GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 42391C Inscrit le 21 février 2019
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Audience publique du 28 mars 2019 Appel formé par Madame … et Monsieur …, …, contre une ordonnance du président du tribunal administratif du 18 janvier 2019 (n° 42209 du rôle) en matière d’échange de renseignements - accès au dossier
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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 42391C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 21 février 2019 par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Madame … et de son époux, Monsieur …, demeurant ensemble à L-…, dirigé contre l’ordonnance rendue par le président du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 18 janvier 2019, par laquelle a été rejetée leur demande en institution d’une mesure provisoire par rapport à une décision datée du 31 décembre 2018, référencée sous le n° …, émise par l’administration des Contributions directes, portant refus de communication de la demande d’assistance apparemment formulée par les autorités compétentes françaises, un recours en réformation, sinon en annulation, inscrit sous le numéro 42208 du rôle, dirigé contre la même décision ainsi que « contre toute décision de l’Administration des Contributions Directes qui y ferait droit, ne serait-ce que partiellement », étant pendant devant le tribunal administratif;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 25 février 2019 par le délégué du gouvernement;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Max MULLER, en remplacement de Maître Charles KAUFHOLD, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 mars 2019.
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Le 10 janvier 2019, les époux … et … saisirent le tribunal administratif d’un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur des Contributions directes prise en date du 31 décembre 2018 par laquelle a été rejetée leur demande en communication d’une demande d’assistance que les autorités compétentes françaises auraient 1 soumise aux autorités luxembourgeoises, ainsi que « toute décision de l’Administration des Contributions Directes qui y ferait droit, ne serait-ce que partiellement ».
Par requête déposée en date du même jour, ils firent encore introduire auprès du président du tribunal administratif une demande tendant à voir prononcer le sursis à exécution de la susdite décision directoriale de refus et à voir « ordonner à l’Etat de communiquer la requête des autorités françaises et informer les administrés des suites qui y ont été réservées ainsi qu’informer les administrés de toute autre requête future émanant des autorités françaises afin qu’ils puissent adopter un comportement approprié sans se voir violer leurs droits ».
Par ordonnance du 18 janvier 2019, le président du tribunal administratif rejeta cette demande en institution d’une mesure provisoire.
Le 21 février 2019, les époux … ont relevé appel contre cette ordonnance.
Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité de cet appel au motif qu’un appel ne serait pas prévu en la matière.
Les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives accordent une compétence au président du tribunal administratif pour ordonner respectivement un sursis à l’exécution d’une décision administrative querellée devant le juge administratif ou l’institution d’une mesure de sauvegarde tant qu’une instance se trouve pendante devant le tribunal administratif.
Il est expressément disposé par l’article 11 (6) de la même loi, que l’ordonnance à rendre par le président du tribunal administratif est exécutoire dès sa notification et qu’« elle n’est susceptible d’aucune voie de recours ».
Ceci dit, ni la loi du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignements en matière fiscale, ni une quelconque autre disposition légale ne déroge au droit commun posé en la matière par les susdits articles 11 et 12 de la loi prévisée du 21 juin 1999 pour conférer une compétence à la Cour administrative pour statuer, directement ou indirectement, par la voie d’un appel contre une ordonnance présidentielle, sur une demande en sursis à exécution d’une décision administrative ou en institution d’une mesure de sauvegarde. - Pour être complet, il convient de rappeler que la seule disposition envisageant la faculté d’ordonner l’effet suspensif d’un recours pendant le délai et l’instance d’appel est l’article 35 de la loi prévisée du 21 juin 1999, la juridiction compétente pour ce faire n’étant cependant pas la Cour administrative, mais le tribunal administratif, statuant dans le cadre d’un jugement tranchant le principal ou une partie du principal, dès lors que l’exécution de la décision risque de causer un préjudice grave et définitif.
Il s’ensuit que la juridiction saisie n’est pas compétente pour connaître de la voie de recours lui soumise par les appelants.
Le moyen effleuré par le mandataire des appelants à l’audience des plaidoiries basé en substance sur ce qu’une possibilité d’appel devrait être dégagée de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour garantir un recours effectif en la matière est à rejeter. En effet, indépendamment de toutes autres considérations, s’il est vrai que l’article 13 de ladite Convention exige que toute personne dont les droits sont 2 violés dispose d'un recours effectif devant une instance nationale, force est de constater qu’un recours est précisément organisé par le législateur en ce qu’il a conféré aux victimes d'actes ayant l'apparence d'illégalité de faire ordonner au provisoire une mesure de sauvegarde à l’encontre de ces actes. Ainsi, il ne saurait être question d’une absence de recours effectif, le raisonnement sous-tendant le moyen avancé paraissant procéder d'une confusion des notions de recours et d'appel. Au-delà, il convient de rappeler le caractère essentiellement provisoire des mesures provisoires à ordonner par le président du tribunal administratif, en ce que ces mesures cessent de produire leur effet au moment de la prise de la décision à rendre par le tribunal administratif au fond, le législateur ayant considéré que le « contrôle réel et efficace » des ordonnances rendues en la matière se fait au niveau de la « composition collégiale du tribunal ».
Eu égard à l'issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure, encore formulée par les appelants, est à rejeter.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties;
se déclare incompétente pour connaître du recours lui soumis;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par les appelants;
condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par:
Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.
s. SCHINTGEN s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 avril 2019 Le greffier de la Cour administrative 3