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14/03/2018 | LUXEMBOURG | N°40880

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 mars 2018, 40880


Tribunal administratif N° 40880 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 mars 2018 Audience publique du 14 mars 2018 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Madame …, …, contre une décision du bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette, en présence de Monsieur …, …, en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 40880 du rôle et déposée le 9 mars 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Di

dier SCHÖNBERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au ...

Tribunal administratif N° 40880 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 mars 2018 Audience publique du 14 mars 2018 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Madame …, …, contre une décision du bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette, en présence de Monsieur …, …, en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 40880 du rôle et déposée le 9 mars 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Didier SCHÖNBERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à …, tendant à voir ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de la décision du bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette du 25 janvier 2018 adressée en réponse à une demande de travaux présentée par Monsieur …, demeurant à …, cette décision ayant encore été attaquée au fond par une requête en annulation introduite le 20 février 2018, portant le numéro 40797 du rôle ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Véronique REYTER, demeurant à Esch-sur-

Alzette, du 2 mars 2018, portant signification de ladite requête en institution d’un sursis à exécution à l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette ainsi qu’à Monsieur … ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Maître Didier SCHÖNBERGER, pour la requérante, ainsi que Maître Julie DE CILLIA, en remplacement de Maître Steve HELMINGER, pour la Ville d’Esch-sur-Alzette, et Maître Audrey BEHA, en remplacement de Maître Roy REDING, pour Monsieur …, entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 mars 2018.

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Monsieur … s’adressa au bourgmestre de la Ville d’Esch-sur-Alzette afin de se voir autoriser à réaliser divers travaux à son immeuble sis à ….

Par courrier du 25 janvier 2018, référencé sous le n° …, le bourgmestre accéda à cette demande en les termes suivants :

« Par la présente j’accuse réception de votre demande d’autorisation concernant divers travaux à réaliser sur l’annexe existante de votre maison sise ….

Vous projetez les travaux suivants :

1.

La dépose et la pose d’une couverture en zinc de la toiture de l’annexe.

2.

Réalisation d’un bardage en zinc du mur pignon de l’annexe, au niveau du 1er étage donnant sur la propriété inscrite au Cadastre de la commune d’Esch-sur-Alzette, Section « … » Esch-Nord numéro ….

Etant donné que ces travaux sont conformes aux dispositions du règlement sur les bâtisses du 8 mai 2009 et que ces travaux ne concerne ni la structure portante de l’immeuble ni son affectation j’ai l’honneur de vous informer que j’ai décidé de traiter votre demande comme déclaration de travaux ne nécessitant dès lors pas la délivrance d’une autorisation de construire sous condition de respecter les limites cadastrales à établir, le cas échéant, par un géomètre officiel.

Afin d’informer les riverains sur la nature et l’envergure des travaux et sous réserve de tous droits généralement quelconque de tiers la présente est à afficher (verso) à un endroit approprié du chantier.

La présente est expédiée aux différents services pour information et si nécessaire pour vous demander, dans le cadre de leur domaine spécifique des informations supplémentaires.

(…) » Par requête déposée le 20 février 2018 et inscrite sous le numéro 40797 du rôle, Madame … a introduit un recours en annulation contre la décision précitée du 25 janvier 2018.

Par requête séparée déposée postérieurement le 9 mars 2018, inscrite sous le numéro 40880 du rôle, elle a demandé à voir prononcer un sursis à exécution de la décision déférée en attendant la solution de son recours au fond.

Madame … expose d’abord être la propriétaire et l’occupante de la maison inscrite au cadastre de la commune d’Esch-sur-Alzette, section … de Esch-Nord sous le numéro …, lieu-

dit « … », sise au …, jouxtant immédiatement la maison de Monsieur …, dont le pignon latéral toucherait sa propre véranda. Elle aurait de ce fait une vue directe sur ce mur, tandis que les travaux envisagés par Monsieur … empiéteraient sur sa propriété.

La requérante fait encore soutenir que l’exécution de la décision déférée risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif. Ainsi, le revêtement en zinc prévu par Monsieur … pour la façade latérale de sa maison, surplombant la véranda de Madame …, nuirait à la mise en valeur de sa propriété. Par ailleurs, les travaux de bardage en zinc devraient avoir lieu à partir de sa propriété, qui devra accueillir un échafaudage. Dans le même ordre d’idée, la requérante soutient encore que le bardage en zinc prévu empiéterait nécessairement sur le toit de sa véranda, de sorte qu’outre l’atteinte à son droit de propriété, se poseraient encore des problèmes d’évacuation d’eau et de présence d’humidité. Elle relève encore qu’aucune mesure n’aurait été manifestement prévue concernant la jonction entre le bas du mur pignon et le bord de la toiture de la véranda, « ou en tout cas la partie requérante n’a reçu aucune information sur ce point » ; or, le ruissellement sur un mur en zinc serait sans commune mesure avec celui d’un mur en crépis, de sorte qu’un surplus d’eau passerait par la toiture de ladite véranda.

2 Enfin, elle relève que la mesure de référé se justifierait par la circonstance que les juridictions civiles ou pénales ne prononceraient que rarement le rétablissement des lieux en leur pristin état.

Madame … estime encore que son recours au fond aurait de sérieuses chances de succès de voir annuler la décision querellée et elle se prévaut des moyens d’annulation suivants :

Elle soulève ainsi devant les juges du fond une violation de l’article 52.2.1 du règlement sur les bâtisses de la Ville d’Esch-sur-Alzette, lequel prévoit notamment la nécessité d’une autorisation de bâtir pour toute transformation aux façades existantes concernant les éléments, le revêtement, la couleur etc, en soulignant qu’en ayant considéré qu’un bardage d’une façade ne nécessiterait qu’une simple déclaration de travaux au lieu d’un permis de construire, le bourgmestre aurait commis une violation de la loi, sinon un détournement de pouvoir, sinon un excès de pouvoir.

La requérante s’empare ensuite de l’article 40.2.1 du même règlement qui prohibe pour les bâtiments dignes de protection toute modification en façade ne visant pas la remise en état d’origine : or, tant sa propre maison que celle de son voisin seraient dignes de protection, de sorte que ladite disposition trouverait à s’appliquer.

Par ailleurs, l’article 40.1.6 dudit règlement disposerait que lors du choix des teintes, l’harmonie et l’aspect général du quartier ou de la rue seraient prépondérants. A cet égard, elle estime que zinguer une façade contreviendrait à cette harmonie et constituerait un précédent alors qu’aucune façade du quartier ne serait recouverte de zinc, la requérante estimant par ailleurs qu’un bardage en zinc serait « plutôt hideux ».

Toujours sur base du même article, elle relève encore que les contrastes violents, tels qu’ils résulteraient de la réalisation des travaux demandés, seraient également interdits, sur base de l’article 40.1.6 du règlement sur les bâtisses.

Enfin, elle affirme que comme Monsieur … aurait construit son extension, donc le pignon, contre sa propre propriété, respectivement contre sa véranda, toute épaisseur apportée au mur de Monsieur … constituerait un empiètement sur sa propre propriété : or, cette atteinte au droit de propriété de la partie requérante engendrerait tant un préjudice esthétique certain qu’un préjudice matériel.

La partie requérante poursuit également l’annulation de la décision déférée dans la mesure où la décision critiquée autoriserait non seulement des travaux de bardage mais également des travaux de toiture, lesquels nécessiteraient également une autorisation de bâtir sur base de l’article 52.2.1 du règlement sur les bâtisses. De même, le changement de revêtement du toit engendrerait un contraste violent avec les maisons avoisinantes, prohibé par l’article 40.1.6 du règlement sur les bâtisses, et porterait manifestement atteinte à l’harmonie et l’aspect général du quartier.

L’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette, rejointe en ses plaidoiries par Monsieur …, soulève d’abord l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir et conclut ensuite au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause, 3 En vertu de l’article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 20 février 2018 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

Il convient ensuite de rappeler que la demande de suspension a pour objet d’empêcher, temporairement, la survenance d’un préjudice grave et définitif ; les effets de la suspension étant d’interdire à l’auteur de l’acte de poursuivre l’exécution de la décision suspendue. Par ailleurs, comme le sursis à exécution doit rester une procédure exceptionnelle, puisqu’il constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

Il en résulte qu’un sursis à exécution ne saurait être ordonné que si le préjudice invoqué par le demandeur résulte de l’exécution immédiate de l’acte attaqué, la condition légale n’étant en effet pas remplie si le préjudice ne trouve pas sa cause dans l’exécution de l’acte attaqué : en d’autres termes, la décision contestée doit porter préjudice ou atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, aux intérêts du demandeur.

Il suit partant de ce qui précède que le préjudice grave et définitif est à apprécier par rapport aux travaux envisagés, en ce que ceux-ci sont de nature à nuire au demandeur. En effet, dans ce contexte, il importe de vérifier en quoi la situation de voisin se trouve aggravée par un quelconque élément de l’autorisation de construire critiquée, de sorte qu’un demandeur n’est pas recevable à faire contrôler sommairement la légalité de moyens tirés d’éléments qui n’ont pas d’impact direct sur sa situation personnelle. Par ailleurs, l’exposé du préjudice grave et définitif ne saurait se limiter à un exposé théorique, se cantonner à la seule évocation de précédents ou encore consister en des considérations générales. Le juge du provisoire ne peut de surcroît avoir égard qu’aux arguments contenus dans la requête et doit écarter les éléments développés par le conseil du requérant, pour la première fois, à l’audience.

Enfin, un sursis à exécution ne saurait être ordonné que si le préjudice est définitif, c’est-à-dire lorsque le succès de la demande présentée au fond ne permet pas ou ne permet que difficilement un rétablissement de la situation antérieure à la prise de l’acte illégal.

Lorsqu’un préjudice, fût-il grave, est limité à un préjudice simplement pécuniaire et donc susceptible d’être réparé par le remboursement ou le paiement de sommes d’argent, le caractère difficilement réparable de celui-ci n’est a priori pas établi. Il incombe au demandeur d’établir alors l’existence d’une circonstance particulière rendant le préjudice pécuniaire grave ou difficilement réparable.

Or, en l’espèce, outre un préjudice esthétique purement subjectif, résultant d’une prétendue atteinte à l’harmonie du quartier, la requérante fait état de préjudices provoqués par la nécessité d’accorder une servitude de tour d’échelle, d’un éventuel et prétendu empiètement sur sa propriété de quelques centimètres, résultant de l’apposition du bardage litigieux sur le 4 pignon latéral de son voisin, et d’un risque accru de ruissellement : il ne s’agit en l’occurrence ni de préjudices graves, ni de préjudices définitifs.

Ainsi, en ce qui concerne la question de l’esthétique, il s’agit là, manifestement, d’une appréciation toute subjective de la requérante. En tout état de cause, devoir supporter une façade latérale et la toiture d’une annexe - échappant d’ailleurs à toute vue directe et d’ores et déjà réalisée, de sorte que de ce point de vue le préjudice allégué serait consommé - d’une couleur et d’un matériau que l’on juge, personnellement, comme étant « plutôt hideux » - le soussigné relevant toutefois que la propre véranda de la requérante a également partiellement un habillage en zinc gris - ne saurait être considéré comme dépassant par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société ni comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques, la vie en société exigeant en effet également de devoir accepter les goûts d’autrui, même si pareils goûts ou choix esthétiques ou, comme en l’espèce architecturaux - le choix du matériau, outre les aspects pratiques, dénotant la recherche d’une certaine modernité - ne rencontrent pas l’approbation de l’intéressée.

Quant aux questions d’empiètement et de ruissellement tels qu’alléguées, la requérante dispose de voies de droit lui permettant le cas échéant d’obtenir le respect des dispositions afférentes du Code civil ainsi que, le cas échéant, une réparation adéquate, la requérante pouvant sur base de l’article 545 du Code civil tant se prémunir a priori par rapport à la question de l’éventuel empiètement que se défendre a posteriori en recherchant la démolition de l’ouvrage empiétant le cas échéant sur sa propriété1, sinon à tout le moins le rabotage de la partie empiétant2.

Il en va de même de la question de la servitude provisoire de tour d’échelle, puisque la délivrance d’un permis de construire d’un bâtiment ou aménagement en limite séparative, s’il peut rendre nécessaire l’usage de cette pratique, ne dispense pas du respect des conditions d’institution de ce droit résultant des règles du droit civil. Or, la jurisprudence civile a ainsi dégagé certains critères jurisprudentiels pour les modes d’établissement de cette servitude et a retenu que le propriétaire voisin est en droit d’obtenir des dédommagements au titre des détériorations éventuelles et des troubles de jouissance inhérents au chantier.

La requérante est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle de moyens sérieux avancés devant les juges du fond, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 500.- euros formulée par Monsieur … laisse d’être fondée, les conditions légales afférentes n’étant pas remplies en cause.

Par ces motifs, 1 Voir p.ex. Cass. civ. fr. 3e, 8 oct. 2015, n° 13-25.532 : « dès lors qu’un constructeur étend ses ouvrages au-delà des limites de sa propriété, il y a lieu à démolition de la partie de sa construction qui repose sur le fonds voisin, quelles que soient l’importance de l’empiétement et la bonne ou mauvaise foi du constructeur » ou encore Cass.

civ. fr. 3e, 10 novembre 2009, n° 08-17526.

2 Cass civ. fr., 3e, 10 novembre 2016, n° 15-25.113 5 le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;

rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la partie tiers-intéressée ;

condamne la requérante aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 mars 2018 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 mars 2018 Le greffier du tribunal administratif 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 40880
Date de la décision : 14/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-03-14;40880 ?

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