Tribunal administratif N° 42393 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 février 2019 Audience publique du 28 février 2019 Requête en instauration d’un sursis à exécution par Monsieur …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 42393 du rôle et déposée le 21 février 2019 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée CHATEAUX Avocats S.AR.L., inscrite sur la liste V auprès du Barreau de Luxembourg et sous le numéro B. 225.797 auprès du Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg, représentée par son gérant unique actuellement en fonctions, Maître Alexandre CHATEAUX, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Serbie), demeurant à …, tendant à l’instauration d’un sursis à exécution par rapport à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, datée du 15 juin 2018, lui ayant retiré le droit de séjour permanent tout en lui ayant imparti l’ordre de quitter le territoire, ainsi que contre une décision confirmative du même ministre du 14 novembre 2018, intervenue sur recours gracieux, un recours en réformation, sinon en annulation ayant été par ailleurs introduit au fond contre les décisions ministérielles en question par requête introduite le 12 février 2019, inscrite sous le numéro 42348 du rôle ;
Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées et notamment les décisions déférées ;
Maître Alexandre CHATEAUX et Madame le délégué du gouvernement Christiane MARTIN entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 février 2019.
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Il résulte des explications fournies en cause que Monsieur …, ressortissant serbe, contracta mariage en secondes noces avec Madame …, ressortissante hongroise, en date du 11 juin 2014 et se vit délivrer en date du 10 janvier 2018 une carte de séjour de membre de famille avec effet jusqu’au 13 juillet 2019.
Par courrier du 24 mai 2018, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur … de ce qu’il envisageait de considérer son séjour sur le territoire luxembourgeois comme irrégulier et il invita Monsieur … à présenter ses observations y relativement, ledit courrier étant libellé comme suit :
« Suite à un réexamen de votre dossier, je tiens à vous informer qu’en vertu de l’article 17, paragraphe (3), point 1 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, le divorce, l’annulation du mariage ou la rupture du partenariat du citoyen de l’Union n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de sa famille ressortissants de pays tiers si le mariage ou le partenariat enregistré a duré au moins trois ans avant le début de la procédure judiciaire de divorce ou d’annulation ou la rupture, dont un an au moins au pays.
Or, le mariage entre vous et Madame …, née le …, de nationalité hongroise a eu lieu le 11 juin 2014, alors que, d’après les pièces de votre dossier, la procédure de divorce a déjà été entamée avant l’année 2017.
Par conséquent, vous êtes susceptible de perdre le droit le séjour d’un membre de la famille d’un citoyen de l’Union et vous ne seriez plus en droit d’être titulaire d’une carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union.
Je vous prie dès lors de me communiquer vos observations et toute pièce à l’appui jugée utile endéans un délai d’un mois après la notification de la présente, conformément à l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.
Au cas où vous ne présenteriez soit aucune observation, soit des observations en dehors du délai indiqué ou estimées non pertinentes, je me verrais obligé de prendre une décision d’éloignement à votre encontre conformément aux articles 24, paragraphe 2 et 25 de la loi du 29 août 2008 précitée.
(…) » Suite à la prise de position lui adressée par le mandataire de Monsieur … en date des 30 mai et 5 juin 2018, le ministre constata le séjour irrégulier de de Monsieur … et lui intima l’ordre de quitter le territoire avec ses enfants mineurs endéans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :
« Par courrier du 24 mai 2018, je vous ai informé que vous êtes susceptible d’avoir perdu votre droit de séjour d’un membre de famille d’un citoyen de l’Union en application de l’article 17, paragraphe (3) point 1, de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration alors que vous êtes divorcé de Madame … depuis le 28 août 2017, mais que la procédure de divorce a déjà été entamée avant l’année 2017.
Je suis au regret de vous informer que les observations dont Maître … m’a fait part ne vous permettent pas de bénéficier du droit de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union et vous ainsi que vos enfants mineurs précités n’ont plus droit à une carte de séjour de membre de famille à ce titre.
En ce qui concerne la demande en obtention d’une autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié dans votre chef, cette dernière est irrecevable en application de l’article 39, de la loi du 29 août 2008 précitée alors qu’une demande en obtention d’une autorisation de séjour doit être introduite avant l’entrée sur le territoire.
J’estime que votre séjour est à considérer comme irrégulier en application de l’article 100, paragraphe (1), point a), b) et c) de la loi du 29 août 2008 précitée étant donné que vous ne bénéficiez ni d’un droit de séjour en qualité de membre de famille d’un citoyen de l’Union, ni d’une autorisation de séjour.
Au vu des développements qui précèdent et en application de l’article 111, paragraphes (1) et (2) de la même loi, vous et vos enfants mineurs sont obligés de quitter le territoire dans un délai de trente jours après la notification de la présente, à destination du pays dont vous avez la nationalité, la République de Serbie, ou à destination du pays qui vous a délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner.
À défaut de quitter le territoire volontairement dans le délai imparti, l’ordre de quitter sera, conformément à l’article 124 de la loi du 29 août 2008 précitée, exécuté d’office et vous serez éloigné par la contrainte.
Veuillez noter que conformément à l’article 113 de la loi du 29 août 2008 précitée les recours ne sont pas suspensifs. (…) » En date du 8 juillet 2018, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée, recours gracieux qui fut toutefois rejeté par le ministre en date du 14 novembre 2018 en les termes suivants :
« J’accuse bonne réception du recours gracieux formé par Maître … en date du 8 juillet 2018, dans l’affaire reprise sous rubrique.
Après réexamen du dossier, je suis au regret de vous informer que les éléments dont Maître … m’a fait part ne sont pas pertinents. Par conséquence, je ne peux que maintenir ma décision du 15 juin 2018.
En outre, je tiens à vous rappeler que vous ainsi que vos membres de famille étiez dans l’obligation de quitter le territoire avant le 17 juillet 2018 et qu’à défaut de quitter le territoire volontairement dans le délai imparti, l’ordre de quitter sera, conformément à l’article 124 de la loi du 29 août 2008 précitée, exécuté d’office et vous serez éloigné par la contrainte.
Veuillez noter que conformément à l’article 113 de la loi du 29 août 2008 précitée les recours ne sont pas suspensifs ».
Par requête déposée le 12 février 2019 et inscrite sous le numéro 42348, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre des prédites décisions ministérielles datées des 15 juin et 14 novembre 2018 et par requête déposée le 21 février 2019, inscrite sous le numéro 42393 du rôle, il a encore fait introduire un recours tendant à voir instituer un sursis à exécution par rapports à ces deux décisions.
Le requérant expose d’abord que l’exécution des deux décisions déférées l’exposerait à un préjudice grave et définitif.
Il explique ainsi en premier lieu être salarié d’une entreprise suivant contrat de travail à durée indéterminée signé en date du 20 avril 2015, de sorte que l’exécution des décisions critiquées conduirait inéluctablement à la résiliation de ce contrat de travail. S ’il devait être éloigné du Grand-Duché de Luxembourg avec ses enfants mineurs, il se trouverait sans ressources ; par ailleurs, il ne serait pas certain qu’en cas d’annulation ou de réformation des décisions entreprises, il puisse réintégrer la société en question ou bénéficier d’un contrat de travail à durée indéterminée auprès d’une autre entreprise.
Il donne ensuite à considérer que ses deux filles nées d’un précédent mariage, à savoir …, née le … et …, née le …, auraient toujours été scolarisées qu’au Grand-Duché de Luxembourg où elles poursuivraient leur scolarité avec succès ; aussi, l’exécution des décisions entreprises conduirait à une interruption de la scolarité de ses filles, qui se verraient coupées de leurs camarades dans un milieu et un mode de vie qui leur sont totalement inconnus.
Monsieur … expose encore qu’il serait encore père d’une troisième fille, née de son mariage avec Madame …, depuis le 20 juin 2018, à savoir …, qui, ayant connu une naissance très prématurée, nécessiterait des soins médicaux particuliers récurrents.
Monsieur … fait ensuite valoir par rapport à la requête introduite devant les juges du fond que ses moyens soulevés devant les juges du fond seraient encore sérieux en ce qu’ils seraient susceptibles d’entraîner l’annulation de la décision ministérielle contestée.
A ce titre, il considère que les moyens invoqués à l’appui du recours au fond sont objectivement sérieux, et en particulier le moyen relatif à la question de savoir si la procédure de divorce a débuté avant ou postérieurement aux trois années de mariage avec Madame …, moyen qui relèverait de l’appréciation des juges du fond.
Il expose à cet égard que les pièces versées en cause laisseraient apparaître qu’une première procédure de divorce avec Madame …, introduite en 2016, aurait été abandonnée suite à la réconciliation des parties et qu’une nouvelle demande aurait été introduite plus de trois années après la célébration du mariage, tandis qu’un premier jugement rendu en date du 9 janvier 2017 par le Tribunal de première instance de Subotica (Serbie) ayant prononcé le divorce entre les époux … aurait été annulé par décision de la même juridiction rendue en date du 6 octobre 2017 et que la procédure de divorce aurait été ré-ouverte postérieurement, respectivement au mois de juillet 2017, pour aboutir au jugement définitif de divorce du 30 octobre 2017.
Aussi, contrairement à l’analyse du ministre, la procédure de divorce n’aurait pas débuté antérieurement à l’année 2017 mais bien postérieurement aux trois années de mariage, puisque l’annulation d’un jugement aurait pour effet de placer les parties dans la situation identique à celle dans laquelle elles se trouvaient avant qu’il ne soit prononcé et emporterait l’extinction de toute procédure en cours.
Dès lors, le requérant et Madame … se seraient encore trouvés mariés à la date du 6 octobre 2017, et aucune procédure de divorce n’était en cours, respectivement aucune procédure de divorce n’aurait été entamée à cette date, le requérant soulignant que le jugement du 6 octobre 2017 se contenterait d’annuler le jugement précédent, sans ordonner la réouverture de l’instruction, de sorte qu’aucune continuité ne pourrait être tirée de l’instance initiale ayant conduit au premier jugement de divorce du 9 janvier 2017. Le requérant affirme encore dans le même contexte qu’une demande de réouverture constituerait un acte introductif d’une instance nouvelle totalement indépendante de toute procédure antérieure, et ce d’autant plus qu’en l’espèce la réouverture n’aurait pas été concomitante au jugement d’annulation du divorce mais postérieure.
Monsieur … entend encore, en second lieu, se prévaloir devant les juges du fond d’un droit de séjour sur base des dispositions de l’article 17 (1) 3. de la loi du 29 août 2008, en exposant que son mariage se serait soldé par un divorce en raison du comportement particulièrement violent de son épouse à l’égard de ses enfants issus d’un premier lit et de son absence de volonté de les voir vivre sous son toit, situation qui serait à qualifier de particulièrement difficile au sens de l’article 17 (1) 3. précité lui permettant de conserver un droit de séjour sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.
Enfin, en troisième lieu, il entend s’emparer d’un droit à une autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié ; dans ce contexte, il estime que ce serait à tort que le ministre lui a opposé l’article 39 de la loi du 29 août 2008, alors qu’il remplirait les conditions prévues par l’article 89 de la même loi, permettant de faire échec à la condition de recevabilité inscrite à l’article 39 en question : ainsi, il soutient que la virginité de son casier judiciaire démontrerait à suffisance que sa présence ne serait pas susceptible de constituer un danger pour l’ordre public ou la sécurité publique, que l’absence de traitement médical particulier démontrerait que sa présence n’est pas de nature à constituer un danger pour la santé publique, qu’il n’aurait jamais utilisé des informations fausses ou trompeuses relatives à son identité, et enfin qu’il résiderait sur le territoire depuis au moins quatre ans précédant sa demande. Il ferait encore preuve d’une réelle volonté d’intégration alors qu’il serait membre d’un club de football, il ne se serait pas soustrait à une mesure d’éloignement puisqu’aucune telle mesure n’aurait jamais été exécutée à son encontre, et finalement, il exercerait l’autorité parentale sur un enfant mineur qui vivrait avec lui et qui suivrait sa scolarité de façon continue dans un établissement scolaire au Grand-Duché de Luxembourg depuis au moins quatre ans, respectivement qu’il exerce une telle autorité sur ses filles … et … qui auraient toujours été scolarisées sur le territoire luxembourgeois, le requérant considérant toutefois que l’exigence ci-avant serait discriminatoire en ce sens que si ses filles n’ont à ce jour que poursuivies leur scolarité au Grand-Duché de Luxembourg, il ne serait toutefois pas en mesure de justifier une scolarité de quatre années puisque le jeune âge de … ne lui permettrait pas une fréquentation scolaire plus étendue : aussi, exiger une scolarité d’au moins quatre années sans autrement tenir compte des particularités de chaque espèce serait manifestement discriminatoire.
Le requérant prétend enfin pouvoir subvenir à ses besoins et à ceux des membres de sa famille par le biais des revenus tirés de son emploi dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée signé en date du 20 avril 2015.
Le délégué du gouvernement conclut pour sa part au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause.
En vertu de l’article 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif ou le magistrat le remplaçant peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire, à l’exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.
Sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d’admettre que l’institution d’une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l’appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.
Or, en vertu de l’article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.
L’affaire au fond ayant été introduite le 12 février 2019 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.
En ce qui concerne les deux autres conditions, à savoir l’existence éventuelle de moyens sérieux avancés devant les juges du fond et l’existence d’un risque d’un préjudice grave et définitif dans son chef, il convient de rappeler que ces deux conditions doivent être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.
Concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.
L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.
Ainsi, le juge du référé est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision attaquée.
La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Au niveau de l’examen des moyens d’annulation invoqués à l’appui du recours au fond, l’examen de ses chances de succès appelle le juge administratif saisi de conclusions à des fins de sursis à exécution, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et à vérifier si un des moyens soulevés par la partie demanderesse apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation voire la réformation de la décision critiquée.
Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.
Or, à cet égard, aucun des moyens développés devant le juge du fond ne présente le sérieux nécessaire :
En l’espèce, les décisions litigieuses au fond sont a priori motivées par un élément essentiel, à savoir le fait que le mariage entre le requérant et Madame …, de nationalité hongroise, et partant ressortissante de l’Union européenne dont le requérant tire un droit de séjour dérivé, qui a eu été contracté le 11 juin 2014, a fait l’objet d’une procédure de divorce entamée avant l’année 2017.
Aux termes de l’article 17 (3) de la loi du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, « Le divorce, l’annulation du mariage ou la rupture du partenariat du citoyen de l’Union n’entraîne pas la perte du droit de séjour des membres de sa famille ressortissants de pays tiers, si une des conditions suivantes est remplie : 1. le mariage ou le partenariat enregistré a duré au moins trois ans avant le début de la procédure judiciaire de divorce ou d’annulation ou la rupture, dont un an au moins au pays ; (…) », de sorte que la question centrale en l’espèce est celle de savoir si le mariage dont le requérant entend tirer un droit de séjour dérivé a perduré « au moins trois ans avant le début de la procédure judiciaire de divorce ou d’annulation ou la rupture, dont un an au moins au pays ».
Plus concrètement, s’agissant du mariage contracté par le requérant le 11 juin 2014 avec Madame …, il échet de vérifier s’il appert qu’une procédure de divorce ait été entamée avant le 11 juin 2017, ou, au contraire, s’il paraît manifeste que la procédure de divorce a été entamée après cette date.
Il résulte à cet égard des pièces versées en cause qu’un premier jugement de divorce a été prononcé le 9 janvier 2017 entre Monsieur … et Madame … par le tribunal de première instance de … (Serbie), jugement portant le numéro de rôle 4.P2. 870/2016, de sorte à laisser entrevoir un enrôlement en 2016, et nécessairement avant le 9 janvier 2017.
Il est vrai qu’en date du 6 octobre 2017, un second jugement du même tribunal, portant le même numéro de rôle, aurait apparemment annulé le jugement précité du 9 janvier 2017, sur demande de Monsieur …, partie défenderesse, et ce au motif que ce dernier n’aurait pas été valablement attrait devant ce tribunal.
Enfin, en date du 30 octobre 2017, le même tribunal aurait définitivement prononcé le divorce entre Monsieur … et Madame … sous le numéro 4.P2.921/2017, suite à une audience du 6 octobre 2017.
Une première conclusion, provisoire, s’impose aux termes d’un examen nécessairement sommaire : une procédure de divorce semble bien avoir été entamée en 2016 et en tout cas avant le 9 janvier 2017, date d’un premier jugement de divorce. Il semblerait encore que Monsieur … ait fait opposition par rapport à ce premier jugement, lequel fut annulé par jugement du 6 octobre 2017, suite à une audience du même jour. Il semblerait que le même jour, un jugement contradictoire de divorce ait été pris, devenu définitif le 30 octobre 2017.
Les explications du requérant, selon lesquelles le jugement d’annulation aurait annulé l’intégralité de la procédure et qu’une nouvelle procédure aurait débutée, initiée en octobre 2017, ne sont en revanche étayées par aucune pièce, de même que le requérant ne fournit aucun élément de droit serbe susceptible de confirmer sa thèse.
Une seconde conclusion provisoire s’impose encore à l’étude du dossier :
Le certificat de changement de résidence de Madame …, établi par … le 20 septembre 2017, indique comme date de divorce le 9 janvier 2017 ; en revanche, le mandataire de Monsieur …, dans sa prise de position adressée au ministre le 30 mai 2018, affirme que le divorce aurait été sollicité « début 2017 » et prononcé en août 2017, sans verser de pièce établissant ces affirmations ; dans un second courrier adressé au ministre le 5 juin 2018, il affirme que le couple aurait certes entamé une procédure de divorce en janvier 2017, mais que cette demande aurait été tenue en suspens jusqu’en août 2017 à la suite d’une réconciliation qui aurait échoué en août 2017.
Il résulte encore du dossier administratif que le ministre disposait, à la date de la prise de la première décision du 15 juin 2018, d’un certificat de l’état civil serbe, établi à la demande de Monsieur …, daté du 5 septembre 2017, que le divorce prononcé le 9 janvier 2017 était devenu définitif le 28 août 2017.
Il résulte toujours du dossier administratif que le ministre adressa le 22 novembre 2017 un courrier à Monsieur …, demandant une copie du jugement de divorce renseignant sur la date de l’assignation en divorce respectivement sur la date de la première comparution, demande à laquelle le requérant ne donna manifestement pas suite.
Enfin, une copie munie d’une traduction du jugement de divorce du 9 janvier 2017 figure au dossier administratif, dont il résulte que ledit jugement fut prononcé le 9 janvier 2017 et qu’il devint revêtu de l’autorité de chose jugée le 28 août 2017, ledit jugement ayant encore été muni de l’apostille telle que prévue par la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l’exigence de la légalisation des actes publics étrangers.
Si le précédent mandataire du requérant a certes informé le ministre dans son recours gracieux que suite à l’audience du 9 janvier 2017 le tribunal serbe aurait décidé d’interrompre la procédure de divorce et qu’une nouvelle demande de divorce aurait été introduite le 25 juillet 2017 qui aurait donné lieu à une audience le 28 août 2017 et au jugement de divorce de la même date, le requérant ayant produit à cet effet un document intitulé « changement et addition à l’explication » du jugement du 9 janvier 2017 et prétendument émis par le tribunal serbe compétent qui aurait désiré rectifier le jugement du 9 janvier 2017 parce qu’il aurait « manqué de faire référence à l’interromption de procédure demandée lors de l’audience du 09.01.2017 », ce document, non muni de l’apostille, pour le moins atypique et susceptible de soulever des doutes quant à son authenticité, outre de prendre le contre-pieds du jugement de divorce du 30 octobre 2017, numéro 4.P2.921/2017, rendu suite à une audience du 6 octobre 2017, ne permet pas, de manière évidente, de conclure à ce que la première demande de divorce, nécessairement introduite avant 2017, aurait été « annulée », une interruption ou suspension de la procédure laissant a priori l’acte introductif intact.
Par ailleurs, force est de constater qu’à l’heure actuelle le requérant n’a pas communiqué au ministre la ou les demandes ou assignations de divorce.
Enfin, tel que relevé de manière circonstanciée par le délégué du gouvernement, les circonstances mêmes des mariage et divorce du requérant avec Madame … sont de nature à susciter des interrogations et des doutes quant aux motifs réels ayant présidé audit mariage et aux desseins poursuivis en fait par le requérant, de sorte qu’il ne parait finalement pas improbable que les juges du fond opposent une fin de non-recevoir à la demande du requérant en application de l’adage « fraus omnia corrumpit ».
Ainsi, il résulte du dossier administratif que Monsieur … et son épouse Madame … avaient vainement introduit une demande de protection internationale dont ils furent définitivement déboutés par arrêt de la Cour administrative du 4 juillet 2013.
Ayant accepté un retour volontaire en août 2013, Monsieur … divorça de Madame … en date du 30 mai 2014 pour aussitôt épouser en date du 11 juin 2014 Madame … et introduire le 18 juillet 2014 une première demande en obtention d’un titre de séjour en qualité de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne. Suite aux diverses procédures de divorce relatives à ce mariage avec Madame … et en particulier suite au jugement de divorce du 30 octobre 2017, Monsieur … épousa le 6 novembre 2017 son ex-première épouse, à savoir Madame …, de sorte que le reproche d’un mariage blanc contracté avec une ressortissante de l’Union européenne aux seules fins d’obtenir un titre de séjour ne parait pas, de manière évidente, dénué de tout sérieux.
Il n’appert dès lors pas de manière évidente que le ministre aurait, tel que lui reproché, commis une erreur de fait ou de droit au regard de l’application de l’article 17 (3) de la loi du 29 août 2008.
Partant, le moyen afférent ne présente actuellement en l’état d’instruction du dossier pas le sérieux suffisant.
En ce qui concerne l’invocation d’une situation particulièrement difficile, si l’article 17 (3) prévoit la possibilité pour l’ex-conjoint d’un ressortissant de l’Union européenne de conserver son droit dérivé de séjour « lorsque des situations particulièrement difficiles l’exigent, notamment lorsque la communauté de vie a été rompue en raison d’actes de violence domestique subis », il n’appert pas que le requérant puisse prétendre à cette hypothèse, les seuls éléments produits en cause portant sur le fait que l’ex-épouse du requérant aurait « gueulé » sur les enfants issus du premier mariage de Monsieur …, respectivement les aurait injurié, un tel comportement certes répréhensible et ayant apparemment justifié le divorce -
sur la toile de fond des circonstances particulières et des doutes énoncés ci-dessus - ne répondant a priori pas à une situation particulièrement difficile.
Quant à l’invocation de l’article 89 de la loi du 29 août 2008 afin de tenir en échec les dispositions de l’article 39 opposées par le ministre à la demande en obtention d’une autorisation de séjour pour travailleur salarié du requérant, il convient de relever que l’article 39, paragraphe 1er de la loi du 29 août 2008 dispose que « La demande en obtention d’une autorisation de séjour visée à l’article 38, point 1, à l’exception des autorisations régies par les articles 78, paragraphe (3) et 89, et sans préjudice de l’article 49bis, paragraphe (1), doit être introduite par le ressortissant d’un pays tiers auprès du ministre et doit être favorablement avisée avant son entrée sur le territoire. La demande doit sous peine d’irrecevabilité être introduite avant l’entrée sur le territoire du ressortissant d’un pays tiers » l’article 38, point 1 a) y cité visant notamment l’autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié, à savoir notamment celle prévue plus particulièrement par l’article 42 de la loi du 29 août 2008, catégorie de séjour visée par le requérant.
Si ladite disposition exclut notamment de son respect l’autorisation régie par l’article 89 de la loi du 29 août 2008, à savoir l’autorisation de séjour pour motifs exceptionnels, il n’appert pas que le requérant, à un quelconque moment de la procédure administrative ait sollicité une telle autorisation de séjour spécifique, le ministre ayant uniquement et spécifiquement visé la question d’une autorisation de séjour en qualité de travailleur salarié ;
la requête au fond visant d’ailleurs explicitement cette catégorie d’autorisation de séjour.
Il n’appert dès lors pas que le requérant puisse raisonnablement et logiquement prétendre à l’obtention d’une autorisation de séjour pour travailleur salarié tout en demandant pour ce faire à pouvoir bénéficier de dispositions dérogatoires propres à une autre catégorie d’autorisation, pour laquelle d’ailleurs aucune demande ne semble avoir jamais été formulée.
Il n’appert dès lors pas, en toute logique, que l’on puisse reprocher au ministre, apparemment saisi d’une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour travailleur salarié, d’avoir fait abstraction de dispositions dérogatoires propres à une autre catégorie d’autorisation de séjour distincte.
Enfin, dans la mesure où le requérant devrait actuellement estimer pouvoir prétendre à une telle autorisation de séjour pour motifs exceptionnels, il convient de rappeler que les décisions déférées ne portent que sur la question du droit dérivé de séjour du requérant ainsi que sur celle d’une éventuelle autorisation de séjour pour travailleur salarié.
Or, il est de principe que la légalité d’une décision administrative s’apprécie, dans le cadre d’un recours en annulation, en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise et que la vérification de la matérialité des faits s’effectue, en principe, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, respectivement en fonction des éléments dont l’autorité a connaissance ou aurait dû avoir connaissance au moment où elle statue : en effet, il ne saurait être reproché à l’autorité administrative de ne pas avoir tenu compte d’éléments qui ne lui ont pas été présentés en temps utile, le juge de l’annulation ne pouvant en effet prendre en considération ni des éléments de fait, ni des changements législatifs ou réglementaires s’étant produits postérieurement à la prise de la décision.
Aussi, le changement actuel d’objet de la demande du requérant ne saurait a priori faire l’objet de débats devant les juges du fond ; il ne saurait non et à première vue être de nature à entraîner l’annulation des décisions déférées, étrangères à cette question.
Ce moyen ne présente dès lors pas non plus en l’état actuel d’instruction du dossier le sérieux nécessaire.
Il suit de ce qui précède que les moyens invoqués tant à l’appui du présent recours qu’à l’appui de la demande au fond par le requérant ne présentent pas, au stade actuel de l’instruction de l’affaire, le caractère sérieux nécessaire pour justifier le bénéfice de la mesure provisoire sollicitée.
Le requérant est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle d’un risque de préjudice grave et définitif, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.
Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement en audience publique ;
rejette la requête en obtention d’une mesure provisoire ;
condamne le requérant aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 février 2019 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.
s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28 février 2019 Le greffier du tribunal administratif 11