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12/03/2018 | LUXEMBOURG | N°40749

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mars 2018, 40749


Tribunal administratif N° 40749 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 février 2018 Audience publique du 12 mars 2018 Recours formé par Monsieur …, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40749 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 février 2018 par Maître Faisal Quraishi, avocat à la Cour, i

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Tribunal administratif N° 40749 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 février 2018 Audience publique du 12 mars 2018 Recours formé par Monsieur …, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 40749 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 février 2018 par Maître Faisal Quraishi, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …à … (Kosovo), de nationalité kosovare, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 30 janvier 2018 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 février 2018 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge, en remplacement du président de la deuxième chambre du tribunal administratif entendu en son rapport, et Madame le délégué du gouvernement Sarah Ernst entendue en sa plaidoirie à l’audience publique du 5 mars 2018 en l’absence de Maître Faisal Quraishi sans qu’il ne se soit fait représenter ou excuser.

Le 23 janvier 2018, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

Le 26 janvier 2018, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale. Il y exposa en substance avoir quitté son pays d’origine en raison de menaces reçues de la part de trois personnes auxquelles il aurait emprunté de l’argent.

Par décision du 30 janvier 2018, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1) sous a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Le ministre estima, en substance, que Monsieur … étant ressortissant kosovare, il proviendrait d’un pays d’origine sûr étant donné que le Kosovo figurerait sur la liste des pays d’origine sûrs en vertu de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 et du règlement grand-

ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », constat qui n’aurait pas été contredit par l’examen individuel de sa demande de protection internationale. En s’appuyant sur un rapport de la Commission européenne, il constate qu’il ne serait pas recouru au Kosovo à la persécution au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève ».

Il observe que les raisons ayant amené Monsieur … à quitter son pays d’origine ne seraient pas motivées par un des critères de fond définis par la Convention de Genève, sinon par la loi du 18 décembre 2015. Il relève tout d’abord que les faits invoqués par le demandeur tenant aux prétendues menaces et agressions ne sauraient être qualifiées de persécutions au sens de la Convention de Genève dès lors qu’elles n’auraient aucun lien avec sa race, sa nationalité, sa religion, son appartenance à un groupe social particulier ou ses convictions politiques, s’agissant d’un conflit privé. Il relève encore que le fait d’avoir laissé le reste de sa famille au Kosovo et de partir seul au Luxembourg serait incompatible avec le comportement d’une personne dont la famille serait effectivement menacée de mort, voire persécutée dans son pays d’origine. Il ajoute que Monsieur … ne mettrait pas en évidence un défaut de protection de la part des autorités kosovares, dans la mesure où il n’aurait pas dénoncé ses malfaiteurs à la police. Le ministre souligne encore que si Monsieur … avait été d’avis qu’il n’aurait pu compter sur l’aide de la police kosovare, il aurait dû rechercher la protection d’autorités hiérarchiquement supérieures voire l’Ombudsman, en cas de défaut de protection.

Il relève enfin l’existence d’une possibilité de fuite interne dans une autre ville du Kosovo, telle que …, …, … ou …. Enfin, il conclut que le récit de Monsieur … ne contiendrait pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’ils courraient un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 février 2018, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision du ministre du 30 janvier 2018 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître des recours en réformation dirigés contre les décisions du ministre du 30 janvier 2018 telles que déférées.

Lesdits recours ayant encore été introduits dans les formes et délai de la loi, ils sont à déclarer recevables.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les recours subsidiaires en annulation introduits contre les mêmes décisions.

A l’appui du volet de son recours dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée, le demandeur soutient que les faits qu’il a présentés soulèveraient des questions pertinentes et ne rentreraient pas dans le champ d’application des dispositions visées à l’article 27 points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015. Il souligne qu’il aurait été victime de persécutions en raison d’une somme d’argent d’un montant de …-

euros qu’il aurait empruntée à trois personnes et qui en réclameraient le remboursement avec les intérêts d’un total de …- euros. Cette « bande mafieuse » l’aurait par la suite « menacé physiquement et par téléphone » allant jusqu’à une tentative d’assassinat en janvier 2018.

Monsieur … aurait décidé de ne pas porter plainte auprès des autorités du Kosovo « alors que ces mafieux [auraient] des liens privilégiés avec la police locale et qu’en cas de dénonciation ils se seraient pris à sa famille ». Il expose qu’en aucun cas le Kosovo serait à considérer comme un pays sûr à son égard, dans la mesure où il ne pourrait recourir à aucune aide de la part des autorités de police locales qui refuseraient de lui accorder une protection.

A l’appui de son recours dirigé contre le refus de lui accorder une protection internationale, le demandeur estime que le ministre aurait conclu, à tort, que les conditions permettant l’octroi du statut de réfugié ne seraient pas remplies dans son chef. En effet il estime que les menaces du groupe de mafieux en relation avec les autorités locales seraient suffisamment « graves entrant dans le cadre d’une demande en protection internationale » et qu’il aurait été obligé de fuir son pays d’origine « devant cette corruption de la part des autorités locales ». Il en conclut que la décision ministérielle devrait être réformée pour violation de la loi, abus de droit sinon pour erreur manifeste d’appréciation. Il conclut qu’un retour au Kosovo l’exposerait à des traitements inhumains et dégradants et que « ces éléments [pourraient] être assimilés à des actes de menace, violence et de persécution au sens de la Convention de Genève ».

Enfin, le demandeur fait valoir dans le cadre du recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire que suivant le principe de précaution, il serait préférable de ne pas reconduire une personne vers un pays où il y aurait lieu de craindre qu’il courrait un risque réel de subir des atteintes graves à sa vie.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification. Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé, dans la négative, le recours étant renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

La soussignée constate de prime abord que ni le texte législatif ni d’ailleurs les travaux parlementaires afférents, ne contiennent de définition de ce qu’il convient d’entendre par « recours manifestement infondé », et ce contrairement à l’ancienne loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, laquelle définissait en son article 9 la demande d’asile manifestement infondée1, définition complétée par le règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile en ses articles 32, 43, 54 et 65.

Il appartient dès lors à la soussignée, saisie d’un recours basé sur la disposition légale citée ci-avant, de définir ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé » et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé. Comme le législateur s’est référé au « recours », c’est-à-dire au recours contentieux, respectivement à la requête introductive d’instance, et non pas à la demande de protection internationale en tant que telle, la notion de 1 « Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile […]. » 2 « Une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande. Lorsque le demandeur invoque la crainte d’être persécuté dans son propre pays, mais qu’il résulte des éléments et renseignements fournis que le demandeur n’a aucune raison objective de craindre des persécutions, sa demande peut être considérée comme manifestement infondée. » 3 « Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d’asile, invoquant des persécutions qui sont limitées à une zone géographique déterminée, aurait pu trouver une protection efficace dans une autre partie de son propre pays, qui lui était accessible. » 4 « 1) Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d’asile provient d’un pays où il n’existe pas, en règle générale, de risque sérieux de persécution. 2) Le fait d’établir qu’un pays déterminé ne présente pas, en règle générale, de risques sérieux de persécution, n’entraînera cependant pas automatiquement le rejet de toute demande d’asile introduite par un ressortissant de ce pays, le principe de l’examen individuel de la demande restant acquis. » 5 « Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. » « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé. En effet, en application de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Force est de relever qu’en l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et b) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquels :

« (1) Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande en obtention d’une protection internationale, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015.

Par ailleurs, les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, le fait qu’une seule des conditions soit valablement remplie justifie la décision ministérielle à suffisance. Il s’en dégage encore qu’au cas où le recours du demandeur de protection internationale fait ressortir que ce dernier ne tombe sous aucune des conditions relevées dans cette disposition légale, telles que retenues par la décision ministérielle afférente, ledit recours ne peut être considéré comme étant manifestement infondé.

Quant au point b) de l’article 27, paragraphe (1), précité, visant l’hypothèse dans laquelle le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, il convient de relever qu’un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes :

« (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.

(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres, du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes ».

Il est constant en cause que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 a désigné le Kosovo comme pays d’origine sûr et il se dégage des éléments du dossier que le demandeur a la nationalité kosovare.

Etant donné que l’article 30, paragraphe (1) précité dispose que l’examen individuel que le ministre a l’obligation d’effectuer doit l’être « compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale », et que seule la condition, commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire pour déterminer si un pays est à considérer comme pays d’origine sûr pour un demandeur compte tenu de sa situation personnelle, s’il fait, comme en l’espèce, état de faits subis par des personnes non étatiques, est celle tenant à l’absence de protection dans le pays d’origine au sens de l’article 396 de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 40 7de la même, de sorte que l’examen de la situation individuelle doit être fait par rapport aux moyens présentés par le demandeur tendant à établir que cette condition requise pour prétendre à une protection internationale est remplie dans son chef.

Or, le demandeur fait valoir que les autorités kosovares seraient inefficaces et corrompues.

Or, cette seule allégation n’est pas suffisante pour remettre en cause le constat de pays d’origine sûr dans le chef du demandeur.

6 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », 7 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » En effet, l’essentiel est d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. A cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une protection peut être considérée comme suffisante si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou des atteintes graves et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée. Cela inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des atteintes graves.

A ce titre, il y a lieu de rappeler qu’une protection n’exige pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100%, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policières et judiciaires les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux. En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et l’existence d’une persécution ou d’atteintes graves ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel mais suppose une insuffisance de démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

La soussignée est amenée à conclure qu’il ne ressort manifestement pas des déclarations du demandeur, ni des pièces du dossier, que les autorités kosovares compétentes auraient refusé ou auraient été dans l’incapacité de lui fournir une protection quelconque contre les agissements dont il déclare avoir été victime. A cet égard, la seule allégation générale par le demandeur que la corruption sévissait au sein des autorités kosovares, sans pour autant être étayée par un élément concret et objectif tiré du vécu du demandeur, est insuffisante pour justifier son inaction, face aux explications de la partie étatique concernant la possibilité de recourir à des instances hiérarchiquement supérieures en cas d’inaction des autorités policières locales.

La soussignée est dès lors amenée à conclure que le recours est à déclarer manifestement infondé en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée au motif que le demandeur n’a manifestement fourni aucune raison sérieuse permettant de retenir qu’en raison de sa situation personnelle et eu égard aux conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale, le Kosovo, pays inscrit sur la liste des pays d’origine sûrs conformément au règlement grand-

ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 5 mai 2006, relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection ne constitue pas un pays d’origine sûr dans son chef, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les moyens développés au titre de l’article 27 paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.

S’agissant du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder au demandeur une protection internationale, aux termes de l’article 2 b) de la loi du 18 décembre 2016, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-

avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Force est de constater que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire est la preuve, à rapporter par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection.

Or, tel que cela a été retenu ci-avant, ce dernier n’a manifestement pas établi que les autorités de son pays d’origine ne sont pas disposées ou capables de lui fournir une protection, de sorte qu’au moins une des conditions d’octroi du statut de réfugié respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire ne se trouve manifestement pas remplie, et que le recours est à déclarer comme manifestement infondé et que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

Quant à la décision portant ordre de quitter le territoire, force est au tribunal de constater qu’aux termes de l’article 34 paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé et que partant c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur et que, par conséquent, un retour dans son pays d’origine ne l’expose ni à des persécutions, ni à des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer le principe de précaution invoqué par le demandeur.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter pour être manifestement infondé.

Par ces motifs, le juge du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président de la deuxième chambre du tribunal, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 30 janvier 2018 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours principal en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit contre les trois décisions ;

donne acte au demandeur de ce qu’il déclare être bénéficiaire de l’assistance judiciaire ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 mars 2018 par la soussignée, Michèle Stoffel, juge au tribunal administratif, en présence du greffier assumé Vanessa Soares.

s. Vanessa Soares s. Michèle Stoffel Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 mars 2018 Le greffier assumé du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Siégeant en remplacement du président de la deuxième chambre du tribunal
Numéro d'arrêt : 40749
Date de la décision : 12/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-03-12;40749 ?

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