Tribunal administratif N° 41419 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juillet 2018 Audience publique du 20 juillet 2018 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Madame …, … (France), par rapport à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’appel en garantie
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 41419 du rôle et déposée le 12 juillet 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Mario DI STEFANO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à F-…, ayant élu domicile en l’étude de Maître Mario DI STEFANO préqualifié, sise à L-2146 Luxembourg, 55-57, rue de Merl, tendant à voir instituer un sursis à exécution par rapport à la décision du directeur de l’administration des Contributions directes, référencée sous le numéro …, du 5 mars 2018 portant rejet de sa réclamation introduite le 15 novembre 2017 à l’encontre de deux bulletins d’appel en garantie émis à son égard le 11 août 2017 par l’administration des Contributions directes, bureau d’imposition …, un recours au fond, inscrit sous le numéro 41239 du rôle, dirigé contre la décision précitée du directeur de l’administration des Contributions directes ayant été déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 juin 2018 ;
Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause et notamment l’acte critiqué au fond ;
Maître Alex PHANG, en remplacement de Maître Mario DI STEFANO, et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 juillet 2018.
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Le 11 août 2017, le bureau d’imposition … émit un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », à l’égard de Madame … en sa qualité d’administrateur de la société anonyme … AG en faillite, désignée ci-après par « la société …», ledit bulletin la déclarant redevable solidairement d’un montant total de …,- euros, en principal et intérêts, dû au titre d’impôts sur les traitements et salaires des années 2009 à 2011.
Par décision du 5 mars 2018, le directeur de l’administration des Contributions directes, dénommé ci-après le « directeur », rejeta la réclamation introduite par le litismandataire de Madame … en date du 15 novembre 2017 contre le prédit bulletin d’appel en garantie du 11 août 2017, ladite décision étant libellée comme suit :
1« Vu la requête introduite le 15 novembre 2017 par Me Di Stefano, au nom de la dame …, demeurant à F-…, pour réclamer contre le bulletin d’appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau de la retenue d’impôt sur les traitements et salaires … en date du 11 août 2017 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu le § 119, alinéa 1er AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elle est partant recevable ;
Considérant que le bulletin attaqué a déclaré la réclamante co-débitrice solidaire de l’impôt sur les traitements et salaires des années 2009, 2010 et 2011, ainsi que des intérêts de retard afférents à l’impôt sur les traitements et salaires des années 2009, 2010 à 2011 au motif qu’elle aurait, en sa qualité de représentante légale de la société anonyme … A.G., entretemps en état de faillite (ci-après : « la société … »), commis une faute en ne veillant pas à ce que soient payées au receveur des Contributions, sur les fonds administrés, les sommes qui ont été retenues ou qui auraient dû être retenues à titre d’impôt sur les salaires, et dont la société était redevable ;
Considérant que la réclamante s’oppose au prédit bulletin d’appel en garantie en insistant sur le fait que, d’une part, elle n’aurait « commis aucune inexécution fautive pouvant engager sa responsabilité », et, d’autre part, « les créances fiscales réclamées ne sont pas justifiées en leur montant » voire que leur « quantum n’est en effet nullement justifié et démontré » ;
En ce qui concerne la responsabilité de la réclamante Considérant, à titre liminaire tout comme en matière de principe, que le représentant d’une personne morale est responsable du paiement des dettes d’impôt de la personne morale qu’il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO ; qu’aux termes du § 103 AO il est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société, notamment de remettre les déclarations fiscales dans les délais légaux et de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable (CE du 20 octobre 1981, n°6902) ;
Considérant dès lors que dans la mesure où le gérant, par l’inexécution fautive de ces obligations, a empêché la perception de l’impôt légalement dû, il est, en principe, constitué co-débiteur solidaire des arriérés d’impôt de la société, conformément au § 109 AO ; que la responsabilité du gérant est à qualifier de fautive du moment que les impôts échus, même avant son entrée en fonction, ne sont pas payés sur les fonds disponibles de la société à l’administration ;
Considérant qu’il s’avère nécessaire dans ce contexte de mettre en exergue qu’en matière de responsabilité du fait personnel (article 1382 du code civil), l’auteur du dommage ne peut pas s’exonérer en invoquant une prétendue faute d’un tiers, lequel n’entrera en ligne de compte qu’au stade du recours entre les coresponsables ; que le gérant responsable sur le fondement du § 109 AO ne peut s’opposer à une poursuite au motif qu’elle n’a pas été engagée contre l’autre, quod non en l’espèce, étant donné que quatre autres bulletins d’appel en garantie ont été émis de la part du bureau … à l’encontre des sieurs … et …, ainsi que des 2 dames … et … , les rendant ainsi codébiteurs solidaires au sens du § 7 de la loi d’adaptation fiscale (StAnpG) ;
Considérant, matériellement, qu’en vertu de l’article 136, alinéa 4 LIR. l’employeur est tenu de retenir, de déclarer et de verser l’impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel ; que dans le cas d’une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l’égard des tiers (§ 103 AO) ;
que la responsabilité de l’administrateur délégué est à qualifier de fautive du moment que des paiements de salaires sont effectués sans retenue d’impôt et sans continuation des montants à retenir à l’administration (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle) ; qu’il en est de même en ce qui concerne les retenues échues avant son entrée en fonction, si, par sa faute, elles ne sont pas payées sur les fonds disponibles de la société ;
Considérant que sous l’empire du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l’imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en vertu du § 2 StAnpG une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH du 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ;
jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH du 24 novembre 1961, BStBI. 1962.37 ; 3 février 1981, BStBI. 1981 II 493 ; cf Becker-Riewald-Koch § 2 StAnpG Anm. 5 Abs. 3) ; que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au principe même de la mise en œuvre de la responsabilité d’un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité ;
Considérant qu’un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef de l’administrateur-délégué d’une société n’est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109, alinéa 1’ AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive - « schuldhafte Verletzung » - des obligations du représentant de la société envers le fisc (Cour administrative du 22 février 2000, n° 11694C du rôle) ;
Considérant qu’en l’espèce, il échet de noter que la société … e été mise en état de faillite le …, faillite clôturée en date du 3 juin 2016 ; que lors de l'assemblée générale extraordinaire en date du 14 janvier 2010, la réclamante a été nommée administrateur pour une durée de deux ans par le conseil d'administration de la société … ; qu'elle a démissionné de son mandat d'administrateur en date du 31 août 2011 ; que la responsabilité du gérant est cependant à qualifier de fautive du moment qu'il n'accomplit pas ses obligations fiscales, dont notamment celle de veiller à ce que les impôts dus soient payés, même ceux datant d'avant son entrée en fonction, à l'aide des fonds administrés ; que cette dernière prémisse l'emporte, le cas échéant, ainsi de plein droit sur la situation telle qu’elle s’est présentée durant les années antérieures.
Considérant dans ce contexte, et notamment d’après une jurisprudence constante, que le paiement de salaires sans retenue d’impôt et sans continuation des montants à retenir à l’administration des contributions directes est à qualifier de fautif per se (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle ; Cour administrative du 6 janvier 2011, n° 27126C du rôle ; Tribunal administratif du 15 janvier 2009, n° 24145 du rôle) ;
Considérant de prime abord, qu’il convient de noter que la société … était étroitement liée à une autre société, en l'occurrence, la société anonyme …, déclarée en état de faillite à 3son tour en date du … (ci-après : « la société … ») ; que la réclamante a travaillé pour compte de cette dernière société en tant que « gestionnaire maritime » et y a également exercé un mandat d'administrateur pour la même période que pour la société … ; qu'elle a remplacé, ensemble avec la dame …, deux administrateurs (i.e. Me … et la dame …) ayant renoncé à leur mandat dans les deux sociétés précitées, à chaque fois en date du 23 décembre 2009 que l'administrateur de la société … (i.e. le sieur …) aurait expliqué à la réclamante que « faute d'avoir le nombre suffisant d'administrateurs, les deux sociétés se trouvaient en infraction et elles risquaient d'être déclarées en faillite » ; que la réclamante expose que le sieur … « ne disposait pas assez de temps pour trouver d'autres administrateurs, son épouse refusait tout nouveau mandat » ; qu'elle affirme avoir eu confiance en la personne de l'administrateur et que de toute façon la « nomination au poste d'administrateur serait purement formelle » ;
Considérant encore que la réclamante a été enceinte au début de l'année 2010, le sieur …, en sa fonction d'administrateur-délégué de la société …, ayant autorisé un congé parental à mi-temps pour la période du 7 juillet 2010 au 6 juillet 2011, à prendre consécutivement au congé de maternité ; qu'elle donne à considérer que pour « rendre service à son employeur, lui qui avait accepté qu'elle prenne un congé parental à mi-temps » elle a accepté le mandat d'administrateur ;
Considérant que la réclamante entend s’exonérer de toute responsabilité en relation avec les obligations fiscales ayant incombé à la société … en excipant le fait que le sieur … en aurait été l’administrateur-délégué ; qu’elle souligne que ce le sieur … aurait été le seul dirigeant de fait de la société … au motif qu’il aurait pris toutes les décisions ;
Considérant que les membres du conseil d’administration n’échappent pas à leur responsabilités parce qu’ils délèguent en tout ou en partie celles-ci à d’autres ; qu’ils doivent au contraire assumer une surveillance constante de ceux à qui ils donnent une pareille délégation, puisque nonobstant l’existence dans une société d’un délégué à la gestion journalière, « les administrateurs devraient aussi répondre d’un défaut de surveillance du délégué à la gestion journalière » ; qu’ainsi, en omettant de verser les retenues d’impôt sur les traitements et salaires, respectivement en omettant de surveiller que ces retenues d’impôt soient versées, la réclamante a engagé sa personnalité ;
Considérant qu’il convient de relever « que le représentant qui a accepté sa fonction ne peut pas se contenter de contester son pouvoir. En effet, en n’exécutant pas les obligations légales de la société, il manque à son premier devoir, celui d’administrer » ;
Considérant qu’« Il est admis que les administrateurs sont nommés en raison de leur compétence et de leur expérience dans l’accomplissement de leurs fonctions, de sorte qu’actifs et non-actifs répondent de leurs actes de la même façon, le fait de ne pas exercer ses fonctions dans la société étant en soi une faute de gestion. En effet, la faute n’implique pas nécessairement de la part de l’administrateur un agissement actif. La responsabilité de l’administrateur peut être engagée par son attitude passive, sa négligence, son incurie ; aussi, le comportement du demandeur, consistant en une légèreté ou une insouciance impardonnable doit être considérée comme faute grave, à savoir une faute qu’un dirigeant raisonnablement diligent et prudent n’aurait pas commise et qui heurte les normes essentielles de la vie en société, ou du moins les normes importantes. » ;
Considérant qu’il découle de ce qui précède que la réclamante ne saurait valablement minimaliser sa responsabilité en se retranchant derrière la circonstance selon laquelle le 4sieur … aurait été le seul dirigeant de la société … et sur laquelle il aurait eu une maîtrise totale ; qu’il ressort notamment de l'article 12 des statuts coordonnées de la société … que « Die Gesellschaft ist Dritten gegenüber rechtsverbindlich verpflichtet durch die gemeinsame Unterschrift von je zwei Mitgliedern des Verwaltungsrates oder durch die einzelne Ubterschrift (sic) des mit der tàglichen Geschäftsführung beauftragten Mitgliedes des Verwaltungsrates aber nur in den Grenzen dieser Vollmacht. » stipulant qu'ensemble avec un autre administrateur, la réclamante avait pourtant le pouvoir d'engager la société … ;
Considérant qu’il ressort des annexes remises par la réclamante qu’elle a déjà assuré un mandat d’administrateur à l’époque ; qu’aux termes du contrat de travail conclu avec son ancien employeur il se dégage que ce dernier « indemnisera l’Employée (i.e. la réclamante) de toute action, obligation, demande ou dettes contractées par l’Employée en qualité de fondateur, d’administrateur ou de commissaires (sic) aux comptes des sociétés domiciliées auprès de lui, et la déchargera de toute responsabilité et engagement contractés résultant de tous acte ou abstentions relatifs aux mandats précités en prenant en charge toute conséquence pécuniairement évaluable en découlant » ; que, toutefois, le contrat de travail signé avec la société … ne montre guère de trace d’une clause similaire ; qu’il doit être admis que dès lors elle entendait assumer pleinement ses responsabilités en tant qu’administrateur ;
qu’il ressort de son curriculum vitae joint à la présente réclamation qu’elle a passé avec succès des études supérieures économiques «(Commerce et marchés internationaux) à Paris en 2003, laissant valablement supposer qu’en tant que détentrice d’un diplôme d’études universitaires elle avait conscience des responsabilités lui incombant en tant qu’administrateur d’une société ; que par ailleurs, il est quelque peu insouciant d’accepter un tel mandat en se gardant à l’esprit qu’elle est partie en congé de maternité seulement un mois après sa nomination (i.e. le 17 février 2010), donc, en renonçant à son pouvoir de décision au profit des autres administrateurs jusqu’au 6 juillet 2010 (i.e. le dernier jour de son congé de maternité) ;
Considérant qu’il s’ensuit que la réclamante ne saurait invoquer que sa nomination en tant qu’administrateur de la société … relevait d’un pur formalisme ; qu’au vu de son expérience à l’époque (i.e. exercice d’un mandat d’administrateur) elle était pleinement consciente de ses responsabilités voire des pouvoirs lui conférés par le conseil d’administration de la société … de sorte qu’elle ne saurait prétendre que ces pouvoirs n’auraient eu qu’une valeur sur le papier ; qu’en arguant que cette tâche n’aurait pas fait partie de ses missions, consiste en une légèreté ou une insouciance impardonnable et doit être considérée comme une faute grave au sens du § 109 AO, faute qu’un dirigeant raisonnablement diligent et prudent n’aurait pas commise ;
Considérant que la réclamante expose encore que dès sa nomination en tant qu’administrateur elle s’aurait aperçu, ensemble avec la dame … (i.e. administrateur nommé pour la même période que la réclamante) de « problèmes de trésorerie », sans préciser toutefois le nom de la société ayant rencontré effectivement ces difficultés financières ; que ces « problèmes de trésorerie » auraient tiré leur origine d'un détournement de fonds à hauteur de … euros de la part de l'administrateur-délégué de la société … et ayant eu lieu au cours de l'année 2008 ; que, d'après les dires de la réclamante, « cet argent aurait pu servir à assainir la situation économique des sociétés … SA et … AG » que force est de constater que le détournement de fonds a eu lieu au niveau de la société …, son administrateur-délégué ayant indiqué son numéro de compte bancaire personnel sur une facture de cette dernière société, de sorte qu'il a pu empocher une commission se chiffrant à … euros ; que, toutefois, la réclamante ne saurait prétendre que les dettes de la société … auraient pu être honorées 5moyennant les fonds détournés, pour la simple raison qu'ils ont appartenu à la société … ;
que les sociétés … et …, bien qu'étant étroitement liées, ont constitué des entités indépendantes et, de ce fait, n'étaient pas en droit d'effectuer des transferts d'argent entre elles comme bon leur semble ;
Considérant que la présente réclamation a comme objet le non-paiement de l'impôt sur les traitements et salaires au titre des années 2009, 2010 et 2011 de la société … ; que l'argument de la réclamante que des fonds d'une société tierce auraient pu être utilisés afin de payer les dettes fiscales de la société dont elle a été l'administrateur, est dénué de pertinence en l'espèce ;
Considérant que son affirmation de n'avoir eu point de connaissance des troubles financiers avant son entrée au conseil d'administration de la société … reste à l'état de pure allégation et n'emporte pas la conviction du directeur statuant au contentieux ; qu'elle n'a pas soumis un quelconque élément tangible fournissant des indices plus ou moins concrets que la société … n'aurait pas disposé des fonds nécessaires afin d'honorer les dettes, avant ou après son entrée au conseil d'administration ;
Considérant que la réclamante a remis en date du 11 décembre 2017 une attestation du sieur … ; qu'il se dégage de cette lettre que ce dernier aurait « proposé [à la réclamante] de devenir administrateur dans l'urgence, suite à la démission avec effet immédiat de deux administrateurs, parce qu'elle était salariée de la société … SA. Monsieur … lui avait expliqué que si elle refusait cette fonction, elle pouvait perdre son emploi, faute pour la société de disposer du nombre suffisant d'administrateurs » ; que cette déclaration n'est cependant que partiellement correcte, l'article 51 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales disposant qu' « En cas de vacance d'une place d'administrateur nommé par l'assemblée générale, les administrateurs ainsi nommés ont, sauf disposition contraire dans les statuts, le droit d'y pourvoir provisoirement. Dans ce cas, l'assemblée générale, lors de la première réunion, procède à l'élection définitive. » ; que cette disposition se retrouve confirmée à l'article 6 des statuts coordonnés de la société … mentionnant que « Bei Ausscheiden eines Mitgliedes des Verwaltungsrates sind die verbfeibenden Verwaltungsratsmitglieder ermachtigt, die vorlâufige Beisetzung des vakanten Sitzes vorzunehmen. Dieser Aeschluss ist durch die nachste Gesellschafterversammlungzu (sic) ratifizieren. » ; qu'en l'espèce, le sieur … aurait occupé les postes vacants des administrateurs démissionnaires jusqu'à la prochaine assemblée générale ; que d'ailleurs une telle attestation ne saurait lier l'administration des contributions directes, cette dernière ne pouvant se prononcer que sur la responsabilité d'un membre du conseil d'administration, tel la réclamante, voire son inexécution fautive des tâches lui incombant dans le cadre de son mandat ; qu'accessoirement, il convient de noter que la réclamante a néanmoins la possibilité de faire poursuivre le sieur … au civil, au cas où elle le juge nécessaire ;
Considérant que la réclamante a sciemment omis de verser l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires du personnel de la société … se rapportant aux années 2009, 2010 et 2011 et que, partant, elle a empêché la perception de l'impôt légalement dû ;
Considérant qu'il est sans équivoque que la réclamante occupait le poste d'administrateur de la société … ; qu'elle est à considérer comme ayant été officiellement en charge de l'administration de la société … et, conformément à l'article 53 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, comme ayant été le représentant légal de ladite société à l'égard des tiers ; que dès lors sa responsabilité en tant qu'administrateur 6est incontestablement établie et que la mise à charge des arriérés de la société au titre de la retenue d'impôt sur les salaires et traitements pour les années 2009, 2010 à 2011, ainsi que les intérêts de retard y afférents, est justifiée ;
En ce qui concerne la justification des montants litigieux Considérant que la réclamante soulève que « Dans les bulletins attaqués, il y a des montants pour différentes années, sans qu’il ne soit précisé si les montants étaient échus pendant la période pendant laquelle la réclamante était administrateur » ; que d’emblée, il convient de noter qu’à la 1re page du bulletin d’appel en garantie émis à l’encontre de la réclamante est mentionnée l’intégralité des retenues d’impôt sur les salaires pour les années 2009, 2010, 2011 et 2012 non continuées au receveur des Contributions et se chiffrant au total à … euros (intérêts de retard compris) ; que la 2e page dudit bulletin fait état des retenues d'impôt échues avant son entrée au conseil d'administration (i.e. année 2009) voire celles échues jusqu'à la démission de son mandat d'administrateur (i.e. années 2010 et 2011) ; qu'en l'espèce, les retenues d'impôt se chiffrent respectivement à (… (principal) + … (intérêts) i.e.) … euros en ce qui concerne l'année d'imposition 2009, à (… (principal) + … (intérêts) i.e.) … euros en ce qui concerne l'année d'imposition 2010 et à (… (principal) + … (intérêts) i.e.) … euros en ce qui concerne l'année d'imposition 2011 ;
Considérant que la réclamante insiste sur le fait qu’ « il appartient à l’administration fiscale d’expliquer avec transparence et de justifier précisément les créances réclamées aux administrés. Elle ne peut exiger des montants, sans en justifier les périodes et en n’expliquant par (sic) les détails périodiques » ;
Considérant, à titre explicatif, que les §§ 210 et 212 AO constituent la base légale de l’établissement (ou de la « fixation ») de l’impôt, cet établissement se faisant toujours par voie de bulletin, écrit ou non écrit (« formel » ou « non formel ») ; qu’il importe donc de distinguer entre deux sortes de bulletins, d’une part les bulletins écrits, visés par le § 210 AO, émis, par exemple, en cas de fixation de l’impôt sur le revenu, et, d’autre part, les bulletins non écrits, trouvant application notamment dans le domaine de la retenue à la source sur les traitements et salaires, tel en l’espèce ;
Considérant que ledit § 212 AO, décisif et applicable en l’occurrence, retient que « Ist ein förmlicher Steuerbescheid nicht zu erteilen, so gilt als Steuerbescheid jede Willenskundgebung eines Finanzamts oder einer Hilfsstelle eines Finanzamts, mit der erstmalig ein bestimmter Betrag als Steuer von einer bestimmten Person sofort oder innerhalb einer bestimmten Frist beansprucht wird » ; qu’en d’autres termes la déclaration afférente de la part du débiteur de rémunérations, donc de l’employeur, du chef de retenue d’impôt sur traitements et salaires prélevée sur les rémunérations (en numéraire ou en nature) mises à disposition par un employeur à ses salariés, doit être considérée comme constitutive d’un bulletin d’impôt non écrit (ou « non formel ») pris à l’égard du débiteur des rémunérations lui imposant l’obligation de prélever des rémunérations distribuées le montant retenu et de verser ce dernier au Trésor ; qu’en matière de retenue à la source sur les traitements et salaires, le fait par l’employeur de déclarer et de verser les retenues respectives vaut en même temps établissement d’un bulletin (non formel) et fixation de l’impôt dû ;
Considérant qu’en vertu du § 228 AO, les bulletins non formels visés au § 212 AO figurent parmi les décisions qui peuvent être attaquées dans un délai de trois mois par voie de réclamation devant le directeur ou son délégué ;
7 Considérant qu'il résulte du dossier fiscal de la société …, que tous les bulletins non formels découlant des déclarations de retenues d'impôts sur les traitements et salaires soumises au bureau d'imposition … avaient acquis autorité de chose décidée avant la date de faillite de la société … ; que la réclamante aurait pu exercer à l'époque en sa qualité d'administrateur pour compte de la société … les voies de recours légalement prévues contre lesdits bulletins, alors qu'elle n'a pas allégué avoir introduit une telle voie de recours ; que, partant, « le caractère définitif de ces bulletins emporte la conséquence que l’Etat peut légalement se prévaloir des montants renseignés dans les déclarations à la base de ces bulletins, mais non encore réglés par la société […] comme constituant son préjudice justifiant l'appel en garantie du demandeur » ;
Considérant encore que « La réclamante demande un calcul détaillé et précis pour les retenus (sic) d'impôt salariales échus (sic) pendant la période pendant laquelle la réclamante était administrateur, avec précision sur le salarié concerné et sur les périodes pendant lesquelles sont nées les créances » ; qu'il n'y a pas lieu de faire suite à cette demande au motif qu'en tant que membre du conseil d'administration de la société …, elle avait les moyens de contrôler et de vérifier les rémunérations des salariés ainsi que les retenues d'impôt y afférentes pendant toute la période de son mandat ; que la faute de la réclamante de ne pas avoir fait usage de son pouvoir de surveillance ne fait que confirmer son attitude passive, sa négligence et son incurie, éléments-clés dans le présent recours de l'inexécution fautive de ses obligations en tant que représentante légale de la société … ;[…] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 juin 2018, inscrite sous le numéro 41239 du rôle, Madame … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du directeur du 5 mars 2018. Par requête déposée en date du 12 juillet 2018, inscrite sous le numéro 41419 du rôle, elle a encore fait introduire une demande tendant à voir assortir d’un sursis à exécution la décision précitée du directeur du 5 mars 2018.
La demanderesse estime que les deux conditions légalement posées par l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », seraient remplies en cause.
Elle expose en premier lieu sa situation personnelle et patrimoniale, en précisant que la société …, exploitant maritime, aurait été constituée le 6 août 2003 et que son administrateur-délégué aurait été la société …, valablement engagée par Monsieur …, administrateur délégué de cette même société. La demanderesse ajoute que Maître … aurait aussi été administrateur de la société en question et ce, jusqu'à sa démission en décembre 2009.
En décembre 2009, Monsieur … aurait insisté qu’elle devienne administrateur pour une durée de deux ans des sociétés … et …, la demanderesse précisant encore qu’à l’époque, elle aurait été employée en tant que salariée de la société …. Elle ajoute que selon les dires de Monsieur …, les administrateurs des sociétés susmentionnées auraient démissionné avec effet immédiat de leurs fonctions et toutes les conventions de domiciliation auraient été dénoncées.
Il lui aurait par ailleurs fait savoir que faute de disposer du nombre suffisant d'administrateurs, les deux sociétés se trouveraient en infraction et qu'elles risqueraient d'être déclarées en faillite, ce qui aurait entraîné dans son chef une perte de son emploi. Il lui aurait par ailleurs expliqué qu'il ne disposait pas d’assez de temps pour trouver d'autres administrateurs et que 8son épouse refuserait tout nouveau mandat. Il lui aurait en outre expliqué qu'en cas de difficultés, les sociétés en question répondraient de toute action qui serait intentée à son encontre en raison de son mandat d'administrateur, éléments qui seraient confirmés par Monsieur … même dans sa déclaration écrite sur l'honneur du 10 novembre 2017.
Elle aurait fini par occuper le mandat d’administrateur, à partir du 14 janvier 2010 et ce, jusqu’au 31 août 2011, en espérant ainsi préserver l'emploi. Elle ajoute qu’elle aurait été en congé maternité du 17 février 2010 au 6 juillet 2010, avant d'enchaîner sur un congé parental à temps partiel. Elle aurait été licenciée le 30 novembre 2011, avec effet au 31 mars 2012 et elle n’aurait pas perçu l'intégralité de ses salaires.
La société … aurait été déclarée en faillite par jugement du …, faillite qui aurait été clôturée pour insuffisance d’actifs par jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 3 juin 2016.
Actuellement, la demanderesse serait employée par la société anonyme … SA avec un salaire brut mensuel de …- euros, soit un net mensuel de …,- euros après retenues à la source opérées aux fins de cotisations sociales et d'impôt sur salaires et elle ne disposerait pas d'autres sources de revenus.
La demanderesse expose ensuite les faits et rétroactes à la base du recours introduit contre la décision directoriale litigieuse, en précisant qu’outre sa réclamation du 14 novembre 2017, réceptionnée le lendemain, contre le bulletin d’appel en garantie émis à son encontre, elle aurait, à titre subsidiaire, introduit une demande en sursis à exécution devant le bureau d’imposition, laquelle aurait toutefois été refusée le 3 janvier 2018 par une motivation brève et laconique. Le 23 février 2018, elle se serait vue notifier un commandement à payer la somme de …,- euros, et en date du 9 mars 2018, elle aurait introduit une opposition à ce commandement devant le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg. Cette affaire serait actuellement encore pendante.
En droit, la demanderesse fait dans un premier temps valoir que l’affaire au fond ne serait pas susceptible d’être plaidée à brève échéance, de sorte que le recours sous analyse serait recevable.
En ce qui concerne le préjudice grave et définitif, la demanderesse fait valoir qu’elle percevrait actuellement un salaire net mensuel de …,- euros, tout en précisant que pendant la période où elle aurait été administrateur ses rémunérations se seraient élevées à …,- euros net après déduction des cotisations sociales et retenues d’impôt sur salaire pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 et à …,- euros net pour la période du 1er janvier 2011 au 31 août 2011, soit à un total de …,- euros. Avec son concubin, elle devrait payer des traites de …,- euros pendant 59 mensualités puis de …,- euros pendant 120 mensualités restantes pour rembourser un emprunt hypothécaire. Elle disposerait par ailleurs que d’un très faible niveau d’épargne d’environ …,- euros et elle ajoute qu’elle serait mère de deux enfants en bas âge nés respectivement en 2010 et en 2012. Compte tenu de ses revenus modestes, elle se trouverait dans l’impossibilité de rembourser le montant d’arriérés d’impôt réclamé dans le cadre de la faillite de la société … lequel devrait, par ailleurs, être considéré ensemble avec celui réclamé dans le cadre de la faillite de la société … et serait obligée de vendre sa maison d’habitation familiale, ce qui lui causerait un préjudice grave et définitif.
9En ce qui concerne l’existence de moyens sérieux invoqués à l’appui de son recours au fond, la demanderesse rappelle en premier lieu que Monsieur … aurait été administrateur-
délégué de …, laquelle aurait, quant à elle, été administrateur-délégué de … depuis sa constitution. Monsieur … aurait pris toutes les décisions concernant la gestion journalière de la société … et il aurait été le seul à avoir la possibilité de donner des ordres de paiement. Il aurait également reçu l'intégralité des courriers depuis la fin des contrats de domiciliation.
Elle donne ensuite à considérer qu’elle aurait été appelée à la rescousse en raison de sa qualité d’employée de la société … et que sa fonction d'administrateur aurait été purement théorique.
Elle aurait accepté cette fonction dans l’urgence et elle n’aurait jamais été convoquée à des réunions ou à des assemblées générales. Par ailleurs, elle aurait été complètement absente pendant près de six mois pendant son congé maternité du 17 février 2010 au 6 juillet 2010 et elle n'aurait été présente qu'à mi-temps pendant son congé parental à temps partiel du 7 juillet 2010 au 6 juillet 2011, de sorte qu’elle n’aurait pas pu prendre de décision pendant cette période. Elle donne encore à considérer qu’elle n'aurait tiré aucun bénéfice matériel de son mandat d'administrateur car elle n’aurait eu aucun avantage en nature ou en rémunération pour l'exercice de cette fonction.
La demanderesse en conclut que Monsieur … aurait seul tenu les rênes de la société … tant au niveau de l'orientation de la politique d'activité que de la gestion journalière, alors qu’il aurait seul disposé d’un pouvoir décisionnel. Elle aurait partant été une victime crédule et de bonne foi, soumise aux agissements d’un administrateur-délégué puissant et omnipotent.
Elle n’aurait ainsi été qu’administrateur de façade, sans autonomie, ni réel pouvoir de décision et a fortiori sans aucune liberté d’action. Elle ajoute qu’il ressortirait de l’attestation écrite de Monsieur … que sa nomination en tant qu’administrateur n’aurait en rien modifié la nature de ses fonctions par rapport à sa situation antérieure. Elle n’aurait en outre pas disposé d’un pouvoir de signature sur le compte bancaire de la société …, de sorte qu’elle n’aurait pas pu prélever des fonds pour payer les dettes litigieuses. Elle conteste ainsi toute « schuldhafte Verletzung » dans son chef, de sorte que sa responsabilité personnelle ne pourrait pas être engagée.
Dans son recours au fond, la demanderesse fait encore plaider que la créance fiscale ne serait pas justifiée en son montant en faisant valoir que le bulletin d’appel en garantie resterait en défaut de préciser si les montants étaient échus pendant la période au cours de laquelle elle était administrateur. Elle donne plus particulièrement à considérer que les montants retenus dans le bulletin d’appel en garantie concerneraient des années civiles, tandis que son mandat d’administrateur n’aurait débuté que mi-janvier 2010 et aurait pris fin le 31 août 2011. Elle insiste encore sur le fait qu’elle n’aurait pas perçu l’intégralité des salaires, de sorte qu’il n’y aurait pas pu avoir de retenues d’impôt.
Finalement, la demanderesse conteste le quantum de la somme réclamée en arguant en substance que seules les retenues d’impôt salarial non effectuées pendant la période de janvier 2010 à août 2011 pourraient être valablement réclamées. Elle estime par ailleurs que la créance réclamée devrait être diminuée du fait des sommes récupérées par le curateur.
Le délégué du gouvernement, quant à lui, soulève de prime abord l’irrecevabilité du recours en faisant valoir que la décision directoriale sous analyse serait une décision négative, de sorte que la demanderesse aurait non pas dû solliciter un sursis à exécution de ladite décision, mais une mesure de sauvegarde par rapport à cette même décision. Il estime par ailleurs qu’aucune des conditions requises pour l’institution d’un sursis à exécution ne serait remplie en l’espèce. Il insiste plus particulièrement sur le défaut de moyens sérieux soulevés 10au fond en mettant en exergue la personnalité avertie de la demanderesse, ainsi que la négligence dont elle aurait fait preuve.
En ce qui concerne le moyen d’irrecevabilité soulevé par le délégué du gouvernement, il est vrai qu’une décision négative, c’est-à-dire une décision qui dénie à un administré un droit, n’est pas susceptible d’un sursis à exécution en ce qu’une telle mesure n’est pas de nature à lui reconnaître positivement le droit contesté. Or, en l’espèce, le directeur, en statuant sur la réclamation lui adressée par la demanderesse, n’a pas dénié un droit à la demanderesse, mais a procédé à un réexamen intégral du bien-fondé du bulletin d’appel en garantie et a, en rejetant la réclamation en question, pris la décision de déclarer le bulletin d’appel en garantie fondé et de maintenir les effets y relatifs. Il ne s’agit dès lors pas d’une décision négative telle que définie ci-avant, mais bien d’une décision confirmative du bulletin d’appel en garantie, de sorte que la demanderesse a dès lors valablement pu solliciter un sursis à exécution en l’espèce.
Il convient ensuite de souligner qu’en vertu de l’article 11 de la loi du 21 juin 1999, un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.
L’affaire au fond ayant été introduite le 6 juin 2018 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi du 21 juin 1999, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.
En ce qui concerne la seconde condition pour l’obtention d’un sursis à exécution, à savoir l’existence de moyens sérieux invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, cette exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond.
Ainsi, le juge du référé est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante la réformation ou l’annulation de la décision attaquée.
La compétence du juge du référé est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui.
11Il s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire.
Au niveau de l’examen des moyens invoqués à l’appui du recours au fond, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, notamment au vu des solutions jurisprudentielles dégagées par le juge du fond, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée - les moyens devant offrir une apparence de droit suffisante ou un degré de vraisemblance tel que l’on peut nourrir des doutes importants quant à la légalité de l’acte1 -, étant rappelé que comme le sursis à exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.
Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.
A l’analyse du recours au fond, il apparaît, tel que retenu ci-avant, que celui-ci est tiré en substance, de l’absence de toute inexécution fautive de ses obligations fiscales dans le chef de la demanderesse, et de la contestation du montant réclamé.
En ce qui concerne l’allégation de l’absence d’une inexécution fautive de ses obligations fiscales dans le chef de la demanderesse, la soussignée constate, au terme d’un examen nécessairement sommaire, qu’il appert que, d’une part, Madame … se voit réclamer les arriérés de la société … au titre de la retenue d'impôt sur les salaires et traitements pour les années 2009 à 2011 et, d’autre part, de manière incontestée et incontestable, que la demanderesse a été nommée en date du 14 janvier 2010 aux fonctions d'administrateur de la même société et a occupé cette fonction jusqu’au 31 août 2011, date de sa démission. Il ressort par ailleurs des pièces soumises à la soussignée que la société … a été déclarée en état de faillite en date du ….
Au vu de ce qui précède, il est dès lors probable que les juges du fond, en application d’une jurisprudence constante selon laquelle le paragraphe 103 AO met une obligation personnelle à charge des représentants légaux de la société, en ce compris les dirigeants de fait ou dirigeants apparents, aboutissent à la conclusion qu’en sa qualité d’administrateur de la société … la demanderesse ait été, en tant que représentant légal de ladite société, responsable de l’accomplissement des obligations fiscales incombant à ladite société au cours des exercices fiscaux visés par le bulletin d’appel en garantie émis à son encontre et notamment celle de veiller à ce que les impôts dus soient provisionnés et payés au trésor public.
S’agissant de l’appréciation des manquements reprochés à la demanderesse, la soussignée constate que selon la jurisprudence constante des juges du fond, le simple constat 1 Jean-Paul Lagasse, Le référé administratif, 1992, p.48.
12d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du paragraphe 109 (1) AO et pour pouvoir émettre à leur encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant en effet posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société envers l’administration fiscale.
Par ailleurs, suivant une jurisprudence bien établie en la matière, au vœu du paragraphe 7 (3) 3 de la loi d'adaptation fiscale du 16 octobre 1934, ci-après désignée par « StAnpG », disposant que « jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung. Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will. Es kann die geschuldete Leistung von jedem Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern », le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite du tiers responsable, et plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir discrétionnaire dans son chef et ce à un double titre, d’abord en ce qui concerne l’appréciation du degré fautif du comportement de la personne visée, et ensuite en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce. Quant à l’exercice du pouvoir d’appréciation par l’administration, le paragraphe 2 StAnpG dispose que « (1) Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessensentscheidungen) müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht. (2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessensentscheidungen nach Billigkeit und Zweckmäβigkeit zu treffen ». Ainsi, l’administration investie d’un pouvoir d’appréciation doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et partant se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles en opportunité et en équité de fonder sa décision.
La soussignée constate à cet égard, d’une part, que l’examen prima facie de la thèse soutenue par le directeur et la partie étatique fait apparaître qu’elle n’est pas insusceptible d’être entérinée par les juges du fond. En effet, au regard d’une certaine jurisprudence en la matière, la faute d’un dirigeant de société n’implique pas de la part de celui-ci un agissement fautif, sa responsabilité pouvant être engagée par son attitude passive, sa négligence ou son incurie et, par conséquent, le comportement d’un dirigeant consistant en une légèreté ou une insouciance impardonnable devrait être considéré comme faute grave, à savoir une faute qu’un dirigeant raisonnablement diligent et prudent n’aurait pas commise et qui heurte les normes essentielles de la vie en société, ou du moins les normes importantes2.
Si la demanderesse entend certes contester toute inexécution fautive dans son chef en affirmant en substance avoir été une victime crédule face à un administrateur-délégué qui aurait été omnipotent, il est toutefois probable que les juges du fond réfutent cette argumentation eu égard à la personnalité de la demanderesse. En effet, il résulte tant des explications du délégué du gouvernement, que des pièces versées en cause, dont notamment la réclamation contre le bulletin d’appel en garantie telle qu’adressée au directeur par le mandataire de la demanderesse, que cette dernière a en effet fait des études de commerce international, a travaillé dans le domaine maritime depuis 1999 et a, avant d’accepter le mandat litigieux, d’ores et déjà occupé les fonctions d’administrateur dans deux sociétés différentes, à savoir la société anonyme … SA et la société anonyme … SA, de sorte qu’il semble a priori qu’elle devait être au courant des obligations et conséquences découlant de 2 Trib. adm. 6 juillet 2016, n° 36437 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
13son mandat, de même que des conséquences du prétendu manque d’administrateurs tel que soulevé par Monsieur … au moment de son acceptation dudit mandat, un tel manque d’administrateurs ne conduisant en effet pas à la faillite d’une société, étant encore précisé que la demanderesse exerce encore le mandat d’administrateur auprès de son employeur actuel. Toujours compte tenu de la personnalité de la demanderesse il semble également peu probable que les juges du fond fassent droit au moyen consistant dans l’affirmation qu’elle ne saurait être tenue responsable des agissements de l’administrateur-délégué durant son congé de maternité et son congé parental, dans la mesure où le fait d’accepter un mandat d’administrateur quelques semaines avant de prendre un congé de maternité semble a priori témoigner d’une certaine négligence. Il appert par ailleurs que cette circonstance à elle seule ne saurait justifier le fait qu’elle a omis de procéder à son devoir de surveillance. De même, ses affirmations selon lesquelles elle n’aurait eu aucun pouvoir effectif, alors que seul Monsieur … aurait disposé d’un pouvoir décisionnel en ce qui concerne la gestion journalière de la société …, ne semblent guère avoir de chance d’être accueillies par les juges du fond dans la mesure où il est de jurisprudence constate que le représentant qui a accepté sa fonction ne peut pas se contenter de contester son pouvoir, alors qu’en n’exécutant pas les obligations légales de la société, il manque à son premier devoir, celui d’administrer, étant encore précisé que d’après la jurisprudence constante en la matière, les administrateurs actifs et non-actifs répondent de leurs actes de la même façon.
Il appert encore, d’après la jurisprudence constante en la matière, que celui qui agit en lieu et place d’autrui doit veiller à l’exécution des obligations fiscales de celui qu’il représente, tandis que l’une de ces obligations consiste ainsi pour le représentant de fait d’une société à opérer, de déclarer et verser les retenues d’impôt et, de manière générale, à payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable3. En effet et, toujours selon la jurisprudence des juges du fond, il s’avère qu’en vertu des dispositions de l’article 136, paragraphe (4) de la loi modifiée du 4 novembre 1967 sur l’impôt sur le revenu (LIR), l’employeur est tenu de retenir et de verser l’impôt qui est dû sur les salaires et traitements de son personnel. Dans le cas d’une société, cette obligation incombant à l’employeur est transmise aux représentants de celle-ci, conformément au paragraphe 103 AO, qui dispose que « die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen ; insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln die sie verwalten, entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und Sicherungsgelder die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen », de sorte que le représentant légal d’une société commerciale est tenu de payer sur les fonds qu’il gère les impôts dont la société est redevable. L’impôt sur les salaires est un impôt dû par le salarié qu’il incombe à l’employeur de retenir et de continuer pour compte du salarié à partir du moment qu’un salaire passible dudit impôt lui est versé. Il s’ensuit que le fait par l’employeur de verser un salaire sans pour autant effectuer, voire continuer les retenues qui s’imposent, s’analyse en un détournement des sommes en question au profit de la société, alors que cette partie du salaire est due à l’Etat non pas par l’employeur, mais par le salarié.
Il est partant probable que les juges du fond confirment l’analyse du directeur selon laquelle, in fine, la négligence flagrante et inexcusable affichée par la demanderesse - cette dernière ne contestant pas ne pas avoir procédé à la retenue des impôts sur salaire - tant en ce 3 Trib. adm. 20 juillet 2016, n° 36466 du rôle.
14qui concerne le respect des obligations légales et statutaires des administrateurs qu’en ce qui concerne son devoir de surveillance de l’administrateur-délégué constituant en effet une « schuldhafte Verletzung »4.
Quant au moyen relatif à l’absence de transparence et le fait qu’elle ne saurait être tenue responsable du non-paiement des retenues d’impôt que pendant la période effective de son mandat, la soussignée constate que dans sa décision directoriale litigieuse, le directeur explique de façon détaillée les échéances des différentes sommes réclamées dans le bulletin d’appel en garantie litigieux en ce qui concerne les années 2009 à 2011, explications desquelles il résulte a priori que les montants réclamés pour l’année 2011 correspondent à la période de janvier à août 2011, date de la démission de la demanderesse. En ce qui concerne l’année 2009 et la première quinzaine de l’année 2010, période ayant précédé la date de prise d’effet du mandat d’administrateur de la demanderesse, la soussignée rappelle que d’après la jurisprudence en la matière non seulement l’ancien représentant peut se voir opposer après la cessation de ses fonctions des manquements aux obligations fiscales du représenté survenus au cours de la période pendant laquelle il assumait les fonctions de représentant, mais que par ailleurs le nouveau représentant ne peut pas ignorer les manquements qui sont survenus antérieurement à son entrée en fonctions. La circonstance qu’une obligation aurait dû être exécutée avant son entrée en fonctions ne le libère pas et il doit remédier au manquement dès qu’il en a connaissance. Ainsi, le nouveau gérant, respectivement comme en l’espèce le nouvel administrateur, n’est pas dispensé de veiller au dépôt des déclarations même si le délai a expiré avant sa prise de fonctions ou de verser au receveur la retenue d’impôt sur les salaires qui aurait dû être payée avant son entrée en fonctions, de sorte que ledit moyen ne semble guère non plus présenter de chances de succès devant les juges du fond.
Ensuite, et en ce qui concerne les contestations de la demanderesse quant au quantum de la créance d’impôt réclamée, il est de jurisprudence constante que conformément au § 119 AO, le tiers appelé en garantie peut introduire les mêmes voies de recours et faire valoir les mêmes moyens contre le bulletin d’appel en garantie que ceux dont dispose le débiteur principal de l’impôt. Il est encore de jurisprudence constante que cette faculté de faire valoir les mêmes moyens contre le bulletin d’appel en garantie que ceux à disposition du débiteur principal de l’impôt implique que la personne appelée en garantie est en droit de soulever tant des moyens dirigés contre la décision de l’appeler en garantie, en ce que les conditions afférentes ne se trouveraient pas réunies dans son chef, que des moyens tendant à contester la soumission du débiteur principal à l’impôt ou la cote d’impôt fixée à son égard. Il n’est dérogé à cette étendue des voies de recours à disposition de la personne appelée en garantie que dans les hypothèses prévues par le § 119 (2) AO, dont notamment celle où la personne appelée en garantie était représentant du débiteur principal en temps utile, de manière à avoir été en mesure d’introduire en cette qualité une voie de recours contre le bulletin d’impôt émis à l’égard du débiteur principal, mais que l’absence de recours a emporté l’autorité de chose décidée dans le chef dudit bulletin. Pour les bulletins d’impôts informels, comme en l’espèce, les juges du fond ont retenu que le délai de recours de trois mois pour introduire un recours tel que prévu au § 228 AO commence à courir, dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, les paiements n’ont pas été effectués en temps utile, à la date de réception de la déclaration des retenues qui doit être considérée comme ayant chiffré pour la première fois la créance d’impôt du trésor public. Toujours conformément à la jurisprudence en la matière, la soussignée constate qu’au vu de la démission de la demanderesse de ses fonctions d’administrateur en date du 31 août 2011, tous les bulletins non formels découlant de déclarations de retenues 4 Voir : trib. adm. 8 novembre 2016, n° 36410 du rôle.
15d’impôts sur traitements et salaires soumises au bureau RTS compétent par la société … jusqu’à 31 mai 2011 semblent avoir acquis autorité de chose décidée, étant encore précisé que le mandat d’administrateur de la demanderesse l’a a priori mis en mesure d’exercer les voies de recours légalement prévues contre lesdits bulletins. La demanderesse est dès lors a priori autorisée à contester que le quantum des bulletins non formels de retenues d’impôt sur traitements et salaires qui ont été émis après la date du 31 mai 2011, Madame … devant toutefois rapporter la preuve des faits la libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt, preuve qui au vu des pièces soumises à la soussignée et de l’examen nécessairement sommaire de ces mêmes pièces n’est a priori pas rapportée de sorte que les contestations quant au quantum de la somme réclamée ne paraissent pas être susceptibles d’affecter la légalité de la décision directoriale.
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent et au stade actuel de l’instruction du litige, les moyens invoqués à l’appui du recours au fond n’apparaissent pas comme suffisamment sérieux pour justifier une mesure de sursis à exécution.
Etant donné que les conditions tendant à l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif et de moyens sérieux doivent être cumulativement remplies pour justifier un sursis à exécution, il y a lieu de rejeter la demande au vu de la seule absence de moyens sérieux invoqués à l’appui du recours au fond, sans qu’il y ait lieu d’examiner en plus l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif.
Par ces motifs, la soussignée, vice-président du tribunal administratif, siégeant en remplacement des président et magistrat plus anciens en rang, légitimement empêchés, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution, condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique 20 juillet 2018 par Thessy Kuborn, vice-
président du tribunal administratif, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
Judith Tagliaferri Thessy Kuborn 16