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08/02/2021 | LUXEMBOURG | N°45568

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 février 2021, 45568


Tribunal administratif N° 45568 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 janvier 2021 Audience publique du 8 février 2021 Requête en obtention d’un sursis à exécution introduite par la société …, …, par rapport à des décisions prises par le directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur la fortune

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numér

o 45568 du rôle et déposée le 29 janvier 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Do...

Tribunal administratif N° 45568 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 janvier 2021 Audience publique du 8 février 2021 Requête en obtention d’un sursis à exécution introduite par la société …, …, par rapport à des décisions prises par le directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur la fortune

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 45568 du rôle et déposée le 29 janvier 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Dominique MORELLI, avocat inscrit sur la liste IV du Barreau de Luxembourg, au nom de la société …, ayant son siège social à …, enregistrée au Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration en fonction, tendant à voir instaurer un sursis à exécution par rapport à 1) la décision rendue sur réclamation, sinon sur recours hiérarchique formel, par le directeur de l’administration des Contributions directes en date du 4 novembre 2020, référencée sous le numéro de rôle …, et 2) la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 3 décembre 2020 rejettant la demande de sursis à exécution de la requérante lui adressée le 1er décembre 2020, un recours au fond, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de ces deux mêmes décisions directoriales, inscrit sous le numéro 45567 du rôle, ayant été déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 janvier 2021 ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions directoriales invoquées ;

Maître Jean-Dominique MORELLI, assisté de Maître Benoit MARECHAL, pour la partie requérante, et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 février 2021.

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La société …, ayant le statut de fonds d’investissement alternatif au sens de la loi du 12 juillet 2013 relative aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, déclara lors de l’établissement de ses déclarations fiscales pour l’impôt sur la fortune 2015 et 2016, déposées repsectivement en date du 15 juillet 2015 et du 17 octobre 2016, les titres prêtés par elle à divers emprunteurs et exonéra ceux-ci sur le fondement du § 60 de la loi modifiée concernant l’évaluation des biens et valeurs (« Bewertungsgesetz », ci-après « BewG ») du 16 octobre 1934.

Le 11 mars 2020, le bureau d’imposition Luxembourg Sociétés 2 de l’administration des Contributions directes émit par rapport à la société …, ci-après « la société … », les bulletins d’imposition de l’exercice 2015 et 2016, le bureau d’imposition ayant refusé l’application du §60 BeWG au motif « qu’en application du §11 (2) de la loi d’adaptation fiscale (StAnpG), … n’a pas été le propriétaire économique des titres prêtés » au 31 décembre 2014 et au 31 décembre 2015 », de sorte à soumettre la société … à un montant total de … euros au titre de l’impôt sur la fortune, à savoir … euros pour l’année 2015 et … euros pour l’année 2016.

Par courrier du 30 juin 2020, la société … adressa au directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après « le directeur », une réclamation à l’encontre du bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015 ainsi que des bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2015 et 2016, des bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2015 et 2016 et du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2015.

Par décision directoriale du 4 novembre 2020, référencée sous le n° …, le directeur rejeta la réclamation dirigée contre le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015 comme étant irrecevable pour défaut d’intérêt, les réclamations dirigées contre les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2015 et 2016, ainsi que contre les bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2015 et 2016 comme non fondées, tout en réformant in pejus le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2015 et en fixant l’impôt sur le revenu des collectivités, y compris la contribution au fonds pour l’emploi, de l’année 2015 au montant de … euros, la décite décision étant motivée comme suit :

« Vu la requête introduite le 30 juin 2020 par les sieurs … et …, au nom de la société …, avec siège social à …, d’une part, pour réclamer contre les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2015 et 2016, ainsi que contre les bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2015 et 2016, et d’autre part, pour introduire un « Recours hiérarchique sous § 237 AO (Abgabenordnung) contre la décision matérialisée dans les bulletins pour l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal 2015 », tous émis le 11 mars 2020 ;

Considérant que la voie de recours contre un bulletin d’impôt au sens du § 210 de la loi générale des impôts (AO) n’est pas, comme le fait valoir la réclamante, le recours hiérarchique formel visé par les §§ 237 et 303 AO, mais la réclamation au sens du § 228 AO ;

que par application du principe de l’effet utile selon lequel la jurisprudence tend, sur le fondement du § 249, alinéas 1 et 2 AO, à interpréter les requêtes des contribuables selon l’intention qu’elles manifestent plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes employés, la présente requête est également à considérer comme réclamations dirigées contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu l’article 3, alinéa 3 de la loi du 12 mai 2020 portant adaptation de certains délais en matière fiscale, financière et budgétaire dans le contexte de l’état de crise, qui retient notamment que les délais relatifs à la réclamation, au sens du § 228 AO, sont suspendus du 18 mars 2020 jusqu’au 30 juin 2020 ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 AO ;

Considérant que si l’introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n’est incompatible, en l’espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser en la forme ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition de lui avoir refusé l’application de l’article 166 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) et du § 60 de la loi sur l’évaluation des biens et valeurs (BewG) (ensemble « le régime des sociétés mère et filiales ») à l’endroit des titres qu’elle a prêtés à des établissements bancaires dénommés … (ci-après : …) et … (ci-après : …) ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, la loi d’impôt étant d’ordre public ; qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;

En ce qui concerne le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015 Considérant qu’aux termes du paragraphe 232, alinéa 1er AO, un bulletin d’impôt ne peut être attaqué qu’au cas où le contribuable se sent lésé par le montant de l’impôt fixé ou conteste son assujettissement à l’impôt ;

Considérant que le montant de l’impôt commercial communal de l’année 2015 a été fixé à 0 (zéro) euro et que la requérante ne prétend pas à la fixation d’une cote d’impôt positive ;

Considérant qu’il en découle que la réclamation contre le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2015 doit être déclarée irrecevable pour défaut d’intérêt ;

En ce qui concerne les bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2015 et 2016 Considérant qu’une imposition qui est assise en tout ou en partie sur des bases fixées par établissement séparé ne peut être attaquée pour le motif que ces bases d’imposition seraient inexactes ; qu’une telle réclamation ne peut être formée que contre le bulletin portant établissement séparé, en l’espèce notamment contre les bulletins de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2015 et 2016 (§ 232, alinéa 2 AO) ;

Considérant d’ailleurs que si le bulletin d’établissement séparé a fait l’objet d’une réclamation, sa réformation entraîne d’office un redressement du bulletin d’impôt établi sur base dudit bulletin d’établissement séparé (§ 218, alinéa 4 AO) ;

Considérant qu’il résulte des développements qui précèdent que les réclamations dirigées contre les bulletins de l’impôt sur la fortune au 1er janvier des années 2015 et 2016 doivent être rejetées comme non fondées ;

Considérant de prime abord que « L’objet de la [réclamante] est la prise de participations, tant au Luxembourg qu’à l’étranger, dans toutes sociétés ou entreprises sous quelque forme que ce soit, et l’administration, la gestion, le contrôle et le développement de ces participations » ;

Considérant qu’en date du 31 janvier 2014, la réclamante a adressé au bureau d’imposition une demande de décision anticipée afin de se voir confirmer l’application du régime des sociétés mère et filiales en ce qui concerne le prêt de titres ; que par la suite, le bureau d’imposition a avisé la réclamante qu’ « Il résulte de l’examen de votre demande ainsi que de l’avis rendu par la Commission des Décisions Anticipées, que le traitement fiscal relatif aux opérations décrites et tel qu’analysé par vos soins est contraire aux textes légaux et réglementaires actuellement en vigueur. » ;

Considérant que la réclamante a déposé les déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités, pour l’impôt commercial et pour l’impôt sur la fortune des années 2014 et 2015 en dates du 15 juillet 2015 et du 17 octobre 2016 ;

Considérant qu’en exécution du § 205, alinéa 3 AO, le bureau d’imposition a informé la réclamante en date du 12 novembre 2019, que le régime des sociétés mère et filiales lui serait refusé au motif que « la condition de pleine propriété pendant une période ininterrompue d’au moins 12 mois n’est pas respectée » respectivement que la réclamante « n’a pas été le propriétaire économique de ces titres donnés en prêt » ;

Considérant qu’aux termes du § 205, alinéa 3 AO des divergences notables par rapport à la déclaration du contribuable doivent, pour autant qu’elles soient en sa défaveur, lui être communiquées pour observation préalablement à l’émission du bulletin ; que le but du § 205, alinéa 3 AO, en tant que principe de bonne administration, consiste à vérifier les conclusions auxquelles tend une instruction en défaveur du contribuable et partant à éviter d’éventuels malentendus ;

Considérant que suite au prédit courrier, la réclamante s’est montrée insatisfaite quant aux divergences en sa défaveur à travers un courrier du 12 décembre 2019 ; que le bureau d’imposition a procédé à l’imposition des années 2015 et 2016 en se référant aux redressements communiqués à la réclamante ; qu’il découle de ce qui précède, qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

En ce qui concerne les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2015 et 2016 Considérant que la valeur unitaire de la fortune d’exploitation constitue la valeur unitaire de l’entreprise (§§ 20 et 21 BewG) ; que la valeur unitaire des entreprises commerciales est fixée par un bulletin d’établissement séparé ; que pour les sociétés de capitaux résidentes, la fortune d’exploitation des entreprises commerciales comprend en principe tous les éléments formant une unité économique et destinés principalement à l’entreprise (§ 54 BewG) ;

Considérant encore que la valeur totale d’une entreprise commerciale est obtenue par la somme de toutes les valeurs individuelles des biens susceptibles d’évaluation, diminuée par les dettes et les provisions de l’entreprise (§§ 62 et 66 BewG) ;

Considérant que les valeurs unitaires de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2015 et 2016 ont été établies par le bureau d’imposition à respectivement … euros et … euros ; que le bureau d’imposition n’a pas exonéré de l’impôt sur la fortune les titres prêtés, en l’occurrence … titres … (1er janvier 2015), respectivement … titres …, ainsi que les titres … (1er janvier 2016) ;

Considérant qu’en vertu du régime des sociétés mère et filiales visé au § 60 BewG, les participations importantes détenues à la fin de l’exercice d’exploitation qui précède la date clé de fixation et s’élevant à au moins 10 pour cent ou à un prix d’acquisition d’au moins 1.200.000 euros, sont exonérées de l’impôt sur la fortune ;

Considérant qu’aux termes de l’alinéa 2 du § 60 BewG : « L’exonération s’applique uniquement à une participation détenue directement dans le capital social :

1. d’un organisme à caractère collectif visé par l’article 2 de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents, 2. d’une société de capitaux résidente pleinement imposable non énumérée à l’annexe de l’alinéa 4, 3. d’une société de capitaux non résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités. » ;

Considérant qu’il suit d’un arrêt de la Cour administrative que « l’article 166 LIR ne bénéficie qu’à une participation directe détenue dans le capital d’une autre société et qu’à défaut de définition précise de la notion de « détention » à l’article 166 LIR, il y a lieu de se référer à la disposition générale du § 11 StAnpG concernant l’imputation personnelle de revenus et de biens. » ; que bien que l’arrêt sus-énoncé ne mentionne que l’article 166 LIR., force est de constater que le § 60 BewG fait également référence à la notion de « détention » de participations ; qu’au sujet de l’attribution des titres, tout comme en général l’attribution de biens, il y a lieu d’analyser le § 11 de la loi d’adaptation fiscale (StAnpG) ;

Considérant que le § 11 StAnpG se lit comme suit « Für die Zurechnung bei der Besteuerung gelten, soweit nichts anderes bestimmt ist, die folgenden Vorschriften :

1. Wirtschaftsgüter, die zum Zweck der Sicherung übereignet worden sind, werden dem Veräusserer zugerechnet.

2. Wirtschaftsgüter, die zu treuen Händen (entgeltlich oder unentgeltlich) übereignet worden sind, werden dem Treugeber zugerechnet.

3. Wirtschaftsgüter, die durch einen Treuhänder zu treuen Händen für einen Treugeber erworben worden sind, werden dem Treugeber zugerechnet.

4. Wirtschaftsgüter, die jemand im Eigenbesitz hat, werden dem Eigenbesitzer zugerechnet. Eigenbesitzer ist, wer ein Wirtschaftsgut als ihm gehörig besitzt.

(…) » ;

que le § 11, n° 4 StAnpG, ayant trait à l’approche économique, l’emporte de plein droit sur l’approche purement juridique ; qu’il s’ensuit qu’au cas où un propriétaire, juridique ou économique, ne peut être déterminé avec certitude, le § 11, n° 4 StAnpG sort ses effets en disposant que c’est la propriété économique qui l’emporte ;

Considérant que la question pertinente en l’espèce est donc celle de savoir si la réclamante est restée propriétaire économique des titres durant la période de prêt afin de trancher si le régime des sociétés mère et filiale lui est applicable ;

Considérant que dans son placet, la réclamante expose que le Code civil distingue deux types de prêt de biens, à savoir le prêt à usage et le prêt de consommation ; qu’elle estime que les contrats de prêt de titres en question seraient à considérer comme des prêts à usage de sorte que le prêteur resterait le propriétaire des titres ; qu’il s’ensuivrait que les titres prêtés seraient à comptabiliser dans les livres de la réclamante étant donné que le traitement comptable d’une transaction suit la qualification juridique de celle-ci ; qu’en application de l’article 40 L.I.R. retenant le principe de l’accrochement du bilan fiscal au bilan commercial, la réclamante serait à considérer comme propriétaire des titres (prêtés) et partant ces derniers seraient à exonérer de l’impôt sur la fortune ;

Considérant qu’en ce qui concerne le prêt à usage, le Code civil dispose ce qui suit :

« Art. 1875.

Le prêt à usage ou commodat est un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi.

Art. 1876.

Ce prêt est essentiellement gratuit.

Art. 1877.

Le prêteur demeure propriétaire de la chose prêtée.

Art. 1878.

Tout ce qui est dans le commerce, et qui ne se consomme pas par l’usage, peut être l’objet de cette convention.

Art. 1879.

Les engagements qui se forment par le commodat, passent aux héritiers de celui qui prête, et aux héritiers de celui qui emprunte.

Mais si l’on n’a prêté qu’en considération de l’emprunteur, et à lui personnellement, alors ses héritiers ne peuvent continuer de jouir de la chose prêtée.(…) » ;

Considérant que le Code civil retient ce qui suit au sujet du prêt de consommation :

« Art. 1892.

Le prêt de consommation est un contrat par lequel l’une des parties livre à l’autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité.

Art. 1893 Par l’effet de ce prêt, l’emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée ; et c’est pour lui qu’elle périt, de quelque manière que cette perte arrive.

Art. 1894.

On ne peut pas donner à titre de prêt de consommation des choses qui, quoique de même espèce, diffèrent dans l’individu, comme les animaux: alors c’est un prêt à usage.

Art. 1895.

L’obligation qui résulte d’un prêt en argent n’est toujours que de la somme numérique énoncée au contrat.

S’il y a eu augmentation ou diminution d’espèces avant l’époque du paiement, le débiteur doit rendre la somme numérique prêtée, et ne doit rendre que cette somme dans les espèces ayant cours au moment du paiement.

Art. 1896.

La règle portée en l’article précédent n’a pas lieu, si le prêt a été fait en lingots. » ;

Considérant que l’article 1876 du Code civil dispose que le prêt à usage est essentiellement gratuit ; qu’il se dégage toutefois des contrats de prêt en cause que l’emprunteur est tenu de rémunérer le prêteur respectivement de lui verser des commissions et des distributions ; qu’il y a lieu d’entendre que les prêts en question ne sont pas essentiellement gratuits de sorte qu’ils ne peuvent être qualifiés de prêts à usage ; que par déduction le prêt de titres est donc à considérer comme prêt de consommation ; qu’aux termes de l’article 1893 du Code civil l’emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée, ou autrement dit, les établissements bancaires … et … sont à considérer comme propriétaires des titres pendant la période de prêt ;

Considérant que la réclamante se réfère à un avis de la Commission des normes comptables belge (CNC) daté au 1er février 1995 et portant sur le traitement dans les comptes des entreprises des opérations de prêt et d’emprunt de titres ; qu’elle expose que « La CNC en déduit qu’il n’y a donc pas, dans une opération de prêt de titres, pour l’application de la réglementation comptable, réalisation de titres. » ; qu’en analysant ledit avis, force est toutefois de constater qu’y figure à plusieurs reprises qu’en cas de prêt de titres il y a transfert de propriété :

« L’opération de prêt de titres présente la caractéristique essentielle qu’elle comporte et implique pour l’emprunteur le pouvoir de disposer du titre en cause pour le céder (en pleine propriété) à un tiers (…) » ;

« il en résulte que l’opération de prêt de titres implique qu’il y a transfert de la propriété du titre du prêteur à l’emprunteur » ;

« (…) la propriété du titre prêté et le risque de perte par cas fortuit sont transférés à l’emprunteur », « Etant donné qu’une convention de prêt de titres emporte le transfert de la propriété du titre en cause et la naissance simultanée d’une créance-titres, représentant les titres prêtés à récupérer, la conclusion d’une telle convention se traduira : par une sortie de titres prêtés de la rubrique sous laquelle ils étaient comptabilisés » ;

qu’en vertu du droit comptable belge les titres prêtés sont à comptabiliser dans un compte dénommé « Titres prêtés, créance-titres » de sorte qu’ils ne doivent plus figurer en tant que titres, actions ou participations à l’actif du bilan de la société prêteuse ;

Considérant qu’il se dégage d’un bulletin officiel émis par la direction générale des finances publiques de la République françaises que « Le prêt de titres doit être réalisé dans le cadre des dispositions des articles 1892 à 1904 du Code civil qui définissent les règles applicables aux « prêts de consommation ».

Un prêt de consommation s’entend du contrat par lequel l’une des parties livre à l’autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge pour cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité. Lorsque ce contrat s’applique à des titres, il entraîne :

- le transfert de propriété des titres au profit de l’emprunteur qui peut ainsi les céder à un tiers ; » ;

Considérant que du côté de l’Allemagne, par écrit du 11 novembre 2016, le « Bundeszentralamt für Steuern » précise qu’en principe les titres cédés dans le cadre d’un prêt sont à attribuer juridiquement et économiquement à l’emprunteur ; que dès lors les autorités allemandes considèrent également qu’il y a transfert de propriété vers l’emprunteur dans le cadre d’une prêt de titres ;

Considérant qu’en l’espèce, il s’impose encore d’analyser les contrats de prêt de titres que la réclamante a conclus avec les établissements bancaires … et … ;

Quant au contrat de prêt conclu entre la réclamante et … Considérant que les parties susmentionnées ont conclu un « CONTRAT DE PRET DE TITRES NANTIS » en date du 8 mai 2012 ; que préliminairement, il convient de relever que …, la partie emprunteuse, est en même temps le créancier gagiste des titres en question disposant d’un droit d’utilisation des titres nantis et ayant marqué son accord au prêt des titres nantis ;

Considérant que le point 3.2. stipule que « La propriété des titres prêtés est transférée à l’Emprunteur lors de leur livraison. Ce dernier peut alors en disposer librement jusqu’à l’échéance du prêt, sous réserves des dispositions prévues à l’article 6 ainsi que dans les conditions de la Confirmation de l’Opération. » ;

Considérant que le point 5.1. dispose que « Chaque Opération est conclue pour une durée telle que précisée dans la Confirmation y afférente et se termine à la Date de Restitution telle qu’indiquée dans cette même Confirmation. » ; que justement la « Date de Restitution signifie la date à laquelle l’Emprunteur restitue les titres au Prêteur en pleine propriété. » ;

qu’il est d’une évidence absolue que pour qu’il y ait restitution de titres en pleine propriété, il faut qu’antérieurement la pleine propriété ait été transférée par le prêteur à l’emprunteur, i.e.

par la réclamante à … ;

Quant au contrat de prêt conclu entre la réclamante et … Considérant que dans son placet, la réclamante s’exprime comme suit : « Pour la convention avec la …, il s’agit d’une convention cadre relative aux opérations sur instruments financiers en date du 4 mai 2007 (annexe 9) modifiée par plusieurs avenants dont celui en date du 8 mai 2015 (annexe 10). Cette convention renvoie aux conditions générales publiées par la FBE (Fédération Bancaire de l’Union Européenne) (Edition 2004) (annexe 11) et l’Annexe produite relative aux prêts de titres (Edition Janvier 2001) (annexe 12). Les prêts ont donné lieu à l’émission d’une confirmation d’opération (annexe 13). » ;

Considérant que la « CONVENTION-CADRE RELATIVE AUX OPERATIONS SUR INSTRUMENTS FINANCIERS » de la FBE dispose au point 2, lettre a) de la section « 3.

Paiements, Livraisons et Définitions Spécifiques » que « Sauf accord contraire des parties, toute livraison ou transfert de titres ou de tous autres instruments financiers (Titres) ou de tous autres actifs (…) par une partie à l’autre partie en application de la Convention constitue une cession en pleine propriété ou, selon les usages du marché sur lequel la livraison doit s’effectuer, constitue un droit assimilable à l’équivalent économique de cette cession en pleine propriété » ; qu’au 1er point de la section 2 de « ANNEXE PRODUIT RELATIVE AUX OPERATIONS DE PRET DE TITRES » est fait référence à la « Livraison de titres », donc, à la cession de la pleine propriété des titres prêtés ;

Considérant qu’il ne ressort ni de la « CONVENTION-CADRE RELATIVE AUX OPERATIONS SUR INSTRUMENTS FINANCIERS » du 4 mai 2007, ni de l’avenant du 8 mai 2015 que la réclamante resterait propriétaire (économique) pendant la période de prêt des titres ;

Considérant qu’il découle de tout ce qui précède que l’emprunteur est à considérer comme propriétaire dans le cadre d’un prêt de titres ; que les titres prêtés ne doivent plus figurer à l’actif du bilan de la société prêteuse étant donné que l’opération de prêt interrompt l’appartenance des titres au patrimoine de cette dernière ; que par voie de conséquence les titres prêtés sont à remplacer par une créance sur la société emprunteuse, tel que cela est d’ailleurs expressément prévu par la CNC belge ; qu’il convient de mentionner qu’une fois le contrat de prêt arrivé à échéance, la créance est extournée et les titres restitués rentrent de nouveau dans le patrimoine de la société prêteuse ;

Considérant, à titre de rappel, que la finalité de l’article 40 L.I.R. est de prendre toujours comme point de départ afin de dresser les bilans fiscaux, l’ensemble des valeurs contenues dans les bilans commerciaux, sauf à y détecter des valeurs qui s’avèrent contraires aux dispositions régissant en matière fiscale (principe de l’accrochement du bilan fiscal au bilan commercial), impliquant le cas échéant des redressements extra-bilantaires ; que, tel que cela a été développé supra, la notion du § 11 StAnpG trouve application en l’espèce de sorte que la réclamante n’est pas à considérer comme propriétaire (économique) des titres prêtés ;

que ces derniers sont à remplacer par des créances correspondantes dans les livres de la réclamante ; que pour les besoins de l’établissement de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier des années 2015 et 2016 les créances correspondantes ne sont pas à exempter en vertu du § 60 BewG ;

Considérant que le bureau d’imposition a fait une juste appréciation des faits en refusant l’exemption prévue au § 60 BewG en faveur des titres … pendant leur période de prêt ;

En ce qui concerne le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2015 Considérant que la réclamante reproche au bureau d’imposition de ne pas avoir exonéré les revenus perçus en contrepartie des titres donnés en prêt ;

Considérant que suivant l’alinéa 1er, n° 1 de l’article 166 L.I.R., les revenus d’une participation détenue par une société anonyme résidente pleinement imposable sont exonérés lorsque, à la date de la mise à la disposition des revenus, le bénéficiaire détient ou s’engage à détenir ladite participation pendant une période ininterrompue d’au moins douze mois et que pendant toute cette période le taux de participation ne descend pas au-dessous du seuil de 10 pour cent ou le prix d’acquisition au-dessous de 1.200.000 euros ; que l’exonération s’applique aux revenus qui proviennent d’une participation détenue directement dans le capital social d’une société de capitaux résidente pleinement imposable ;

Considérant, tel que cela a été retenu supra, que la réclamante n’est pas à considérer comme propriétaire (économique) des titres en question ; qu’accessoirement il convient de relever quelques points contenus dans les contrats de prêt démontrant que la réclamante n’a pas touché des revenus provenant d’une participation détenue directement par elle ;

Quant au contrat de prêt conclu entre la réclamante et … Considérant que les points 4.1. et 4.2. du « CONTRAT DE PRET DE TITRES NANTIS » retiennent que « L’Emprunteur versera au Prêteur une rémunération telle que définie dans la Confirmation de l’Opération. » respectivement que « L’Emprunteur versera, en outre, au Prêteur une indemnité correspondant à tout ou partie du dividende ou de l’intérêt net perçu sur les titres en cours de prêt, à sa date de mise en paiement, valeur ce jour. » ; que, partant, durant toute le période de prêt, … peut librement disposer du titre en question en contrepartie d’une rémunération et d’une indemnité qu’elle est tenue de verser à la réclamante ;

Considérant que la réclamante a annexé à sa requête trois « AVIS D’EXECUTION D’UNE OPERATION DE PRET DE TITRES » ; qu’il se dégage de ces trois avis que … doit payer à la réclamante, d’une part, une indemnité « en pourcentage du dividende ou de l’intérêt net perçu » allant de 85 pour cent à 94,75 pour cent, et d’autre part, des intérêts calculés sur base de la valeur du marché du titre en question en tant que rémunération ;

Quant au contrat de prêt conclu entre la réclamante et … Considérant que la réclamante affirme qu’ « A partir de l’année 2015, l’annexe 10 [avenant du 8 mai 2015] prévoit que le paiement des dividendes sur actions se fera directement entre les mains de … » ; qu’il ressort toutefois dudit avenant, d’une part, au sujet des distributions en espèces, que « l’Emprunteur versera au Prêteur un montant libellé dans la même devise égal à la somme en espèces reçue par les porteurs au titre de cette Distribution », et d’autre part, en ce qui concerne les distributions autres qu’en espèces, que « l’Emprunteur versera au Prêteur un montant libellé dans la même devise correspondant au dividende en espèces devant être versé par cet émetteur au titre de cette Distribution » ; que contrairement à ce que prétend la réclamante dans sa requête, les distributions afférentes aux titres prêtés reviennent d’abord à … et pas « directement » à la réclamante ; que cette interprétation des faits est confortée par une « CONFIRMATION D’OPERATION DE PRET DE TITRES » dont il se dégage que … doit payer à la réclamante, à côté d’une commission de prêt, « 85% du dividende brut versé par l’Emetteur des Titres Prêtés au jour du paiement effectif dudit dividende sur les comptes de … » ;

Considérant qu’aux termes des deux contrats de prêt la réclamante ne bénéficie pas directement des revenus en relation avec les titres prêtés ; qu’il en découle qu’il ne saurait être question de « dividendes reçus [par la réclamante] sur les titres prêtés au titre de l’année 2015 » étant donné que ce sont … et … qui touchent d’abord les dividendes et autres distributions afférents aux titres prêtés ;

Considérant que le régime des sociétés mère et filiales ne s’applique pas à une société prêteuse de titres ; que la rémunération du prêt sous forme notamment d’intérêts, de commissions ou de rétrocession de dividendes ou d’intérêts émanant des titres prêtés est pleinement imposable dans le chef de la société prêteuse, en l’occurrence, de la réclamante ;

Considérant que le bureau d’imposition a fixé l’impôt minimum sur pied de l’article 174, alinéa 6 L.I.R. ; que dans un souci d’exhaustivité il échoit de vérifier la juste fixation de l’impôt minimum ;

Considérant que dans sa version applicable à l’année 2015, l’article 174, alinéa 6, numéro 1er L.I.R., vise, d’une part, les organismes à caractère collectif ayant leur siège social ou leur administration centrale au Luxembourg dans le chef desquels la somme des immobilisations financières, des créances sur des entreprises liées et sur des entreprises avec lesquelles l’organisme à caractère collectif a un lien de participation, des valeurs mobilières et des avoirs en banque, avoirs en comptes de chèques postaux, chèques et encaisse dépasse 90 pour cent du total du bilan et 350.000 euros ; que pour cette catégorie l’impôt minimum s’élève à 3.000 euros ;

Considérant que s’y juxtapose le n° 2 de l’article 174, alinéa 6 L.I.R., retenant notamment que par dérogation aux alinéas 1er, 3 et 4 du même article 174 L.I.R., l’impôt sur le revenu des collectivités est fixé :

à 500 euros au minimum lorsque le total du bilan est inférieur ou égal à 350.000 euros, à 1.500 euros au minimum lorsque le total du bilan est supérieur à 350.000 euros et inférieur ou égal à 2.000.000 euros, à 5.000 euros au minimum lorsque le total du bilan est supérieur à 2.000.000 euros et inférieur ou égal à 10.000.000 euros, à 10.000 euros au minimum lorsque le total du bilan est supérieur à 10.000.000 euros et inférieur ou égal à 15.000.000 euros, à 15.000 euros au minimum lorsque le total du bilan est supérieur à 15.000.000 euros et inférieur ou égal à 20.000.000 euros, à 20.000 euros au minimum lorsque le total du bilan est supérieur à 20.000.000 euros ;

Considérant que l’impôt minimum visé à l’article 174, alinéa 6, numéros 1 et 2 L.I.R.

est encore à majorer du fonds pour l’emploi de 7 pour cent ;

Considérant que l’article 174, alinéa 6, numéro 1er L.I.R. a comme critères, d’une part, la structure du bilan, et, d’autre part, le total du bilan supérieur à 350.000 euros ;

Considérant qu’il résulte de la page 15 de la déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités, pour l’impôt commercial et pour l’impôt sur la fortune de l’année 2015 que la réclamante a renseigné les postes suivants pour la détermination de l’impôt minimum :

Financial fixed assets (23*) … euros Amounts owed by affiliated undertakings and by undertakings … euros with which the corporation is linked by virtue of participation interests (41*) Transferable securities (50*) … euros Cash at bank, cash in postal cheques accounts, cheques and … euros cash in hand (51*) Sum of accounts (23, 41, 50, 51 of the standard chart of … euros accounts) Considérant que parmi les valeurs mobilières figurent les titres …, ainsi que … titres …, pour un montant total de … euros ; que la note 9 de l’annexe aux comptes annuels au 31 décembre 2015 informe que les titres …, ainsi que … titres … ont été prêtés à … ; que … titres … sont restés en dépôt auprès de la Banque … ;

Considérant qu’il résulte des développements qui précèdent que les titres prêtés auraient dû être comptabilisés en tant que créances-titres et ne peuvent donc être affectés au compte n° 50 (valeurs mobilières) ; qu’il ne ressort pas des comptes annuels de la réclamante pour quel montant les … titres … ont été acquis ;

Considérant que le modèle 506a « Details of the shareholdings referred to in Article 166 L.I.R. » afférant à la participation … fait état de … titres correspondant à un prix d’acquisition total de … euros ; que le § 217 AO prévoit dès lors le procédé de la taxation, lorsque les bases d’imposition ne peuvent pas être déterminées autrement ; qu’il s’ensuit que le prix d’acquisition des … titres … est taxé à (… i.e.) … euros ; que le montant afférent aux valeurs mobilières s’élève donc à (… - … + … i.e.) … euros ;

Considérant que les actifs éligibles pour la détermination de l’impôt minimum se présentent dès lors comme suit :

Immobilisations financières (23*) … euros Créances sur des entreprises liées (41*) … euros Valeurs mobilières (50*) … euros Avoirs en banque (51*) … euros Total … euros qu’en l’occurrence, la somme des comptes d’actifs visés par l’article 174, alinéa 6, numéro 1er L.I.R., i.e. la somme des actifs éligibles ne dépasse pas le seuil requis de 90 pour cent du total du bilan, étant donné que le total du bilan s’élève à … euros ; qu’en l’espèce, l’impôt minimum est fixé en vertu de l’article 174, alinéa 6, numéro 2 L.I.R. et s’élève donc à … euros majoré de la contribution au fonds pour l’emploi, i.e. à un montant total de…; (…) » Par courrier de son mandataire du 1er décembre 2020, la société … sollicita encore du directeur le bénéfice d’un sursis à exécution sur base du § 251 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », demande qui lui fut refusée par décision directoriale du 3 décembre 2020, libellée comme suit :

« Suite à votre courriel du 1er décembre 2020 ayant pour objet l’obtention d’un sursis à exécution suivant § 251 AO de la décision sur réclamation … du 4 novembre 2020, je me permets de vous faire savoir qu’aucun sursis à exécution ne saura vous être accordé.

Le § 251 AO ne fait en effet que permettre au bureau d’imposition, et non pas au directeur des contributions, d’accorder un sursis à exécution à condition que la réclamation sur laquelle se greffe la demande de sursis ait de sérieuses chances de prospérer.

« Le sursis à exécution au sens du paragraphe 251 AO ne se conçoit que lorsqu’une décision de l’administration des Contributions directes, susceptible d’être exécutée, a fait l’objet d’un recours contentieux lequel n’a pas encore été toisé, ledit sursis consistant ainsi en une mesure provisoire, permettant au fisc de suspendre à titre de précaution l’exécution d’une décision en attendant l’issue du recours afférent, de sorte que, par définition, le sursis éventuellement accordé, cesse ses effets dès que la réclamation a été définitivement tranchée.

» (TA du 21 janvier 2013, n° 29812 du rôle). (…) » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 janvier 2021, inscrite sous le numéro 45567 du rôle, la société … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des deux décisions précitées du directeur des 4 novembre et 3 décembre 2020.

Par requête déposée en date du même jour, inscrite sous le numéro 45568 du rôle, elle a encore fait introduire une demande tendant aux termes de son dispositif à voir :

« Ordonner le sursis à exécution sinon la suspension de l’exécution des décisions suivantes jusqu’à la décision en réformation sinon en annulation du Tribunal administratif contre ces mêmes décisions:

 la décision du Directeur de l’administration des contributions directes du 4 novembre 2020 répertoriée sous le numéro … ;

 la décision du Directeur de l’administration des contributions directes du 3 décembre 2020 relative à la demande de sursis à exécution sollicitée suivant le § 251 de la loi générale des impôts (AO) sur la décision sur réclamation … du 4 novembre 2020 ;

Partant assortir les bulletins d’imposition sur la fortune émis pour les années 2015 et 2016 et le bulletin d’imposition sur le revenu de 2015 du sursis à exécution de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Enjoindre à l’administration des contributions directes de ne pas prendre de mesure conservatoire ou d’exécution portant sur les décisions attaquées et l’imposition litigieuse jusqu’à l’obtention d’une décision définitive suite au recours en réformation sinon en annulation introduit par le requérant contre les deux décisions précitées (…)».

La partie requérante estime que les deux conditions légalement posées par l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », seraient remplies en cause.

Au titre de l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, la société …, après avoir souligné que les décisions directoriales déférées affecteraient négativement sa situation patrimoniale par la réclamation d’un surcroit substantiel d’impôt à payer, à savoir … euros d’impôts sur la fortune, sans attendre l’issue du recours au fond, affirme que la gravité du préjudice, son caractère disproportionné et difficilement réparable dans le cadre d’espèce résulteraient de plusieurs éléments.

Ainsi, elle s’empare d’abord de la crise sanitaire actuelle qui serait toujours source d’incertitudes quant à sa gravité, sans que l’on puisse prédire sa fin : or, une telle situation inédite serait susceptible d’entrainer un retard important dans le traitement judiciaire de la demande, de sorte que l’absence d’effet suspensif de la décision de l’administration irait au-

delà d’une gène et d’un sacrifie courant. Par ailleurs, les multiples réformes fiscales en matière d’impôts faites ces dernières années auraient créé autant d’insécurités juridiques qui seraient de nature à augmenter de façon substantielle le nombre de recours devant le tribunal administratif, la charge de travail de l’administration des Contributions directes et ainsi à augmenter la durée habituelle de traitement des affaires.

Outre ces éléments contextuels aggravants, la société … rappelle être un fonds d’investissement alternatif au sens de la loi luxembourgeoise du 12 juillet 2013 et ne disposer de fonds en banque lui permettant seulement de faire face à ses charges courantes annuelles.

Partant, l’exécution de la décision la contraindrait à vendre une partie de ses participations qui composent ses actifs liquides, dont des titres cotés qui ont subi des variations de valeur de plus de 30% durant l’année 2020, tandis que compte tenu de la crise sanitaire actuelle, une variation comparable du cours de ces titres côtés ne serait pas à exclure dans les mois prochains. Elle expose encore que plusieurs des titres côtés en question seraient nantis, servant de garantie à plusieurs financements bancaires lui consentis : or, la liquidation de ces titres nécessiterait la levée d’une partie de ces garanties ce qui devrait entrainer la renégociation des financements et potentiellement un alourdissement des charges d’intérêts. Enfin, ses autres actifs seraient des titres dans des sociétés détenant des actifs immobiliers situés en …, en … et en … dont des …, peu liquides, et dont les performances économiques actuelles seraient fortement impactées par les mesures de confinement exceptionnelles imposées par ces pays. En outre, ces liquidations de titres d’un fonds d’investissement porteraient directement atteinte à la réputation de la société …, à sa performance ainsi qu’à son attractivité et les modifications et renégociations de financement porteraient atteinte à son crédit auprès des banques, ce qui constituerait un préjudice difficilement réparable, tandis que même au cas où elle obtiendrait gain de cause au fond ainsi qu’une indemnisation, elle ne serait pas sûr de pouvoir racheter les titres et participations cédés aux mêmes conditions.

En conclusion, la société requérante estime que le recouvrement de l’impôt pendant la période de procédure au fond constituerait dans son chef un préjudice grave et définitif étant donné qu’il risque de perturber profondément sa situation financière de telle sorte que, même en cas de gain de cause devant le juge du fond et de restitution des sommes payées indûment, sa situation ne pourra être rétablie que difficilement.

La société … estime aussi que son recours au fond présenterait de sérieuses chances de succès.

Dans ce contexte, la partie requérante expose, en substance, tel que résumé dans sa requête en obtention d’un sursis à exécution et en ce qui concerne la décision directoirale intervenue sur réclamation :

- être restée propriétaire juridique et économique des titres prêtés et devoir ainsi pouvoir bénéficier d’une exonération d’impôt sur la fortune et les dividendes reçus sur les titres prêtés doivent pouvoir bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu ;

- que les titres prêtés auraient été correctement comptabilisés compte tenu de la qualification juridique des contrats de prêts ;

- que le §11 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, appelée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », édicterait un principe général qui ne pourrait faire obstacle à l’application du principe d’accrochement du bilan fiscal au bilan commercial prévu par l’article 40 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu ( « LIR »), lequel nécessiterait, par exception, des règles fiscales spécifiques, position qui serait confirmée par la pratique actuelle de l’administration des Contributions directes, de sorte que toute autre solution constituerait une atteinte grave au principe de confiance légitime ;

- que lors du prêt de titres, ayant supporté les chances d’accroissement de valeur et le risque de dépréciation sur les titres, tout en conservant le pouvoir de décision sur la société émettrice, elle devrait, en toute hypothèse et conformément à la jurisprudence constante, être considérée comme le propriétaire économique des titres en application du §11 StAnpG.

Quant à la décision directoriale du 3 décembre 2020 portant refus de lui accorder un sursis à exécution sur base du § 251 AO, la société … estime que dès lors que le bureau d’imposition aurait accepté un sursis d’exécution sur le fondement du § 251 AO jusqu’à une décision directoriale, le directeur devrait pouvoir sur le même fondement accepter que sa propre décision fasse l’objet d’un sursis à exécution.

La société requérante considérant que le texte du § 251 AO ne limiterait pas le pouvoir d’accorder un sursis à exécution au seul bureau d’imposition mais viserait plus largement les décisions prises par le bureau d’imposition ou par le directeur. Comme elle estime que son recours serait sérieux, le directeur aurait dû consentir un tel sursis à exécution dès lors que le contribuable peut fournir des garanties.

Le délégué du gouvernement soutient quant à lui qu’aucune des conditions requises pour l’institution d’une mesure provisoire ne serait remplie en l’espèce. Il insiste plus particulièrement sur l’absence de préjudice grave et définitif ; plus précisément, il conteste à cet égard tout risque de faillite dans le chef de l’intéressée qui disposerait par ailleurs de possibilité de financer le paiement de la dette fiscale, le délégué du gouvernement se prévalant à cet égard des actifs de la société.

En vertu de l’article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 29 janvier 2021 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, elle ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme celle relative à l’existence d’un intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Il ne saurait se prononcer définitivement sur des questions de recevabilité que pour autant que celles-ci touchent exclusivement à la demande en sursis à exécution.

Force est au soussigné de constater que la requête sous analyse pose d’abord essentillement des questions de compétence, respectivement d’(ir)recevabilité, questions discutées contradictoirement à l’audience après avoir été plus particulièrement soulevée conformément à l’article 30 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

En l’espèce, si le recours au fond tend à voir réformer, sinon annuler la décision précitée du directeur du 4 novembre 2020 portant rejet de la réclamation, sinon du recours hiérachique de la partie requérante, tant le libellé que le corps et le dispositif de la requête en obtention d’une mesure provisoire, tendent formellement à voir ordonner le sursis à exécution par rapport à la décision directoriale ayant rejeté la réclamation, sinon le recours hiérachique de la partie requérante.

Or, il convient de rappeler que l’objet de la demande, consistant dans le résultat que le plaideur entend obtenir, est celui circonscrit dans le dispositif de la requête introductive d’instance, étant donné que les termes juridiques employés par un professionnel de la postulation sont à appliquer à la lettre, ce plus précisément concernant la nature du recours introduit, ainsi que son objet, tel que cerné à travers la requête introductive d’instance, le juge n’étant pas habilité à faire droit à des demandes qui n’y sont pas formulées sous peine de méconnaître l’interdiction de statuer ultra petita.

La décision directoriale ainsi déférée au provisoire constitue toutefois une décision négative qui n’est pas susceptible d’un effet suspensif. En effet, une décision administrative négative qui ne modifie pas une situation de fait ou de droit antérieure ne saurait faire l’objet d’une mesure de sursis à exécution, puisqu'une décision négative, c'est-à-dire qui dénie à un administré un droit, n'est pas susceptible d'un sursis à exécution en ce qu'une telle mesure ne serait pas de nature à lui reconnaître positivement le droit contesté, même si elle est en revanche susceptible de faire l’objet d’une mesure de sauvegarde.

La même conclusion s’impose en ce qui concerne la décision directoriale du 3 décembre 2020 portant refus de lui accorder un sursis à exécution sur base du § 251 AO, s’agissant là également d’une décision négative inscusceptible de refus, la suspension d’une décision de refus n’étant en effet pas de nature à instaurer un droit provisoire positif dans le chef de la requérante.

Il convient encore de souligner que la requête en obtention d’une mesure provisoire par rapport à la décision directoriale portant refus de lui accorder un sursis à exécution sur base du § 251 AO serait en tout état de cause superfétatoire, car visant le même objectif que la requête tendant à obtenir la « suspension » de la décision du directeur portant rejet de la réclamation, sinon du recours hiérachique de la partie requérante, à savoir l’interruption (« la suspension ») de l’exécution des bulletins d’imposition orginellement litigieux.

Enfin, si le recours au fond tend à voir réformer, sinon annuler les deux décisions précitées du directeur, le dispositif de la requête en obtention d’une mesure provisoire tend toutefois formellement à voir ordonner le sursis à exécution par rapport, outre aux décisions directoriales précitées, aux bulletins d’imposition sur la fortune des années 2015 et 2016 et au bulletin d’imposition sur le revenu de 2015.

Or, il s’agit de décisions distinctes, puisque suite à la réclamation introduite par la société requérante, réclamation vidée par le directeur appelé à procéder à un réexamen intégral de la situation du contribuable, est intervenue la décision directoriale, laquelle constitue une décision nouvelle, ayant remplacé les bulletins critiqués : en aucun cas la décision directoriale ne peut être considérée comme décision purement confirmative ne faisant pas grief par elle-

même1.

Ensuite, comme relevé ci-avant, le sursis à exécution ne peut être décrété que lorsque notamment (mais non exclusivement) l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif, un préjudice étant grave au sens de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 lorsqu’il dépasse par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société et doit dès lors être considéré comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.

Lorsqu’un préjudice, fût-il grave, est limité à un préjudice simplement pécuniaire et donc susceptible d’être réparé par le remboursement ou le paiement de sommes d’argent, le caractère difficilement réparable de celui-ci n’est a priori pas établi. Il en va toutefois autrement lorsqu’un préjudice simplement financier entraîne des conséquences irrémédiables telles que la faillite d’une entreprise, l’existence d’une telle circonstance particulière rendant le préjudice pécuniaire grave ou difficilement réparable devant cependant être établi concrètement par le requérant.

A cet égard, la société … soutient que le recouvrement de la dette fiscale litigieuse d’un montant de … euros affecterait négativement sa situation patrimoniale, dans la mesure où elle ne disposerait que de fonds en banque lui permettant de faire face à ses charges courantes 1 A. Steichen, Manuel de droit fiscal, Droit fiscal général, T. 1, 2006, p. 853, n° 978.

annuelles, de sorte qu’elle devrait se résoudre à vendre une partie de ses participations qui composent ses actifs liquides dont des titres cotés qui auraient subi des variations de valeur de plus de 30% durant l’année 2020, liquidation nécessitant la levée d’une partie des garanties afférentes ce qui devrait entrainer la renégociation des financements et potentiellement un alourdissement des charges d’intérêts : par ailleurs, elle affirme qu’une partie des titres en question se rapporterait à des sociétés détenant des actifs immobiliers, notamment relatifs à des hôtels, peu liquides, et dont les performances économiques actuelles seraient fortement impactées par les mesures de confinement exceptionnelles imposées par ces pays. Enfin, elle se prévaut d’une perte de réputation, de performance et d’attractivité alors qu’elle devrait procéder à des liquidations de titres d’un fonds d’investissement.

Force est toutefois d’abord au soussigné de relever que cette argumentation, telle que figurant dans la requête introductive d’instance, demeure essentiellement abstraite, le contribuable n’ayant pas précisé sa propre situation financière, ni procédé à une mise en perspective de ses dettes fiscales par rapport à sa situation patrimoniale : la seule allégation d’un préjudice, non autrement précisé et étayé, est insuffisante, l’exposé du préjudice grave et définitif ne pouvant se limiter à un exposé théorique, se cantonner à la seule évocation de précédents ou encore consister en des considérations générales, étant relevé que dans un souci de garantir le caractère contradictoire des débats, le juge du provisoire ne peut de surcroît avoir égard qu’aux arguments contenus dans la requête et doit écarter les éléments développés par le conseil de la partie requérante, pour la première fois, à l’audience.

S’il est vrai qu’un préjudice financier, notamment du fait d’une dépense importante qu’un administré serait contraint de faire en cas d’exécution de l’acte administratif querellé, est susceptible de constituer un préjudice grave et difficilement réparable, il n’en reste pas moins qu’il lui incombe de démontrer concrètement non seulement l’envergure de la dépense, mais aussi les répercussions graves risquant de le placer dans une situation financière intenable.

Le soussigné relève ensuite que s’il semble se dégager, aux termes d’une instruction des pièces versées en cause, que la dette fiscale s’élève à un montant de … euros, somme objectivement certes très importante, il n’appert pas que la société requérante, à défaut de toute précision quant à sa situation économique et financière, doive, en cas de recouvrement de ce montant, être considérée comme exposée au risque de devenir insolvable, alors que la société … présentait en 2019 un actif comptable de … euros, dont … euros en avoirs en banque, et avait réalisé un résultat de … euros. II résulte encore des comptes de la société requérante que celle-ci a provisionné la dette fiscale à hauteur de … euros.

Enfin, il résulte des explications du délégué du gouvernement que la société requérante appartient à un groupe de sociétés : or, l’appartenance de la société requérante à un groupe d’entreprises appelle le soussigné en tout état de cause à ne pas la suivre dans la mesure où elle entendrait voir dégager l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif dans son chef d’une analyse limitée à sa situation financière autonome, alors qu’il conviendrait au contraire aussi d’avoir égard aux ressources dont le groupe d’entreprises dispose, étant donné que le groupe et spécialement la société-mère de la demanderesse ont un intérêt évident à voir garantir sa pérennité2.

2 Trib.adm. prés. 25 mars 2014, n° 34149.

Aussi, si le montant réclamé au titre de la dette fiscale est certes objectivement très important, il n’appert pas que la survie même de la société requérante doive, en cas de recouvrement de ce montant, être considérée comme exposée à un risque effectif : il n’appert pas non plus que la société requérante doive, le cas échéant, se soumettre à une restructuration ou liquidation néfaste : il ne résulte ainsi pas des éléments produits en cause que le préjudice, même le cas échéant difficilement réparable, auquel la société requérante est exposée, ait des conséquences irrémédiables sur sa (sur)vie sociale, le paiement de la somme due ne risquant en effet pas de perturber de manière irrémédiable la situation financière du contribuable concerné, voire d’entraîner sa faillite pour cessation de paiements, de sorte que la société concernée n’est pas concrètement menacée en son existence même.

Ainsi, au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il échet partant d’en conclure qu’il n’est pas établi, en l’état actuel du dossier, que l’exécution de la décision litigieuse risque de causer à la société requérante un préjudice grave.

Dans la mesure où la demande en référé repose encore sur une atteinte à la réputation de la société requérante, il convient de retenir que l’éventuel arrêt d’annulation qui s’ensuivra permettra en principe de rétablir une éventuelle atteinte à sa réputation.

En ce qui concerne ensuite, à titre superfétatoire, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision directoriale portant rejet de la réclamation, respectivement du recours hiérarchique formel, il convient en effet de rappeler que le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait analyser et discuter les moyens invoqués à l’appui du recours au fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Ainsi, le juge du référé est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’il constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès. Il s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire : en d’autres termes, les moyens doivent offrir une apparence de droit suffisante ou un degré de vraisemblance tel que l’on peut nourrir des doutes importants quant à la légalité de l’acte3.

Si une certaine doctrine estime certes qu’il ne saurait être admis que lorsque l’évaluation du caractère fondé des moyens proposés à l’appui d’une demande de suspension ou d’institution d’une mesure de sauvegarde nécessite un examen poussé non différent de celui auquel il devra être procédé dans le cadre de la procédure au fond, le juge du référé ne pourrait pas admettre que lesdits moyens sont sérieux, puisqu’un tel raisonnement aboutirait à exclure d’office du champ des référés tout recours qui susciterait des questions juridiques complexes, ce qui viderait la protection juridictionnelle d’une partie de sa substance4, cette position méconnaît toutefois que la procédure de référé, fondée sur un examen prima facie, n’est pas conçue pour établir la réalité de faits complexes et hautement controversés : en effet, le juge des référés ne dispose pas des moyens nécessaires pour procéder à de tels examens, ne bénéficiant d’ailleurs pas de l’éclairage dont bénéficie le juge du fond à travers les mémoires en réponse, en réplique et en duplique et, dans de nombreux cas, il ne serait que difficilement à même d’y parvenir en temps utile. Ainsi, l’office même du juge des référés l’empêche d’exercer un contrôle semblable à celui du juge du fond qui aura un pouvoir d’investigation plus important : le juge des référés ne doit ainsi pas se fonder sur des appréciations réservées au juge du fond.

Partant, si une matière technique ou juridique complexe n’échappe évidemment pas automatiquement et par définition à la compétence d’un juge du provisoire, alors que même une question complexe peut susciter une réponse évidente ou directe - par exemple lorsqu’il existe un précédent jurisprudentiel aisément transposable ou une illégalité ou irrégularité manifeste, dont le caractère manifeste résulte soit de la décision déférée per se, soit des explications convaincantes du requérant, de sorte que le caractère sérieux dépend dès lors également fondamentalement de la qualité de la démonstration des droits menacés5, une matière technique ou juridique complexe se heurte toutefois à davantage d’obstacles pour justifier l’intervention du juge du provisoire, appelé seulement à retenir comme sérieux les moyens s’imposant prima facie ne requérant pas une analyse poussée.

Le soussigné tient encore à rappeler que, l’institution d’une mesure provisoire devant rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’elle constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

3 Jean-Paul Lagasse, Le référé administratif, 1992, p.48.

4 Contentieux administratif luxembourgeois, Pas. adm. 2020, p.97.

5 Trib. adm. (prés.) 22 mars 2019, n° 42434 ; trib. adm. (prés.) 5 avril 2019, n° 42557 ; trib. adm. (prés.) 14 juin 2019, n° 43039.

Ainsi, le Conseil d’Etat français a rappelé6 que le caractère exécutoire des actes administratifs est « la règle fondamentale du droit public et que le sursis à exécution n’est pour le juge qu’une simple faculté, alors même qu’existent des moyens sérieux d’annulation et un préjudice difficilement réparable ». Pour cette raison, le sursis reste pour la Haute juridiction française « anormal, puisqu’il entrave le pouvoir de création juridique des autorités administratives et jette la suspicion sur un acte qui bénéficie d’une présomption de légalité »7.

Le juge du référé appréciera partant si un moyen est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse, et ce eu égard à son office.

Il prendra donc en compte la situation juridique en s’en tenant à l’évidence et sans trancher des questions de droit qui ne l’ont pas encore été. L’évidence se définit communément comme la « qualité de ce qui emporte l’assentiment immédiat de l’esprit en s’imposant à lui de façon claire et distincte »8. Elle est caractérisée par son immédiateté, par ce qu’elle ne nécessite aucune démonstration ni aucun raisonnement préalable pour être regardée comme vraie9 :

l’évidence est partant une qualité dont est paré le fait ou le raisonnement qui, portant en lui révélation de son existence ou de son bien-fondé, vaut preuve de lui-même et dispense d’autre preuve ou d’autre démonstration10.

Le juge du référé ne peut ainsi en aucun cas tirer d’enseignements et encore moins de conclusions définitives lorsqu’il analyse la condition du caractère sérieux car il ne devra procéder uniquement qu’à un « premier examen » sans anticiper sur l’appréciation, sur le contrôle qu’effectuera le juge du fond. Cet examen se veut sommaire et basé sur les seuls éléments en possession de ce juge ou qui peuvent lui être apportés lors de l’audience. Il doit, en quelque sorte, seulement s’en référer à son intuition provenant de la lecture du dossier, tout en gardant à l’esprit que le juge du fond pourra toujours revenir sur la mesure prononcée en effectuant un contrôle approfondi du dossier.

Ainsi, un moyen est sérieux lorsqu’il laisse présager, aux termes d’une analyse sommaire, une probable réformation ou annulation : un moyen sérieux fait pressentir une annulation ou réformation, tandis que l’examen du caractère sérieux d’un tel moyen se caractérise par son caractère prima facie.

Ce caractère de sérieux peut résulter d’une situation de fait ou de droit manifeste (un élément matériel important a été ignoré, une disposition légale n’a été manifestement pas appliquée) ou encore d’une jurisprudence à tout le moins solidement établie ; le caractère sérieux dépend dès lors également fondamentalement de la qualité de la démonstration des droits menacés : le simple fait de transcrire l’argumentation développée devant les juges du fond, respectivement de s’y référer peut, face à des matières ou questions complexes, s’avérer de ce point de vue insuffisant.

6 Conseil d’Etat fr., 2 juillet 1982, Huglo, Rec. p. 257.

7 Morand-Deviller Jacqueline, « Le contrôle de l’administration : la spécificité des méthodes du juge administratif et du juge judiciaire », in Dupuis Georges (Dir.), Le contrôle juridictionnel de l’administration - Bilan critique, Paris : Économica, 1991, p. 190 8 Trésor de la langue française 9 Le Littré la définit ainsi comme « notion si parfaite d’une vérité qu’elle n’a pas besoin d’autre preuve ».

10 G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 8e éd., 2000.

C’est pourquoi le juge du provisoire doit prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

Ne présente en revanche pas un caractère sérieux suffisant, un moyen soulevant un simple doute quant à l’issue du recours, un moyen basé sur une jurisprudence fluctuante ou minoritaire ou lorsqu’il n’existe pas de jurisprudence qui permettrait de répondre aisément aux questions devant être tranchées en l’espèce par le jugement à rendre ultérieurement sur le fond, surtout lorsqu’il s’agit de questions de principe inédites qui ne sauraient être tranchées, pour la première fois, par le juge des référés, mais requièrent un examen approfondi dans le cadre de la procédure principale : le juge du référé est réellement le juge de l’évidence car il est cantonné à une position, sur ce problème, d’archiviste se contentant de reprendre à son compte une position adoptée par une autre juridiction11.

Si la solution du problème conduit le juge des référés à une appréciation juridique motivée qui fait la part entre la thèse de l’un et celle de l’autre, il excède ses pouvoirs dans la mesure où il est obligé de discuter juridiquement pour écarter l’une de ces thèses qui est donc forcément sérieuse. Lorsque le juge des référés, pour repousser une contestation, est obligé de bâtir un raisonnement juridique que ne dénierait pas un juge du fond, il va au-delà de ses pouvoirs12.

En l’espèce, le soussigné relève d’abord, aux termes d’un examen nécessairement superficiel, une argumentation quelque peu confuse, sinon à tout le moins guère évidente de la part de la société requérante, laquelle soutient, dans sa requête en obtention d’un sursis à exécution, être restée « propriétaire juridique et économqiue des titres prêtés », tout en faisant plaider, dans son recours au fond, que « le prêt de titres peut être assimilé au prêt de consommation même si les biens ne se consomment pas car la propriété juridique est généralement transférée », de même que « dans le contexte d’un prêt de titres, c’est bien le prêteur qui possède les titres comme s’il s’agissait d’un bien propre, et non la banque emprunteuse, peu importe que la propriété juridique des titres lui ait été transférée ».

Force est encore de constater que selon la société requérante même, la doctrine luxembourgeoise serait partagée sur la question, tandis que selon ses propres termes « le recours en réformation sinon en annulation traite d’une situation complexe et vraisemblablement inédite pour les juridictions administratives tant en ce qui concerne les prêts de titre du cas d’espèce que les arguments exposés. Ces éléments nécessitent une mise en état suffisante et peuvent appeler des mémoires supplémentaires, des questions du Tribunal et le cas échéant une réouverture des débats de sorte que le recours au fond ne sera pas traité à brève échéance (…) »., le mandataire de la société requérante ayant encore souligné à l’audience le caractère inédit, « non défriché », de la question à trancher et le fait que les juges du fond, prévisiblement, nécessiteront un long temps d’instruction, voire un complément d’instruction pour résoudre la question centrale leur soumise.

11 J. Piasecki, L’office du juge administratif des référés : Entre mutations et continuité jurisprudentielle. Droit, Université du Sud Toulon Var, 2008, n° 337, p.197.

12 Y. Strickler, Le juge des référés, juge du provisoire, thèse Strasbourg, 1993, p. 96 et 97.

Il résulte dès lors de l’appréciation même de la société requérante que la question soumise au soussigné n’appelle pas, en l’état, de réponse évidente, dans le sens que les arguments de la société requérante laisseraient présager, aux termes d’une analyse sommaire, une probable réformation ou annulation, mais qu’elle appelle, au contraire, une instrcution et discussion poussée.

Il s’ensuit, à défaut de toute doctrine ou jurisprudence, nationale, voire étrangère, susceptible d’éclairer de manière évidente le juge du proviosire, que la discussion en détail menée par la requérante relativement aux différentes appréciations possibles d’un prêt de titre, que ce soit du point de vue du droit civil, du droit comptable ou du droit fiscal, et de ses implications quant au régime des sociétés mère et filiale, appelle une appréciation réclamant en tout état de cause une analyse plus poussée et une discussion au fond, nécessitant de surcroît un examen des contrats de prêt conclus par la société requérante avec plusieurs emprunteurs, à savoir la … et …, à laquelle le juge du provisoire ne saurait pas procéder.

Il convient à cet égard de souligner la différence fondamenale entre la procédure dite de référé administratif et celle du référé devant le juge judiciaire, tel que le référé-provision.

Ainsi, le but d’un référé-provision est d’obtenir, sur base d’une créance non sérieusement contestable, la possibilité d’exécuter cette créance par provision : il appartient dans ce cadre au créancier d’établir que sa créance n’est pas sérieusement, de toute évidence, contestable, de sorte à ne pas « raisonnablement faire de doute dans l’esprit du juge », tandis que le défendeur, désirant faire obstacle à une telle exécution, devra émettre des contestations sérieuses, de sorte à faire obstacle à l’évidence qui sied à toute décision prise par le juge statuant en référé.

La situation devant le juge administratif est toutefois différente : en effet, l’acte administratif bénéficie ab initio non seulement du privilège du préalable et d’exécution d’office mais également d’une présomption de régularité : aussi, l’exécution d’un acte administratif n’exige pas, de la part de l’administration, la preuve d’un acte non sérieusement contestable, mais il appartient au requérant, désirant s’opposer à cet acte, non pas de semer simplement un doute dans l’esprit du juge du provisoire ou encore de confronter celui-ci à une abondante et complexe argumentation suscitant des interrogations, mais de produire des moyens offrant une apparence de droit suffisante ou un degré de vraisemblance tel que l’on peut nourrir des doutes importants quant à la légalité de l’acte et présupposer une probable réformation ou annulation de la décision déférée.

Or, en l’espèce, tel que retenu ci-avant, si les moyens et argumentations de la société requérante ne sont certes pas susceptibles d’être aisément, de manière évidente, écartés, mais paraissent même plausibles, il en va de même de l’argumentation lui opposée par l’administration des Contributions directes telle que matérialisée à travers la décision directoriale du 4 novembre 2020 : il n’appert dès lors pas de manière évidente, au terme d’un examen nécessairement sommaire et en l’état actuel d’instruction du dossier, que les moyens de réformation sinon d’annulation tels qu’avancés par la société requérante s’imposent à première vue, de même qu’ils ne laissent pas présager une probable réformation ou annulation de la décision directoriale du 4 novembre 2020 : ces moyens ne présentent dès lors pas le sérieux nécessaire pour justifier la mesure sollicitée.

Aussi, outre l’irrecevabilité de la requête telle que retenue ci-avant, il y a lieu de retenir que les deux conditions cumulatives essentielles pour justifier une mesure provisoire ne sont pas remplies, de sorte qu’il y a lieu de débouter le requérant de sa demande en institution d’une mesure provisoire.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution, condamne la société requérante aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 février 2021 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 février 2021 Le greffier du tribunal administratif 24


Synthèse
Numéro d'arrêt : 45568
Date de la décision : 08/02/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-02-08;45568 ?

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