Tribunal administratif N° 40667 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 janvier 2018 Audience publique du 21 février 2018 Recours formé par Madame … et consorts, …, contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 40667 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 janvier 2018 par Maître Sébastien Lanoue, avocat à la Cour, assisté de Maître Marcel Marigo, avocat, les deux étant inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Ancienne République Yougoslave de Macédoine ou « ARYM », dénommée ci-après « la Macédoine »), agissant en son nom personnel et au nom et pour le compte de ses enfants mineurs, …, née le … à …,…, née le … à …,…, née le … à …,…, née le … à … (Belgique) et …, né le … à … (Allemagne), tous de nationalité macédonienne et demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 4 janvier 2018 statuant sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à leur demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 février 2018 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;
Le premier juge, en remplacement du président de la première chambre du tribunal administratif entendu en son rapport, Maître Marcel Marigo et Madame le délégué du gouvernement Nancy Carier entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 février 2018.
Le 19 octobre 2017, Madame …, accompagnée de ses enfants mineurs, …,…,…,… et …, ci-après désignés par « les consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Madame … sur leurs identités respectives et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport séparé du même jour.
En date du 20 octobre 2017, elle fut encore entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».
Par une décision du 28 novembre 2017, notifiée aux intéressés le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », informa les consorts … qu’il avait décidé de les transférer en Allemagne, pays responsable de leur demande de protection internationale, sur base de l’article 28 paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions de l’article 18 paragraphe (1) d) du règlement Dublin III, ainsi que sur base de la considération qu’ils y avaient introduit trois demandes de protection internationale en dates des 25 janvier 2013, 27 avril 2016 et 23 août 2017.
En date du 13 décembre 2017, le ministre a rapporté la décision de transfert précitée du 28 novembre 2017.
Le 2 janvier 2018, Madame … fut entendue, à deux reprises, par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 4 janvier 2018, notifiée aux intéressés le même jour, le ministre informa les consorts … qu’il avait statué sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1) sous a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que leur demande avait été refusée comme non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Dans le cadre de cette décision, le ministre résuma les déclarations de Madame … comme suit : « (…) Madame, il résulte de vos déclarations qu'après la condamnation de votre époux en 2011 à quatre ans de prison pour son implication dans une affaire de vol, vous auriez décidé de quitter la Macédoine parce qu'il « ne voulait pas aller en prison » (p. 5 du rapport d'entretien). Après un séjour de deux ans en Belgique, les autorités vous auraient demandé de quitter le territoire et vous seriez alors partie en Allemagne avant de finalement venir au Luxembourg « puisque c'est près de l'Allemagne ».
Vous expliquez que vous ne pourriez plus retourner en Macédoine étant donné que votre vie y serait très difficile. Votre époux s'y trouverait actuellement en prison, tandis que vous n'auriez jamais travaillé et qu'il ne vous serait donc pas possible d'y nourrir vos enfants. En plus, en cas d'un retour, « à mon mari il faudra que je lui envoie des choses en prison, ce n'est pas comme ici où ils reçoivent tout ».
Vous ajoutez que les trois complices de votre époux dans l'affaire de vol, les dénommés …, … et … auraient également été condamnés à des peines de prison. En 2016, après leur libération, ils seraient une fois venus en Allemagne pour vous menacer et vous auraient par la suite menacée par téléphone parce qu'ils seraient d'avis que votre époux aurait dévoilé leurs identités aux autorités.
Enfin, il ressort du rapport d'entretien qu'il n'y a plus d'autres faits à invoquer au sujet de votre demande de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte. (…) ».
En droit, le ministre estima, en substance, que les consorts …, du fait d’être des ressortissants macédoniens, proviendraient d’un pays d’origine sûr étant donné que la Macédoine figurerait sur la liste des pays d’origine sûrs en vertu de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 et du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », constat qui n’aurait pas été contredit par l’examen individuel de leur demande de protection internationale. En s’appuyant sur un rapport de la Commission européenne, il constata que le cadre législatif et institutionnel mis en place en Macédoine serait de nature à garantir le respect des droits de l’homme, des libertés et des droits démocratiques de base, y compris de mécanismes de recours si ces droits ou libertés sont violés. Il rappela encore qu’il existerait en Macédoine des organisations de la société civile susceptible de leur fournir un soutien et releva finalement que « cet aspect [serait] d’autant plus conforté par le fait que l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine a[urait] obtenu le statut de candidat officiel à l’Union européenne en décembre 2005. ». Il en conclut qu’il ne serait recouru en Macédoine ni à la persécution ni aux atteintes graves au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève ».
Il observa ensuite que les raisons ayant amené Madame … à quitter son pays d’origine ne seraient pas motivées par un des critères de fond définis par la Convention de Genève, sinon par la loi du 18 décembre 2015, mais qu’elle aurait accompagné son mari qui aurait voulu éviter une peine de prison à laquelle il aurait été condamnée pour une affaire de vol.
Etant donné qu’un tel motif serait personnel à son mari, qui aurait d’ailleurs entretemps renoncé à sa demande de protection internationale et qui purgerait actuellement sa peine, elle resterait en défaut d’établir dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières.
Le ministre estima que le motif de la recherche d'une protection internationale au Luxembourg résiderait exclusivement dans la situation économique ou matérielle précaire dans laquelle se trouveraient les consorts ….
Quant aux menaces qui auraient été prononcées par les « associés » de l’époux de Madame …, le ministre retint que ces faits auraient eu lieu en Allemagne et non pas dans son pays d’origine et qu’en tout état de cause, il faudrait noter que lesdites menaces verbales, liées au fait que son époux les aurait dénoncés à la police, ne sauraient pas non plus être assimilées à des actes de persécution rentrant dans les critères prévus par la Convention de Genève, respectivement d’une gravité suffisante au sens de la loi du 18 décembre 2015.
En tout état de cause, le ministre fit valoir que, s'agissant d'actes émanant de personnes privées, Madame … resterait en défaut d’établir que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de son pays ne pourraient ou ne voudraient pas lui accorder une protection à l'encontre desdits malfaiteurs, d’autant plus que ces derniers auraient bien dû purger leur peine pour les vols commis.
Enfin, le ministre évoqua la possibilité d’une fuite interne au vu du constat que Madame … aurait avouée elle-même qu’elle aurait pu envisager un déménagement vers Skopje ou une autre grande ville du pays pour trouver un travail plus facilement et vivre de façon plus anonyme.
Enfin, il conclut encore que le récit de Madame … ne contiendrait pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’elle courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 janvier 2018, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 4 janvier 2018 de statuer sur le bien-fondé de leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à leur demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, le soussigné est compétent pour connaître, des recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 4 janvier 2018 telles que déférées.
Lesdits recours ayant encore été introduits dans les formes et délai de la loi, ils sont à déclarer recevable.
A l’appui du recours et en fait, les consorts … expliquent qu’ils auraient fui leur pays d'origine pour échapper aux menaces de mort qu'ils auraient subies de la part de l'oncle de l’époux de Madame ….
Après que toutes leurs demandes de protection internationale auraient été rejetées par les autorités belges et allemandes, ainsi que suite à un ordre de quitter le territoire allemand du 5 octobre 2017, les époux … et leurs enfants mineurs auraient décidé de se rendre au Grand-
Duché de Luxembourg pour y déposer une demande de protection internationale.
Les demandeurs expliquent encore qu’en date du 30 octobre 2017, l’époux de Madame … aurait été placé en détention au Centre Pénitentiaire de Luxembourg, sur base d'un mandat d'arrêt international émis par les autorités macédoniennes, de sorte que ce dernier aurait décidé de renoncer à sa demande de protection internationale en date du 14 décembre 2017 pour être extradé vers la Macédoine.
En droit, et à l’appui du recours dirigé contre la décision du ministre de statuer sur leur demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, les consorts … donnent à considérer que la notion de pays d'origine sûr résultant de la directive 2013/32/UE du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale exigerait une réévaluation régulière par les Etats membres à l'origine de la liste de pays d'origine sûr pour éviter la présence sur la liste des pays qui ne respectent pas les droits et libertés fondamentaux, de même que ladite directive imposerait des seuils de respect des droits et libertés fondamentaux extrêmement élevés pour en éviter un usage abusif. Or, malgré ce cadre juridique imposé par le législateur communautaire, la notion de pays d'origine sûr serait devenue un concept à géométrie variable différant d'un Etat membre à l'autre.
Ainsi, les consorts … estiment que la Macédoine ne saurait être maintenue sur la liste de pays d'origine sûrs au vu de la violation récurrente des droits et libertés fondamentaux dans ledit pays, et ce sur base du rapport d'Amnesty International de l’année 2017 qui renseignerait notamment sur l'état de la justice, en ce que, notamment, « la procureure spéciale nommée par le Parlement en septembre 2015 pour enquêter sur les représentants de l'État impliqués dans le scandale des écoutes et les infractions commises par des personnalités politiques » aurait continué de subir des pressions dans l'exercice de son travail et qu’en octobre, le Parlement de transition aurait rejeté une proposition visant à prolonger le délai accordé à cette dernière, initialement fixé à juin 2017, pour conclure toutes ses enquêtes et améliorer l'accès aux programmes de protection des témoins pour les témoins concernés.
Aussi « le rappel du statut de candidat officiel à l'Union européenne de la Macédoine depuis 2005 démontre[rait] suffisamment que le pays préqualifié ne rempli[rai]t pas les critères retenus par la Directive procédure mais également des critères de Copenhague ayant trait aux droits et libertés fondamentaux. » De même, le maintien de la Macédoine sur la liste de pays d'origine sûr en l'absence d'un examen régulier de la liste de pays d'origine sûrs serait de nature à discriminer les consorts … « en ce que leur demande de protection internationale [serait] examinée suivant la procédure accélérée sur base d'un maintien injustifié de leur pays sur la liste de pays d'origine sûr », ce qui serait contraire à l'article 3 de la Convention de Genève aux termes duquel les Etats contractants devraient appliquer les dispositions de la convention aux réfugiés sans discrimination quant à la race, la religion ou le pays d'origine.
A l’appui de leur recours dirigé contre le refus de leur accorder une protection internationale, les consorts … s'étonnent d’abord de la démarche du ministre de prendre en compte les motifs présentés par l’époux de Madame … qui aurait indiqué, lors de son audition, avoir fui la Macédoine pour éviter de purger une peine d'emprisonnement ferme, alors que cette motivation ne serait pas transposable à Madame … en raison du caractère intuitu personae des demandes de protection internationale.
Il serait ainsi constant que Madame … n'aurait pas été entendue dans le respect de l'article de l'article 16 de la Directive précitée obligeant l'autorité responsable de la détermination de veiller à ce que le demandeur ait la possibilité concrète de présenter les éléments nécessaires pour étayer sa demande de manière aussi complète que possible, ce qui inclurait « la possibilité de fournir une explication concernant les éléments qui pourraient manquer et/ ou toute incohérence ou contradiction dans les déclarations du demandeur. », de sorte qu’il y aurait lieu d'ordonner, conformément à l'article 14 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, dénommée ci-après « la loi du 21 juin 1999 », une nouvelle audition de Madame … afin qu'elle puisse utilement exposer les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale. A défaut, elle demanderait acte de ce qu'elle contesterait formellement et énergiquement les affirmations erronées de la partie étatique faisant état du défaut, dans son chef, de remplir les conditions d'octroi du statut de protection internationale.
En effet, Madame … aurait fui son pays d'origine avec ses enfants en raison des actes de persécutions et des menaces de mort émanant de l'oncle de son époux et qui seraient d'une gravité extrême la laissant impuissante du fait qu’elle ne saurait pas non plus compter sur l'assistance des autorités macédoines. Ainsi, en cas de retour dans son pays d'origine, « il n[e serait] pas impossible que ces violences revêtent une gravité suffisante et aboutissent à une situation irrémédiable pour Madame … et ses enfants mineurs qui seront obligés de partager la même localité avec l'oncle de son époux. ».
Quant au refus d'octroi de la protection subsidiaire dans leurs chefs, les consorts … estiment que leur situation personnelle tomberait dans le champ d'application de l'article 48 de la loi précitée du 18 décembre 2015 dès lors que les actes de persécutions subis par eux cadreraient avec les hypothèses retenues aux points a), b) et c) de ladite loi, relevant que l'oncle de l’époux de Madame … serait à considérer comme un acteur en raison notamment de « l'inertie des autorités macédoines et leur incapacité de mettre fin à tels actes ne relevant nullement de la sphère privée ».
Dans le cadre de leur recours contre l’ordre de quitter le territoire, les consorts … estiment que leur rapatriement vers la Macédoine constituerait un « refoulement indirect » en violation de l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950, dénommée ci-après "la CEDH". De même, leur éloignement priverait les enfants mineurs de toute possibilité de continuer leur scolarité alors qu'ils seraient régulièrement inscrits à l'école au Luxembourg, ce qui serait contraire à l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adopté à New York le 16 décembre 1966 par l'Assemblée générale des Nations Unies, d’autant plus que les enfants n'auraient aucune attache en Macédoine.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en ses trois volets, en insistant que la demanderesse aurait été entendue personnellement à deux reprises sur les motifs à la base de sa propre demande de protection internationale et qu’elle n’aurait demandé ni au cours ni après l’entretien à rajouter un quelconque fait personnel à son récit tel qu’acté dans les deux rapports d’audition du 4 janvier 2018.
Aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification. Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.
Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.
Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».
Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé, dans la négative, le recours étant renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.
A défaut de définition de ce qu’il convient d’entendre par « recours manifestement infondé », il appartient dès lors au soussigné, saisi d’un recours basé sur la disposition légale citée ci-avant, de définir ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé » et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.
Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé. Etant donné que le législateur s’est référé au « recours », c’est-à-dire au recours contentieux, respectivement à la requête introductive d’instance, et non pas à la demande de protection internationale en tant que telle, la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.
Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé. En effet, en application de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.
1) Quant à la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Force est de relever qu’en l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et b) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquels :
« (1) Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants:
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; (…) ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande en obtention d’une protection internationale, ou encore si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015.
Par ailleurs, les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, le fait qu’une seule des conditions soit valablement remplie justifie la décision ministérielle à suffisance. Il s’en dégage encore qu’au cas où le recours du demandeur de protection internationale fait ressortir que ce dernier ne tombe sous aucune des conditions relevées dans cette disposition légale, telles que retenues par la décision ministérielle afférente, ledit recours ne peut être considéré comme étant manifestement infondé.
Or, nonobstant le constat qu’en raison du caractère alternatif des différents critères dudit article 27, paragraphe (1), le recours pourrait déjà être déclaré comme étant manifestement infondé du seul fait que la requête introductive d'instance ne comporte, sous ce volet, pas le moindre moyen ou même argument, mettant en cause la décision du ministre d’invoquer l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que cette dernière base légale, pouvant justifier à elle seule le recours à une procédure accélérée, n’est pas autrement critiquée, force est au soussigné de retenir que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de baser sa décision de statuer sur le demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est également à déclarer manifestement infondé en ce qui concerne le point b) de l’article 27, paragraphe (1), précité.
En effet, quant au point b) de l’article 27, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, visant l’hypothèse dans laquelle le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, il convient de relever qu’un pays est à considérer comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes :
« (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.
(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres, du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.
Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr:
a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
b) le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève;
c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.
La situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent paragraphe est régulièrement examinée par le ministre ».
En ce qui concerne d’abord les développements des consorts … consistant à affirmer que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 ne serait pas conforme à l’article 3 de la Convention de Genève, il y a lieu de rappeler que cet article consacre le principe de non-
discrimination des réfugiés et dispose que « Les Etats contractants appliqueront les dispositions de cette convention aux réfugiés sans discrimination quant à la race, la religion ou le pays d’origine ». Or, s’il peut certes y avoir une discrimination prima facie, alors qu’il peut sembler que les personnes cherchant refuge dans un pays disposant d’une liste de pays sûrs ne bénéficieraient plus d’un examen individuel de la situation actuelle de leur pays d’origine, il convient cependant de relever que, d’une part, l’inscription d’un pays sur une telle liste constitue l’aboutissement de l’examen de la situation de ce pays, certes non pas à un niveau individuel, mais à un niveau réglementaire et, d’autre part, qu’en l’espèce, le ministre, au-delà du constat de l’inscription de la Macédoine sur la liste des pays d’origine sûrs, a procédé à une analyse in specie de la situation actuelle des consorts … dans le contexte de la situation générale de ce pays, de sorte que ce moyen est d’ores et déjà à rejeter.
En ce qui concerne ensuite le reproche relatif au caractère désuet et non actuel de l’inscription de la Macédoine sur la liste des pays d’origine sûrs, consistant en substance au moyen que, de ce fait, le règlement grand-ducal en question violerait ainsi sa base légale habilitante, de sorte à devoir être écartée dans le cadre de la présente instance en ce qu’il énumère parmi les pays d’origine sûrs la Macédoine, force est de rappeler que la légalité d’un règlement grand-ducal ne peut être appréciée qu’au jour où il a été pris, de sorte que l’argumentation selon laquelle il y aurait lieu de prendre en compte la situation actuelle régnant en Macédoine pour apprécier si, à la date de ce jour, le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 est toujours conforme à sa base légale habilitante, est manifestement infondée, d’autant plus que la loi du 18 décembre 2015 a elle-même prévu à son article 30, paragraphe (1) la possibilité pour le demandeur d’établir pour quelles raisons, à l’heure actuelle, il estime que son pays d’origine ne serait plus à considérer comme pays d’origine sûr dans son chef et que le ministre, en l’espèce, ne s’est pas limité à seulement invoquer ledit règlement grand-
ducal, mais a procédé à une analyse circonstanciée de la situation personnelle des consorts ….
Ensuite, force est effectivement de relever qu’il est constant en cause que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 a désigné la Macédoine comme pays d’origine sûr et il se dégage des éléments du dossier que les consorts … ont la nationalité macédonienne.
Au vu du libellé de l’article 30, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis des raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.
Comme l’article 30, paragraphe (1) précité dispose que cet examen individuel que le ministre a l’obligation d’effectuer doit l’être « compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale », et comme par rapport à la question de savoir si un pays est à considérer comme pays d’origine sûr pour un demandeur compte tenu de sa situation personnelle, s’il fait état de faits subis par des personnes non étatiques, seule la condition, commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire, tenant à l’absence de protection dans le pays d’origine au sens de l’article 391 de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 402 de la même loi est susceptible d’être pertinente, de sorte que l’examen de la situation individuelle doit être fait par rapport aux moyens présentés par le demandeur tendant à établir que cette condition requise pour prétendre à une protection internationale est remplie dans son chef.
Or, il ne se dégage ni du rapport d’audition précité, ni des éléments soumis à l’appréciation du soussigné à travers ce volet de la requête introductive d’instance un quelconque élément de nature à ébranler le constat du ministre que les consorts … sont originaires d’un pays d’origine sûr et plus particulièrement qu’ils peuvent, le cas échéant, obtenir une protection adéquate de la part des autorités de leur pays d’origine.
En effet, il échet de relever que, d’après ses déclarations actées dans le premier rapport d’audition du 2 janvier 2018, Madame … a quitté la Macédoine ensemble avec son mari en raison du seul fait que ce dernier a voulu éviter de purger une peine d’emprisonnement à laquelle il avait été condamné du fait de son implication dans une affaire de vol, et qu’elle craint actuellement des représailles de la part des complices de son époux dont certains seraient venus les voir en Allemagne après leur libération pour menacer de mort Madame … et ses enfants en raison du fait que son mari les aurait dénoncés, de sorte que force est de relever que par rapport à ces éléments, dont le premier ne concerne pas directement Madame … et le deuxième ne s’étant pas déroulé dans son pays d’origine, les demandeurs restent en défaut de fournir le moindre argument pouvant mettre en doute le constat de l’existence d’un pays d’origine sûr en leur chef.
1 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », 2 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.
(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » En effet, face à des menaces d’attentat, il est communément admis de réagir par le dépôt d’une plainte auprès des autorités policières ou judiciaires, alors qu’il échet de rappeler qu’il faut en toute hypothèse que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’État fait défaut.3 Or, en l’espèce, il résulte cependant des déclarations de Madame … qu’elle ne s’est jamais adressée à la police macédonienne pour déposer une plainte contre les anciens complices de son époux, alors même qu’il ressort de ses propres déclarations que ces derniers ont déjà purgé une peine d’emprisonnement pour l’infraction de vol dans laquelle avait également été impliqué son époux, de sorte qu’elle ne saurait faire sous-entendre, d’ailleurs pour la première fois dans le cadre de de sa requête introductive d'instance, que la justice macédonienne ne fonctionnerait pas correctement. En ce qui concerne l’allégation suivant laquelle que les autorités de la Macédoine seraient corrompues, force est de relever le recours est également manifestement infondé à cet égard, d’autant plus que, d’une part, cette allégation toute à fait générale ne se base que sur une simple hypothèse sans s’appuyer sur le moindre élément concret de son propre vécu et, d’autre part, cette affirmation est encore fortement mis en balance par les explications de la part de la partie gouvernementale, rapports internationaux à l’appui, sur le contrôle des activités policières en Macédoine.
Pour autant que de besoin, il convient encore de souligner, à cet égard, que si la demanderesse devait avoir eu le sentiment qu’une plainte de sa part n’aurait pas été traitée en bonne et due forme, respectivement accueillie avec le sérieux nécessaire, elle aurait pu, tel que le relève la partie gouvernementale, se diriger vers d’autres autorités de son pays d’origine, comme le ministère de l’Intérieur, auprès desquels peuvent être introduites des plaintes contre des policiers.
Il suit de ce qui précède que les moyens présentés par les demandeurs afin d’établir que les autorités de leur pays d’origine ne sont pas disposées, respectivement sont dans l’incapacité de leur fournir une protection par rapport aux anciens complices de l’époux de Madame … sont manifestement infondés.
En ce qui concerne les déclarations reprises dans le rapport d’audition complémentaire du 2 janvier 2018, relatives aux motifs indiqués par écrit lors de son arrivée au Luxembourg le 19 octobre 2017, à savoir qu’elle craindrait des représailles de la part de son beau-frère qui lui aurait réclamé 30.000,- euros, force est de relever que ces faits ne sont plus repris dans le cadre de la requête introductive d'instance, de sorte que le recours est manifestement infondé à cet égard.
Quant aux motifs invoqués dans la requête introductive d'instance relatifs à des violences de la part de l’oncle de Madame …, force est de relever que cette dernière n’a fait état de tels faits ni lors du dépôt de sa demande de protection internationale ni au cours de ses deux auditions et qu’elle a signé la « déclaration finale » certifiant qu’elle n’avait eu aucun problème de compréhension, qu’elle n’avait retenu aucune information essentielle portant un changement significatif au contexte de sa demande, qu’elle n’avait pas donné d’informations inexactes et, surtout, qu’il n’existait plus d’autres faits à invoquer au sujet de sa demande de protection internationale.
3 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.
En effet, en vertu de l’article 37 (1) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur de protection internationale a l’obligation de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande, de sorte que le tribunal est amené à ne pas tenir compte des éléments nouveaux produits par les demandeurs pour la première fois dans leur requête introductive d'instance, et ce d’autant plus qu’ils restent en défaut de fournir, d’une part, la moindre précision quant au déroulement concret de ces faits, en se cantonnant à cette simple affirmation succincte et nullement étayée par un quelconque élément objectif, et d’autre part, la moindre explication quant aux raisons pour lesquelles ils n’en ont pas fait mention lors de leur audition.
Il s’ensuit également que la demande de réouverture de l’instruction du dossier pour procéder à une nouvelle audition de Madame … relative à ces faits nouveaux est à rejeter. Le recours est partant manifestement infondé également en ce qui concerne ces nouveaux faits.
En conclusion, le soussigné est dès lors amené à conclure que le recours est à déclarer manifestement infondé en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée au motif que les consorts … n’ont manifestement fourni aucune raison sérieuse permettant de retenir qu’en raison de leur situation personnelle et eu égard aux conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale, la Macédoine, pays inscrit sur la liste des pays d’origine sûr conformément au règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, ne constituerait pas un pays d’origine sûr dans leur chef.
2) Quant à la décision de refus d’accorder une protection internationale S’agissant du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder au demandeur une protection internationale, aux termes de l’article 2 b) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-
avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.
Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.
Force est encore de relever que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire est la preuve, à rapporter par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection.
Or, mis à part le constat qu’en l’occurrence les menaces subies ou craintes ne tombent manifestement dans le champ d’aucun des critères de l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, force est de relever, tel que cela a été retenu ci-avant, que les demandeurs n’ont manifestement pas établi que les autorités de leur pays d’origine ne sont pas disposées ou capables de leur fournir une protection, de sorte qu’au moins une des conditions d’octroi du statut de réfugié respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire ne se trouve manifestement pas remplie.
En ce qui concerne les problèmes économiques dont Madame … a fait état au cours de ses entretiens auprès de la direction de l’immigration, du fait qu’elle ne pourra plus compter sur le soutien de son mari actuellement emprisonné, il échet de souligner, pour autant que de besoin, que c’est à bon droit que la partie gouvernementale a retenu que des problèmes financiers dans le pays d'origine ne sauraient manifestement pas justifier l'octroi d’un statut de protection internationale.
Au vu des considérations qui précèdent, le recours sous analyse est à déclarer comme manifestement infondé et les demandeurs sont à débouter de leur demande de protection internationale.
3) Quant à la décision portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 34 paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le soussigné vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, de sorte que c’est, à juste titre, que le ministre a rejeté la demande de protection internationale des demandeurs dès lors qu’un retour dans leur pays d’origine ne les exposerait ni à des persécutions ni à des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015, il a valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer l'article 3 de la CEDH, prohibant notamment les traitements inhumains.
Cette conclusion n’est pas non plus énervée par l’argumentation des consorts … que leur rapatriement vers la Macédoine priverait les enfants mineurs de Madame …, actuellement inscrits dans des écoles au Luxembourg, de toute possibilité de continuer leur scolarité, de sorte à constituer une violation de l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adopté à New York le 16 décembre 1966 par l'Assemblée générale des Nations Unies, reconnaissant le droit de toute personne à l'éducation, alors qu’il ne ressort d’aucun élément de la cause que les enfants de Madame … ne pourraient pas bénéficier d’une scolarité en Macédoine, alors même que certains des enfants, notamment ceux qui sont nés en Belgique, respectivement en Allemagne, n'auraient actuellement aucune attache en Macédoine, affirmation d’ailleurs contredite par les éléments du dossier administratif dont il ressort que tant leur père que leur grand-père maternel y séjournent actuellement.
Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter pour être manifestement infondé.
Par ces motifs, le premier juge du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président de la première chambre du tribunal, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 4 janvier 2018 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;
au fond, déclare le recours dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;
déboute les demandeurs de leur demande de protection internationale ;
rejette la demande sur base de l'article 14 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 février 2018 par le soussigné, Olivier Poos, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Michèle Hoffmann.
s. Michèle Hoffmann s. Olivier Poos Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 février 2018 Le greffier du tribunal administratif 15