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27/03/2018 | LUXEMBOURG | N°40937

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 mars 2018, 40937


Tribunal administratif N° 40937 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 mars 2018 Audience publique du 27 mars 2018 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par les consorts …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 40937 du rôle et déposée le 21 mars 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Yves ALTWIES, avocat à la Cour,

inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur…, né le … à … (K...

Tribunal administratif N° 40937 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 mars 2018 Audience publique du 27 mars 2018 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par les consorts …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 40937 du rôle et déposée le 21 mars 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Yves ALTWIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur…, né le … à … (Kosovo) et de son épouse, Madame …, née le … à … (Albanie), agissant en leurs noms personnels ainsi qu’en leurs qualités de représentants légaux de leurs enfants mineurs…, né le … à … et…, né le … à …, demeurant ensemble à …, tendant à voir ordonner une mesure provisoire, à savoir l’instauration d’un sursis à exécution sinon d’une mesure de sauvegarde par rapport à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 12 février 2018 leur refusant une autorisation de séjour, un recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle du 12 février 2018, inscrit sous le numéro 40936, introduit le même jour, étant pendant devant le tribunal administratif ;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée au fond ;

Maître Yves ALTWIES et Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

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Le 6 décembre 2017, Monsieur… et son épouse, Madame …, accompagnés de leurs enfants mineurs … et …, introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, demande qui leur fut refusée par décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », du 13 décembre 2017.

Par courrier du 26 janvier 2018 de leur mandataire, Monsieur … et Madame …, ci-

après « les consorts … », s’adressèrent au ministre afin de solliciter, au vu de l’état de santé de leur fils …, qui souffrirait d’autisme, « pour des raisons philanthropiques et dans le respect de la législation en vigueur », une autorisation de séjour « fut-elle provisoire », afin que l’enfant … puisse être pris en charge.

Par décision du 12 février 2018, le ministre opposa un refus à cette demande en les termes suivants :

« J’ai l’honneur de me référer à votre courrier du 26 janvier 2018 par lequel vous demandez « Eu égard à la prise en charge à la fois médicale et matérielle indispensable à son développement dont doit bénéficier l’enfant …, je vous remercie de bien vouloir délivrer pour des raisons philanthropiques et dans le respect de la législation en vigueur à mes mandants une autorisation de séjour fut-elle provisoire afin que l’enfant … puisse être prise en charge », ainsi qu’à votre courrier du 30 janvier 2018 identique à celui du 26 janvier 2018 mais faisant état d’une erreur matérielle dans l’adresse de vos mandants.

Il y a lieu de rappeler que vos mandants ont déposé une demande de protection internationale en date du 6 décembre 2017, demande qui leur a été refusée par décision ministérielle du 13 décembre 2017. Aucun recours n’a été introduit contre cette décision et vos mandants ont été définitivement déboutés de leur demande de protection internationale en date du 2 janvier 2018 et sont par conséquent dans l’obligation de quitter le territoire luxembourgeois. Lors d’une convocation du 11 janvier 2018 vos mandants ont déclaré vouloir s’inscrire auprès de l’OIM dans le cadre d’un retour volontaire.

En raison des motifs médicaux invoqués, le médecin délégué de la Direction de la Santé a été saisi en date du 1er février 2018 concernant l’état de santé de l’enfant … conformément aux articles 130 et 132 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration. Suivant avis du médecin délégué du 6 février 2018, reçu en date du 9 février 2018, un sursis à l’éloignement est refusé à vos mandants conformément aux articles 130 et 132 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration en raison de l’état de santé de l’enfant ….

En effet, il ressort du prédit avis, dont vous trouvez une copie en annexe, que « (…) Vu l’examen du sujet au Centre médico-social (CMS) à Luxembourg par le médecin délégué en date du 14.12.2017 ; Vu la/les visites en consultation auprès du médecin-délégué au Foyer « Logopédie » en date du/des 07.12.2017 ; Vu l’examen du dossier médical réalisé le/s 06.02.2017 par le médecin-délégué ; Le/les certificat/s fait/font état d’autisme respectivement de retard mental; Traitement actuel : inconnu ; Il n’est pas opportun d’invoquer des raisons médicales en vue d’obtenir un sursis à l’éloignement au P.O. vu qu’il s’agit d’un contexte d’entourage socio-éducatif (et non d’une maladie au sens propre du terme). Il résulte de ce qui précède que le sujet ne présente pas de pathologie grave et imminente justifiant une prise en charge impérieuse au GDL. Un retour au P.O. n’entraine pas de discrimination du sujet vis-à-vis des indigènes étant donné qu’il/elle pourra bénéficier dans son propre pays des mêmes soins que le reste de la population. L’état de santé de … … ne nécessite pas une prise en charge médicale dispensée au Luxembourg dont le défaut entraînerait pour elle/lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité. Par conséquent … … ne remplit pas les conditions médicales pour bénéficier d’un sursis à l’éloignement.

Par ailleurs, il y a lieu de soulever qu’une éventuelle demande en obtention d’une autorisation de séjour pour motifs humanitaires conformément à l’article 78, paragraphe (3) de la loi modifiée du 29 août 2008 citée doit être déclarée irrecevable. En effet, il ressort de ce paragraphe qu’une telle demande est irrecevable si elle se base sur des motifs invoqués au cours d’une demande antérieure qui a été rejetée par le ministre. Or, force est de constater que les motifs invoqués dans votre courrier du 26 janvier 2018 ont déjà été toisés et rejetés dans le cadre de la demande de protection internationale de vos mandants.

La présente décision est susceptible d’un recours en annulation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d’un avocat à la Cour dans un délai de trois mois à partir de la notification de la présente. Le recours n’est pas suspensif. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif 21 mars 2018, inscrite sous le numéro 40936 du rôle, les consorts … ont introduit un recours en annulation sinon en réformation contre la décision ministérielle précitée du 12 février 2018. Par requête séparée déposée en date du même jour, inscrite sous le numéro 40937 du rôle, ils ont encore introduit une demande en institution d’une mesure provisoire tendant en substance à se voir autoriser à demeurer sur le territoire luxembourgeois, sinon à voir surseoir à la décision de refus jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite de leur recours au fond.

Les consorts …, après avoir rappelé les rétroactes du présent dossier, font exposer qu’ils auraient sollicité une autorisation de séjour pour permettre la prise en charge médicale de leur enfant …, demande qui aurait été refusée par la décision actuellement entreprise. En effet, l’enfant … souffrirait d’autisme nécessitant une prise en charge médicale complète ainsi que la mise en place d’un traitement et d’un suivi thérapeutique adapté à ses besoins, les consorts … mettant encore en exergue le fait que le ministère de l’Education Nationale leur aurait recommandé de prendre contact avec le médecin scolaire afin d’organiser la prise en charge de l’enfant, le traitement de leur enfant devant par ailleurs débuter fin mars 2018 dans le cadre d’une première consultation médicale permettant de déterminer le degré d’autisme dont serait atteint leur fils, détermination qui permettrait à son tour de préciser et de mettre en place les traitement et suivi médical, matériel et humain afin de pallier au mieux aux déficiences affectant l’enfant ….

Ils en concluent qu’il serait partant dans l’intérêt de leur fils … de se rendre à cette consultation médicale.

Les consorts … ont par ailleurs reproduit une argumentation absolument similaire devant les juges du fond.

Le délégué du gouvernement, pour sa part, conclut au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause.

En vertu de l’article 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif ou le magistrat le remplaçant peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire, à l’exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d’admettre que l’institution d’une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l’appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Or, en vertu de l’article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

L’institution d’une mesure provisoire devant rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’elle constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère, de sorte que le juge statuant au provisoire est en droit d’attendre du rédacteur de la requête, avocat et partant professionnel de la postulation, un acte de procédure intelligible et cohérent, ne requérant pas une analyse poussée aux seules fins de comprendre la finalité et l’argumentation de la requête.

En l’espèce, force est de constater que la seule argumentation avancée devant les juges du fond, seule argumentation dont le soussigné doit tenir compte, consiste à soutenir, après un exposé de la situation factuelle et plus particulièrement du trouble dont souffre l’enfant …, qu’il serait dans son intérêt de se rendre à une future consultation médicale.

Or, une telle affirmation lapidaire ne saurait être considérée comme moyen d’annulation cohérent ou sérieux, étant rappelé que l’exposé d’un moyen de droit requiert non seulement de désigner la règle de droit qui serait violée, mais également la manière dont celle-ci aurait été violée par l’acte attaqué.

Plus précisément, le soussigné constate que si le ministre a clairement indiqué tant en fait qu’en droit les raisons de son refus, en indiquant tant la base principale de son refus - à savoir l’article 130 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration que la base éventuelle subsidiaire, éventualité évoquée au vu du libellé particulièrement indistinct de la demande formulée par l’avocat et tendant à une autorisation de séjour provisoire pour « raisons philanthropiques », catégorie inconnue du droit luxembourgeois, à savoir l’article 78, paragraphe (3) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée, et qu’il a pris position par rapport aux conditions énoncées par ces dispositions, le litismandataire des consorts … a tout simplement fait l’impasse sur ces deux bases légales pourtant explicitement indiquées et sur les conditions y énoncées, de sorte que la seule affirmation d’un « intérêt » ne présente pas ne serait-ce qu’une apparence de sérieux.

La même conclusion s’impose en ce qui concerne la seconde condition présidant à l’obtention d’une mesure provisoire, à savoir l’exigence d’un préjudice grave et définitif, le litismandataire des consorts … n’ayant pas pris position y relativement, étant par ailleurs relevé que la décision ministérielle déférée ne comporte en tout état de cause pas d’ordre de quitter le territoire, l’obligation de quitter le territoire découlant en effet de la décision ministérielle du 13 décembre 2017 leur ayant refusé la protection internationale, décision actuellement coulée en autorité de chose décidée.

Les requérants sont partant à débouter de leur demande en institution d’une mesure provisoire, aucune des conditions afférentes n’étant manifestement remplie.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette la demande en obtention d’une mesure provisoire prise en ses deux volets, condamne les requérants aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 mars 2018 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27 mars 2018 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 40937
Date de la décision : 27/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-03-27;40937 ?

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