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02/05/2018 | LUXEMBOURG | N°41011

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 mai 2018, 41011


Tribunal administratif Numéro 41011 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 avril 2018 Audience publique du 2 mai 2018 Recours formé par Monsieur …, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41011 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 avril 2018 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit

e au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Koso...

Tribunal administratif Numéro 41011 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 avril 2018 Audience publique du 2 mai 2018 Recours formé par Monsieur …, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 41011 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 avril 2018 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 28 mars 2018 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, à la réformation de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 avril 2018 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

La soussignée entendue en son rapport, ainsi que Maître Laura MAY, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Madame le délégué du gouvernement Stéphanie LINSTER entendues en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

Le 19 mars 2018, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

Le 26 mars 2018, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 28 mars 2018, notifiée à l’intéressé en mains propres le 4 avril 2018, le ministre résuma les déclarations de Monsieur … comme suit : « En mains le rapport 1d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 26 mars 2018 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté le Kosovo au motif que vous ne vous sentiriez pas « en sécurité » (page 2/8 du rapport d’entretien). Vous affirmez qu’une bombe aurait « atterri juste à côté de » votre maison familiale en 1999 (page 2/8 du rapport d’entretien). Vous indiquez également que votre père, qui aurait exercé la fonction de policier, serait décédé en 2003 après l’explosion d’une bombe dans un café. Vous ajoutez que vous auriez failli mourir le même jour alors qu’une bombe aurait atterri « à côté de la rivière » où vous vous seriez trouvé (page 2/8 du rapport d’entretien).

Vous évoquez également que votre famille aurait « été la cible de plusieurs attaques » par des personnes inconnues (page 2/8 du rapport d’entretien). En 2010, vous vous seriez fait tirer dessus alors que vous auriez été dans les champs avec votre frère et votre grand-père (page 3/8 du rapport d’entretien). En février 2017, des prétendus Albanais vous auraient bloqué le chemin et auraient jeté des pierres alors que vous auriez voulu vous rendre au cimetière (page 2/8 du rapport d’entretien). Au cours de la même année, des individus seraient entrés dans la maison de votre tante, auraient arraché tous les câbles et renversé tous les lits de la maison (page 3/8 du rapport d’entretien). En dernier lieu, vous relatez que des personnes inconnues vous auraient empêché de vous rendre à l’église (page 3/8 du rapport d’entretien).

Vous alléguez que vous vous seriez rendu à la police pour porter plainte. Or, celle-ci n’aurait rien fait. Outre vos déclarations à la police, vous ajoutez ne pas avoir sollicité de protection auprès d’une autre autorité au Kosovo.

Pour étayer vos dires, vous avez versé plusieurs photos censées montrer la maison de votre tante après l’incident qui se serait déroulé en 2017. Vous avez également déposé plusieurs documents ainsi que des vidéos concernant le décès de votre père. ».

Le ministre informa ensuite Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), sous a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Le ministre estima que Monsieur …, ayant la nationalité kosovare, proviendrait d’un pays d’origine sûr au sens du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûr, dénommé ci-après « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », c’est-à-dire d’un pays où il n’y aurait, de manière générale et uniformément, pas de persécutions au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et que ce constat ne serait pas contredit par l’examen individuel de sa demande de protection internationale.

Le ministre estima ensuite que les faits invoqués par Monsieur … relatifs aux bombes qui auraient respectivement atterri à côté de sa maison familiale en 1999, atterri à côté de la rivière et entrainé le décès de son père en 2003, seraient trop éloignés dans le temps pour fonder une demande de protection internationale en 2018, et souligna que la situation au Kosovo aurait clairement changé depuis le début des années 2000.

2En ce qui concerne les incidents perpétrés à l’encontre de sa famille, à savoir, l’incident dans les champs en 2010 en présence du frère et du grand-père de Monsieur …, le jet de pierres de la part des Albanais au chemin vers le cimetière en février 2017, et l’incident de vandalisme dans la maison où il aurait vécu en 2017, le ministre retint que les causes de ces agressions, ainsi que l’identité des auteurs seraient inconnues, de sorte que ces faits ne sauraient constituer des persécutions en raison de la race, de la religion, des opinions politiques, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social de Monsieur ….

A supposer qu’il y ait connotation ethnique, le ministre souligna que les faits invoqués et lors desquels Monsieur … n’aurait jamais été blessé, ne seraient pas d’une gravité suffisante pour fonder une demande de protection internationale.

En ce qui concerne l’incident, lors duquel des personnes inconnues l’auraient empêché de se rendre à l’église, le ministre releva qu’un tel incident ne saurait pas non plus fonder une demande de protection internationale, dans la mesure où la raison exacte de ces agressions et l’identité des auteurs seraient inconnues, les déclarations suivant lesquelles l’agression aurait été motivée par des considérations religieuses constitueraient simplement des suppositions.

Cette altercation avec des personnes inconnues ne revêtirait pas non plus une gravité suffisante pour fonder une demande de protection internationale. Les motifs de la demande de protection internationale de Monsieur … se traduiraient dès lors par un simple sentiment général d’insécurité.

Le ministre souligna, par ailleurs, qu’un défaut de protection par les autorités kosovares pour l’un des motifs énoncés par la Convention de Genève ne serait pas établi en l’espèce. Si Monsieur … aurait certes déposé des plaintes auprès de la police par rapport aux prétendues agressions subies, lesquelles n’auraient, selon lui rien fait, il n’aurait cependant pas sollicité une protection auprès d’une autre autorité du Kosovo. Il estima ainsi que le simple fait pour la police de ne pas poursuivre ou de classer une plainte sans suites en l’absence de toute preuve ne constituerait pas une défaillance dans le chef des autorités nationales. Il souligna encore que la police kosovare serait considérée comme l’institution la plus fiable du pays au vu de son caractère multiethnique et des formations correspondant aux standards internationaux suivies par ses agents.

Le ministre retint ensuite qu’il ne serait pas exclu que des motifs économiques sous-tendent la demande de protection internationale de Monsieur …, dans la mesure où il aurait déclaré ne pas avoir une maison ni du travail, motifs qui ne tomberaient toutefois pas dans le champ d’application de la Convention de Genève.

Le ministre évoqua encore la possibilité d’une fuite interne dans le chef de Monsieur … et estima, enfin, que son récit ne contiendrait pas non plus de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il courrait un risque réel de subir des atteintes graves telles que définies à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 avril 2018, Monsieur … a fait déposer un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 28 mars 2018 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision.

3Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif.

Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification. Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel. ».

Etant donné que le prédit article prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre la décision de refus d’une demande de protection internationale prise dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est par conséquent compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 28 mars 2018 telles que déférées.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

A l’appui de son recours dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée, Monsieur … reproche au ministre de ne pas avoir respecté l’examen individuel de sa demande conformément à l’article 31 de la loi du 18 décembre 2015. Il explique dans ce contexte que le Kosovo ne pourrait pas être considéré comme pays d’origine sûr, au contraire, cet Etat serait réputé être corrompu et ses institutions seraient instables pour pouvoir assurer un respect strict des droits et libertés fondamentaux de ses citoyens, surtout ceux des minorités, telle que la population serbe, laquelle serait soumise à des discriminations et persécutions quotidiennes et serait contrainte de vivre dans des « zones réservées ». Il se base sur un article de presse1, suivant lequel les violences interethniques perdureraient et qu’un des seuls députés serbes du Kosovo aurait été assassiné en juillet 2017, pour souligner l’échec des structures gouvernementales et la corruption régnant au Kosovo, tout comme la défaillance des institutions dans la protection des minorités ethniques contre des agressions, des persécutions et des mauvais traitements au sens de la Convention de Genève. Il résulterait encore de ses déclarations qu’il existerait des raisons pertinentes pour craindre pour sa vie en cas de retour dans son pays d’origine, dans la mesure où son père aurait été assassiné et diverses autres attaques auraient été commises envers lui et sa famille.

Le demandeur reproche encore au ministre d’avoir retenu qu’il n’aurait soulevé que des faits sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, estimant que les faits soulevés seraient pertinents, dans la mesure où il aurait indiqué que des Albanais lui 1 Article du 17 février 2018, intitulé « Dix ans après son indépendance, le Kosovo face à un sombre bilan », publié sur le site Internet www.lefigaro.fr.

4auraient bloqué le chemin et lui auraient jeté des pierres lorsqu’il se serait rendu au cimetière avec sa famille, et qu’il se serait fait agresser lorsqu’il se serait rendu à l’église par des personnes ne respectant pas sa religion. Les actes ainsi subis ne seraient pas de pures infractions de droit commun, mais des actes motivés par la haine et visant l’épuration ethnique de la communauté serbe. Il ne pourrait pas non plus se prévaloir d’une protection par les autorités de son pays d’origine, au regard de la corruption qui se trouverait à tous les niveaux. Il souligne à cet égard qu’il se serait rendu à la police mais que sa plainte n’aurait pas connu de suites.

Concernant le statut de réfugié, Monsieur … fait valoir qu’il courrait un réel risque de subir des atteintes graves pouvant avoir des conséquences irrémédiables en cas de retour au Kosovo, de sorte que le ministre aurait fait une interprétation erronée des faits à la base de sa demande de protection internationale. Concernant la protection subsidiaire, le demandeur estime que les conditions prévues par l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 seraient également remplies dans son chef. Les décisions déférées devraient dès lors être réformées.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours comme étant manifestement infondé.

Quant au volet du recours dirigé contre la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, qui dispose que « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé. En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une 5composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.

La soussignée relève que la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et b) de l’article 27, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, qui disposent que « (1) Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de loi du 18 décembre 2015.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non cumulative, une seule des conditions valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Concernant plus particulièrement le point b) de l’article 27, paragraphe (1), précité, visant l’hypothèse dans laquelle le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, il convient de relever qu’un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes :

« (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.

(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.

Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr:

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de 6sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.

La situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent paragraphe est régulièrement examinée par le ministre ».

Il est constant en cause que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, tel que modifié par la suite, a désigné le Kosovo comme pays d’origine sûr, et il se dégage des éléments du dossier que le demandeur a la nationalité kosovare et qu’il a résidé à Gnjilane, au Kosovo, avant de venir au Luxembourg.

En ce qui concerne le reproche du demandeur de s’être vu appliquer le prédit règlement du 21 décembre 2007, la soussignée précise qu’au vu du libellé de l’article 30, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est effectivement pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis des raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

En l’espèce, le ministre a conclu que le demandeur provient d’un pays qui, dans son chef, est à qualifier de pays d’origine sûr, de sorte qu’il revient ainsi à la soussignée d’analyser si, conformément à l’article 30, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur a soumis des raisons sérieuses permettant de penser que le Kosovo n’est pas un pays d’origine sûr dans son chef compte tenu de sa situation individuelle et de vérifier si ces raisons ont été appréciées par le ministre à leur juste mesure.

Pour procéder à cet examen, la soussignée vérifie si le demandeur qui fait état d’incidents commis par des personnes non étatiques, comme cela est le cas en l’espèce, fournit la preuve d’un défaut de protection par les autorités du pays d’origine au sens des articles 392 et 403 de la loi du 18 décembre 2015, soit que les personnes concernées refusent 2 Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être:

a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves.

3 (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables 7valablement de demander la protection de ces autorités, soit que celles-ci ne peuvent ou ne veulent leur fournir une protection suffisante. Le défaut de cette condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire entraînera par conséquent le refus de la protection internationale.

Force est de constater qu’il ressort clairement des déclarations de Monsieur … que, suite aux différents incidents, il s’est rendu auprès de la police où il a eu la possibilité de déposer une plainte. En effet, il ressort des déclarations du demandeur auprès de la direction de l’Immigration qu’il s’est, suite au jet de pierres de la part des Albanais au chemin vers le cimetière en 2017 et suite aux violences subies par des personnes de son village dans les champs en 2010, rendu à la police pour faire valoir ses déclarations où il a eu la possibilité de déposer une plainte4. Monsieur … a encore indiqué lors de son entretien auprès de la direction de l’Immigration qu’il a eu la possibilité de porter plainte en raison des actes de vandalisme dans sa maison5.

Il ressort également des déclarations du demandeur auprès de la direction de l’Immigration que suite aux incidents liés à des bombes, à savoir, au fait qu’une bombe aurait atterri à côté de la maison familiale en 1999, au fait que son père aurait été tué par l’explosion d’une bombe dans un café en 2003 et au fait qu’une bombe aurait atterri près du demandeur à côté de la rivière le même jour, les autorités kosovares ont procédé à une enquête6, mais que les responsables de ces attaques n’ont jamais été trouvés7, Monsieur … ayant plus particulièrement déclaré sur demande s’il y avait une enquête « Au début oui, mais après ils ont arrêté les recherches » et « On ne sait toujours rien du tout. A l’époque les américains étaient présents8 ».

Or, le simple fait que le demandeur estime que les forces de l’ordre auraient été inactives suite à ces incidents, ne permet pas de conclure ipso facto que les autorités kosovares auraient refusé de lui accorder la protection requise ou seraient incapables de lui fournir cette protection, d’autant plus qu’il a indiqué lui-même ne pas connaître les personnes responsables des actes subis étant ainsi dans l’impossibilité de fournir un quelconque indice aux autorités policières quant à l’identité des auteurs. En effet, Monsieur … a déclaré à cet égard et sur questions s’il connaît les Albanais ayant jeté les pierres au chemin vers le cimetière « Non. Ils ne sont pas de notre village. Je ne les ai jamais vu avant9 », sur question s’il connaît les gens l’ayant agressé dans les champs en 2010, « C’était des gens du village, mon grand-père les connait mais je ne les connais pas10 » et sur question s’il connaît les gens ayant pénétré dans sa maison en 2010 « Non, nous n’étions pas à la maison, on était chez ma tante et on a tout découvert en rentrant11 ».

pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière.

4 Page 4 du rapport d’entretien de Monsieur ….

5 Page 5 du rapport d’entretien de Monsieur ….

6 Pages 3 et 4 du rapport d’entretien de Monsieur ….

7 Page 3 du rapport d’entretien de Monsieur ….

8 Idem.

9 Page 4 du rapport d’entretien de Monsieur ….

10 Idem.

11 Idem.

8A ce titre, il y a encore lieu de rappeler qu’une protection n’exige pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100%, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policières et judiciaires les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux. En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et l’existence d’une persécution ou d’atteintes graves ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel mais suppose une insuffisance de démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. En toute hypothèse, il faut cependant que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte.

En ce qui concerne la pièce12 versée en cause par le demandeur à l’appui de sa prétention que les autorités kosovares seraient corrompues et qui témoigne de l’évolution du Kosovo depuis 2008, faisant notamment état d’une faible économie, d’un taux de chômage élevé, de l’absence d’une gouvernance efficace et de la corruption résultant de l’absence de structures étatiques préétablies, de l’absence d’une identité kosovare et des tensions et violences interethniques, du succès de l’islamisme radical, des accusations de trafics d’organes et des crimes de guerre non poursuivis, il y a lieu de retenir que ce seul constat n’est pas de nature à laisser conclure à un défaut de protection de la part des autorités kosovares. En effet, si le demandeur a certes indiqué qu’aucune suite n’a été réservée à ses plaintes, la soussignée ne peut toutefois partager l’appréciation du demandeur, selon laquelle cette absence de poursuite judiciaire s’expliquerait par la corruption de la police, alors que, d’un côté, et comme retenu ci-avant le demandeur a été dans l’impossibilité d’indiquer aux autorités policières l’identité des auteurs des actes dont il déclare avoir été victime et, de l’autre côté, même dans des pays occidentaux dotés d’une structure policière efficace, les plaintes déposées n’aboutissent pas toujours à la condamnation des personnes visées par ces plaintes.

Pour être tout à fait complet, il y a encore lieu de souligner qu’il ressort des explications de la partie étatique, sources internationales à l’appui, que si le demandeur devait avoir eu le sentiment que ses doléances n’avaient pas été accueillies avec le sérieux nécessaire, il aurait pu dénoncer ce comportement auprès d’une autre autorité kosovare, voire s’adresser à l’Ombudsman, ce qu’il n’a toutefois pas fait en l’espèce, le demandeur ayant expliqué à cet égard que « Non. Je ne sais pas qui aurait pu nous aider13».

En ce qui concerne les personnes l’ayant empêché de se rendre à l’église en 2017, force est de constater que malgré la circonstance que Monsieur … a identifié ses agresseurs, il est cependant resté en défaut d’agir et n’a pas porté plainte auprès des autorités de son pays d’origine, le demandeur ayant à cet égard déclaré « C’était des gens de notre village. Je les connaissais mais on n’osait pas les dénoncer car ils sont vraiment dangereux14».

Si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection, s’il n’a pas lui-même tenté 12 Article du 17 février 2018, intitulé « Dix ans après son indépendance, le Kosovo face à un sombre bilan », publié sur le site Internet www.lefigaro.fr 13 Page 5 du rapport d’entretien de Monsieur ….

14 Idem.

9formellement d’obtenir une telle protection. En effet, il faut en toute hypothèse que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’État fait défaut15. Or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence d’actes de violence et de menaces, communément la forme d’une plainte.

Il échet de relever à cet égard que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose, au minimum, qu’un demandeur de protection internationale ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte et que dès lors qu’il est admis à bénéficier de la protection du pays dont il a la nationalité et qu’il n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, il n’est pas en droit d’invoquer à son profit le bénéfice d’une protection internationale. D’autre part, la notion de protection de la part du pays d’origine suppose également des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ou des atteintes graves ne sauraient être admises dès la commission matérielle d’un acte criminel mais seulement dans l’hypothèse où les actes de violence physique ou verbale commis par une personne seraient encouragés ou tolérés par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée.

Or, tel que relevé ci-avant, il ressort des déclarations du demandeur qu’il n’a pas porté plainte contre les personnes l’ayant empêché de se rendre à l’église et qu’il n’aurait pas non plus sollicité l’aide d’une autre institution ou autorité présente sur le territoire du Kosovo.

Dès lors, et à défaut par Monsieur … d’avoir épuisé toutes les possibilités qui lui étaient accessibles pour solliciter une protection de la part des autorités de son pays d’origine et à défaut d’explications justifiant ce défaut, la soussignée est amenée à conclure qu’il ne ressort manifestement pas des déclarations de Monsieur …, ni des pièces du dossier, que les autorités kosovares compétentes auraient refusé ou auraient été dans l’incapacité de lui fournir une protection quelconque contre les agissements dont il déclare avoir été victime.

Dans ces conditions, la soussignée est amenée à conclure que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à déclarer manifestement infondé, en ce sens que le demandeur n’a manifestement fourni aucune raison sérieuse permettant de retenir que compte tenu de sa situation personnelle et compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale, le Kosovo, inscrit sur la liste des pays d’origine sûr conformément au règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, ne constitue pas un pays d’origine sûr dans son chef, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les moyens fondés sur l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.

Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé.

15 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.

10Quant au recours en réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».

En outre, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être:

a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la même loi, anciennement l’article 29 de la loi du 5 mai 2006 : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au 11paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Force est de constater que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire est la preuve, à rapporter par le demandeur, que face à des agissements de personnes non étatiques les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection.

Or, la soussignée vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse de la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une 12procédure accélérée, qu’il n’est manifestement pas établi en l’espèce que les autorités kosovares seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas fournir au demandeur une protection appropriée par rapport aux agissements dont il déclare avoir été victime. Dès lors, dans la mesure où, dans le cadre du présent recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de refus d’octroi d’un statut de protection internationale, la soussignée ne s’est pas vue soumettre d’éléments permettant d’énerver cette conclusion, les agissements en question ne sauraient manifestement justifier ni l’octroi du statut de réfugié, ni l’octroi de la protection subsidiaire.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen est à déclarer manifestement infondé et que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

Quant à la décision portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre, visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé de sorte que c’est, à juste titre, que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur dès lors qu’un retour dans son pays d’origine ne l’exposerait ni à des persécutions ni à des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015, il a valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter pour être manifestement infondé.

Par ces motifs, Le juge siégeant en remplacement du vice-président présidant la troisième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 28 mars 2018 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

13condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 mai 2018, par la soussignée, Géraldine Anelli, juge au tribunal administratif, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Géraldine Anelli Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 mai 2018 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 41011
Date de la décision : 02/05/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-05-02;41011 ?

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