Tribunal administratif N° 39935 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juillet 2017 Audience publique du 5 octobre 2017 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Monsieur …, …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Grosbous en présence de Monsieur …, …, en matière de permis de construire
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 39935 du rôle et déposée le 26 juillet 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, …, demeurant à …, tendant à voir ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de la décision du bourgmestre de la commune de Grosbous du 27 février 2017, n° …, autorisant Monsieur …, demeurant à …, à ériger sur un terrain sis à …, inscrit au cadastre de la commune Grosbous, section … de …, sous le n° …, un « car-port », cette autorisation étant encore attaquée au fond par une requête en réformation, sinon en annulation introduite le même jour, portant le numéro 39934 du rôle ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges WEBER, huissier de justice, demeurant à Diekirch, du 28 juillet 2017, portant signification de ladite requête en institution d’un sursis à exécution à l’administration communale de Grosbous ainsi qu’à Monsieur … ;
Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Maître Daniel BAULISCH, pour le demandeur, ainsi que Maître Jean-Luc GONNER, pour la commune de Grosbous, entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 octobre 2017.
Il résulte des explications de la partie demanderesse ainsi que des pièces versées en cause qu’en date du 27 février 2017, le bourgmestre de la commune de Grosbous autorisa Monsieur … à ériger sur son terrain sis à …, inscrit au cadastre de la commune Grosbous, section … de …, sous le n° …, un « car-port » destiné apparemment à accueillir des véhicules exposés par le garage pour automobiles implanté dans la même rue.
Monsieur … explique être le voisin direct du terrain devant accueillir le car-port projeté, étant plus précisément le propriétaire de tous les terrains et immeubles entourant ladite parcelle.
Par requête, déposée le 26 juillet 2017, inscrite sous le numéro 39934 du rôle, Monsieur … a introduit un recours en réformation, sinon en annulation contre l’autorisation de construire précitée du 27 février 2017 ; par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 39995 du rôle, il a demandé à voir prononcer un sursis à exécution de l’autorisation de construire déférée en attendant la solution de son recours au fond.
Monsieur …, maître de l’ouvrage du projet contesté et dès lors principal intéressé à l’issue de la présente affaire, quoique valablement informé par la signification de la requête ne s’est pas fait représenter. Nonobstant ce fait, le tribunal statue à l’égard de toutes les parties, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Monsieur … fait soutenir que l’exécution de ce permis de construire risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif, alors qu’en cas d’annulation prononcée ex post par le tribunal administratif après un examen du fond du litige, il ne pourrait plus solliciter la réparation en nature de son préjudice, constituée d’une perte de valeur de sa propriété, une fois le car-port érigé sur la propriété voisine au vu de la jurisprudence des juridictions judiciaires qui refuseraient d’ordonner la démolition de constructions érigées sous le couvert d’une autorisation administrative annulée dans la suite.
Après avoir relevé que le certificat relatif à l’autorisation de bâtir litigieuse n’aurait été affiché sur les lieux qu’à partir du mois de mai 2017, le demandeur estime que son recours au fond aurait de sérieuses chances de succès de voir annuler le permis querellé et il se prévaut des moyens d’annulation suivants :
Il soulève ainsi devant les juges du fond la violation de l’article 5 du règlement grand-
ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en ce sens qu’il n’aurait jamais été contacté par son voisin, ni par l’administration communale de Grosbous, pour l’informer du projet relatif à la construction importante d’un car-port sur la limite de sa propriété, de sorte qu’il n’aurait pas été en mesure de faire valoir ses droits et moyens.
Il excipe ensuite d’une violation de l’article 15 de la partie écrite du plan d’aménagement particulier « quartiers existants » de la commune de Grosbous : il affirme en premier lieu que le bénéficiaire de l’autorisation de bâtir n’aurait pas l’intention de construire une maison d’habitation sur le terrain visé, mais y projetterait la construction d’un car-port à destination de show-room « open space » non loin de son garage : en d’autres termes, le car-
port projeté ne serait pas prévu en tant qu’abri (garage) annexé à une construction principale (maison d’habitation), de sorte qu’il ne remplirait pas les conditions d’emplacement légales, l’article 15 précité prévoyant en effet l’existence d’une construction existante, à savoir une maison d’habitation, contre laquelle pourrait être accolé un car-port.
Monsieur … fait ensuite plaider que le car-port projeté par son voisin aurait une hauteur de 3,0 mètres et serait implanté en limite de propriété dans le recul latéral, alors que la disposition précitée ne permettrait l’implantation d’un car-port en limite de propriété et dans le recul latéral qu’à condition de ne pas dépasser la hauteur de 2,0 mètres.
2 Il s’empare encore des articles 671 à 673 du Code civil réglant la plantation d’arbres, d’arbrisseaux et d’arbustes entre deux terrains différents, en prévoyant en particulier que des plantations dont la hauteur dépasse les deux mètres ne pourraient être implantées qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages, pour soutenir que « par analogie », il serait interdit d’ériger un car-port à une hauteur de trois mètres à la limite de deux propriétés sous peine de vider le Code civil de sa substance Enfin, il entend se prévaloir de l’article 67 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, de l’article 50 du décret du 14 décembre 1789 relatif à la constitution des municipalités et de l’article 3 du titre XI du décret des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire, pour soutenir que le bourgmestre aurait été obligé de refuser l’autorisation de construire sous examen, étant donné que celle-ci aurait des effets négatifs sur la sécurité et la commodité de passage dans la rue d’Arlon.
L’administration communale de Grosbous soulève d’abord l’irrecevabilité du recours pour tardiveté et conclue ensuite à son rejet au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause.
En vertu de l’article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.
L’affaire au fond ayant été introduite le 26 juillet 2017 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.
Concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.
L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.
Ainsi, le juge du référé est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire 3 et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision attaquée.
La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Au niveau de l’examen des moyens d’annulation invoqués à l’appui du recours au fond, l’examen de ses chances de succès appelle le juge administratif saisi de conclusions à des fins de sursis à exécution, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et à vérifier si un des moyens soulevés par la partie demanderesse apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation voire la réformation de la décision critiquée.
Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.
Le président du tribunal ne saurait par ailleurs se prononcer définitivement sur des questions de recevabilité que pour autant que celles-ci touchent exclusivement à la demande en sursis à exécution.
En l’espèce, le moyen de l’irrecevabilité ratione temporis, ne vise pas, de manière spécifique, l’irrecevabilité de la mesure de sursis à exécution, mais celle du recours introduit au fond contre les décisions que la partie demanderesse entend attaquer.
Le moyen en question touche partant le fond du droit ; il relève plus spécifiquement du caractère sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours au fond et il est à examiner sous ce rapport.
Il convient à cet égard de rappeler que l’article 13 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dispose que :
« Sauf dans les cas où les lois ou règlements fixent un délai plus long ou plus court et sans préjudice des dispositions de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance ».
Aux termes des alinéas 5 et 8 de l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, intitulé « Autorisations de construire », pris en sa version applicable lors de la délivrance de l’autorisation litigieuse :« « (…) Un certificat délivré par le bourgmestre attestant que la construction projetée a fait 4 l’objet de son autorisation est affiché aux abords du chantier par le maître de l’ouvrage. Ce certificat mentionne notamment qu’à la maison communale le public peut prendre inspection des plans afférents pendant le délai de recours devant les juridictions administratives. (…) Le délai de recours devant les juridictions administratives court à compter de la date de délivrance du certificat signé par le bourgmestre. Le bourgmestre est tenu de faire afficher le certificat le jour même de sa délivrance ».
En l’espèce, il résulte de deux attestations testimoniales versées en cause par l’administration communale et établies par deux ouvriers communaux que ledit certificat a été affiché le 27 février 2017 sur l’immeuble du bénéficiaire de l’autorisation, abritant un garage automobile et en tout état de cause avant la fin du mois de mars 2017 sur le terrain même devant accueillir le projet litigieux, à savoir sur le terrain inscrit au cadastre sous le n° …, sis entre les n° … et … de … à … et immédiatement à côté de l’immeuble du requérant.
D’un autre côté, le requérant verse trois attestations dont il résulterait que le certificat en question ne se trouvait pas affiché sur le terrain en question avant le début du mois de mai 2017.
Aussi, en présence de témoignages contradictoires, le soussigné est forcé de constater que si la recevabilité des deux recours est sujette à discussion, le moyen de tardiveté opposé à ceux-ci ne paraît pas suffisamment sérieux, alors qu’appelant une analyse plus poussée et une discussion au fond, à laquelle le juge du provisoire ne saurait pas procéder, étant rappelé que la charge de la preuve relativement au moyen d’irrecevabilité pour cause de tardiveté soulevé incombe à la partie qui s’en prévaut1.
Cette conclusion provisoire n’est pas, à ce stade de l’analyse, énervée par la circonstance, apparemment non contestée, que le certificat en question ait fait dès le 27 février 2017 l’objet d’un affichage sur le garage exploité par Monsieur … à quelques dizaine de mètres du site devant accueillir le car-port litigieux : en effet, l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 précitée exige que l’affichage ait lieu aux abords mêmes du chantier, de sorte à, manifestement, être destinée à attirer l’attention des personnes intéressées sur l’imminence de la réalisation d’un projet immobilier en cet endroit précis : il est donc probable que les juges du fond retiennent qu’un affichage effectué en un autre endroit ne constitue pas une publication valable, en ce qu’il n’est pas de nature à attirer l’attention des tiers sur un projet de construction prévu sur un site plus éloigné.
En ce qui concerne ensuite les moyens du demandeur développés devant les juges du fond, force est au soussigné de retenir que le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 5 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 ne convainc guère.
Il convient en effet de relever que d’après la jurisprudence établie du juge du fond2, l’article 5 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 n’impose à cet égard pas une obligation générale et stricte aux autorités administratives, mais il leur impose seulement d’informer les tiers intéressés « dans la mesure du possible ». Or, la jurisprudence cite à ce sujet les travaux parlementaires ayant abouti à la loi du 19 juillet 2004 dont il résulterait que le législateur a explicitement exclu l’obligation de procéder antérieurement à une information de toutes les personnes intéressées, au motif qu’« une notification individuelle des personnes 1 Trib. adm. 15 décembre 2004, n° 10784, Pas. adm. 2016, V° Procédure contentieuse, n° 186.
2 Voir p.ex. la jurisprudence publiée à la Pas. adm. 2016, V° Urbanisme, sous les n° 618 et 619.
5 intéressées n’étant pas possible pour des raisons pratiques, liées notamment à l’impossibilité d’identifier ex ante toutes les personnes susceptibles d’être intéressées », de sorte à ne retenir a priori en matière d’urbanisme que l’obligation d’une information ex post par la voie de l’affichage.
Aussi, il n’appert pas, au vu des solutions jurisprudentielles dégagées par le juge du fond, que la violation alléguée de l’article 5 du règlement grand-ducal précité soit de nature à entraîner l’annulation de la décision déférée.
Par ailleurs, le soussigné constate encore qu’il résulte de la jurisprudence3 du juge du fond qu’en tout état de cause il n’y aurait pas lieu de prononcer automatiquement l’annulation d’une décision prise sans l’audition de l’administré intéressé mais en vertu d’une compétence liée, comme notamment et a priori en matière d’urbanisme, une telle annulation étant purement platonique en ses effets, l’administration ne pouvant en effet, compte tenu de sa compétence liée, que prendre la même décision à l’issue de l’audition de l’intéressé. En effet, la finalité première d’une autorisation de construire consisterait, d’après la solution jurisprudentielle dégagée par le juge du fond, à certifier qu’un projet est conforme aux règles d’urbanisme applicables tandis que par principe le propriétaire peut faire tout ce qui ne lui est pas formellement interdit par une disposition légale ou réglementaire. Ainsi, la conformité de la demande d’autorisation par rapport aux dispositions légales ou réglementaires existantes entraînerait en principe dans le chef de l’administration l’obligation de délivrer le permis sollicité, sous peine de commettre un abus respectivement un excès de pouvoir.
Le second moyen ne présente pas non plus le sérieux requis. En effet, si le demandeur se prévaut d’une violation de l’article 15 de la partie écrite du plan d’aménagement particulier « quartiers existants » de la commune de Grosbous, en ce sens que les dispositions applicables ne seraient pas respectées par le projet litigieux, il est douteux que la disposition en question, nonobstant la désignation du projet de « car-port » par l’autorisation de bâtir déférée, y soit applicable, le projet litigieux ne constituant d’après les plans versés en cause a priori pas un « car-port » au sens du plan d’aménagement particulier « quartiers existants » et du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 concernant le contenu du plan d’aménagement particulier « quartier existant » et du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » portant exécution du plan d’aménagement général d’une commune, à savoir « toute construction ouverte sur au moins deux côtés, réalisée en principe en matériaux légers et servant à abriter un ou plusieurs véhicules en stationnement », à savoir une construction légère destinée à accueillir les véhicules des habitants ou visiteurs d’une construction principale, mais plutôt un show-room, un local d’exposition de véhicules mis en vente ou de parcage de véhicules en attente de réparation, par un établissement de vente et de réparation de voitures, tel que la société … gérée par Monsieur …, projet plutôt à appréhender par application des dispositions règlementaires, générales et/ou propres à la zone en question, relatives aux établissements artisanaux et commerciaux, et plus particulièrement aux garages de réparation, dispositions toutefois non invoquées par le requérant en l’espèce.
A admettre toutefois qu’il s’agisse bien d’un « car-port » au sens de la règlementation, sa régularité serait plutôt entrevoir par rapport à la combinaison de l’article 8 d) de la partie écrite du plan d’aménagement général de la commune de Grosbous, permettant sous certaines conditions d’implanter des emplacements de stationnement sur un terrain situé dans un rayon de 300 mètres de l’immeuble desservi, c’est-à-dire sans être accolés directement à une 3 Voir p.ex. la jurisprudence publiée à la Pas. adm. 2016, V° Urbanisme, sous le n° 628.
6 construction principale et sans exiger la pré-existence d’une construction principale, et de l’article 9 du plan d’aménagement particulier « quartiers existants », prévoyant que des emplacements de stationnement pourront être aménagés soit sous forme de garage ou de car-
port, soit sous forme de parking à ciel ouvert : or, le demandeur ne formule aucune argumentation sous cet angle de vue.
Enfin, force est de constater que si le demandeur semble faire grief au projet litigieux de présenter une hauteur supérieure à 2 mètres alors qu’il serait établi dans le « recul latéral », ce moyen se trouve toutefois être en contradiction avec les affirmations du demandeur selon lesquelles la construction projetée serait la seule à être érigée sur le terrain en question, à défaut de toute autre immeuble y existant ou y prévu : or, la notion de « recul latéral » suppose a priori l’existence d’une construction principale pour exister : aussi, le « car-port » projeté devant apparemment être la seule construction sur la parcelle n° n° …, il ne saurait, manifestement, par définition, se situer dans le recul latéral d’une autre construction, de sorte à ne pas devoir a priori respecter les dispositions dimensionnelles propres aux car-ports implantés dans un recul latéral.
Le moyen subséquent, tiré d’une violation des articles 671 et 673 du Code civil, laisse encore, triplement, de présenter un quelconque sérieux :
Ainsi, d’une part, il apparaît manifestement que les dispositions citées, relatives aux « arbres, arbrisseaux et arbustes », ne sauraient être appliquées « par analogie » à une construction en dur, le Code civil ayant prévu à cet égard des dispositions particulières, non invoquées.
D’autre part, s’agissant de dispositions ayant trait à des servitudes civiles, il est de jurisprudence constante qu’il appartient au bourgmestre, lors de la délivrance d’une autorisation de construire, de veiller à l’exécution des lois et règlements de police, alors qu’une autorisation de construire consiste en substance en la constatation officielle par l’autorité compétente - en l’espèce le bourgmestre - de la conformité d’un projet de construction aux dispositions réglementaires (plan d’aménagement et règlement sur les bâtisses) applicables. Il s’ensuit, toujours d’après les juges du fond, que le bourgmestre, à l’occasion de la délivrance d’une autorisation de construire, ne doit prendre en considération que les prescriptions administratives alors qu’il ne lui appartient pas de prendre en compte des considérations d’intérêt privé de voisins sans commettre un excès de pouvoir. Le bourgmestre dès lors permet de bâtir en se prononçant uniquement du point de vue administratif, la conception et la réception de l’immeuble, les responsabilités pénale et civile, les litiges sur le droit de propriété restant l’affaire des constructeurs. Cette conclusion se dégage pour la jurisprudence encore du fait que le permis de construire est délivré sous réserve des droits des tiers : les droits généralement quelconques des tiers étant réservés, il leur appartient de les faire valoir devant le juge compétent, à savoir les juridictions civiles.
Ainsi, dans le cadre d’une affaire déterminée, les juges du fond ont retenu que la question de savoir si une construction empiète ou non sur une servitude ou un droit de passage est sans pertinence, étant donné que cette circonstance ne saurait conditionner la décision administrative déférée. Il en a été de même relativement à des servitudes de vue droite prévues par l’article 678 du Code civil ou à des questions de vue sur les propriétés des voisins.
7 Par ailleurs, plus généralement, il est de jurisprudence constante que la conformité de la demande d’autorisation par rapport aux dispositions d’urbanisme existantes entraîne en principe dans le chef du bourgmestre l’obligation de délivrer le permis sollicité sans prendre en considération d’autres considérations d’intérêt privé ou tenant à l’exécutabilité technique ou matérielle du projet, sous peine de commettre un abus respectivement un excès de pouvoir, et que l’autorisation de construire est délivrée sous réserve des droits des tiers .
Enfin, et de troisième part, dans la mesure où le demandeur semble vouloir formuler une exception d’illégalité de l’article 15 du plan d’aménagement particulier « quartiers existants » pour non-conformité au Code civil, cet argument méconnaît manifestement le principe fonctionnel de cette exception. En effet, si l’article 95 de la Constitution prévoit certes que « Les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois », il est patent qu’il ne vise pas une conformité tout azimut des règlements à toutes les lois imaginables, mais uniquement aux lois qui en forment la base légale spécifique, ainsi qu’aux normes d’essence supérieures. Aussi, le Code civil ne constituant à première vue pas la base légale de la règlementation urbanistique communale, la question de la conformité d’un article de cette règlementation par rapport à une disposition du Code civil ne se pose manifestement pas par le biais de l’exception d’illégalité.
Finalement, en ce qui concerne le prétendu non-respect de l’article 67 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, de l’article 50 du décret du 14 décembre 1789 relatif à la constitution des municipalités et de l’article 3 du titre XI du décret des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire dans la mesure où le bourgmestre aurait dû refuser l’autorisation de construire litigieuse au vu de la circulation routière dans la rue d’Arlon, le soussigné a pu exposer ci-dessus qu’il résulte de la jurisprudence que la finalité première d’une autorisation de construire consistant à certifier qu’un projet déterminé est conforme aux règles d’urbanisme applicables. Ainsi, la conformité de la demande d’autorisation par rapport aux dispositions légales ou réglementaires existantes entraîne en principe dans le chef de l’administration l’obligation de délivrer le permis sollicité, sous peine de commettre un abus respectivement un excès de pouvoir. Il a encore été retenu, plus précisément, que l’exercice, par le bourgmestre, de son pouvoir général de police ne saurait tenir directement en échec les dispositions urbanistiques dans ce sens qu’il pourrait se prévaloir d’un problème général de sécurité, de tranquillité ou autre, pour tenir en échec le principe même de l’implantation d’une construction conforme aux règles urbanistiques4. En effet, face à l’existence d’une compétence spéciale des autorités communales en la matière permettant, par le biais d’une modification afférente du plan d’aménagement général de la commune, d’instituer, sous la tutelle du ministre de l’Intérieur, des mesures contraignantes tenant tant à l’urbanisme qu’à la salubrité, à la sécurité et à la tranquillité publiques, il ne saurait être admis que les autorités communales, au mépris des règles procédurales entourant la compétence leur ainsi conférée, laquelle traduit une application concrète de leur pouvoir de police général issu de l’article 50 du décret du 14 décembre 1789, puissent invoquer au cas par cas, dans le cadre d’une décision individuelle relative à une autorisation de construire, un motif de sécurité pour s’opposer à un projet arrêté d’après les règles urbanistiques applicables5.
Ce dernier moyen ne présente dès lors pas non plus le sérieux requis pour justifier l’instauration d’une mesure provisoire.
4 Trib. adm. 22 juillet 2009, n° 24495, Pas. adm. 2016, V° Urbanisme, n° 679, ainsi que notamment trib. adm.
14 décembre 2015, n° 35242 5 Trib. adm. 12 novembre 2003, n° 16028 ; trib. adm. 6 mai 2015, n° 33899, Pas. adm. 2016, V° Urbanisme, n° 674.
8 Il s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, au stade actuel de son instruction et sur base d’une analyse nécessairement sommaire, le juge du référé ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire, puisque lesdits moyen n’apparaissent pas comme ayant des chances suffisamment sérieuses d’aboutir à l’annulation de la décision litigieuse au fond.
Le demandeur est partant à débouter de sa demande en institution d’un sursis à exécution, sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question du risque d’un préjudice grave et définitif dans son chef, question distincte de celle de l’intérêt à agir, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.
La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 2.750.- euros encore formulée par le demandeur laisse pareillement d’être fondée, les conditions légales afférentes n’étant pas remplies en cause.
Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant à l’égard de toutes les parties et en audience publique ;
rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 octobre 2017 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier Xavier Drebenstedt.
s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 octobre 2017 Le greffier du tribunal administratif 9