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22/10/2019 | LUXEMBOURG | N°43589

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 octobre 2019, 43589


Tribunal administratif N° 43589 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 septembre 2019 Audience publique du 22 octobre 2019 Requête en institution d’un sursis à exécution sinon d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Weiswampach, en présence de la société à responsabilité limitée …., …, en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 43589 du rôle et

déposée le 25 septembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian BILTGEN, av...

Tribunal administratif N° 43589 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 septembre 2019 Audience publique du 22 octobre 2019 Requête en institution d’un sursis à exécution sinon d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Weiswampach, en présence de la société à responsabilité limitée …., …, en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 43589 du rôle et déposée le 25 septembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian BILTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, demeurant à …, tendant à voir ordonner qu’il soit sursis à l’exécution d’une autorisation de bâtir délivrée le 24 janvier 2019 par le bourgmestre de la commune de Weiswampach sous la référence n° … et autorisant la société…, établie et ayant son siège social à …, inscrite au RCS sous le numéro …, à construire un immeuble à 6 appartements sur une parcelle sise à …, inscrite au cadastre de la commune de Weiswampach, section … de …, au lieu-dit « … », n°…, sinon à voir ordonner toute mesure de sauvegarde utile et destinée à protéger ses intérêts, notamment interdire tout début de chantier et continuation de travaux sur la parcelle n°… jusqu’à la décision au fond, cette autorisation étant encore attaquée au fond par une requête en réformation sinon en annulation introduite le même jour, portant le numéro 43588 du rôle ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick MULLER, demeurant à Diekirch, du 4 octobre 2019, portant signification des requêtes au fond et en institution d’une mesure provisoire à l’administration communale de Weiswampach ainsi qu’à la société … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Laura GEIGER, en remplacement de l’huissier de justice Carlos CALVO, demeurant à Luxembourg, du 4 octobre 2019, portant signification des requêtes au fond et en institution d’une mesure provisoire à l’administration communale de Weiswampach ainsi qu’à la société à responsabilité limitée … ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée au provisoire ;

Maître Christian BILTGEN, pour le requérant, ainsi que Maître Marc BECKER, en remplacement de Maître Jean-Luc GONNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, constitué pour la commune de Weiswampach, et Maître Laurent LIMPACH, en remplacement de Maître Alain GROSS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, constitué pour la société …. entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 octobre 2019.

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Il résulte des explications du requérant ainsi que des pièces versées en cause que la construction d’un immeuble à 6 appartements fut autorisée par le bourgmestre de la commune de Weiswampach sur une parcelle sise à …, inscrite au cadastre de la commune de Weiswampach, section … de …, au lieu-dit « … », n°… au profit de la société ….

Monsieur …, s’estimant lésé par ce projet en tant que voisin, propriétaire de trois parcelles sises à proximité du projet de construction, fit introduire le 15 avril 2019 un recours gracieux à l’encontre de cette autorisation de construire.

A défaut de toute réponse endéans le délai de trois mois après la réception par le bourgmestre du prédit courrier recommandé du 15 avril 2019, Monsieur … a, par requête déposée le 25 septembre 2019 et inscrite sous le numéro 43588, introduit un recours en réformation sinon en annulation contre l’autorisation de construire précitée ainsi que contre la décision de refus implicite de son recours gracieux, résultant du silence gardé pendant plus de trois mois par le bourgmestre. Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 43589 du rôle, il a encore demandé à voir prononcer une mesure provisoire par rapport à la seule autorisation de construire telle que déférée aux juges du fond, consistant en substance à faire obstacle à tout début de chantier et à toute continuation de travaux sur la parcelle n° … en attendant la solution de son recours au fond.

Monsieur … affirme avoir un intérêt à agir à l’encontre de cette autorisation dans la mesure où en tant que propriétaire de trois parcelles sise à …, lieu-dit « … » inscrites au cadastre sous les numéros …, … et …, sises à proximité immédiate de l’immeuble projeté, il craindrait une dépréciation de valeur de ses propriétés suite à l’implantation dans le village de … d’une résidence à 6 appartements, laquelle engendrerait un risque d’un trafic agrandi ainsi que d’une dépréciation monétaire de ses immeubles à cause des nuisances sonores découlant du trafic. Il affirme que de surcroît qu’il aurait tous les jours une vue directe sur l’immeuble projeté, de sorte à devoir faire face tous les jours avec une bâtisse non conforme au règlement des bâtisses, ce qui engendrerait de grandes frustrations morales dans son chef.

Monsieur … estime encore que son recours au fond aurait de sérieuses chances de succès de voir annuler le permis querellé et il se prévaut en substance des moyens d’annulation suivants :

Ainsi, après avoir rappelé que la parcelle devant accueillir le projet d’immeuble résidentiel litigieux se trouve en zone mixte, il s’empare de l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain pour soutenir que cette disposition aurait été violée, au motif que l’autorisation de bâtir litigieuse n’aurait pas été publiée sur le site internet de l’administration communale de Weiswampach.

Il se prévaut ensuite de l’article 4 du règlement des bâtisses de la commune de Weiswampach, imposant une profondeur de construction maximale de 16 mètres, alors que la profondeur de l’immeuble projeté serait de 16,10 mètres au moins par endroits.

Sur base de l’article 3 du même règlement des bâtisses, lequel imposerait un recul latéral de 4 mètres lorsque l’immeuble n’est pas implanté en marge de propriété, il soutient que ce recul ne serait pas respecté alors que l’espace entre l’immeuble projeté et la limite latérale de la propriété serait partiellement encombré par un escalier de sortie de secours.

2 Il affirme encore que le recul antérieur (Baufluchtlinie) découlant de l’article 3 du règlement des bâtisses de 6 mètres ne serait pas non plus respecté, alors que par endroits il ne serait que de 5 mètres.

Il reproche ensuite au projet tel qu’autorisé que la hauteur de la corniche serait de 6,98 mètres et celle du toit de 9,21 mètres alors que l’article 3 prévoirait un schéma indiquant les hauteurs des corniches à 6 mètres et du toit à 9 mètres.

Il critique encore le projet pour n’avoir jamais été continué pour avis à la commission des bâtisses communale.

Monsieur … donne par ailleurs à considérer que … serait un petit village d’à peine … habitants et que le projet litigieux serait la première résidence dans ce petit bourg. Or, en vertu de l’article 43 (« Landschaftsschutz ») du règlement des bâtisses une atteinte à l’aspect général du bourg serait interdite et une bâtisse portant atteinte à cet aspect ne saurait être autorisée.

S’emparant encore de l’article 42 (« Gemeinschaftseinrichtungen ») du règlement sur les bâtisses, il critique le fait que l’immeuble projeté ne prévoirait aucune installation commune telle que buanderie ou pièce destinée à accueillir les vélos ou poussettes.

Enfin, il fait plaider qu’une résidence nécessiterait un plan d’aménagement particulier, de sorte qu’une simple autorisation de bâtir violerait la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain en ses articles 108 bis § 2 et 108 ter.

L’administration communale de Weiswampach ainsi que la société à responsabilité limitée …. soulèvent d’abord le défaut d’intérêt dans le chef de Monsieur … ; elles concluent ensuite au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause, tout en soulevant la forclusion du recours au fond.

En vertu de l’article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 25 septembre 2019 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

En ce qui concerne la condition d’un préjudice grave et définitif, il convient de rappeler qu’un préjudice est grave au sens de l’article 11 de la loi prévisée du 21 juin 1999 lorsqu’il dépasse par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société et doit dès lors être considéré comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.

3 Toutefois, la preuve de la gravité du préjudice implique en principe que le demandeur donne concrètement des indications concernant la nature et l’ampleur du préjudice prévu, et qui démontrent le caractère difficilement réparable du préjudice1.

Force est toutefois de constater que la partie requérante fait dans sa requête l’impasse sur la condition de l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, en ne prenant pas position de manière concrète par rapport à un tel risque. Or, le juge du provisoire ne peut avoir égard qu’aux arguments contenus dans la requête et doit écarter les éléments développés par le conseil de la partie requérante, pour la première fois, à l’audience2.

Il convient à cet égard de souligner que si, en ce qui concerne la seconde condition, à savoir l’existence de moyens sérieux, le juge du provisoire est appelé à se référer aux moyens invoqués au fond, même si ceux-ci ne sont pas explicitement développés dans la requête en obtention d’une mesure provisoire, il en va différemment de la condition tendant à l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, s’agissant d’un élément propre et spécifique au référé, conditionnant l’office du juge statuant au provisoire: la preuve de la gravité du préjudice implique en principe que le requérant donne concrètement des indications concernant la nature et l’ampleur du préjudice prévu, et qui démontrent le caractère difficilement réparable du préjudice, étant relevé que dans un souci de garantir le caractère contradictoire des débats, le juge du provisoire ne peut de surcroît avoir égard qu’aux arguments contenus dans la requête et doit écarter les éléments développés par le conseil de la partie requérante, pour la première fois, à l’audience.

Il n’appartient par ailleurs pas au juge du provisoire d’analyser de son propre chef et sa propre initiative le recours au fond pour y déceler d’éventuels éléments susceptibles de constituer dans le cadre du recours en obtention d’une mesure provisoire des moyens relatifs à l’existence d’un préjudice grave et définitif, l’office du juge du provisoire ne consistant pas à suppléer à la carence de la partie requérante et à rechercher lui-même dans un autre acte de procédure les moyens qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.

Enfin, le soussigné tient à rappeler que l’institution d’une mesure provisoire devant rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’elle constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

Plus particulièrement, lorsque la mesure sollicitée, telle qu’en l’espèce l’arrêt des travaux du projet immobilier litigieux, constitue une mesure grave, susceptible d’avoir des conséquences financières et économiques importantes pour le bénéficiaire de l’autorisation querellée et d’engager, le cas échéant, la responsabilité du magistrat appelé à prendre une telle mesure, ce dernier est en droit d’attendre que le requérant prenne explicitement position par rapport aux deux conditions prévues par la loi et, en particulier, convainque le juge du provisoire de la nécessité d’ordonner la mesure sollicitée afin d’empêcher précisément la survenance d’un dommage grave et irréversible dans son chef.

Or, force est de retenir que la partie requérante reste en défaut de prouver, voire seulement d’exposer en quoi l’autorisation de bâtir risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif, puisque la preuve de la gravité du préjudice implique en principe que les parties requérantes donnent concrètement des indications concernant la nature et l’ampleur du 1 Trib. adm. prés. 10 juillet 2013, n° 32820, Pas. adm. 2018, V° Procédure contentieuse, n° 584.

2 Voir trib. adm. prés. 9 février 2018, n° 40722 ; trib. adm. prés. 7 novembre 2018, n° 41907.

4 préjudice prévu, et qui démontrent le caractère difficilement réparable du préjudice, étant entendu que l’indication d’un éventuel intérêt à agir est de ce point de vue insuffisant. En effet, si la reconnaissance d’un risque de préjudice grave et définitif dans le chef d’un requérant implique nécessairement l’existence dans son chef d’un intérêt à agir, l’inverse n’est pas vrai puisqu’un administré peut disposer d’un intérêt à agir à voire contrôler la légalité d’un acte administratif lui faisant grief, sans toutefois que ce grief ne soit grave et irréversible.

La seule situation de voisin, même direct, n’implique dès lors pas, ipso facto, automatiquement, l’existence d’un préjudice grave et définitif3.

Faute de toute information détaillée y relativement, le risque d’un préjudice grave et définitif n’est par conséquent pas justifié à suffisance de droit.

A titre tout à fait superfétatoire, et ce aux seules fins de permettre à la partie requérante d’analyser l’opportunité de maintenir son recours au fond, il convient ensuite de rappeler que, concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Ainsi, le juge du référé est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision attaquée.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Au niveau de l’examen des moyens d’annulation invoqués à l’appui du recours au fond, l’examen de ses chances de succès appelle le juge administratif saisi de conclusions à des fins de sursis à exécution, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant 3 Voir trib. adm. prés. 18 mars 2019, n° 42408.

5 susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et à vérifier si un des moyens soulevés par la partie demanderesse apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation voire la réformation de la décision critiquée.

Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

En ce qui concerne les moyens de la partie requérante développés devant les juges du fond, force est au soussigné de retenir qu’aucun de ces moyens ne convainc en l’état actuel du dossier.

En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain pour soutenir que cette disposition aurait été violée, au motif que l’autorisation de bâtir litigieuse n’aurait pas été publiée sur le site internet de l’administration communale de Weiswampach, s’il est vrai que ledit article prévoit en son alinéa 6 que « Un certificat délivré par le bourgmestre attestant que la construction projetée a fait l’objet de son autorisation est affiché par le maître de l’ouvrage aux abords du chantier, de manière aisément visible et lisible à partir de la voie publique par les personnes intéressées. Le certificat mentionne que le public peut prendre inspection à la maison communale des plans afférents appartenant à l’autorisation de construire, pendant le délai durant lequel l’autorisation est susceptible de recours. Une information mentionnant la délivrance de l’autorisation de construire est publiée sur le site internet de la commune », il est constant en cause que l’autorisation de construire du 24 janvier 2019 a été affichée le 20 février 2019 sur la parcelle concernée par le projet de construction où le requérant en a pris connaissance, de sorte qu’à défaut de tout grief dans le chef de celui-ci résultant de l’absence avérée d’information sur le site internet de la commune, une éventuelle annulation par les juges du fond de l’autorisation de construire déférée pour ce seul motif paraît peu probable.

En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 4 du règlement des bâtisses de la commune de Weiswampach, imposant une profondeur de construction maximale de 16 mètres, il est apparu lors de l’audience des plaidoiries que le projet accuserait en fait une profondeur de 16,04 mètres.

Or, il n’appert pas à ce stade d’instruction du dossier que la différence apparaissant ainsi soit de nature à entraîner l’annulation de la décision déférée.

En effet, dans une autre affaire d’urbanisme la Cour administrative4 a fait application pour une différence similaire - il s’agissait alors d’une différence de 8 cm - du principe général « de minimis » en considérant en termes de « réalisme urbanistique » que la différence affirmée d’un maximum de 8 cm constatée ex post par rapport à une autorisation de construire conférée serait à tel point proche de zéro qu’elle ne serait pas de nature à remettre en cause la régularité de l’autorisation en cause.

Il est vrai que les juges du fond siégeant en première instance ne semblent pas partager cette approche5 : le soussigné ne saurait toutefois à ce stade ignorer l’arrêt de la Cour administrative, de sorte que le moyen ainsi avancé ne revêt pas le sérieux suffisant.

4 Cour adm. 20 mars 2014, n° 33689C, voir aussi trib. adm. prés. 10 janvier 2018, n° 40312, et trib. adm. prés. 6 mars 2019, n° 40719.

5 Voir trib. adm. 19 juin 2019, n° 39864 et trib. adm. 3 juin 2019, n° 40718.

6 Par ailleurs, le grief - éventuel - résultant pour le requérant de ce dépassement minimal est, en tout état de cause, imperceptible dans son chef à partir des terrains lui appartenant, et ne saurait, au vu de l’exigence d’un préjudice grave et définitif, justifier sur cette seule base le sursis sollicité.

Le requérant entend ensuite s’emparer de l’article 3 du même règlement des bâtisses pour critiquer une violation du recul latéral et du recul antérieur règlementaire, ainsi que de la hauteur maximale admissible.

Force est toutefois de constater que s’il est constant en cause que le projet litigieux se situe en zone mixte, les dispositions de l’article 3 visent les « reine Wohngebiete », de sorte à ne pas être à première vue applicables.

Si le requérant souligne certes que l’article 4, relatif aux « Mischgebiete », contient une disposition libellée comme suit « Reine Wohnbauten müssen die Bedingungen der Wohnzone einhalten », il ne paraît pas évident que cette disposition, insérée dans un alinéa concernant la question de la « Bautiefe », soit applicable à l’ensemble des prescriptions régissant les « reine Wohnbauten » sises en zone mixte, eu égard notamment au caractère de règlement de police du règlement des bâtisses imposant une interprétation stricte6.

Le soussigné note par ailleurs que l’article 4 du règlement sur les bâtisses semble avoir subi une modification en 1993, aux termes de laquelle « Wird die volle Grundstücksfläche nicht bebaut, ist kein spezifischer Seitenabstand vorgeschrieben unter dem Vorbehalt, dass der Bürgermeister im Interesse der Bewahrung der öffentlichen Salubrität und Hygiene, einen spezifischen Abstand vorschreiben kann, dies zur Gewährleistung der besseren Sauberhaltung der Grundstücke », de sorte apparemment, sauf considération de salubrité, à ne plus exiger de recul latéral en zone mixte.

Quant à l’invocation d’un schéma à l’appui des critiques relatives à la hauteur du projet, ledit schéma semble, aux termes d’une analyse nécessairement sommaire, tel qu’indiqué, se limiter dans sa portée aux « Grundabstände bei Bauten im Wohngebiet », tandis que l’article 4, pour sa part, prévoit une hauteur maximale à la faitière de 10 mètres, hauteur maximale dont se prévaut l’administration communale.

Si le requérant critique encore le projet pour n’avoir jamais été continué pour avis à la commission des bâtisses communale, il est toutefois de jurisprudence constante que comme la saisine de la commission des bâtisses ne constitue qu’une faculté dans le chef du bourgmestre, qui décide seul des questions à lui soumettre, la non-consultation de la commission des bâtisses n’est pas de nature à entraîner l’annulation d’un permis de bâtir7.

Le moyen afférent ne présente dès lors pas non plus le sérieux nécessaire.

En ce qui concerne l’invocation de l’article 43 (« Landschaftsschutz ») du règlement sur les bâtisses communal et d’une atteinte à l’aspect général du village de … par le projet de construction d’une résidence à 6 appartements, il s’agit de prime abord d’un moyen basé sur une appréciation subjective, échappant a priori à l’appréciation des juges du fond, statuant en 6 Trib. adm. 13 février 2017, n° 37438, Pas. adm. 2018, V° Lois et règlements, n° 145.

7 P.ex. : trib. adm. 18 juin 2008, n° 23740, Pas. adm. 2018, V° Urbanisme, n° 390, ou encore trib.adm. 9 février 2000, n° 11418, confirmé par arrêt du 13 juillet 2000, n° 11881C, Pas. adm. 2018, V° Urbanisme, n° 485.

7 tant que juges de l’annulation, sauf dépassement de la marge d’appréciation du bourgmestre.

Or, factuellement, si … apparaît certes être un petit bourg rural, il ne paraît pas de manière évidente et manifeste que l’implantation d’une relativement petite résidence ait un impact majeur sur le paysage de la localité, caractérisé par la présence de nombreux et massifs halls agricoles modernes, bardés d’installations photovoltaïques disgracieuses.

En ce qui concerne le reproche basé sur l’article 42 (« Gemeinschaftseinrichtungen ») du règlement sur les bâtisses et sur l’absence - avérée - de toute installation commune telle que buanderie ou pièce destinée à accueillir les vélos ou poussettes, il y a lieu de rappeler que la demande de suspension a pour objet d’empêcher, temporairement, la survenance d’un préjudice grave et définitif ; les effets de la suspension étant d’interdire à l’auteur de l’acte de poursuivre l’exécution de la décision suspendue. Par ailleurs, comme le sursis à exécution doit rester une procédure exceptionnelle, puisqu’il constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

Il en résulte qu’un sursis à exécution ne saurait être ordonné que si le préjudice invoqué par le requérant résulte de l’exécution immédiate de l’acte attaqué, la condition légale n’étant en effet pas remplie si le préjudice ne trouve pas sa cause dans l’exécution de l’acte attaqué :

en d’autres termes, la décision contestée doit porter préjudice ou atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, aux intérêts du requérant.

Dans cette optique, propre au cadre strict et exceptionnel des demandes en obtention de mesures provisoires devant le juge administratif, ce dernier n’est pas tenu d’examiner tous les moyens du requérant, en ce compris des moyens dépourvus de toute incidence sur la situation concrète de celui-ci, mais peut se limiter à analyser sommairement les seuls moyens du requérant en relation directe avec le préjudice grave et irréversible allégué, le propre du référé administratif étant, comme relevé ci-avant, précisément d’éviter à un administré la survenance d’un préjudice grave et irréparable. En d’autres termes, le juge du provisoire n’est pas tenu d’examiner des moyens qui éventuellement pourraient aboutir à l’annulation de la décision déférée, mais qui, s’agissant de moyens sans incidence de fait ou de droit sur la situation de l’administré, ne présentent aucun lien avec le préjudice allégué qu’il conviendrait d’éviter d’urgence.

Il suit partant de ce qui précède que le préjudice grave et définitif est à apprécier par rapport aux travaux envisagés, en ce que ceux-ci sont de nature à nuire au requérant. En effet, dans ce contexte, il importe de vérifier en quoi la situation de voisin se trouve aggravée par un quelconque élément de l’autorisation de construire critiquée, de sorte qu’un requérant n’est pas recevable à faire contrôler sommairement la légalité de moyens tirés d’éléments qui n’ont pas d’impact direct sur sa situation personnelle. Par ailleurs, l’exposé du préjudice grave et définitif ne saurait se limiter à un exposé théorique, se cantonner à la seule évocation de précédents ou encore consister en des considérations générales. Le juge du provisoire ne peut de surcroît avoir égard qu’aux arguments contenus dans la requête et doit écarter les éléments développés par le conseil du requérant, pour la première fois, à l’audience.

En l’espèce, l’absence de buanderie ou de local destiné à accueillir des vélos ou des poussettes ne saurait être raisonnablement considérée comme contribuant d’une quelconque manière à un éventuel préjudice dans le chef du requérant, propriétaire de terrains sis de l’autre côté de la route et à quelque distance du terrain devant accueillir le projet litigieux, de sorte que ce moyen ne saurait être examiné dans le cadre des présentes.

8 Enfin, l’invocation d’une jurisprudence donnée, datant de 2007 et basée sur l’état de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain alors en vigueur, ne saurait être considérée comme moyen suffisant et sérieux, les bases légales ayant amené les juges à l’époque à adopter cette solution, à savoir les articles 108 bis (3), alinéa 2 et 108 ter de cette loi ayant depuis fait l’objet de modifications, voire d’abrogations, la loi telle qu’actuellement en vigueur ne prévoyant ainsi plus d’article 108 bis (3).

Le requérant est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage les moyens lui opposé en défense des irrecevabilités tirées d’un défaut d’intérêt à agir et de la tardivité, lesquelles ne visent pas, de manière spécifique, l’irrecevabilité de la mesure de sursis à exécution, mais celle du recours introduit au fond contre la décision que le requérant entend attaquer. Ces moyens en question touchent partant le fond du droit et relèvent plus spécifiquement du caractère sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours au fond, caractère sérieux d’ores et déjà abjugé.

L’administration communale de Weiswampach a de son côté formulé une demande en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.500.- euros.

Toutefois, au vu des circonstances particulières du présent litige et du fait que Monsieur … a été obligé de se pourvoir en justice sous l’assistance d’un avocat pour voir éclaircir ses critiques par rapport au projet de construction litigieux, alors que l’administration communale, plutôt que de répondre de manière circonstanciée au recours gracieux lui adressé le 15 avril 2019, recours gracieux contentant déjà les critiques ci-avant analysées de manière sommaire, n’a pas pris position y relativement, la demande en obtention d’une indemnité de procédure de la part de l’administration communale est à rejeter, alors qu’une réponse du bourgmestre aurait le cas échéant permis d’éviter le présent litige et les frais de justice afférents.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;

rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par l’administration communale de Weiswampach ;

condamne le requérant aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 octobre 2019 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 octobre 2019 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 43589
Date de la décision : 22/10/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2019-10-22;43589 ?

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