Tribunal administratif N° 41885 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 octobre 2018 Audience publique du 8 novembre 2018 Requête en obtention d’un sursis à exécution introduite par Monsieur …, …, contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures, département des Transports, en matière de permis de conduire
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 41885 du rôle et déposée le 26 octobre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Anne PAUL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Tunisie), demeurant à …, tendant à voir prononcer le sursis à exécution par rapport à un arrêté du ministre du Développement durable et des Infrastructures, département des Transports, daté du 9 juillet 2018 portant suspension du permis de conduire pour une période de 12 mois, un recours en annulation sinon en réformation dirigé contre la même décision, inscrit sous le numéro du rôle 41884, introduit le même jour, étant pendant devant le tribunal administratif ;
Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Maître Samuel THIRY, en remplacement de Maître Anne PAUL, et Madame le délégué du gouvernement Danièle NOSBUSCH entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 novembre 2018.
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Par courrier recommandé du 5 juillet 2018, le ministre du Développement durable et des Infrastructures, département des Transports, ci-après désigné par « le ministre » informa Monsieur … de ce qu’en vertu d’une itérative infraction au Code de la Route commise le 17 mai 2018 à …, 2 points avaient été retirés du capital dont est doté son permis de conduire, de sorte que ce capital de points était épuisé.
Par arrêté du 9 juillet 2018, le ministre suspendit pour douze mois le droit de conduire un véhicule automoteur délivré à Monsieur …, arrêté libellé comme suit :
« Vu les articles 2bis et 13 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques ;
Vu l'article 90 de l'arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques ;
1Considérant que Monsieur …, né … à … et demeurant à …, a commis plusieurs infractions à la législation routière sanctionnées par une réduction du nombre de points dont son permis de conduire est doté en vertu de l'article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955 précitée ;
Considérant qu'à chaque infraction ayant donné lieu à une réduction de points, l'intéressé a été informé du nombre de points retirés et du solde résiduel de points ;
Considérant que le capital de points affecté au permis de conduire de l'intéressé est épuisé et qu'il y a donc lieu à application des dispositions du paragraphe 3 de l'article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955 précitée ;
Arrête:
Art. 1er. - Le droit de conduire un véhicule automoteur, délivré à Monsieur …, préqualifié, est suspendu pour 12 mois. Cette suspension vaut également à l'égard des permis de conduire internationaux délivrés à l'intéressé sur le vu de son permis de conduire national.
Art. 2. - Le présent arrêté sera expédié à Monsieur le Ministre de la Justice avec prière de bien vouloir le porter à la connaissance de Madame le Procureur Général d'Etat qui voudra bien le faire notifier à la personne intéressée en lui remettant copie de la présente, lui faire retirer les permis de conduire en la rendant attentive aux sanctions pénales attachées par l'article 13 de la loi modifiée du 14 février 1955 à la violation du retrait et provoquer son signalement.
Art 3. - La restitution du droit de conduire à l’échéance de la durée de suspension est subordonnée à la condition pour l’intéressé de participer pendant la durée d’application de la suspension du droit de conduire à la formation complémentaire prévue au paragraphe 4ter de l’article 2bis de la loi précitée du 14 février 1955.
Art 4. - La présente est susceptible d’un recours gracieux à présenter par écrit au ministre du Développent durable et des Infrastructures, Département des Transports. Elle est en outre susceptible d’un recours en annulation devant le tribunal administratif, à exercer par ministère d’avocat à la Cour endéans les trois mois à partir du jour de la notification de la présente ».
Monsieur … ayant fait introduire par courrier électronique en date du 8 août 2018 un recours gracieux à l’encontre de la prédite décision ministérielle, le ministre rejeta ledit recours gracieux tout en confirmant son arrêté du 9 juillet 2018 par décision du 8 août 2018, libellée comme suit :
« Par la présente, j'accuse bonne réception du courriel du 8 août 2018, par lequel votre épouse a introduit un recours gracieux pour votre compte.
Par arrêté ministériel du 9 juillet 2018, votre droit de conduire un véhicule automoteur a été suspendu pour une durée de douze mois et ce en application des dispositions de l'article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques.
2Dans ce contexte, je me permets de vous informer que l'article 2bis précité ne permet pas de moduler les effets de la mesure (p.ex. pour tenir compte du besoin professionnel ou privé).
Au vu des développements qui précèdent, je suis dès lors au regret de vous informer que je ne saurai réserver d'autres suites à votre requête. (…) » Monsieur … introduisit ensuite un second recours gracieux, lequel fut également rejeté par décision ministérielle du 20 août 2018, libellée comme suit :
« Par la présente, j'accuse bonne réception de votre courrier concernant le sujet émargé.
Vous m'y faites part de votre situation personnelle et demandez la mainlevée partielle de l'arrêté ministériel du 9 juillet 2018 ayant porté suspension de votre droit de conduire pour une durée de 12 mois.
Vous m'y faites part de votre situation personnelle et demandez la mainlevée partielle de l'arrêté ministériel du 9 juillet 2018 ayant porté suspension de votre droit de conduire pour une durée de 12 mois.
A l'appui de votre requête, vous invoquez le besoin professionnel du permis de conduire.
Dans ce contexte, je me permets de vous informer qu'en vertu des dispositions régissant le permis à points, en l'occurrence l'article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, la durée de suspension du droit de conduire ne peut être inférieure à 12 mois (24 mois, en cas de récidive intervenant endéans un délai de 3 ans à partir de la date à laquelle une suspension antérieure du droit de conduire a pris fin). Le délai de 12 mois commence à courir à partir du moment où la décision ministérielle en question vous a été notifiée.
En ce qui concerne votre recours gracieux en vue d'une mainlevée ou d'une modulation de la suspension du droit de conduire pour tenir compte de votre situation professionnelle, je me permets de réitérer, à l'instar de ce qui est repris dans ma réponse du 8 août 2018, que selon les dispositions légales en vigueur échappent complètement au ministre, non seulement le choix de la mesure, mais aussi toute possibilité de modulation de celle-ci en fonction de la situation personnelle ou professionnelle de la personne concernée.
La présente est susceptible d’un recours en annulation devant le Tribunal administratif, à exercer par ministère d’avocat à la Cour endéans les trois mois à partir du jour de sa notification. (…) » Un troisième recours gracieux, introduit cette fois par l’avocat de Monsieur … en date du 20 août 2018 essuya une troisième décision de refus en date du 23 août 2018, cette dernière décision étant motivée comme suit :
« Par la présente, j'accuse bonne réception de votre courrier du 20 août 2018 concernant le sujet émargé.
3Vous m'y faites part de la situation personnelle de votre mandant, Monsieur … et demandez la mainlevée partielle de l'arrêté ministériel du 9 juillet 2018 ayant porté suspension de son droit de conduire pour une durée de 12 mois.
A l'appui de votre requête, vous invoquez le besoin professionnel du permis de conduire.
Dans ce contexte, je me permets de vous informer qu'en vertu des dispositions régissant le permis à points, en l'occurrence l'article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, la durée de suspension du droit de conduire ne peut être inférieure à 12 mois (24 mois, en cas de récidive intervenant endéans un délai de 3 ans à partir de la date à laquelle une suspension antérieure du droit de conduire a pris fin). Le délai de 12 mois commence à courir à partir du moment où la décision ministérielle en question a été notifiée à la personne concernée.
En ce qui concerne votre recours gracieux en vue d'une modulation de la suspension du droit de conduire pour tenir compte de la situation personnelle de votre mandant, je me permets de vous informer, que selon les dispositions légales en vigueur, en l'occurrence le paragraphe 3 de l'article 2bis de la loi modifiée du 14 février 1955, précitée, échappent complètement au ministre, non seulement le choix de la mesure, mais aussi toute possibilité de modulation de celle-ci en fonction de la situation personnelle ou professionnelle de la personne concernée.
Au vu des éléments qui précèdent, je suis dès lors au regret de vous informer que je ne saurais réserver de suite favorable à votre requête.
La présente est susceptible d'un recours en annulation devant le Tribunal administratif, à exercer par ministère d'avocat à la Cour endéans les trois mois à partir du jour de sa notification.
Après avoir été pris en compte dans le cadre du présent recours, je me permets de vous renvoyer en annexe les pièces qui contiennent des données à caractère personnel qui ne sont pas en relation directe avec le permis de conduire et qui de ce fait ne pourront pas être archivées dans le dossier de Monsieur … (…) » Par requête déposée le 26 octobre 2018, inscrite sous le numéro 41884 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en annulation, sinon en réformation contre l’arrêté ministériel du 9 juillet 2018, et par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 41885 du rôle, il a encore introduit un recours tendant à voir ordonner le sursis à exécution de la décision en question.
Monsieur … expose que son droit de conduire un véhicule automoteur aurait été suspendu pour 12 mois par la décision déférée au motif qu’il aurait perdu les 12 points de son permis de conduire. Comme l’arrêté ministériel du 9 juillet 2018 indiquerait être susceptible d'un recours gracieux, il aurait déposé un recours gracieux qui aurait fait l'objet d'un rejet, de sorte qu’il serait aujourd'hui contraint de saisir la justice pour voir annulé l'arrêté susmentionné ou, à titre infiniment subsidiaire, réformé uniquement pour lui permettre de se rendre à son lieu de travail. Le recours devant le tribunal administratif n'ayant pas d'effet suspensif, il solliciterait la suspension de l'exécution de l'arrêté en référé dans l'attente de la décision définitive du tribunal administratif.
4Après avoir retranscrit intégralement l'article 11 de la loi du 21 juin 1999 modifiée portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, il expose que sa requête « en annulation » devant le tribunal administratif reposerait sur deux motivations, à savoir, d’une part, en substance, la violation de l'article 6 paragraphe 1er de la Convention européenne des droits de l'homme, Monsieur … affirmant ne pas avoir été informé des sanctions qu'il encourait, ni de la ou les infractions à l'origine de la réduction de points, ainsi que sur le nombre de points dont le permis de conduire concerné restait affecté et, d’autre part, après avoir exposé sa situation personnelle et familiale et avoir insisté sur l’important trajet à effectuer quotidiennement pour rejoindre son lieu de travail ainsi que sur sa situation financière, demander aux juges du fond « à titre infiniment subsidiaire » de réformer l'arrêté ministériel du 9 juillet 2018 afin de lui permettre de se rendre au travail avec son véhicule, soit du lundi au vendredi entre 06h00 et 16h00.
Le délégué du gouvernement s’oppose à la demande en contestant tant le sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours au fond que l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif.
En vertu de l'article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu'à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d'autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d'être plaidée et décidée à brève échéance.
L’institution d’une mesure provisoire devant rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’elle constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère, de sorte que le juge statuant au provisoire est en droit d’attendre du rédacteur de la requête, avocat et partant professionnel de la postulation, un acte de procédure intelligible et cohérent, ne requérant pas une analyse poussée aux seuls fins de comprendre la finalité et l’argumentation de la requête.
Or, à cet égard, force est de constater que tant la requête au fond que la requête en obtention d’un sursis sont toutes les deux dépourvues de tout dispositif, alors pourtant que l’objet de la demande est essentiellement circonscrit à la lumière du dispositif de la demande1, de même que la décision attaquée est identifiée au vu du dispositif lequel appelle une interprétation textuelle2.
Force est encore de constater que la partie requérante fait dans sa requête l’impasse sur la condition de l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, en ne prenant tout simplement pas position de manière concrète par rapport à un tel risque, la transcription de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 étant insuffisante, l’exposé du préjudice grave et définitif ne pouvant se limiter à un exposé théorique, se cantonner à la seule évocation de précédents ou encore consister en des considérations générales. Le juge du provisoire ne peut de surcroît avoir égard qu’aux arguments contenus dans la requête et doit écarter les éléments développés par le conseil de la partie requérante, pour la première fois, à l’audience.
1 Cour adm. 19 février 2012, n° 28858C.
2 Voir par exemple Cour adm. 8 juillet 2008, n° 24114C.
5Il convient à cet égard de souligner que si, en ce qui concerne la seconde condition, à savoir l’existence de moyens sérieux, le juge du provisoire est appelé à se référer aux moyens invoqués au fond, c’est-à-dire dans le cadre de la requête introduite devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale, même si ceux-ci ne sont pas explicitement développés dans la requête en obtention d’une mesure provisoire, il en va différemment de la condition tendant à l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, s’agissant d’un élément propre et spécifique au référé, conditionnant l’office du juge statuant au provisoire.
Or, à cet égard, la partie requérante reste en défaut de prouver en quoi la décision de suspension de son permis de conduire, risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif, la preuve de la gravité du préjudice impliquant en principe que la partie requérante donne concrètement des indications concernant la nature et l’ampleur du préjudice prévu, et qui démontrent le caractère difficilement réparable du préjudice.
A supposer toutefois - encore qu’il n’appartienne pas au soussigné d’analyser de son propre chef le recours au fond pour y déceler d’éventuels éléments susceptibles de constituer dans le cadre du recours en obtention d’une mesure provisoire des moyens relatifs à l’existence d’un préjudice grave et définitif - que la partie requérante ait entendu se prévaloir de l’existence de sa situation professionnelle, personnelle, familiale et financière telle que développée à l’appui de son second moyen, ainsi qualifié, devant les juges du fond, il convient de rappeler, comme relevé ci-avant, le sursis à exécution ne peut être décrété que lorsque notamment (mais non exclusivement) l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif, un préjudice étant grave au sens de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 lorsqu’il dépasse par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société et doit dès lors être considéré comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.
Par ailleurs, toujours en ce qui concerne la condition du préjudice grave et définitif, un demandeur ne saurait invoquer à l’appui d’une demande en suspension un risque de préjudice qu’il a lui-même causé ou contribué à causer3.
Or, en l’espèce, le préjudice actuellement mis en avant résulte du seul fait que le requérant, bien que nécessitant prétendument impérieusement son permis de conduire afin de préserver son activité professionnelle, a fait preuve de désinvolture dans la « gestion » de son capital de points, en, d’une part, accumulant les infractions routières sans tenir compte du risque encouru concernant son emploi, et, d’autre part, en ne profitant pas des possibilités légales inscrites à l’article 2bis, paragraphe 4 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la règlementation de la circulation sur toutes les voies publiques, permettant la reconstitution de 3 points.
Le soussigné relève à ce sujet , tel que résultant du dossier administratif, que le requérant a fait l’objet d’un avertissement taxé en date du … 2013 pour avoir circulé en agglomération à une vitesse supérieure à 15 km/h à la vitesse autorisée ; il a été condamné le … 2013 par le tribunal correctionnel de Diekirch pour avoir circulé le … 2013 avec un taux d’alcool dans le sang d’au moins 1,2 grammes par litre ; le … 2015, il a fait à nouveau l’objet d’un avertissement taxé pour avoir téléphoné tout en conduisant son véhicule ; le … 2016, il a encore fait l’objet d’un avertissement taxé pour avoir violé la limitation de vitesse hors agglomération de 90 m/h, le dépassement de vitesse étant supérieur à 20 km/h. Enfin, le … 3 M. Leroy, Contentieux administratif, 3e édition, 2004, p.789.
62018, il a fait l’objet d’un dernier avertissement taxé pour dépassement de la vitesse maximale hors agglomération, toutes ces infractions ayant à chaque fait l’objet d’un courrier informant le requérant des points retirés, du capital de points restants ainsi que la possibilité inscrite à l’article 2bis, paragraphe 4 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la règlementation de la circulation sur toutes les voies publiques, permettant moyennant la participation d’une formation ad hoc la reconstitution de 3 points.
Il est encore constant en cause qu’en date du 13 septembre 2016, le requérant s’est vu notifier par lettre recommandée le fait que son capital de points était tombé à 2 points, sans que le requérant n’adopte un comportement plus respectueux des dispositions du Code de la route ou ne tente de récupérer des points.
Aussi, il s’ensuit que l’état actuel du requérant, caractérisé par le risque de la perte de son activité professionnelle et des conséquences telles qu’actuellement mises en avant, doit être considéré comme très largement causé par son propre choix éclairé, le requérant, pourtant averti et informé régulièrement des risques encourus à rapport à son permis de conduire s’il persévérait dans son comportement irresponsable et dangereux, a préféré passer outre.
Par ailleurs, le risque de préjudice tel que mis en avant par Monsieur … doit en tout état de cause être tenu en échec au nom de la théorie de la balance des intérêts étant entendu que le souci de la sécurité des usagers de la route doit primer par rapport à l’intérêt des chauffeurs qui trahissent un comportement dangereux. Or, en l’espèce, il résulte des éléments du dossier soumis au soussigné que l’intéressé subit actuellement une suspension de son permis de conduire du fait d’infractions répétées à la législation routière, ayant abouti finalement à l’épuisement total du nombre de points affectés à son permis de conduire, l’intéressé ayant à chaque réduction de points été dûment averti - en vain - des conséquences des infractions commises, de sorte qu’il doit être considéré comme chauffeur impénitent présentant un comportement itérativement imprudent voire dangereux.
En ce qui concerne la seconde condition devant être remplie pour pouvoir prétendre à une mesure provisoire, à savoir l’exigence que les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, des faits et des éléments doivent être invoqués ou ressortir de la requête ou du dossier administratif, démontrant directement que, pour avoir un effet utile, la mesure demandée doit être immédiatement ordonnée afin de satisfaire à cette condition de sérieux : dès lors, il faut mais il suffit qu’à première vue et eu égard aux circonstances de la cause, le recours puisse être déclaré recevable et fondé et, partant, donner lieu à la suspension de l’exécution de la décision attaquée, respectivement à l’instauration de la mesure de sauvegarde sollicitée. En d’autres termes, les moyens avancés doivent offrir une apparence de droit suffisante ou un degré de vraisemblance tel que l’on peut nourrir des doutes importants quant à la légalité de l’acte4 -, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde, doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.
Il s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire.
4 Jean-Paul Lagasse, Le référé administratif, 1992, p.48.
7 En ce qui concerne l’analyse du sérieux du premier moyen présenté au fond, à savoir la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, ledit moyen tablant sur un prétendu défaut d’information de l’intéressé, le soussigné relève ensuite qu’aux termes de l’article 2bis, paragraphe 2 de la loi du 14 février 1955, la réduction de points suite au paiement d’un avertissement taxé a lieu au moment du paiement de la taxe.
La même disposition précise encore que « Avant de décerner un avertissement taxé en relation avec une contravention donnant lieu à une réduction de points le membre de la police grand-ducale ou de l’administration des douanes et accises avise le contrevenant de la réduction de points qu’entraîne le règlement de cet avertissement taxé ».
L’article 4 bis du règlement grand-ducal du 26 août 1993 relatif aux avertissements taxés, aux consignations pour contrevenants non-résidents ainsi qu’aux mesures d’exécution de la législation en matière de mise en fourrière des véhicules et en matière de permis à points, précise quant à lui en son alinéa 1er que « Lorsque le paiement de l’avertissement taxé est susceptible d’entraîner une réduction des points, le membre de la police grand-ducale ou de l’administration des douanes et accises informe le contrevenant de la réduction de points qu’entraîne le règlement de la taxe. Il fait en outre signer par celui-ci la déclaration sur les formules spéciales publiées en annexe du présent règlement moyennant laquelle le contrevenant déclare avoir été avisé dans les termes de la loi de la réduction de points résultant de l’application de l’avertissement taxé en cause, la formule étant complétée par les mots «lu et approuvé». Par ailleurs, le contrevenant se voit remettre le reçu contre paiement de la somme due en vertu du catalogue des avertissements taxés repris en annexe, la rubrique permis à points dûment remplie ».
Le soussigné se doit en l’espèce de constater que ledit avertissement taxé du 17 mai 2018, dûment réglé par le requérant en date du 29 juin 2018, tel que versé aux débats, comprend effectivement la mention que « le contrevenant a été avisé dans les termes de la loi de la réduction de points résultant de l’application du présent avertissement taxé », mention que le requérant a en l’espèce explicitement signée, ladite signature étant complétée sur l’avertissement taxé par les mots « lu et approuvé », la jurisprudence actuelle des juridictions administratives luxembourgeoises ayant retenu que « si l’apposition de la mention « lu et approuvé » est destinée à assurer que le signataire de l’avertissement taxé saisit la portée de son engagement, l’apposition de cette formule n’est cependant pas une fin en soi, mais constitue un élément de preuve de nature à écarter tout doute quant à la prise de connaissance effective par l’intéressé des conséquences du paiement en matière de retrait de points à intervenir5 » de sorte qu’ « à défaut par l’article 4bis, alinéa 1er, du règlement grand-ducal du 2 août 2002 [relatif aux avertissements taxés] d’exiger expressément que les mots «lu et approuvé » soient copiés de manière manuscrite par le contrevenant, le respect d’une telle obligation ne saurait être exigé lors de la signature par le contrevenant de l’avertissement taxé6 ».
Dès lors, au vu de ce constat et de la solution jurisprudentielle constatée ci-avant, il n’apparaît a priori pas que le requérant puisse sérieusement soutenir ne pas avoir disposé des informations légalement requises ou nécessaires en vue de préparer sa défense, sa signature à côté de la mention afférent semblant plutôt attester du contraire.
5 Trib. adm. 26 mai 2004, n° 17050, confirmé par arrêt du 26 octobre 2004, n° 18310C, trib. adm. 7 mars 2005, n° 18615, Pas. adm. 2018, V° Transports, n° 107.
6 Mêmes décisions citées sous Pas. adm. 2018, V° Transports, n° 108.
8 Cette conclusion permet au soussigné d’écarter également à ce stade le moyen tiré d’une violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, ledit moyen tablant sur un prétendu défaut d’information de l’intéressé, défaut non apparent en l’état actuel du dossier.
En tout état de cause, en ce qui concerne la violation alléguée de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, si l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme7 du 23 septembre 1998 a certes posé le principe de l’applicabilité de l’article 6§1 aux décisions de retrait de points, le soussigné relève qu’il résulte de décisions de la Cour européenne des droits de l’homme que « La sanction pénale réprime avant tout un fait déterminé en sanctionnant ponctuellement le responsable. Le dispositif du permis à points se veut par contre pédagogique et préventif et tend à responsabiliser les conducteurs en jouant sur deux volets, celui de la dissuasion et celui de la réhabilitation. L’objectif en est d’agir de façon ciblée contre les récidivistes en instaurant un système qui garantit la progressivité des sanctions et qui permet par conséquent de détecter plus aisément les conducteurs à risque. Des infractions répétées trahissent un comportement dangereux qui nécessite une réponse pédagogique appropriée reposant sur des sanctions adaptées au comportement fautif. Le permis à points constitue à cet égard un instrument adéquat pour détecter les conducteurs potentiellement dangereux et pour influer en temps utile sur les habitudes par le retrait de plein droit de points affectés aux infractions commises sinon pour les écarter au moins temporairement de la circulation, en constatant la suspension du droit de conduire au cas où le capital de points dont est doté le permis à conduire est épuisé, si l’approche préventive échoue. Le dispositif mis en place par le permis à points s’inscrit dans un choix politique de sécurité routière8 ».
Par ailleurs il n’appert pas que l’opérance du moyen tiré de la méconnaissance de l’article 6 de la CEDH à l’encontre des décisions de retrait de points signifie, pour autant, que ce moyen soit invocable à l’égard de toutes les décisions prises dans le cadre du contentieux du permis de conduire. En effet, par essence, il apparaît a priori que ledit article ne concerne que la « matière pénale », qui recouvre approximativement l’ensemble des sanctions administratives, mais non l’ensemble des décisions administratives : or, en l’espèce, les décisions déférées ont pour base l’article 2 bis, paragraphe 2 de la loi du 14 février 1955, aux termes duquel :
« Lorsque la réalité d’une infraction entraînant une perte de points est établie dans les conditions qui précèdent, le ministre fait procéder à une réduction conséquente du nombre de points dont le permis de conduire de l’auteur de l’infraction se trouve en ce moment affecté.
Toute réduction de points donne lieu à une information écrite de l’intéressé sur la ou les infractions à l’origine de la réduction de points ainsi que sur le nombre de points dont le permis de conduire concerné reste affecté. Les modalités de cette information sont arrêtées par règlement grand-ducal ».
Dès lors, en ce qui concerne les décisions ministérielles déférées portant à la connaissance du requérant la réduction conséquente du nombre de points dont son permis de 7 CEDH, 23 septembre 1998, Malige c. France, n° 68/1997/852/1059.
8 Trib. adm.13 décembre 2004, n° 18277; trib. adm. 29 janvier 2007, n° 21828, confirmé par arrêt du 3 juillet 2007, 22672C, Pas. adm. 2018, V° Transports, n° 93.
9conduire se trouve affectée, force est de constater que ces décisions n’apparaissent comme n’ayant de caractère décisionnel qu’en ce qui concerne la dernière réduction de 2 points intervenue suite à l’infraction commise par le requérant le 17 mai 2018, les autres réductions de points intervenues, soit suite à des avertissements taxés, soit suite un jugement correctionnel ayant fait l’objet de décisions ministérielles de retrait de points antérieures.
Etant donné cependant que le requérant n’a pas exercé les voies de recours lui ouvertes à l’encontre de ces différentes décisions ministérielles antérieures pour contester les différents retraits de points y opérés, ces décisions ont à première vue acquis autorité de chose décidée.
En ce qui concerne la réduction de 2 points intervenue suite à l’infraction commise par le requérant le 17 mai 2018, le requérant, outre d’affirmer ne pas avoir été adéquatement informé - affirmation non retenue au provisoire -, semble, aux termes de ses écrits, critiquer le fait que la réduction ait été faite sans tenir compte de ses situations professionnelle et personnelle, le requérant sollicitant en effet, sans avancer un quelconque moyen en droit afférent, la modulation de la suspension de son permis de conduire.
Or, la jurisprudence a retenu à cet égard qu’il résulte de l’article 2 bis, paragraphe 2, de la loi du 14 février 1955, cité ci-avant, que la question de l’adéquation et de la proportionnalité entre les circonstances de fait et les points réduits a été prise en compte par le législateur par la fixation dans le texte législatif de différents nombres de points à retirer en fonction des diverses infractions commises ainsi que par l’application de règles spécifiques en cas de concours réel d’infractions, règles limitant dans ce cas la réduction de points à un maximum de 6 points lorsqu’il s’agit exclusivement de contraventions, et à un maximum 8 points, lorsqu’il y a au moins un délit parmi les infractions retenues.
Il résulterait encore de ce texte que la question de la proportionnalité ayant été prise en compte par le législateur, celui-ci aurait expressément retiré tout pouvoir d’appréciation au ministre en précisant que la réduction des points à opérer en fonction des prédites règles s’opère de plein droit9, approche à première vue avalisée par la Cour européenne des droits de l’homme10, cette position ayant d’ailleurs à juste titre été itérativement expliquée par les services du ministère au requérant ainsi qu’à son avocat.
Partant, le nombre de points retenu découlant a priori directement de la loi, tout pouvoir d’appréciation dans le chef du ministre et, a fortiori, des juges du fond, semble exclu.
Les moyens invoqués à l’appui du recours au fond ne paraissent dès lors pas, au stade actuel de la procédure, comme suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire.
Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution, 9 Trib. adm. 3 décembre 2007, n° 22679 et 22923 10 CEDH, 23 septembre 1998, Malige c. France, n° 68/1997/852/1059, point 49.
10 condamne le requérant aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 novembre 2018 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.
s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 novembre 2018 Le greffier du tribunal administratif 11