Tribunal administratif N° 45921 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 avril 2021 Audience publique du 29 avril 2021 Requête en instauration d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Douanes et Accises en matière de congé sans traitement
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 45921 du rôle et déposée le 21 avril 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc KOHNEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire d’Etat, demeurant à …, tendant à voir instaurer une mesure de sauvegarde par rapport à une décision, ainsi qualifiée, du directeur de l’administration des Douanes et Accises du 15 avril 2021 lui ayant refusé l’octroi d’un congé sans traitement pour raisons professionnelles, la requête s’inscrivant dans le cadre d’un recours en réformation sinon en annulation ayant été déposé le même jour, inscrit sous le numéro 45920 du rôle, dirigé contre la même décision ;
Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées et notamment la décision déférée ;
Maître Marc KOHNEN ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 avril 2021.
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Monsieur …, … au sein de l’administration des Douanes et Accises, adressa en date du 10 février 2021 une demande de congé sans traitement pour la durée de deux ans à partir du 1er mai 2021 au ministre des Finances, demande libellée comme suit :
« Je soussigné …, matricule … affecté en tant … au sein de l’Administration des Douanes et Accises, tiens à vous informer que j’envisage de faire un changement d’administration.
Après la réussite de mon examen de promotion en 2017 dans la carrière D1, j’ai repris en 2018 mes études à l’Université de Lorraine à Metz. Après l’obtention de mon diplôme ainsi que l’équivalence de ce diplôme au Luxembourg, j’ai effectué avec succès l’examen concours de l’administration générale dans la carrière B1 du rédacteur.
La réussite de l’examen-concours m’a permis de postuler pour une place au sein de mon administration dans la carrière B1 du rédacteur. Malheureusement mes demandes n’ont pas été prises en considération en 2019 en raison du résultat de mon examen spécial, et en 2020, ma candidature pour l’épreuve spéciale n’a pas été retenue, vu le changement inattendu des critères de présélection fixés par mon administration.
1 Après ne pas avoir été pris en considération par mon administration à deux reprises, et vu mes compétences très considérées par mes supérieurs hiérarchiques en tant qu’…, ainsi que ma motivation à évoluer dans ma carrière, j’ai décidé en novembre 2020 de postuler pour un poste vacant dans la carrière de rédacteur au sein de la Police Grand-ducale.
Ayant déjà effectué et réussi l’examen de langues, le test sportif et psychologique, et suite à mon entretien avec la commission de recrutement de la Police Grand-ducale en date du 1er février 2021, je suis à présent en attente de leur réponse positive qui est prévue pour début mars 2021.
Sachant que le début de stage à l’école de police est fixé au 1er mai 2021, je me vois dans l’obligation de déjà vous faire parvenir ma demande de congé sans traitement afin de respecter les délais en cas de réponse favorable de leur part.
Conformément à l’article 30 (1.b) de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’État, je sollicite donc votre accord afin de pouvoir bénéficier d’un congé sans traitement pour raisons professionnelles d’une durée de 2 ans à partir du 1er mai 2021 jusqu’au 30 avril 2023.
Cependant, en cas de réponse défavorable de la part de la Police Grand-Ducale, je vous prie de considérer ma demande d’un congé sans traitement pour raisons professionnelles comme nulle et non avenue.
Si tel devait être le cas, je vous en informerai dans les meilleurs délais. (…) » Le ministre des Finances émit en date du 25 mars 2021 une décision défavorable, motivée en les termes suivants :
« Monsieur le Directeur, En réponse à votre lettre du 25 février 2021 concernant l’objet sous rubrique j’ai l’honneur de vous informer que je me rallie à votre avis défavorable et décide par conséquent de ne pas accorder un congé sans traitement pour raisons professionnelles à Monsieur … (…), … auprès de votre administration.
Comme le nombre de fonctionnaires du groupe de traitement D1 de votre administration se prévalant d’un diplôme secondaire décerné suite à des études auprès de l’Université de Lorraine à Metz et formulant des revendications de carrière plus élevée s’accroit, je supporte votre décision de ne pas brader vos postes vacants dans le groupe de traitement B1 par complaisance à des fonctionnaires du groupe de traitement D1.
Si les fonctionnaires internes de votre administration non retenus pour un poste dans le groupe de traitement décident de postuler un poste vacant auprès d’une autre administration, je me rallie à votre avis que dans ce cas l’accord d’un congé sans traitement pour raisons professionnelles ne se justifiera pas et risquera même d’être contreproductif à l’intérêt du service.
Je vous prie de bien vouloir notifier ma décision à l’intéressé. (…) » 2Par courrier du 31 mars 2021, le directeur de l’administration des Douanes et Accises transmit la décision négative du ministre des Finances à Monsieur …, tout en l’informant de son droit d’être entendu en ses observations.
Monsieur … fut entendu en ses explications en date du 14 avril 2021.
Le 15 avril 2021, le directeur de l’administration des Douanes et Accises adressa le courrier suivant à Monsieur …, ledit courrier comportant au verso une indication des voies de recours :
« (…) Prenant référence à mon courrier du 31 mars 2021 et suite à notre entrevue du 14 avril 2021 organisé conformément à l’article 31 du règlement grand-ducal du 3 février 2012 fixant le régime des congés des fonctionnaires et employés de l’Etat, je vous notifie par la présente la décision de refus de donner une suite favorable à votre demande de congé sans solde du 10 février 2021 ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 avril 2021, inscrite sous le numéro 45920 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en réformation sinon en annulation dirigé contre la décision, ainsi qualifiée1, du directeur de l’administration des Douanes et Accises du 15 avril 2021, et par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 45921 du rôle, il sollicite l’instauration d’une mesure de sauvegarde libellée comme suit : « Ordonner la suspension de la décision notifiée au requérant et entreprises par recours devant le tribunal administratif, Ordonner un congé sans traitement provisoire à l’égard du requérant et ce à partir du 3 mai 2021 jusqu’à décision définitive, subsidiairement et pour le moins jusqu’au 3 mai 2023, Subsidiairement, ordonner toute autre mesure de sauvegarde permettant au requérant de ne pas démissionner de son poste actuel auprès de l’Administration des Douanes et accises jusqu’à décision définitive sans pour autant encourir généralement de sanction à ce sujet ».
Le requérant estime que les conditions requises par la loi pour obtenir une mesure de sauvegarde par rapport à la décision directoriale du 15 avril 2021 seraient remplies en l’espèce, à savoir que l’exécution de celle-ci risquerait de lui causer un préjudice grave et irréparable et que par ailleurs, les moyens invoqués contre la mesure apparaîtraient comme sérieux, le requérant renvoyant dans ce contexte aux arguments développés dans son recours au fond, lesquels peuvent, en substance, être résumés comme suit :
Monsieur … s’empare ainsi d’abord de l’article 32 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat (ci-après « le statut général »), pour soutenir que comme la décision de refus d’un congé sans traitement, sollicité afin de lui permettre d’entamer une nouvelle carrière au sein de la police grand-ducale, le contraindrait à devoir démissionner de son poste actuel, alors qu’à défaut de démission il s’exposerait à des poursuites et des sanction disciplinaires pour absence à son poste, lui-même ainsi que sa famille seraient exposés à une situation de forte précarité, puisque si par exemple il subirait une blessure invalidante au cours de son stage auprès de la police grand-ducale, il n’aurait plus la possibilité de réintégrer l’administration des Douanes et Accises à son ancien poste, de sorte à perdre son existence entière : il estime que l’exposer à un tel risque constituerait une violation de l’obligation de protection telle que prévue à l’article 32 du Statut Général.
1 A noter que selon l’article 30 (4) de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat « Les décisions relatives à l’octroi, au renouvellement et à la fin anticipée des congés sans traitement sont prises par le ministre du ressort, sur avis du chef d’administration ».
3 Le requérant soutient ensuite que la décision déférée serait manifestement illégale en ce qu’elle serait prise en violation du principe constitutionnel que tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi aux termes de l’article 10bis de la Constitution, et ce au motif qu’il subirait un traitement particulier malgré le fait qu’il serait dans une situation identique à tout individu qui opère un changement d’administration, le requérant reprochant à l’administration des Douanes et Accises de distinguer entre un fonctionnaire qui opère un changement d’administration et un changement de groupe de traitement et un fonctionnaire qui opère un ‘simple’ changement d’administration, alors qu’il serait « de pratique constante » que tout fonctionnaire qui souhaite ou bien changer d’administration ou bien rejoindre le secteur privé, obtiendrait l’octroi de congé sans traitement pour la durée prévue ou prévisible de l’absence au poste, le requérant citant en guise d’exemple le cas d’un agent déterminé de l’administration des Douanes et Accises qui se serait vu accordé un congé sans traitement pour une période de 4 années en janvier 2021 afin de lui permettre de soutenir une entreprise dans le secteur privé.
Il conclut encore à une violation de l’article 31 du règlement grand-ducal du 3 février 2012 fixant le régime des congés des fonctionnaires et employés de l’Etat, alors qu’il se serait vu refuser la communication de l’avis émis en date du 25 février 2021 par le directeur de l’administration des Douanes et Accises à l’adresse du ministre des Finances, avis mentionné par celui-ci dans sa décision du 25 mars 2021, de sorte qu’il n’aurait pas été en mesure de s’expliquer par rapport aux considérations négatives émises par le directeur de l’administration des Douanes et Accises, ce qui l’aurait privé de son droit d’être entendu utilement en ses explications tel que prévu par l’article 31 du règlement grand-ducal du 3 février 2012.
En ce qui concerne le préjudice grave et définitif, Monsieur … expose être censé débuter son stage auprès de la police grand-ducale en date du 3 mai 2021.
Or, afin de ne pas se retrouver en défaut vis-à-vis de son emploi actuel auprès de l’administration des Douanes et Accises et compte tenu de la décision de refus d’octroi de congé sans traitement lui opposée, il serait tenu de démissionner de son poste actuel, puisque à défaut de présenter sa démission, il s’exposerait pour le moins à des sanctions disciplinaires en ne se présentant plus à son travail auprès de l’administration des Douanes et Accises.
Comme il serait obligé de présenter sa démission irréversible suite à la décision déférée du 15 avril 2021, il serait justifié de demander en urgence une mesure de sauvegarde en attendant que l’affaire soit tranchée au fond par voie de réformation, sinon annulation dans le cadre du recours au fond, puisque que le fait de le mettre dans une telle situation, à savoir l’obliger à démissionner de son poste actuel pour revêtir son nouveau poste, serait contraire au devoir de protection de l’Etat à son égard. En effet, le requérant considère qu’en l’obligeant ainsi à démissionner de son poste actuel du fait du refus d’octroi de congé sans traitement, l’Etat l’exposerait irréversiblement à une situation de forte précarité et l’exposerait lui et sa famille à une précarité qui ne se justifierait pas, puisque si, à titre d’exemple, il subirait une blessure invalidante au cours de son stage auprès de la police grand-ducale, il n’aurait plus la possibilité de réintégrer son ancien poste, de sorte à perdre son existence entière et mettre en jeu sa subsistance.
Le délégué du gouvernement estime que les conditions légalement prévues pour ordonner un sursis à exécution ne seraient pas remplies en l’espèce en contestant tant l’existence d’un préjudice grave et définitif que le sérieux des moyens invoqués.
4En vertu de l’article 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif ou le magistrat le remplaçant peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire, à l’exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.
Sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d’admettre que l’institution d’une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l’appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.
Or, en vertu de l’article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.
L’affaire au fond a été introduite le 21 avril 2021, de sorte que compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, l’affaire au fond ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.
Force est au soussigné de constater que la requête sous analyse pose une question de compétence, question soulevée d’office conformément à l’article 30 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 ».
En effet, comme indiqué ci-dessus, une mesure provisoire ne peut être décrétée en vertu de l’article 11, (2) de la loi du 21 juin 1999 qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.
La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme celle de l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Il ne saurait se prononcer définitivement sur des questions de recevabilité que pour autant que celles-ci touchent exclusivement à la demande en sursis à exécution.
5 Force est d’abord au soussigné de constater que la requête sous analyse tend formellement, et ce tant à travers ses moyens qu’à travers son dispositif, à l’obtention en guise de mesure provisoire d’un congé sans traitement, certes sollicité « à titre provisoire ».
Or, il se pose à cet égard directement la question de la recevabilité même de la mesure provisoire sollicitée.
En effet, le président ou le juge qui le remplace, lorsqu’il statue en application de l’article 11 ou de l’article 12 de la loi du 21 juin 1999 doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire notamment par rapport aux moyens invoqués au fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond.
Plus particulièrement, en ce qui concerne une demande de suspension, le président, à l’instar du président du tribunal civil, ne peut pas prendre d’ordonnance qui porte atteinte au fond, c’est-à-dire établisse les droits et obligations des parties au litige : ce qui a été décidé, dans le cadre de la demande de suspension, doit, en théorie, pouvoir être défait ultérieurement, à l’occasion de l’examen du recours au fond, le juge devant s’abstenir de prendre une quelconque décision s’analysant en mesure définitive qui serait de nature à interférer dans la décision du juge compétent au fond en ce qu’elle serait de nature à affecter la décision de celui-
ci.
La même limite s’impose au président lorsqu’il est saisi d’une demande basée sur l’article 12 de la loi du 21 juin 1999, ledit article limitant explicitement la compétence du président à des mesures provisoires qui, prononcées à titre conservatoire, ne doivent préjuger en rien la décision au fond. Or, la mesure provisoire est par définition celle qui présente un caractère réversible, celle qui peut être remise en cause par le juge du fond. Toutefois, pour que la mesure prononcée présente bel et bien un caractère réversible, il est nécessaire que la possibilité de remise en cause de la décision ne soit pas seulement virtuelle mais effective, ce qui suppose, par conséquent, que le litige ne s’éteigne pas par le seul prononcé de cette décision. En conséquence, le juge des référés administratif ne peut prononcer aucune mesure présentant un caractère définitif2.
En l’espèce, la demande de Monsieur …, visant à se voir accorder nonobstant le refus lui opposé un congé sans traitement par la voie judiciaire, a pour but, sous le couvert d’une mesure provisoire, à l’autoriser à effectivement prendre un congé sans traitement du 3 mai 2021 au 3 juin 2023.
Or, le soussigné, en accordant ledit congé en tant que mesure de sauvegarde, permettrait à l’intéressé de créer une situation de droit et de fait définitive : le juge siégeant au provisoire aurait de la sorte épuisé le fond, en ce sens que le futur jugement au fond relatif à la décision de refus aurait totalement, sinon très largement perdu son objet à la date des plaidoiries devant les juges du fond, en ce sens qu’une éventuelle confirmation ex post de la décision de refus déférée aurait perdu tout objet et toute utilité, puisque Monsieur … aura, à cette date, pu intégralement, sinon très largement, bénéficier du congé sollicité, sans aucune possibilité pour l’autorité compétente, en cas de confirmation de sa décision de refus, de revenir sur ledit congé, 2 Voir les jurisprudences sous Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 529.
6ledit congé, une fois accordé, même à titre provisoire, et une fois consommé, étant devenu irréversible, le soussigné ne concevant pas comment le requérant, en cas de rejet éventuel par les juges du fond de sa requête, serait à même de restituer les jours de congé alors illégitimement consommés, de même que le soussigné ne conçoit guère que le requérant, en cas d’issue lui défavorable devant les juges du fond, soit prêt à en subir les conséquences disciplinaires, son absence de son poste étant alors par la force des choses non justifiée.
En d’autres termes, la mesure de sauvegarde sollicitée entraînerait l’impossibilité de recréer la situation initiale au cas où le recours engagé au fond contre la décision serait rejeté par le tribunal, une éventuelle confirmation de la décision de refus par les juges du fond n’ayant aucune incidence matérielle et juridique sur le congé entretemps pris par le requérant, le temps chômé ne pouvant plus être révoqué nonobstant l’éventuelle confirmation de la décision de refus par les juges du fond3.
Or, comme exposé ci-avant, l’office du juge du provisoire se caractérise par la prise de mesures provisoires, tendant à aménager la situation des parties ou à préserver la situation du requérant dans l’attente d’un jugement au fond, sans préjuger de la décision au fond. Or, accorder la mesure sollicitée par l’octroi du sursis à exécution permettrait à l’intéressé de créer une situation de droit et de fait a priori définitive par l’octroi du congé sollicité : le juge siégeant au provisoire aurait de la sorte épuisé le fond : partant le soussigné ne saurait accueillir une telle demande incompatible avec l’intervention du juge administratif statuant au provisoire.
A tire superfétatoire, il convient encore de relever, en ce qui concerne la première des conditions cumulatives devant être remplies pour pourvoir prétendre à une mesure provisoire, à savoir l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, d’une part, qu’un sursis à exécution, respectivement une mesure de sauvegarde, ne saurait être ordonné que si le préjudice invoqué par le requérant résulte de l’exécution immédiate de l’acte attaqué, la condition légale n’étant en effet pas remplie si le préjudice ne trouve pas sa cause dans l’exécution de l’acte attaqué, le risque dénoncé devant en effet découler de la mise en œuvre de l’acte attaqué et non d’autres actes étrangers au recours4 et, d’autre part, qu’un requérant ne saurait invoquer à l’appui d’une demande en obtention d’une mesure provisoire un risque de préjudice qu’il a lui-
même causé ou contribué à causer5.
Or, en l’espèce force est de constater que le risque mis en avant ne résulte pas du refus de congé sans traitement, mais de la volonté du requérant d’embrasser immédiatement, en dépit de ce refus, une autre carrière auprès d’une autre administration et, manifestement, de la crainte de ne pas poursuivre finalement cette carrière, hypothèse également sans lien direct avec l’acte déféré.
Le soussigné constate encore que l’urgence actuellement invoquée et la contrainte que le requérant affirme actuellement ressentir ne résulte pas non plus de la décision de refus d’un congé sans traitement, mais du propre choix délibéré du requérant, lequel a manifestement postulé pour un poste auprès d’une autre administration en novembre 2020 et y a passé les épreuves préliminaires d’admission sans en informer son administration actuelle et sans s’assurer préalablement de la possibilité d’obtenir le moment venu un congé sans traitement, 3 Voir pour une question identique : trib. adm. (prés.) 3 octobre 2017, n° 40218.
4 Trib. adm. (prés.) 9 avril 2015, n° 36115, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 591, et autres références y citées ; voir également toute la jurisprudence citée sous le n° 631.
5 Trib. adm. (prés.) 13 août 2009, n° 25975, Pas. adm. 2021, V° Procédure contentieuse, n° 632, et autres références y citées.
7le requérant n’ayant formulé la demande afférente qu’en date du 10 février 2021 au vu du début de son stage auprès de la police grand-ducale fixé au 1er mai 2021, exposant ainsi ses supérieurs à un fait accompli et créant lui-même l’état d’urgence et de contrainte qu’il invoque actuellement à l’appui de sa demande en obtention d’une mesure de sauvegarde, alors qu’un comportement raisonnable aurait voulu que le fonctionnaire, avant d’entamer une nouvelle carrière le plaçant dans l’état de nécessité actuellement mis en avant, s’assure préalablement de sa mise en disponibilité effective, ce qui lui aurait évité de devoir agir dans la précipitation.
Il convient enfin de relever qu’en tout état de cause il est aisément loisible au requérant d’éviter les risques indirects actuellement mis en avant, et notamment de ne pas exposer sa famille à une situation de précarité, tel qu’allégué, en attendant l’issue définitive de l’instance au fond, pour ensuite, en fonction de ce résultat, débuter le cas échéant sereinement sa nouvelle carrière après avoir présenté sa candidature auprès de la police grand-ducale dans le cadre d’un futur recrutement.
Il suit de toutes les considérations qui précèdent que la demande est à rejeter.
Par ces motifs, le soussigné président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette la demande en obtention d’une mesure de sauvegarde, laisse les frais et dépens à charge du demandeur.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 avril 2021 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.
s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 avril 2021 Le greffier du tribunal administratif 8