Tribunal administratif N° 41137 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mai 2018 1re chambre Audience publique du 11 juin 2018 Recours formé par Monsieur …, … contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 41137 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 11 mai 2018 par Maître Nour E. Hellal, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Egypte), de nationalité égyptienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation 1) d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 25 avril 2018 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et 3) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 mai 2018 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Nour E. Hellal et Madame le délégué du gouvernement Sarah Ernst en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 mai 2018.
Le 6 novembre 2017, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale, au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.
Les 26 janvier, 21 février et 26 mars 2018, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 25 avril 2018, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », résuma les déclarations de Monsieur … auprès de la direction de l’Immigration comme suit : « […] Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté l’Egypte en 2011 « d’une façon légale. J’avais un contrat de travail de deux ans pour travailler en Italie » (page 3 du rapport d’entretien) ainsi qu’un titre de séjour que les autorités italiennes vous auraient enlevé après un séjour en prison de 3 ans parce que vous auriez eu « une bagarre avec des jeunes souls. Ils m’avaient accusé d’avoir volé leur téléphone. Je me suis juste défendu » (page 3 du rapport d’entretien). Après avoir « fait un peu de tourisme, en France, en Belgique, et finalement, j’ai pensé à venir au Luxembourg pour déposer une demande d’asile. » (page 3 du rapport d’entretien) parce que vous seriez « fasciné par ce pays, il est calme, il y a de la liberté. » (page 6 du rapport d’entretien).
Vous indiquez que vous auriez quitté l’Egypte parce que « le gouvernement et la population sont compliqués. Il y a un manque de liberté, des droits de l’homme, on n’a pas le droit de nous exprimer. » (page 6 du rapport d’entretien). Vous auriez participé à la révolution de 2011 et votre activité aurait consisté dans le fait de parler, chanter (page 10 du rapport d’entretien) et passer « les nuits sur la place dans la rue dans une tente » (page 10 du rapport d’entretien). Dans ce contexte, la sécurité nationale serait venue vous « chercher à la maison après l’enlèvement de mon ami. Moi je n’étais pas présent. Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas encore compris pourquoi ils me cherchent » (page 6 du rapport d’entretien). Votre ami n’aurait pas participé aux manifestations liées à la révolution. Vous seriez parti parce que vous auriez été convaincu que « je vais subir les mêmes problèmes : enlèvement et torture. » (page 7 du rapport d’entretien), même si la police n’est plus revenue après cet incident (page 16 du rapport d’entretien).
De plus il ressort de vos dires que vous auriez eu un problème avec la famille de votre copine : « sa famille n’était pas d’accord avec notre relation. […] son frère aîné a tiré sur moi.
[…] On peut dire que ses frères sont des criminels. Ils m’ont souvent menacé. Et ils me forçaient à la quitter. Ils ont mis de la pression sur moi. Je leur ai laissé le pays et j’ai quitté définitivement. » (page 7 du rapport d’entretien).
Vous déclarez que vous seriez venu au Luxembourg afin de « vivre en paix, en sécurité.
[…] Moi je veux juste vivre en liberté. Apprendre et faire des études parce que je n’ai pas pu continuer mes études. Je veux m’avancer. » (page 9 du rapport d’entretien). De plus vous indiquez que « j’ai suivi le sport, j’ai un but et je dois l’aboutir. En Egypte, on recevait cinq euros au club, j’ai dépensé plus que cela pour me déplacer et pour vivre. […] Je veux devenir champion. […] C’est mon rêve de vie. Je rêve depuis longtemps de cela. » (page 17 du rapport d’entretien).
Enfin, il ressort du rapport d'entretien du 26 mars 2018 qu'il n'y a plus d'autres faits à invoquer au sujet de votre demande de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte. […]». Le ministre informa ensuite Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), points a), d) et j) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 mai 2018, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, premièrement, de la décision du ministre du 25 avril 2018 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, deuxièmement, de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et, troisièmement, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Etant donné que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 25 avril 2018, telles que déférées.
Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur renvoie, en substance, aux faits et rétroactes de sa demande en obtention d’une protection internationale tels que retranscrits dans le rapport d’entretien auprès de l’agent compétent du ministère.
Il souligne néanmoins que, même s’il ne disposait pas de documents d’identité, son patronyme, son prénom et sa date de naissance seraient à considérer comme exacts alors qu’ils auraient été exposés et documentés de manière identique dans le fichier SIS, mais avec une orthographe différente, sinon avec le nom de sa mère.
Le demandeur dénonce ensuite l’allusion qui serait faite dans la décision ministérielle aux troubles à l’ordre public luxembourgeois pour être fausse, voire calomnieuse, tout en n’étant, par ailleurs, corroborée par aucun procès-verbal de police ni par un jugement, mais uniquement alimentée par des rapports établis par certains agents de sécurité qui se distingueraient par un manque de professionnalisme et un parti-pris. En l’absence d’éléments probants quant aux troubles dont il serait à l’origine, le demandeur estime qu’il y aurait lieu de parler de simples commérages. Il estime, dans ce contexte, avoir été traité « avec un certain a priori » puisqu’alors même que la direction de l’Immigration lui aurait précisé qu’elle ne prendrait pas en compte les rapports disciplinaires émanant des foyers, qu’ils soient vrais ou faux, la décision ministérielle entreprise y ferait allusion de manière explicite.
En droit, s’agissant en premier lieu du recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, Monsieur … soutient que ce serait à tort que le ministre aurait appliqué l’article 27, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, alors qu’il aurait suffisamment et en toute bonne foi fait état de ses craintes quant à un retour dans son pays d’origine. Il aurait plus particulièrement donné une description détaillée de son vécu pendant la révolution en Egypte et même si les détails donnés étaient courts, il n’aurait pas menti. Le demandeur fait, à cet égard, valoir qu’il aurait décrit la réalité de son pays telle qu’elle y existerait, à savoir celle d’un pays retombé sous le joug de la dictature du président Abdel Fattah al Sissi qui serait incapable d’endiguer la violence au quotidien émanant de groupuscules de tous genres ou des institutions elles-mêmes. Il est, en tout état de cause, d’avis qu’au vu de la situation dans son pays où se poursuivrait « sans relâche la crise des « droits humains » » et où la torture serait toujours pratiquée, sa demande de protection internationale aurait dû être examinée dans le cadre d’une procédure normale.
A l’appui de son recours dirigé contre la décision de refus de lui accorder une protection internationale, le demandeur invoque, en substance, la même argumentation que celle développée à l’appui du recours dirigé contre la décision du ministre de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée. Il insiste sur le fait que, comme tous les jeunes de son âge, il aurait participé de manière pacifique aux premières manifestations de la révolution égyptienne et qu’il aurait dû assister de manière impuissante à l’arrestation de son meilleur ami. Il évoque ensuite les arrestations et détentions provisoires arbitraires dont auraient été victimes des centaines de personnes en raison de leur appartenance avérée ou présumée à l’organisation des Frères musulmans. Des défenseurs des droits humains auraient également été victimes de détentions arbitraires en 2017, le demandeur citant à titre d’exemple la situation d’un défenseur connu des droits humains et d’un journaliste. Il ajoute qu’à leur libération, les militants politiques auraient souvent été soumis à une période de mise à l’épreuve les obligeant à passer jusqu’à 12 heures par jour au poste de police local. Le demandeur met encore en avant qu’en 2017, des personnes soupçonnées d’avoir participé à des violences politiques auraient été victimes de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires aux mains d’agents relevant du ministère de l’Intérieur égyptien et que, selon la commission égyptienne des droits et libertés, entre janvier et août, les forces de sécurité auraient soumis au moins 165 personnes à une disparition forcée pendant sept à trente jours, tandis que le même ministère aurait affirmé que plus de 120 personnes avaient perdu la vie au cours de l’année lors d’échanges de coups de feu avec les forces de l’ordre. Par ailleurs, en mai 2017, le ministère aurait annoncé que l’instituteur … aurait été tué « lors d’un échange de tirs avec la police », tandis que ses collègues auraient été témoins de son arrestation un mois plus tôt sur son lieu de travail. Finalement, le demandeur fait état d’une vidéo rendue publique en avril 2017 à la suite d’une fuite, cette vidéo montrant des militaires en train d’exécuter de façon extrajudiciaire six hommes non armés et un adolescent de 17 ans dans le nord du Sinaï.
Au vu des considérations qui précèdent, le demandeur est d’avis qu’il aurait décrit à suffisance, dans le cadre de son audition, les façons de procéder des autorités égyptiennes.
Il serait, par conséquent, inapproprié d’affirmer, comme le ferait le ministre, qu’il aurait quitté son pays pour des raisons économiques alors que son départ aurait, au contraire, été motivé par le climat de violence qui y régnerait et qui serait entretenu par une dictature peu soucieuse des droits de l’homme.
Le demandeur ajoute que le tribunal devrait tenir compte du fait qu’il aurait été trop longtemps absent de son pays d’origine et qu’un retour forcé le conduirait à subir des représailles de la police, à commencer par un interrogatoire dès son arrivée à l’aéroport, avec la perspective d’une détention sans jugement.
Le demandeur critique ensuite la décision ministérielle pour ne pas lui avoir octroyé le statut conféré par la protection subsidiaire alors même qu’il encourrait un risque réel et sérieux de subir l’une des atteintes définies à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur insistant plus particulièrement sur les persécutions, menaces et violences dont il aurait déjà été victime ou dont il pourrait être victime en cas de retour en cas d’Egypte du fait d’avoir quitté ledit pays depuis la révolution égyptienne. Il estime finalement que la situation d’insécurité générale régnant actuellement en Egypte devrait être assimilée à un conflit armé interne au sens du point c) de l’article 48, précité, en se référant, à cet égard, à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE).
Finalement, le demandeur conclut à la réformation de l’ordre de quitter le territoire sur base du principe de précaution suivant lequel il resterait préférable de ne pas reconduire une personne vers un pays où elle est susceptible de courir un risque réel de subir des atteintes graves au sens de la loi et de la Convention de Genève.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Aux termes de l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification.
Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.
Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.
Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».
Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.
A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.
Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.
Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.
Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.
1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée S’agissant en premier lieu du recours dirigé contre la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée, il y a lieu de relever que la décision ministérielle est, en l’espèce, fondée sur les dispositions des points a), d) et j) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquelles « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-
fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; […] d) il est probable que, de mauvaise foi, le demandeur a procédé à la destruction ou s’est défait d’un document d’identité ou de voyage qui aurait aidé à établir son identité ou sa nationalité ; […] j) il existe de sérieuses raisons de considérer que le demandeur représente un danger pour la sécurité nationale ou l’ordre public, ou le demandeur a fait l’objet d’une décision d’éloignement forcé pour des motifs graves de sécurité nationale ou d’ordre public au regard de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation de personnes et l’immigration ; […] ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27 paragraphe (1), points a), d) et j) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit s’il est probable que, de mauvaise foi, le demandeur de protection internationale a détruit ou s’est défait d’un document d’identité ou de voyage qui aurait aidé à établir son identité ou sa nationalité, soit s’il existe de sérieuses raisons de considérer que le demandeur de protection internationale représente un danger pour la sécurité nationale ou l’ordre public, ou s’il a fait l’objet d’une décision d’éloignement forcé pour des motifs graves de sécurité nationale ou d’ordre public au regard de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation de personnes et l’immigration.
Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27 paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.
La soussignée est dès lors amenée à analyser si les moyens avancés par le demandeur à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par le demandeur ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27, paragraphe (1), points a), d) et j) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.
Concernant plus particulièrement le point a) de l’article 27, paragraphe (1), précité, de la loi du 18 décembre 2015 visant l’hypothèse où le demandeur de protection internationale n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour l’octroi du statut conféré par la protection internationale, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 2 h) de cette même loi, la notion de «protection internationale» se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire et qu’en vertu du point f) du même article, la notion de «réfugié» est définie comme « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».
Aux termes de l’article 2 g) de la loi 18 décembre 2015 est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ». L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».
En outre, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être:
a) l’Etat;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur de protection internationale ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec l’exigence que les actes invoqués, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses visées aux points a), b) et c), précités, dudit article.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
S’agissant de prime abord de la demande en ce qu’elle vise l’octroi du statut de réfugié, la soussignée est amenée à constater que le demandeur admet qu’après avoir quitté légalement l’Egypte au début de l’année 2011, il a rejoint l’Italie où il a travaillé pendant deux ans en tant que pizzaiolo à Rome. Le demandeur a également expliqué qu’en 2013, un tribunal italien l’a condamné à une peine de prison de trois ans et qu’à sa sortie, il a fait l’objet d’une décision d’expulsion. A la fin de l’année 2017, après avoir entrepris des démarches infructueuses pour tenter de trouver un autre contrat de travail et pour régulariser sa situation en Italie, il a quitté ce pays pour faire « un peu de tourisme, en France, en Belgique ». Ensuite il aurait « pensé à venir au Luxembourg pour déposer une demande d’asile. ».
La soussignée est dès lors amenée à relever qu’alors même que depuis 2011, il aurait pu demander une protection internationale en Italie, en France ou en Belgique, ce n’est qu’en novembre 2017, qu’il a finalement déposé une telle demande au Luxembourg, étant relevé que le demandeur a notamment expliqué que ce qui l’avait notamment poussé à quitter son pays d’origine ce serait que « j’ai suivi le sport, j’ai un but et je dois l’aboutir. En Egypte, on recevait cinq euros au club, j’ai dépensé plus que cela pour me déplacer et pour vivre. […] Je veux devenir champion. […] C’est mon rêve de vie. Je rêve depuis longtemps de cela. […] Moi je veux juste vivre en liberté. Apprendre et faire des études parce que je n’ai pas pu continuer mes études. Je veux m’avancer. Je suis fatigué de l’Egypte, de l’Italie. Je veux avoir du souffle. Je ne demande pas grand-chose. Je veux avoir une vie normale et digne. […]». La soussignée se doit, à cet égard, tout d’abord de retenir que le fait que le demandeur n’ait déposé une demande de protection internationale que près de sept ans après avoir quitté son pays d’origine est à l’évidence à lui seul de nature à mettre en doute la gravité de sa situation dans son pays d’origine, alors qu’il est légitime d’attendre d’une personne se sentant réellement persécutée, respectivement craignant sérieusement de subir des actes de persécution en cas de retour dans son pays d’origine, qu’elle dépose une demande de protection internationale dès qu’elle a l’occasion de le faire.
Ces considérations amènent dès lors la soussignée à émettre de sérieux doutes quant à la véritable motivation de Monsieur … qui semble, en effet, manifestement, à travers sa demande de protection internationale, chercher à servir ses propres intérêts privés d’ordre économique, plutôt que rechercher la protection d’un autre pays au sens de la loi du 18 décembre 2015 et de la Convention de Genève.
Or, des motifs économiques ne sauraient manifestement justifier l’octroi du statut de réfugié.
Il se dégage ensuite des déclarations du demandeur auprès de la direction de l’Immigration qu’il craint de faire l’objet de persécutions en raison de sa participation à la révolution en Egypte en 2011, participation s’étant résumée, suivant ses propres déclarations, à chanter et à parler avec d’autres jeunes pendant la nuit dans une tente sur la place Mayden Athakhir au Caire. Il déclare, à cet égard, que sa crainte aurait été renforcée par l’enlèvement, en 2011, de son meilleur ami devant une mosquée « par la sûreté de la république » et par le passage dans sa maison, peu après cet enlèvement, de personnes en civils dont sa famille aurait présumé qu’il se serait agi de policiers. Or, la soussignée est amenée à relever, d’une part, que des faits s’étant déroulés il y a plus de sept ans, dans le contexte d’un régime politique différent, ne sauraient manifestement justifier actuellement dans le chef du demandeur une crainte sérieuse de subir des persécutions en cas de retour dans son pays d’origine. D’autre part, outre le fait qu’il est resté vague quant aux circonstances de l’enlèvement de son ami, le demandeur ne faisant, en effet, que supposer que l’auteur de cet enlèvement serait « la sureté de la république », que, de toute manière, des faits non personnels mais vécus par d’autres personnes ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution que si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, en l’espèce, à part l’existence d’un lien d’amitié, le demandeur reste manifestement en défaut d’établir de manière tangible un quelconque lien entre l’enlèvement dont a été victime son ami et sa situation personnelle, ce d’autant plus qu’il a déclaré que son meilleur ami n’aurait, contrairement à lui, pas participé aux manifestations dans le cadre de la révolution égyptienne.
Les craintes du demandeur de faire l’objet de représailles en relation avec sa participation en 2011 aux manifestations de la révolution égyptienne doivent dès lors à l’évidence s’analyser comme étant purement hypothétiques pour traduire davantage un sentiment général d’insécurité et ne sauraient à l’évidence, en tant que telles, justifier dans son chef l’octroi du statut de réfugié.
Le constat qui précède est encore corroboré par le fait, d’une part, que la police n’est plus jamais revenue au domicile de ses parents pour le rechercher, étant d’ailleurs relevé que le demandeur a déclaré ignorer jusqu’à aujourd’hui les raisons pour lesquelles la police est passée chez lui, et, d’autre part, que le demandeur a pu quitter l’Egypte en toute légalité après s’être vu délivrer un visa, ce qui n’aurait pas été le cas s’il avait effectivement été recherché par les autorités.
Le même constat quant au caractère purement hypothétique de la crainte du demandeur s’impose en ce qui concerne sa crainte d’être arrêté et incarcéré arbitrairement dès son arrivée dans son pays d’origine du seul fait qu’il a déposé une demande de protection internationale au Luxembourg, cette affirmation non autrement étayée ni documentée, notamment quant aux sanctions auxquelles sont susceptibles d’être exposés les demandeurs d’asile déboutés revenant au pays, restant, en effet, à l’état de pure allégation. Si le rapport d’Amnesty International de 2017/2018 sur l’Egypte, tel que versé en cause, fait état d’arrestations et d’expulsions de demandeurs d’asile et de réfugiés entrés illégalement en Egypte ou ayant quitté ce pays illégalement, ces arrestations et expulsions visaient manifestement des non ressortissants égyptiens ayant demandé ou obtenu une protection internationale en Egypte, de sorte à être manifestement sans relation avec la situation du demandeur.
Pour ce qui est finalement des problèmes rencontrés par le demandeur avec les frères de son ex-petite amie dont l’un aurait notamment essayé de le tuer parce qu’il était opposé à leur relation, force est de relever qu’il ne ressort manifestement pas des déclarations du demandeur ni des éléments soumis à la soussignée que la crainte de faire l’objet de représailles de la part des frères de son ex-petite amie soit liée à l’un des critères de persécution prévus par la Convention de Genève, à savoir sa race, sa religion, sa nationalité, ses opinions politiques ou son appartenance à un groupe social.
La soussignée est dès lors amenée à conclure qu’il ne ressort manifestement pas des éléments mis à sa disposition que les faits invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’octroi du statut de réfugié puissent être de nature à justifier dans son chef une crainte fondée de persécutions au sens de l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015.
Ce constat n’est pas ébranlé par le rapport d’Amnesty International sur la situation en Egypte en 2017/2018. En effet, si ce rapport fait certes état de traitements et de sanctions pouvant être qualifiés de persécutions dans le chef de certaines catégories de personnes, en l’occurrence plus particulièrement de défenseurs des droits humains et de personnes appartenant ou présumées appartenir à l’organisation des Frères musulmans et s’il s’agit certes d’agissements condamnables, il n’en reste pas moins qu’il ne ressort manifestement pas des éléments soumis à la soussignée qu’au vu de sa situation particulière, le demandeur risquerait de subir des agissements similaires en cas de retour dans son pays d’origine, Monsieur … ayant déclaré lui-même qu’hormis sa participation pacifique à la révolution en 2011, il n’a eu aucune activité politique ni religieuse.
Au vu des considérations qui précèdent, le demandeur n’a dès lors soulevé que des faits d’une pertinence insignifiante dans le cadre de sa demande de statut de réfugié, de sorte que le recours est à considérer comme manifestement infondé.
S’agissant de la protection subsidiaire, tel que cela a été retenu dans le cadre de l’analyse des motifs invoqués à la base de la demande d’octroi du statut de réfugié, la crainte invoquée par Monsieur … en relation avec sa participation aux manifestations de la révolution en Egypte en 2011, respectivement celle d’être victime de représailles pour avoir déposé une demande de protection internationale à l’étranger, doivent s’analyser à l’évidence comme étant purement hypothétique, de sorte à ne pas non plus permettre de retenir valablement dans son chef l’existence d’un risque réel et sérieux de subir des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants au sens de la loi.
Pour ce qui est du conflit avec les frères de son ex-petite amie, force est à la soussignée de relever qu’au vu du fait que le demandeur a quitté l’Egypte il y a plus de sept ans et qu’il ne se dégage pas non plus des éléments de la cause que la relation aurait perduré malgré son départ, sa crainte d’être à l’heure actuelle encore victime d’agissements similaires en cas de retour dans son pays d’origine, doit, au vu de l’écoulement du temps et à défaut d’autres éléments, être considérée elle-aussi comme étant purement hypothétique et comme ne pouvant à l’évidence justifier l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.
Finalement et pour être tout à fait complet, la soussignée relève que des motifs économiques ne sont à l’évidence pas non plus de nature à justifier dans le chef du demandeur l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.
Les faits présentés par le demandeur sont dès lors également manifestement sans pertinence par rapport aux conditions d’octroi d’une protection subsidiaire.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours du demandeur dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’il a présentés pour établir que les faits soulevés à la base de sa demande de protection internationale ne seraient pas dépourvus de pertinence, sont visiblement dénués de tout fondement, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les moyens fondés sur l’article 27, paragraphe (1), point d) et j) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.
Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé.
2) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Force est de rappeler que la soussignée vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que le demandeur est resté en défaut de présenter des faits suffisamment pertinents pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, que ce soit au statut de réfugié ou à celui conféré par la protection subsidiaire.
Or, la soussignée, au niveau de la décision au fond du ministre de refuser la protection internationale, ne saurait que réitérer son analyse précédente en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et moyens invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale, dans le cadre de ses auditions, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, que le demandeur ne remplit manifestement pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.
Cette conclusion ne se trouve pas ébranlée par l’invocation par le litismandataire du demandeur de la situation sécuritaire générale régnant en Egypte qui devrait, selon lui, s’analyser en un conflit armé interne caractérisé par des violences aveugles, de sorte qu’il y aurait lieu d’accorder à Monsieur … le statut de la protection subsidiaire sur base de l’article 48 c) de la loi du 18 décembre 2018.
La soussignée relève, à cet égard, que conformément à la jurisprudence de la CJUE1, une protection subsidiaire sera accordée en vertu de l’article 48 c) précité, (i) si le demandeur de protection internationale démontre l’existence d’un conflit armé interne, à savoir de graves affrontements entre l’Etat et un ou des groupes armés ou entre différents groupes armés sur le territoire de son pays d’origine, sa région d’origine ou celle où il s’est établi avant sa fuite, et (ii) s’il soumet la preuve que les violences découlant du prédit conflit touchent les civils sans aucune considération personnelle et ont un niveau si élevé que le simple fait d’être présent sur ledit territoire, ou dans la région dont il est originaire ou qu’il a fuie, l’exposerait à un risque réel de subir les prédites atteintes graves, sinon que des éléments propres à sa situation personnelle aggravent dans son chef le risque de subir des atteintes graves du fait de violences aveugles qui n’ont pas atteint un degré exceptionnel.
Or, pour ce qui est de la situation sécuritaire en Egypte, il ne ressort manifestement pas des éléments soumis à la soussignée par le demandeur, auquel il incombe d’étayer les faits invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale, à savoir le rapport 2017/2018 de l’organisation Amnesty International sur l’Egypte, que toute personne, du seul fait de sa présence sur le territoire égyptien, court un risque réel et sérieux de subir des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle, ledit rapport ne faisant plus particulièrement pas état d’affrontements entre l’Etat et un ou des groupes armés ou entre différents groupes armés sur le territoire de son pays d’origine, sa région d’origine ou celle où il s’était établi avant son départ.
Au vu des considérations qui précèdent, le recours contre la décision de refus d’un statut de protection internationale est également à déclarer comme manifestement infondé et le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.
3) Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, la soussignée relève qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer le principe de précaution, tel qu’invoqué par le demandeur.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.
1 CJUE 17 février 2009, Elgafaji C-465/07, CJUE 30 janvier 2014, n° C-285/12 Par ces motifs, le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 25 avril 2018 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;
au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;
déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 11 juin 2018 par la soussignée, Alexandra Castegnaro, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier en chef Arny Schmit.
Arny Schmit Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11.6.2018 Le greffier du tribunal administratif 13