Tribunal administratif N° 45217 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 novembre 2020 Audience publique du 4 décembre 2020 Recours formé par Monsieur …, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 45217 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 novembre 2020 par Maître Nour E. Hellal, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 octobre 2020 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 novembre 2020 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;
Vu la circulaire du président du tribunal administratif du 22 mai 2020 prise dans le cadre de la reprise de l’activité du tribunal administratif dans le contexte du dé-confinement ;
Vu la communication de Maître Nour E. Hellal du 1er décembre 2020 suivant laquelle il marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;
Vu la communication de Monsieur le délégué du gouvernement Felipe Lorenzo du 1er décembre 2020 suivant laquelle il marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;
Le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la quatrième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport à l’audience publique du 1er décembre 2020.
Le 29 septembre 2020, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service criminalité organisée/police des étrangers, dans un rapport du même jour.
Le 9 octobre 2020, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 27 octobre 2020, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », résuma les déclarations de Monsieur … comme suit :
« (…) En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 29 septembre 2020 ainsi que le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 9 octobre 2020 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.
Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous avez initialement utilisé l'alias de …, né …, de nationalité marocaine, pour ne pas être rapatrié en Algérie et que vous avez depuis 2016 à trois reprises demandé des visas à des pays européens ; des demandes qui ont toutes été refusées. Vous auriez quitté l'Algérie à bord d'un bateau, le 14 juin 2020, pour rejoindre l'Espagne, où vous auriez séjourné quelques jours, avant qu'un membre de famille ne vienne vous chercher pour vous déposer en France où vous auriez vécu chez des amis. Après avoir travaillé de façon non déclarée à … et après que tous vos amis seraient partis dans d'autres pays, vous avez décidé de venir au Luxembourg pour introduire une demande de protection internationale.
Il résulte de vos déclarations auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes que vous seriez originaire de …, où vous auriez vécu avec votre mère et votre fratrie et travaillé comme cuisinier.
Vous avez quitté l'Algérie parce qu'en mars et avril 2020, quatre personnes non autrement identifiées habitant un quartier voisin et dont vous indiquez qu'elles seraient droguées, vous auraient menacé, racketté et agressé avec des couteaux alors que vous rentriez du travail. Vous précisez par la suite que vous auriez été harcelé par ces gens parce que vous auriez entretenu une relation avec la sœur d'un d'eux, avec laquelle vous vous seriez toutefois séparé depuis parce que vous ne vous seriez plus senti en sécurité. Vous auriez une fois déposé plainte contre ces personnes, mais la police n'aurait pas réagi.
Vous ne présentez pas de pièce d'identité et aucun document pour étayer vos dires. (…) ».
Le ministre l’informa qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27 (1) a) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Le ministre estima qu’il paraîtrait évident que des motifs économiques sous-tendraient la demande de protection internationale de Monsieur … au vu notamment du comportement qu’il aurait adopté depuis son départ d'Algérie. En effet, le fait de séjourner d’abord en Espagne, puis en France pendant plusieurs mois sans pourtant y rechercher une quelconque forme de protection, ne correspondrait pas au comportement d'une personne réellement persécutée ou à risque d'être persécutée et qui serait réellement à la recherche d'une protection internationale.
Quant aux prétendus menaces, rackets et agressions qu’il aurait subis, le ministre soulève que Monsieur … aurait lui-même confirmé qu’il n’aurait plus été inquiété, depuis mai 2020, à savoir depuis qu’il se serait séparé de la sœur d'un de ses agresseurs. En tout état de cause, dans l’hypothèse où son souci avec les quatre toxicomanes serait toujours d'actualité, le ministre relève que ces faits ne rentreraient aucunement dans le champ d'application de l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, du fait d’être liés à la relation qu’il aurait eu avec la sœur d'une de ces personnes.
De même, le seul constat selon lequel la police n’aurait pas immédiatement réagi une fois que Monsieur … aurait dénoncé ces quatre toxicomanes ne saurait suffire pour démontrer que les autorités algériennes n'auraient pas pu ou pas voulu lui assurer une protection contre ces agressions, alors qu’il existerait en Algérie des possibilités de porter plainte contre des policiers qui n'auraient pas rempli leurs missions.
Ensuite le ministre releva que Monsieur … n'aurait apporté aucun élément pertinent de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire qu’il encourrait, en cas de retour dans son pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 de la loi du 18 décembre 2015.
Finalement, le ministre estima, au vu de son âge, son sexe et sa parfaite condition pour s’adonner à des activités rémunérées, Monsieur … n’aurait pas soulevé de raison valable qui puisse justifier l'impossibilité d'une fuite interne, notamment vers une des autres grandes villes du pays, telles Alger, Constantine, Annaba, Blida, Blatna.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 novembre 2020, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 27 octobre 2020 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Etant donné que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, le soussigné est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 27 octobre 2020, telles que déférées.
Le recours en réformation a été, en outre, introduit dans les formes et délai de la loi, de sorte qu’il est à déclarer recevable.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur donne à considérer que sa « démarche » procèderait de craintes sérieuses qu'il ressentirait dans son for intérieur.
Il explique avoir fui l'Algérie, alors qu'il y aurait fait l'objet de menaces, rackets et agressions, de la part de quatre personnes, du fait qu’il aurait entretenu une relation avec une femme dénommée … qui se serait avérée être la sœur de l'un de ses agresseurs qui seraient sous l'influence de drogues et de substances médicamenteuses.
Le demandeur fait relever qu’apeuré par des possibles représailles, il aurait préféré mettre un terme à sa relation et fuir son pays, alors qu’il serait persuadé qu'en cas de retour, il serait exposé à agressions, voire pire.
En droit, et quant au volet de la décision visant à statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le demandeur s’en remet à la sagesse du tribunal quant au bien-fondé de ce choix, soulignant qu’il se serait confié, lors de son audition, de façon spontanée, sans ambages pour relever de manière sincère ses motivations quant à sa demande de protection internationale, en pleine crise sanitaire liée au Covid-19.
Quant au refus de l'octroi du statut de réfugié, le demandeur s'en remet à également à la sagesse du tribunal, tout en donnant à considérer qu’il aspirerait à une vie sociale paisible et qu’il demeurerait persuadé qu'un retour dans son pays l'Algérie l'exposerait à des menaces.
En ce qui concerne finalement l'ordre de quitter le territoire, qui serait la conséquence du rejet de sa demande de protection internationale, le demandeur souligne qu’il faudrait tenir compte de sa situation individuelle, mais aussi de l’actualité sanitaire internationale désastreuse liée à la propagation de la maladie Covid-19, de sorte que les autorités luxembourgeoises ne pourraient procéder à son renvoi en Algérie, où il ne pourrait bénéficier d'aucune protection personnelle et sanitaire.
Ainsi, pour les raisons évoquées constituant des motifs sérieux et suffisants de crainte de persécution en cas de retour dans son pays d'origine, le demandeur estime qu’il y aurait lieu d’annuler l'ordre de quitter le territoire, alors qu’eu égard au principe de précaution, il resterait en tout état de cause préférable de ne pas reconduire des personnes vers un pays où il y a lieu de craindre qu'elles courent un risque réel de subir des atteintes graves à sa vie au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, dénommée ci-après « la Convention de Genève », et la loi du 18 décembre 2015.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en son triple volet.
Il y a lieu de relever qu’il se dégage de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, qui dispose que : « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.
A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient au soussigné de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.
Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.
Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.
1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée S’agissant en premier lieu du recours dirigé contre la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée, il y a lieu de relever que la décision ministérielle est, en l’espèce fondée sur les dispositions du point a) de l’article 27, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; (…) ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), sous a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande.
Le soussigné est dès lors amené à analyser si les moyens avancés par le demandeur à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par ce dernier ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande de protection internationale lui soumise dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.
Afin d’analyser si le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il y a d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 2, point h), de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la même loi, comme « (…) tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent : a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) ».
Aux termes de l’article 2 g) de la loi 18 décembre 2015 est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ». L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».
En outre, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être:
a) l’Etat;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f), de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur de protection internationale ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.
Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.
En l’espèce, force est de constater que concernant le recours contre la décision ministérielle de procéder à l’analyse de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, la requête introductive d’instance ne prend aucunement position quant au reproche ministériel suivant lequel les faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande de protection internationale seraient dénués de toute pertinence au regard de l’examen de celle-ci, le demandeur se limitant à prétendre que son récit aurait été présenté « de façon spontanée, sans ambages », tout en se contentant, pour le surplus, de s’en remettre à la sagesse du tribunal.
Or, à défaut d’avoir formulé le moindre moyen en fait ou en droit de nature à sous-tendre sa demande tendant à la réformation de la décision critiquée, respectivement faute d’une quelconque prise de position circonstanciée à cet égard dans la requête introductive d’instance, le constat du ministre selon lequel les faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande de protection internationale sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande ne se trouve manifestement pas énervé, étant relevé qu’il n’appartient pas au soussigné de suppléer à la carence du demandeur et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours tendant à la réformation de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour être manifestement infondé.
2) Quant au recours en réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale S’agissant du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder une protection internationale au demandeur, il convient de relever que là non plus, le demandeur n’a pas formulé le moindre moyen en fait ou en droit de nature à sous-tendre sa demande tendant à la réformation de la décision critiquée, ne prenant nullement position par rapport aux motifs de refus lui concrètement opposés, mais qu’il se limite à nouveau de s’en remettre à la sagesse du tribunal quant à l’appréciation du bien-fondé de la décision ministérielle lui refusant l’octroi de l’un des statuts conférés par la protection internationale.
Etant donné cependant, tel que relevé ci-avant, qu’il n’appartient pas au soussigné de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher elle-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, et en l’absence de toute contestation utile des motifs à la base du refus ministériel de lui accorder l’un des statuts conférés par la protection internationale - la simple affirmation non autrement étayée que le demandeur « aspire une vie sociale paisible et demeure persuadé qu’un retour dans son pays l’Algérie, l’exposerait à des menaces » étant manifestement insuffisante à cet égard -, le soussigné ne saurait que réitérer son analyse précédente en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure que l’appréciation ministérielle suivant laquelle le demandeur n’a pas apporté le moindre élément de nature à établir qu’il existerait dans son chef des raisons sérieuses de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il risquerait de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la loi, pour arriver à la conclusion qu’il ne remplit pas les conditions requises pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, n’a manifestement pas été utilement énervée.
Au vu de ces considérations, le recours contre la décision de refus d’un statut de protection internationale est également à rejeter pour être manifestement infondé.
Il s’ensuit que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.
3) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Il convient de relever qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le soussigné vient de retenir ci-dessus que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer le principe de précaution.
Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’invocation, de la part du demandeur, de la crise sanitaire mondiale liée à la pandémie causée par la maladie Covid-19, dans la mesure où celle-ci concerne, le cas échéant, exclusivement un problème d’exécution de l’ordre de quitter le territoire prononcé à l’égard du demandeur, considération ne relevant pas de la compétence du tribunal administratif, et ne concernant pas la légalité ou le bien-fondé de ladite mesure, le demandeur restant, par ailleurs, en défaut d’établir un quelconque risque sanitaire y relatif.
Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.
Par ces motifs, le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la quatrième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 27 octobre 2020 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée, sur celle portant refus d’une protection internationale et sur celle portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;
déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 décembre 2020, par le soussigné, Olivier Poos, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Olivier Poos Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 décembre 2020 Le greffier du tribunal administratif 9