesure provisoire, condamne la partie requérante aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 mai 2021 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

13 s.Xavier Drebenstedt s.Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 mai 2021 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 45850
Date de la décision : 04/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-05-04;45850 ?

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