Tribunal administratif N° 39910 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 juillet 2017 Audience publique du 27 juillet 2017 Requête en sursis à exécution sinon en obtention d’une mesure de sauvegarde introduite par Madame …, …, contre une décision du ministre du Développement durable et des Infrastructures, département des Transports, en matière de permis de conduire
___________________________________________________________________________
ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 39910 du rôle et déposée le 21 juillet 2017 au greffe du tribunal administratif par Maître Ibtihal EL BOUYOUSFI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant principalement à voir prononcer le sursis à exécution, sinon à obtenir une mesure de sauvegarde par rapport à « la décision du 12 juin 2017 du département des transports relative à sa demande de prorogation telle que confirmée par décision du 07 juillet 2017, ensemble avec la décision du 27 juillet 2016 du ministre des transports », et subsidiairement à « ordonner au Ministre compétent de proroger l’actuel permis de conduire de la requérante sous son format actuel le temps nécessaire pour qu’une décision définitive soit rendue au fond, ou bien de lui fournier dans les plus brefs délais un permis de conduire provisoire couvrant la période estimée pour qu’un jugement définitif soit rendu », un recours en réformation sinon en annulation dirigé contre « la décision du 12 juin 2017 du département des transports relative à sa demande de prorogation telle que confirmée par décision du 07 juillet 2017, ensemble avec la décision du 27 juillet 2016 du Ministre des transports », inscrit sous le numéro 39899 du rôle, introduit le 19 juillet 2017, étant pendant devant le tribunal administratif ;
Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées et notamment les actes déférés ;
Maître Ibtihal EL BOUYOUSFI et Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 26 juillet 2017.
___________________________________________________________________________
Madame … est titulaire d’un permis de conduire catégorie B depuis le 12 juin 1996.
Par courrier du 20 juillet 2016, Madame …, ainsi que deux autres personnes s’adressèrent dans les termes suivants au ministre du Développement durable et des Infrastructures, ci-après désigné par « le ministre » :
1« […] Nous prenons la respectueuse liberté de nous adresser à vous concernant une problématique liée aux photos acceptées (ou refusées) par vos services lors d’une demande d’un permis de conduire.
En effet, nous avons bien noté qu’il y avait un besoin d’augmenter la qualité des photos sur les permis à un format carte de crédit et qu’en conséquent la réglementation en matière de photo soit devenu plus stricte.
Par contre nous ne comprenons pas pourquoi vos services refuseraient des photos qui sont acceptées pour les cartes d’identités et passeports luxembourgeois. Il s’agit concrètement de photos de femmes portant un foulard islamique par conviction religieuse.
Comme déjà écrit ces photos avec foulard sont acceptées pour des documents d’identité luxembourgeois et conforme aux normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI : Voir annexe 1). A titre d’exemple nous vous joignons en annexe quelques exemples de pièces d’identité (voir annexe 2).
Nous tenons à vous exprimer notre inquiétude face à cette rigidité, car elle ne concorde pas – à notre avis – avec l’esprit de la loi.
Nous ressentons ceci comme une stigmatisation, qui touche noter intimité. En plus nous avons la crainte que certaines femmes renonceront à leur autonomie et ne renouvèleront plus leur permis suite à ces contraintes.
Nous vous demandons aussi comment se déroulera un contrôle routier en cas de vérification de permis. Est-ce-que l’agent de police va demander à la conductrice de retirer son foulard sur base de la photo du permis, tout en sachant que ceci serait très humiliant pour cette conductrice ? Nous appelons donc à votre compréhension pour que vos services acceptent les mêmes photos que pour les autres pièces d’identités et nous serions aussi tout à fait disposées de faire faire ces photos auprès des administrations communales ou auprès du bureau des passeports afin que celles-ci puissent être d’une qualité irréprochable. […] ».
Par courrier du 27 juillet 2016, le ministre prit position comme suit :
« […] J’accuse bonne réception de votre courrier du 20 juillet 2016 concernant les photographies à apposer sur les permis de conduire.
Je tiens à attirer votre attention sur (sic) l’article 78 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, communément appelé Code de la route, interdit pour les photographies à apposer sur les permis de conduire le port de tout couvre-chef. En effet, par règlement grand-ducal du 19 janvier 2016, la disposition pertinente du Code de la route a été précisée par rapport aux anciennes dispositions pour ce qui est de l’aspect de la photographie et plus particulièrement en ce qui concerne le port de couvre-chefs et de lunettes, ceci dans un souci d’harmonisation et d’amélioration de la qualité ainsi que de la protection contre la fraude et la falsification du document « permis de conduire ». Il en dévale que toute demande en obtention d’un permis de conduire doit être accompagnée d’une photographie tête nue.
2En ce qui concerne les contrôles routiers, je suis convaincu que ces contrôles sont effectués dans l’équilibre entre les exigences du contrôle et le respect de la dignité de tout conducteur portant un couvre-chef. […] ».
Le permis de conduire de Madame … ayant expiré le 19 juillet 2017, celle-ci introduisit une demande de renouvellement de son permis de conduire en date du 8 juin 2017, en ajoutant une photo sur laquelle elle porte un voile.
Le 12 juin 2017, le Service permis de conduire, adressa un « Courrier établi électroniquement sans signature » avec comme objet « votre demande de prorogation » à Madame …, libellé comme suit :
« Votre demande citée en objet nous est bien parvenue et a retenu toute notre attention.
A fin (sic) de compléter votre dossier, merci de bien vouloir nous retourner la présente après y avoir joint :
1. La photo transmise ne correspond pas aux critères suivants et nous vous prions de nous transmettre une nouvelle photo répondant à ces critères : une photo d’identité récente (maximum 6 mois), sans traces, ni perforations, ni pliures, d’un format de 45/35 mm, la tête prise de face et centrée, le visage mesurant entre 70 et 80 pour cent de la hauteur de la photo et découvert, sans couvre-chef (chapeau, casquette ou autre), les yeux parfaitement visibles, sur arrière-fond clair et neutre.
Les photos prises à partir d’un procédé numérique doivent être à haute résolution, imprimées sur du papier photo de qualité inaltérable à l’humidité.
Entretemps votre demande sera tenue en suspens. […] ».
Par courrier électronique adressé en date du 4 juillet 2017 au ministère du développement durable et des Infrastructures, Département des Transports, Direction de la circulation et de la sécurité routières, Service permis de conduire, Contentieux et permis à points, le litismandataire de Madame … donna à considérer que cette dernière « est une citoyenne luxembourgeoise de confession musulmane qui en tant que telle couvre sa chevelure d’un voile / un hijab. Son visage reste dégagé. […] Sa chevelure est un élément de son intimité. Ainsi, avoir à découvrir sa chevelure sur une photo qui n’est pas privée est inconcevable. Cela constitue pour elle une violation de son intimité et de sa vie privée sans oublier l’atteinte que cela porterait à sa pratique et conviction religieuse. Ma mandante aurait souhaité pouvoir satisfaire ce critère mais elle ne le peut sans que son droit fondamental au respect de sa vie privée, de son identité et de sa liberté religieuse ne soient atteints » et il s’enquit sur la question de savoir si « la position de la Direction des transports, qui consiste à refuser d’apposer sur le permis de conduire d’une femme musulmane une photo d’elle portant un voile couvrant uniquement sa chevelure, est toujours d’actualité et définitive », en précisant que dans l’affirmative, la demande de prorogation du permis de conduire de Madame … ne pourrait pas connaître de suite favorable.
Par courrier électronique du 7 juillet 2017, le chef de service du Service permis de conduire, Contentieux et permis à points prit position comme suit :
« […] J’accuse réception de votre courriel concernant le sujet émargé.
3Dans ce contexte, je vous confirme qu’il n’est actuellement pas prévu de modifier les dispositions réglementaires prévues par l’article 78 du règlement grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques.
Par conséquent, pour les photos sur les permis de conduire, la tête doit être nue, le port d’un couvre-chef (voile) est interdit […] ».
Le 19 juillet 2017, Madame … a fait introduire un recours, inscrit sous le numéro 39899 du rôle, tendant d’après le libellé de la requête introductive d’instance principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de « la décision du 12 juin 2017 du département des transports relative à sa demande de prorogation telle que confirmée par décision du 7 juillet 2017, ensemble avec la décision du 27 juillet 2016 du Ministre des transports ». Par requête séparée déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juillet 2017, Madame … a fait déposer une requête tendant à voir ordonner un sursis à l’exécution des actes attaqués en attendant la solution du litige au fond.
A l’appui de sa requête, la demanderesse, fait plaider que l’exécution des actes attaqués risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif en arguant qu’ils la priveraient de facto de l’usage de son permis de conduire qui lui serait toutefois indispensable dans la mesure où elle aurait non seulement sous sa responsabilité la gestion de la société à responsabilité limitée …, mais également une famille de quatre enfants, de sorte qu’elle serait obligée d’effectuer plusieurs déplacements pendant la journée avec des trajets variés et des horaires non fixes. Elle soutient encore que faute de disposer d’un permis de conduire, sa situation financière serait mise en péril de sorte qu’elle subirait un préjudice matériel qui augmenterait de jour en jour. Elle subirait également un préjudice moral, dans la mesure où les actes en question l’auraient atteint dans sa dignité en tant que femme et en tant que musulmane en s’ingérant dans sa liberté de conscience et de religion, dans son intimité et son droit de disposer de son corps et de décider librement des éléments de son corps qui appartiendraient à son intimité.
La demanderesse, reprenant à cette fin les moyens développés dans son recours au fond, estime encore que ceux-ci seraient suffisamment sérieux pour justifier les mesures provisoires sollicitées.
Dans ce contexte, Madame … expose en substance devant les juges du fond les moyens suivants :
- Le règlement grand-ducal du 19 janvier 2016 modifiant l'arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 19 janvier 2016 », sur lequel baseraient les prétendues décisions litigieuses, serait illégal pour ne pas avoir été soumis à l’avis du Conseil d’Etat ;
- Le règlement grand-ducal du 19 janvier 2016 serait par ailleurs illégal pour ne pas remplir les exigences de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes ;
- Les décisions litigieuses, qualifiées comme telles, auraient été prises en violation de l’article 9 de la la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l’article 10 de la Charte européenne des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
- Les mêmes actes entraîneraient par ailleurs une violation du « droit à l’égalité homme femme », ainsi de l’article 10bis paragraphe (1) de la Constitution ;
4- Ils porteraient encore atteinte aux articles 1er, 7 et 22 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
La partie étatique soulève d’abord l’irrecevabilité des recours, déposés tant devant le juge du provisoire que devant les juges du fond pour absence de décision définitive déférable et estime par ailleurs que les conditions légales pour justifier l’institution d’une mesure provisoire ne seraient pas remplies en cause.
Force est en effet à la soussignée de constater que la requête sous analyse pose différentes questions de compétence, respectivement d’(ir)recevabilité, questions d’ailleurs soulevées d’office conformément à l’article 30 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Il convient à cet égard de rappeler qu’en vertu de l’article 12 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif ou le magistrat le remplaçant peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire, à l’exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.
Sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d’admettre que l’institution d’une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l’appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.
Or, en vertu de l’article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.
La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme celle de l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Il ne saurait se prononcer définitivement sur des questions de recevabilité que pour autant que celles-ci touchent exclusivement à la demande en sursis à exécution.
En l’espèce, il appert toutefois que se pose directement la recevabilité même de la mesure sollicitée à titre subsidiaire, à savoir enjoindre au ministre « de proroger l’actuel permis de conduire de la requérante sous son format actuel le temps nécessaire pour qu’une 5décision définitive soit rendue au fond, ou bien de lui fournier dans les plus brefs délais un permis de conduire provisoire couvrant la période estimée pour qu’un jugement définitif soit rendu ». En effet, il est admis que les juridictions administratives ne sauraient à défaut de base légale ordonner de telles injonctions à l’encontre de l’administration1; plus particulièrement, en ce qui concerne l’office du juge statuant au provisoire, il convient encore de rappeler qu’une mesure de sauvegarde ne saurait empiéter sur les pouvoirs du juge du fond ni, a fortiori, les dépasser : c’est pourtant ce à quoi tend une demande tendant à faire injonction à une autorité administrative à prendre une mesure déterminée2. La soussignée ne saurait partant faire droit à la mesure ainsi sollicitée.
Ensuite et en ce qui concerne le moyen tiré de l’inexistence d’une décision définitive susceptible de recours, soulevé tant par la partie défenderesse, ledit moyen ne vise pas, de manière spécifique, l’irrecevabilité de la mesure de sauvegarde, mais celle du recours introduit au fond contre ces décisions que la demanderesse entend attaquer.
Le moyen en question touche partant le fond du droit; il relève plus spécifiquement du caractère sérieux des moyens invoqués à l’appui du recours au fond et il est à examiner sous ce rapport.
L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.
Or, à cet égard, il se pose d’abord la question de la compétence de principe du juge administratif pour connaître des actes lui déférées, moyen explicitement soulevé par la partie étatique dans la mesure où elle dénie à ces mêmes actes la qualité de décisions administratives susceptibles de recours.
Si Madame … entend certes déceler derrière les différents actes sous analyse des décisions administratives susceptibles de recours devant les juridictions administratives, il convient toutefois de rappeler qu’il est admis que toute décision quelconque d’une autorité administrative n’est pas susceptible de recours, mais uniquement celles présentant un caractère administratif, c’est-à-dire celles constituant un acte juridique émanant d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et qu’il doit s’agir d’une véritable décision, affectant les droits et intérêts de la personne qui la conteste3 : en d’autres termes, le juge du fond considère qu’il doit s’agir d’un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale du requérant4 ; seules seraient ainsi annulables les manifestations unilatérales de volonté, émanant d’une autorité administrative, et visant à produire un effet de droit.
1 Trib. adm. 22 juillet 1998, n° 9740 ; Cour adm. 15 octobre 1998, n° 10704C ; trib. adm. 26 avril 2000, n° 11529 ; trib. adm. 16 janvier 2006, n° 19949 ; Cour adm. 29 mars 2007, n° 22443C, Cour adm. 29 mars 2007, n° 22444C, Cour adm. 29 mars 2007, n° 2453C, Cour adm. 29 mars 2007, n° 22554C.
2 Voir par analogie : trib. adm. prés. 23 mars 2006, n° 21133, Pas. adm. 2016, Etrangers, n° 633.
3 F. Schockweiler, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, 1996, n° 46, p. 28.
4 Trib. adm., 18 mars 1998, n° 10286 ; Pas. adm. 2016, V° Actes administratifs, n° 39, et les autres références y citées.
6Si Madame … fait certes état d’un risque de préjudice grave et définitif touchant sa situation matérielle et patrimoniale, ainsi que sa situation morale, aucune incidence juridique résultant des actes déférés n’est toutefois décelable.
Au-delà de ce constat, il convient encore de relever que la jurisprudence dénie la qualité de décision administrative faisant grief aux informations données par l’administration, tout comme aux déclarations d’intention ou aux actes préparatoires d’une décision, alors que ceux-ci ne sont pas destinés à produire, par eux-mêmes, des effets juridiques ; plus spécifiquement encore, en ce qui concerne les actes préparatoires, la jurisprudence dénie systématiquement la qualité de décision susceptible de recours aux actes préparatoires qui ne font que préparer la décision finale et qui constituent des étapes dans la procédure d’élaboration de celle-ci5, que ces actes soient pris dans le cadre d’une procédure légalement prévue ou non6, la soussignée relevant à cet égard encore plus particulièrement que les avis invitant un administré à prendre position7 ou encore des déclarations d’intention d’une autorité8 ne sont pas considérées par le juge du fond comme susceptibles de recours, encore et ce même si un tel acte préparatoire exige bien évidemment la prise d’une décision intellectuelle par son auteur9.
Ainsi, la Cour administrative a retenu que l’annonce de la prise éventuelle de décision ne peut pas être déférée au juge administratif, seule la décision effective étant susceptible de l’être10.
Il s’ensuit que le recours tendant à l’obtention de mesures provisoires par rapport au courrier du ministre du Développement durable et des Infrastructures du 27 juillet 2016 largement antérieur à la demande de prorogation du permis de conduire de Madame … et intervenu suite à la demande de renseignements générale lui adressée en date du 20 juillet 2016 ne présente pas le sérieux nécessaire pour justifier les mesures sollicitées, ledit courrier ne constituant en effet qu’une simple information en ce qui concerne l’application de l’article 78 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, tel que modifié par le règlement grand-ducal du 19 janvier 2016.
Il en va de même en ce qui concerne le courrier électronique du chef de service du Service permis de conduire, Contentieux et permis à points du 7 juillet 2017 tel que déféré, l’auteur de ce courrier ne faisant que répondre à la demande de renseignements lui adressée par le litismandataire visant à savoir si « la position de la Direction des transports, qui consiste à refuser d’apposer sur le permis de conduire d’une femme musulmane une photo d’elle portant un voile couvrant uniquement sa chevelure, est toujours d’actualité et définitive ». En effet, la jurisprudence est unanime pour retenir qu’une lettre qui n’est, comme en l’espèce, que l’expression d’une opinion destinée à éclairer l’administré sur sa situation 5 Cour adm. 22 janvier 1998, n° 9647C, 9759C, 10080C, 10276C ; Cour adm. 17 octobre 2000, n° 11904C ;
trib. adm. 11 juillet 2001, n° 12058 ; trib. adm. 19 mars 2003, n° 15431 ; trib. adm. 2 février 2005, n° 18301 ;
trib. adm. 23 mai 2007, n° 22002 ; trib. adm. 12 novembre 2007, n° 21624 ; trib. adm. 11 juin 2008, n° 23329.
6 Voir la jurisprudence citée sous le V° Actes administratifs, n° 46 et 58-60, Pas. adm. 2016.
7 Voir la jurisprudence citée sous le V° Actes administratifs, n° 61, Pas. adm. 2016.
8 Voir la jurisprudence citée sous le V° Actes administratifs, n° 51, 57 et 70, Pas. adm. 2016.
9 Voir par analogie trib. adm. 23 mai 2007, n° 22002 ; trib. adm. 9 novembre 2009, n° 260691, Pas. adm. 2016, V° Actes administratifs, n° 62.
10 Cour adm. 20 janvier 2015, n° 34959C.
7juridique, de même qu’un avis sur l’interprétation à donner à un texte légal ne sont pas suscpetibles de faire l’objet d’un recours en annulation11.
Finalement et en ce qui concerne le « Courrier établi électroniquement sans signature » du 12 juin 2017, outre de ne pas émaner de l’autorité compétente pour prendre des décisions en matière de renouvellement, respectivement de prorogation d’un permis de conduire, à savoir le ministre ayant le transport dans ses attributions, la jurisprudence est également constante à dénier le caractère de décision susceptible de recours à une invitation adressée par l’administration à un requérant lui demandant de compléter son dossier par certains éléments et qu’en attendant son dossier est tenu en suspens12.
Il suit de ce qui précède que le recours déposé au fond ne présente guère de chances d’aboutir, de sorte que le présent recours doit être considéré comme ne présentant pas, au stade actuel de l’instruction de l’affaire, le caractère sérieux nécessaire pour justifier le bénéfice de la mesure de sauvegarde sollicitée ; la demanderesse est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle d’un risque de préjudice grave et définitif, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.
Par ces motifs, la soussignée, vice-président du tribunal administratif, siégeant en remplacement des présidents et magistrats plus anciens en rang, tous légitimement empêchés, statuant contradictoirement et en audience publique ;
rejette la demande en obtention de mesures provisoires ;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 juillet par Thessy Kuborn, vice-
président du tribunal administratif, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 27 juillet 2017 Le greffier du tribunal administratif 11 Voir en ce sens trib. adm. 7 mars 2007, n°21708 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Actes administratifs, n°67 et les autres références y citées.
12 Trib. adm. 26 novembre 1997, n°9690 et 9735 du rôle, Pas. adm. 2016, V° Acte administratifs, n° 77 et les autres références y citées.