La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/07/2020 | LUXEMBOURG | N°44631

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 juillet 2020, 44631


Tribunal administratif N° 44631 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2020 Audience publique du 15 juillet 2020 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Monsieur …, …, par rapport à une circulaire de l’administration des Douanes et Accises en matière d’accises

_________________________________________________________________________


ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 44631 du rôle et déposée le 7 juillet 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc THEISEN, avocat à la Cour, in

scrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, commerçant, exerç...

Tribunal administratif N° 44631 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 juillet 2020 Audience publique du 15 juillet 2020 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Monsieur …, …, par rapport à une circulaire de l’administration des Douanes et Accises en matière d’accises

_________________________________________________________________________

ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 44631 du rôle et déposée le 7 juillet 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc THEISEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, commerçant, exerçant sous l’enseigne commerciale …, établi et ayant son siège social à …, immatriculé près le RCSL sous le numéro …, tendant à voir ordonner qu’il soit sursis à l’exécution d’une circulaire INFO TAXUD 8/2019, relative aux produits de cannabis, émise par l’administration des Douanes et Accises et publiée en date du 20 février 2020, cette circulaire étant encore attaquée au fond par une requête en annulation introduite le même jour, portant le numéro 44630 du rôle ;

Vu les articles 11 et 18 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la circulaire attaquée ;

Maître Marc THEISEN, pour le requérant, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles BARBABIANCA entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 juillet 2020.

___________________________________________________________________________

Le chef de la division TAXUD (Taxation et Union Douanière) de l’administration des Douanes et Accises émit en date du 20 février 2020 une circulaire INFO-TAXUD 8/2019 relative à la taxation de produits à base de cannabis.

Par courrier du 5 juin 2020, Monsieur …, exploitant … points de vente CBD sur le territoire luxembourgeois sous le nom commercial … depuis …, fit adresser au ministre des Finances ainsi qu’à l’administration des Douanes et Accises une analyse critique de la question de la légalité des droits d’accises prélevés depuis le 1er décembre 2019 sur les produits CBD.

Par courrier de son mandataire du 10 juin 2020, il fit encore introduire un recours gracieux à l’encontre de circulaire INFO-TAXUD 8/2019, auquel le directeur de l’administration des Douanes et Accises répondit par courrier du 26 juin 2020.

1 Par requête introduite le 7 juillet 2020 et enrôlée sous le n° 44630, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation contre la prédite circulaire INFO-TAXUD 8/2019 ainsi que contre la décision, ainsi qualifiée, du directeur de l’administration des Douanes et Accises du 26 juin 2020, intervenue suite au recours gracieux.

Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 44631 du rôle, il a demandé à voir prononcer le sursis à exécution de la circulaire INFO-TAXUD 8/2019.

Le requérant fait soutenir à cet égard que l’exécution de la circulaire INFO-TAXUD 8/2019 l’exposerait à un risque de préjudice grave et définitif, dans la mesure où elle introduirait une imposition illégale, car dépourvue de base légale, des produits à base de CBD destinés à être fumés ou vaporisés, le requérant soutenant que le préjudice découlant de l’application de la circulaire entreprise serait substantiel « alors que les montants en jeu sont importants ; le marché s’effondre alors que les prix des produits ont cru de manière significative ».

Le préjudice serait encore grave alors qu’il serait à considérer comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.

Le requérant estime encore que son recours au fond aurait de sérieuses chances de succès de voir annuler la circulaire INFO-TAXUD 8/2019 et il se prévaut des moyens suivants tels que développés dans le recours en annulation :

A ce titre, il relève d’abord que la circulaire litigieuse envisagerait à elle seule et sans aucune assise légale et/ou réglementaire, l’introduction d’une taxation nouvelle sur les produits CBD destinés à être fumés ou vaporisés, de sorte que sous couvert d’une simple circulaire, l’administration des Douanes et Accises aurait adopté un véritable règlement, édictant de nouvelles règles impératives avec l’intention de les imposer aux administrés.

Si cette circulaire se référait certes à différentes lois, dont notamment celle du 13 juin 2017 transposant la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes dans l’arsenal législatif luxembourgeois, dont l’objet serait la lutte antitabac, il n’existerait toutefois aucun texte de loi spécifique visant à introduire des accises spécifiques sur les produits CBD.

Or, en procédant par voie de simple circulaire, là où la nécessité de procéder par voie législative, voire réglementaire, telle que prévue par la loi, dont notamment par la Constitution en son article 99 qui fixe le principe de légalité de l’impôt, l’administration des Douanes et Accises aurait contourné les règles prescrites affectant de fait les droits des administrés, de sorte que la circulaire serait illégale et que les accises sur les produits CBD n’auraient pas de base légale suffisante.

Si le requérant admet certes que la prédite loi de 2017 prévoit que « les produits destinés à être fumés s’ils ne contiennent pas de tabac » sont également soumis à cette législation et subissent les mêmes contraintes juridiques prévues dans le cadre de la lutte anti-tabac, il estime toutefois qu’une telle base légale serait insuffisante, dans la mesure où la prédite loi ne définirait pas ces produits, mais se limiterait à un renvoi très général, vague et extensif à des produits à base de végétaux dont la destination est d’être fumée, même s’ils ne contiennent pas 2 de tabac, mais pouvant être consommé au moyen d’un processus de combustion, alors pourtant qu’on ne trouverait aucune définition dans une loi de ce que l’on entend par « produit », ni de motifs insuffisants ni de précisions dans un règlement grand-ducal mais une seule référence dans une circulaire administrative, de sorte que l’introduction d’une taxe par équivalence ne serait pas motivée, le requérant estimant que l’Etat devrait justifier que ces produits dérivés du Cannabis sont aussi nocifs que le tabac respectivement énoncé dans cette loi tels que cigarettes, cigarillos ou cigarette électrique.

Il fait encore plaider devant les juges du fond que la décision sur recours gracieux ne serait pas suffisamment motivée sur le fond, de sorte à devoir être annulée.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause.

En vertu de l’article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

Selon l’article 18 de la même loi, le président du tribunal ou le magistrat qui le remplace peut ordonner l’effet suspensif du recours dirigé contre les actes administratifs à caractère réglementaire dans les conditions et selon la procédure de l’article 11.

L’affaire au fond ayant été introduite le 7 juillet 2020 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

En ce qui concerne les deux autres conditions, à savoir l’existence éventuelle de moyens sérieux avancés devant les juges du fond et l’existence d’un risque d’un préjudice grave et définitif dans leur chef, il convient de rappeler que ces deux conditions doivent être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

Comme relevé ci-avant, le sursis à exécution ne peut être décrété que lorsque notamment (mais non exclusivement) l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif, un préjudice étant grave au sens de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 lorsqu’il dépasse par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société et doit dès lors être considéré comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.

En ce qui concerne la condition d’un préjudice grave et définitif il convient de rappeler qu’un préjudice est grave au sens de l’article 11 de la loi prévisée du 21 juin 1999 lorsqu’il dépasse par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société et doit dès lors être considéré comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.

3 Toutefois, la preuve de la gravité du préjudice implique en principe que le requérant donne concrètement des indications concernant la nature et l’ampleur du préjudice prévu, et qui démontrent le caractère difficilement réparable du préjudice1.

Or, en l’espèce, le requérant se borne à affirmer que l’exécution immédiate de la circulaire risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif du fait d’un effondrement pressenti du marché du CBD suite à l’introduction de taxes d’accises.

Il convient à cet égard de souligner tout particulièrement que si, en ce qui concerne la seconde condition, à savoir l’existence de moyens sérieux, le juge du provisoire est appelé à se référer aux moyens invoqués au fond, même si ceux-ci ne sont pas explicitement développés dans la requête en obtention d’une mesure provisoire, il en va différemment de la condition tendant à l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, s’agissant d’un élément propre et spécifique au référé, conditionnant l’office du juge statuant au provisoire : la preuve de la gravité du préjudice implique en principe que le requérant donne concrètement des indications concernant la nature et l’ampleur du préjudice prévu, et qui démontrent le caractère difficilement réparable du préjudice, étant relevé que dans un souci de garantir le caractère contradictoire des débats, le juge du provisoire ne peut de surcroît avoir égard qu’aux arguments contenus dans la requête et doit écarter les éléments développés par le conseil de la partie requérante, pour la première fois, à l’audience.

Ainsi, la seule allégation d’un préjudice, non autrement précisé et étayé, est insuffisante, l’exposé du préjudice grave et définitif ne pouvant se limiter à un exposé théorique, se cantonner à la seule évocation de précédents ou encore consister en des considérations générales.

Au-delà de cette considération, il convient encore de relever que le préjudice ainsi évoqué serait, éventuellement, à défaut de toute précision, de nature financière.

Or, un préjudice exclusivement financier subi par une entreprise à la suite d’une mesure administrative que celle-ci estime illégale n’est pas définitif en ce qu’il peut être réparé moyennant l’allocation de dommages-intérêts dans le cadre d’une action en responsabilité dirigée contre les pouvoirs publics. Il n’en est autrement si ce préjudice financier risque d’être d’une envergure telle qu’il menace l’existence même de l’entreprise. En effet, si la décision administrative incriminée a pour effet de peser sur son chiffre d’affaires d’une manière telle qu’elle se voit contrainte par exemple à des licenciements ou à une restructuration, voire menacée de faillite, le risque d’un préjudice grave et définitif est donné.

En l’espèce, si le requérant invoque certes un risque de préjudice financier grave et définitif résultant du fait que suite à l’introduction de taxes d’accises sur certains produits CBD le marché s’effondrerait, il n’a toutefois pas précisé sa situation financière avant l’introduction des taxes critiquées et sa position sur le marché luxembourgeois des produits de CBD, ni indiqué l’impact concret de ces taxes, le soussigné ignorant le taux d’accise prévu. Le requérant n’a de même pas procédé à une mise en perspective des effets de l’effondrement du marché en question pressenti par rapport à sa situation financière, alors pourtant que de telles données devraient être disponibles, les taxes ayant été introduites depuis le début de l’année 2020, de sorte à offrir un point de comparaison.

1 Trib. adm. prés. 10 juillet 2013, n° 32820, Pas. adm. 2019, V° Procédure contentieuse, n° 595.

4 Aussi, faute de toute information détaillée y relativement, le risque d’un préjudice grave et définitif dans le sens de l’existence d’un danger existentiel dans le chef du commerce du requérant n’est pas justifié à suffisance de droit.

Si le requérant a certes tenté de remédier à ce défaut en versant au cours de l’audience un tableau reflétant son chiffre d’affaires de 2019 à ce jour, le soussigné doit constater que le requérant a réalisé son chiffre d’affaires le plus important en avril 2020, soit … euros, à comparer au mois d’avril 2019 (soit … euros) ou encore au mois d’octobre 2019 (… euros), et ce nonobstant la prétendue incidence néfaste des accises prélevées à partir du 13 janvier 2020 et sur la toile de fond de la pandémie actuelle. Le seul fait que le requérant ait réalisé un chiffre d’affaires moindre en janvier 2020 (… euros) et février 2020 (… euros) - montants néanmoins substantiellement supérieurs à la moyenne de 2019 - ne saurait en aucun cas établir l’effondrement craint du marché.

A titre tout à fait superfétatoire, et ce aux seules fins de permettre au requérant d’analyser l’opportunité de maintenir son recours au fond, il convient ensuite de rappeler que, concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Ainsi, le juge du référé est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision attaquée.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Au niveau de l’examen des moyens d’annulation invoqués à l’appui du recours au fond, l’examen de ses chances de succès appelle le juge administratif saisi de conclusions à des fins de sursis à exécution, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et à vérifier si un des 5 moyens soulevés par la partie demanderesse apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation voire la réformation de la décision critiquée.

Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

En ce qui concerne les moyens du requérant indiqués devant les juges du fond, force est au soussigné de retenir qu’aucun de ces moyens ne convainc en l’état actuel du dossier.

Ainsi, l’argumentation principale du requérant repose sur la prémisse que la circulaire litigieuse constituerait un acte réglementaire déférable au tribunal administratif, dans la mesure ladite circulaire ne se bornerait pas à interpréter les textes de loi en vigueur, mais où, d’après le requérant, elle instaurerait une taxation non prévue par la loi, le requérant ayant, à première vue, limité son analyse à la loi du 13 juin 2017 transposant la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, dite « loi anti-tabac ».

Il appert toutefois, au terme d’une analyse sommaire, que la loi belge du 3 avril 1997 relative au régime fiscal des tabacs manufacturés, rendue applicable au Grand-Duché de Luxembourg par le règlement ministériel du 25 juillet 1997 portant publication de la loi belge du 3 avril 1997 relative au régime fiscal des tabacs manufacturés, intervenant lui-même en application notamment de la Convention coordonnée instituant l’Union économique belgo-

luxembourgeoise, approuvée par la loi du 26 mars 1965, prévoit notamment la taxation par voie d’accise et de TVA des produits constitués partiellement ou exclusivement de substances autres que le tabac mais présentant les mêmes caractéristiques que les cigares, les cigarettes ou le tabac à fumer, ces produits étant alors soumis au même régime procédural, d’apposition d’un signe fiscal et de taxation que les cigares, les cigarettes ou le tabac à fumer.

Il appert encore que la circulaire litigieuse, qui se réfère d’ailleurs explicitement au règlement ministériel du 25 juillet 1997, ne fait à première vue qu’expliquer ce régime en indiquant à titre d’exemple les produits plus spécifiquement visés, à savoir les fleurs de chanvre ou les parties de plantes susceptibles d’être fumées ou vaporisées, la résine de chanvre ainsi que les cigarettes composées exclusivement de chanvre.

Il est donc douteux que le raisonnement du requérant convainc en l’état les juges du fond et que ceux-ci se déclarent compétents pour connaître du litige, étant de jurisprudence constante qu’en principe, les circulaires émises par des autorités administratives et qui ne font qu’interpréter les textes de loi en vigueur ne constituent pas des actes réglementaires susceptibles de recours.

Quant à la question sous-jacente au litige, à savoir si la formulation, reprise de la loi belge du 3 avril 1997, relative aux « produits constitués partiellement de substances autres que le tabac » et aux « produits constitués exclusivement ou partiellement de substances autres que le tabac » est suffisamment précise pour établir une imposition des produits à base de cannabis destinés à être fumés ou vaporisés ou qui peuvent être utilisés à cet effet, les seules affirmations et dénégations avancées par le requérant en guise d’argumentation sont insuffisantes pour constituer un moyen juridique suffisamment sérieux pour justifier le sursis 6 sollicité ; par ailleurs l’arrêt de la Cour constitutionnelle2 tel que cité par le requérant semble, contrairement à l’interprétation en faite par le requérant, plutôt avaliser une référence plus générale en tant que base légale d’imposition, en ce que les termes généraux discutés dans ce cas d’espèce « constituent des supports normatifs légaux suffisants pour délimiter raisonnablement l’assiette sur laquelle la taxe additionnelle est susceptible de s’appliquer ».

Il en va de même de l’étude citée par le requérant, relative à la taxation en Belgique du cannabis, qui semble admettre comme base légale suffisante la loi belge du 3 avril 19973, la seule question se posant étant celle de savoir si le caractère illicite du cannabis - question ne se posant actuellement plus au Grand-Duché de Luxembourg -, ne constituerait pas un obstacle à sa soumission aux accises.

Quant à la décision du tribunal fédéral suisse4 relative aux fleurs de cannabis, cet arrêt ne semble a priori, au terme d’une analyse nécessairement superficielle, pas être transposable, alors que visant à première vue le cas spécifique de fleurs de cannabis vendues comme thé ou nourriture et pas comme produit à fumer, de sorte à ne pas pouvoir être considérées comme substitut aux produits du tabac conventionnels.

Enfin, la question de la nocivité des produits de CBD, question certes pertinente dans le cadre de la loi anti-tabac, semble être totalement étrangère à la question de leur taxation, assise a priori sur le règlement ministériel du 25 juillet 1997 portant publication de la loi belge du 3 avril 1997 ainsi que sur le règlement ministériel du 18 mars 2010 portant publication de la loi belge du 22 décembre 2009 relative au régime général d’accise, cette dernière loi renvoyant explicitement à la loi belge du 3 avril 1997.

Aussi, la question de l’absence alléguée de base légale ne convainc pas en l’état actuel du dossier et de l’argumentation telle que fournie par le requérant ; elle requiert en tout état de cause une argumentation plus poussée de la part du requérant. Or, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire.

Quant aux moyens directement dirigés contre la décision, ainsi qualifiée, de l’administration des Douanes et Accises, intervenue suite au recours gracieux du requérant, il est de jurisprudence constante que le recours gracieux ne se conçoit pas à l’égard de textes normatifs de nature législative ou réglementaire et donc d’essence politique, la Constitution et la loi ayant au demeurant mis en place des recours en annulation ou en contrôle propres à cette catégorie d’actes des pouvoirs publics, soit le recours devant la Cour constitutionnelle et le recours en annulation d’un acte à caractère réglementaire devant les juridictions administratives5 : il paraît dès lors douteux, à défaut de possibilité d’introduire un recours gracieux par rapport à ce que le requérant considère comme acte de nature règlementaire, qu’un tel recours gracieux puisse provoquer l’émission d’une décision susceptible de recours.

2 Arrêt n° 38/07 du 2 mars 2007 ; voir aussi trib. adm. 25 juin 2007, n° 20976a du rôle.

3 L. de Wind, La fiscalité du cannabis - une étude exploratoire, mémoire, 2017, p.25.

4 Arrêt du 29 janvier 2020 (2C_348/2019) 5 Cour adm. 12 décembre 1998, n° 10452C e. a, Pas. adm. 2019, V° Actes réglementaires, n° 15, et autres références y citées.

7 Enfin, en ce qui concerne le défaut de motivation allégué, il convient de rappeler que la jurisprudence retient l’absence d’exigence légale ou réglementaire spécifique à l’indication formelle des motifs des actes règlementaires6, tout comme elle a retenu7 que les dispositions du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, notamment celles relatives à l’indication des motifs et des voies de recours ne s’appliquent pas aux actes règlementaires, étant donné qu’en vertu de la loi habilitante du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, les règles établies par ledit règlement grand-ducal ne concernent que les décisions administratives individuelles.

Le requérant est partant à débouter de sa demande en institution d’un sursis à exécution.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;

rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution ;

condamne le requérant aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 juillet 2020 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 juillet 2020 Le greffier du tribunal administratif 6 Cour adm. 23 février 2006, n° 20173C, Pas. adm. 2019, V° Actes réglementaires, n° 30, et autres références y citées.

7 Voir notamment trib. adm. 4 juillet 2000, n° 11385, Pas. adm. 2019, V° Actes réglementaires, n° 30, et autres références y citées.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 44631
Date de la décision : 15/07/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 23/09/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2020-07-15;44631 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award