Tribunal administratif N° 42828 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mai 2019 Audience publique du 15 mai 2019 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Monsieur …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L. 18.12.2015)
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 42828 du rôle et déposée le 10 mai 2019 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée NCS AVOCATS S.à r.l., inscrite sur la liste V du Tableau de l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg, représentée par son gérant actuellement en fonctions, Maître Aline CONDROTTE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à …, tendant à voir ordonner une mesure provisoire, consistant en l’institution d’une mesure de sauvegarde par rapport à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 10 avril 2019 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision, un recours en réformation et en annulation dirigé contre la prédite décision ministérielle du 10 avril 2019, prise en son double volet, inscrit sous le numéro 42827, introduit le même jour, étant pendant devant le tribunal administratif ;
Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée au fond ;
Maître Aline CONDROTTE, pour le requérant, et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH entendues en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.
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Le 13 octobre 2017, Monsieur … introduisit une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par « la loi du 18 décembre 2015 ».
En date des 27 et 28 novembre 2018, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par une décision du 10 avril 2019, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le 15 avril 2019, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », rejeta la demande de protection internationale de Monsieur … et lui ordonna de quitter le territoire luxembourgeois dans un délai de trente jours.
1 Par requête déposée le 10 mai 2019 au greffe du tribunal administratif et inscrite sous le numéro 42827 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant aux termes de son dispositif à la réformation de la décision du ministre du 10 avril 2019 portant refus de la reconnaissance d’un statut de protection internationale et à la seule annulation de la décision du même jour, inscrite dans le même document, portant à son égard ordre de quitter le territoire.
Par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 42828 du rôle, il sollicite l’institution de mesures de sauvegarde par rapport à la décision du 10 avril 2019 en son double volet.
A l’appui de son recours en obtention d’une mesure provisoire, Monsieur … affirme être exposé à un préjudice grave et définitif imminent, alors qu’à défaut de mesure de sauvegarde, il serait dans l’obligation de quitter le territoire du Grand-Duché du Luxembourg sans avoir obtenu la chance de faire entendre ses arguments quant à sa demande de protection internationale, mais en voyant au contraire sa chance de demeurer au Grand-Duché du Luxembourg anéantie. Il expose encore à cet égard suivre une formation en vente ainsi que des cours de luxembourgeois et s’être engagé comme co-coach de football. Aussi, sans la mesure de sauvegarde sollicitée, il devrait abandonner toute cette situation sociale qu’il aurait créée en venant au Luxembourg. Par ailleurs, il risquerait, en retournant en Côte d’Ivoire, d’être emprisonné ou tué par les mêmes agresseurs qui auraient tué son frère avant même qu’une décision au fond soit intervenue, de sorte qu’il conviendrait de lui accorder une mesure de sauvegarde afin qu’il puisse demeurer au Luxembourg en attendant une décision définitive au fond.
Monsieur … insiste encore sur le fait et que les moyens exposés dans son recours au fond seraient suffisamment sérieux pour justifier la mesure provisoire sollicitée.
Le délégué du gouvernement pour sa part conclut d’abord à l’irrecevabilité du recours en obtention d’une mesure de sauvegarde et ensuite au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause.
En vertu de l’article 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif ou le magistrat le remplaçant peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire, à l’exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.
Sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d’admettre que l’institution d’une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l’appui du recours.
Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.
2 Tel que soulevé et discuté à l’audience publique, la loi du 18 décembre 2015 prévoit à travers ses articles 35 (1) et 36 (1) que les décisions de refus de la demande de protection internationale et l’ordre de quitter le territoire peuvent faire l’objet d’un recours en réformation devant le tribunal administratif, recours qui bénéficie d’un effet suspensif, lesdites dispositions étant libellées comme suit :
« Art. 35. (1) Contre les décisions de refus ou de retrait de la demande de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Les deux recours doivent faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Le recours doit être introduit dans le délai d’un mois à partir de la notification. Par dérogation à la législation en matière de procédure devant les juridictions administratives, il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. Le mémoire en réponse doit être fourni dans un délai de deux mois à dater de la signification de la requête introductive. (…) Art. 36. (1) Les recours prévus à l’article 35, paragraphes (1) et (2), ont un effet suspensif. Le ministre autorise le demandeur à rester sur le territoire jusqu’à l’expiration des délais fixés pour l’exercice des recours et, s’il constate que ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l’attente de l’issue du recours. (…) » Le soussigné est partant amené à constater l’existence d’une disposition légale conférant un effet suspensif automatique à un recours au fond, autorisant le requérant à rester sur le territoire jusqu’à l’issue de ce recours au fond, de sorte à conférer automatiquement, par la loi, la mesure à laquelle sous-tend la requête en référé sous examen.
La requête en obtention de la mesure provisoire telle que sollicitée est partant superfétatoire ; elle doit par ailleurs encore être rejetée pour absence de risque de préjudice grave et définitif, l’ordre de quitter le territoire ne pouvant, par les effets de la loi, pas être exécuté jusqu’à ce que les juges du fond aient statué au fond.
Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;
déclare irrecevable la requête en institution d’une mesure de sauvegarde ;
condamne le requérant aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 mai 2019 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.
s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 mai 2019 Le greffier du tribunal administratif 3