La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/10/2017 | LUXEMBOURG | N°40264

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 octobre 2017, 40264


Tribunal administratif N° 40264 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 octobre 2017 Audience publique du 26 octobre 2017 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Monsieur …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Steinfort, en présence de Monsieur …, …, en matière de permis de construire

___________________________________________________________________________


ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 40264 du rôle et déposée le 11 octobre 2017 au greffe du tribunal administratif par MaÃ

®tre David YURTMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,...

Tribunal administratif N° 40264 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 octobre 2017 Audience publique du 26 octobre 2017 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Monsieur …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Steinfort, en présence de Monsieur …, …, en matière de permis de construire

___________________________________________________________________________

ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 40264 du rôle et déposée le 11 octobre 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître David YURTMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à …, tendant à voir ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de la décision du bourgmestre de la commune de Steinfort du …, référencée sous le n° …, autorisant Monsieur …, demeurant …, à construire une maison unifamiliale au … à …, sur la parcelle cadastrale inscrite au cadastre sous le n° …, section … de …, commune de Steinfort, cette autorisation étant encore attaquée au fond par une requête en annulation introduite le même jour, portant le numéro 40263 du rôle ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Luc KONSBRUCK, en remplacement de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 12 octobre 2017, portant signification de ladite requête en institution d’un sursis à exécution à l’administration communale de Steinfort ainsi qu’à Monsieur … ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Maître David YURTMAN, pour le demandeur, ainsi que Maître Steve HELMINGER, pour la commune de Steinfort, entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 octobre 2017.

Il résulte des explications de la partie demanderesse ainsi que des pièces versées en cause qu’en date du 14 juillet 2017, le bourgmestre de la commune de Steinfort autorisa Monsieur … à construire une maison unifamiliale au … à … sur une parcelle cadastrale inscrite au cadastre sous le n° …, section … de …, commune de Steinfort.

Monsieur … explique être le propriétaire de plusieurs appartements sis dans un immeuble situé au …, à ….

Par requête déposée le 11 octobre 2017 et inscrite sous le numéro 40263 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en annulation contre l’autorisation de construire précitée 1 du 14 juillet 2017 ; par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 40264 du rôle, il a demandé à voir prononcer un sursis à exécution de l’autorisation de construire déférée en attendant la solution de son recours au fond.

Monsieur …, maître de l’ouvrage du projet contesté et dès lors principal intéressé à l’issue de la présente affaire, quoique valablement informé par la signification de la requête ne s’est pas fait représenter. Nonobstant ce fait, le tribunal statue à l’égard de toutes les parties, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Monsieur … fait soutenir que l’exécution de ce permis de construire risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif, en ce sens que si les travaux litigieux venaient à être débutés, il y aurait lieu de craindre qu’au moment où le jugement définitif sera intervenu, la construction serait largement entamée.

Il estime encore que son recours au fond aurait de sérieuses chances de succès de voir annuler le permis querellé et il se prévaut des moyens d’annulation suivants :

Il soulève ainsi devant les juges du fond une violation de l’article « 1.1.1 Zone d’habitation 1 (art. 11) - HAB 1 » du plan d’aménagement général (« PAG ») de la commune de Steinfort, en relevant que si la parcelle cadastrée … serait classée en zone d’habitation 1 destinée à l’habitation unifamiliale ou bi-familiale et que l’autorisation de bâtir viserait formellement un projet de construction d’une maison unifamiliale, les plans ainsi que les conditions de l’autorisation de bâtir prévoiraient toutefois la possibilité dans le sous-sol de l’habitation d’un « futur logement intégré ».

Il en conclut que sous le couvert d’une autorisation de bâtir pour une maison unifamiliale, le projet autorisé concernerait en fait une maison bi-familiale, avec un logement intégré destiné aux fins de location.

Aussi, Monsieur … estime que l’exécution de l’autorisation de bâtir porterait sur la création effective d’un logement intégré dans le sous-sol de la construction projetée, de sorte que le bénéficiaire de l’autorisation litigieuse, Monsieur …, n’aurait aucune marge de manœuvre : soit il respecterait l’autorisation de bâtir et dès lors créerait un logement supplémentaire dans la maison unifamiliale autorisée, soit il ne respecterait pas l’autorisation de bâtir en ne créant pas ce logement supplémentaire, dans quel cas il violerait l’autorisation de bâtir litigieuse.

Le demandeur prétend ensuite que l’autorisation déférée violerait l’article 36 du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites de la commune de Steinfort, dans la mesure où comme deux unités d’habitation seraient prévues, le nombre de stationnements prévu serait insuffisant au regard des prescriptions de l’article en question, le demandeur soutenant que pour le futur logement intégré en sous-sol, dont la superficie serait inférieure à 70 m2, une place de stationnement devrait être aménagée à l’intérieur du bâtiment, respectivement en sous-sol, tandis que pour le logement constitué par le rez-de-chaussée et le premier étage, d’une superficie totale supérieure à 70 m2, l’article 36 imposerait 1,5 emplacement par logement, ce qui devrait être arrondi à 2. Enfin, comme le logement intégré serait destiné à accueillir une personne handicapée, une place de stationnement, présentant des dimensions plus importantes, devrait également être aménagée.

2 Le demandeur affirme encore que l’autorisation de bâtir violerait l’article 4 du règlement sur les bâtisses applicable, dans le sens le futur logement intégré ne respecterait pas la superficie minimale de 45 m2 telle que prescrite pour une unité d’habitation.

Enfin, il soulève une violation de la définition règlementaire de l’unité de logement, en relevant qu’une unité de logement devrait comprendre au moins une pièce de séjour, une niche de cuisine et une salle d’eau avec WC, tandis que conformément au règlement des bâtisses, les pièces destinées au séjour prolongé de personnes devraient respecter une hauteur libre sous plafond d’au moins 2,5 mètres, la nécessité de recevoir en permanence lumière du jour et air frais directement de l’extérieur, ainsi qu’une surface des ouvertures de chaque pièce doit être d’au moins 15% de la surface de la pièce concernée, prescriptions que le logement intégré au sous-sol ne remplirait pas.

L’administration communale de Steinfort soulève d’abord l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir et conclut ensuite à son rejet au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause.

En vertu de l’article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 11 octobre 2017 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

Concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Ainsi, le juge du référé est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire 3 et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision attaquée.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Au niveau de l’examen des moyens d’annulation invoqués à l’appui du recours au fond, l’examen de ses chances de succès appelle le juge administratif saisi de conclusions à des fins de sursis à exécution, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et à vérifier si un des moyens soulevés par la partie demanderesse apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation voire la réformation de la décision critiquée.

Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

Le président du tribunal ne saurait par ailleurs se prononcer définitivement sur des questions de recevabilité que pour autant que celles-ci touchent exclusivement à la demande en sursis à exécution.

En l’espèce, le moyen de l’irrecevabilité tiré d’un défaut d’intérêt à agir ne vise pas, de manière spécifique, l’irrecevabilité de la mesure de sursis à exécution, mais celle du recours introduit au fond contre les décisions que la partie demanderesse entend attaquer.

Le moyen en question touche partant le fond du droit ; il relève plus spécifiquement du caractère sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours au fond et il est à examiner sous ce rapport.

En ce qui concerne la question de l’intérêt à agir du demandeur, il convient de prime abord de rappeler qu’en matière de recours en annulation dirigé contre un acte administratif, la jurisprudence retient que le demandeur doit justifier d’un intérêt personnel et direct à obtenir l’annulation de l’acte qu’il attaque, le juge administratif devant seulement avoir égard à ce que le demandeur avance à ce sujet, dès lors qu’il lui appartient de démontrer son intérêt.

Par ailleurs, toujours aux termes de la jurisprudence des juges du fond1, l’intérêt à agir s’apprécie non pas de manière abstraite, mais concrètement au regard de la situation de fait invoquée : le juge doit ainsi rechercher si la construction est susceptible d’avoir une incidence sur la situation du demandeur compte tenu de sa proximité par rapport à son domicile ou des 1 Voir notamment trib. adm. 19 octobre 2015, n° 34271 du rôle.

4 caractéristiques mêmes de la commune : un administré ne peut valablement recourir contre une décision individuelle qu’à condition que celle-ci lui fasse grief, c’est-à-dire qu’elle aggrave effectivement et réellement, à la date de l’introduction du recours, sa situation.

D’après la jurisprudence la plus récente2, la seule et simple qualité de voisin ne suffit pas à établir l’intérêt pour agir contre un permis de construire ; alors que c’est au regard de l’incidence concrète du projet sur la situation du demandeur que l’intérêt pour agir de ce demandeur devant le juge de l’excès de pouvoir doit être apprécié. En effet, le juge tiendra compte pour apprécier la qualité de voisins d’une construction autorisée par le permis de construire querellé, à la fois, de la distance entre le projet et leurs domiciles respectifs, de la nature et de l’importance du projet, ainsi que de la configuration des lieux.

En l’espèce, force est au soussigné de constater, au terme d’une analyse nécessairement sommaire, que le demandeur situe son intérêt à agir de manière abstraite dans le seul fait qu’il serait propriétaire de plusieurs appartements non identifiés dans un immeuble voisin à celui sur lequel porte l’autorisation litigieuse, le mandataire du demandeur n’ayant pas, sur questions répétées du soussigné, toutefois indiqué une quelconque aggravation concrète de la situation de son mandant qui résulterait de la construction de la maison unifamiliale critiquée.

Or, il est apparu que les appartements dont le demandeur affirme être propriétaire se situent dans un immeuble résidentiel, sis au …, qui n’est pas situé immédiatement à côté du terrain visé par le projet litigieux, mais à quelques 30 mètres de celui-ci, un terrain accueillant une maison d’habitation unifamiliale étant situé entre le terrain devant accueillir le projet litigieux et l’immeuble résidentiel abritant des appartements appartenant à Monsieur …. Il résulte encore de l’étude des pièces versées en cause que ledit immeuble résidentiel ne semble pas disposer d’une vue directe sur le terrain devant accueillir le projet litigieux, le demandeur n’ayant d’ailleurs apporté aucun élément dont il résulterait que les appartements dont il affirme être propriétaire disposeraient d’une vue directe sur ledit projet : bien au contraire, il ne saurait en l’état pas être exclu qu’aucun des appartements mis en avant par le demandeur ne dispose d’une quelconque vue, directe ou indirecte, sur ledit terrain, seuls 4 fenêtres et un balcon, sis dans le toit de cet immeuble résidentiel, étant apparemment ouverts en direction du terrain en question.

Enfin, le soussigné relève que le demandeur ne met en avant, en l’état actuel du dossier, aucun grief ou préjudice concret résultant de la construction sur le terrain en question d’une maison d’habitation unifamiliale, tous les moyens du demandeur ne visant d’ailleurs que l’agencement intérieur de la maison en question. Il convient d’ailleurs de relever que le mandataire du demandeur, sur question spéciale du soussigné, a admis que l’autorisation d’une maison bi-familiale du même gabarit et de la même superficie que la maison unifamiliale litigieuse ne dérangerait pas son client, celui-ci ne prenant apparemment ombrage que du seul fait qu’une maison bi-familiale soit autorisée sous couvert de maison unifamiliale.

Dès lors, la recevabilité même du recours au fond est très fortement sujette à caution au vu de l’absence d’intérêt à agir retraçable et vérifiable dans le chef du demandeur, l’origine et la justification du recours étant vraisemblablement plutôt à rechercher dans les faits tels qu’exposés par le demandeur lui-même, à savoir qu’il serait lui-même l’ancien 2 Cour adm. 12 octobre 2017, n° 39490C ainsi que 17 octobre 2017, n° 39527C et 39542C.

5 propriétaire de la parcelle litigieuse et qu’il aurait à l’époque en vain tenté d’y réaliser un projet immobilier, projet toutefois refusé à l’époque par l’administration communale.

Le soussigné, sur base d’un examen nécessairement sommaire de la question, arrive dès lors à la conclusion provisoire que le moyen d’irrecevabilité tiré du défaut d’intérêt à agir dans le chef du demandeur présente au vu de la jurisprudence la plus récente de grandes chances d’être retenu par les juges du fond ; le recours en tant que tel doit dès lors être considéré comme ne présentant in globo pas le sérieux nécessaire.

Au-delà de ce constat, lequel justifie d’ores et déjà le rejet de la requête sous analyse, le soussigné entend rappeler à titre superfétatoire que la demande de suspension a pour objet d’empêcher, temporairement, la survenance d’un préjudice grave et définitif ; les effets de la suspension étant d’interdire à l’auteur de l’acte de poursuivre l’exécution de la décision suspendue. Par ailleurs, comme le sursis à exécution doit rester une procédure exceptionnelle, puisqu’il constitue une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

Il en résulte qu’un sursis à exécution ne saurait être ordonné que si le préjudice invoqué par le demandeur résulte de l’exécution immédiate de l’acte attaqué, la condition légale n’étant en effet pas remplie si le préjudice ne trouve pas sa cause dans l’exécution de l’acte attaqué : en d’autres termes, la décision contestée doit porter préjudice ou atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, aux intérêts du demandeur.

Dans cette optique, propre au cadre strict et exceptionnel des demandes en obtention de mesures provisoires devant le juge administratif, ce dernier n’est pas tenu d’examiner tous les moyens du demandeur, en ce compris des moyens dépourvus de toute incidence sur la situation concrète de celui-ci, mais peut se limiter à analyser sommairement les seuls moyens du demandeur en relation directe avec le préjudice grave et irréversible allégué, le propre du référé administratif étant, comme relevé ci-avant, précisément d’éviter à un administré la survenance d’un préjudice grave et irréparable. En d’autres termes, le juge du provisoire n’est pas tenu d’examiner des moyens qui éventuellement pourraient aboutir à l’annulation de la décision déférée, mais qui, s’agissant de moyens sans incidence de fait ou de droit sur la situation de l’administré, ne présentent aucun lien avec le préjudice allégué qu’il conviendrait d’éviter d’urgence.

Il suit partant de ce qui précède que le préjudice grave et définitif est à apprécier par rapport aux travaux envisagés, en ce que ceux-ci sont de nature à nuire au demandeur. En effet, dans ce contexte, il importe de vérifier en quoi la situation de voisin se trouve aggravée par un quelconque élément de l’autorisation de construire critiquée, de sorte qu’un demandeur n’est pas recevable à faire contrôler sommairement la légalité de moyens tirés d’éléments qui n’ont pas d’impact direct sur sa situation personnelle. Par ailleurs, l’exposé du préjudice grave et définitif ne saurait se limiter à un exposé théorique, se cantonner à la seule évocation de précédents ou encore consister en des considérations générales. Le juge du provisoire ne peut de surcroît avoir égard qu’aux arguments contenus dans la requête et doit écarter les éléments développés par le conseil du requérant, pour la première fois, à l’audience 6 En l’espèce, il ressort tant de la requête en obtention d’une mesure provisoire que de la requête déposée devant les juges du fond que le demandeur, encore qu’il ait omis de spécifier un préjudice concret, semble situer essentiellement, sinon même exclusivement ses griefs par rapport à l’agencement interne de l’immeuble projeté, en ce que l’autorisation permettrait la création d’un logement intégré, destiné apparemment à l’accueil d’une personne handicapée : le soussigné relève en particulier que le demandeur ne critique ni l’implantation de l’immeuble, ni son gabarit, ni son esthétique, ni son affectation, seuls éléments éventuellement susceptibles de causer un préjudice à un voisin. Dès lors, comme le préjudice allégué implicitement par le demandeur se situe au seul niveau de l’agencement intérieur de la maison d’habitation projetée, et non au niveau de la construction projetée, les moyens soulevés par rapport à des éléments de la construction ainsi autorisée qui ne sont pas de nature à lui causer un quelconque préjudice, tels que la question de l’agencement intérieur des locaux, de la présence d’une cuisine, de WC et d’une salle d’eau supplémentaires, ou encore de l’ouverture dudit logement intégré à la lumière du jour ou de l’aménagement spécifique d’une place de stationnement pour personnes handicapées, ne sauraient être examinés dans le cadre des présentes.

Toutefois, le soussigné procèdera néanmoins, purement superfétatoirement, à l’analyse du caractère sérieux de ces moyens, et ce aux seules fins de permettre à ce dernier de décider en connaissance de cause du maintien de son recours au fond et d’éviter, le cas échéant, sa condamnation à une indemnité de procédure.

A cet égard, le soussigné relève que, comme indiqué ci-avant, l’intégralité des moyens du demandeur tels que formulés devant les juges du fond, s’inscrivent contre la possibilité prévue par l’autorisation de bâtir d’aménager au sous-sol un logement intégré, le demandeur concluant, sous différents angles, à la violation des dispositions règlementaires prétendument applicables en ce que ce logement intégré ne correspondrait pas aux prescriptions et normes applicables aux unités de logement / d’habitation.

Force est de constater que selon les points 69 et 113 de l’annexe du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites, un « logement », respectivement une « unité d’habitation » est défini comme une « unité séparée servant à l’habitation, comprenant au moins une pièce de séjour, une niche de cuisine et une salle d’eau avec WC », une telle unité d’habitation ou logement devant encore respecter d’autres prescriptions et ayant notamment une incidence directe sur le nombre d’emplacements de stationnement à prévoir.

Or, s’il appert à l’analyse sommaire de l’argumentation du demandeur -

argumentation contestée par l’administration communale - que le potentiel « logement intégré » ne correspond pas à cette définition, de sorte à ne pas respecter les prescriptions afférentes, la conclusion logique qui semble s’imposer n’est pas, a priori, celle du constat d’une violation de ces prescriptions, mais plutôt le constat que comme ce « logement intégré » ne constitue précisément pas une unité d’habitation, en ce qu’il, tel que confirmé par l’administration communale, n’a pas pour objet de permettre l’habitation séparée et indépendante, d’un second ménage dans l’immeuble visé, lesdites prescriptions ne lui sont pas applicables.

Le soussigné relève par ailleurs, tel qu’exposé par le représentant de l’administration communale, que la notion même de « logement intégré » se trouve définie par l’annexe II du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement particulier« quartier existant » et du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » 7 comme « un logement faisant partie d’une maison de type unifamilial et appartenant au propriétaire du logement principal. Le logement ne peut être destiné qu’à la location et doit être subordonné en surface au logement principal », de sorte à induire a priori le fait qu’un tel logement est par définition compatible avec une maison unifamiliale : dès lors, l’on peut encore raisonnablement en déduire que la présence d’un tel logement intégré, en sus d’une unité d’habitation au sens de la réglementation (Annexe II du règlement précité : « On entend par logement un ensemble de locaux destinés à l’habitation, formant une seule unité et comprenant au moins une pièce de séjour, une niche de cuisine et une salle d’eau avec WC »), ne modifie pas le statut d’une maison unifamiliale : a fortiori, on peut encore en déduire qu’un logement intégré n’est pas assimilé à un logement-unité d’habitation.

Ces moyens d’annulation ne présentent dès lors pas le sérieux requis pour justifier l’instauration d’une mesure provisoire.

Le demandeur est partant à débouter de sa demande en institution d’un sursis à exécution.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant à l’égard de toutes les parties ;

rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 octobre 2017 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 octobre 2017 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Numéro d'arrêt : 40264
Date de la décision : 26/10/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-10-26;40264 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award