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07/12/2020 | LUXEMBOURG | N°45232

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 décembre 2020, 45232


Tribunal administratif N° 45232 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 novembre 2020 Audience publique du 7 décembre 2020 Requête en institution d’un sursis à exécution, sinon d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur …, …, contre une décision du bourgmestre de la Ville de Diekirch en présence de Monsieur … et de Madame …, …, en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 45232 du rôle et déposée le 17 novem

bre 2020 au greffe du tribunal administratif par l’Etude d’Avocats WEILER, WILTZIUS, BILTGEN SARL...

Tribunal administratif N° 45232 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 novembre 2020 Audience publique du 7 décembre 2020 Requête en institution d’un sursis à exécution, sinon d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur …, …, contre une décision du bourgmestre de la Ville de Diekirch en présence de Monsieur … et de Madame …, …, en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 45232 du rôle et déposée le 17 novembre 2020 au greffe du tribunal administratif par l’Etude d’Avocats WEILER, WILTZIUS, BILTGEN SARL, établie à L-9234 Diekirch, 30, route de Gilsdorf, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des Avocats du Barreau de Diekirch, immatriculée au RCS de Luxembourg sous le N° B239498, représentée par Maître Christian BILTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant à …, tendant à voir ordonner qu’il soit sursis à l’exécution, sinon qu’il soit instauré une mesure de sauvegarde par rapport à la décision du bourgmestre de la Ville de Diekirch du … 2020, référencée sous le n° …/2020, autorisation émise au profit de Monsieur … et de Madame …, demeurant ensemble à …, pour la construction d’une maison unifamiliale sise à …, sur une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Diekirch, section … de …, sous le n° …, d’une contenance de … ares, cette autorisation ayant encore été attaquée au fond par une requête en annulation introduite le 21 octobre 2020, portant le numéro 45118 du rôle ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick MULLER, demeurant à Diekirch, du 18 novembre 2020 portant signification de la prédite requête en institution d’une mesure provisoire à l’administration communale de la Ville de Diekirch ainsi qu’à Monsieur … et à Madame … ;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Maître Christian BILTGEN, pour les requérants, ainsi que Maître Paul SCHINTGEN, en remplacement de Maître Albert RODESCH, pour l’administration communale de la Ville de Diekirch, et Maître Alain BINGEN, pour Monsieur … et Madame …, entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 décembre 2020.

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Monsieur … expose être le propriétaire de la parcelle cadastrale n°…, directement attenante à la parcelle inscrite sous le n° … au cadastre de la commune de Diekirch, section … de … et sise à …, parcelle devant accueillir le projet de construction de Monsieur … et de 1 Madame …, ci-après « les consorts … », tel qu’autorisé par la décision du bourgmestre de la Ville de Diekirch du … 2020, référencée sous le n° …/2020, et prévoyant la construction d’une maison unifamiliale en lieu et place d’une ancienne maison, d’ores et déjà démolie.

En cette qualité, il a introduit par requête déposée le 21 octobre 2020 et inscrite sous le numéro 45118 du rôle un recours en annulation contre l’autorisation de construire précitée du 17 juillet 2020, émise par le bourgmestre de la Ville de Diekirch sous la référence n° …/2020 au profit des consorts ….

Par requête séparée déposée postérieurement le 17 novembre 2020, inscrite sous le numéro 45232 du rôle, Monsieur … a encore demandé à voir prononcer un sursis à exécution de l’autorisation de construire déférée, sinon à avoir instaurer une mesure de sauvegarde en attendant la solution de son recours au fond.

Il affirme à l’appui de sa requête en instauration d’une mesure provisoire que la construction projetée aggraverait sa situation de voisin, alors que les plans et la construction projetée ne seraient en de multiples points pas conformes à la règlementation urbanistique.

A cet égard, il égrène différentes illégalités respectivement irrégularités : ainsi, les murs de soutènement du projet dépasseraient la hauteur maximale admise, de sorte que le terrain devant accueillir la construction litigieuse surplombera, une fois les travaux exécutés, son propre terrain à bâtir. Il considère que ce sur-élevage du terrain naturel aurait pour effet que l’intimité de la vie privée sur son propre terrain serait quasiment impossible à être respectée, aucun moyen de construction licite ne permettant au requérant ou à son ayant-droit de clore les vues surélevées en résultant. Il critique encore le fait que les consorts … feraient procéder à un remblayage du terrain naturel dépassant la hauteur d’un mètre ainsi que le fait qu’ils projetteraient d’ériger un pool-house à très faible distance de son propre terrain entraînant dès lors une perte de soleil, alors que seuls les abris de jardin seraient autorisables.

Il reproche également aux consorts … de procéder à un scellement du sol dépassant le seuil admis pour les zones de verdure, engendrant dès lors un risque d’écoulement des eaux sur son terrain lors d’intempéries ; par ailleurs, la maison telle que projetée dépasserait de loin les hauteurs de corniche admises et entraînerait dès lors encore plus une perte de lumière et de soleil ; elle afficherait encore un niveau de trop, tandis que la profondeur au sous-sol serait excessive, à savoir 16 mètres au lieu de 14 mètres, ce qui entrainerait un manque de surface libre et de volume permettant une évacuation des eaux.

Enfin, la véranda ne serait pas accolée mais constituerait un volume à part entière de la construction initiale, de sorte qu’il serait inadmissible que la profondeur passe à 18 mètres au lieu de 14 mètres, entraînant dès lors encore une fois une projection d’ombre sur le terrain du requérant dans une grande profondeur.

Le requérant en conclut que ces griefs, tant pris isolément que combinés, dépasseraient ce qu’un voisin devrait normalement tolérer, le requérant estimant encore que la condition de l’existence d’un préjudice grave et définitif serait donnée en l’espèce, du fait que la construction enfreignant la réglementation applicable se trouverait dans son champ de vision direct et aggraverait sa situation de voisin ; par ailleurs, comme les juridictions judiciaires refuseraient d’ordonner la démolition de constructions érigées sous le couvert d’une autorisation administrative annulée par la suite, son préjudice serait encore définitif au cas où la construction 2 serait achevée sous le couvert de l’autorisation attaquée, alors même qu’elle serait ensuite annulée, le requérant rappelant que d’ailleurs en matière d’urbanisation, le rétablissement des lieux ne serait pas obligatoire, la réparation du préjudice pouvant également se faire par l’allocation de dommages et intérêts, lesquels toutefois ne permettraient « jamais à refaire briller le soleil sur le terrain du requérant ».

Monsieur … estime encore que son recours au fond aurait de sérieuses chances de succès de voir annuler le permis querellé et il se prévaut à cet effet des moyens d’annulation suivants :

1.

Après avoir indiqué que la parcelle devant accueillir le projet litigieux serait sise selon le plan d’aménagement général de la Ville de Diekirch (« PAG ») en zone HAB-1 ainsi que soumise au plan d’aménagement particulier « Quartiers existants » (« PAP QE ») « Espace résidentiel 3 » (ci-après « PAP QE »), Monsieur … soulève une violation de l’article 87 d) du PAP QE, chapitre K, limitant la hauteur des murs de soutènement à 1,50 mètres, sauf possibilité de dérogation en cas de terrains à forte pente.

Le mur de soutènement tel que projeté dépassant la hauteur de 1,50 mètres et affichant 2 mètres à 2,30 mètres de haut à partir du terrain naturel, tandis que la partie du mur de soutènement devant accueillir le mur du pool-house dépassant de loin la hauteur de 1,50 mètres pour mesurer 2,20 mètres au point le plus haut, l’autorisation déférée violerait manifestement les dispositions invoquées.

2.

Il s’empare ensuite de l’article 86 du PAP QE qui limite tout remblayage à une hauteur maximale d’un mètre, sauf dérogation à accorder par le bourgmestre en cas de forte pente, à savoir une pente accusant plus de 12 %, pour soutenir que comme les plans autorisés dévoileraient un remblai de 1,485 mètres au milieu derrière la véranda, allant jusqu’à 1,90 mètres, alors que le terrain n’accuserait qu’une pente de 5 %, l’autorisation devrait encore encourir de ce point de vue l’annulation devant les juges du fond.

3.

En troisième lieu, le requérant critique l’autorisation de construire un pool-house, alors que selon l’article 85 du PAP QE, chapitre K, intitulé « Aménagement des espaces libres », dans les espaces situés au-delà de la bande de construction, y compris ceux classés au PAG en « zone de jardins familiaux », toute construction serait interdite à l’exception des abris de jardin, constructions légères, piscines non couvertes, piscines naturelles, étangs, murs et clôtures, pour autant que soient réunies cumulativement certaines conditions. Or, il considère, en prenant encore appui sur le chapitre L du PAP QE, point 14, définissant une construction légère, que la dépendance autorisée à côté de la piscine, comprenant l’installation d’une salle de douche, d’une toilette et d’un lavabo et munie de larges baies vitrées, serait un pool-house, et dès lors ni un abri de jardin, ni une construction légère, partant non autorisable.

4.

Le requérant reproche ensuite au projet autorisé d’entraîner un scellement excessif du sol, en violation de l’article 46 du PAP QE combiné à l’annexe 1, point 11, du PAG, dans la mesure où ces dispositions imposeraient de garantir que 20% de la surface de la parcelle destinée à être urbanisée, hors zone de jardins familiaux, soit réservée à la plantation et présente une perméabilité maximale : or, en l’espèce, comme le terrain à bâtir aurait une surface à bâtir nette de … ares, les surfaces non scellés devraient être d’au moins … ares. Toutefois, du fait de la construction de la maison, de la véranda, du pool-house, de la piscine et de l’aménagement d’une grande terrasse reliant la piscine à la véranda, ainsi que des chemins d’accès vers le garage et les portes, le respect de ce coefficient ne serait pas garanti.

3 5.

Sur base de l’article 41 b) du PAP QE prévoyant une hauteur maximale admissible à la corniche ou à l’acrotère de 7 mètres ainsi qu’une hauteur maximale au faîte de 11 mètres, sauf possibilité d’augmentation de la hauteur à la corniche d’un mètre en cas de terrain à forte pente, ensemble le chapitre L du PAP QE définissant sous son point 21 la hauteur à la corniche, le requérant relève que le projet autorisé accuserait une hauteur de corniche de 9,73 mètres, soit un dépassement de 2,73 mètres, alors que le terrain accueillant le projet ne saurait être considéré comme présentant une forte pente.

6.

Sur base de l’article 41 du PAP QE, ensemble le chapitre L du PAP QE définissant en ses points 11 et 32 respectivement les combles et le niveau plein, le requérant soutient que comme la ligne de la corniche s’étendrait du rez-de-chaussée au dernier étage jusqu’à une hauteur de 9,73 mètres, il y aurait trois niveaux pleins, alors que le PAP QE n’en admettrait que 2.

7.

Le requérant fait ensuite plaider que le projet accuserait illégalement une profondeur au niveau du sous-sol de 16 mètres au lieu des 14 mètres prévus par l’article 41 c) du PAP QE, la dérogation y prévue pour les terrains à forte pente n’étant selon lui pas applicable.

8.

Sur base de la même disposition, qui admet une profondeur totale maximale de 18 mètres pour les bâtiments auxquels sont accolés des verrières ou vérandas, le requérant excipe, au vu de la définition figurant au chapitre L, point 60, du PAP QE, que la partie identifiée sur les plans comme véranda ne serait pas accolée à une façade, mais constituerait un volume à part entière de la construction initiale, de sorte qu’il serait inadmissible que la profondeur passe à 18 mètres au lieu de 14 mètres, le requérant se référant encore à un jugement du tribunal administratif du 12 février 2020, n° 42027 du rôle, confirmé par un arrêt de la Cour administrative du 27 octobre 2020, n° 44298C du rôle, pour contester qu’il s’agirait d’une construction accolée, alors qu’il s’agirait dans les faits d’un prolongement de l’espace du rez-

de-chaussée.

9.

Le requérant dénie encore au bourgmestre de manière générale le droit d’appliquer une disposition dérogatoire en faisant plaider que si l’article 92 b du PAP QE permet certes aux autorités communales de déroger à titre exceptionnel ponctuellement aux dispositions du PAP QE, à la condition stricte que l’application de toutes ses dispositions rendrait le terrain à bâtir impropre à la construction et encore qu’aucun intérêt légitime ne soit lésé, ou pour permettre l’assainissement énergétique des constructions existantes, ces hypothèses ne seraient pas données en l’espèce, alors notamment que le terrain en question serait parfaitement constructible sans violer toutes les dispositions susvisées, le terrain ayant d’ailleurs auparavant accueilli une maison d’habitation ayant depuis été démolie par les consorts ….

10.

Enfin, le requérant s’empare de l’article 27, alinéa 3, du règlement sur les bâtisses selon lequel « tout nouveau remblai apporté au niveau du terrain naturel ne doit pas conduire […] à l’installation de murs de soutènement entre deux terrains à bâtir dépassant 1,00 m. La base de tout talus doit être distante de 2 m min de la propriété voisine. Pour des raisons d’ordre technique ou liées à la topographie du site, le bourgmestre peut exceptionnellement dispenser des obligations du présent alinéa », pour conclure à l’illégalité des murs de soutènement tels qu’autorisés, culminant à 1,70 mètres, voire à 2,30 mètres à partir du terrain naturel.

L’administration communale de la Ville de Diekirch, rejointe en son argumentation par les consorts …, conclut au rejet du recours.

4 En vertu de l’article 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif ou le magistrat le remplaçant peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire, à l’exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d’admettre que l’institution d’une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l’appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Or, en vertu de l’article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 21 octobre 2020 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

Il convient ensuite de rappeler que la demande en obtention d’une mesure provisoire a pour objet d’empêcher, temporairement, la survenance d’un préjudice grave et définitif ; les effets de la suspension étant d’interdire à l’auteur de l’acte de poursuivre l’exécution de la décision suspendue. Par ailleurs, comme la procédure en obtention d’une mesure provisoire doit rester une procédure exceptionnelle, puisqu’elle constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

Il convient ainsi de rappeler que la demande en obtention d’une mesure provisoire a pour objet d’empêcher, temporairement, la survenance d’un préjudice grave et définitif ; les effets de la suspension, respectivement, tel que sollicité en l’espèce, de la mesure de sauvegarde, étant d’interdire à l’auteur de l’acte de poursuivre l’exécution de la décision suspendue. Par ailleurs, comme la mesure provisoire doit rester une procédure exceptionnelle, puisqu’il constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

Il en résulte qu’une mesure de sauvegarde ne saurait être ordonnée que si le préjudice invoqué par le requérant résulte de l’exécution immédiate de l’acte attaqué, la condition légale n’étant en effet pas remplie si le préjudice ne trouve pas sa cause dans l’exécution de l’acte 5 attaqué : en d’autres termes, la décision contestée doit porter préjudice ou atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, aux intérêts du requérant.

Plus particulièrement, lorsque la mesure sollicitée, telle qu’en l’espèce l’arrêt des travaux du projet immobilier litigieux, constitue une mesure grave, susceptible d’avoir des conséquences financières et économiques importantes pour le bénéficiaire de l’autorisation querellée et d’engager, le cas échéant, la responsabilité du magistrat appelé à prendre une telle mesure, ce dernier est en droit d’attendre que le requérant prenne explicitement position par rapport aux deux conditions prévues par la loi et, en particulier, convainque le juge du provisoire de la nécessité d’ordonner la mesure sollicitée afin d’empêcher précisément la survenance d’un dommage grave et irréversible dans son chef.

Il suit partant de ce qui précède que le préjudice grave et définitif est à apprécier par rapport aux travaux envisagés, en ce que ceux-ci sont de nature à nuire au requérant. En effet, dans ce contexte, il importe de vérifier en quoi la situation de voisin se trouve aggravée par un quelconque élément de l’autorisation de construire critiquée de sorte à l’exposer à un risque de préjudice grave, c’est-à-dire dépassant par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société ni comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques, et plus particulièrement dans quelle mesure le projet litigieux porterait une atteinte grave et définitive, ou du moins difficilement réparable, aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de la propre propriété du requérant, étant toutefois souligné que la seule situation de voisin, même direct, n’implique dès lors pas, ipso facto, automatiquement, l’existence d’un préjudice grave et définitif1. En effet, si la reconnaissance d’un risque de préjudice grave et définitif dans le chef d’un requérant implique nécessairement l’existence dans son chef d’un intérêt à agir, l’inverse n’est pas vrai puisqu’un administré peut disposer d’un intérêt à agir à voir contrôler la légalité d’un acte administratif lui faisant grief, sans toutefois que ce grief ne soit grave et irréversible.

En l’espèce, le requérant expose en substance que du fait du surdimensionnement allégué du projet de construction - que ce soit la maison d’habitation elle-même ou des constructions annexes telles que notamment les murs de soutènement - il serait porté atteinte à son intimité, que les constructions litigieuses - en ce compris le pool-house - entraineraient encore une importante perte de lumière et d’ensoleillement, et finalement que le scellement excessif du sol et la profondeur excessive du sous-sol provoqueraient un risque d’écoulement des eaux sur son propre terrain.

Il est toutefois constant en cause que si Monsieur … est bien le propriétaire du terrain limitrophe et que ce terrain, par son classement en zone d’habitation, est destiné, du moins partiellement, à être urbanisé, ledit terrain n’est toutefois actuellement utilisé qu’en tant que prairie ou verger, tandis qu’il est apparu que Monsieur … n’a actuellement pas de projet concret de construction relativement à ce terrain, mais qu’il réserve ce terrain, ainsi que la place à bâtir juxtaposée, pour ses enfants.

II ne saurait par conséquent se prévaloir personnellement, ni actuellement, ni prévisiblement, d’une perte d’intimité ou d’une perte d’ensoleillement, étant souligné qu’en tout état de cause la vue et l’ensoleillement ne sauraient constituer des droits acquis, sauf à rendre impossible toute évolution du tissu construit, même s’il n’est pas urbain2. Par ailleurs, et 1 Voir trib. adm. prés. 18 mars 2019, n° 42408.

2 Cour d’appel de Toulouse, 1ère chambre, 17 septembre 1991, n°2330/89.

6 en tout état de cause, un éventuel préjudice, tel qu’allégué, ne résulterait pas de la construction per se, mais uniquement de la différence de hauteur éventuellement illégale.

Il convient ensuite de relever qu’une construction, même conforme aux règles d’urbanisme ou à un permis de construire effectivement délivré par l’autorité, est toujours délivrée sous réserve des droits des tiers, et notamment le droit de propriété des voisins, en application de l’article 544 du Code civil : par ailleurs, la jurisprudence judiciaire admet que le principe des troubles anormaux de voisinage trouve également à s’appliquer au domaine de la construction immobilière. Toutefois, le juge judiciaire, s’il admet que toute perte significative d’ensoleillement causée par la construction d’un immeuble collectif volumineux, peut ouvrir droit, pour le voisin, à indemnisation, opère une distinction en fonction de la qualité de ce voisin : ainsi, il prévoit l’indemnisation de deux types de préjudices : la perte de valeur pour le propriétaire et le trouble de jouissance du bien pour ses occupants3.

Monsieur … n’étant pas occupant de sa propriété, actuellement non urbanisée, il ne saurait prétendre qu’à une éventuelle moins-value financière, moins-value pouvant être indemnisée par l’allocation de dommages et intérêts, de sorte que le préjudice résultant de dimensions éventuellement excessives du projet de construction litigieux ne saurait être considéré dans son chef comme définitif, c’est-à-dire comme irréparable. En effet, un préjudice financier est en principe réparable, de sorte qu’il ne justifiera l’instauration d’une mesure provisoire que s’il entraîne directement d’autres conséquences dommageables, importantes et irréversibles ou difficilement réversibles4.

Quant aux questions de ruissellement ou d’écoulement d’eaux tels qu’alléguées, le requérant dispose en tout état de cause de voies de droit lui permettant le cas échéant d’obtenir le respect des dispositions afférentes du Code civil ainsi que, le cas échéant, une réparation adéquate.

Le soussigné constate encore que le projet de construction litigieux, même à admettre le surdimensionnement allégué, n’est pas de nature à entraîner une atteinte démesurée, inacceptable, aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de la propre propriété du requérant, n’ayant pas une incidence directe, concrète et significative sur les conditions de vie personnelle du requérant5.

Le requérant est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait nécessairement lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle de moyens sérieux avancés devant les juges du fond, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

Il convient toutefois de souligner que la solution ci-avant retenue, encore qu’à première vue favorable à la Ville de Diekirch et aux consorts …, est la conséquence du fait que l’une des conditions devant être cumulativement remplies pour prétendre à l’obtention d’une mesure provisoire n’est pas donnée en l’espèce, et ne préjudicie dès lors pas de l’issue future du recours au fond, ni ne signifie, à ce stade, que les moyens du requérant ne seraient pas suffisamment sérieux. Le préjudice grave et définitif ainsi que la démonstration de moyens 3 Cass. fr. 19 janvier 2017, req. n°15-28591.

4 Voir C.E. belge, 29 septembre 2014, Association de techniciens professionnels du spectacle, n° 228.565.

5 Voir C.E. belge, 5 novembre 2014, X, n° 229.076 ; C.E. belge, 16 septembre 2014, Leboeuf, n° 228.382.

7 sérieux sont en effet deux conditions distinctes du recours au référé administratif : en d’autres termes, la démonstration d’un moyen sérieux, même de manière manifeste, ne crée pas en tant que telle une situation de risque de préjudice grave et définitif, tandis que l’absence de préjudice grave et définitif, inversement, ne signifie pas l’absence de moyens sérieux.

Dans le seul but de conférer une réelle utilité au présent recours, alors que le fait de ne fournir aucune indication utile sur le sort probable des moyens est de nature à prolonger, éventuellement longuement, une incertitude juridique qui pouvait s’avérer finalement très préjudiciable en cas d’annulation, le soussigné procèdera néanmoins à une analyse sommaire des moyens du requérant.

A cet égard, il appert, au terme d’une analyse nécessairement superficielle, que certains des moyens du requérant sont de nature à mettre sérieusement en doute la légalité de l’autorisation de construire telle que déférée.

A titre liminaire, le soussigné est amené à écarter à ce stade de l’instruction du dossier tous les moyens basés sur la contestation de l’existence d’une « forte pente » au sens de la règlementation urbanistique applicable.

En effet, aux termes du point 51 du chapitre L du PAP QE, un terrain en forte pente devrait afficher dans une bande de 40 mètres de profondeur à partir de la limite du domaine public, une pente moyenne dépassant les 12 %. Si le requérant soutient dans sa requête que le terrain devant accueillir le projet litigieux accuserait une pente moyenne de 5 %, il résulte des calculs effectués respectivement par l’administration communale et par les consorts … que le terrain accuserait en fait une pente moyenne de 12,38 % respectivement de 12,9 %, tandis qu’un calcul succinct6 effectué par le soussigné sur base du point le moins élevé (209,09 m) et le plus élevé (214 m), sis sur une ligne droite tirée sur 40 m à partir de la limite du domaine public (voirie), donne une pente moyenne de 12,275 %.

Le reproche de l’absence de « pente forte » justifiant certaines dérogations ne paraît dès lors, prima facie, pas suffisamment sérieux.

Il convient à cet égard de rappeler que le juge des référés ne peut en aucun cas tirer d’enseignements et encore moins de conclusions définitives lorsqu’il analyse la condition du caractère sérieux car il ne devra procéder uniquement qu’à un « premier examen » sans anticiper sur l’appréciation, sur le contrôle qu’effectuera le juge du fond. Cet examen se veut sommaire et basé sur les seuls éléments en possession de ce juge ou qui peuvent lui être apportés lors de l’audience. Il doit, en quelque sorte, seulement s’en référer à son intuition provenant de la lecture du dossier, tout en gardant à l’esprit que le juge du fond pourra toujours revenir sur la mesure prononcée en effectuant un contrôle approfondi du dossier.

Ainsi, un moyen est sérieux lorsqu’il laisse présager, aux termes d’une analyse sommaire, une probable réformation ou annulation : un moyen sérieux fait pressentir une annulation ou réformation, tandis que l’examen du caractère sérieux d’un tel moyen se caractérise par son caractère prima facie. Ce caractère de sérieux peut résulter d’une situation de fait ou de droit manifeste (un élément matériel important a été ignoré, une disposition légale n’a été manifestement pas appliquée) ou encore d’une jurisprudence à tout le moins solidement établie ; le caractère sérieux dépend dès lors également fondamentalement de la qualité de la 6 www.lememento.fr/calcul-pente 8 démonstration des droits menacés : le simple fait de transcrire l’argumentation développée devant les juges du fond, respectivement de s’y référer peut, face à des matières ou questions complexes, s’avérer de ce point de vue insuffisant.

C’est pourquoi le juge du provisoire doit prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

Ne présente en revanche pas un caractère sérieux suffisant, un moyen soulevant un simple doute quant à l’issue du recours, un moyen basé sur une jurisprudence fluctuante ou minoritaire ou lorsqu’il n’existe pas de jurisprudence qui permettrait de répondre aisément aux questions devant être tranchées en l’espèce par le jugement à rendre ultérieurement sur le fond, surtout lorsqu’il s’agit de questions de principe inédites qui ne sauraient être tranchées, pour la première fois, par le juge des référés, mais requièrent un examen approfondi dans le cadre de la procédure principale : le juge des référés est réellement le juge de l’évidence car il est cantonné à une position, sur ce problème, d’archiviste se contentant de reprendre à son compte une position adoptée par une autre juridiction7.

Les contestations du requérant, dirigées d’une part contre le fait que les consorts … auraient calculé une pente en diagonale par rapport à leur terrain, ainsi que contre le fait qu’il conviendrait non pas de calculer la pente sur une longueur de 40 m, mais sur la longueur effective de la parcelle visée, ne sont pas de nature à énerver le constat provisoire ci-dessus.

En effet, il convient d’abord de relever que ces contestations ne sont pas soutenues par le texte : au contraire, le point 51 visé ci-dessus, définissant le terrain « en forte pente », ne fait reposer le calcul de la pente que sur trois éléments : un terrain situé dans une bande de 40 m de profondeur à partir de la limite du domaine public, le point le plus élevé et le point le plus bas.

Vouloir réduire le champ de calcul de la pente aux dimensions d’une parcelle déterminée ne paraît dès lors pas être justifié par cette définition ; une telle approche aboutirait par ailleurs à des résultats différents pour des parcelles juxtaposées, exposées à une même pente, mais de dimensions différentes, ce qui aboutirait à un traitement architectural hétérogène d’une parcelle à l’autre, et ce en dépit d’une constante géographique identique, à savoir la pente.

Il en va de même de l’argumentation du requérant voulant définir le calcul de la pente sur une ligne perpendiculaire à partir du domaine public, une telle méthodologie risquant d’aboutir à un résultat incorrect, lorsque, tel que notamment en l’espèce, la pente ne s’élève pas de manière linéaire et perpendiculaire par rapport au domaine public, mais de biais.

En tout état de cause, au vu du texte et du schéma explicatif figurant à l’article 91 du PAP QE, l’adoption de l’argumentation du requérant ne s’impose pas manifestement, c’est-à-

dire à première vue, mais exigerait un effort d’interprétation sur base d’une analyse plus poussée et d’une discussion au fond, à laquelle le juge du provisoire ne saurait pas procéder.

Les critiques du requérant entourant le soi-disant « pool-house » et son illégalité alléguée ne paraissent en effet, à ce stade d’instruction du dossier, pas suffisamment sérieuses.

En effet, comme souligné tant par l’administration communale que par les consorts …, 7 Piasecki Julien, L’office du juge administratif des référés : Entre mutations et continuité jurisprudentielle. Droit, Université du Sud Toulon Var, 2008, n° 337, p.197.

9 l’autorisation de bâtir porte sur un abri de jardin, non critiqué, et non sur un « pool-house », c’est-à-dire sur un cabanon de piscine destiné à accueillir principalement les installations techniques et les accessoires de la piscine, le fait que l’abri de jardin tel qu’autorisé bénéfice de baies vitrées et accueille des installations sanitaires n’étant pas nécessairement incompatible avec sa vocation primaire d’abri de jardin.

Le soussigné ne saurait à ce sujet, au-delà de l’affectation affirmée et pour laquelle l’autorisation a été recherchée et obtenue - même en l’absence de toute définition d’abri de jardin - suivre le requérant dans ses reproches adressés aux bénéficiaires de l’autorisation, le requérant reprochant en effet à ceux-ci en substance de ne pas avoir l’intention de respecter l’autorisation sollicitée et obtenue et de détourner l’autorisation en affectant l’abri de jardin en lieu de vie, abritant, ne serait-ce que temporairement, les usagers de la piscine et du jardin.

Outre qu’une telle hypothèse relèverait le cas échéant d’une question d’exécution de l’autorisation, de sorte à échapper à la compétence du juge administratif pour relever de la compétence du juge pénal ou du juge civil - les nuisances en résultant ne relevant pas de considérations urbanistiques mais, le cas échéant, d’une violation du règlement de police communal ou de troubles de voisinage -, le soussigné ne saurait en tout état de cause, au vu des déclarations formelles des consorts … à travers leur litismandataire à l’audience publique et des pièces versées en cause, vouloir suivre le requérant dans ce qui n’apparaît à actuellement et à ce stade du dossier qu’être un procès d’intention fait aux consorts ….

Le moyen tablant sur un scellement excessif du sol ne paraît pas non plus présenter le sérieux nécessaire.

En effet, si les parties en cause sont constantes à chiffrer la surface totale de la parcelle devant accueillir le projet litigieux à … ares, de sorte que la surface devant rester libre conformément à l’article 46 du PAP QE, à savoir « 20 % de la surface de la parcelle destinée à être urbanisée », se chiffrerait à … m2, il résulte des pièces versées en cause par les consorts … que la surface non scellée (c’est-à-dire surface totale hors construction principale, voies d’accès, terrasse, abri de jardin et piscine) s’élèverait à … m2, de sorte à être supérieure à la surface libre exigée règlementairement.

En revanche, le reproche d’une hauteur excessive de l’ouvrage principal présente un caractère sérieux.

Ainsi, il se dégage des plans que l’immeuble accuse en son point le plus élevé une hauteur de 9,73 mètres, alors que selon l’article 41du PAP QE, la hauteur maximale admissible à la corniche ou à l’acrotère est fixée à 7 mètres et la hauteur maximale au faite est fixée à 11 mètres, les hauteurs maximales à la corniche ou à l’acrotère et au faîte pouvant être majorées de 1 mètre au maximum selon l’article 91, lorsque les terrains sont situés en contre-haut de la voie desservante.

Selon l’administration communale et les consorts …, la hauteur de 9,73 mètres serait celle, majorée à cause de la forte pente, du faîte, la construction accusant encore une hauteur à la corniche de 6,16 mètres, mesurée à l’arrière au niveau du toit de la véranda.

Cette explication présente toutefois à première vue plusieurs failles importantes.

Ainsi, il est constant en cause que le projet présente une toiture plane, de sorte à ne présenter a priori ni de corniche, ni de faîte.

10 Ainsi, il appert à la lecture du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement particulier « quartier existant » et du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », pris en son article 1er, qu’il conviendrait de distinguer, pour le calcul des hauteurs, deux situations différentes, à savoir soit la hauteur des constructions à la corniche et au faîte, soit la hauteur des constructions au seul acrotère, l’acrotère étant défini par ce même règlement en son annexe II comme « la remontée verticale encadrant la dalle d’une toiture-terrasse, d’une toiture plate ou d’une terrasse » : en d’autres termes, le mur d’acrotère est une petite construction qui borde les toitures plates ou terrasses, et qui prolonge le mur de façade jusqu’au toit-terrasse afin de faciliter le relevé d’étanchéité de ce dernier, tout en participant également à la protection contre les chutes.

Quant au faîte, celui-ci est défini par le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 comme correspondant à « la ligne d’intersection des deux versants d’une toiture dont les pentes sont opposées ou encore le segment le plus élevé d’une toiture à une pente », ce qui implique a priori nécessairement une toiture présentant une ou deux pentes opposées, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Quant à la corniche, si celle-ci n’appert être spécifiquement définie, le point 19 du chapitre L du PAP QE, définit la « Hauteur à la corniche », comme étant la « différence d’altitude entre l’axe de la voie desservante et le point d’intersection entre le plan extérieur de la façade (isolation et revêtement inclus) et le plan extérieur de la toiture (couverture incluse), mesurée au milieu de la façade de la construction principale donnant sur la voie desservante et perpendiculairement à l’axe de la voie desservante » : il n’appert pas en l’espèce qu’il y ait de tel point d’intersection entre le plan extérieur de la façade « de la construction principale donnant sur la voie desservante » et le plan extérieur de la toiture, du moins pas à la hauteur indiquée de 6,16 mètres, le seul point d’intersection entre la façade et la toiture se situant à la base de l’acrotère, soit à près de 9 mètres.

Il ne paraît pas non plus que la hauteur de la toiture de la véranda, sise à l’arrière, puisse être prise comme point d’intersection, le point 19 précisant que lorsque la hauteur d’une construction n’est pas la même sur toute la longueur de la construction, la hauteur la plus importante est à prendre en considération.

A défaut d’existence de corniche et de faîte, il appert que la seule hauteur autorisable pour une construction à toiture plate serait celle de l’acrotère, soit, en tenant compte de l’augmentation possible en cas de forte pente, 8 mètres : de ce point de vue, l’immeuble accuserait une hauteur excessive de 1,73 mètres.

En ce qui concerne la question litigieuse du nombre de niveaux, si le requérant soutient sur base de l’article 41 du PAP QE, ensemble le chapitre L du PAP QE définissant en ses points 11 et 32 respectivement les combles et le niveau plein, qu’il y aurait trois niveaux pleins, alors pourtant que le PAP QE n’en admettrait que 2, l’administration communale et les consorts … exposent que la construction ne présenterait que deux niveaux pleins, à savoir le rez-de-

chaussée et le 1er étage, surplombé de combles, ce dernier étage n’affichant qu’une surface de 80 % du dernier niveau plein de la construction.

Conformément à l’article 41 du PAP QE, le nombre de niveaux pleins est effectivement limité à 2, tandis que des combles peuvent être aménagés sur un niveau au maximum et à 11 concurrence d’une surface construite brute inférieure ou égale à 80% de la surface construite brute du dernier niveau plein de la construction.

Les combles sont toutefois définies tant par l’annexe II du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement particulier « quartier existant » et du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » que par le point 11 du chapitre L du PAP QE comme « le volume compris entre le dernier niveau plein et les pans de toiture en pente d’un bâtiment » : une application littérale de ces dispositions réserverait partant la possibilité d’aménager des combles aux constructions disposant d’une toiture en pente, ce qui, manifestement, n’est pas le cas en l’espèce.

Cette appréciation provisoire, combinée à celle d’une hauteur excessive, est de nature à jeter de forts doutes quant à la légalité du dernier niveau, qualifié de « combles ».

Il en va de même de la légalité de la partie arrière du 1er étage de l’immeuble principal, qualifiée de véranda.

Il est constant en cause que le 1er étage accuse une profondeur de 18 mètres, alors que l’article 41 du PAP QE, relatif au gabarit des constructions et plus particulièrement son point c), relatif à la profondeur des constructions, énonce que la profondeur des constructions est limitée à 14 mètres à l’exception des bâtiments érigés sur des terrains à forte pente, où une profondeur maximale de 16 mètres est admise sur un niveau maximum.

L’administration communale et les consorts … entendent justifier la profondeur de 18 mètres par l’application de la dérogation prévue in fine de l’article 41, c), aux termes duquel « Pour les bâtiments auxquels sont accolés des verrières ou vérandas, sur un niveau hors sol uniquement, est admise une profondeur totale maximale de 18 m pour autant que les reculs réglementaires sur les limites de propriété soient respectés ».

Si le requérant conteste qu’il s’agirait en l’espèce d’une véranda accolée, en se référant à la jurisprudence citée ci-avant, l’administration communale et les consorts … estiment pour leur part que cette condition ne serait pas d’application stricte, en renvoyant au point 60 du chapitre L du PAP QE, qui n’exigerait pas une telle position accolée, ledit point 60 étant libellé comme suit : « Véranda ou jardin d’hiver : Galerie couverte et vitrée ou semi-vitrée prolongeant un bâtiment sur une ou deux de ses façades maximum. Il peut s’agir d’un balcon fermé. Au minimum 50% des surfaces de la véranda (y compris toiture) seront vitrées. La véranda peut comporter des parties en dur telles que cloisons maçonnées ou en bois ».

Une lecture superficielle de ces deux dispositions ne permet pas de déceler de contradiction ou d’incohérence. Ainsi, le point 60 ne véhicule à première vue qu’une définition terminologique générale, tandis que l’article 41 c) du PAP QE précise quant à lui une situation spécifique, c’est-à-dire les conditions permettant de déroger à la profondeur maximale autorisée. Ainsi, si de manière générale, une véranda ou un jardin d’hiver ne doivent pas nécessairement être accolés, il semblerait toutefois que pour justifier une extension de la profondeur de 14, voire 16 mètres en cas de terrain à forte pente, à 18 mètres, une véranda, telle que définie au point 60, c’est-à-dire une galerie couverte et vitrée ou semi-vitrée comportant au minimum 50 % des surfaces (y compris toiture) vitrées, doit être seulement accolée au bâtiment principal.

12 Or, il résulte de la jurisprudence, que ce soit celle du juge du provisoire8 que celle des juges du fond, que cette caractéristique précise distingue une dépendance accolée d’une extension ou prolongation d’un bâtiment. Ainsi, il résulte du jugement du 12 février 2020, n° 42027 du rôle, confirmé en appel par arrêt du 27 octobre 2020, n° 44298C du rôle, que la notion de construction accolée s’applique en substance à un accessoire au bâtiment principal, de dimensions plus réduites que la construction principale, de sorte à viser « des éléments de construction qui sont détachables de la construction principale, ce critère permettant, en effet, de distinguer une construction accolée d’une extension de la construction principale. Ainsi, la construction principale doit pouvoir exister isolément si la construction accolée, telle qu’une annexe, était enlevée, ce qui exclut toute imbrication de cette construction à la construction principale », pour dénier à une extension comparable à celle autorisée dans le présent cas le caractère de « construction accolée » et partant annuler pour illégalité l’autorisation de bâtir a quo délivrée.

Il convient de relever que les conclusions des premiers juges reposent essentiellement sur la circonstance que le bâtiment principal constitue avec la « construction accolée » un tout, intégré et imbriqué, de sorte que les deux constructions, juxtaposées - signification première du terme « accolé », qui signifie a priori « mettre l’un à côté de l’autre, par juxtaposition, contiguïté », ce qui implique la coexistence de deux entités toujours distinctes - ne demeurent pas deux constructions, certes juxtaposées, mais structurellement et fonctionnellement autonomes. Ainsi, à première vue, une construction accolée serait une structure présentant certes un lien fonctionnel avec la construction principale (p.ex. une véranda), apportant un complément aux fonctionnalités de la construction principale, sans toutefois être intégrée à celle-ci, tandis qu’une extension consisterait en un agrandissement (horizontal ou vertical) de la construction existante, et présentant un lien fonctionnel et physique avec la construction existante. Ainsi, l’extension constituerait un ensemble architectural avec la construction principale existante.

Or, à première vue, en application de la jurisprudence précitée, mais aussi, de manière autonome, par analyse sémantique du terme « accolé », le projet des consorts …, constitué d’un agrandissement matériel et fonctionnel de la maison d’habitation, avec lequel il est visiblement destiné à constituer un tout inséparable, ne constitue a priori pas un accessoire, mais bien une partie supplémentaire totalement intégrée, matériellement et fonctionnellement, à la construction principale, aboutissant in fine à un agrandissement de la pièce de vie regroupant la cuisine, le salon et la salle à manger : la véranda, ainsi dénommée, constitue au terme d’un examen succinct des plans et à première vue une extension horizontale du bâtiment principal au niveau du 1er étage, avec lequel elle constitue un tout, intégré et imbriqué, matériellement et fonctionnellement inséparable : il ne paraît dès lors pas que l’extension sur 18 mètres ait pu être autorisée, à défaut d’accueillir une véranda simplement « accolée ».

L’illégalité apparente du prolongement du 1er étage sur 2 mètres a par ailleurs encore des conséquences directement sur le niveau supérieur, qualifié de combles par l’administration communale et les consorts …, alors que celles-ci en tout état de cause, ne sauraient afficher qu’une surface construite brute inférieure ou égale à 80% de la surface construite brute du dernier niveau plein de la construction. Ce dernier niveau plein, à savoir le 1er étage, étant à première vue à réduire de 2 mètres, les combles, même à les supposer autorisables en principe, seraient également à réduire en conséquence.

8 Voir trib. adm. (prés.) 16 mai 2020, n° 44372 et trib. adm. (prés.) 15 juin 2020, n° 44494.

13 Cette conclusion devrait ainsi amener la Ville de Diekirch, nonobstant l’absence de mesure provisoire, à reconsidérer sa décision, étant souligné qu’une annulation possible, voire probable, de l’autorisation de bâtir litigieuse n’est pas seulement de nature à entrainer la responsabilité civile de l’autorité ayant délivré l’autorisation en question, mais encore sa responsabilité pénale, la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain précisant encore dans son article 107.3 que la violation des procédures prévues aux articles 35, 36 et 37 constitue une faute grave au sens des articles 41 et 63 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988.

En ce qui concerne la demande formulée à titre subsidiaire et portant sur l’instauration de mesures de sauvegarde, il convient de rappeler que sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la loi du 21 juin 1999, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d’admettre que l’institution d’une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l’appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde9.

Il convient encore de rappeler que la possibilité d’accorder une mesure de sauvegarde n’a pas été instaurée par le législateur en tant que mesure autonome, mais uniquement afin de pallier au fait que la seule mesure provisoire initialement prévue, à savoir le sursis à exécution, ne pouvait pas être accordée par rapport à une décision administrative négative, telle qu’un refus, qui ne modifie pas une situation de droit ou de fait antérieure et, comme telle, ne saurait faire l’objet de conclusions à fin de sursis à exécution10, de sorte que dans un tel cas de figure, le justiciable ne disposait d’aucune procédure pour éviter un préjudice grave qui lui est causé par une décision administrative négative. La possibilité d’une mesure de sauvegarde s’entend dès lors comme une procédure complémentaire11 à celle de l’effet suspensif, soumise nécessairement aux mêmes conditions strictes.

L’autorisation de bâtir litigieuse ne s’analysant pas en une décision négative, la demande en obtention d’une mesure de sauvegarde est à rejeter.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de … euros formulée par Monsieur … laisse également d’être fondée, les conditions légales afférentes n’étant pas remplies en cause Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;

rejette le recours en obtention d’une mesure provisoire, pris en son double volet ;

9 Trib. adm. (prés.) 14 janvier 2000, n° 11735, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 553 et 722.

10 Proposition de loi 4326 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, avis du Conseil d’Etat, 9 février 1999, p.6.

11 Ibidem.

14 rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par le requérant ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 décembre 2020 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 décembre 2020 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 45232
Date de la décision : 07/12/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-12-07;45232 ?

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