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16/10/2020 | LUXEMBOURG | N°45064

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 octobre 2020, 45064


Tribunal administratif N° 45064 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 octobre 2020 Audience publique du 16 octobre 2020 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Monsieur … et Madame …, …, par rapport à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’échange de renseignements

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 45064 du rôle et déposée le 5 octobre 2020 au greffe du tribunal administrati

f par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH SA, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre d...

Tribunal administratif N° 45064 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 octobre 2020 Audience publique du 16 octobre 2020 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Monsieur … et Madame …, …, par rapport à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’échange de renseignements

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 45064 du rôle et déposée le 5 octobre 2020 au greffe du tribunal administratif par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH SA, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente instance par Maître Thierry LESAGE, assisté de Maître Marianne RAU, avocats à la Cour, inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … et de son épouse, Madame …, demeurant ensemble à …, tendant à voir instituer un sursis à exécution, sinon une mesure de sauvegarde par rapport à la décision d’injonction du directeur de l’administration des Contributions directes datée au 10 septembre 2020, référencée sous les numéros …, enjoignant à la société …, de lui fournir, pour le 16 octobre 2020 au plus tard, certains renseignements au sujet de comptes bancaires détenus par eux auprès dudit établissement bancaire, informations reprises dans la prédite décision d’injonction, un recours en annulation, inscrit sous le numéro 45063 du rôle, dirigé contre la même décision, ayant été déposé au greffe du tribunal administratif en date du même jour ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Laura GEIGER, en remplacement de l’huissier de justice Carlos CALVO, les deux demeurant à Luxembourg, du 6 octobre 2020, portant signification de la prédite requête en institution d’une mesure provisoire à la société de droit …, constituée et existant sous les lois de …, ayant son siège social à …, représentée par ses représentants légaux actuellement en fonctions, agissant par sa succursale …, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, établie à …, représentée par ses représentants permanents actuellement en fonctions ;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision d’injonction attaquée au fond ;

Maître Marianne RAU, en représentation de la société anonyme ARENDT & MEDERNACH SA, pour les parties requérantes, et Monsieur le délégué du gouvernement Sandro LARUCCIA entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 octobre 2020.

1Par trois courriers séparés du 2 janvier 2020, le directeur de l’administration des Contributions directes enjoignit à la société … de lui fournir pour le 10 février 2020 au plus tard, certains renseignements quant à des comptes bancaires détenus par elle au nom de Monsieur ….

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 février 2020, inscrite sous le numéro 44168 du rôle, Monsieur … fit introduire un recours tendant à l’annulation des décisions d’injonction précitées du 2 janvier 2020. Par requête séparée déposée en date du même jour, inscrite sous le numéro 44169 du rôle, Monsieur … fit encore introduire une demande tendant à voir ordonner le sursis à exécution, sinon une mesure de sauvegarde par rapport aux trois décisions d’injonction précitées du 2 janvier 2020. Par ordonnance du 27 février 2020, la requête en sursis à exécution, sinon en institution d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur … par rapport à ces trois décisions d’injonction du 2 janvier 2020 fut provisoirement déclarée justifiée, de sorte qu’il fut sursis à l’exécution des trois décisions d’injonction en question dans l’attente du prononcé d’une ordonnance par un juge des référés belge saisi d’une requête de Monsieur … et de son épouse, Madame …, tendant à voir interdire aux autorités fiscales belges notamment de solliciter des renseignements fiscaux auprès d’autorités fiscales étrangères, dont celles du Luxembourg, les concernant.

Le juge des référés belge ayant débouté Monsieur … et Madame … en date du 27 février 2020, l’affaire reparut à l’audience du 5 mars 2020 du juge du provisoire du tribunal administratif de Luxembourg, lequel, par une ordonnance du 11 mars 2020, référencée sous le numéro 44169a du rôle, vidant l’ordonnance du 27 février 2020, déclara la requête en sursis à exécution justifiée et, partant, dit qu’en attendant que le tribunal administratif se soit prononcé sur le mérite du recours introduit sous le numéro 44168 du rôle, il sera sursis à l’exécution des trois décisions d’injonction du directeur de l’administration des Contributions directes du 2 janvier 2020, portant les références … adressées à la ….

Sur la base de nouvelles demandes de renseignements émanant des autorités fiscales belges, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », enjoignit à la … de lui fournir pour le 16 octobre 2020 au plus tard, des renseignements concernant cette fois-ci Monsieur … et son épouse, Madame …, ladite injonction étant libellée comme suit :

« En date du 29 mai 2020, l’autorité compétente de l’administration fiscale belge nous a transmis trois demandes de renseignements en vertu de la Directive du Conseil 2011/16/UE du 15 février 2011, transposée en droit interne par la loi du 29 mars 2013, en vertu de l’article 26 de la convention fiscale entre le Luxembourg et la Belgique du 17 septembre 1970, ainsi que de la convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale et de son protocole d’amendement, approuvés en droit interne par la loi du 26 mai 2014.

L’autorité compétente luxembourgeoise a vérifié la régularité formelle de lesdites demandes de renseignements et a exclu l’absence manifeste de pertinence vraisemblable.

Les personnes physiques concernées par les demandes sont Monsieur …, né le … à … et ayant une adresse à …, ainsi que son épouse Madame …, née le ….

2Je vous prie de bien vouloir nous fournir, pour la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018, les renseignements et documents suivants pour le 16 octobre 2020 au plus tard.

Concernant les comptes mentionnés dans le tableau ci-dessous, veuillez fournir les renseignements suivants :

Numéros de comptes bancaires 1. … 11. … 21. … 2. … 12. … 22. … 3… 13. … 23. … 4. … 14. … 24. … 5. … 15. … 25. … 6. … 16. … 7. … 17. … 8. … 18 . … 9. … 19. … 10. … 20. …  Veuillez fournir le(s) titulaire(s) de ces comptes.

 Veuillez fournir le(s) nom(s) de la (des) personne(s) étant autorisée(s) à effectuer des opérations sur ces comptes.

 Veuillez fournir le nom de la (des) personne(s) ayant ouvert ces comptes même si la date d’ouverture ne se situe pas dans la période visée par la présente décision d’injonction.

 Veuillez préciser les soldes d’ouverture et de clôture de ces comptes pour la période visée.

 Veuillez préciser le montant des intérêts payés pour ces comptes pour la période concernée.

 Veuillez indiquer le montant des impôts payé sur les intérêts durant cette période.

 Veuillez fournir les extraits/relevés bancaires de ces comptes pour la période visée.

 Veuillez indiquer si Monsieur … et/ou Madame … sont titulaires d’autres comptes auprès de votre établissement bancaire pendant la période concernée. Dans l’affirmative, veuillez répondre aux mêmes tirets ci-dessus.

 Veuillez indiquer l’ensemble des placements et investissements dont Monsieur … est bénéficiaire auprès de votre établissement, ainsi que leurs valeurs et les revenus perçus.

Actions :

 Veuillez indiquer si un investissement en actions a appartenu ou appartient à Monsieur …. Dans l’affirmative, veuillez préciser la période (date de début et date de fin).

 Veuillez indiquer la date et le prix d’acquisition, ainsi que la devise.

 Veuillez indiquer comment l’investissement a-t-il été financé.

3 Veuillez indiquer si le rendement sur investissement et / ou le prix de vente obtenu ont été payés à d’autres personnes que les bénéficiaires de l’investissement, c.à.d.

à d’autres personnes que Monsieur ….

 Veuillez préciser si l’actif incorporel résulte du travail propre de l’investisseur.

Dans la négative, veuillez préciser de qui, comment et quand l’actif incorporel a été acquis et à quel prix (veuillez préciser également la devise).

 Veuillez préciser si un montant lié à l’investissement a été versé à l’investisseur.

Dans l’affirmative, veuillez préciser la date, le montant et la devise.

Obligations, certificats d’investissement, dérivés, autres produits d’investissement :

 Veuillez indiquer si un investissement en obligations, certificats d’investissement, dérivés, et/ou autres produits d’investissement a appartenu ou appartient à Monsieur …. Dans l’affirmative, veuillez préciser la période (date de début et date de fin).

 Veuillez indiquer la date et le prix d’acquisition, ainsi que la devise.

 Veuillez indiquer comment l’investissement a-t-il été financé.

 Veuillez indiquer si le rendement sur investissement et / ou le prix de vente obtenu ont été payés à d’autres personnes que les bénéficiaires de l’investissement, c.à.d. à d’autres personnes que Monsieur ….

 Veuillez préciser si l’actif incorporel résulte du travail propre de l’investisseur.

Dans la négative, veuillez préciser de qui, comment et quand l’actif incorporel a été acquis et à quel prix (veuillez préciser également la devise).

 Veuillez préciser si un montant lié à l’investissement a été versé à l’investisseur.

Dans l’affirmative, veuillez préciser la date, le montant et la devise.

 Veuillez indiquer si le montant mentionné est un rendement sur investissement et / ou un produit de la vente (dividendes, intérêts, prix de vente, autre rendement) et si des taxes ont été retenues. Veuillez indiquer le montant et la raison des impôts payés.

Je tiens à vous rendre attentif que, conformément à l’article 2 (2) de la loi modifiée du 25 novembre 2014 précitée, le détenteur des renseignements est obligé de fournir les renseignements demandés ainsi que les pièces sur lesquelles ces renseignements sont fondés en totalité, de manière précise et sans altération.

Je vous prie de bien vouloir nous envoyer les renseignements et documents par le biais du Système d’envoi de fichiers par OTX (voir à cet effet https://impotsdirects.public.lu/fr/echanges_electroniques/Echangederenseignementssurdem ande.html pour le guide d’utilisateur).

Conformément à l’article 6 (1) de la loi modifiée du 25 novembre 2014 précitée, un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif au détenteur des renseignements à l’encontre de la présente décision d’injonction. Ce recours doit être introduit dans le délai d’un mois à partir de la notification de la décision au détenteur des renseignements demandés. (…) ».

Par requête déposée le 6 octobre 2020 au greffe du tribunal administratif et enrôlée sous le n° 45063, Monsieur … et son épouse, Madame …, ci-après « les époux … », ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de l’injonction précitée du 10 septembre 2020.

Par requête déposée en date du même jour, inscrite sous le numéro 45064 du rôle, les mêmes parties ont encore fait introduire une demande, tendant aux termes de son dispositif, à voir 4 « la dire fondée et justifiée ;

pour autant que de besoin, écarter l’application du régime institué par l’article 11, paragraphes 1 et 2 de la Loi de 1999 ;

dire que la demande en sursis à exécution est justifiée sur la base du principe de l’Etat de droit consacré par la Constitution luxembourgeoise, de l’article 13 de la CEDH et de l’article 47 de la Charte européenne ;

à titre subsidiaire constater que les conditions d’application de l’article 12 de la Loi de 1999 sont remplies en l’espèce ;

à titre plus subsidiaire constater que les conditions de l’article 11, paragraphe 2 de la Loi de 1999 sont remplies en l’espèce ;

en tout état de cause, assortir la Décision d’Injonction du sursis à exécution ;

dire que la suspension des effets de la Décision d’Injonction est opposable à la … et à l’autorité compétente luxembourgeoise tout en emportant interdiction à leur égard de transmettre les informations sollicitées à un quelconque tiers, y compris l’autorité compétente de l’Etat requérant ;

ordonner tous autres devoirs de droit et toute autre mesure de sauvegarde qui s’imposent ;

réserver aux requérants tous autres droits, dus et actions et notamment le droit de réclamer des dommages et intérêts ;

condamner l’Etat à tous les frais et dépens de l’instance ».

La société …, quoique valablement informée par acte d’huissier de la requête en obtention d’une mesure provisoire et du recours en annulation, ne s’est pas fait valablement représenter. Nonobstant ce fait, le soussigné statue à l’égard de toutes les parties, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Les époux … exposent baser leur requête basée principalement sur le principe de l’Etat de droit consacré par la Constitution luxembourgeoise, l’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953, désignée ci-après par « la CEDH », et l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (« la Charte »), ainsi qu’à titre subsidiaire sur l’article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Après avoir exposé le contexte factuel de leur recours et ses rétroactes, en ce compris les antécédents fiscaux et procéduraux en Belgique et au Luxembourg, ils font plaider que la décision d’injonction litigieuse constituerait manifestement une décision administrative qui leur causerait grief alors qu’elle porterait sur la transmission d’informations personnelles relatives à leurs revenus et avoirs. En effet, la décision d’injonction aurait pour objet la 5communication et l’utilisation de renseignements sensibles et strictement personnels, à savoir des renseignements bancaires détenus par un établissement bancaire luxembourgeois. Or, la transmission et l’utilisation illégales de ce type de renseignements serait manifestement de nature à porter atteinte d’une manière illégitime à leurs droits, alors que sur la base de la décision d’injonction, les administrations fiscales luxembourgeoise et belge pourraient se trouver en possession de renseignements illégalement obtenus pour l’année de revenus 2018, tandis qu’il serait probable que l’administration fiscale belge tente de faire usage de ces informations à leur détriment alors même qu’elle ne serait pas censée y avoir accès en l’absence manifeste d’indices de fraude. Par ailleurs, la notification de la décision d’injonction à l’établissement bancaire auquel ils ont confié leurs avoirs au Luxembourg serait de nature à entacher leur réputation vis-à-vis de celui-ci, alors que celui-ci pourrait voir d’un mauvais œil le fait qu’ils fassent l’objet d’une enquête initiée par l’administration fiscale belge et exécutée par l’administration fiscale luxembourgeoise, ce qui pourrait avoir, dans le futur, un impact sur leurs projets d’investissements.

Les parties requérantes, après avoir retiré leurs demandes tendant à voir écartée l’application du régime institué par l’article 11, paragraphes 1 et 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, et à titre subsidiaire, à voir appliqué l’article 12 de la même loi, estiment que les deux conditions légalement posées par l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », seraient remplies en cause.

A ce sujet, elles estiment que leur recours au fond présenterait de sérieuses chances de succès.

Ainsi, elles soutiennent d’abord le caractère recevable de leur recours au fond en tirant partie du défaut de l’article 6 de la loi modifiée du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale, dénommée ci-après la « loi du 25 novembre 2014 », de prévoir un recours spécifique au profit du contribuable visé par la décision d’injonction et ce, contrairement au détenteur des renseignements bénéficiant, lui, de l’ouverture d’une voie de recours spéciale en annulation contre une décision d’injonction de fournir les renseignements sollicités par l’administration fiscale étrangère, de sorte que seul le recours de droit commun prévu à l’article 2, paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996 devrait être ouverte au contribuable, du fait qu’à la suite de la loi du 1er mars 2019, il n’existerait plus d’interdiction de recours contre une décision d’injonction, les époux … soutenant dans ce contexte qu’au cas où le législateur aurait entendu exclure toute voie de recours au contribuable ainsi visé, une telle interdiction aurait dû faire l’objet d’une disposition spécifique et expresse dans la loi elle-même. Or, d’après les parties requérantes, une telle interdiction devrait être déclarée contraire aux exigences du principe de l’Etat de droit, tel que garanti par la Constitution, à l’article 13 CEDH et à l’article 47 de la Charte, suivant lesquels un administré, voire un contribuable, devrait disposer d’un droit de recours effectif et d’un accès à un tribunal au cas où il souhaite agir contre un acte émanant d’une autorité publique lui causant grief.

En ce qui concerne l’incertitude quant à la question de savoir si le contribuable visé par la décision d’injonction obligeant un détenteur de renseignements à transmettre à l’autorité fiscale luxembourgeoise des informations financières le concernant dispose d’une voie de recours, les parties requérantes se sont d’abord référées aux questions préjudicielles posées tant par la Cour administrative dans son arrêt du 14 mars 2019, inscrit sous le numéro 641487C du rôle, que par la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 28 mai 2019, inscrit sous le numéro 00146 du rôle.

En termes de plaidoiries, elles ont encore longuement pris position par rapport à l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (« CJUE ») du 6 octobre 2020, C-245/19 et C-

246/19, dont elles ne partagent pas les conclusions, pour soutenir, qu’il incomberait de garantir au contribuable un recours effectif contre la décision d’injonction : or, si elles admettent pouvoir se pourvoir en Belgique contre une éventuelle décision d’imposition, les juridictions belges ne pourraient toutefois pas contrôler et annuler le cas échéant la décision d’injonction même, s’agissant d’une décision administrative prise par une autorité étrangère, de sorte que la pertinence même des informations réclamées ne serait pas soumise à un quelconque contrôle : il importerait dès lors de prévoir au Luxembourg même un tel contrôle, sous peine de permettre à l’administration des Contributions directes de verser dans un transfert automatique des informations sollicitées par un Etat requérant, voire de s’adonner à des abus. Or, si la CJUE admettrait certes une limitation du droit à un recours effectif, à condition qu’une telle limitation soit l’œuvre d’une disposition légale claire et précise, une telle limitation n’existerait pas dans la mesure où la loi du 25 novembre 2014, telle que modifiée par la loi du 1er mars 2019, n’interdirait pas explicitement tout recours au contribuable visé par une décision d’injonction, de sorte qu’à défaut d’exclusion spécifique, le recours en annulation, recours de droit commun, tel que prévu à l’article 2, paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996 devrait être ouverte au contribuable. Toutefois, même cette voie de recours de droit commun ne devrait pas être reconnue comme étant effective et partant suffisamment protectrice de leurs droits, alors qu’un tel recours de droit commun ne serait pas de nature à produire de plein droit un effet suspensif de la décision d’injonction et ce contrairement à ce qui serait prévu au profit du détenteur d’informations qui, au cas où il décide d’introduire un recours contentieux contre une décision d’injonction, bénéficierait de l’effet suspensif de plein droit lié à l’introduction d’un tel recours et profitant ainsi des nouvelles dispositions de l’article 6 de la loi du 25 novembre 2014, tel qu’y introduit par la loi du 1er mars 2019, les parties requérantes soutenant que la décision d’injonction reposerait sur un abus manifeste et illégal du fisc belge.

Ainsi, si la décision d’injonction aurait pour objet la communication et l’utilisation de renseignements sensibles et strictement personnels, à savoir des renseignements bancaires détenus par un établissement bancaire non-établi sur le territoire belge, elle aurait été adoptée en violation notamment de l’article 6 de la loi modifiée du 29 mars 2013 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, de l’article 3 paragraphe 1er de la loi du 25 novembre 2014, des articles 1er paragraphe 1er, 5 et 17, paragraphe 3, de la directive 2011/16/UE du Conseil relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, (« la directive 2011/16/UE »), de l’article 26 de la Convention fiscale belgo-luxembourgeoise et de l’article 4 paragraphe 1er de la Convention multilatérale concernant l’assistance mutuelle en matière fiscale du 25 janvier 1988.

La transmission des renseignements sollicités en exécution de la décision d’injonction serait dès lors manifestement illégale et abusive et susceptible de porter atteinte d’une manière illégitime aux droits des parties requérantes, dans la mesure où une telle transmission et l’utilisation illégale de ce type de renseignements porteraient atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et à la protection des données à caractère personnel, garantis notamment par l’article 8 CEDH et les articles 7 et 8 de la Charte. Elles se réfèrent encore dans ce contexte à l’article 13 CEDH et à l’article 47 de la Charte pour affirmer que lesdites dispositions de droit international seraient de nature à prévoir un cadre légal offrant une protection effective des 7droits garantis, notamment contre des atteintes arbitraires de la puissance publique, ce qui devrait impliquer la mise en place de garanties procédurales afin d’assurer une protection efficace de ces droits. Or, même à supposer que les juges du fond procèdent à l’annulation de la décision d’injonction actuellement litigieuse, cette décision juridictionnelle serait dépourvue de tout effet utile en pratique du fait qu’à ce jour-là, les informations sollicitées auraient déjà été transmises aux autorités fiscales luxembourgeoises, et par la suite, belges, et ce, même au cas où les juges du fond devraient considérer ladite demande d’échange de renseignements comme étant illégale, voire abusive. Il s’ensuivrait que ledit recours en annulation devrait être reconnu comme étant dépourvu de tout effet utile, même au cas où il aboutirait à l’annulation de la décision d’injonction litigieuse, du fait que la transmission des informations fiscales aurait produit des effets irréversibles du fait que la situation ayant existé avant leur transmission ne pourrait plus être recréée. Ainsi, seule l’existence d’un effet suspensif automatique lié à l’introduction du recours au fond serait de nature à assurer la garantie de l’existence d’un recours juridictionnel effectif.

Les parties requérantes exposent ensuite, au titre de leur second moyen d’annulation avancé dans le cadre de leur recours au fond, que la décision d’injonction serait viciée par un défaut de motivation, ce qui entraînerait une violation de leurs droits de la défense.

En effet, elles soutiennent ne pas avoir été mises en mesure de vérifier si les vérifications faites par l’autorité compétente luxembourgeoise au sujet de la régularité formelle de la demande d’échange de renseignements lui présentée par les autorités belges, ainsi qu’au sujet de la pertinence vraisemblable des renseignements sollicités, sont conformes aux dispositions de droit européen et de droit national. Elles ajoutent qu’il leur aurait également été impossible de vérifier si la finalité fiscale des renseignements sollicités a bien été indiquée par l’autorité fiscale belge, de sorte que leurs droits de la défense, tels que garantis notamment par l’article 6 CEDH, auraient été violés, les parties requérantes critiquant en particulier que l’inclusion de Madame … en tant que sujet, en sus de son mari, de la demande de renseignements, ne serait aucunement justifiée.

En troisième lieu, les parties requérantes soutiennent devant les juges du fond que la décision d’injonction litigieuse violerait la loi, à savoir la loi modifiée du 29 mars 2013 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal ainsi que la loi du 25 novembre 2014, la directive 2011/16/UE, la Convention fiscale belgo-luxembourgeoise, ainsi que de la Convention multilatérale concernant l’assistance mutuelle en matière fiscale, en ce qu’à défaut de pouvoir se baser sur une notification d’un risque de fraude, l’autorité fiscale belge n’aurait pas été en droit de solliciter des renseignements et de procéder à une enquête bancaire, et ceci en application de la loi belge afférente. Partant, il devrait s’en suivre que la demande de renseignements en matière fiscale adressée notamment à l’autorité fiscale compétente luxembourgeoise devrait être déclarée nulle, sinon comme étant manifestement entachée d’irrégularité, de sorte qu’elle aurait dû être retirée par l’autorité compétente belge.

Ainsi, et en se basant sur ce raisonnement, les parties requérantes estiment que la décision d’injonction actuellement litigieuse devrait encourir l’annulation, du fait que la condition de la régularité formelle de la demande de renseignements émanant des autorités belges ne serait pas remplie en cause.

Les parties requérantes rappellent encore dans ce contexte que les renseignements réclamés de la part de l’autorité fiscale luxembourgeoise devraient avoir une « pertinence vraisemblable », caractéristique que les renseignements sollicités en l’espèce ne rempliraient cependant pas, du fait qu’indépendamment dudit critère, l’autorité compétente belge n’aurait 8pas pu légalement obtenir, en vertu de son droit interne, les renseignements en question, de sorte qu’elle ne devrait pas non plus être habilitée à solliciter de tels renseignements auprès d’une autorité étrangère.

Les parties requérantes estiment en outre qu’elles auraient soumis, dans le cadre de l’instance au fond et dans le cadre de la présente instance, suffisamment de renseignements afin d’affecter sérieusement la vraisemblance de la pertinence des informations sollicitées de la part de l’autorité fiscale belge, en se référant plus particulièrement à leur statut de non-

résident fiscal belge et aux obligations fiscales qu’elles auraient remplies à cet égard vis-à-vis des autorités compétentes belges. Ainsi, et en vertu dudit statut fiscal particulier belge, elles estiment qu’elles n’auraient dû déclarer aux autorités fiscales belges que les revenus de source belge et non les revenus de source étrangère.

Elles rappellent encore à cet égard que l’administration fiscale belge aurait elle-même renoncé à son reproche tiré d’une prétendue fraude qui aurait été commise par eux. Or, en l’absence d’un tel reproche et de tout indice de fraude, l’autorité fiscale belge n’aurait pas été en droit de solliciter de la part notamment de l’autorité fiscale luxembourgeoise la transmission de renseignements, de sorte qu’une telle demande de renseignements en matière fiscale devrait être déclarée « manifestement nulle, sinon manifestement entachée d’irrégularité », alors qu’elle aurait dû être retirée par l’autorité compétente belge.

En considération de ces éléments, les parties requérantes estiment que les renseignements sollicités de la part de l’autorité fiscale luxembourgeoise ne pourraient être considérés comme étant « vraisemblablement pertinents » au sens des dispositions de droit national et de droit européen et de la convention fiscale belgo-luxembourgeoise, du fait qu’elles auraient fourni dans le cadre du recours en annulation des éléments circonstanciés qui seraient de nature à ébranler le contenu de la demande de renseignements émanant de l’autorité compétente belge et portant sur des volets essentiels tenant à la situation qui se trouverait à la base de ladite demande d’échange de renseignements.

Enfin, en quatrième lieu, les parties requérantes invoquent à la base de leur recours au fond le reproche ayant trait à une atteinte illégale à leurs droits au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, tels que garantis notamment par l’article 8 CEDH et les articles 7 et 8 de la Charte, les parties requérantes affirmant que les données relatives aux revenus et avoirs détenues par l’établissement bancaire ayant fait l’objet de la décision d’injonction constitueraient des données relevant de leur vie privée respectivement des données à caractère personnel devant être protégées à ce titre.

Par ailleurs, la collecte de renseignements auprès d’un tiers détenteur pourrait, sous certaines conditions, s’analyser comme un traitement de données à caractère personnel. Or, le traitement illégal de données à caractère personnel contreviendrait en principe à l’article 8 de la Charte : partant, lorsqu’une administration fiscale entend procéder à une enquête bancaire internationale, celle-ci devrait être légalement justifiée et ne pourrait être faite à la légère et de manière arbitraire, sous peine de violer les normes supra-étatiques susmentionnées ; par conséquent, une divulgation de ces données à une partie tierce qui ne serait pas légalement justifiée et autorisée, constituerait une atteinte illégale à la protection de la vie privée des parties requérantes et à la protection de leurs données à caractère personnel.

9Au titre du préjudice grave et définitif, les parties requérantes estiment que ces constatations suffiraient à elles seules à retenir que la condition prévue à l’article 11, paragraphe 2, de la loi du 21 juin 1999, relative au risque de préjudice grave et définitif, serait remplie en l’espèce, ceci afin qu’en matière d’échange d’informations fiscales sur demande, le recours en annulation puisse constituer un recours effectif et conforme aux exigences des articles 13 CEDH et 47 de la Charte. A cela s’ajouterait qu’en l’état actuel des choses, si elles lui étaient communiquées, il serait probable que l’administration fiscale belge tenterait de faire usage des informations sollicitées au détriment des parties requérantes alors même qu’elle ne serait pas censée y avoir accès, en l’absence manifeste d’indices de fraude.

Enfin, la notification de la décision d’injonction à l’établissement bancaire à qui les époux … auraient confié leurs avoirs au Luxembourg serait de nature à entacher leur réputation vis-à-vis de celui-ci, alors qu’un tel établissement bancaire pourrait voir d’un mauvais œil le fait qu’ils fassent l’objet d’une enquête initiée par l’administration fiscale belge et exécutée par l’administration fiscale luxembourgeoise, ce qui pourrait avoir, dans le futur, un impact sur leurs projets d’investissements. En outre, cette transmission des informations produirait un dommage irréversible, dans la mesure où la situation existant avant la transmission ne saurait plus être recréée et la connaissance acquise à partir d’informations divulguées de manière illégale ne pourra plus être annihilée : en effet, même si le recours en annulation au fond aboutissait à l’annulation de la décision d’injonction, la situation initiale avant la transmission ne pourrait plus être rétablie si les renseignements sollicités étaient transmis avant l’intervention du jugement sur le fond et le recours en annulation ne serait dès lors plus susceptible de constituer en matière d’échange d’informations fiscales sur demande un recours effectif et conforme aux exigences des articles 47 de la Charte et 13 CEDH.

Les parties requérantes en concluent que la réparation de leur préjudice ne serait partant plus possible, alors que même l’allocation de dommages et intérêts ne serait pas susceptible de rétablir la situation existant avant la transmission des renseignements et donc avant l’exécution de la décision d’injonction.

Le délégué du gouvernement, après avoir évoqué en tant que moyen relevant du fond du litige l’irrecevabilité du recours au fond au vu de l’article 6, alinéa 1er, de de la loi du 25 novembre 2014, telle que modifiée par la loi du 1er mars 2019, et ce au motif que la loi du 1er mars 2019 portant modification de la loi du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale, en y introduisant notamment un nouvel article 6, paragraphe (1), n’aurait pas prévu de recours contentieux au profit du contribuable visé par la demande d’échange de renseignements, alors que seul le détenteur des renseignements se serait vu accorder la possibilité d’introduire un recours en annulation, en application de l’article 6, paragraphe (1), en question, soutient que l’une des conditions cumulativement requises pour l’institution d’une mesure provisoire ne serait pas remplie en l’espèce, à savoir celle de l’existence d’un préjudice.

Après avoir certes reconnu que les contribuables, et les parties requérantes en l’espèce, seraient bien des sujets de droit, et notamment du droit au respect de la vie privée et de la protection des données personnelles, il expose que de tels droits devraient pourtant pouvoir être limités par la loi, tant que les contribuables pourraient les exercer et en voir assurer le respect. S’emparant de l’arrêt de la CJUE du 6 octobre 2020, il explique en effet que la décision d’injonction litigieuse ne constituerait qu’un préalable ne faisant pas grief, alors qu’elle ne préparerait que la décision finale à prendre par l’administration fiscale belge, laquelle pourrait faire l’objet d’un recours en Belgique. Partant, face à la décision 10d’injonction, un contribuable disposerait bien d’une voie de recours lui permettant d’exercer ses droits, mais il s’agirait d’une voie de droit différée, à exercer non pas devant les juridictions de l’Etat requis, mais devant celles de l’Etat requérant, en l’occurrence la Belgique, le délégué du gouvernement soulignant qu’un tel contrôle a posteriori, en aval, par opposition au contrôle ex ante que les parties requérantes voudraient pouvoir exercer directement au Luxembourg, aurait été explicitement admis dans l’arrêt prévisé par la CJUE comme constituant un recours effectif conforme à l’article 47 de la Charte.

Il rappelle encore que le régime des échanges de renseignements en matière fiscale répondrait, toujours selon la CJUE, à un but d’intérêt général de l’Union européenne, but imposant la recherche d’une solution rapide et efficace, de sorte à admettre la possibilité d’un seul contrôle des droits du contribuable a posteriori dans le pays requérant. Les époux … disposant d’une telle possibilité de recours en Belgique en leur qualité de contribuable, ils n’auraient actuellement subi aucun préjudice, de sorte qu’ils n’auraient actuellement aucun grief justifiant leur recours et l’octroi d’une mesure de suspension.

En vertu de l’article 11 de la loi du 21 juin 1999, un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

L’institution d’une mesure provisoire devant rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’elle constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’affaire au fond ayant été introduite le 6 octobre 2020 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi du 21 juin 1999, le cas échéant applicable à défaut de toute disposition légale expresse et ce sous réserve évidemment de la question de la portée de l’article 6, alinéa 1er de la loi du 25 novembre 2014, question relevant du fond, elle ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

En ce qui concerne les deux autres conditions, à savoir l’existence éventuelle de moyens sérieux avancés devant les juges du fond et l’existence d’un risque d’un préjudice grave et définitif dans leur chef, il convient de rappeler que ces deux conditions doivent être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

Comme relevé ci-avant, le sursis à exécution ne peut être décrété que lorsque notamment (mais non exclusivement) l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif, un préjudice étant grave au sens de l’article 11 de la loi du 21 juin 1999 lorsqu’il dépasse par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société et doit dès lors être considéré comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.

En effet, comme l’acte administratif bénéficie du privilège du préalable et d’exécution d’office, le référé a pour objet d’empêcher, temporairement, la survenance d’un préjudice grave et définitif, les effets de la suspension étant d’interdire à l’auteur de l’acte de poursuivre l’exécution de la décision suspendue.

11En l’espèce, tel que figurant dans la requête introductive d’instance et développé à l’audience, les parties requérantes se prévalent d’un préjudice grave et définitif lié à la violation de leurs droits fondamentaux, à savoir de leur droit au respect de la vie privée et du droit à la protection des données à caractère personnel, en ce qu’une fois les informations demandées communiquées, aucun recours, à moins d’en décréter l’effet suspensif, ne permettrait d’empêcher les autorités fiscales belges d’utiliser - prétendument illégalement - les informations reçues en leur défaveur.

Or, il convient d’une part de rappeler que pour l’appréciation du caractère définitif du dommage, il n’y a pas lieu de prendre en considération le dommage subi pendant l’application de l’acte illégal et avant son annulation ou sa réformation. Admettre le contraire reviendrait à remettre en question le principe du caractère immédiatement exécutoire des actes administratifs, car avant l’intervention du juge administratif, tout acte administratif illégal cause en principe un préjudice qui, en règle, peut être réparé ex post par l’allocation de dommages et intérêts. Ce n’est que si l’illégalité présumée cause un dommage irréversible dans le sens qu’une réparation en nature, pour l’avenir, ou qu’un rétablissement de la situation antérieure, ne seront pas possibles, que le préjudice revêt le caractère définitif tel que prévu par l’article 11 de la loi du 21 juin 19991.

D’autre part, un sursis à exécution ne saurait être ordonné que si le préjudice invoqué par le requérant résulte de l’exécution immédiate de l’acte attaqué, la condition légale n’étant en effet pas remplie si le préjudice ne trouve pas sa cause dans l’exécution de l’acte attaqué2, le risque dénoncé devant en effet découler de la mise en œuvre de l’acte attaqué et non d’autres actes étrangers au recours3.

Or, si les parties requérantes semblent situer le préjudice grave et définitif tel qu’allégué dans la seule collecte des informations par les autorités fiscales luxembourgeoises et leur transmission aux autorités fiscales belges, à l’exclusion de leur traitement aux fins éventuelles d’imposition par ces dernières, collecte et transmission qui porteraient atteinte au droit des parties requérantes au respect de leur vie privée et à la protection des données, un tel préjudice ne saurait être considéré, en l’espèce, comme grave et définitif.

En effet, et en premier lieu, il convient de rappeler que toute atteinte à de tels droits n’est pas interdite : en effet la Cour européenne des droits de l’Homme a à plusieurs fois admis la légalité d’une ingérence dans la vie privée et sa proportionnalité au regard du but fiscal poursuivi par les échanges de renseignements4 : ainsi, plus particulièrement, la Cour européenne des droits de l’Homme5 a admis que les intérêts économiques en jeu importants pour un pays requis ainsi que l’intérêt pour ce même pays à pouvoir respecter ses engagements internationaux résultant d’une convention d’entraide administrative prévalaient sur l’intérêt individuel des personnes concernées par la mesure, et ce notamment lorsque la mesure de transmission d’informations concerne des informations purement financières6, et 1 Trib. adm. prés. 8 février 2006, n° 20973 du rôle, Pas. adm. 2019, V° Procédure contentieuse, n° 590.

2 J.-P. Lagasse, Le référé administratif, 1992, n° 46, p.60.

3 Ph. Coenraets, Le contentieux de la suspension devant le Conseil d’Etat, synthèses de jurisprudence, 1998, n° 92, p.41.

4 CEDH, 16 juin 2015, Othymia Investments BV c. Pays-Bas, n° 75292/10.

5 CEDH, 22 décembre 2015, G.S.B. c. Suisse, n° 28601/11, pt 83.

6 Encore que des informations relevant des comptes bancaires sont à considérer comme des données personnelles protégées par l’article 8 CEDH.

12non des données intimes ou liées étroitement à l’identité des personnes concernées qui auraient mérité une protection accrue7 et lorsque les personnes concernées ont bénéficié de garanties procédurales, notamment en ayant la possibilité d’introduire un recours, condition sine qua non de légalité d’une telle ingérence par ailleurs soulignée par la même Cour européenne des droits de l’Homme8.

La CJUE, de son côté, dans l’arrêt du 6 octobre 2020, précité9, a rappelé que la protection notamment des personnes physiques contre des interventions arbitraires ou disproportionnées de la puissance publique dans leur sphère d’activité privée constitue un principe général du droit de l’Union, la Charte consacrant ainsi explicitement le droit à un recours effectif, le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel. En ce qui concerne plus particulièrement la communication d’informations relatives à une personne physique identifiée ou identifiable à un tiers, y compris une autorité publique, ainsi que la mesure qui impose ou permet cette communication, il s’agit-là, selon la CJUE, sans préjudice de leur éventuelle justification, de mesures constitutives d’ingérences dans le droit de cette personne au respect de sa vie privée ainsi que dans son droit à la protection des données à caractère personnel la concernant, indépendamment du point de savoir si ces informations présentent un caractère sensible ou non et quelle que soit leur utilisation ultérieure, sauf si ladite communication intervient dans le respect des dispositions du droit de l’Union et, le cas échéant, des dispositions du droit interne prévues à cet effet10.

Toutefois, selon la CJUE, le respect de ces trois droits fondamentaux ne constitue pas une prérogative absolue, chacun d’entre eux devant, en effet, être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société et pouvant faire l’objet d’une limitation, « à condition, premièrement, que ces limitations soient prévues par la loi, deuxièmement, qu’elles respectent le contenu essentiel des droits et des libertés en cause, et, troisièmement, que, dans le respect du principe de proportionnalité, elles soient nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui »11.

Toujours dans le même arrêt, la CJUE a encore insisté sur le fait que le but poursuivi par les échanges de renseignements en matière fiscale, à savoir « contribuer à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales, en renforçant la coopération entre les autorités nationales compétentes en ce domaine »12, constitue un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union13, susceptible de permettre qu’une limitation soit apportée à l’exercice des droits garantis prévisés, pris individuellement ou conjointement, la CJUE soulignant encore que l’intérêt attaché à l’efficacité et à la rapidité de cette coopération, qui concrétise l’objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales sous-tendant la directive 2011/16, impose notamment de respecter l’ensemble des délais prévus à l’article 7 de la directive 7 CEDH, 22 décembre 2015, G.S.B. c. Suisse, n° 28601/11, pt 93.

8 CEDH, 7 juillet 2015, M.N. et autres c/ San Marin, n° 28005/12 ; voir également CEDH, 22 décembre 2015, G.S.B. c. Suisse, n° 28601/11, pt 90 : la législation interne doit ménager des garanties appropriées pour empêcher toute communication ou divulgation de données à caractère personnel qui ne serait pas conforme aux exigences de l’article 8 CEDH.

9 CJUE, 6 octobre 2020, C-245/19 et C-246/19.

10 Point 73.

11 Point 51.

12 Point 86.

13 Points 87 et 88.

132011/16/UE14, ledit article imposant notamment, pour rappel, que l’autorité requise effectue les communications le plus rapidement possible, et au plus tard six mois à compter de la date de réception de la demande de l’Etat requérant.

Il convient ensuite de relever que même à admettre - thèse défendue par les parties requérantes - une ingérence illégitime et partant une violation illégale des droits tels qu’invoqués par les parties requérantes, une telle situation n’entrainerait pas ipso facto un préjudice grave et définitif dans le chef des parties requérantes15.

A cet égard, il convient de souligner que si, en ce qui concerne la seconde condition, à savoir l’existence de moyens sérieux, le juge du provisoire est appelé à se référer aux moyens invoqués au fond, même si ceux-ci ne sont pas explicitement développés dans la requête en obtention d’une mesure provisoire, il en va différemment de la condition tendant à l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, s’agissant d’un élément propre et spécifique au référé, conditionnant l’office du juge statuant au provisoire: la preuve de la gravité du préjudice implique en principe que le requérant donne concrètement des indications concernant la nature et l’ampleur du préjudice prévu, et qui démontrent le caractère difficilement réparable du préjudice, étant relevé que dans un souci de garantir le caractère contradictoire des débats, le juge du provisoire ne peut de surcroît avoir égard qu’aux arguments contenus dans la requête et doit écarter les éléments développés par le conseil de la partie requérante, pour la première fois, à l’audience.

Il n’appartient par ailleurs pas au juge du provisoire d’analyser de son propre chef et de sa propre initiative le recours au fond pour y déceler d’éventuels éléments susceptibles de constituer dans le cadre du recours en obtention d’une mesure provisoire des moyens relatifs à l’existence d’un préjudice grave et définitif, l’office du juge du provisoire ne consistant pas à rechercher lui-même dans un autre acte de procédure les moyens qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, le juge du provisoire ne pouvant avoir égard qu’aux arguments contenus dans la requête et devant écarter les éléments développés par le conseil de la partie requérante, pour la première fois, à l’audience16.

Or, la preuve de la gravité du préjudice implique en principe que le requérant donne concrètement des indications concernant la nature et l’ampleur du préjudice prévu, et qui démontrent le caractère difficilement réparable du préjudice17.

Force est toutefois de constater que les parties requérantes, hormis de soutenir l’existence d’un préjudice grave et définitif résultant de la violation alléguée de leurs droits ne précisent pas la nature d’un tel préjudice - hormis une atteinte à leur réputation -, dont la matérialité échappe au soussigné.

Deux hypothèses de préjudice sont néanmoins théoriquement envisageables.

Ainsi, si le soussigné peut éventuellement concevoir un risque de répercussions fiscales négatives résultant de la communication des informations litigieuses aux autorités fiscales belges, un tel risque matériel doit en l’état actuel du dossier être considéré comme 14 Point 90.

15 Voir trib. adm. (prés.) 7 novembre 2019, n° 43698.

16 Voir trib. adm. (prés.) 9 février 2018, n° 40722 ; trib. adm. (prés.) 7 novembre 2018, n° 41907.

17 Trib. adm. (prés.) 10 juillet 2013, n° 32820, Pas. adm. 2019, V° Procédure contentieuse, n° 595.

14hypothétique, sinon comme évitable sinon réparable, alors qu’il ne résulte d’aucun élément communiqué au soussigné que les parties visées éventuellement par une telle imposition ou un tel redressement ne pourraient pas bénéficier en Belgique de voies de recours suffisantes18.

Bien au contraire, il résulte explicitement des débats menés à l’audience que les parties requérantes disposent bien de voies de recours idoines en Belgique, les époux … ayant d’ailleurs d’ores et déjà saisi infructueusement la Chambre des référés du Tribunal de première instance francophone de Bruxelles, laquelle, dans une ordonnance du 27 février 2020 a rejeté des moyens identiques à ceux soumis au soussigné, en retenant notamment et en particulier que « s’il apparaît ultérieurement que l’administration fiscale belge a réellement effectuée des investigations illégales et n’a pas respecté le prescrit de la loi, comme les demandeurs le prétendent, ces derniers peuvent quant à eux encore invoquer l’illégalité des investigations a posteriori et les informations reçues pourront, le cas échéant, être rejetées par le juge du fond en cas de violation reconnue par celui-ci, le cas échéant ».

Il résulte encore de l’arrêt de la CJUE du 6 octobre 2020 que les juges de l’Union ont explicitement avalisé la possibilité d’un recours différé, a posteriori - par opposition au recours ex ante réclamé en l’espèce par les parties requérantes - en retenant qu’une législation nationale excluant qu’un recours direct puisse être formé contre une décision d’injonction de communication d’informations par le contribuable visé par l’enquête à l’origine de la demande d’échange d’informations ayant conduit l’autorité nationale compétente à adopter cette décision - exclusion explicitement alors prévue par la loi du 25 novembre 2014, avant la réforme législative du 1er mars 2019 -, est propre à réaliser l’objectif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales international, tant qu’existe pour ce même contribuable la possibilité de contester cette décision à titre incident, dans le cadre d’un recours contre une décision ultérieure de rectification ou de redressement19.

En ce qui concerne ensuite un éventuel risque de préjudice immatériel, il est vrai qu’un préjudice purement moral serait concevable, préjudice résultant de la violation ressentie des droits fondamentaux des parties requérantes. Force est encore à cet égard de constater que la doctrine française20, reposant sur la jurisprudence européenne et française, semble admettre, en cas d’atteinte illicite aux droits fondamentaux, l’existence d’une présomption de préjudice impliquant un droit à réparation, la réparation dépendant de la nature du droit lésé et de l’intensité de l’atteinte.

En ce qui concerne plus particulièrement l’indemnisation des atteintes à la vie privée, la réparation - et partant l’appréciation de la gravité en amont - dépend des circonstances, soit aggravantes, soit minorantes, de l’atteinte21 : au titre d’une aggravation figure essentiellement le caractère public de l’atteinte, c’est-à-dire la diffusion des données collectées en violation du droit au respect de la vie privée et à la protection des données.

18 En ce sens : trib. adm. (prés.) 21 juillet 2017, n° 39887 et trib. adm. (prés.) 21 juillet 2017, n° 39889.

19 CJUE, 6 octobre 2020, C-245/19 et C-246/19, point 92.

20 X. Dupré de Boulois, La présomption de préjudice : un élément du régime juridique des droits fondamentaux, http://www.revuedlf.com/droit-fondamentaux/droits-fondamentaux-et-presomption-de-prejudice/ 21 Voir F. Gras, L’indemnisation des atteintes à la vie privée, https://www.cairn.info/revue-legicom-1999-4-

page-21.htm 15Or, à cet égard, les données collectées et transmises en exécution de la décision d’injonction le seront par / et à des autorités fiscales tenues à la confidentialité de ces mêmes données : il échet à cet égard de rappeler qu’aux termes de l’article 26 (2) du modèle de Convention fiscale de l’OCDE, les renseignements reçus dans le cadre d’un échange de renseignements « sont tenus secrets de la même manière que les renseignements obtenus en application de la législation interne de cet État et ne sont communiqués qu’aux personnes ou autorités (y compris les tribunaux et organes administratifs) concernées par l’établissement ou le recouvrement des impôts […], par les procédures ou poursuites concernant ces impôts, par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts, ou par le contrôle de ce qui précède.

Ces personnes ou autorités n’utilisent ces renseignements qu’à ces fins. Elles peuvent révéler ces renseignements au cours d’audiences publiques de tribunaux ou dans des jugements (…) », la CJUE22 ayant par ailleurs rappelé que l’autorité requise doit en principe faire confiance à l’autorité requérante et présumer que la demande d’informations qui lui est soumise est à la fois conforme au droit national de l’autorité requérante et nécessaire aux besoins de son enquête.

Aussi, au vu de cette obligation de confidentialité et de l’absence de toute divulgation des données collectées à autrui qu’aux autorités fiscales luxembourgeoises et belges, le soussigné ne décèle, au-delà d’un éventuel préjudice moral intangible et immatériel et en tout état de cause ni quantifié ni quantifiable, pas de préjudice grave. La comparaison effectuée par les parties requérantes avec la jurisprudence relative à l’accès aux informations, notamment en matière environnementale, n’est de ce point de vue pas pertinente, les informations, dans cette matière, étant en effet destinées à être transmises à toute personne intéressée, susceptible de les rendre largement publiques, alors que, comme relevé ci-avant, les informations sollicitées dans le cadre des échanges de renseignements en matière fiscale ne sont susceptibles d’être transmises qu’à des autorités fiscales soumises à une obligation de confidentialité, sinon à des autorités judiciaires.

Il n’appert d’ailleurs ici encore pas qu’un tel préjudice serait définitif, puisque la CJUE a admis dans son arrêt précité du 6 octobre 2020, même par rapport à l’aspect d’une éventuelle ingérence dans la vie privée ou d’une éventuelle atteinte à la protection des données, le principe d’un recours a posteriori susceptible de mettre un terme à une telle atteinte, combiné à la possibilité nécessairement ex post d’obtenir la réparation du préjudice qu’aurait causé une telle violation : elle a partant nécessairement admis qu’un éventuel préjudice moral résultant le cas échéant d’une transmission illégitime d’informations dans le cadre d’un échange de renseignements en matière fiscale peut être réparé ex post, de sorte à ne pas imposer l’aménagement d’une voie de recours ex ante afin d’empêcher préventivement la communication ou la divulgation de données à caractère personnel qui ne serait pas conforme aux exigences conventionnelles ou légales.

Enfin, en ce qui concerne le risque du fait de la notification de la décision d’injonction d’une atteinte à la réputation des époux … par rapport à l’établissement bancaire auquel ils ont confié leurs avoirs au Luxembourg, lequel pourrait voir d'un mauvais œil le fait qu’ils fassent l'objet d'une enquête initiée par l'administration fiscale belge et exécutée par l'administration fiscale luxembourgeoise, il convient de retenir, outre qu’il ne paraît guère concevable qu’un établissement bancaire se distance de clients faisant l’objet d’une enquête administrative fiscale, que le préjudice allégué doit en tout état de cause être considéré comme consommé, la 22 CJUE, 16 mai 2017, C-682/15, point 77.

16notification de la décision d’injonction ayant eu lieu le 14 septembre 2020, mais néanmoins comme réparable, une future annulation d’un éventuel redressement fiscal en Belgique devant être considérée comme de nature à « blanchir » les époux … de tout soupçon et à écarter toute réserve que l’établissement bancaire pourrait avoir émis à leur encontre.

Le soussigné ne saurait dès lors retenir, à ce stade et en l’état actuel du dossier, des moyens y contenus ainsi qu’au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, que l’exécution de la décision d’injonction risque de causer aux parties requérantes un préjudice grave et définitif.

Il appert d’ailleurs que les époux …, respectivement leur conseil juridique, semblent être manifestement arrivés à la même conclusion, ce qui expliquerait leur moyen initial tendant à voir écarter - et ce même par le soussigné - la seule base légale autorisant le cas échéant l’octroi d’une mesure provisoire, à savoir l’article 11, paragraphe 1er et 2 de de la loi du 21 juin 199923 - laquelle présuppose toutefois, notamment, l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif.

Il convient de souligner que cette conclusion s’impose quelle que soit finalement la thèse retenue, à savoir celle de la possibilité, par défaut et en application de l’article 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif d’introduire un recours en annulation de droit commun, voire de la nécessité de prévoir un recours suspensif de plein droit, thèse des parties requérantes, ou celle de l’absence de tout recours, thèse de la partie gouvernementale, l’arrêt précité de la CJUE ayant avalisé l’absence de recours direct anticipatif permettant d’empêcher la transmission des informations litigieuses, de sorte qu’au vu de cet arrêt, tant l’absence de tout recours ex ante, que nécessairement la possibilité d’un « simple » recours en annulation, conjugée à la possibilité d’obtenir une mesure suspensive provisoire, ont manifestement été avalisées, à condition qu’il existe devant les différentes juridictions compétentes de l’Etat requérant, une ou plusieurs voies de recours permettant au contribuable d’obtenir, à titre incident, un contrôle juridictionnel de cette mesure assurant le respect des droits et des libertés24 et permettant de vérifier, dans le cadre du contrôle judiciaire d’une décision de rectification ou de redressement adressée audit contribuable, que les preuves sur lesquelles se fonde cet acte n’ont pas été obtenues ou utilisées en violation des droits et des libertés garantis à l’intéressé par le droit de l’Union25, contrôle juridictionnel a posteriori dont l’existence et l’effectivité en Belgique ne sont en l’espèce pas contestés.

Les parties requérantes sont partant à débouter de leur demande en institution d’une mesure provisoire, sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage le moyen évoqué en défense de l’irrecevabilité de leur recours, lequel ne vise pas, comme relevé à juste titre par le délégué du gouvernement, de manière spécifique, l’irrecevabilité de la mesure de sursis à exécution, mais 23 Trib. adm (prés.) 9 février 2018, n° 40729 et 40736) ; trib. adm. (prés.) 25 septembre 2019, n° 43565 : La possibilité d’accorder une mesure de sauvegarde n’ayant pas été instaurée par le législateur en tant que mesure autonome, mais uniquement afin de pallier au fait que la seule mesure provisoire initialement prévue, à savoir le sursis à exécution, ne pouvait pas être accordée par rapport à une décision administrative négative, telle qu’un refus, qui ne modifie pas une situation de droit ou de fait antérieure et, comme telle, ne saurait faire l’objet de conclusions à fin de sursis à exécution, de sorte que dans un tel cas de figure, le justiciable ne disposait d’aucune procédure pour éviter un préjudice grave qui lui est causé par une décision administrative négative.

24 CJUE, 6 octobre 2020, C-245/19 et C-246/19, point 79.

25 Point 82.

17celle du recours introduit au fond contre la décision d’injonction que les parties requérantes entendent attaquer. Un tel moyen touche partant le fond du droit et relève plus spécifiquement du caractère sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours au fond.

De même, il n’y a pas lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle de moyens sérieux avancés devant les juges du fond, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant à l’égard de toutes les parties et en audience publique ;

rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution ;

condamne les parties requérantes aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 octobre 2020 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 octobre 2020 Le greffier du tribunal administratif 18


Synthèse
Numéro d'arrêt : 45064
Date de la décision : 16/10/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-10-16;45064 ?

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