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09/11/2020 | LUXEMBOURG | N°44514

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 novembre 2020, 44514


Tribunal administratif N° 44514 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 juin 2020 1re chambre Audience publique du 9 novembre 2020 Recours formé par l’association sans but lucratif …, … contre des décisions de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et de la commune de Bissen en présence de la société à responsabilité limitée … en matière d’accès aux informations

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44514 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juin 2020 par Maître Thibault Chevrier, avocat à la Cour, inscrit

au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’association sans but lucratif …,...

Tribunal administratif N° 44514 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 juin 2020 1re chambre Audience publique du 9 novembre 2020 Recours formé par l’association sans but lucratif …, … contre des décisions de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et de la commune de Bissen en présence de la société à responsabilité limitée … en matière d’accès aux informations

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44514 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 juin 2020 par Maître Thibault Chevrier, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’association sans but lucratif …, établie et ayant son siège social à …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, tendant à la réformation 1) de la décision du 4 juin 2020 de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg de maintenir le refus de communication du document intitulé Memorandum of Understanding signé entre l’Etat, la commune de Bissen et l’entreprise …, et 2) du silence conservé par la commune de Bissen pendant un délai d’un mois à compter l’avis du 4 mai 2020 de la Commission d’Accès aux Documents, répertorié sous le n° R-3/2020 ;

Vu la requête en abréviation du délai légal pour déposer les mémoires, déposée le 17 juin 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Thibault Chevrier, mandataire du …, préqualifié ;

Vu les exploits de l’huissier de justice Cathérine Nilles, demeurant à Luxembourg, du 19 juin 2020 portant signification du recours en réformation et de la requête en abréviation des délais à la commune de Bissen, établie à la maison communale à L-7784 Bissen, 1, rue des Moulins, représentée en justice par son collège des bourgmestre et échevins ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Marc Feyereisen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, déposé le 24 juin 2020 au greffe du tribunal administratif pour compte de la commune de Bissen, préqualifiée;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Patrick Kinsch, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, déposé le 29 juin 2020 au greffe du tribunal administratif pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu l’ordonnance du vice-président, présidant la première chambre du tribunal administratif, du 8 juillet 2020 ordonnant une abréviation des délais pour déposer les mémoires en réponse, en réplique et en duplique ;

Vu la requête en permission d’intervenir volontairement déposée en date du 23 juillet 2020 au greffe du tribunal administratif par la société en commandite simple Allen & Overy SCS, inscrite à la liste V du tableau de l’ordre des avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social au L-1855 Luxembourg, 33, avenue J.F. Kennedy et immatriculée au Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B.178.291, représentée par Maître Serge Hoffmann, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats de Luxembourg, pour compte de la société à responsabilité limitée …, établie et ayant son siège social à …, et enregistrée auprès du Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son ou ses gérants actuellement en fonctions ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Geoffrey Gallé, demeurant à Luxembourg, du 28 juillet 2020 portant signification de la requête en permission d’intervenir volontairement à la commune de Bissen, et au …, préqualifiés ;

Vu l’ordonnance du vice-président, présidant la première chambre du tribunal administratif, du 28 juillet 2020, fixant les délais pour déposer des mémoires à la suite de cette requête en permission d’intervenir volontairement ;

Vu le mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 août 2020 par Maître Patrick Kinsch, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 août 2020 par Maître Marc Feyereisen, au nom de la commune de Bissen, préqualifiée ;

Vu le mémoire intitulé « mémoire en réponse », déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 août 2020 par Maître Serge Hoffmann, au nom de la société à responsabilité limitée …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 août 2020 par Maître Thibault Chevrier au nom du … ;

Vu le mémoire en duplique, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 septembre 2020 par Maître Patrick Kinsch, au nom au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Thibault Chevrier, Maître Marc Feyereisen, Maître Patrick Kinsch et Maître Serge Hoffmann, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 septembre 2020 ;

Vu la rupture du délibéré en date du 30 septembre 2020 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, Maître Patrick Kinsch ayant déposé le Memorandum of Understanding pour le seul usage du tribunal à l’audience publique du 7 octobre 2020.

___________________________________________________________________________

En date du 3 février 2020, l’association sans but lucratif …, ci-après désignée par « le … », demanda au ministre de l’Economie, ci-après désigné par « le ministre », la communication d’un document intitulé Memorandum of Understanding, ci-après désigné par « le MoU », conclu entre l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, ci-après désigné par « l’Etat », la commune de Bissen, ci-après désignée par « la commune », et la société à responsabilité limitée …, ci-après désignée par « la société … », dans le cadre de la réalisation du projet d’installation d’un Datacenter de l’entreprise … à Bissen, cette demande étant libellée comme suit :

« Je vous contacte en ma qualité de mandataire de l'association sans but lucratif …, ayant son siège à …, dans le cadre du dossier du Data Center de … afin de solliciter les informations et documents qui suivent.

J'ai pu constater, sur le site de RTL, que l'Etat aurait conclu un accord - un Memorandum of Understanding - avec le promoteur … et l'administration communale de Bissen, qui fixerait des modalités de retrait ou d'interdiction de continuation du projet.

Afin de connaître l'étendue des obligations entre les différents acteurs de ce projet, qui interviennent, du côté des administrations locale et étatique, également à différents stades du processus urbanistique, je vous prie de me transmettre une copie de ce M.O.U.

Pour le bon ordre, je vous précise que cette demande est fondée sur l'article 3 de la loi du 25 novembre 2005 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement, ainsi que, subsidiairement, sur le fondement de la loi du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte. […] Le même jour, le … demanda encore à la commune la communication du même MoU, de même que de la ou des demande(s) d’information de la commune de Bissen à l’Etat concernant la consommation d’eau sur le site de l’entreprise … et la réponse éventuellement reçue, la demande adressée à la commune étant libellée comme suit :

« Je vous contacte en ma qualité de mandataire de l'association sans but lucratif …, ayant son siège à …, dans le cadre du dossier du Data Center de … afin de solliciter les informations et documents qui suivent.

J'ai pu constater, sur le site de RTL, que votre administration communale aurait sollicité des informations concernant la consommation d'eau sur le site de … :

En ce qui concerne la demande de la mairie de Bissen d'un complément d'informations sur la consommation d'eau et le trafic, le ministre a expliqué qu'il avait parlé, pas plus tard que mercredi, avec la ministre de l'Ecologie, Carole Dieschbourg, du sujet des eaux de refroidissement.

Afin de connaître les informations que vous avez sollicitées, et auprès de qui, je vous serais reconnaissant de me faire parvenir la (ou les) demande(s) d'information que vous avez formulée(s), ainsi que l'éventuelle réponse que vous avez reçue.

Dans ce même article, il est également question de la signature d'un Memorandum of Understanding concernant le projet de Data Center, qui fixerait des modalités de retrait ou d'interdiction de continuation du projet, convention qui serait nouée entre votre administration, l'Etat et ….

A nouveau, afin de connaître l'étendue des obligations entre les différents acteurs de ce projet, qui interviennent, du côté des administrations locale et étatique, également à différents stades du processus urbanistique, je vous prie de me transmettre une copie de ce M.O.U.

Pour le bon ordre, je vous précise que cette demande est fondée sur l’article 3 de la loi du 25 novembre 2005 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement, ainsi que, subsidiairement, sur le fondement de la loi du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte. […] ».

Tandis que la commune de Bissen ne répondit pas à la demande de communication lui adressée, le ministre prit, par un courrier électronique du 4 mars 2020, position comme suit :

« Suite à votre demande ci-joint d'accès au « Memorandum of Understanding » concernant le projet de Data Center de …, nous sommes au regret de vous informer de ne pas pouvoir y réserver une suite favorable.

En effet, l'article 4, paragraphe 2 de la loi du 25 novembre 2005 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement, pour autant qu'elle soit applicable au cas d'espèce, discussion qui ne fait pas l'objet de la présente, prévoit qu'une demande d'informations environnementales est refusée lorsque leur divulgation porterait atteinte « à la confidentialité des informations commerciales, industrielles et artisanales aux fins de protéger un intérêt économique légitime ».

Par ailleurs, le document faisant l'objet de votre demande est également exclu du droit d'accès prévu par la loi modifiée du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte. En effet, l'article 1er, paragraphe 2, de la loi prévoit une liste de restrictions au droit d'accès nécessaires pour empêcher la communication de documents dont la divulgation porterait atteinte à certains intérêts publics ou privés fondamentaux. Selon l'article 1er, paragraphe 2, de la loi, sont notamment exclus du droit d'accès, les documents relatifs « au caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles communiquées aux organismes [visés au paragraphe 1er]. » […] ».

La commission d’accès aux documents, ci-après désignée par « la CAD », ayant été saisie le 27 mars 2020 par le …, rendit dans sa séance du 4 mai 2020 l’avis suivant, référencé sous le numéro R–3/2020 :

« Par courriel du 27 mars 2020, Maître Thibault Chevrier a, au nom et pour le compte de l'association sans but lucratif …, ayant son siège à …, et en application de l'article 10 de la loi du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte (la « Loi »), saisi la CAD pour avis. Cette saisine fait suite à (I) sa demande de communication datée du 3 février 2020 au Ministère de l'Économie portant sur le Memorandum of Understanding conclu entre l'Etat, le promoteur … et l'administration communale de Bissen concernant le projet de data center à Bissen (le « MoU ») et (ii) sa demande de communication datée du 3 février 2020 à l'administration communale de Bissen portant sur le MoU ainsi que sur une demande d'information de la part de l'administration communale concernant la consommation d'eau sur le site de ….

La CAD a examiné le dossier lors de ses réunions du 2 et du 23 avril 2020.

A. La demande de communication portant sur le MoU :

Dans sa décision de refus du 4 mars 2020 ainsi que lors d'une prise de position complémentaire du 2 avril 2020, le Ministère de l'Économie s'est fondé sur les arguments suivants :

- le MoU ne saurait être considéré comme un document relatif à une activité administrative (article 1er, paragraphe 1er de la Loi);

- le MoU est exclu du droit d'accès étant donné que sa divulgation porterait atteinte au caractère confidentiel des informations financières voire de la stratégie commerciale du promoteur du projet et que l'Etat s'est engagé à la confidentialité de ces informations (article 1er, paragraphe 2, point 8 de la Loi).

Le Ministère de l'Économie n'a pas donné suite à la demande de la CAD de lui fournir le MoU afin de pouvoir apprécier la validité du refus de communication sur base de l'article 1er, paragraphe 2, point 8 de la Loi.

Quant à l'administration communale de Bissen, bien que la demande de communication datée du 3 février 2020 soit restée sans réponse, Me Marc Feyereisen, conseil juridique de l'administration communale de Bissen, a soulevé les arguments suivants lors d'une prise de position complémentaire du 1er avril 2020 :

- étant donné que le MoU date du 8 décembre 2017, il est antérieur à l'entrée en vigueur de la Loi et l'obligation de publication ne s'applique pas (article 12 de la Loi); et - le MoU est exclu du droit d'accès sur base de l'article 1er, paragraphe 2, point 8 de la Loi qui prévoit que sont exclus du droit d'accès, les documents relatifs au caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles communiquées aux organismes visés au paragraphe 1er.

Lors de sa réunion du 23 avril 2020, la CAD a pris connaissance du MoU tel qu'il lui a été transmis par le conseil juridique de l'administration communale de Bissen suite à sa demande.

1. Quant à l'exercice d'une activité administrative (article 1er, paragraphe 1er) :

D'après la circulaire du Premier Ministre du 26 octobre 2018 concernant la mise en application pratique de la loi du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte ( la « Circulaire »), « sont seuls considérés comme des documents administratifs, les documents produits ou reçus dans le cadre d'une mission de service public. » La Circulaire cite à titre d'exemple les conventions conclues par un ministère ou un établissement public et ayant un lien avec sa mission de service public.

La CAD est d'avis que le Memorandum of Understanding en vue d'implémenter le projet d'un data center à Bissen a été signé dans le cadre d'une mission de service public et se rattache aux compétences de l'État et de l'administration communale de Bissen. Dès lors, le MoU ne se rapporte pas à la gestion d'une activité industrielle et/ou commerciale, mais constitue un document relatif à l'exercice d'une activité administrative de l'État et de l'administration communale de Bissen. La demande de communication se situe par conséquent dans le champ d'application de la Loi tel qu'établi par l'article 1er, paragraphe 1er de la Loi et est à déclarer recevable.

2. Quant au caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles communiquées aux organismes (article 1er, paragraphe 2, point 8) L'article 1er, paragraphe 2, point 8 de la Loi exclut du droit d'accès les documents relatifs « au caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles communiquées aux organismes visés au paragraphe 1er ». Le commentaire des articles précise à ce sujet que « Sont visés, par exemple, le secret des procédés portant sur les informations qui permettent de connaître les techniques de fabrication ou le secret des stratégies commerciales qui concerne des informations sur les prix et pratiques commerciales d'une entreprise ».

Après analyse du MoU tel qu'il lui a été communiqué, la CAD considère qu'il ne contient pas de telles informations et qu'il n'est donc pas visé par l'exclusion prévue à l'article 1er, paragraphe 2, point 8 de la Loi.

3. Quant à l'obligation de publication des documents qui ont été créés avant l'entrée en vigueur de la Loi (article 12):

L'article 12 de la Loi prévoit que l'obligation de publication ne vaut pas pour les documents qui ont été créés avant l'entrée en vigueur de la Loi, à savoir avant le 1er janvier 2019. Une communication de ces documents est cependant possible de sorte que le motif de refus invoqué par l'administration communale de Bissen n'est pas conforme à la Loi.

Partant, la CAD estime que le MoU est communicable au demandeur.

Elle tient toutefois à préciser que l'annexe 1 du MoU contient des données à caractère personnel. Conformément à l'article 6, point 1 de la Loi, il y aura lieu de disjoindre l'annexe 1 du MoU avant toute publication ou communication de ce dernier.

B. La demande de communication portant sur la demande d'information concernant la consommation d'eau sur le site de … :

En ce qui concerne la demande de communication portant sur une demande d'information de la part de l'administration communale de Bissen concernant la consommation d'eau sur le site de …, la CAD note que l'article 1er, paragraphe 1er de la Loi énonce que le droit d'accès porte sur des documents détenus par les organismes visés à ce paragraphe. En outre, l'article 4, paragraphe 1er de la Loi énonce qu'une demande de communication doit être formulée de façon suffisamment précise et contenir les éléments permettant d'identifier un document. Or, en l'espèce, la demande de communication ne porte pas sur un document particulier identifiable. Dès lors, la demande se situe en dehors du champ d'application de la Loi et la condition de forme prévue à l'article 4, paragraphe 1er de la Loi n'est pas remplie. La demande de communication portant sur la demande d'information concernant la consommation d'eau sur le site de … est partant à déclarer irrecevable. ».

Par un courrier électronique du 4 juin 2020, le ministre informa le … qu’il n’entendait pas suivre l’avis de la CAD, de sorte à rejeter la demande en communication de documents.

Ledit courrier électronique étant libellé comme suit :

« La Commission d'accès aux documents (CAD) a adopté son avis en question en date du 4 mai 2020 et l'a transmis le 6 mai 2020 au ministère de l'Économie.

Après un examen juridique, le gouvernement a décidé de ne pas suivre l'avis et de rejeter la demande de communiquer le document sollicité. […] ».

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 juin 2020, le … a fait introduire un recours tendant à la réformation (1) de la décision du ministre du 4 juin 2020 de maintenir le refus de communication du MoU conclu entre l’État, la commune et l’entreprise … par le biais de la société …, (2) du silence gardé par la commune pendant un délai d’un mois à compter de l’avis de la CAD du 4 mai 2020, et demanda, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance, que l’Etat et la commune soient condamnés à procéder à la communication du MoU, ainsi que « des questions-réponses qui se sont nouées entre [l’Etat et la commune] et qui portent sur les estimations de consommation en eau du site de Bissen avec l’implantation du Datacenter de … ».

En date du 23 juillet 2020, la société … déposa au greffe du tribunal administratif une requête en intervention volontaire.

1) Quant à la recevabilité du recours en réformation En vertu de l’article 10, paragraphe (3) de la loi modifiée du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte, ci-après désignée par « la loi du 14 septembre 2018 », lorsque la CAD est d’avis que le document sollicité est communicable, et si l’organisme décide de suivre l’avis de la CAD, il est tenu de communiquer le document demandé dans un délai d’un mois à partir de la réception de l’avis de la CAD. En cas d’absence de communication du document sollicité dans le délai d’un mois, l’organisme est réputé avoir rejeté la demande. Ce refus est susceptible d’un recours en réformation à introduire dans un délai de trois mois devant le tribunal administratif.

En vertu de l’article 10, paragraphe (4) de la loi du 14 septembre 2018, lorsque la CAD est d’avis que le document sollicité n’est pas communicable, l’organisme est tenu de confirmer son refus de communiquer le document dans le délai d’un mois à partir de la réception de l’avis de la CAD. Dans ce cas, le délai du recours en réformation commence à courir à partir de la notification de la décision de confirmation du refus par l’organisme. En revanche, lorsque l’organisme ne prend pas de décision de confirmation du refus, le délai du recours en réformation commence à courir à l’expiration du délai d’un mois à partir de la date de la réception de l’avis de la CAD.

En l’espèce, la CAD a retenu dans son avis du 4 mai 2020 que le MoU serait communicable, tandis que la demande visant à obtenir de la commune des informations sur la consommation en eau du data center a été déclarée irrecevable.

L’Etat a expressément réitéré son refus initial par courrier électronique du 4 juin 2020, alors que la commune n’a pas pris position, ni pour confirmer le refus de communication des informations sur la consommation en eau du data center à la suite d’une demande que la CAD a jugé irrecevable, ni pour communiquer le MoU, jugé communicable par la CAD.

Le … a dès lors valablement pu diriger un recours en réformation contre le refus de l’Etat du 4 juin 2020 et contre une décision implicite de refus de la commune du fait du silence gardé pendant un mois à la suite de l’avis de la CAD, ledit recours étant encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, l’intérêt à agir du … n’ayant d’ailleurs pas été contesté par les parties à l’instance.

2) Quant à la recevabilité de la requête en intervention volontaire A titre liminaire, le tribunal prend note de la déclaration de la partie intervenante faite à l’audience des plaidoiries qu’elle renonce à sa demande de produire un mémoire additionnel, telle que formulée dans son mémoire intitulé « mémoire en réponse ».

Dans sa réplique, le … conteste la recevabilité de l’intervention volontaire de la société … pour défaut d’intérêt à intervenir.

Après avoir relevé que ce serait à tort que la société … se réfère à l’article 4, paragraphe (4) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », mais qu’il faudrait analyser l’intervention volontaire sous l’angle de l’article 20 de cette même loi, le … fait valoir que la société … serait non fondée à se prévaloir de la qualité de signataire du MoU et d’un préjudice que lui causerait la communication de certaines informations pour justifier son intérêt à intervenir.

Tout en rappelant que l’intérêt à intervenir devrait se vérifier par rapport aux qualité et intérêt à former tierce opposition, la demanderesse affirme que dans la mesure où, d’après elle, la simple qualité de signataire du MoU ne serait pas suffisante, il conviendrait d’apprécier l’intérêt à intervenir au regard de la seule question de savoir si un préjudice pourrait résulter du dispositif de la décision attaquée, un tel préjudice devant dépasser la simple atteinte à des intérêts lésés susceptibles de trouver une satisfaction par d’autres voies.

Or, le préjudice allégué par la société … serait inexistant à défaut pour les documents dont la communication est sollicitée de contenir des informations confidentielles, ce qui aurait été confirmé par les membres de la Chambre des députés ayant pu consulter le dossier et par la CAD. Le préjudice allégué serait dès lors hypothétique, la demanderesse reprochant à la société … d’invoquer un préjudice potentiel sous le seul prétexte de la confidentialité des documents.

S’y ajouterait qu’à supposer qu’un préjudice était causé, celui-ci pourrait être réparé par d’autres voies. Enfin, elle souligne qu’un préjudice causé à des intérêts particuliers et privés ne pourrait justifier une limitation des obligations des entités assujetties au respect de la loi du 14 septembre 2018.

Il convient de relever qu’une intervention volontaire sur le fondement de l’article 20 de la loi du 21 juin 1999, disposition pertinente pour apprécier la recevabilité de l’intervention volontaire, tel que cela a été relevé à juste titre par le …, est recevable dès lors que l’intervenant justifie d’un intérêt direct ou indirect, matériel ou moral, la jurisprudence des juridictions civiles admettant même que le risque que le jugement à intervenir ne crée un simple préjugé favorable comme constitutif d’un intérêt suffisant pour intervenir1, l’intérêt à intervenir étant d’ailleurs apprécié de manière plus libérale que l’intérêt à agir, de sorte que sont recevables à intervenir tous ceux qui n’ont pas un intérêt direct à la solution du litige, mais à l’égard desquels le principe de cette solution peut avoir des incidences2.

1 Cf. Lux. 21 juin 1972, Pas. 22, p. 229.

2 Trib. adm. 17 décembre 2008, n° 24714 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 500 et les autres références y citées; voir aussi Trib. adm. 11 janvier 2012, n° 27576, 27679, 27689 et 28442 du rôle, Pas. adm.

2020, V° Procédure contentieuse, n° 504 et les autres références y citées.

En l’espèce, le tribunal est amené à retenir que dans la mesure où la société … est de manière non contestée signataire du MoU litigieux, qui vise, suivant les explications concordantes fournies par les parties à l’instance, le projet d’un data center que le groupe …, auquel la société … appartient, entend mettre en place sur le territoire de la commune de Bissen, et que les données y contenues, de même que les informations quant à la consommation d’eau demandées à la commune, concernent directement ce projet, la société … doit être considérée comme justifiant d’un intérêt suffisant pour intervenir volontairement dans le présent litige.

La requête en intervention volontaire est dès lors à déclarer recevable et les contestations afférentes de la demanderesse sont à rejeter. En effet, ces contestations, qui tendent en substance à remettre en cause l’existence d’un préjudice potentiel dans le chef de la société … en déniant le caractère confidentiel aux informations concernant la société intervenante contenues dans les documents litigieux, loin de conforter la thèse du … tendant à dénier un intérêt à intervenir dans chef de la société …, confirment au contraire un tel intérêt de cette dernière puisque la question de la confidentialité des informations constitue justement un des points litigieux au fond.

3) Quant au fond 3.1.) Moyens des parties A l’appui de son recours, le …, après avoir expliqué fonder son recours sur les paragraphes (3) et (4) de l’article 10 de la loi du 14 septembre 2018, prend position sur les motifs de refus lui ayant été opposés devant la CAD, respectivement antérieurement par l’Etat et la commune, à savoir, (i) la nature confidentielle des informations contenues dans le MoU, (ii) les contestations quant à la qualification de document administratif, (iii) l’antériorité du MoU par rapport à la loi du 14 septembre 2018 et (iv) le caractère non identifiable des échanges portant sur l’eau.

S’agissant du motif de refus tenant au caractère confidentiel des informations et tout en donnant à considérer qu’il serait difficile de prendre position par rapport à cette argumentation à défaut de connaître le contenu du MoU, le … affirme que ce motif de refus ne pourrait être accueilli pour être contredit par tous les acteurs ayant pu consulter le document, à savoir par la CAD et par les députés de la commission de l’économie, tout en renvoyant aux prises de position de la CAD et des députés.

Quant à la qualification du MoU de document administratif, le … se réfère à l’avis de la CAD et à la circulaire du Premier Ministre du 26 octobre 2018 à propos de la mise en application de la loi du 14 septembre 2018, tout en en citant des extraits, de même qu’à la position adoptée par la Commission d’accès aux documents administratifs française (CADA) en la matière, ayant confirmé le caractère communicable d’échanges entre l’Etat et certains groupes d’opérateurs économiques respectivement de mémorandums d’entente entre différents Etats.

S’agissant de la question de l’antériorité du MoU par rapport à la loi du 14 septembre 2018, le … souligne qu’il conviendrait de distinguer entre, d’une part, l’obligation de publication spontanée des documents administratifs encadrée par l’article 2 de la même loi, auquel l’article 12 de ladite loi renvoie, et, d’autre part, l’obligation de communication portant sur des « documents détenus », peu importe leur date, qui, elle, serait régie par l’article 1er de la même loi.

Pour ce qui est du caractère identifiable des échanges portant sur l’eau, le … expose que suivant un article publié sur le site internet de RTL, le bourgmestre de la commune de Bissen aurait demandé au ministre des informations à propos de la question de la consommation future en eau du data center projeté et des réponses y auraient été données. A ce jour, aucune donnée officielle n’aurait toutefois pu être fournie aux administrés par rapport au projet en question, qui serait mené sans considération de ses implications futures sur l’environnement.

Le … en déduit que les informations sollicitées existent, qu’elles auraient dû être posées dans des documents et plus particulièrement dans des échanges entre la commune et l’Etat, respectivement dans des notes de réunions, mais que les autorités refuseraient de les communiquer à ce stade, reléguant la question à des étapes ultérieures telle que la phase commodo incommodo, respectivement au niveau de l’autorisation de bâtir.

Or, afin d’être effectif, le droit à la communication de documents tel qu’instauré par la loi du 14 décembre 2018 ne pourraient se heurter à des « questions de formalisme » résultant uniquement de l’absence de transparence des autorités.

Il conviendrait dès lors de faire droit à la demande de communication des documents, visant notamment « les questions et réponses, portant sur les estimations de consommation en eau du site de Bissen ».

Dans sa réponse, l’Etat souligne que l’avis de la CAD n’aurait qu’une fonction d’orientation, de sorte que l’administration serait libre de décider, sous le contrôle du juge administratif, des suites à donner à une demande de communication d’un document.

Après avoir passé en revue les dispositions de la loi du 14 septembre 2018, l’Etat donne à considérer que compte tenu de la transparence qu’assurerait cette loi à l’égard de la catégorie des documents qu’elle déclare accessibles, tous les documents détenus par l’administration ne sauraient relever du droit d’accès. Au contraire, la loi devrait réaliser un équilibre entre la transparence des documents administratifs et d’autres soucis légitimes de confidentialité, de sorte que la loi encadrerait dans ses articles 1er, 6 et 7 la notion de documents accessibles, cette limitation devant être respectée tant par l’administration que par les personnes physiques ou morales demandant à avoir accès aux documents.

Comme certains concepts utilisés par la loi seraient novateurs, il appartiendrait à la jurisprudence de les clarifier, telle la notion d’activité administrative.

Quant à la question de savoir si le MoU tombe dans le champ d’application de la loi du 14 septembre 2018, l’Etat déclare de prime abord se rapporter à prudence de justice quant à la question de savoir si le principe de non-rétroactivité des lois, invoqué par la société … dans sa requête en intervention volontaire, se heurte à l’applicabilité de ladite loi du 14 décembre 2018.

L’Etat estime ensuite que le MoU ne serait pas à qualifier de document relatif à l’exercice d’une activité administrative au sens de l’article 1er, paragraphe (1) de la loi 14 décembre 2018.

En effet, le MoU, qui serait un instrument usuel de la politique économique, industrielle et commerciale du ministère de l’Economie, dresserait le cadre général des relations entre les trois parties signataires en ce qui concerne l’installation d’un data center sur le territoire de la commune de Bissen. Le document détaillerait les différentes phases préalables à réaliser avant tout développement d’un projet plus concret, les engagements respectifs des signataires, ainsi que les modalités de retrait ou d’interdiction de continuation du projet. Il contiendrait encore un put and call option agreement par lequel serait organisée la rétrocession, à la demande de la société … et à la demande de l’Etat, des terrains que … se proposerait d’acquérir en vue de la construction de son data center, cette rétrocession faisant intervenir … comme venderesse conditionnelle et l’Etat comme acquéreur conditionnel.

L’Etat est d’avis qu’une relation contractuelle telle que le MoU ne relèverait pas, en droit luxembourgeois, du droit administratif qui ne s’étendrait qu’aux actes unilatéraux de l’administration, tandis que les contrats relèveraient de l’article 1134 du Code civil et partant du droit privé.

S’agissant des deux avis de la CADA française invoqués par la demanderesse, l’Etat estime que ceux-ci ne seraient pas pertinents en l’espèce, le premier ayant trait à un accord international entre deux Etats, de sorte à être de nature radicalement différente de celle d’un mémorandum of understanding entre l’Etat et une entreprise privée, ce dernier type de mémorandum étant un acte contractuel de droit privé ne relevant pas de l’activité administrative. Quant au second avis, celui-ci viserait la correspondance administrative et non pas un acte contractuel, à savoir des échanges de courriers électroniques, respectivement de documents entre le cabinet du Premier Ministre et certains opérateurs économiques.

En second lieu, l’Etat estime que le MoU serait exclu du droit d’accès prévu par la loi du 14 septembre 2018 et cela à un double égard, conformément à l’article 1er, paragraphe (2) de la loi du 14 décembre 2018, points 8 et 9, visant, d’une part, les informations commerciales et industrielles à caractère confidentiel, et, d’autre part, les documents relatifs à la capacité des organismes de mener leur politique économique financière fiscale et commerciale si la publication des documents était de nature à entraver les processus de décision y relatifs.

En l’espèce, la divulgation du MoU porterait, en effet, atteinte à des informations commerciales et industrielles communiquées par la société … au gouvernement et porterait, par ailleurs, atteinte à la capacité du gouvernement de mener sa politique économique.

L’Etat estime que l’exception de confidentialité libellée à l’article 1er, paragraphe (2), point 8 de la loi du 14 septembre 2018 serait formulée de manière générale et consacrerait nécessairement un principe à portée large. Cette exception ne pourrait donc se limiter aux seuls cas similaires donnés à titre d’exemple dans les travaux parlementaires.

L’Etat affirme que le MoU contiendrait des informations commerciales et industrielles confidentielles. Tout en admettant qu’il contiendrait aussi des stipulations n’ayant pas trait à des informations commerciales ou industrielles confidentielles, ce qui expliquerait l’appréciation des députés mise en avant à l’appui de la requête introductive d’instance, l’Etat fait valoir que le contenu du MoU aurait trait tant à des faits qui sont déjà dans le domaine public, qu’à des faits qui ne le seraient pas.

Le MoU contiendrait en effet (i) une liste des entreprises que la société … considérerait comme ses concurrents, (ii) un put and call option agreement indiquant avec précision sous quelles conditions le droit de rachat, respectivement l’obligation de rachat pourrait être exercé par ou contre l’Etat, respectivement la société …, l’Etat soulignant que la connaissance de ces conditions relèverait de la stratégie commerciale de la société … et de sa propre stratégie, et (iii) une liste complète de tous les propriétaires de terrains ayant été d’accord à vendre leurs terrains à … avec le montant du prix.

Toutes ces données relèveraient de la confidentialité des informations commerciales et industrielles qui, d’ailleurs, ne pourraient être spontanément publiées conformément à l’article 2 de la loi du 14 septembre 2018, à supposer qu’il s’agisse d’informations créées après son entrée en vigueur. Par voie de conséquence, l’Etat ne serait pas non plus obligé de les divulguer sur demande.

S’y ajouterait que les renseignements intéressant le plus le … seraient ceux couverts au plus haut degré par l’intérêt de la société … à la confidentialité, à savoir une clause définissant par le terme « water connection » le minimum du débit d’eau que les autorités publiques s’engagent à mettre à sa disposition. Or, une telle donnée serait d’une importance stratégique puisque sa connaissance permettrait aux concurrents de la société …, respectivement du groupe …, de calculer indirectement, et connaissant l’état de la technologie ayant existé en décembre 2017, la consommation en énergie du futur data center envisagé par le groupe … au Luxembourg. Or, cette connaissance impliquerait en même temps celle de l’envergure du projet, qui elle serait d’une importance stratégique fondamentale, alors que sa divulgation aux concurrents du groupe … serait de nature à porter atteinte à la confidentialité de la stratégie européenne du groupe. La société … s’opposerait à juste titre à la divulgation de cette donnée qu’elle n’aurait fournie au gouvernement luxembourgeois, respectivement à la commune que dans le cadre du MoU censé rester confidentiel.

S’y ajouterait encore que le MoU contiendrait une clause de confidentialité par laquelle les parties signataires se seraient engagées à ne pas divulguer son contenu.

Il s’ensuivrait que l’exception prévue à l’article 1er, paragraphe (2) de la loi du 14 septembre 2018 s’appliquerait.

L’Etat poursuit que la pratique de la CADA française et la jurisprudence du Conseil d’Etat français iraient dans le même sens, en citant, à titre d’exemple, des avis de la CADA française du 18 juillet 2019 et un arrêt du Conseil d’Etat du 21 avril 2017.

L’Etat précise encore qu’il n’aurait aucune objection à communiquer le dossier, sur demande, au seul tribunal qui ne le soumettra alors pas au contradictoire.

En second lieu, l’Etat se prévaut de la protection de la capacité du gouvernement de mener sa politique économique. Il donne à considérer que si le MoU était divulgué, la même chose vaudrait pour tous les memorandum of understanding conclus après l’entrée en vigueur de la loi du 14 septembre 2018, ce qui aurait des conséquences paralysantes pour la politique économique du Luxembourg, les entreprises étrangères susceptibles d’investir au Luxembourg comparant les avantages et les inconvénients d’un investissement au Luxembourg à celui d’un investissement dans un autre pays européen. La circonstance qu’un memorandum of understanding conclu avec l’Etat serait instantanément divulgué et donc porté à la connaissance de leurs concurrents, ne ferait que les dissuader d’en conclure avec le gouvernement luxembourgeois et partant d’investir au Luxembourg.

Dès lors, il conviendrait de tenir compte dans la présente affaire, outre de l’intérêt légitime du groupe …, respectivement de la société …, à la confidentialité des données qu’elle a communiquées au gouvernement luxembourgeois, de la capacité du gouvernement luxembourgeois de mener à l’avenir sa politique économique dans des conditions ne le plaçant pas dans une situation de net désavantage par rapport aux gouvernements d’autres pays étrangers cherchant eux aussi à attirer des investisseurs.

L’Etat donne encore à considérer qu’il ne serait pas possible de procéder par occultation ou disjonction des mentions du MoU relevant des exceptions légales au droit d’accès, puisqu’une fois le MoU caviardé, il ne présenterait plus aucun intérêt pour le … qui s’intéresserait justement principalement, à ce qu’il semblerait, à la problématique de la consommation d’eau, qui serait toutefois en même temps une donnée stratégique couverte par l’intérêt de … à la confidentialité de sa stratégie commerciale et industrielle.

L’Etat précise que si le Code français des relations entre le public et l’administration permettait d’occulter ou de disjoindre le document dont la communication est demandée et si le projet initial de la loi luxembourgeoise avait aussi prévu une telle possibilité, le Conseil d’Etat aurait toutefois proposé une formulation alternative au texte initial ce qui aurait amené la commission parlementaire compétente à supprimer la disposition afférente initialement prévue et à ne prévoir la possibilité d’occulter ou de disjoindre qu’à propos de données à caractère personnel. Depuis lors, l’occultation ou la disjonction ne seraient plus prévues qu’à l’article 6 de la loi du 14 septembre 2018, qui serait toutefois étranger aux motifs de refus de la communication du MoU invoqués en l’espèce pour ne pas avoir trait à des données à caractère personnel d’autres personnes nommément désignées ou facilement identifiables. En revanche, pour ce qui est de l’exception relative au secret commercial et industriel, respectivement à la capacité des organismes administratifs de mener leur politique économique, cette possibilité de procéder par occultation ou disjonction des seuls éléments confidentiels ne serait pas prévue par la loi. Il s’ensuivrait que la présence dans le MoU de certaines données confidentielles interdirait purement et simplement la communication dudit document.

La commune de Bissen, pour sa part, invoque l’article 12 de la loi du 14 septembre 2018, de même que l’article 2 du Code civil pour conclure à la non-communicabilité du MoU, puisque celui-ci daterait du 8 décembre 2017, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 14 septembre 2018. Il s’ensuivrait que l’obligation de publication ne s’y appliquerait pas, la commune se référant encore, à cet égard, à un ouvrage de doctrine à propos des principes régissant l’application de la loi dans le temps.

Les documents ne seraient pas non plus communicables en vertu de l’article 1er, paragraphe (2) de la loi du 14 septembre 2018, puisque la demande de communication porterait sur des documents dont la divulgation porterait atteinte à certains intérêts publics ou privés fondamentaux.

La commune se rallie encore à la prise de position de l’Etat suivant laquelle le MoU ne constituerait pas un document relatif à l’exercice d’une activité administrative tombant dans le champ d’application de la loi du 14 septembre 2018, mais constituerait un instrument usuel de la politique économique industrielle et commerciale du ministère de l’Economie dressant le cadre général des relations entre les trois parties relatives à l’installation d’un data center à Bissen. Une relation contractuelle de ce type ne relèverait pas du droit administratif lequel ne s’étendrait qu’aux actes unilatéraux de l’administration, alors que le contrat litigieux relèverait de l’article 1134 du Code civil, partant du droit privé.

La commune conclut enfin que même à supposer que le MoU serait à considérer comme un document relatif à l’exercice d’une activité administrative, il serait toutefois exclu du droit d’accès pour les mêmes raisons et motifs tels qu’invoqués par l’Etat, auxquels elle déclare se rallier intégralement, au vu du caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles communiquées aux organismes visés au paragraphe 1er et de la capacité des organismes de mener leur politique économique financière, fiscale et commerciale si la publication des documents est de nature à entraver les processus de décision y relatifs.

Dans sa requête en intervention volontaire, la société … fait valoir que la demande en communication ne tomberait pas sous le champ d’application de la loi du 14 septembre 2018, tant en ce qui concerne le champ d’application ratione temporis, qu’en ce qui concerne le champ d’application ratione materiae, en reprenant en substance la même argumentation que celle développée par l’Etat et la commune de Bissen.

En effet, la société … s’empare de l’article 12 de la loi du 14 septembre 2018, pour conclure que le MoU signé le 8 décembre 2017, soit avant l’entrée en vigueur de ladite loi, ne tomberait pas dans le champ d’application ratione temporis de celle-ci. Le document ne serait pas communicable puisque le fait d’appliquer cette loi aux contrats en cours serait contraire à l’article 2 du Code civil, la communication de contrats ne pouvant concerner que ceux conclus après l’entrée en vigueur de la loi du 14 septembre 2018, l’application de cette loi n’étant, par ailleurs, pas justifiée par l’existence d’un motif d’intérêt général suffisant lié à un impératif d’ordre public, de sorte à ne pas pouvoir porter atteinte à la liberté contractuelle.

S’agissant du champ d’application ratione materiae de la loi du 14 septembre 2018, la société … soutient (i) qu’il n’existerait pas de document communicable pour ce qui des informations relatives à la consommation d’eau et (ii) qu’il n’y aurait pas de document relatif à l’exercice d’une activité administrative. Par ailleurs, elle se prévaut de l’exclusion prévue par l’article 1er, paragraphe (2), point 8 de la loi du 14 septembre 2018.

La société … s’empare ainsi de l’article 4, paragraphe (1) de la loi du 14 septembre 2018, des travaux parlementaires à sa base, de même que de la doctrine luxembourgeoise suivant laquelle les demandes visant à obtenir des informations sans qu’il ne soit avéré qu’elles concernent un document administratif existant ne sont pas recevables. Ce serait dès lors à juste titre que la CAD a retenu que la demande relative à la communication de la consommation d’eau sur le site n’est pas suffisamment précise et ne porterait pas sur un document particulier identifiable.

La société … donne à considérer que le … évoquerait lui-même des informations échangées lors d’une discussion entre le ministre et un représentant de la commune au sujet des eaux de refroidissement devant être utilisées sur le site sur lequel l’installation du data center est envisagée, de sorte que cette demande se situerait hors du champ d’application de la loi du 14 septembre 2018 et serait dès lors irrecevable au sens de son article 4, paragraphe (1).

Dans la mesure où le site ne serait pas encore exploité, aucun document relatif à la consommation d’eau n’existerait par ailleurs à ce jour.

La demande de communication afférente ne serait dès lors pas suffisamment précise pour ne pas porter sur un document particulier, mais viserait tout au plus une discussion. Elle reviendrait ainsi en substance à demander la communication d’un document inexistant.

D’autre part, la demande ne porterait pas sur un document relatif à l’exercice d’une activité administrative au sens de l’article 1er, paragraphe (1) de la loi du 14 septembre 2018.

Pour qualifier la nature du MoU, la société … se réfère à la doctrine luxembourgeoise, suivant laquelle la loi du 14 septembre 2018 utiliserait deux méthodes pour déterminer si les documents sont relatifs à l’exercice d’une activité administrative, à savoir, d’une part, un critère purement matériel, en l’occurrence le lien avec l’exercice d’une activité administrative, et, d’autre part, la prise en considération des exclusions sous forme de la liste prévue à l’article 1er, paragraphe (2) de la même loi.

A cet égard, la société … invoque, à l’instar de l’Etat du Grand-Duché et de la commune de Bissen, l’exclusion prévue à l’article 1er, paragraphe (2), point 8 de la loi du 14 septembre 2018, tout en se référant à la doctrine luxembourgeoise et aux travaux parlementaires à la base de ladite loi.

Elle explique que le MoU serait un accord selon lequel l’Etat s’engage à racheter les terrains acquis par elle au prix payé par elle et vice versa si certaines conditions sont remplies.

Le document comporterait en outre des éléments de stratégie commerciale, tels que la liste des entreprises considérées par elle comme concurrents, respectivement le nom des particuliers lui ayant vendu leurs terrains. Le document contiendrait, en outre, des informations relatives à des secrets de procédé permettant de connaître ses techniques de fabrication, tel que le débit d’eau de refroidissement devant être garanti sur le site afin de permettre le bon fonctionnement du data center projeté.

Par ailleurs, le MoU serait incontestablement un document ayant trait à une activité industrielle et commerciale puisqu’il concernerait l’installation par une société commerciale d’un data center.

D’autre part, la société … affirme que le document litigieux ne s’inscrirait pas dans l’exercice matériel d’une activité administrative, en se référant aux travaux parlementaires à cet égard et à la doctrine luxembourgeoise, faisant référence à un double critère, à savoir un acte pris dans le cadre d’une mission de service public et se rattachant à une compétence de l’administration, qui serait d’ailleurs consacré par la CAD dans de multiples avis. Or, le MoU n’aurait pas de lien suffisamment direct avec la mission de service public de l’Etat et la commune, puisqu’il s’agirait d’un document relatif à l’avancée de l’installation par une société commerciale d’une structure permettant l’exercice de son activité commerciale suite à une acquisition immobilière faite par cette même société commerciale.

Dans son mémoire intitulé « mémoire en réponse », la société … réitère en substance cette argumentation.

S’agissant de l’argumentation fondée sur la préexistence du MoU à l’entrée en vigueur de la loi du 14 septembre 2018, elle se réfère encore à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme qui admettrait qu’une loi ne pourrait intervenir sur les contrats existants que sous certaines conditions. La jurisprudence française poserait également comme principe qu’une loi nouvelle ne s’appliquerait pas aux contrats en cours, ce principe ayant encore récemment été codifié par l’article L.221-4 du Code des relations entre le public et l’administration, disposant que les réglementations nouvelles ne s’appliqueraient pas aux contrats formés avant leur entrée en vigueur. En revanche, la loi du 14 septembre 2018 prévoirait uniquement que « pour les documents qui ont été créés avant l’entrée en vigueur de la présente loi, l’obligation de publication visée à l’article 2 ne s’applique pas ». Or, il serait de principe qu’en matière de contrats, comme les conventions des particuliers font la loi entre eux et que la loi ancienne appartient au contexte de leurs négociations, la loi nouvelle ne s’appliquerait en principe pas aux contrats en cours sauf si elle le prévoit et notamment si elle est d’ordre public.

La société … insiste encore sur la considération que le MoU, du ressort exclusif des tribunaux de l’ordre judiciaire, ne serait pas un document relatif à l’exercice d’une activité administrative, la société … se ralliant, à cet égard, à l’argumentation de l’Etat, tout en avançant des considérations pragmatiques suivant lesquelles, sur base de l’argumentation du …, tout contrat conclu avec un organisme visé à l’article 1er, paragraphe 1er de la loi du 14 septembre 2018, tels des contrats de raccordement, devrait être publié de manière spontanée. Le MoU ne serait dès lors pas un document résultant d’un acte unilatéral de l’administration ayant un lien suffisamment direct avec la mission de service public de l’organisme l’ayant reçu.

S’agissant de l’argumentation fondée sur l’exclusion des informations commerciales et industrielles, la société … réitère en substance les explications fournies dans sa requête en intervention volontaire sur le contenu du MoU, tout en précisant que, par ailleurs, le document porterait des indications sur les conditions de l’exercice des droits et obligations de rachat des terrains achetés au divers particuliers. S’agissant de la considération suivant laquelle le MoU contiendrait des informations relatives à des secrets de procédé permettant de connaître les techniques de fabrication, comme le débit d’eau de refroidissement devant être garanti sur le site afin de permettre le bon fonctionnement du centre des données, la société … donne à considérer que cette information serait d’autant plus sensible que le débit d’eau nécessaire au fonctionnement d’un centre de données diminuerait avec chaque avancée technologique. Si la communication de cette information datant de 2017 au … n’aurait donc plus aucune valeur à ce jour pour être désuète et pour ne pas refléter les réalités technologiques pour la construction d’un centre de données en 2020, la publication de cette information pourrait toutefois lui nuire gravement puisqu’elle permettrait à ses concurrents de savoir exactement à quel stade de la course à l’avancée technologique la positionner en 2017 lors de la signature du MoU.

Enfin, la société … insiste sur l’absence d’existence d’un document relatif à la consommation effective d’eau sur le site en réitérant en substance ses explications antérieures.

Dans sa réplique, le … conteste, en substance, le caractère confidentiel des informations contenues dans le MoU en prenant position par rapport aux motifs du refus de communication tels qu’invoqués par l’Etat et par la société …, en ce qui concerne la divulgation de la liste des concurrents, la liste des propriétaires pour l’achat de terrains et le débit d’eau devant être disponible sur le site.

La partie demanderesse relève que si, au stade précontentieux, l’Etat avait uniquement invoqué l’exclusion à l’obligation de communication sur le fondement de l’article 1er, paragraphe (2), point 8 de la loi du 14 septembre 2018, dans son mémoire en réponse il aurait également invoqué l’exclusion prévue au point 9 du même article.

Elle conteste de prime abord l’existence d’informations commerciales et industrielles qui seraient confidentielles. A cet égard, elle fait valoir que la liste des concurrents ne constituerait pas une information confidentielle ou stratégique, cela d’autant plus qu’il conviendrait de se poser la question du préjudice qui serait occasionné par la révélation, à l’heure actuelle, d’informations remontant à fin 2017.

S’agissant de la liste des propriétaires des terrains achetés, le … donne à considérer qu’au-delà du constat que la CAD aurait recommandé une communication sans ses données personnelles, une telle liste ne contiendrait pas non plus une information confidentielle puisque sur base des informations disponibles au cadastre et au bureau des hypothèques, chacun pourrait connaître les propriétaires des terrains de même que les prix des transactions.

S’agissant du débit d’eau devant être disponible sur le site, le … s’étonne de ce qu’une telle donnée puisse être considérée comme une information confidentielle puisque l’eau constituerait une ressource naturelle n’appartenant pas à une mouvance politique et ne pouvant pas être utilisée comme une monnaie d’échange pour développer une politique économique et commerciale, mais constituerait une ressource devant être protégée et préservée. Sa consommation ne devrait dès lors pas être cachée sous le couvert d’un contrat. S’y ajouterait qu’en l’espèce, l’information ne serait pas anodine puisque selon les chiffres évoqués, le futur data center nécessiterait jusqu’à 5 à 10 % de la consommation d’eau nationale. S’y ajouterait encore que la confidentialité de telles informations ne se justifierait pas dans la mesure où le dossier d’autorisation d’établissement, qui serait introduit et qui serait soumis à une enquête publique, devrait mettre en évidence la consommation en eau du site et les moyens mis en œuvre pour assurer un développement durable et une protection de l’environnement. Un tel dossier devrait également contenir des éléments permettant de justifier que la société … propose la meilleure technique disponible conformément à la directive européenne 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles.

Dans ces conditions, l’argumentation suivant laquelle les informations sur la consommation d’eau en 2017 seraient confidentielles ne se justifierait pas puisque ces données, par ailleurs actualisées, devraient être légalement rendues publiques en cas de poursuite du projet. Le … souligne encore que l’un des concurrents de la société … publierait la situation de ses data centers en temps réel, tout en reprochant à la société … de vouloir éviter de dévoiler les quantités « astronomiques » d’eau nécessaire pour le fonctionnement de son data center. Le … en conclut que la question de la consommation d’eau ainsi que le souhait de la société …, de même que de l’Etat, ne pas se voir critiquer pour sa politique environnementale, ne sauraient servir de prétexte pour justifier la confidentialité du MoU.

Enfin, en donnant à considérer que l’évolution en matière d’économie d’énergie ou d’utilisation d’eau ne serait pas linéaire, elle affirme que la connaissance d’une avancée technologique en 2017, qui ne serait même pas forcément à jour, ne pourrait être considérée comme digne d’être protégée en tant qu’information confidentielle.

Le … donne encore à considérer que même si les exemples donnés à l’article 1er, paragraphe (2), point 8 de la loi du 14 septembre 2018 ne seraient pas exhaustifs, ils permettraient néanmoins de cerner la portée de l’exclusion y prévue. En tout cas, les informations contenues dans le MoU ne pourraient constituer des secrets de procédés, respectivement des éléments tenant au secret des stratégies commerciales de la société ….

Elle poursuit que, contrairement à ce qui est avancé par l’Etat, les exceptions prévues à la communication des informations devraient être interprétées de manière restrictive, la partie demanderesse se référant, à cet égard, au texte initial du projet à la base de la loi du 14 septembre 2018, de même qu’à l’exposé des motifs, l’article 4, paragraphe (4), ayant initialement expressément prévu que les motifs de refus seraient à interpréter restrictivement.

Tout en admettant que cette mention avait été supprimée du texte final, à la suite de l’avis du Conseil d’Etat, le … souligne que le Conseil d’Etat aurait néanmoins rappelé le principe de l’interprétation stricte des exceptions, tout en faisant référence à une nécessaire mise en balance entre le droit d’accès et les intérêts des tiers, conception qui serait également relayée par la doctrine luxembourgeoise et par la jurisprudence de la Cour administrative.

Il conviendrait dès lors d’apprécier de façon restrictive si les informations litigieuses sont à qualifier d’informations industrielles et commerciales en raison, par exemple, d’un secret de procédé ou d’un secret tenant à la stratégie commerciale de la société …, ce qui, d’après la partie demanderesse, ne serait pas le cas en l’espèce.

Le … donne encore à considérer que le MoU, selon les éléments invoqués par les parties défenderesses, ne semblerait pas faire état de procédés techniques justifiant une mesure de confidentialité pour assurer un secret commercial. Seuls seraient invoqués les besoins en eau, c’est-à-dire les quantités de ressources utilisées et produites, information qui pourrait être transposée, dans le domaine des établissements classés, aux émissions produites par une activité industrielle. Or, de tels résultats seraient à dissocier du procédé en lui-même. La législation applicable en matière d’accès à l’information environnementale établirait un principe de transparence à l’égard de ces émissions, transparence qui serait encore retrouvée à l’article 7, point 3 de la loi modifiée du 10 juin 1999 sur les établissements classés. Dans ces conditions, les répercussions du processus d’exploitation du data center, en l’occurrence les consommations en eau et en électricité, ne constitueraient pas des informations confidentielles et ne pourraient être assimilées à des secrets ou procédés justifiant une mesure de confidentialité.

Par rapport à la considération avancée par l’Etat tenant au caractère éventuellement communicable de tout autre mémorandum of understanding conclu par l’Etat, le … donne à considérer que le tribunal ne serait pas saisi d’une demande visant à obtenir une décision sur le caractère communicable de tous memorandum of understanding généralement quelconques.

Par ailleurs, il souligne qu’une clause de confidentialité ne pourrait pas non plus dispenser les entités visées à l’article 1er de la loi du 14 décembre 2018 de leurs obligations.

Pour ce qui est de l’avis de la CADA cité par la partie étatique, celui-ci ne serait pas non plus transposable puisqu’il aurait concerné des données tenant au modèle de développement des quatre entreprises visées et de leurs projets d’investissement qui avaient été considérés comme des secrets d’affaires.

S’agissant de l’arrêt du Conseil d’Etat français du 21 avril 2017 invoqué, le … souligne que l’exception serait fondée sur la divulgation des prix d’une entreprise privée. Dès lors, à défaut par le MoU de contenir des prix ou des pratiques commerciales, l’arrêt du Conseil d’Etat français ne pourrait être transposé en l’espèce.

Pour ce qui est de la question de la preuve, le … prend note de la proposition de l’Etat de procéder à la communication du MoU au seul tribunal, tout en donnant à considérer qu’une telle initiative ne ferait que déplacer le problème, en renvoyant à la doctrine belge et luxembourgeoise et en mettant en avant que le juge ne pourrait fonder sa décision de façon déterminante sur une pièce déclarée confidentielle qui n’aurait pas été livrée à la contradiction des parties. Si une telle communication permettant d’asseoir une décision ne semblait, d’après le …, pas inconcevable, cette manière de procéder le placerait néanmoins dans une situation inconfortable, plus particulièrement dans l’hypothèse où le recours est rejeté puisque les moyens d’appel dépendraient nécessairement de l’analyse opérée par le tribunal sur le document non soumis au contradictoire.

S’agissant du motif de refus tenant à la capacité des entités administratives de mener leur politique économique, le … réitère que des considérations tenant à la communication future éventuelle d’autre mémorandums of understanding seraient non pertinentes par rapport au présent recours.

D’autre part, la loi prévoirait une condition supplémentaire à l’exception invoquée, tenant au fait que l’autorité l’invoquant devrait démontrer que la publication des documents serait de nature à entraver les processus de décision y relatifs. Or, à l’exception de considérations générales, respectivement de l’annonce d’effets paralysants par rapport à d’autres pays, alors que, d’après le …, en France par exemple tous les échanges, tels que notes, courriers électroniques ou autres documents, seraient communicables par principe, il ne serait pas démontré que le processus décisionnel de l’Etat luxembourgeois serait entravé.

Quant à la question de la qualification du MoU en tant que document administratif, le … réitère son renvoi à la motivation de la CAD, qui serait conforme à la circulaire du Premier Ministre du 26 octobre 2018, et donne à considérer que, contrairement à ce qui est avancé par l’Etat, l’absence de recours contre un contrat devant les juridictions administratives n’exclurait pas la qualification d’activité administrative. La conclusion d’un contrat de droit privé ne saurait, en effet, exclure une activité administrative, la partie demanderesse se référant plus particulièrement à un arrêt de la Cour administrative du 7 juillet 2015, numéro 35872C du rôle, ayant traité la question d’un contrat administratif. Le … estime qu’un contrat de droit privé pourrait parfaitement être relatif à l’exercice d’une activité administrative. Il ajoute que des mesures d’accès aux documents liés à des contrats feraient déjà l’objet d’un encadrement dans des lois spéciales, tel que par exemple l’article 294 du règlement grand-ducal du 8 avril 2018 portant exécution de la loi du 8 avril 2018 sur les marchés publics, et cela bien que la conclusion du marché, contrat de droit privé, ne soit pas soumise au contrôle des juridictions administratives.

Dans ces conditions, le critère de rattachement au droit privé invoqué par la partie étatique ne serait pas suffisant pour exclure un contrat synallagmatique du champ des documents relatifs à l’exercice d’une activité administrative.

Il faudrait dès lors examiner la question de savoir si le MoU est relatif à l’exercice d’une activité administrative au regard de son contenu. Or, selon la description qui en est faite par la partie étatique, ledit document apparaîtrait globalement comme un outil de planification, principalement urbanistique avec une coloration environnementale, d’un projet qui rappellerait les accords de principe délivrés par les administrations communales dans le cadre de chantiers de construction, ces accords n’ayant certes pas de véritable fondement juridique, mais participant en définitive et en pratique à l’exercice d’une activité administrative.

S’agissant de la référence faite par lui à des avis de la CADA française, plus particulièrement à un avis du 18 juillet 2019, le … donne à considérer que la portée des documents validés par la CADA aurait été plus large qu’une demande de production d’une convention, de sorte que cet avis serait parfaitement pertinent. En ce qui concerne l’avis portant le numéro 20184045, le … donne à considérer que le caractère communicable d’un mémorandum d’entente entre deux Etats permettrait de conclure que de tels accords s’inscrivent dans le cadre de la gestion d’une politique économique devant donner lieu à une communication de la documentation afférente en toute transparence. Il renvoie encore à la fiche de la Direction des affaires juridiques française traitant de la communication des documents administratifs en matière de commande publique, en en citant des extraits et il en déduit que le MoU serait indéniablement un document administratif relatif à l’exercice d’une activité administrative.

Par rapport à l’argumentation de la commune et de la société … fondée sur l’antériorité du MoU à l’entrée en vigueur de la loi du 14 septembre 2018, le … donne à considérer, après avoir donné une définition du principe de non-rétroactivité de la loi, que la loi du 14 septembre 2018 ne régirait ni des situations antérieures à son entrée en vigueur, ni ne modifierait-elle les effets d’une situation en cours, ni ne remettrait-elle en cause des situations déjà terminées. Cette loi poserait uniquement des obligations pour les entités visées à son article 1er de publier spontanément des documents administratifs et d’accéder aux demandes de communication pour les documents ne tombant pas dans les cas d’exception, ces obligations étant régulièrement rappelées par la CAD dans ses avis.

A admettre que la loi du 14 septembre 2018 ait un effet rétroactif, le … affirme qu’il conviendrait également de se référer au souhait du législateur. Ainsi, le projet de loi tel qu’initialement déposé aurait déjà contenu en son article 10 une dérogation à l’obligation de publication au regard d’une impossibilité matérielle de publier spontanément les documents administratifs antérieurs à la loi, les auteurs du projet de loi ayant toutefois précisé expressément qu’une telle dérogation ne concernerait pas la possibilité pour les administrés d’obtenir communication de documents antérieurs sur demande. Dans ces conditions, l’argumentation afférente de la commune de Bissen et de la société … devrait être rejetée.

S’agissant de la question du caractère identifiable des échanges portant sur l’eau, le … s’étonne qu’aucun document sur la consommation d’eau sur le site ne puisse exister avant qu’il ne soit opérationnel.

Ensuite, il relève que ni la commune ni l’Etat ne prendraient position par rapport à une demande d’information adressée par la commune à l’Etat, demande qui pourtant aurait été relayée dans la presse. Or, si la presse mentionne une demande de complément d’information, cela serait révélateur du fait qu’une telle demande devrait exister. Une demande initiale de complément d’information serait en tous cas un document administratif qui serait ciblé de manière suffisamment précise et qui devrait être produit s’il existe conformément à la loi du 14 septembre 2018.

Il donne encore à considérer que la CAD aurait rendu un avis favorable dans des hypothèses de communication de documents administratifs dont l’existence était incertaine.

A moins que les parties concernées affirment que les informations demandées auraient en réalité été échangées via de simples discussions orales, le … maintient ainsi sa demande de production du ou des documents administratifs en lien avec la question de la consommation d’eau et la réponse qui a pu y être apportée.

Dans sa duplique, l’Etat maintient son refus de communiquer le MoU à l’avocat du … et partant également au … lui-même à défaut de décision judiciaire définitive ordonnant une telle communication, tout en maintenant toutefois son offre de permettre au tribunal l’accès à cette pièce.

A cet égard, l’Etat donne toutefois à considérer qu’il ne serait pas indispensable pour le tribunal d’accéder à cette pièce, puisque le … ne contesterait pas la description du contenu de ce document telle que faite dans son mémoire en réponse. L’Etat estime que sur base de cette description, il serait possible au tribunal de statuer sur les mérites de ses moyens et de rejeter une demande d’accès à des documents administratifs sans avoir pris connaissance du document sollicité, en renvoyant à cet égard à une décision de la CADA française.

Par ailleurs, l’Etat maintient ses considérations tenant au risque de devoir à l’avenir publier spontanément tout mémorandum of understanding signé avec des entreprises.

Enfin, l’Etat donne à considérer que le … ne s’intéresserait au MoU qu’en raison des données qu’il pourrait contenir sur la consommation du projet en eau. Or, ces données seraient précisément couvertes par un intérêt en termes de confidentialité particulièrement prononcé dans le chef de la société … et de …. La raison de cette confidentialité ne tiendrait pas à la consommation d’eau en elle-même, mais aux conclusions qu’un concurrent de …, connaissant nécessairement l’état de technologie au moment de la conclusion du MoU, pourrait en tirer en termes de consommation en énergie et donc en termes d’envergure du projet. Ce serait, en effet, dans la connaissance de l’envergure du projet que résiderait la raison de la confidentialité de la consommation en eau. Même si, compte tenu de l’évolution rapide des technologies, la consommation réelle en eau serait moins élevée pour le même projet en fonction de l’écoulement du temps, l’envergure du projet ne changerait pas. Or, la société … et le groupe … auraient un intérêt légitime, à l’égard des concurrents, à la confidentialité de l’envergure d’un projet qu’ils envisageraient d’implanter au Luxembourg aussi longtemps que ce projet n’est pas mis en œuvre. L’Etat donne encore à considérer que si le projet était réalisé au point de donner lieu à une demande d’autorisation, la société … et le groupe … devraient accepter que l’envergure du projet soit rendue publique dans le cadre de la loi du 10 juin 1999. Toutefois, elle s’opposerait légitimement à une divulgation prématurée de l’envergure d’un projet dont la réalisation serait seulement envisagée. En raison de l’évolution des technologies et en raison du fait que les données sur la consommation en eau devraient être actualisées au moment de la réalisation du projet, la mise en balance des intérêts en cause, à savoir l’intérêt de la société … et du groupe … à la confidentialité et l’intérêt du … à la divulgation, serait en tout état de cause négative au détriment du …. L’Etat souligne que le … ne s’intéresserait, conformément à son objet social, qu’à la défense de l’environnement. Dans ces conditions, des données relatives à la consommation en eau dépassées par l’évolution de la technologie ne présenteraient pour lui aucun intérêt réel. En revanche, ces mêmes données pourraient être utilisées par les concurrents de la société … et du groupe … pour calculer à l’heure actuelle l’envergure, inchangée, du projet envisagé. Dans ces conditions, l’intérêt de la société … et de … à la confidentialité de ces données devrait prévaloir sur l’intérêt à leur divulgation tel qu’avancé par le ….

3.2.) Appréciation du tribunal Force est de constater que la demande de communication de la partie demanderesse vise, d’une part, le MoU et, d’autre part, suivant les termes de la requête introductive d’instance les « questions réponses qui se sont nouées entre [l’Etat et la commune] et qui portent sur les estimations de consommation en eaux du site de Bissen avec l’implantation du Data Center de … ».

Les motifs de refus avancés par l’Etat, respectivement par la commune de Bissen et appuyés par la société …, sont, suivant le dernier état des conclusions - l’Etat ayant en effet fait état d’un motif de refus complémentaire au cours de la présente instance -, les suivants :

(i) antériorité du MoU à l’entrée en vigueur de la loi du 14 septembre 2018, (ii) contestation de la qualité de document administratif du MoU, (iii) exclusion tenant à l’existence d’informations commerciales et industrielles confidentielles au sens de l’article 1er, paragraphe (2), point 8 de la loi du 14 septembre 2018, (iv) exclusion tenant à la capacité des entités visées par la loi du 14 septembre 2018 de mener leur politique économique, financière et fiscale si la publication des documents est de nature à entraver les processus de décision y relatifs, au sens de l’article 1er, paragraphe (2), point 9 de la loi du 14 septembre 2018, (v) caractère non identifiable des échanges portant sur la consommation en eau.

Le tribunal relève encore que, suivant les termes de la requête introductive d’instance, le présent litige se meut exclusivement devant le contexte d’une demande d’accès aux documents sur le fondement de la loi du 14 septembre 2018, refusée par l’Etat et par la commune à la suite d’un avis partiellement positif de la CAD, de sorte que son examen portera exclusivement sur les conditions d’application de cette même loi, à l’exclusion de la loi du 25 novembre 2005 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement, mentionnée également dans les demandes du … du 3 février 2020 à l’Etat, respectivement à la commune.

A titre liminaire, le tribunal constate qu’il se dégage de l’exposé des motifs du projet à la base de la loi du 14 septembre 2018 que l’intention du législateur était celle de poser le principe de l’ouverture et du partage en ligne des documents administratifs, sous réserve des exceptions prévues par la loi, étant relevé que les auteurs de ladite loi ont décidé de réviser la liste des restrictions au droit d’accès telles que prévues initialement par le projet de loi n° 6540 relative à l’accès des citoyens aux documents détenus par l’administration, restrictions certes nécessaires pour empêcher la communication de documents dont la divulgation porterait atteinte à certains intérêts publics ou privés fondamentaux, le législateur ayant ainsi décidé de reformuler certaines exceptions libellées de manière trop générale afin de les assortir de conditions plus strictes3.

En d’autres termes, le principe, sous l’égide de la loi du 14 septembre 2018, entrée en vigueur le 1er janvier 2019, est dorénavant que tous les documents détenus par une administration ou un service de l’Etat, une commune, un établissement public et une personne morale fournissant un service public sont accessibles et qu’il suffit que les documents sollicités revêtent un caractère administratif et qu’ils se rapportent donc à la gestion d’une activité administrative4 : dorénavant l’accès aux documents constitue la règle générale, la loi prévoyant toutefois des exceptions à ce principe, dont le tribunal appréciera ci-après la portée, les parties à l’instance étant notamment en litige sur la portée des exceptions invoquées par l’Etat et la commune.

C’est sur cette toile de fond que le tribunal examinera les différents motifs de refus avancés.

(i) Quant à l’applicabilité de la loi du 14 septembre 2018 ratione temporis 3 Projet de loi n° 6810 relative à une administration transparente et ouverte, exposé des motifs.

4 Projet de loi n° 6810 relative à une administration transparente et ouverte, commentaire des articles, art 1er.

En ce qui concerne le premier motif de refus, à savoir l’affirmation que le MoU ne serait pas communicable pour avoir été créé avant l’entrée en vigueur de la loi du 14 septembre 2018, il y a lieu de relever que certes la loi du 14 septembre 2018 prévoit en son article 12 que « Pour les documents qui ont été créés avant l’entrée en vigueur de la présente loi, l’obligation de publication visée à l’article 2 [ à savoir l’obligation de publication] ne s’applique pas », - les travaux parlementaires5 afférents ayant précisé que cette dérogation est nécessaire afin d’éviter que les administrations se retrouvent dans la situation matériellement impossible de devoir diffuser, au moment de l’entrée en vigueur de la loi, tous les documents accessibles en vertu de la nouvelle loi, alors que la mise en place d’une banque de données qui regroupe tous ces documents, est un processus complexe. Or, cette disposition ne s’applique pas à l’obligation de communication sur demande énoncée à l’article 3 de la loi du 14 décembre 2018, l’article 12 renvoyant, en effet, exclusivement à l’obligation de publication énoncée à l’article 2 de la même loi et les auteurs du projet de loi ayant d’ailleurs expressément énoncé que « Cette dérogation n’affecte évidemment pas la possibilité pour le citoyen d’obtenir communication des documents créés avant l’entrée en vigueur de la loi d’autre part »6.

Dans ces conditions, il y a lieu de retenir qu’il se dégage des dispositions combinées des articles 2, 3 et 12 de la loi du 14 septembre 2018 que celle-ci prévoit l’obligation de communication sur demande des documents qui entrent dans son champ d’application, y compris ceux crées avant son entrée en vigueur. De ce fait, la loi du 14 septembre 2018 n’a pas d’effet rétroactif, mais ne fait que s’appliquer, dès son entrée en vigueur, à toute demande de communication de documents qui rentrent dans le champ d’application matériel de la loi du 14 septembre 2018.

Dès lors, le fait que le MoU litigieux ait été signé avant l’entrée en vigueur de la loi du 14 septembre 2018, voire que les documents en relation avec la consommation d’eau dont la communication est sollicitée à la commune, à supposer qu’ils existent, aient, le cas échéant, été créés antérieurement, s’il constitue un obstacle à la publication spontanée de ces documents, ne constitue pas un motif de refus de communication7.

Le premier motif de refus est partant à rejeter.

(ii) Quant à la qualification de document administratif Les parties à l’instance sont ensuite en désaccord sur le champ d’application matériel de la loi du 14 septembre 2018, les parties défenderesses et tierce intéressée déniant au MoU la qualification de document administratif au sens de la ladite loi du 14 septembre 2018, qui en son article 1er prévoit le droit d’accès aux documents détenus par les entités y énumérées uniquement « dans la mesure où les documents sont relatifs à l’exercice d’une activité administrative », - sous réserve des exclusions énoncées au paragraphe (2) du même article et aux articles 6 et 7 de la même loi.

La position des parties défenderesses et tierce intéressée consiste en substance à soutenir que la définition de la notion de document relatif à l’exercice d’une activité administrative au sens de l’article 1er de la loi du 14 septembre 2018 devrait se faire par référence au champ de compétence des juridictions administratives, limité, outre les recours contre les actes à caractère règlementaire, aux recours contre les décisions administratives 5 Projet de loi n° 6810 relative à une administration transparente et ouverte, commentaire des articles, art.10.

6 Idem.

7 En ce sens trib. adm. 5 août 2020, n° 43595 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu individuelles, actes unilatéraux, alors que les contrats ne relèvent pas de cette compétence, mais de celle des juridictions judiciaires, tout en déniant, par ailleurs, l’existence d’un lien du MoU avec une mission de service public de l’Etat ou de la commune. La partie demanderesse est, en substance, d’avis que le MoU constituerait un document de planification d’un projet, comparable à un accord de principe en matière d’urbanisme, ayant un lien avec une mission de service public.

Force est de constater que la loi du 14 septembre 2018 ne donne pas de définition de la notion de document relatif à l’exercice d’une activité administrative.

Suivant les travaux parlementaires à la base de ladite loi, sont visés les documents qui « se rapportent […] à la gestion d’une activité administrative », les auteurs du projet de loi ayant donné à titre d’exemple de documents ne répondant pas à cette notion ceux qui se rapportent à la gestion d’une activité industrielle et commerciale exercée par un établissement public à caractère industriel et commercial8.

Aux termes de la lettre circulaire du Premier Ministre du 26 octobre 2018, - qui certes, comme toute circulaire n’a pas force de loi ou de règlement, mais qui contient uniquement des instructions en forme de lettre adressée par les ministres aux divers fonctionnaires de leur département, s'imposant ni aux tribunaux, ni aux personnes étrangères à l'administration9, mais à laquelle il peut être référé pour examiner quelle est la portée minimale que l’Etat, partie au présent litige, a, suivant sa propre interprétation, entendu donner au texte de la loi -, « Un document n’est administratif que s’il a un lien suffisamment direct avec la mission de service public de l’organisme qui l’a produit ou reçu, c’est-à-dire sont seuls considérés comme des documents administratifs, les documents produits ou reçus dans le cadre d’une mission de service public, ce qui nécessite qu’il se rattache à une compétence de celui-ci », la circulaire donnant à titre d’exemple de documents relatifs à l’exercice d’une activité administrative les circulaires, les rapports d’activité, les procès-verbaux et comptes-rendus des conseils d’administration des établissements publics, les études, les statistiques ou encore les conventions conclues par un ministère ou un établissement public et ayant un lien avec sa mission de service public, tandis que suivant cette même circulaire ne constituent pas des documents administratifs ceux relatifs aux relations contractuelles qu’une personne morale entretient avec ses clients, les documents relatifs à la gestion des actifs immobiliers, comme les dossiers de logement des locataires des immeubles appartenant au Fonds du Logement, les documents relatifs à un marché public (à condition qu’ils n’aient pas de lien avec la mission de service public des organismes visés) ou encore les documents relatifs aux acquisitions mobilières et immobilières si elles n’ont aucun lien avec la mission de service public des organismes visés.

Aux termes de ladite circulaire c’est donc le rattachement à une mission de service public relevant de la compétence de l’entité visée, - notion qui se retrouve d’ailleurs également en droit français10 -, qui est déterminant pour la qualification de document relatif à une activité administrative, ce lien devant être suffisamment direct.

8 Projet de loi n° 6810 relative à une administration transparente et ouverte, commentaire des articles, art 1er.

9 Trib. adm. 23 décembre 1997, n° 9938 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Lois et règlements, n° 138 et les autres références y citées.

10 Article L.300-2 du Code des Relations entre le Public et l’Administration : « Sont considérés comme documents administratifs […] les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’Etat, les collectivités locales […] », ledit article donnant comme exemple de documents administratif « les dossiers, Le tribunal retient de prime abord qu’il ne saurait suivre la thèse des parties défenderesses et tierce intéressée suivant laquelle du moment que le MoU est un contrat, il serait ipso facto exclu du champ d’application de la loi du 14 septembre 2018. En effet, le critère de rattachement à la ladite loi ne réside pas dans la qualité d’acte unilatéral, ni d’ailleurs dans la qualification de décision administrative au sens de l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions administratives, mais dans le rattachement à une activité administrative, la notion de document administratif étant plus large que celle de décision administrative individuelle et pouvant aussi englober des contrats11.

Le tribunal rejoint encore les principes posés par la circulaire ministérielle, précitée, en ce sens qu’il est requis que le document visé, qu’il soit unilatéral ou contractuel, ait un lien suffisamment direct avec une mission de service public de l’organisme qui l’a produit ou reçu, et se rattache à une compétence de celui-ci, étant relevé qu’une activité constitue un service public quand elle est assurée ou assumée par une personne publique en vue de satisfaire un besoin d’intérêt public12.

En l’espèce, le tribunal est amené à retenir qu’au regard de la description de l’objet du MoU telle que faite par les parties défenderesses et tierce intéressée dans leurs mémoires respectifs, description qui en tant que telle n’est pas contestée par le … et qui est d’ailleurs conforme au contenu du MoU ayant été soumis au tribunal à titre confidentiel et pour son seul usage13, le MoU n’est pas à qualifier de document relatif à l’exercice d’une activité administrative au sens de l’article 1er de la loi du 14 septembre 2018.

En effet, tel que cela a été expliqué par la partie étatique et confirmé par la commune et par la société …, la convention litigieuse est un accord conclu entre l’Etat, la commune et la société … dressant le cadre général des relations des signataires à propos d’un projet d’implantation d’un data center au Luxembourg sur le territoire de la commune de Bissen par une entreprise commerciale, détaillant, suivant les explications de l’Etat, les différentes phases préalables à réaliser avant tout développement d’un projet plus concret, les engagements respectifs des signataires à cet égard, ainsi que les modalités de retrait ou d’interdiction de continuation du projet.

Le document contient, en outre, suivant les explications des parties défenderesses et tierce intéressée, confortées par l’analyse du document auquel le tribunal a eu accès, les indications quant aux conditions de l’exercice des droits et obligations de rachat des terrains que la société … s’est proposée d’acquérir en vue de l’implantation de son data center.

rapport, études, comptes rendu, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions ».

11 En ce sens : la CADA en France a émis un avis favorable à la communication de contrats de prêt puisqu’ils se rapportaient aux ressources de la collectivité publique, ainsi qu’à ses frais financiers et devant ainsi être considérés comme conclus par celle-ci dans le cadre de sa mission de service public (CADA avis n° 20132224 du 25 juillet 2013) ; cf aussi : CADA avis n° 20141034 du 10 avril 2014 : « La commission rappelle qu’une fois signés, les contrats passés par une personne morale chargée d’une mission de service public, telle qu’un établissement public à caractère industriel et commercial comme le pouvoir adjudicateur X., et qui ont un lien suffisamment direct avec cette mission de service public sont considérés comme des documents administratifs soumis au droit d’accès institué par la loi du 17 juillet 1978. » 12 « Droit administratif général » par René Chapus, Tome 1, 12e édition, n°753 et suivants.

13 Sur demande du tribunal à travers un avis du 30 septembre 2020, le MoU a été communiqué au seul tribunal sans être soumis à la contradiction des parties, tel que suggéré d’ailleurs par la partie étatique.

Or, des documents relatifs à des acquisitions immobilières de l’Etat, à défaut d’indice permettant de les rattacher directement à l’exercice d’une mission de service public, ne sont pas à qualifier de document relatif à l’exercice d’une activité administrative au sens de l’article 1er de la loi du 14 septembre 2018, étant relevé que ces actes sont d’ailleurs énumérés par la circulaire ministérielle, précitée, parmi les documents ne tombant pas dans le champ d’application de la loi du 14 septembre 2018.

Globalement, le tribunal retient que le document litigieux, qui s’inscrit donc dans le contexte d’une phase préalable à un projet d’implantation sur le territoire de la commune de Bissen d’une société commerciale, désirant y exercer une activité de stockage de données, ledit projet impliquant plus particulièrement des acquisitions immobilières, ne relève pas directement de l’exercice d’une mission de service public ni de l’Etat ni de la commune, étant relevé qu’il ne se dégage pas des éléments du dossier que l’activité de stockage de données projetée soit destinée à répondre à un besoin particulier en stockage de données de l’Etat luxembourgeois ou de sa population.

Ce document relève, au contraire, de la politique économique, industrielle et commerciale de l’Etat et, en tant que tel, n’est pas à qualifier de document relatif à l’exercice d’une activité administrative au sens de la loi du 14 septembre 2018 que l’Etat ou la commune auraient l’obligation de communiquer sur demande, voire qui aurait dû être publié d’office s’il avait été signé après l’entrée en vigueur de ladite loi.

S’il est vrai qu’à un stade ultérieur, une fois le dossier soumis pour autorisation aux autorités communales, respectivement ministérielles agissant dans leurs champs de compétence respectifs en matière urbanistique, environnementale ou encore en matière d’établissements classés, un certain nombre de données en relation avec le fonctionnement du data center, le cas échéant, d’ores et déjà abordées dans le MoU, tel que par exemple le débit minimum d’eau requis, point discuté par les parties à l’instance, sont susceptibles d’être contenues dans des documents rentrant dans le champ d’application de la loi du 14 septembre 2018, respectivement seront rendues publiques dans le cadre d’autres procédures, tel que cela est avancé par la demanderesse et d’ailleurs admis par la partie étatique, force est de constater que tel n’était pas le cas au stade de la signature du MoU, le document n’ayant à ce stade pas encore de lien suffisamment direct avec l’exercice d’une mission de service public, tel que cela est le cas au stade ultérieur de la délivrance des autorisations administratives nécessaires en vue de la construction du site et de son exploitation.

C’est dès lors à juste titre que l’Etat et la commune ont refusé de communiquer le MoU au motif qu’il n’est pas à qualifier de document relatif à l’exercice d’une activité administrative au sens de l’article 1er de la loi du 14 septembre 2018, ce motif étant à lui seul suffisant pour justifier le refus, sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner les autres motifs de refus avancés.

Ce n’est qu’à titre superfétatoire et afin d’être complet que le tribunal procède encore à l’examen du motif de refus tenant à l’existence d’informations commerciales et industrielles confidentielles au sens de l’article 1er, paragraphe (2), point 8 de la loi du 14 septembre 2018.

(iii) Quant à l’exclusion tenant à l’existence d’informations commerciales et industrielles confidentielles au sens de l’article 1er, paragraphe (2), point 8 de la loi du 14 septembre 2018 Aux termes de l’article 1er de la loi du 14 septembre 2018 :

« (1) Les personnes physiques et les personnes morales ont un droit d’accès aux documents détenus par les administrations et services de l’Etat, les communes, les syndicats de communes, les établissements publics placés sous la tutelle de l’Etat ou sous la surveillance des communes ainsi que les personnes morales fournissant des services publics, dans la mesure où les documents sont relatifs à l’exercice d’une activité administrative. Elles ont également accès aux documents détenus par la Chambre des Députés, le Conseil d’Etat, le Médiateur, la Cour des comptes et les Chambres professionnelles, qui sont relatifs à l’exercice d’une activité administrative.

(2) Sont toutefois exclus du droit d’accès, les documents relatifs :

[…] 8.

au caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles communiquées aux organismes visés au paragraphe 1er ; […] ».

En vertu du point 8 du paragraphe (2) de l’article 1er, précité, le droit d’accès est plus particulièrement exclu si le document contient des informations commerciales et industrielles confidentielles, les auteurs du projet de loi ayant souligné que les exclusions prévues par la loi « sont nécessaires pour empêcher la communication de documents dont la divulgation porterait atteinte à certains intérêts publics ou privés fondamentaux », l’autorité publique sollicitée devant « mettre en balance l’intérêt de la communication d’un document et l’intérêt protégé par un motif d’exception » 14.

Force est de constater que la loi du 14 septembre 2018 ne définit pas autrement les informations confidentielles visés au point 8, précité.

Les auteurs du projet de loi ont, quant à eux, donné comme exemples d’informations commerciales et industrielles confidentielles, le secret des procédés portant sur les informations qui permettent de connaître les techniques de fabrication ou le secret des stratégies commerciales concernant des informations sur les prix et pratiques commerciales d’une entreprise15.

De manière générale s’agissant de la portée à donner aux exceptions prévues au paragraphe (2) de l’article 1er de la loi du 14 septembre 2018, il convient de relever que s’il est vrai qu’il est de principe que les exceptions sont à interpréter restrictivement, la présente matière est particulière dans la mesure où les exceptions visées au paragraphe (2), précité, visent des garanties qui sont aussi fondamentales que celle de la transparence de l’administration, telle que par exemple le respect de la vie privée. C’est justement cette considération qui a amené le Conseil d’Etat à émettre des critiques quant au texte originaire du projet de loi, qui portait en son article 4 la mention que les restrictions sont à interpréter restrictivement, mention ayant été supprimée par la suite, le Conseil d’Etat ayant, en effet, tout en rappelant le principe général d’interprétation des textes tel que sus-énoncé, mis aussi l’accent sur une nécessaire mise en balance des intérêts en cause16.

14 Projet de loi n° 6810 relative à une administration transparente et ouverte, commentaire des articles, art.4 15 Projet de loi n° 6810 relative à une administration transparente et ouverte, commentaire des articles, art.4 16 Avis du Conseil d’Etat du 28 février 2017, page 14 En droit français, l’article L.311-6 du Code des Relations entre le Public et l’Administration, qui prévoit une exception similaire tenant au « secret des affaires », précise que sont visées « le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles », notions qui se recoupent en substance avec les informations envisagées par les auteurs du projet de loi n° 6810 sous le commentaire de l’article 4.

En l’espèce, le tribunal retient de prime abord qu’une clause de confidentialité à elle seule, telle qu’invoquée par l’Etat, ne saurait mettre en échec les dispositions de la loi du 14 septembre 2018, les parties contractantes ne pouvant, en effet, par leur simple volonté exclure du champ d’application de ladite loi des documents ne répondant pas aux cas d’exclusion y visés. Une clause de confidentialité ne saurait dès lors, sans préjudice de la mise en cause de la responsabilité contractuelle éventuelle, être opposée pour refuser la communication d’un document rentrant par ailleurs dans le champ d’application de la loi du 14 septembre 2018 et ne répondant à aucune des exceptions prévues par ladite loi.

Il appartient dès lors au tribunal d’examiner si les informations qualifiées de confidentielles par les parties défenderesses et tierce intéressée correspondent aux hypothèses envisagées par la loi.

A cet égard, la circonstance invoquée par la partie demanderesse que des députés ayant pu consulter le document ou encore la CAD ont estimé que le document litigieux ne contient pas d’information confidentielle, ne permet pas non plus de conclure ipso facto que l’exception prévue au point 8 de l’article 1er, paragraphe (2) de la loi du 14 septembre 2018 n’est pas susceptible de trouver application, une telle appréciation ne liant pas le tribunal.

Force est ensuite au tribunal de constater que si les opinions des parties à l’instance divergent sur le caractère confidentiel de certaines informations contenues dans le MoU prises isolément, telles que la liste de concurrents, le nom des propriétaires ayant vendu ou encore les données sur la consommation d’eau, il convient de prendre en compte les informations contenues dans le MoU dans leur ensemble et au regard du contexte de cet accord, qui, tel que cela a été relevé ci-avant sur base des informations fournies par les parties défenderesses et tierce intéressée, se situe en amont d’un projet d’implantation au Luxembourg d’un site commercial par une entreprise commerciale appartenant à un groupe agissant sur le plan international. Dans cette optique, le tribunal est amené à retenir que les informations sur l’implantation géographique potentielle de l’activité, la surface nécessaire du site ou encore les noms des propriétaires ayant envisagé de céder des terrains, respectivement sur la consommation en eau du site envisagé permettent, pour le moins indirectement, aux concurrents potentiels de connaître la stratégie commerciale poursuivie par l’acteur économique désirant s’implanter au Luxembourg, y compris plus particulièrement l’envergure du projet, de sorte qu’il est légitime que cette entreprise s’oppose à la divulgation du MoU afin de préserver la confidentialité de sa stratégie commerciale. A cet égard, le tribunal relève encore que c’est au moment de la conclusion de la convention qu’il faut se placer afin d’apprécier la question de la confidentialité de son contenu, dans la mesure où cette qualification ne conditionne pas seulement le caractère communicable du document sur demande, mais également la question d’une publication d’office au sens de l’article 2 de la loi du 14 septembre 2018, - encore qu’en l’espèce, la question de la publication d’office au sens de la loi du 14 septembre 2018 ne se pose pas, le MoU ayant été signé avant l’entrée en vigueur de ladite loi, tel que cela a été relevé ci-avant. Dans ces conditions, la circonstance que, le cas échéant, avec l’évolution du temps certaines informations ne sont plus actuelles ou encore ont au fil du temps été divulguées ou le seront par d’autres voies, tel que le soutient en substance la partie demanderesse, est sans pertinence, le caractère confidentiel étant à apprécier au moment de l’établissement du document. Or, en l’espèce, au moment de la signature du MoU, les informations relevées ci-avant étaient de nature à dévoiler aux concurrents de la société … et du groupe international auquel elle appartient sa stratégie commerciale, de sorte que la conclusion s’impose que ces informations, même à admettre pour les seuls besoins de la discussion que le MoU puisse être qualifié de document administratif tel que le soutient la demanderesse, sont en tout état de cause couvertes par l’exception prévue à l’article de l’article 1er, paragraphe (2), point 8 de la loi du 14 septembre 2018. Il s’ensuit que la communication du MoU a encore valablement pu être refusée sur base de l’exception prévue à l’article 1er, paragraphe (2), point 8 de la loi du 14 septembre 2018.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le refus de communication du MoU se trouve justifié à suffisance, d’une part, par le constat qu’il n’est pas à qualifier de document administratif au sens de l’article 1er de la loi du 14 septembre 2018 et, d’autre part, en ce qu’il contient des informations confidentielles au sens de de l’article 1er, paragraphe (2), point 8 de la même loi, l’examen du motif de refus fondé sur l’article 1er, paragraphe (2), point 9 de ladite loi, invoqué en cours de procédure par l’Etat, devenant surabondant.

Le recours est dès lors à rejeter en ce qu’il vise le refus de l’Etat et de la commune de communiquer le MoU.

Il convient ensuite d’examiner le motif de refus de la commune tenant au caractère identifiable des échanges en relation avec la consommation d’eau du data center projeté.

(iv) Quant au caractère identifiable des échanges portant sur la consommation en eau Force est de constater que ce motif de refus concerne exclusivement les échanges qu’il y aurait, d’après la demanderesse, eu entre la commune et l’Etat au sujet de la consommation en eau du projet de data center projeté, motif de refus ayant été avalisé par la CAD dans son avis.

Aux termes de l’article 4 de la loi du 14 septembre 2018 :

« (1) La demande de communication d’un document doit revêtir une forme écrite. Elle doit être formulée de façon suffisamment précise et contenir les éléments permettant d’identifier un document. Les demandes peuvent être formulées librement ou sur base de formulaires types qui sont mis à la disposition du demandeur par les organismes visés à l’article 1er, paragraphe 1er.

(2) Pour les demandes formulées de manière trop générale, l’organisme sollicité invite le demandeur, au plus tard avant l’expiration du délai prévu à l’article 5, paragraphe 1er, alinéa 1er, à préciser sa demande d’information. ».

Il s’ensuit qu’une demande doit permettre d’identifier le document dont la communication est sollicitée.

D’autre part, il se dégage des dispositions de l’article 1er précité de la loi du 14 septembre 2018 qu’une demande de communication ne peut que porter, d’une part, sur des documents, et non pas seulement sur des informations, et que, d’autre part, ces documents doivent être détenus par l’administration, de sorte que la demande ne peut que porter sur un document qui existe et qui est détenu par l’administration, étant relevé que l’administration n’est tenue, en règle générale, lorsqu’elle est saisie d’une demande tendant à la communication d’un document qui n’existe pas en tant que tel, ni de faire des recherches en vue de collecter l’ensemble des documents éventuellement détenus, ni d’établir un document en vue de procurer les renseignements ou l’information souhaités17.

Il convient encore de rappeler que conformément à l’article 10 de la loi du 14 septembre 2018, le tribunal administratif statue en l’espèce en tant que juge de la réformation, appelé non seulement à contrôler la légalité de la décision que l’administration a prise sur base d’une situation de droit et de fait telle qu’elle s’est présentée à elle au moment où elle a été appelée à statuer, mais encore à tenir compte des changements en fait et en droit intervenus depuis la date de la prise de la décision litigieuse et, se plaçant au jour où lui-même est appelé à statuer, à apprécier la situation juridique et à fixer les droits et obligations respectifs de l’administration et des administrés concernés.

En l’espèce, force est de constater que si la demande de la partie demanderesse a été déclarée irrecevable par la CAD au motif que la demande de communication ne porte pas sur un document particulier identifiable, la demande ayant, en effet, visé « la (ou les) demande(s) d'information » que la commune aurait formulées à l’adresse de l’Etat « ainsi que l'éventuelle réponse », le … s’étant référé à une demande adressée par la commune à l’Etat et qui aurait été relayée dans la presse, actuellement, la partie demanderesse n’a pas précisé davantage sa demande sur ce point, dans la mesure où la référence faite à « des questions-réponses qui se sont nouées entre [l’Etat et la commune] et qui portent sur les estimations de consommation en eau du site de Bissen avec l’implantation du Datacenter de … », toujours en se référant aux mêmes indications fournies par la presse, ne permet pas davantage d’identifier les documents demandés.

Ainsi, à défaut de précisions suffisantes fournies par la partie demanderesse permettant d’identifier le/les documents dont elle entend obtenir la communication, l’identification faite à travers la requête introductive d’instance, voire le mémoire en réplique n’étant d’ailleurs guère plus précise que celle à la base de la demande adressée à la commune, l’argumentation de la partie demanderesse reposant essentiellement sur des suppositions et déductions, sans qu’elle n’ait toutefois fourni des indications concrètes permettant d’identifier les documents visés, voire même de confirmer leur existence, le tribunal ne peut que rejoindre le refus de la commune, qui a été confirmé par la CAD.

Il s’ensuit que le tribunal administratif, statuant en tant que juge de la réformation, n’étant pas plus à même d’identifier les documents visés, se doit, par conséquent, de rejeter la demande afférente en application de l’article 4, paragraphe 1er, de la loi du 14 septembre 2018.

S’il est vrai qu’il aurait initialement appartenu à l’administration communale d’inviter explicitement la partie demanderesse en application de l’article 4, paragraphe 2, de la loi du 14 septembre 2018, à préciser sa demande d’information, ce défaut n’est toutefois pas, actuellement, de nature à influer sur la décision du tribunal administratif, la partie demanderesse n’ayant même à la date de la prise en délibéré du présent jugement pas redressé l’imprécision constatée18.

17 CADA wallone, avis n°299 du 17 juin 2019 ; trib. adm. 2 septembre 2020, n° 43704, disponible sous www.jrad.lu.

18 Dans le même sens trib. adm. 2 septembre 2020, n° 43704 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

Le recours est dès lors également à rejeter pour autant qu’il vise à obtenir la communication de documents en relation avec des informations sur la consommation d’eau.

Eu égard à l’issue du litige, les demandes en paiement d’une indemnité de procédure … € formulée par le … sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 à l’égard de l’Etat, de la commune de Bissen et de la société … sont rejetées.

Les demandes en paiement d’une indemnité de procédure formulées par la société … et par la commune de Bissen à l’égard du … de l’ordre de … €, respectivement de … € sont encore à rejeter, dans la mesure où les conditions d’application et notamment l’établissement du caractère d’iniquité résultant du fait de laisser les frais non répétibles à leur charge ne sont pas rapportées à suffisance comme étant remplies en l’espèce.

S’agissant de la demande de la société … en distraction des frais au profit de son mandataire, il convient de rappeler qu’il ne saurait être donné suite à une telle demande, pareille façon de procéder n’étant point prévue en matière de procédure contentieuse administrative.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare compétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit ledit recours en la pure forme ;

déclare recevable la requête en intervention volontaire de la société … ;

quant au fond, déclare le recours en réformation non justifié, partant en déboute ;

rejette les demandes en obtention d’une indemnité de procédure formulées de part et d’autre ;

rejette la demande en distraction des frais formuée par le mandataire de la société … ;

condamne la partie demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 novembre 2020 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Casteganro, premier juge, Alexandra Bochet, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 novembre 2020 Le greffier du tribunal administratif 32


Synthèse
Numéro d'arrêt : 44514
Date de la décision : 09/11/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-11-09;44514 ?

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