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21/02/2018 | LUXEMBOURG | N°40725

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 février 2018, 40725


Tribunal administratif N° 40725 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 février 2018 Audience publique du 21 février 2018 Requête en obtention d’un sursis à exécution sinon d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur … et Monsieur …, …., par rapport à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 40725 du rôle et déposée le 7 février 2018 au greffe du t

ribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des...

Tribunal administratif N° 40725 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 février 2018 Audience publique du 21 février 2018 Requête en obtention d’un sursis à exécution sinon d’une mesure de sauvegarde introduite par Monsieur … et Monsieur …, …., par rapport à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 40725 du rôle et déposée le 7 février 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …à … (Bosnie-

Herzégovine), et Monsieur …, né le … à …, tous deux de nationalité bosnienne, demeurant à …, tendant à obtenir un sursis à exécution sinon une mesure de sauvegarde par rapport à une décision de refus du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 3 janvier 2018 leur ayant refusé l’octroi d’un titre de séjour sur base de l’article 89 de la loi modifiée du 28 août 2008 sur la libre circulation et l’immigration et leur ayant enjoint de quitter le territoire endéans un délai de trente jour, ainsi que par rapport à une décision confirmative de refus du même ministre du 18 janvier 2018, intervenue suite à un recours gracieux du 17 janvier 2018, un recours en annulation dirigé contre ladite décision ministérielle, inscrit sous le numéro 40724 du rôle, introduit le même jour, étant pendant devant le tribunal administratif ;

Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Maître Florie HUBERTUS et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth PESCH entendues en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

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Monsieur … et son frère, Monsieur …, tous deux mineurs d’âge à l’époque, introduisirent le 10 décembre 2013 par le biais de leurs parents, Monsieur … et son épouse, Madame …, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Par décision du 20 octobre 2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », rejeta leur demande de protection internationale comme non fondée et leur enjoignit de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Le recours contentieux de la famille … introduit à l’encontre de cette décision ministérielle de refus fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 23 septembre 2015, n° 35490 du rôle, confirmé en appel par arrêt de la Cour administrative du 10 décembre 2015, n° 37083C du rôle.

Les intéressés ayant introduit le 29 février 2016 une demande en obtention d’un titre de séjour sur base de l’article 89 de la loi modifiée du 28 août 2008 sur la libre circulation et l’immigration, ci-après « la loi du 29 août 2008 », le ministre leur opposa un refus par décision du 18 février 2016, refus confirmé par une seconde décision ministérielle du 17 mars 2016, intervenue suite à un recours gracieux.

Par courrier du 1er juin 2016, le ministre accepta toutefois de prolonger le délai de départ de la famille … au 15 juillet 2016 notamment en raison de la scolarité des enfants … et ….

La famille … s’inscrivit ensuite en vue de son retour volontaire ; il résulte à cet égard d’un procès-verbal de police établi le 9 septembre 2016 que la famille … était partie sans laisser d’adresse en date du 16 août 2016.

Monsieur … et Monsieur … introduisirent ensuite en date du 17 janvier 2017 une seconde demande en obtention d’un titre de séjour sur base de l’article 89 de la loi du 28 août 2008, demande qui leur fut à nouveau refusée par décision ministérielle du 23 janvier 2017. Suite à l’introduction d’un recours gracieux le 27 février 2017, le ministre confirma sa décision de refus le 2 février 2017.

Par courrier du 3 février 2017, le ministre valida toutefois deux engagements de prise en charge au bénéfice des frères …, établis par Madame ….

Il résulte d’un procès-verbal de police établi le 7 février 2017 que leurs parents auraient quitté le territoire le 3 février 2017.

En date du 17 mars 2017, les deux frères … s’inscrivirent en vue de leur retour volontaire en Bosnie-Herzégovine, retour réalisé les 23 et 24 mars 2017 par voie terrestre.

Le 14 avril 2017, la famille … réintroduisit une demande en obtention d’une autorisation de séjour, cette fois sur base de l’article 42 de la loi du 28 août 2008.

Par courrier du 15 mai 2017, Madame …, ayant été amenée à prendre en charge les frais de retour des frères …, informa le ministre que sa prise en charge avait pris fin au 23 mars 2017, ce qui lui fut confirmé par courrier du ministre du 22 mai 2017 au vu du retour volontaire des intéressés le 23 mars 2017.

Les frères … firent réintroduire par les soins de l’Association de Soutien aux Travailleurs Immigrés en date du 6 décembre 2017 une troisième demande en autorisation de séjour à nouveau fondée sur l’article 89 de la loi du 29 août 2008, demande refusé par le ministre par décision du 3 janvier 2018, libellée comme suit :

« Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre courrier du 6 décembre 2017, réceptionné le 13 décembre 2017 par lequel vous sollicitez « (…) une autorisation de séjour basée sur l’art. 89 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration » pour le compte de Monsieur … et Monsieur ….

Il y a lieu de rappeler que Monsieur … et Monsieur … ont été définitivement déboutés de leurs demandes de protection internationale en date du 10 décembre 2015. Par décision ministérielle du 18 février 2016 une autorisation de séjour sur base de l’article 89 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration leur a été refusée, refus qui a été confirmé par courrier ministériel du 17 mars 2016. Par la suite les intéressés ont quitté volontairement le territoire luxembourgeois et sont revenus en date du 19 août 2016, sans préjudice quant à une date plus exacte. Par décision ministérielle du 6 janvier 2017 leur séjour a été considéré comme irrégulier et ils ont été invités de quitter le territoire.

Par décision ministérielle du 17 janvier 2017 une nouvelle demande en obtention d’une autorisation de séjour sur base de l’article 89 de la loi du 29 août 2008 citée a également été refusée à Monsieur … et Monsieur …, notamment pour le fait qu’en ayant quitté volontairement le territoire luxembourgeois en juillet 2016, leur séjour au Luxembourg a été interrompu et par conséquent, ils ne remplissent pas les conditions des quatre ans de résidence précédant l’introduction de la demande. De même, les intéressés n’ont pas suivi de façon continue et avec succès une scolarité depuis au moins quatre ans conformément au point (2) du même paragraphe (1) de l’article 89. Ledit refus a été confirmé par décision du 2 février 2017 et aucun recours n’a été introduit. La décision est donc coulée en force de la chose décidée.

A cela s’ajoute que Monsieur … et Monsieur … ont à nouveau quitté le territoire luxembourgeois en date du 23 mars 2017, interrompant à nouveau leur séjour et scolarité au Luxembourg pour revenir dans l’espace Schengen le 30 juillet 2017, sans préjudice quant à une date plus exacte, selon les tampons apposés dans les extraits copiés de leurs passeports annexés à votre courrier (entrée par la Croatie à « Slavonski Samac » et sortie de la Croatie à «Macelj », puis entrée par la Slovénie à « Gruskovke »).

Enfin, la prise en charge du 26 août 2016 annexée à votre courrier n’est plus valable. En effet, comme il ressort du courrier ministériel du 22 mai 2017, Madame … a été déliée de l’engagement de prise en charge conformément à l’article 5 du règlement grand-

ducal du 5 septembre 2008 portant sur l’attestation de prise en charge en faveur d’un étranger prévue à l’article 4 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration du fait du départ de Monsieur … et Monsieur … en date du 23 mars 2017.

Eu égard aux développements qui précèdent, votre demande en obtention d’une autorisation de séjour en vertu de l’article 89 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration pour le compte de Monsieur … et Monsieur … est refusée. Étant donné que ces derniers ne sont pas autorisés à séjourner au Luxembourg et qu’ils y séjournent depuis plus de trois mois au vu des dates d’entrée sur le territoire mentionnées, leur séjour est à considérer comme irrégulier en application de l’article 100, paragraphe (1), point a}, b) et c) de la loi. Par voie de conséquence et en application de l’article 111, paragraphes (1) et (2) de la loi du 29 août 2008 précitée, Monsieur … et Monsieur … sont obligés de quitter le territoire endéans un délai de trente jours après la notification de la présente, soit à destination du pays dont ils ont la nationalité, la Bosnie-

Herzégovine, soit à destination du pays qui leur a délivré un document de voyage en cours de validité, soit à destination d’un autre pays dans lequel ils sont autorisés à séjourner.

La présente décision est susceptible d’un recours en annulation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d’un avocat à la Cour dans un délai de trois mois à partir de la notification de la présente. Le recours n’est pas suspensif ».

Suite à un recours gracieux du 17 janvier 2018, le ministre confirma son refus par décision du 18 janvier 2018 en les termes suivants :

« J’ai l’honneur de me référer à votre recours gracieux du 17 janvier 2018 contre la décision ministérielle du 3 janvier 2018 refusant une autorisation de séjour sur base de l’article 89 de la loi du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et immigration dans le chef de Monsieur … et Monsieur ….

Après avoir procédé au réexamen du dossier de vos mandants, je suis au regret de vous informer qu’à défaut d’éléments pertinents nouveaux, je ne saurais réserver une suite favorable à votre demande et je ne peux que confirmer ma décision du 3 janvier 2018 dans son intégralité, les conditions de quatre ans de résidence précédant l’introduction de la demande, ainsi que celle d’avoir suivi de façon continue et avec succès une scolarité depuis au moins quatre ans conformément de l’article 89 restant non remplies ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 février 2018, inscrite sous le numéro 40724 du rôle, Monsieur … et Monsieur … ont introduit un recours en annulation contre les décisions ministérielles de refus précitées des 3 et 18 janvier 2018 et par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 40725 du rôle, ils ont encore introduit une demande indiquant tendre à l’obtention d’un sursis à exécution, sinon d’une mesure de sauvegarde, libellée comme suit : « assortir les décisions des 3 et 18 janvier 2018 à l’origine du refus de la demande de prolongation du sursis à l’éloignement (sic) et de l’ordre de quitter le Grand-Duché de Luxembourg retenu à l’encontre de Messieurs … et … à titre principal un sursis à exécution et à titre subsidiaire des mesures de sauvegarde en vertu des articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ».

Les requérants font plaider que l’exécution des décisions critiquées serait susceptible de leur causer un préjudice grave et irrémédiable, dans la mesure où, en substance, ils seraient intégrés depuis plusieurs années au sein de la société luxembourgeoise et auraient l’intégralité de leur attaches et points de repères au Luxembourg, de sorte que l’exécution des décisions incriminées, les forçant à quitter le territoire et à s’installer dans un pays où ils n’auraient plus d’attaches, aurait un impact moral important, puisqu’il leur serait difficile de reprendre à leur âge une scolarité dans leur pays d’origine, scolarité qu’ils seraient sur le point d’achever au Luxembourg.

Aussi, l’exécution des décisions ministérielles de refus entraînerait dans leur chef une perte de temps et un coût financier auquel ils ne pourraient pas faire face, un retour dans leur pays d’origine remettant de surcroît toute leur carrière professionnelle en question.

Monsieur … et Monsieur … se prévalent encore au fond de divers moyens dont ils soulignent le caractère sérieux.

A cet égard, ils requièrent devant les juges du fond l’annulation des décisions de refus pour violation de l’article 89 de la loi du 28 août 2008.

Ils exposent à ce titre que l’article 89 précité fixerait un certain nombre de critères dans une perspective de régularisation des personnes en séjour irrégulier prolongé, critères qui devraient être remplis pour pouvoir bénéficier de ladite possibilité de régularisation.

Or, Monsieur … et Monsieur … affirment remplir les conditions imposées par ledit article 89. Ainsi, leur présence sur le territoire du Grand-Duché ne serait pas susceptible de constituer un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique. Ils seraient en effet des étudiants studieux et motivés, conscients des règles applicables dans une vie en société et respectant les lois du pays. Par ailleurs, ils n’auraient jamais eu de problèmes avec la police et n’auraient fait l’objet de poursuites judiciaires. Ils n’auraient non plus utilisé des informations fausses ou trompeuses relatives à leur identité mais ils auraient au contraire coopéré loyalement et honnêtement avec les autorités.

Enfin, en ce qui concerne la condition imposée d’un séjour continu sur le territoire luxembourgeois depuis au moins 4 ans, il ressortirait des pièces versées que cette condition serait remplie. Les requérants exposent à ce titre qu’ils résideraient sur le territoire depuis au moins quatre ans précédant l’introduction de leur demande, et ce depuis le 10 décembre 2013, date à laquelle ils avaient, ensemble avec leurs parents, introduit une demande de protection internationale. Il est vrai qu’ils auraient de temps en temps passé quelques semaines de vacances dans leur pays d’origine afin de rendre visite à leur famille, mais à aucun moment ils n’auraient abandonné leur résidence fixe et continue au Luxembourg. Dans ce contexte, ils insistent sur le fait que par leur scolarité au Luxembourg, et leur parfaite maîtrise du français et du luxembourgeois, ils feraient preuve d’une réelle volonté d’intégration, de sorte que la condition légale d’une scolarité continue depuis au moins 4 ans serait également remplie dans leur chef.

Toujours dans le même contexte, Monsieur … et Monsieur … donnent encore à considérer qu’ils ne pourraient voir leur avenir bâclé du fait d’être partis passer des vacances dans leur pays d’origine, alors qu’il ne saurait être exigé que pour pouvoir bénéficier de l’application de l’article 89 de la loi du 29 août 2008, il devraient renoncer à des droits et libertés et plus particulièrement au droit de voyager et de poursuivre certains loisirs.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause.

En vertu de l’article 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif ou le magistrat le remplaçant peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire, à l’exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.

Sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d’admettre que l’institution d’une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l’appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.

Or, en vertu de l’article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 7 février 2018, de sorte que compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, l’affaire au fond ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

Concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Ainsi, le juge du référé est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision attaquée.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Au niveau de l’examen des moyens d’annulation invoqués à l’appui du recours au fond, l’examen de ses chances de succès appelle le juge administratif saisi de conclusions à des fins de sursis à exécution, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et à vérifier si un des moyens soulevés par la partie demanderesse apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation voire la réformation de la décision critiquée.

Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

Or, à cet égard, les moyens développés devant le juge du fond ne présentent pas le sérieux nécessaire, dans la mesure où à eux seuls ils ne sauraient a priori laisser entrevoir, en l’état actuel du dossier, l’annulation des décisions de refus par les juges du fond.

En effet, aux termes de l’article 89 de la loi du 29 août 2008, une autorisation de séjour pour raisons exceptionnelles peut être délivrée par le ministre sous les conditions suivantes :

« (1) Sous réserve que sa présence n’est pas susceptible de constituer un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique, et sous condition de ne pas avoir utilisé des informations fausses ou trompeuses relatives à son identité, d’avoir résidé sur le territoire depuis au moins quatre ans précédant l’introduction de la demande, de faire preuve d’une réelle volonté d’intégration et de ne pas s’être soustrait à une mesure d’éloignement, une autorisation de séjour est accordée par le ministre au ressortissant de pays tiers : (…) 2. lorsqu’il a suivi de façon continue et avec succès une scolarité depuis au moins quatre ans dans un établissement scolaire au Grand-Duché de Luxembourg et introduit sa demande avant l’âge de vingt et un ans en justifiant disposer de ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins ».

Or, tel que reprise ci-avant, la décision de refus du 3 janvier 2018, outre de contester le respect de la condition de scolarité continue et réussie avec succès d’au moins 4 ans dans le chef des deux requérants, a retenu que « Enfin, la prise en charge du 26 août 2016 annexée à votre courrier n’est plus valable. En effet, comme il ressort du courrier ministériel du 22 mai 2017, Madame … a été déliée de l’engagement de prise en charge conformément à l’article 5 du règlement grand-ducal du 5 septembre 2008 portant sur l’attestation de prise en charge en faveur d’un étranger prévue à l’article 4 de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration du fait du départ de Monsieur … et Monsieur … en date du 23 mars 2017 », motif de refus en relation avec la condition légale telle que citée ci-avant de l’existence de ressources suffisantes dans le chef d’un ressortissant d’un pays tiers désireux de bénéficier de la possibilité de régularisation par la scolarité prévue à l’article 89, paragraphe 2, de la loi du 29 août 2008.

Force est au soussigné de constater qu’en l’état actuel du dossier et des deux requêtes, l’avocat des requérants a fait totalement l’impasse sur cette condition devant être cumulativement remplie avec les autres conditions prévues par l’article 89 en question ; ainsi, non seulement il n’a pas pris position dans le cadre du recours gracieux rédigé par ses soins par rapport à ce motif de refus pourtant clairement précisé, mais tant le recours au fond -

recours déterminant les moyens admissibles devant le soussigné - que la requête en obtention d’une mesure provisoire passent cette condition sous silence.

Le moyen tiré d’une violation de l’article 89 de la loi du 29 août 2008, ne paraît dès lors, en l’état actuel d’instruction du dossier, pas comme étant suffisamment sérieux.

Il s’ensuit que les requérants sont à débouter de leur demande en institution d’un sursis à exécution, sinon d’une mesure de sauvegarde, sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question du préjudice grave et définitif tel qu’invoqué, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette la demande en obtention d’une mesure provisoire ;

condamne les requérants aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 février 2018 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 février 2018 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 40725
Date de la décision : 21/02/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2018-02-21;40725 ?

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