La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/12/2020 | LUXEMBOURG | N°45356

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 décembre 2020, 45356


Tribunal administratif N° 45356 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 décembre 2020 Audience publique du 22 décembre 2020 Requête en obtention d’un sursis à exécution introduite par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable en matière de chasse

___________________________________________________________________________


ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 45356 du rôle et déposée le 14 décembre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAU

LISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsi...

Tribunal administratif N° 45356 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 décembre 2020 Audience publique du 22 décembre 2020 Requête en obtention d’un sursis à exécution introduite par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable en matière de chasse

___________________________________________________________________________

ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 45356 du rôle et déposée le 14 décembre 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à voir prononcer le sursis à exécution par rapport à une décision du ministre du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable portant retrait de son permis de chasser, respectivement refus de lui accorder un nouveau permis de chasser, un recours en réformation, sinon en annulation dirigé contre la même décision, inscrit sous le numéro du rôle 44355, ayant été introduit le même jour, étant pendant devant le tribunal administratif ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Maître Daniel BAULISCH ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 décembre 2020.

___________________________________________________________________________

Par décision du 28 août 2019, le ministre de la Justice révoqua l’autorisation de port d’armes de chasse de Monsieur …. Suite à un recours gracieux introduit en date du 7 novembre 2019 par le mandataire de Monsieur …, le ministre de la Justice prit une décision confirmative de refus datée du 21 février 2020.

Par requête déposée en date du 18 juin 2020, inscrite sous le numéro 44554 du rôle, Monsieur … fit introduire un recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle confirmative de révocation respectivement de refus du 21 février 2020 et par requête déposée le 18 juin 2020, inscrite sous le numéro 44555 du rôle, il introduisit un recours tendant à voir ordonner le sursis à exécution de la décision en question, recours dont il fut débouté par ordonnance du 1er juillet 2020.

Par décision du 5 novembre 2020, le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après « le ministre », procéda à son tour au retrait du permis de chasse de Monsieur … en les termes suivants :

1 « La présente comme suite au jugement n°1026/2019, au retrait de votre permis port d’armes en découlant du 28 août 2019, la confirmation de ce dernier en date du 21 février 2020 et comme suite à la réunion avec mes collaborateurs en date du 14 décembre 2019, laquelle se déroulait conformément à l’article 71 de la loi du 25 mai 2011 relative à la chasse.

Finalement, j’accuse aussi réception de votre demande en vue de la délivrance d’un permis de chasser pour l’année 2020/2021.

L’article 68 de la loi susmentionnée m’oblige de retirer le permis de chasser à toute personne à laquelle l’autorisation de port d’arme a été refusée ou retirée.

Vu les décisions du Ministre de la Justice du 28 août 2019 et du 21 février 2020 et en application de l’article 68 de la loi du 25 mai 2011 relative à la chasse, je me dois donc de procéder au refus de votre demande pour un permis de chasser.

Par ailleurs, en application de l’article 69 qui stipule que « Le ministre peut encore refuser ou retirer le permis: … 6. à toute personne dont la mauvaise conduite, l’état mental ou les antécédents laissent supposer qu’elle fera un mauvais usage de son arme » et conformément aux articles 71 et 72 de la loi précitée, je vous refuse le droit d’obtenir un permis de chasser pour la durée de cinq années et donc jusqu’au 4 novembre 2025 inclus.

Suivant le jugement mentionné ci-dessus vous avez bien avoué être l’auteur du tir ayant causé des blessures à une personne physique. Aussi est-il établi que le tir provenait de votre arme. Cependant, il résulte également du jugement précité qu’avant la chasse, les règles de sécurité ont été rappelées, dont notamment une des plus importantes entre elles, à savoir que la balle doit être « enterrée ». Or, vous n’avez pas respecté, ce jour-là, la plus importante des règles de sécurité pour le maniement d’une arme à feu pendant la chasse.

Contre la présente décision, un recours en réformation peut être interjeté auprès du Tribunal Administratif. Ce recours doit être introduit sous peine de déchéance dans un délai de 3 mois à partir de la notification de la présente décision par requête signée d’un avocat à la Cour. (…) » Par requête déposée en date du 14 décembre 2020, inscrite sous le numéro 45355 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation dirigé contre la décision ministérielle de révocation respectivement de refus du 5 novembre 2020 et par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 45356 du rôle, il a introduit un recours tendant à voir ordonner le sursis à exécution de la décision en question.

Reprenant à l’identique son argumentation telle que produite dans le cadre de l’affaire ayant abouti à l’ordonnance du 1er juillet 2020, n° 44555 du rôle, ordonnance l’ayant pourtant débouté pour défaut de préjudice grave et définitif, Monsieur … estime que l’exécution de la décision de retrait, respectivement de refus du permis de chasse, lui causerait un préjudice grave et définitif, en ce que comme il serait actuellement déchu du droit de pratiquer la chasse, il lui serait interdit de faire « ce qu’il faisait avec passion et dévouement pendant plus de trois décennies » tout au long de la procédure contentieuse.

Le requérant estime ensuite que les moyens développés devant les juges du fond apparaitraient comme sérieux.

2 Le délégué du gouvernement s’oppose à la demande en contestant tant le sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours au fond que l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif.

En vertu de l’article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 14 décembre 2020 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

Une demande de suspension a pour objet d’empêcher, temporairement, la survenance d’un préjudice grave et définitif, auquel le requérant ne saurait autrement échapper.

Pour l’appréciation du caractère définitif du dommage, il n’y a toutefois a priori pas lieu de prendre en considération le dommage subi pendant l’application de l’acte illégal et avant son annulation ou sa réformation, puisqu’admettre le contraire reviendrait à remettre en question le principe du caractère immédiatement exécutoire des actes administratifs, car avant l’intervention du juge administratif, tout acte administratif illégal cause en principe un préjudice qui, en règle, peut être réparé ex post par l’allocation de dommages et intérêts. Ce n’est que si l’illégalité présumée cause un dommage irréversible dans le sens qu’une réparation en nature, pour l’avenir, ou qu’un rétablissement de la situation antérieure, ne seront pas possibles, que le préjudice revêt le caractère définitif tel que prévu par l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 19991.

Le préjudice éventuellement subi par le requérant à ce jour, respectivement « tout au long de la procédure contentieuse » ne saurait dès lors être considéré comme admissible pour prétendre à l’admission d’une mesure provisoire, s’agissant d’un préjudice d’ores et déjà consommé, auquel une mesure provisoire ne saurait porter remède, sinon d’un préjudice par nature temporaire, le cas échéant terminé par un jugement d’annulation définitif, partant un préjudice non définitif ou irréversible.

Il n’appert partant pas qu’il s’agisse d’un préjudice définitif.

En ce qui concerne le préjudice futur allégué, seul préjudice pouvant éventuellement entrer en considération, le soussigné relève qu’un préjudice est grave au sens de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 lorsqu’il dépasse par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société et doit dès lors être considéré comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.

Aussi, le fait de ne pas pouvoir durant le temps de la procédure contentieuse assouvir sa « passion » et de pratiquer son activité de loisir, à savoir la chasse, ne saurait être considéré per se, comme constituant un préjudice grave, c’est-à-dire comme dépassant par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société, le requérant 1 Trib. adm. (prés.) 8 février 2006, n° 20973 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 619.

3n’ayant d’ailleurs donné aucune indication concrète sur la fréquence de ses participations à des activités cynégétiques.

Il convient par ailleurs de souligner qu’en ce qui concerne la condition du préjudice grave et définitif, un sursis à exécution, respectivement une mesure de sauvegarde, ne saurait être ordonné que si le préjudice invoqué par le requérant résulte de l’exécution immédiate de l’acte attaqué, la condition légale n’étant en effet pas remplie si le préjudice ne trouve pas sa cause dans l’exécution de l’acte attaqué, le risque dénoncé devant en effet découler de la mise en œuvre de l’acte attaqué et non d’autres actes étrangers au recours : or, il appert en l’espèce que la situation de fait critiquée, à la base du présent litige, à savoir l’impossibilité de s’adonner à la chasse, si elle s’est notamment matérialisée par la décision de retrait, respectivement de refus de permis de chasse telle qu’actuellement déférée, trouve toutefois son origine dans la décision de retrait, respectivement de refus de port d’armes, prise en date du 28 août 2019, respectivement en date du 21 février 2020 par le ministre de la Justice, étant souligné qu’aux termes de l’article 68 de la loi modifiée du 25 mai 2011 relative à la chasse, « Le ministre refuse ou retire le permis : 1. à toute personne à laquelle l’autorisation de port d’arme a été refusée ou retirée », de sorte à instaurer une compétence liée dans le chef du ministre ayant la chasse en ses attributions, compétence tributaire de la décision de refus ou de retrait du ministre de la Justice.

En effet, la chasse ne se pratiquant pas à mains nues, mais avec des armes à feu, la perte - toujours actuelle - du permis de port d’armes de chasse du requérant l’empêche à première vue ipso facto de chasser, de sorte que le préjudice actuellement invoqué ne trouve pas son origine directe dans la décision attaquée. Inversement, la mesure provisoire sollicitée ne saurait en tout état de cause rétablir le requérant dans son droit de chasser, puisque l’usage d’armes à feu lui demeurerait interdit.

Le requérant est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle de moyens sérieux avancés devant les juges du fond, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

Il en va nécessairement de même de la demande tendant à voir « ordonner l’exécution provisoire de l’ordonnance à intervenir nonobstant appel ou opposition, sur minute et avant l’enregistrement », la présente ordonnance n’étant par ailleurs ni susceptible d’appel, ni d’opposition.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 2.750.- euros encore formulée par le requérant laisse également d’être fondée, les conditions légales afférentes n’étant pas remplies en cause.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, 4 rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution, rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure, condamne le requérant aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 décembre 2020 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 décembre 2020 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 45356
Date de la décision : 22/12/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-12-22;45356 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award