Tribunal administratif N° 40823 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 février 2018 Audience publique du 22 mars 2018 Recours formé par Monsieur …, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 40823 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 février 2018 par Maître Katrin Djaber, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 8 février 2018 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 mars 2018 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Le vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Katrin Djaber et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries à l’audience publique du 19 mars 2018.
Le 29 janvier 2018, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.
Le 1er février 2018, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 8 février 2018, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », après avoir résumé les déclarations de Monsieur … comme suit : « (…) Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté le Kosovo à cause d’un sentiment d’insécurité que vous auriez éprouvé dans votre « village et au Kosovo » (page 3/7). Vous affirmez que des Albanais vous auraient menacé verbalement et que vous n’auriez pas pu circuler librement à cause des tensions « entre Serbes et Albanais » (page 3/7).
Vous signalez également que vous vous seriez fait tirer dessus « l’année dernière vers avril ou mai » (page 4/7) alors que vous auriez travaillé dans les champs avec vos parents.
Selon vos dires, des Albanais auraient commencé à tirer lorsqu’ils vous auraient aperçu dans les champs. Vous auriez pris la fuite et auriez contacté la police. Cette dernière se serait rendue chez vous et aurait établi un rapport.
Vous rajoutez que « tous les jeunes » de votre village seraient partis, que vous n’auriez pas pu « trouver du travail » et que vous n’auriez « aucun futur au Kosovo » (page (3/7).
Enfin, il ressort du rapport d’entretien qu’il n’y a plus d’autres faits à invoquer au sujet de votre demande de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte. (…) », informa ce dernier qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27 (1) a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Le ministre estima, en substance, que Monsieur … étant ressortissant kosovare, il proviendrait d’un pays d’origine sûr étant donné que le Kosovo figurerait sur la liste des pays d’origine sûrs en vertu de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 et du règlement grand-
ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 ». Ce constat n’aurait pas été contredit par l’examen individuel de sa demande de protection internationale. En s’appuyant sur un rapport de la Commission européenne, il constate que le cadre législatif et institutionnel mis en place au Kosovo serait de nature à offrir une protection contre d’éventuels persécutions ou atteintes graves, et en conclut qu’il ne serait recouru au Kosovo ni à la persécution ni aux atteintes graves au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève ».
Il observe que les raisons ayant amené Monsieur … à quitter son pays d’origine ne seraient pas motivées par un des critères de fond définis par la Convention de Genève, sinon par la loi du 18 décembre 2015 mais qu’elles traduiraient un sentiment général d’insécurité. Il ajoute que le demandeur ayant eu accès à une protection dans son pays d’origine et n’ayant pas déposé de plainte officiellement, il ne pourrait reprocher une absence d’action et de volonté de le protéger de la part des autorités kosovares. Enfin, il affirme que le récit de Monsieur … ne contiendrait pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 février 2018, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 8 février 2018 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Etant donné que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître des recours en réformation dirigés contre les décisions du ministre du 8 février 2018, telles que déférées.
Lesdits recours ayant encore été introduits dans les formes et délai de la loi, ils sont à déclarer recevables.
Quant au volet du recours dirigé contre la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée A l’appui du volet de son recours dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée, le demandeur conteste le fait qu’il proviendrait d’un pays d’origine sûr et reproche au ministre de ne pas avoir pris en considération la situation actuelle au Kosovo, dans lequel existeraient des tensions entre les Albanais et les Serbes. Il donne à considérer que les faits qui l’auraient obligé à quitter son pays d’origine, à savoir les menaces et agressions subies, ainsi que l’entrave à sa liberté de circuler, auraient un lien avec la Convention de Genève. Il reproche encore au ministre de ne pas avoir correctement évalué sa situation personnelle.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en reprenant en substance les motifs de refus à la base des décisions déférées.
Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.
Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.
A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.
Il convient de prime abord de relever que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.
Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé. En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.
Force est de relever qu’en l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et b) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, qui disposent que « (1) Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; (…) ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27 (1) a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la même loi.
Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non cumulative, le fait qu’une seule des conditions soit valablement remplie justifie la décision ministérielle à suffisance.
Concernant plus particulièrement le point b) de l’article 27 (1), précité, de la loi du 18 décembre 2015 visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.
(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.
Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr:
a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
b) le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;
c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.
La situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent paragraphe est régulièrement examinée par le ministre ».
Il est constant en cause que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 a désigné le Kosovo comme pays d’origine sûr, que le demandeur a la nationalité kosovare et qu’il a résidé à …, au Kosovo, avant de venir au Luxembourg.
Au vu du libellé de l’article 30 (1) de la loi du 18 décembre 2015, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis des raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.
En l’espèce, le ministre a conclu que le demandeur provient d’un pays qui, dans son chef, est à qualifier de pays d’origine sûr, de sorte qu’il y a lieu d’analyser si, conformément à l’article 30 (1) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur a soumis des raisons sérieuses permettant de penser que le Kosovo n’est pas un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.
Pour effectuer la prédite analyse, dans l’hypothèse où le demandeur déclare, comme en l’espèce, avoir été victime d’agissements de la part de personnes non étatiques, seule la condition, commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire, tenant à l’absence de protection dans le pays d’origine au sens de l’article 391 de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 402 de la même loi est susceptible d’être pertinente, de sorte que 1 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », 2 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
l’examen de la situation individuelle doit être fait par rapport aux moyens présentés par le demandeur tendant à établir que cette condition requise pour prétendre à une protection internationale est remplie dans son chef.
A cet égard, il échet de rappeler qu’il faut en toute hypothèse que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’État fait défaut.3 Une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de menaces et d’actes de violence, communément la forme d’une plainte.
Force est de relever, à cet égard, que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ou des atteintes graves ne sauraient être admises dès la commission matérielle d’un acte criminel mais seulement dans l’hypothèse où les actes de violence physique ou verbale commis par une personne seraient encouragés ou tolérés par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée.
Or, la soussignée constate, au vu du rapport d’audition précité et des autres éléments soumis à son appréciation à travers la requête introductive d’instance et les pièces versées en cause, que le demandeur n’a fourni aucun élément de nature à ébranler le constat du ministre selon lequel, compte tenu de sa situation personnelle telle que décrite dans le cadre de sa demande de protection internationale, le Kosovo est à qualifier de pays d’origine sûr dans son chef, étant donné qu’il n’est manifestement pas établi, en l’espèce, que les autorités kosovares ne voudraient ou ne pourraient pas lui fournir une protection appropriée par rapport aux agissements dont il fait état.
Il convient à cet égard en effet de rappeler que l’une des conditions d’octroi d’une protection internationale est celle de la preuve, à fournir par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, étant relevé que les agissements dont le demandeur déclare avoir été victime émanent de personnes privées, en l’occurrence de membres non autrement identifiés de la communauté albanaise du Kosovo.
A cet égard, la soussignée relève que, d’après les déclarations du demandeur, suite à l’incident sur les champs lorsqu’il y travaillait avec ses parents, il a appelé la police et que celle-ci s’est déplacée à leur domicile pour prendre leur déposition, mais que ni lui, ni ses parents n’ont officiellement déposé de plainte.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.
(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » 3 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.
Tel que précisé ci-avant, si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection, s’il n’a pas lui-même tenté formellement d’obtenir une telle protection.
Or, en l’espèce, le demandeur est resté en défaut de fournir des raisons valables permettant de justifier son inaction, le fait de considérer que les auteurs des tirs étaient inconnus étant manifestement insuffisant à cet égard, et ce d’autant plus qu’il résulte de ses propres explications (i) que les policiers sont venus à son domicile lorsqu’il leur a signalé les tirs dans les champs et (ii) que les policiers se seraient déplacés dans son village une fois par mois « pour vérifier si tout se passe bien »4.
Dans ces conditions, la soussignée retient qu’il n’est manifestement pas établi que les autorités kosovares ne voudraient ou ne pourraient pas fournir au demandeur une protection appropriée par rapport aux agissements d’individus inconnus d’origine albanaise.
La soussignée est ainsi amenée à conclure que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à déclarer manifestement infondé, en ce sens que le demandeur n’a manifestement fourni aucune raison sérieuse permettant de retenir que compte tenu de sa situation personnelle et compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale, le Kosovo, inscrit sur la liste des pays d’origine sûr conformément au règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, ne constitue pas un pays d’origine sûr dans son chef, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les moyens fondés sur l’article 27 (1) a) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.
Quant au recours dirigé contre la décision de refus d’accorder une protection internationale A l’appui de son recours dirigé contre le refus de lui accorder une protection internationale, Monsieur … estime que le ministre aurait conclu, à tort, que les conditions permettant l’octroi du statut de réfugié ne seraient pas remplies dans son chef. En effet, il avance que les faits sous-jacents à sa demande de protection internationale constitueraient des persécutions dans la mesure où il aurait été menacé et agressé par des Albanais de son village en raison de son appartenance à l’ethnie serbe. Il précise que la police ne lui apporterait aucune protection, ni à sa famille, de sorte que ses parents n’iraient plus travailler sur leurs champs par crainte des Albanais.
Au vu des faits relatés, le demandeur estime qu’il devrait bénéficier du statut de réfugié, sinon celui de la protection subsidiaire.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet du recours.
La soussignée relève qu’aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son 4 Page 3 du rapport d’audition de Monsieur ….
appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-
avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.
Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.
Force est de constater que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire est la preuve, à rapporter par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection.
Or, la soussignée vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse de la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, qu’il n’est manifestement pas établi en l’espèce que les autorités kosovares seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas fournir au demandeur une protection appropriée par rapport aux agissements dont il déclare avoir été victime de la part de personnes albanaises non autrement identifiées. Dès lors, dans la mesure où, dans le cadre du présent recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de refus d’octroi d’un statut de protection internationale, la soussignée ne s’est pas vu soumettre d’éléments permettant d’énerver cette conclusion, les agissements en question ne sauraient manifestement justifier ni l’octroi du statut de réfugié, ni l’octroi de la protection subsidiaire.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen est à déclarer manifestement infondé et que Monsieur … est à débouter de sa demande de protection internationale.
Quant à la décision portant ordre de quitter le territoire Dans le cadre du recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, Monsieur … fait valoir que la réformation de la décision lui refusant la protection internationale entraînerait celle lui ordonnant de quitter le territoire, et que l’exécution de cet ordre constituerait une violation de la loi du 18 décembre 2015.
Le délégué du gouvernement conclut également au rejet de ce volet du recours.
Il convient de relever qu’aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».
Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer la loi du 18 décembre 2015, invoquée de manière vague et générale par le demandeur.
Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.
Par ces motifs, le vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 8 février 2018 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;
au fond, déclare le recours dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;
déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 mars 2018 par la soussignée, Françoise Eberhard, vice-président au tribunal administratif, présidant la deuxième chambre, en présence du greffier assumé Vanessa Soares.
s.Vanessa Soares s.Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 mars 2018 Le greffier assumé du tribunal administratif 10