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07/08/2020 | LUXEMBOURG | N°44764

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 août 2020, 44764


Tribunal administratif Numéro 44764 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 juillet 2020

JUGEMENT

du 7 août 2020 sur la régularité d’une décision de prolongation de rétention administrative Vu la requête du ministre de l’Immigration et de l’Asile tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté ordonnant la prorogation du placement en rétention administrative, réceptionnée par le greffe du tribunal administratif le 31 juillet 2020, enrôlée sous le numéro 44764, visant :

Monsieur …, né le …, de nationalité marocaine, alias

…, né le …, respectivement le … à … (Maroc), alias …, né le …, alias …, né le …, alias …, né le …, ...

Tribunal administratif Numéro 44764 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 juillet 2020

JUGEMENT

du 7 août 2020 sur la régularité d’une décision de prolongation de rétention administrative Vu la requête du ministre de l’Immigration et de l’Asile tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté ordonnant la prorogation du placement en rétention administrative, réceptionnée par le greffe du tribunal administratif le 31 juillet 2020, enrôlée sous le numéro 44764, visant :

Monsieur …, né le …, de nationalité marocaine, alias …, né le …, respectivement le … à … (Maroc), alias …, né le …, alias …, né le …, alias …, né le …, avisé par télécopie du 31 juillet 2020 ;

__________________________________________________________________________

Vu les articles 120, paragraphe (3), et 123, paragraphe (6), de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée la « loi du 29 août 2008 » ;

Vu l’acte d’écrou émis par le Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig en date du 26 novembre 2019, suivant lequel Monsieur …, déclarant être né le … à … (Maroc) et être de nationalité marocaine, a été condamné à une peine de 36 mois d’emprisonnement, dont 24 mois avec sursis, ladite peine ayant pris effet en date du 1er avril 2019 et devant se terminer le 25 mars 2020 ;

Vu le transmis adressé par le ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-après le « ministre », du 7 janvier 2020, par lequel le service de police judiciaire, section criminalité organisée – police des étrangers, fut prié de procéder au transfert de la personne se dénommant …, né le …, de nationalité marocaine, alias …, né le …, alias …, né le …, de nationalité marocaine, alias …, né le …, alias …, né le …, de nationalité marocaine, à destination de la Suisse, avec l’indication que l’intéressé était « actuellement retenu au centre pénitentiaire de Luxembourg, sa libération étant prévue pour le 25 mars 2020 » ;

Vu le plan de vol communiqué au ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration par le service de police judiciaire, en date du 10 janvier 2020, suivant lequel l’éloignement de la personne dénommée … fut prévu pour la date du 25 mars 2020 à destination de Zürich en Suisse ;

Vu la demande de reprise en charge adressée par les autorités luxembourgeoises aux autorités suédoises en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après dénommé le « règlement Dublin III », avec l’indication qu’alors même que les autorités suisses avaient accepté la reprise en charge de l’intéressé, le transfert n’a pas pu être effectué dans les délais prévus par ledit règlement ;

1Vu l’arrêté du ministre du 24 mars 2020 constatant le séjour irrégulier de la personne déclarant se nommer … sur le territoire luxembourgeois et lui ordonnant de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité qui reste à être déterminée ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner ;

Vu l’arrêté séparé du ministre du même jour par lequel la personne se déclarant se nommer … a été placée, dans l’attente de son éloignement, au Centre de rétention pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question, celle-ci ayant eu lieu en date du 25 mars 2020 ;

Vu l’arrêté du ministre du 22 avril 2020, notifié en date du 24 avril 2020, portant prorogation de la mesure de rétention administrative prise à l’égard de la personne déclarant se nommer … ;

Vu l’arrêté du ministre du 19 mai 2020, notifié en date du 25 mai 2020, portant prorogation de la mesure de placement prise à l’égard de la personne déclarant se nommer …, alias …, alias …, alias …, alias … ;

Vu la communication adressée par les autorités suédoises en date du 1er juin 2020 aux autorités luxembourgeoises, suivant laquelle la personne déclarant se nommer … avait sollicité une protection internationale en Suède en date du 2 décembre 2010, demande qui a été rejetée en date du 8 juillet 2011, la même communication contenant l’indication que, contrairement à l’hypothèse initiale exprimée par les autorités suédoises, suivant laquelle l’intéressé était de nationalité algérienne, celui-ci avait fait état d’une carte d’identité marocaine, nationalité confirmée par l’ambassade marocaine à Stockholm, qui, à l’époque, avait également marqué son accord à ce qu’il soit réadmis au Maroc sur base de sa carte d’identité, le transfert ayant eu lieu en date du 23 mai 2012 ;

Vu le jugement du tribunal administratif du 18 juin 2020, inscrit sous le numéro 44507 du rôle, par lequel a été rejeté le recours contentieux introduit contre la décision ministérielle précitée du 19 mai 2020 ;

Vu l’arrêté du ministre du 22 juin 2020, notifié en date du 25 juin 2020 à l’intéressé, par lequel la mesure de placement prise à l’égard de la personne déclarant se nommer …, alias …, alias …, alias …, alias …, fut à nouveau prorogée pour une durée supplémentaire d’un mois ;

Vu l’arrêté du ministre du 21 juillet 2020, notifié en date du 24 juillet 2020 à l’intéressé, par lequel la mesure de placement prise à l’égard de la personne déclarant se nommer …, alias …, alias …, alias …, alias … fut à nouveau prorogée pour une durée supplémentaire d’un mois ;

Vu la requête du ministre tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté ordonnant la prorogation du placement en rétention, réceptionnée par le greffe du tribunal administratif en date du 31 juillet 2020, et y enrôlée sous le numéro 44764 du rôle ;

Vu le dossier administratif ;

Vu la lettre du 31 juillet 2020 par laquelle les parties ont été convoquées à l’audience publique du 6 août 2020 à 15.00 heures, notifiée en mains propres à la personne déclarant se nommer … en date du même jour ;

2Entendu Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Muller et Maître Hugo Manuel Delgado-Dias, en remplacement de Maître Naïma El Handouz, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 août 2020.

___________________________________________________________________________

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 juillet 2020 et enrôlée sous le numéro 44764 du rôle, le ministre a saisi le président du tribunal administratif d’une demande tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté ordonnant la quatrième prorogation du placement en rétention de la personne déclarant se nommer …, alias …, alias …, alias …, alias …, ci-après dénommé « Monsieur … », au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision.

Conformément à l’article 123, paragraphe (6), de la loi du 29 août 2008 « Lorsque le ministre décide de prolonger la durée de rétention en vertu de l’article 120, paragraphe (3), alinéa 2, il doit saisir d’office, par requête introduite dans les cinq jours ouvrables de la notification de la décision, le président du Tribunal administratif qui statue d’urgence comme juge du fond et en tout cas dans les dix jours du dépôt de la requête, la personne retenue dûment convoquée par les soins du greffe ».

Il ressort du dossier administratif et des pièces versées en cause que Monsieur … s’est vu notifier en date du 24 juillet 2020 un arrêté du ministre daté du 21 juillet 2020 ordonnant la prorogation de son placement en rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision.

La requête, introduite le 31 juillet 2020, est partant à déclarer recevable pour avoir été introduite conformément aux dispositions de l’article 123, paragraphe (6), de la loi du 29 août 2008.

Quant à la procédure :

Conformément à l’article 121, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, « La notification des décisions visées à l’article 120 est effectuée par un membre de la Police grand-

ducale qui a la qualité d’officier de police judiciaire. La notification est faite par écrit et contre récépissé, dans la langue dont il est raisonnable de supposer que l’étranger la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés », ladite notification devant faire l’objet, conformément au paragraphe (2) de cette même disposition, d’un procès-verbal dressé par l’officier de police judiciaire qui y a procédé, mentionnant la date de la notification de la décision, la déclaration de la personne retenue qu’elle a été informée de ses droits mentionnés, ainsi que toute autre déclaration qu’elle désire faire acter, la langue dans laquelle la personne retenue fait ses déclarations, ledit procès-verbal devant soit être signé par la personne retenue, soit, en cas de refus de signature, devant mentionner le refus et les motifs du refus.

Conformément à l’article 122, paragraphes (2) et (3), de la loi du 29 août 2008, « (2) La personne retenue est immédiatement informée, par écrit et contre récépissé, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’elle la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés, de son droit de prévenir sa famille ou toute personne de son choix.

Un téléphone est mis à sa disposition à titre gratuit à cet effet. (3) La personne retenue est immédiatement informée, par écrit et contre récépissé, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’elle la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés, de son droit de se faire examiner dans les vingt-quatre heures de son placement en rétention, par un médecin et de choisir un avocat à la Cour d’un des barreaux établis au Grand-Duché de 3Luxembourg ou de se faire désigner un avocat par le bâtonnier de l’ordre des avocats de Luxembourg. Le mineur non accompagné d’un représentant légal se voit désigner, dans les meilleurs délais, un administrateur ad hoc ».

Il ressort du dossier administratif et des pièces versées en cause que la notification opérée en date du 24 juillet 2020 l’a été conformément aux prescriptions légales.

L’article 123, paragraphe (6), de la loi du 29 août 2008 prévoit que le président s’assure que la personne retenue a été touchée par la convocation.

Il ressort à cet égard des pièces versées en cause que Monsieur … s’est bien vu notifier en mains propres le 31 juillet 2020 la convocation datée du même jour pour l’audience du 6 août 2020 à 15.00 heures, de sorte qu’il échet de considérer que Monsieur … a été dûment touché par la convocation pour l’audience du 6 août 2020.

Quant au fond :

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

4En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.

Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme1, il faut que l’éloignement de la personne retenue soit une perspective réaliste.

Enfin, en vertu de l’article 120, paragraphe (3), in fine, de la même loi, si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire.

A l’audience des plaidoiries, le litismandataire de Monsieur … a tout d’abord estimé que le ministre n’aurait pas accompli les diligences suffisantes afin de pouvoir éloigner son mandant vers le Maroc dans les plus brefs délais et il conclut à la libération immédiate de celui-

ci, à défaut de garantie que son éloignement puisse être mené à bien. A titre subsidiaire, il se réfère, d’une part, au fait que les autorités marocaines n’avaient pas, jusqu’à ce jour, confirmé que Monsieur … était l’un de leurs ressortissants et, d’autre part, à la crise sanitaire existant actuellement au Maroc, dont la fin serait provisoirement fixée au 10 août 2020 et qui, à son avis, risquait d’être prolongée, ce qui serait de nature à rendre improbable un éloignement rapide de son mandant vers le Maroc.

Le délégué du gouvernement, tout en se référant au jugement du tribunal administratif du 18 juin 2020, inscrit sous le numéro 44507 du rôle, relève, tel que le tribunal l’aurait retenu dans le jugement en question, que jusqu’à la date de ladite décision, le ministre aurait accompli les diligences suffisantes en vue de procéder rapidement au rapatriement de Monsieur … vers le Maroc, en relevant encore que par la suite, à savoir en dates des 29 juin, 3, 16 et 30 juillet 2020, le ministre se serait encore adressé aux autorités marocaines en vue de l’organisation de l’éloignement de Monsieur … vers le Maroc, tout en admettant ne pas encore avoir reçu d’accord de réadmission de la part des autorités marocaines.

Le représentant gouvernemental a ajouté que l’identification de Monsieur … serait particulièrement difficile du fait que celui-ci avait utilisé plusieurs alias, en relevant encore que ce serait seulement en date du 1er juin 2020 que les autorités luxembourgeoises auraient appris, de la part des autorités suédoises, que Monsieur … était un ressortissant marocain, de sorte que seulement depuis cette date-là, elles auraient pu faire des démarches auprès des autorités 1 CourEDH, 25 juin 2019, Al Husin c. Bosnie-Herzégovine (n° 2), req. n° 10112/16.

5marocaines, en relevant enfin qu’à l’heure actuelle, les activités auprès du consulat du Maroc à Liège en Belgique seraient « réduites ».

En l’espèce, il résulte des éléments de la cause que la personne retenue se trouve toujours actuellement en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.

En effet, comme indiqué ci-avant, le ministre a, par décision du 24 mars 2020, ordonné à Monsieur … de quitter le territoire luxembourgeois « sans délai », après avoir constaté qu’il se trouvait en séjour irrégulier sur ledit territoire.

Il est encore constant en cause que la personne retenue ne disposait, à la date de la prise de l’arrêté actuellement déféré, pas de documents d’identité et de voyage valables, de sorte qu’elle ne remplit pas les conditions énoncées à l’article 34, paragraphe (2), point 1, de la loi du 29 août 2008 qui requiert précisément d’un étranger de disposer d’un passeport et, le cas échéant, d’un visa en cours de validité.

Il en résulte l’existence dans le chef de la personne retenue d’un risque de fuite, légalement présumé par l’article 111, paragraphe (3), point c), point 1. de la loi du 29 août 2008, si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi.

Il s’ensuit que les conditions initiales ayant justifié le placement de l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement perdurent actuellement.

En ce qui concerne ensuite les diligences effectuées en vue de l’éloignement de Monsieur …, le soussigné relève tout d’abord qu’il est uniquement saisi d’une requête du ministre tendant au contrôle d’office de la décision de celui-ci de proroger une quatrième fois la mesure de rétention de Monsieur …, de sorte qu’il lui appartient seulement d’examiner le bien-fondé de ladite décision, en s’assurant qu’à l’heure actuelle, les conditions suivant lesquelles le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire, l’éloignement peut toujours être mené à bien et que les conditions spécifiques à une telle quatrième prorogation, à savoir qu’il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, sont remplies.

A cet égard, et en ce qui concerne les diligences entreprises par le ministre pour exécuter l’éloignement de Monsieur …, il y a tout d’abord lieu de préciser que dans le cadre du jugement précité du 18 juin 2020, inscrit sous le numéro 44507 du rôle, le tribunal a estimé que les diligences accomplies par les autorités luxembourgeoises jusqu’au jour dudit jugement étaient suffisantes pour justifier le placement et le maintien de Monsieur … au Centre de rétention. En ce qui concerne les démarches entreprises depuis ledit jugement du tribunal administratif du 18 juin 2020, il se dégage du dossier administratif qu’en date des 29 juin 2020, 3, 16 et 30 juillet 2020, le ministre s’est adressé au consulat général du Royaume du Maroc situé à Liège en vue de l’identification de Monsieur …, en relançant ainsi régulièrement lesdites autorités consulaires afin d’être renseigné sur l’état d’avancement de ce dossier. Or, à la date de ce jour, lesdites autorités consulaires n’ont réagi en aucune façon par rapport aux courriers et appel téléphonique leur adressés aux dates précitées. Toutefois, il doit être constaté à partir des éléments figurant au dossier administratif soumis au soussigné que c’est seulement en date du 1er juin 2020 que les autorités luxembourgeoises ont eu connaissance de la part des autorités suédoises que Monsieur … était de nationalité marocaine et qu’il avait déjà été transféré au Maroc par celles-ci en date du 23 mai 2012. C’est ainsi seulement à partir de cette date que les autorités luxembourgeoises ont valablement pu entrer en contact avec les autorités marocaines 6en vue de l’éloignement de Monsieur … vers le Maroc, alors qu’auparavant, les autorités luxembourgeoises, à défaut de disposer de l’information afférente, avaient entamé des démarches en vue de transférer Monsieur … vers la Suisse, en application des dispositions du règlement Dublin III. C’est ainsi que c’est seulement depuis un peu plus de deux mois que les autorités luxembourgeoises ont entamé les diligences nécessaires afin d’obtenir de la part des autorités marocaines la confirmation de l’identité de Monsieur …, ainsi que leur accord quant à sa réadmission par le Maroc.

Ainsi, et au vu des éléments qui précèdent, il ne saurait être exclu que l’éloignement de Monsieur … demeure une perspective raisonnable, de sorte que le soussigné est amené à conclure que les diligences déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise doivent être considérées, dans les circonstances de l’espèce, comme suffisantes, de sorte que la nécessité requise au sens de l’article 120, paragraphe (3), alinéa 1, de la loi du 29 août 2008 pour la prolongation de la mesure de rétention est vérifiée en l’espèce.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et à ce stade, le soussigné ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-

fondé de la décision déférée.

En ce qui concerne, par ailleurs, les développements du litismandataire de Monsieur … quant à la crise sanitaire déclarée au Maroc dont la fin est actuellement prévue pour le 10 août 2020, il échet de relever qu’il n’est pas établi que les autorités marocaines refuseraient la reprise de leurs propres ressortissants malgré l’existence de la crise sanitaire, tel que cela a été évoqué par le délégué du gouvernement.

Ainsi, et eu égard à ces développements, et à défaut d’autres éléments, le soussigné estime que le moyen tiré de l’absence de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien est à rejeter.

Concernant finalement la possibilité d’application de mesures moins coercitives, les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), à savoir l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement auprès des services ministériels après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ou encore l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros, sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1), pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi, tout en relevant qu’il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et qu’au vu 7de la présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du concerné, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment des garanties de représentation suffisantes.

En l’espèce, il se dégage du dossier administratif que les raisons avancées par la partie gouvernementale pour justifier le recours à la mesure de rétention, plus particulièrement pour démontrer l’existence d’un risque de fuite dans le chef de Monsieur …, proviennent du fait qu’il est en séjour irrégulier au Luxembourg et qu’il n’y dispose pas d’une adresse légale. Dans la mesure où le retenu ne fournit aucun élément contredisant le prédit constat et que l’absence manifeste de collaboration de l’intéressé caractérise dans son chef l’existence d’un risque réel de soustraction à la mesure d’éloignement, il y a lieu de retenir que ce dernier ne présente pas de garanties suffisantes de représentation et ne remplit donc pas les conditions préalables afin de bénéficier d’une mesure moins coercitive.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’arrêté ministériel du 21 juillet 2020 ordonnant la prorogation de la mesure de placement en rétention de Monsieur … est à confirmer.

Par ces motifs, le soussigné, premier vice-président du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président du tribunal administratif, légitimement empêché, statuant contradictoirement et en audience publique ;

déclare recevable la requête du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 31 juillet 2020 tendant à la vérification de la régularité de la décision de prolongation de la rétention administrative ;

quant au fond, confirme l’arrêté ministériel du 21 juillet 2020 ordonnant la prorogation de la mesure de placement en rétention de Monsieur … ;

Ainsi jugé et prononcé au tribunal administratif, même date qu’en tête par Carlo Schockweiler, premier vice-président du tribunal administratif, en présence de Luana Poiani, greffier.

s. Luana Poiani s. Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 août 2020 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Numéro d'arrêt : 44764
Date de la décision : 07/08/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-08-07;44764 ?

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