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29/06/2018 | LUXEMBOURG | N°41273

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 juin 2018, 41273


Tribunal administratif N° 41273 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juin 2018 Audience publique du 29 juin 2018 Requête en obtention d’une mesure provisoire introduite par l’association momentanée … contre des décisions du ministre du Développement durable et des Infrastructures, en présence de l’association momentanée … en matière de marchés publics

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 41273 du rôle et déposée le 13 juin 2018 au greffe du t

ribunal administratif par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Or...

Tribunal administratif N° 41273 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juin 2018 Audience publique du 29 juin 2018 Requête en obtention d’une mesure provisoire introduite par l’association momentanée … contre des décisions du ministre du Développement durable et des Infrastructures, en présence de l’association momentanée … en matière de marchés publics

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 41273 du rôle et déposée le 13 juin 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) la société à responsabilité limitée …, ayant son siège social à …, inscrite au Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son ou ses gérants actuellement en fonctions, 2) la société anonyme …, ayant son siège social à …, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, et 3) la société anonyme de droit belge …, inscrite à la … sous le numéro …, ayant son siège social à …, représentée par son conseil d’administration actuelle en fonctions, regroupées au sein de l’association momentanée …, tendant à l’institution d’un sursis à exécution, sinon d’une mesure de sauvegarde, contre l’arrêté du ministre du Développement durable et des Infrastructures du 3 mai 2018 portant attribution du marché public de « Travaux de Façades et de Menuiserie métallique à exécuter dans l’intérêt de la Construction du Centre Pénitentiaire Ueschterhaff à Sanem », à l’association momentanée …, constituée par la société anonyme …, établie et ayant son siège social à …, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, et de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à …, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, et contre la décision corrélative du même ministre, par laquelle l’offre de l’association momentanée … soumise en vue de l’obtention dudit marché a été rejetée, un recours en annulation ayant été par ailleurs introduit contre lesdites décisions ministérielles par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 41272 du rôle ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Christine KOVELTER, en remplacement de l’huissier de justice Frank SCHAAL, demeurant à Luxembourg, du 14 juin 2018, portant signification de la prédite requête en obtention d’une mesure provisoire à la société anonyme … ainsi qu’à la société anonyme …, préqualifiées ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Patrick MULLER, demeurant à Diekirch, du 14 juin 2018, portant signification de la prédite requête en obtention d’une mesure provisoire à 1) la société à responsabilité limitée …, inscrit(e) au registre de commerce de Luxembourg sous le numéro …, établie et ayant son siège social à …, 2) à la société à responsabilité limitée …, inscrite au registre de commerce de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, établie et ayant son siège social à … et 3) à la société anonyme …, inscrite au registre de commerce de Luxembourg sous le numéro …, établie et ayant son siège social à … ;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Maître Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, pour l’association momentanée …, ainsi que Maître Brice OLINGER, en remplacement de Maître Patrick KINSCH pour l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 juin 2018.

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Par avis de marché du 17 janvier 2017, le ministère du Développement Durable et des Infrastructures annonça l’ouverture d’une procédure de soumission ouverte en vue de l’attribution du marché public relatif aux travaux de façades et de menuiserie métallique du Centre Pénitentiaire Ueschterhaff à Sanem.

La société anonyme …, la société anonyme …, ainsi que la société à responsabilité limitée …, regroupées au sein de l’association momentanée …, déposèrent une offre en date du 9 mars 2017. Lors de l’ouverture des soumissions en date du 10 mars 2017, la société anonyme … apparut être la moins-disante des concurrents en lice, tandis que l’association momentanée présenta la deuxième meilleure offre.

Par arrêté du 18 septembre 2017, le ministre du Développement durable et des Infrastructures, dénommé ci-après le « ministre », sur proposition du directeur de l’administration des Bâtiments publics du 23 août 2017, approuva le procès-verbal d’adjudication publique, suivant lequel la société anonyme … s’engage à exécuter les prestations mises en soumission publique moyennant le paiement d’un prix de … euros (TTC). Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 octobre 2017, inscrite sous le numéro 40283 du rôle, l’association momentanée … fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision d’attribution du marché que de la décision de rejet de son offre. Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 40284 du rôle, l’association momentanée … sollicita encore le sursis à exécution des deux décisions attaquées dans le cadre du recours au fond.

Par ordonnance du 7 novembre 2017, n° 40284 du rôle, le soussigné déclara le recours en sursis à exécution en question justifié et ordonna qu’en attendant que le tribunal administratif se soit prononcé au fond sur le mérite du recours introduit sous le numéro 40283 du rôle, il soit sursis à l’exécution de la décision du ministre du 18 septembre 2017 portant attribution du marché public de « Travaux de Façades et de Menuiserie métallique à exécuter dans l’intérêt de la Construction du Centre Pénitentiaire Ueschterhaff à Sanem », à la société anonyme … ainsi que de celle corrélative prise en date du 5 octobre 2017 portant rejet de l’offre de l’association momentanée …, tout en précisant qu’en attendant la décision au fond de l’affaire par le tribunal administratif le contrat avec l’adjudicatrice ne pourra pas être conclu.

Le 16 décembre 2017, le ministère du Développement Durable et des Infrastructures annonça l’ouverture d’une nouvelle procédure de soumission ouverte en vue de l’attribution du marché public relatif aux travaux de façades et de menuiserie métallique du Centre Pénitentiaire Ueschterhaff à Sanem.

2 Lors de l’ouverture des soumissions en date du 8 février 2018, l’association momentanée …, constituée des sociétés …, … et …, apparut être la moins-disante des concurrents en lice, avec une offre se chiffrant à … euros HTVA, l’association momentanée …, constituée de de la société …, établie et ayant son siège social à …, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, de la société …, établie et ayant son siège social à …, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, et de la société de droit allemand …, établie et ayant son siège social à …, inscrite au Registergericht … sous le numéro …, s’étant classée en seconde position avec une offre à hauteur de … euros HTVA, l’association momentanée … s’étant pour sa part classée en troisième position avec un montant de … euros HTVA.

Par arrêté du 3 mai 2018, le ministre, sur proposition du directeur de l’administration des Bâtiments publics du 19 avril 2018, approuva le procès-verbal d’adjudication publique, suivant lequel l’association momentanée … s’engage à exécuter les prestations mises en soumission publique moyennant le paiement d’un prix de … euros TTC.

Par courrier du 5 juin 2018, le ministre informa l’association momentanée … que l’offre soumise par elle n’avait pas pu être prise en considération, ledit courrier étant libellé comme suit :

« Conformément à la loi modifiée du 10 novembre 2010 instituant les recours en matière de marchés publics, et conformément au règlement grand-ducal du 3 août 2009 portant exécution de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics, j’ai le regret de porter à votre connaissance que votre offre n’a pas pu être prise en considération, étant donné que les documents obligatoires à remettre avec l’offre, prouvant que vous remplissez les conditions minima de participation à la soumission, ont fait défaut. Ce défaut concerne en particulier la condition de la certification de soudage. En effet, la certification EN1090 présentée ne mentionne pas le procédé de soudage 111. Pour votre information, veuillez trouver ci-joint copie de l’arrêté d’adjudication.

Conformément à l’article 5 de la loi précitée, il pourra être procédé à la conclusion du contrat avec l’adjudicataire passé un délai de quinze jours à partir du lendemain de l’envoi de la présente information, de sorte que vous pouvez introduire une réclamation contre la conclusion du contrat endéans ce délai. Vous disposez notamment de la possibilité, endéans le délai précité, de présenter vos observations au pouvoir adjudicateur ou de saisir, par voie d’avocat à la Cour, le Président du Tribunal administratif d’une requête en sursis à exécuter, conformément à l’article 6 de la loi précitée et conformément à l’article 11 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Passé ce délai, il vous restera toujours la possibilité d’introduire par voie d’avocat à la Cour un recours en annulation à l’encontre de la décision d’adjudication auprès du Tribunal administratif dans un délai de trois mois à compter de la présente notification ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2018, inscrite sous le numéro 41272 du rôle, l’association momentanée … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision d’attribution du marché que de la décision de rejet de son offre.

3 Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 41273 du rôle, elle sollicite encore le sursis à exécution des deux décisions attaquées dans le cadre du recours au fond.

L’association momentanée … quoique valablement informée par acte d’huissier de la requête en obtention d’une mesure provisoire et du recours en annulation, ne s’est pas fait représenter. Nonobstant ce fait, le soussigné statue à l’égard de toutes les parties, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Quant à l’association momentanée …, celle-ci n’a pas été valablement mise en intervention, la société … ne s’étant pas vu signifier le recours et les autres sociétés n’ayant pas notifié de constitution d’avocat.

L’association momentanée … estime que les conditions légales requises pour voir instituer la mesure provisoire sollicitée sont remplies en l’espèce au motif que l’exécution de la décision d’adjudication risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif, d’une part, et que les moyens d’annulation à l’appui de son recours au fond seraient sérieux, d’autre part.

Pour justifier l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, elle fait valoir que l’exécution immédiate de la décision d’adjudication moyennant la conclusion du contrat entre le pouvoir adjudicateur et la société adjudicatrice avant que le tribunal administratif ne se soit prononcé sur le recours au fond l’écarterait définitivement et irrémédiablement du marché en cause ; or, le marché en cause serait non seulement d’une envergure importante, de sorte que la non-attribution de ce dernier provoquerait dans le chef de ses membres un préjudice financier certain et définitif, mais les membres de l’association momentanée perdraient la possibilité d’occuper une partie substantielle de leur personnel, le marché public litigieux exigeant un effectif minimal de 150 personnes dont 50 minimum à occuper sur le chantier durant la durée des travaux fixée à 374 journées ouvrables, ainsi que la possibilité de participer à un marché de référence dans le domaine d’activité de celles-ci, de sorte à perdre définitivement la possibilité de bénéficier de l’expérience, mais encore de la réputation acquise lors de l’exécution du marché.

L’association momentanée … estime encore que son recours au fond aurait de sérieuses chances de succès de voir annuler les décisions querellées et elle se prévaut au fond des moyens suivants, après avoir rappelé que si la législation sur les marchés publics tend à organiser une bonne gestion des deniers publics, dans le respect des principes de transparence, d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, et de concurrence, son offre, pourtant la moins-disante, aurait été écartée sur base de formalisme outrancier.

Elle fait en premier lieu plaider que les décisions déférées seraient entachées d’erreur de fait, sinon subsidiairement d’erreur manifeste d’appréciation, respectivement la violation du principe de proportionnalité, du principe de bonne administration et de saine gestion des deniers publics, la violation des articles 206, 207, 233, 234, 235, 238 et 240 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 portant exécution de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics, ci-après « le règlement grand-ducal du 3 août 2009 » ; plus subsidiairement, elle invoque la violation de l’article 30 de la loi du 8 avril 2018 sur les marchés publics.

Elle explique ensuite que si son offre a été écartée au motif que « la certification EN1090 présentée ne mentionne pas le procédé de soudage 111 », motif qui s’appuierait sur 4 l’article 2.14 des clauses contractuelles particulières qui exige notamment au titre des « conditions minimales de participation » la certification de soudage selon la norme EN 1090, et plus précisément comme classe d’exécution minimum : « EXC2 Procédé de soudage minimum : 111 ; 135 Groupe de matières primaires : 1.1 ; 1.2. » la norme EN 1090 serait une norme à acquérir par une entreprise, tandis que les indications des procédés de soudage auraient trait à des capacités techniques des ouvriers.

Or, l’association momentanée … aurait indiqué travailler avec deux sous-traitants, à savoir la … et la société … (« …») et aurait joint à son offre un courrier de cette dernière société indiquant « Conformément à la EN 1090, nous nous engageons d’effectuer les travaux suivant les qualifications prescrites » ainsi que la certification EN1090 requise, indiquant la classe d’exécution (EXC3, qui comprendrait la classe EXC2), les procédés de soudage et les groupes de matière première. Elle aurait encore joint, pour deux ouvriers appelés à travailler sur le chantier, à savoir Monsieur … et Monsieur …, deux certificats délivrés par la Commission nationale de soudure, attestant de la compétence technique pour procédé de soudage minimum « 111 ».

Elle estime dès lors que son offre répondait bien aux conditions minimales de participation, telles qu’exigées par les clauses contractuelles particulières et qu’elle aurait été écartée sans faire état des certifications de deux ouvriers précités.

Il semblerait en effet que son offre aurait été écartée pour avoir compris deux documents séparés, à savoir d’un côté la certification EN1090 et de l’autre les certificats d’ouvriers pour procédé de soudage minimum « 111 » au lieu d’un seul document, à savoir la certification EN1090 comportant en son sein la mention du procédé de soudage 111 : il s’agirait d’un reproche relevant d’un formalisme d’outrancier ne pouvant fonder le rejet de son offre.

L’association momentanée … rappelle que les documents pouvant être demandés par le pouvoir adjudicateur auraient pour seul objectif non pas de servir d’argument purement formaliste pour rejeter une offre mais de vérifier les capacités économiques, techniques et professionnelles des soumissionnaires, l’association momentanée rappelant encore que, suivant les articles 206 et 207 du règlement grand-ducal du 3 août 2009, les exigences relatives notamment aux niveaux minimaux de capacités exigés pour un marché déterminé devraient être liées et proportionnées à l’objet du marché. Ainsi, l’exigence de la condition minimale de participation relative à la certification « procédé de soudage minimum 111 » devrait être analysée à l’aune des principes qui se dégagent des textes précités en ce qu’elle devrait avoir pour vocation de vérifier la capacité technique du soumissionnaire ; partant, les documents exigés pour effectuer cette vérification devraient être liés à l’objet du marché et proportionnés, ceci dans l’optique d’éviter des formalismes outranciers qui limitent le libre accès à la commande publique.

Or, non seulement elle aurait joint à l’offre la certification en question, de sorte que sa capacité technique aurait été démontrée, mais le procédé de soudage 111 ne serait de surcroît pas utilisé dans le cadre du marché litigieux.

Par ailleurs, en vertu des articles 234 et 235 du règlement grand-ducal du 3 août 2009, les opérateurs économiques (seuls ou en groupement) pourraient faire valoir les capacités d’autres entités : or, les ouvriers proposés, ayant les qualifications techniques exigées, à savoir maîtriser le procédé de soudage minimum 111, auraient été proposés par leur sous-traitant, à 5 savoir la société …. Aussi, leur offre était recevable du point de vue du critère minimal de participation puisque les ouvriers proposés disposent des compétences techniques requises suivant les documents de soumission.

L’association momentanée … reproche encore au ministre d’avoir rejeté son offre sans même l’inviter à expliciter, pour autant que de besoin, les certificats remis, conformément au prescrit de l’article 240 du règlement grand-ducal précité, de sorte que ce faisant le pouvoir adjudicateur aurait encore commis une erreur de fait, sinon une erreur manifeste d’appréciation, et en tout état de cause aurait violé le principe de proportionnalité, le principe de bonne administration et de saine gestion des deniers publics, puisque par le rejet irrégulier d’une offre d’un soumissionnaire ayant manifestement les capacités techniques et professionnelles pour exécuter le marché, il aurait privilégié une offre d’un montant de … euros plus élevé.

L’association momentanée … relève encore qu’à la date de la remise de l’offre des requérantes, elle disposait du certificat EN1090 pour son second sous-traitant, à savoir la …, laquelle disposait dudit certificat, mentionnant le procédé de soudage « 111 », pour la période du 7 octobre 2016 au 6 octobre 2018.

Enfin, elle critique le pouvoir adjudicateur pour ne lui avoir adressé depuis la remise de son offre aucune demande de précision ou aucune demande visant à ce que le dossier de soumission soit complété, alors qu’il en aurait été autrement entre le pouvoir adjudicateur et le soumissionnaire retenu. Par ailleurs, lors de l’analyse des soumissions, aucun prétendu problème n’aurait été détecté concernant son offre par rapport aux conditions minimales de participation au marché ; dans ce contexte, elle insiste pour que l’intégralité du dossier administratif, comportant les analyses des soumissions ainsi que les échanges entre le pouvoir adjudicateur et les soumissionnaires, soit versé au tribunal administratif.

L’Etat contre cette argumentation en relevant que les conditions légales pour obtenir une mesure provisoire ne seraient pas remplies en cause, en contestant tant le risque d’un préjudice grave et définitif que le caractère sérieux des moyens de l’association momentanée.

En ce qui concerne cette dernière condition, l’Etat fait plaider que l’association momentanée … ne se serait pas conformée aux conditions minima de participation telles que figurant au cahier des charges, prévues sous peine d’exclusion, dans la mesure où elle n’aurait pas versé le certificat de soudage tel qu’explicitement exigé.

En vertu de l’article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 13 juin 2018 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

En ce qui concerne plus particulièrement le préjudice grave et définitif tel qu’invoqué, il convient de rappeler qu’un préjudice est grave au sens de l’article 11 de la loi précitée du 21 6 juin 1999 lorsqu’il dépasse par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société et doit dès lors être considéré comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques. Il est définitif lorsque le succès de la demande présentée au fond ne permet pas ou ne permet que difficilement un rétablissement de la situation antérieure à la prise de l’acte illégal, la seule réparation par équivalent du dommage qui se manifeste postérieurement à son annulation ou sa réformation ne pouvant être considérée à cet égard comme empêchant la réalisation d’un préjudice définitif.

En l’espèce, l’exécution immédiate des décisions attaquées et plus particulièrement de la décision d’adjudication moyennant la conclusion du contrat entre le pouvoir adjudicateur et la société adjudicatrice avant que le tribunal administratif se soit prononcé par rapport au recours au fond, implique le risque tant définitif que grave pour la requérante de perdre toute chance de se voir attribuer un marché d’une importance certaine et de référence pour lequel elle a présenté l’offre la moins-disante, l’association momentanée s’exposant par ailleurs, tel que concrètement expliqué, outre à la perte de ce marché d’envergure - la seule importance des sommes en jeu, établissant d’emblée le risque de préjudice grave - et de ses conséquences financières directes et indirectes importantes, à un manque à gagner important et à la perte de chances résultant de la mise en disponibilité de ses capacités dans l’attente de l’attribution du marché en cause.

Il s’ensuit que la première exigence légale est remplie en cause.

Il reste à examiner si la deuxième condition énoncée par l’article 11 de la loi du 21 juin 1999 pour justifier une mesure de sursis à exécution et requérant que les moyens présentés par la requérante à l’appui de son recours au fond soient suffisamment sérieux est remplie en cause.

Concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Ainsi, le juge du référé est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des 7 moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision attaquée.

Il convient tout particulièrement de souligner que comme la requête en effet suspensif sinon en institution d’une mesure de sauvegarde, en ce qu’elle sollicite une mesure provisoire, s’appuie directement et uniquement sur les moyens invoqués au fond, le juge statuant au provisoire est uniquement appelé à apprécier le sérieux des moyens invoqués au fond : il n’est partant appelé qu’à apprécier le sérieux des moyens produits devant le juge du fond , c’est-à-

dire les moyens figurant à ce stade dans la requête introductive d’instance enrôlée devant le juge au fond, le juge du provisoire ne pouvant plus particulièrement pas tenir compte de moyens qui pourraient figurer postérieurement à sa saisine dans de futurs et hypothétiques mémoires ampliatifs.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Au niveau de l’examen des moyens d’annulation invoqués à l’appui du recours au fond, l’examen de ses chances de succès appelle le juge administratif saisi de conclusions à des fins de sursis à exécution, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et à vérifier si un des moyens soulevés par la partie demanderesse apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation voire la réformation de la décision critiquée.

Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

En ce qui concerne le premier moyen, relatif à une erreur de fait, sinon à une erreur manifeste d’appréciation, sinon à une violation du principe de proportionnalité, respectivement les principes de bonne administration et de saine gestion des deniers publics, il est constant en cause que les clauses contractuelles particulières prévoyaient, au niveau des condition minima de participation, sous le point 2.14, la production d’un certificat de soudage selon la norme EN1090 indiquant la classe d’exécution minimum EXC2, le procédée de soudage minimum 111 et 135 ainsi que le groupe de matières primaires 1.1 et 1.2..

Il appert ensuite, tel qu’argué par l’association momentanée …, que celle-ci a indiqué dans son offre vouloir travailler avec deux sous-traitants, à savoir la … et la société … Elle a encore joint à son offre un certificat EN1090-1 établi au nom de la prédite société … et indiquant la classification EXC3, un second certificat, toujours au nom de la même société, EN1090-2 relatif à la classification EXC2 et indiquant les procédés de soudure 135, 141 et 783 ainsi qu’un troisième certificat relatif à la classe EXC3, indiquant les procédés 135 et 783.

Enfin, deux certificats individuels (« Schweisser-Prüfungsbescheinigung »), relatifs au procédé de soudage 111, de deux ouvriers, étaient joints à l’offre.

8 Le soussigné constate que la réalité de ces pièces n’est pas contestée par l’Etat, le bureau d’architecte assistant l’Etat dans cette soumission ayant en effet retenu l’existence d’un certificat EN1090-1 relatif à la classe EXC3, sans indication des procédés 111, 135, 1.1 et 1.2, d’un second certificat EN1090-2 relatif au procédé de soudage 135 et portant sur les classes EXC2 et EXC3 et, en ce qui concerne le procédé 111, deux certifications individuelles émises dans le cadre de la norme EN9606, sans indication à ce niveau de la classe EXC2 et des groupes de matériau 1.1. et 1.2..

Le constat du défaut de production d’un certificat tel que formellement exigé sous le point 2.14 des clauses contractuelles du cahier des charges au niveau des conditions minima de participation et résumé comme suit par le bureau d’ingénieurs secondant l’administration des Bâtiments publics : « Rein formell liegt die geforderte Zertifizierung nach EN 1090 in der Ausfüurungsclasse EXC2 für das Schweissverfahren 111 in den Materialgruppen 1.1 und 1.2 nicht vor » ne paraît pas, en l’état actuel du dossier et aux termes d’une analyse nécessairement sommaire, être énervé.

Il appert encore que l’Etat a estimé que les deux certificats individuels relatifs à deux ouvriers n’étaient pas de nature à certifier la classe EXC2 et les classes de matière première exigées et ne comportaient pas de garanties quant au respect de la norme EN1090 pour le procédé de soudage 111.

Il résulte encore des explications étatiques qu’en ce qui concerne l’indication de la classe EXC3, s’il s’agit certes d’une classe supérieure, il ne saurait être maintenu, tel que plaidé par l’association momentanée …, que cette classe comprendrait par définition la classe EXC2, alors qu’il s’agirait de procédés différents, l’Etat ayant encore expliqué qu’en matière de soudure, les qualifications individuelles de personnes déterminées ne seraient pas équivalentes à une certification globales EN1090.

L’affirmation non documentée selon laquelle la classe d’exécution EXC3, dont dispose l’un des sous-traitants, supérieure à la classe EXC2 minimale demandée, correspondrait à une exigence de qualité complète, alors que la classe EXC2 correspondrait à une exigence de qualité normale, de sorte que la classe EXC3 comprendrait factuellement la classe EXC2, n’est en l’espèce pas de nature, en l’état actuel d’instruction du dossier et des éléments soumis au soussigné, d’énerver les explications de l’Etat. Il y a en effet lieu de rappeler qu’en matière de contentieux administratif, le régime administratif de la preuve fait en premier lieu peser le fardeau de la preuve sur le demandeur, lequel doit effectivement combattre et démentir le contenu et la légalité de l’acte administratif critiqué, lequel bénéficie à défaut d’une présomption de régularité.

En tout état de cause, la question de savoir si, au-delà du constat manifeste du non-

respect formel de l’exigence d’un certificat déterminé, les différentes certifications éparses, contenues dans divers documents, dont deux certifications individuelles établies manifestement intuitu personae pour deux artisans ou ouvriers dont les relations ou attaches avec l’un des soumissionnaires ou des sous-traitants n’ont pas été indiquées dans le dossier de soumission, problème explicitement relevé par l’Etat lors de l’appréciation des différentes offres (« (…) von 2 Personen ohne Nennung der direkten Zugehörigkeit zum Unternehmen (…) »), échappe tant factuellement au soussigné, à défaut de toute documentation versée par l’association momentanée … étayant la thèse de celle-ci, que juridiquement, une telle question 9 d’appréciation technique nécessitant, pour être toisée, une analyse plus poussée et une discussion au fond, à laquelle le juge du provisoire ne saurait pas procéder.

Il est par ailleurs apparu lors des plaidoiries que les deux ouvriers en question relèvent de la société …, société non indiquée par l’association momentanée … au niveau du bordereau de soumission comme sous-traitant destiné à intervenir en appui de l’association momentanée en question.

Enfin, force est de constater que le certificat tel qu’exigé ne parait pas comme relevant d’un formalisme excessif ou outrancier, voire comme relevant d’une exigence impossible à respecter, l’association momentanée concurrente … ayant manifestement produit une certification répondant en tous points aux exigences du cahier des charges : le fait que l’association momentanée … n’ait pu verser que les certificats incomplets en cause permet de supposer qu’elle ne remplissait en fait pas au moment de la soumission les spécifications permettant l’émission d’un certificat tel qu’exigé.

Il s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire, le soussigné rappelant à cet égard qu’un moyen est sérieux lorsqu’il laisse présager, aux termes d’une analyse sommaire, une probable réformation ou annulation, c’est-

à-dire s’il fait pressentir une réformation ou une annulation.

Quant au reproche adressé au pouvoir adjudicateur qu’il aurait omis d’inviter l’association momentanée … à expliciter les différents certificats versés, afin de lui donner la possibilité de rectifier ou régulariser le défaut formel constaté, en produisant par exemple les contrats de travail des ouvriers disposant individuellement de la certification relative au procédé de soudage 111, et ce conformément au prescrit de l’article 240 du règlement grand-

ducal du 3 août 2009, le soussigné constate d’abord que l’article 2.14 des conditions minima de participation précise explicitement que « toutes les pièces nécessaires à la preuve des conditions minima de participation sont obligatoirement à fournir lors de la remise de l’offre, sous peine de forclusion ». Cette condition stricte a encore été explicitée dans une note adressée le 2 janvier 2018 à toutes les entreprises ayant téléchargé le dossier de soumission, ladite note soulignant l’impossibilité de transmettre ultérieurement des pièces relatives aux conditions minima de participation et précisant « si un des documents manque dans le dossier de l’offre remise, celle-ci sera exclue ».

Il convient ensuite de constater que le certificat manquant s’inscrit à première vue dans le cadre des conditions minima de participation à la soumission, telles qu’inscrites sous l’article 2.14 des clauses contractuelles particulières du cahier des charges.

Or, il résulte de la jurisprudence1 que le pouvoir adjudicateur doit d’abord, dans une première phase, examiner la recevabilité ou le mérite d’une offre soumise dans le cadre d’une mise en adjudication publique, avant de prendre la décision d’attribution d’un marché public entre les divers soumissionnaires dont l’offre aura été déclarée recevable.

C’est ainsi, toujours selon cette même jurisprudence, que l’article 71 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 précité impose au pouvoir adjudicateur d’examiner et de vérifier 1 Trib. adm., 11 février 2015, n° 33802 du rôle.

10 les dossiers de soumission quant à leur conformité technique et à leur valeur économique, notamment quant au bien-fondé des prix et quant à l’exactitude des calculs, ledit article précisant encore que les offres qui ne satisfont pas aux conditions du cahier spécial des charges ou dont les prix sont reconnus inacceptables sont éliminées, l’article 59 précisant que les offres non conformes aux articles 56, 57 et 58 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 ne sont pas prises en considération et l’article 85 de ce règlement précisant encore que le choix de l’adjudicataire ne peut se porter que sur des soumissionnaires qui se trouvent dans les conditions visées à l’article 2 et dont la compétence, l’expérience et les capacités techniques et financières, la situation fiscale et parafiscale, les moyens d’organisation en outillage, matériel et personnel qualifié, le degré d’occupation ainsi que la probité commerciale offrent les garanties pour une bonne exécution des prestations dans les délais prévus.

Il résulte à cet égard encore de la jurisprudence2 des juges du fond que la formulation impérative de l’article 71 du règlement grand-ducal du 3 août 2009 (« Les offres qui ne satisfont pas aux conditions du cahier spécial des charges ou dont les prix sont reconnus inacceptables sont éliminées »), ne confère pas une faculté au pouvoir adjudicataire pour éliminer une offre en cas de constat de sa non-conformité mais pose le principe que dans cette hypothèse l’offre non conforme « est éliminée », de sorte à exclure tout pouvoir d’appréciation dans le chef du pouvoir adjudicataire, et, a fortiori, tout risque de distorsion de concurrence et d’inégalité des soumissionnaires face à une soumission, en exigeant de tous les soumissionnaires qu’ils respectent scrupuleusement le cahier des charges, toutes les entreprises devant en effet faire conformément à l’article 4 de la loi du 25 juin 2009 l’objet d’un traitement identique.

La jurisprudence3 retient encore le défaut constaté de remplir les données minimales de participation exigées par des clauses contractuelles particulières ne serait pas susceptible d’être régularisé : « Bien au contraire, exiger du pouvoir adjudicateur qu’il prenne l’initiative de permettre à un soumissionnaire déterminé, en-dehors du cadre strict de l’article 60 du règlement grand-ducal du 3 août 2009, de rectifier son dossier en ce qui concerne le respect des conditions minima de participation, constituerait non seulement une violation du principe selon lequel les offres une fois déposées ne peuvent plus être modifiées, hormis des erreurs arithmétiques, pareil principe découlant notamment des articles 75 (« (1) Il n’est pas tenu compte des changements et additions proposés par les soumissionnaires après l’ouverture des soumissions. (…) ») et 77 du règlement grand-ducal précité, mais encore une violation du principe d’égalité de traitement de tous les soumissionnaires ainsi qu’une violation du principe de l’immutabilité de l’offre après l’ouverture des soumissions, principe inscrit à l’article 62 (« (1) Les offres peuvent être envoyées par lettre recommandée ou être remises par le soumissionnaire en personne ou par son mandataire au bureau précisé dans l’avis de marché. Il n’est tenu compte que des offres y arrivées ou remises avant les jour et heure fixés pour l’ouverture des soumissions. (2) Les offres arrivées après ce délai, quelle que soit la cause du retard, sont retournées non ouvertes à l’expéditeur (…) ») ».

Les juges du fond4 ont à cet égard plus particulièrement retenu que les informations afférentes doivent obligatoirement faire partie intégrante de l’offre présentée et qu’il ne saurait être admis qu’elles soient communiquées seulement après la prise de la décision ou que le soumissionnaire attende que le pouvoir adjudicateur les lui réclame. Dès lors, il appert, 2 Trib. adm. 17 juin 2013, n° 30754 du rôle.

3 Trib. adm., 11 février 2015, n° 33802 du rôle.

4 Ibidem.

11 toujours au vu de la jurisprudence5, que le défaut constaté de remplir les données minimales exigées, n’est pas susceptible de pouvoir bénéficier du régime de l’article 60 du règlement grand-ducal du 3 août 2009, ce qui constituerait une garantie incontournable de l’égalité de traitement des soumissionnaires consacrée par l’article 4 de la loi du 25 juin 2009 aux termes duquel « les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité, de manière non discriminatoire et agissent avec transparence ».

Ainsi, il appert que, selon la jurisprudence des juges du fond, la question soumise au provisoire au soussigné, à savoir celle d’absence ab initio d’un document formellement exigé, sous une forme déterminée, ne serait pas susceptible d’être couverte, notamment par l’application de l’article 60 du règlement grand-ducal du 3 août 2009.

L’invocation de l’article 240 du règlement grand-ducal du 3 août 2009, aux termes duquel « Le pouvoir adjudicateur peut inviter les opérateurs économiques à compléter ou à expliciter les certificats et documents présentés en application des articles 222 à 239 » ne paraît pas énerver la conclusion provisoire ci-avant, les articles 222 à 239 en question ayant trait aux critères de sélection qualitative ; partant, il semble que le moyen en question repose manifestement sur une confusion, dans le chef des sociétés requérantes, entre les conditions minima de participation, dont le défaut a a priori motivé la décision de rejet ministérielle, régies au niveau règlementaire par l’article 85 (2) du règlement grand-ducal du 3 août 2009, et les conditions de sélection qualitative.

Il en résulte que ce moyen ne présente, en l’état actuel des débats et au vu des solutions jurisprudentielles bien établies, pas non plus le sérieux requis.

En ce qui concerne le moyen subsidiaire, basé sur l’affirmation qu’à la date de la remise de son offre, l’association momentanée …, son sous-traitant, la …., aurait disposé du certificat litigieux, mentionnant le procédé de soudage 111 pour la période du 7 octobre 2016 au 6 octobre 2018 ainsi que sur l’allégation que comme cette société aurait pignon sur rue dans le domaine du mobilier métallique, il aurait été « évident » qu’elle remplissait elle aussi ces conditions, l’association momentanée … admettant toutefois n’avoir pas produit ce document à l’appui de son offre, ce moyen ne convainc guère au vu de l’exigence, sous peine d’exclusion, de verser tous les documents requis au moment de l’offre et de l’impossibilité se dégageant de la jurisprudence, de régulariser ex post une offre incomplète, cette impossibilité ayant été précisément édictée, au vu de la jurisprudence, afin de garantir un traitement égalitaire et non discriminatoire de tous les concurrents.

Quant au dernier moyen basé sur une violation du principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, l’association momentanée … soutenant n’avoir ni contact, ni demande de précision, ni autre demande du pouvoir adjudicateur visant à ce que le dossier de soumission soit complété, alors qu’il en aurait été autrement entre le pouvoir adjudicateur et le soumissionnaire retenu, il appert au vu des pièces versées en cause par le pouvoir étatique que si le pouvoir adjudicateur s’est bien adressé le 16 mars 2018 à l’association momentanée concurrente … pour voir compléter le dossier de soumission, ladite demande s’est toutefois inscrite dans le cadre des conditions de sélection qualitative, susceptibles a priori d’être complétées ou précisées conformément à l’article 240 du règlement grand-ducal du 3 août 2009, invoqué par la requérante elle-même, et non dans le cadre des conditions minima de participation, dont le défaut a a priori motivé la décision de rejet ministérielle.

5 Voir aussi, trib. adm. 13 décembre 2010, n° 26633 et Cour adm. 12 mai 2011, n° 27702C.

12 Il n’appert dès lors pas a priori qu’une inégalité de traitement, ayant consisté en ce que dans la même situation le pouvoir adjudicateur ait pris contact avec l’un des soumissionnaires en vue de permettre à celui-ci de compléter son offre, possibilité qui n’aurait, dans la même situation été offerte aux concurrents, d’informations cruciales, puisse être dégagée du seul fait que le pouvoir adjudicateur ait refusé à l’un des concurrents une possibilité - celle de compléter des conditions minima de participation - non prévue par la loi, tout en accordant à un autre concurrent une possibilité quant à elle prévue par la loi, à savoir celle de compléter des conditions de sélection qualitative.

Ainsi, il résulte plus particulièrement que la majorité des informations complémentaires sollicitées s’inscrivent dans le cadre de l’article 1.10., respectivement de l’article 2.10.6, relatifs à des critères de condition sélective, sinon dans celui de clauses techniques particulières, et plus particulièrement celui de l’article 1.0.2, qui prévoit que « Bieter, welche die nachstehenden Nachweise nict mit ihrem Angebot abgeben, können von der Submission ausgeschlossen werden » : or, outre que cette dernière disposition semble prévoir uniquement une possibilité d’exclusion, et non une obligation, il apparaît, à première vue, que cette disposition relève des clauses techniques générales (CTG) sinon des clauses techniques particulières (CTP), portant a priori, aux termes de l’article 1er du règlement grand-ducal du 24 mars 2014 portant institution de cahiers spéciaux des charges standardisés en matière de marchés publics et portant modification de l’article 103 du règlement grand-

ducal du 3 août 2009 portant exécution de la loi du 25 juin 2009 sur les marchés publics, notamment sur les matériaux, l’exécution, les prestations ou encore sur les différents corps de métiers ou professions : il ne s’agit là encore a priori pas de conditions minima de participation non susceptibles de régularisation.

Ce dernier moyen ne paraît dès lors pas non plus, au stade actuel de l’instruction du litige, comme suffisamment sérieux pour justifier la mesure provisoire sollicitée.

L’une des conditions posées par l’article 11 de la loi du 21 juin 1999 n’étant pas remplie, il y a partant lieu de rejeter la demande en obtention d’un sursis à exécution, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne l’échec de la demande.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant à l’égard de toutes les parties et en audience publique ;

rejette le recours tendant à l’obtention d’une mesure provisoire ;

condamne les sociétés requérantes aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 juin 2018 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen 13 Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 juin 2018 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 41273
Date de la décision : 29/06/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-06-29;41273 ?

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