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20/07/2017 | LUXEMBOURG | N°39807

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juillet 2017, 39807


Tribunal administratif N° 39807 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2017 1re chambre Audience publique extraordinaire du 20 juillet 2017 Recours formé par Monsieur …, … contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39807 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 juin 2017 par Maître Giulia Jaeger, a

vocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mons...

Tribunal administratif N° 39807 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juin 2017 1re chambre Audience publique extraordinaire du 20 juillet 2017 Recours formé par Monsieur …, … contre trois décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 39807 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 juin 2017 par Maître Giulia Jaeger, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant, d’après le dispositif de la requête introductive d’instance, d’une part à la réformation, sinon à l’annulation 1) d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 21 juin 2017 de statuer sur le bien-

fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et 2) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 juillet 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Guilia Jaeger et Madame le délégué du gouvernement Nancy Carier en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 juillet 2017.

Le 13 juin 2017, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale, au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

Le 16 juin 2017, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

1 Par décision du 21 juin 2017, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, désigné ci-après par « le ministre », après avoir résumé les déclarations de Monsieur … comme suit : « […] Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté l’Albanie pour deux raisons précises : « La première est que j’étais obligé de fermer mon business à cause de la politique. La deuxième est à cause de la séparation avec mon ex-copine » (p.3/11 du rapport de votre entretien).

Vous déclarez que vous auriez été à la recherche d’un emploi et que vous auriez postulé à trois endroits différents à ce propos, en vain. Vous estimez que ceci serait en raison de votre appartenance au parti démocratique.

En mai 2016, vous auriez ouvert avec votre frère un bar. Or, après deux semaines, la police serait venue sur place et vous aurait demandés de fermer le bar « car selon eux, il y avait des dérangements publics mais ils ne nous ont rien montré » (p. 3/11 du rapport d’entretien). En décembre 2016, le maire de la commune, un dénommé « … » se serait présenté auprès de chez vous et vous aurait dit que : « si on voulait continuer à travailler, nous devions adhérer au parti socialiste » (p. 3/11 du rapport de votre entretien).

Vous évoquez que le 4 février 2017, vers 23h, des personnes inconnues auraient cassé une vitre de votre bar et vous auraient menacé de mort. Le lendemain, vous vous seriez rendu au commissariat de police afin de dénoncer ces personnes. Or, le policer présent vous aurait demandé de revenir le lendemain alors que le commissaire de police serait absent. Vous auriez dû revenir à plusieurs reprises mais on vous aurait à chaque reprise demandé de revenir le lendemain, jusqu’à ce que vous auriez finalement abandonné de vouloir déposer plainte.

La deuxième raison pour laquelle vous auriez quitté l’Albanie est que vous vous seriez séparé en mars 2017 de votre copie et que par la suite, vous auriez été menacé par les membres de famille de cette dernière.

Vous auriez ensuite pris la décision de quitter l’Albanie.

Notons encore que vous avez déposé en appui de votre demande des photocopies concernant selon vos dires votre activité au bar, notamment des photographies d’un certificat d’immatriculation, d’un extrait bancaire, ainsi que d’une facture de la municipalité du ….

Vous avez également déposé des photocopies d’un certificat de votre famille et un courrier manuscrit duquel il ressort que votre père voudrait déposer plainte.

Enfin, il ressort du rapport d’entretien du 13 juin 2017 qu’il n’y a plus d’autres faits à invoquer au sujet de votre demande de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte. […] », informa celui-ci qu’il avait été statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Le ministre estima que Monsieur …, ayant la nationalité albanaise, proviendrait d’un 2pays d’origine sûr au sens du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûr au sens de la loi du 5 mai 2006, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », c’est-à-dire d’un pays où il n’y aurait, de manière générale et uniformément, pas de persécutions au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et que ce constat ne serait pas contredit par l’examen individuel de sa demande de protection internationale.

Le ministre estima ensuite que les faits invoqués par Monsieur … à la base de sa demande de protection internationale constitueraient des infractions de droit commun punissables en vertu de la législation albanaise. Dans ce contexte, le ministre souleva également qu’un défaut de protection par les autorités albanaises ne serait pas établi en l’espèce.

Le ministre estima encore qu’il ne serait pas exclu que des raisons économiques sous-

tendraient la demande de protection internationale de Monsieur …, raisons qui ne seraient toutefois pas susceptibles de fonder une telle demande de protection internationale.

Le ministre évoqua ensuite la possibilité d’une fuite interne, et estima, enfin, que le récit de Monsieur … ne contiendrait pas non plus de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 juin 2017, Monsieur … a fait introduire un recours tendant suivant le dispositif de la requête introductive d’instance, d’une part, à la réformation, sinon à l’annulation 1) de la décision du ministre du 21 juin 2017 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et 2) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision du ministre du 21 juin 2017, telle que déférée, de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur … dans le cadre d’une procédure accélérée et contre celle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale.

Ledit recours en réformation ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable en ce qu’il vise ces deux décisions et il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre ces deux décisions.

En ce qui concerne ensuite le recours en annulation dirigé, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance auquel la soussignée est seul tenue, contre l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision ministérielle du 21 juin 2017, le tribunal a soulevé d’office à l’audience des plaidoiries la question de sa recevabilité, dans la mesure où l’article 35, 3paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre une telle décision.

Le litismandataire du demandeur, tout en soutenant que la décision portant ordre de quitter le territoire devrait subir le même sort que celle refusant de faire droit à sa demande de protection internationale qui serait elle-même à réformer, sinon à annuler, s’est en substance rapporté à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours en annulation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire.

S’il est admis que dans une matière dans laquelle la loi a institué un recours en réformation, comme cela est le cas en l’espèce, le demandeur peut conclure à la seule annulation de la décision attaquée, le recours étant dans cette hypothèse néanmoins recevable dans la mesure où le demandeur se borne à indiquer des moyens de légalité et à condition d’observer les règles de procédure spéciale pouvant être prévues et les délais dans lesquels le recours doit être introduit1, force est toutefois de constater que le demandeur a, suivant les termes du dispositif de la requête introductive d’instance auquel la soussignée est seul tenue, déclaré introduire un recours en annulation contre la décision litigieuse, sans autre précision et plus particulièrement sans qu’il n’ait clarifié ses intentions en ce sens qu’il ait, le cas échéant, entendu se limiter à invoquer des moyens de légalité dans le cadre du recours en réformation prévu par la loi. Dès lors, à défaut d’autres explications fournies à cet égard à l’audience des plaidoiries, il y a lieu de suivre les termes du dispositif de la requête introductive d’instance et d’admettre que le demandeur a entendu introduire un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, recours qui doit dès lors être déclaré comme étant irrecevable, la loi prévoyant un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire.

A l’appui des deux volets de son recours en réformation ayant valablement été dirigés contre la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et contre celle portant refus d’un statut de protection internationale, le demandeur expose tout d’abord les faits et rétroactes gisant à la base des décisions déférées.

En droit, s’agissant en premier lieu du recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, Monsieur … soutient, en ce qui concerne la qualification de l’Albanie comme pays d’origine sûr dans son chef au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015, que ce serait à tort que la décision ministérielle litigieuse aurait été prise sur le fondement du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, et ce, au motif que la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par « la loi du 5 mai 2006 », aurait été abrogée par l’article 83 de la loi du 18 décembre 2015. Comme le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 n’aurait plus de base légale, il serait illégal de ce fait et l’Albanie ne pourrait plus être considérée comme un pays d’origine sûr, de sorte que la décision sous analyse serait à réformer de ce chef.

A titre subsidiaire, le demandeur fait valoir que, contrairement à l’appréciation faite par le ministre, la situation générale d’insécurité régnant dans son pays d’origine, ainsi que sa situation particulière ne permettraient pas de retenir que l’Albanie est un pays d’origine sûr 1 Trib. adm. 3 mars 1997, n°9693 du rôle, Pas. adm. 2016, V° recours en réformation, n°2.

4dans son chef. Il ajoute qu’en 2014, la Belgique aurait retiré l’Albanie de la liste des pays d’origine sûrs.

Ensuite, le demandeur est d’avis que les faits qu’il a invoqués seraient suffisamment pertinents au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, en renvoyant à cet égard à ses développements fournis dans le cadre du volet du recours dirigé contre la décision ministérielle portant refus de lui octroyer une protection internationale.

A l’appui de son recours dirigé contre la décision ministérielle de refus de lui accorder une protection internationale, le demandeur invoque tout d’abord un défaut de motivation entachant cette décision et ce, en violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ». Il estime, en effet, que le ministre se serait contenté de citer les dispositions de la loi du 18 décembre 2015 mentionnant les cas d’ouverture d’octroi de la protection subsidiaire, sans préciser aucunement en quoi il ne rentrerait pas dans le champ d’application d’un de ces cas d’ouverture. Cette obligation de motivation serait d’ailleurs renforcée par l’article 34 de la loi du 18 décembre 2015.

Ensuite, le demandeur reproche au ministre d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant de lui octroyer l’un des statuts conférés par la protection internationale et plus particulièrement en affirmant que l’Albanie serait un pays garantissant un système judiciaire indépendant et des droits démocratiques à ses ressortissants. Il s’appuie à cet égard notamment sur un rapport de la Commission européenne du 9 novembre 2016, cité également par le ministre dans la décision litigieuse, pour soutenir que si l’Albanie avait certes fait des progrès en termes de renforcement de la coopération entre les institutions étatiques et les acteurs de la société civile, cela ne signifierait pas pour autant qu’à l’heure actuelle, elle arriverait à garantir l’existence d’un système judiciaire indépendant ou bien la reconnaissance des libertés et droits démocratiques de base. Par ailleurs, s’il y avait également une progression en Albanie en termes de lutte contre les discriminations, il n’en demeurerait pas moins que les textes interdisant toute forme de discrimination ne seraient pas encore appliqués et qu’aucune protection effective n’existerait en Albanie contre les discriminations.

Le demandeur précise qu’il aurait longuement expliqué lors de son audition qu’il aurait fait l’objet de menaces et de discriminations du fait de son appartenance au parti démocratique ainsi que de persécutions liées à sa relation avec son ex-compagne dont la famille ne lui pardonnerait pas d’avoir mis un terme à leur relation. Or, ces agissements seraient suffisamment graves pour affecter sa santé physique et mentale, de sorte qu’ils seraient à qualifier de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Finalement, le demandeur met en avant qu’en application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme définissant les traitements inhumains et dégradants comme des traitements de nature à créer dans le chef des victimes des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à les humilier, à les avilir, et à briser éventuellement leur résistance physique ou morale, il y aurait lieu de retenir que les insultes et menaces dont il aurait été victime seraient susceptibles de constituer de tels traitements, ce d’autant plus eu égard à l’inertie des autorités albanaises et compte tenu de sa situation particulière.

5Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours dirigé tant contre la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée que contre celle portant refus d’une protection internationale.

Aux termes de l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification. Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé, dans la négative, le recours étant renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée 6La soussignée relève que la décision ministérielle déférée est fondée sur les dispositions des points a) et b) de l’article 27, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquels « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-

fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), sous a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la même loi.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Concernant plus particulièrement le point b) de l’article 27, paragraphe (1) précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.

(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres, du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.

Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr:

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

b) le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève;

7c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.

La situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent paragraphe est régulièrement examinée par le ministre ».

Il est constant en cause que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, tel que modifié par la suite, a désigné l’Albanie comme pays d’origine sûr et il se dégage en l’espèce des éléments du dossier que le demandeur a la nationalité albanaise et que l’Albanie était son pays de résidence habituelle avant de venir au Luxembourg.

En l’espèce, le demandeur conteste cependant l’applicabilité du règlement grand-

ducal du 21 décembre 2007 au motif qu’il désignerait les pays d’origine sûr au sens de la loi du 5 mai 2006, loi entretemps abrogée, et non pas au sens de la loi du 18 décembre 2015, loi qui s’applique en l’espèce.

Il est constant en cause et d’ailleurs non contesté par la partie étatique que le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 prémentionné a été pris en application des dispositions de l’article 21 de la loi du 5 mai 2006.

Il est également constant en cause que la loi du 5 mai 2006 a été abrogée par la loi du 18 décembre 2015 et que l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 a été remplacé par l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 suivant un libellé sinon identique, du moins sensiblement analogue, sauf certaines adaptations non pertinentes pour le cas d’espèce.

Il échet de rappeler qu’en règle générale, un règlement légalement pris survit à la loi dont il procède en cas d’abrogation de celle-ci, dès lors qu’il trouve un support suffisant dans la législation postérieure qui témoigne de la volonté persistante du législateur à régir selon des options similaires la matière dans le cadre de laquelle est intervenu le règlement en question et que le règlement n’est pas inconciliable avec les dispositions de la nouvelle loi2.

Dans l’hypothèse particulière de l’espèce où l’article 21 de la loi du 5 mai 2006 se retrouve remplacé par des dispositions similaires correspondantes figurant à l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015, la subsistance du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 se trouve être acquise à plus forte raison, dans la mesure où aucune modification substantielle du texte légal de base n’est intervenue, de sorte que le moyen relatif à une prétendue non-

applicabilité dudit règlement grand-ducal laisse manifestement d’être fondé.

En ce qui concerne ensuite les développements du demandeur suivant lesquels l’Albanie ne serait pas à considérer comme pays d’origine sûr dans son chef, au vu de sa situation particulière, il y a lieu de relever qu’au vu du libellé de l’article 30, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est effectivement pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre 2 Cour adm. 10 avril 2008 n° 23737C du rôle, Pas. adm. 2016, V° Lois et règlements, n° 70, et les autres références y citées ;

8d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis des raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

En l’espèce, le ministre a conclu que le demandeur provient d’un pays qui dans son chef est à qualifier de pays d’origine sûr, de sorte qu’il y a lieu d’analyser si, conformément à l’article 30 paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur a soumis des raisons sérieuses permettant de penser que l’Albanie, malgré sa désignation comme pays d’origine sûr au sens du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007, n’est pas un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

Pour l’examen de la question de savoir si un pays est à considérer comme pays d’origine sûr pour un demandeur compte tenu de sa situation personnelle, s’il fait, comme en l’espèce, état de faits subis par des personnes non étatiques, seule la condition, commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire, tenant à l’absence de protection dans le pays d’origine au sens de l’article 393 de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 404 de la même loi est susceptible d’être pertinente, de sorte que l’examen de la situation individuelle doit être fait par rapport aux moyens présentés par le demandeur tendant à établir que cette condition requise pour prétendre à une protection internationale est remplie dans son chef.

Or, la soussignée relève que, indépendamment de toutes les considérations relatives à la crédibilité du récit de l’intéressé telles que mises en avant par la partie étatique, il ne se dégage ni du rapport d’audition précité, ni des éléments soumis à son appréciation à travers la requête introductive d’instance, un quelconque élément de nature à ébranler le constat du ministre selon lequel, compte tenu de sa situation personnelle, telle que décrite dans le cadre de sa demande de protection internationale, l’Albanie est à qualifier de pays d’origine sûr dans le chef du demandeur et plus particulièrement qu’il peut obtenir une protection adéquate de la part des autorités de son pays d’origine.

En ce qui concerne plus particulièrement la situation personnelle de Monsieur …, il ne ressort pas de ses déclarations auprès de l’agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, ni des explications de son litismandataire qu’il n’aurait pas eu accès à la police ou que celle-ci aurait été incapable ou non disposée à assurer sa protection.

3 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », 4 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » 9Il convient, à cet égard, de rappeler que l’une des conditions d’octroi d’une protection internationale est celle de la preuve, à fournir par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, étant relevé que les agissements dont le demandeur déclare avoir été victime émanent de personnes privées, en l’occurrence, d’un côté, de personnes inconnues ayant saccagé le bar tenu par lui et son frère, ainsi que de potentiels employeurs ayant refusé de l’engager pour des motifs tenant, selon le demandeur, à son appartenance au parti démocratique, et, de l’autre côté, de membres de la famille de son ex-copine qui l’auraient menacé après qu’il ait rompu avec celle-ci.

La soussignée est de prime abord amenée à constater que dans le cadre de son audition, le demandeur a admis n’avoir jamais déposé de plainte auprès de la police suite aux menaces reçues de la part des membres de la famille de son ex-copine, de sorte qu’il ne saurait reprocher une quelconque inaction aux autorités policières et judiciaires de ce chef.

Or, si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection, s’il n’a pas lui-même tenté formellement d’obtenir une telle protection. En effet, il faut en toute hypothèse que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’État fait défaut5 : une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de menaces, communément la forme d’une plainte.

En ce qui concerne ensuite les discriminations dont il déclare avoir été victime en raison de son appartenance au parti démocratique albanais, plus particulièrement en termes d’accès à des emplois, il ne ressort pas non plus des déclarations du demandeur qu’il ait dénoncé ces agissements à la police, à une institution supérieure tel que l’Ombudsman ou bien même à une organisation œuvrant dans la lutte contre les discriminations. Si le demandeur déclare encore que le maire de sa commune lui aurait mis la pression pour qu’il intègre le parti socialiste en le menaçant de l’empêcher de continuer à exploiter son bar, force est à la soussignée de relever que si le maire avait effectivement émis une décision de fermeture de son bar qu’il aurait jugé abusive, il aurait été possible au demandeur de contester cette décision devant l’autorité albanaise compétente pour traiter ce genre d’affaires.

En tout état de cause, tel que le relève le demandeur lui-même, des textes visant à interdire toute forme de discrimination existent en Albanie, mais pour que les autorités compétentes puissent en assurer le respect, il faut nécessairement dénoncer les actes discriminatoires. Ainsi, en ne dénonçant pas les actes discriminatoires dont il déclare avoir été victime, il a mis les autorités de son pays dans l’impossibilité de lui fournir une quelconque aide sans qu’il ne puisse valablement leur reprocher une quelconque inaction à cet égard.

Force est ensuite de relever qu’il ressort des déclarations de Monsieur … que suite à l’acte de vandalisme dirigé contre son bar par des personnes inconnues ayant lancé des pierres et proféré des menaces de mort à son encontre, il s’est rendu avec son père et son 5 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.

10frère au commissariat de police … pour déposer une plainte, mais qu’à cette occasion, la personne de garde au commissariat leur a demandé de revenir le lendemain au motif que le commissaire de police était absent. S’il explique certes s’être rendu les jours suivants au même commissariat et qu’on lui aurait à chaque fois demandé de repasser plus tard, de sorte qu’ils auraient finalement renoncé à déposer une plainte et qu’une telle attitude témoigne certes d’un manque de zèle des policiers dudit commissariat, elle ne permet toutefois pas de retenir un dysfonctionnement du système policier albanais en général ni que, de manière générale, le demandeur ne puisse pas obtenir une protection des autorités de son pays d’origine, respectivement que, de manière générale, la police albanaise refuse de l’aider. En effet, face à l’attitude affichée par les policiers du poste de police local auxquels il s’est adressé, le demandeur aurait pu et dû porter s’adresser à d’autres policiers, respectivement à des policiers d’un autre commissariat, afin d’obtenir l’assistance qui lui a été déniée au niveau du commissariat de …. Le demandeur déclare d’ailleurs lui-même que lui et son frère auraient pensé à se rendre à la préfecture de … pour y déposer leur plainte, mais que leur père s’y serait opposé et aurait préféré laisser tomber cette affaire.

Par ailleurs, si le demandeur avait eu le sentiment que ses doléances n’avaient pas été accueillies avec le sérieux nécessaire par les policiers auxquels il s’est adressé après l’attaque sur le bar, il aurait pu se diriger vers d’autres autorités albanaises pour se plaindre du comportement des policiers du poste de police de …, tel que la direction régionale de la police ou la direction générale de la police, auprès desquelles peuvent être introduites des plaintes contre des policiers, ou encore s’adresser au bureau de l’Ombudsman, ce qu’il n’a toutefois pas fait.

Force est, à cet égard, encore de relever que la notion de protection n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ou des atteintes graves ne sauraient être admises dès la commission matérielle d’un acte criminel mais seulement dans l’hypothèse où les actes de violence physique ou verbale commis par une personne seraient encouragés ou tolérés par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée.

Même si le système judiciaire et policier en Albanie ne rencontre pas nécessairement l’intégralité des standards européens, il ne découle pas des éléments à la disposition de la soussignée que le demandeur n’aurait pas pu obtenir une protection suffisante dans son pays d’origine contre les agissements dont il fait état, ce d’autant plus au regard des explications et sources internationales fournies par la partie étatique suivant lesquelles il existe 12 directions générales et 43 commissariats en Albanie, dont trois se trouvent dans le district de … dont le demandeur est originaire. Ce constat n’est pas ébranlé par l’invocation tout à fait abstraite par le demandeur de rapports internationaux faisant état de ce que l’Albanie serait devenue le centre d’un trafic de drogues intense vers les pays européens, respectivement que d’autres trafic, tel que celui de la prostitution ou le trafic d’enfants y seraient également répandus, pour tenter de discréditer le fonctionnement du système policier et judiciaire albanais. En effet, il se contente de renvoyer à des extraits de rapports, sans adapter leur contenu à sa situation particulière et sans aucune discussion de leur contenu, le demandeur restant plus particulièrement en défaut d’expliquer en quoi les considérations mises en avant par Europol en ce qu’elles ont notamment trait au trafic de drogue et à la prostitution ont une quelconque incidence sur sa situation personnelle, respectivement en quoi ces considérations auraient été de nature à l’avoir empêché, concrètement, d’obtenir une protection dans son pays d’origine.

11A cela s’ajoute qu’il ressort, au contraire, des extraits du rapport de la Commission européenne du 9 novembre 2016, cités par le demandeur, que le fonctionnement du système judiciaire albanais ne cesse de s’améliorer, notamment grâce à l’adoption de certaines modifications constitutionnelles ouvrant la voie vers une réforme de la justice plus compréhensible et approfondie, ainsi que par l’adoption de lois visant à combattre au maximum toute forme de corruption au sein des autorités judiciaires, notamment par le biais d’une réévaluation régulière des juges. Par ailleurs, le demandeur n’a lui-même pas fait état d’expériences négatives qu’il aurait vécues avec les autorités judiciaires de son pays, de sorte qu’il est de toute façon vain d’invoquer abstraitement une situation générale de corruption ou des dysfonctionnements au sein de l’appareil judiciaire pour discréditer la protection que peuvent apporter les autorités nationales aux citoyens albanais.

Il s’ensuit qu’à défaut pour le demandeur d’avoir recherché à suffisance la protection des autorités de son pays, la seule affirmation selon laquelle les autorités albanaises seraient incapables d’assurer sa protection est manifestement insuffisante pour conclure que le demandeur ne peut pas bénéficier dans son pays d’origine d’une protection au sens de l’article 40, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015.

Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure qu’il ne ressort manifestement pas des déclarations du demandeur, ni des éléments soumis à l’appréciation de la soussignée à travers la requête introductive d’instance, ni des pièces du dossier, que les autorités albanaises compétentes aient refusé ou aient été dans l’incapacité de lui fournir une protection quelconque contre les agissements dont il déclare avoir été victime.

Dans ces conditions, la soussignée est amenée à conclure que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à déclarer manifestement infondé, en ce sens que le demandeur n’a manifestement fourni aucune raison sérieuse permettant de retenir que, compte tenu de sa situation personnelle et compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale, l’Albanie, inscrite sur la liste des pays d’origine sûr conformément au règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007, ne constitue pas un pays d’origine sûr dans son chef, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les moyens fondés sur l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.

Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé.

2) Quant au recours en réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale S’agissant ensuite du recours dirigé contre la décision du ministre portant rejet de la demande de protection internationale de Monsieur … et, plus particulièrement, du reproche formulé par celui-ci selon lequel la décision ministérielle portant refus d’une demande de protection internationale violerait l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 en ce qu’elle ne serait pas suffisamment motivée, la soussignée relève tout d’abord, en ce qui concerne l’application de la procédure administrative non contentieuse en la présente matière, qu’aux termes de l’article 4 de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse dispose que : « Les règles établies par le règlement grand-ducal visé à l’article premier s’appliquent à toutes les décisions administratives individuelles pour 12lesquelles un texte particulier n’organise pas une procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l’administré. ».

S’il est exact que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 prévoit qu’une décision administrative, notamment celle refusant de faire droit à la demande de l’intéressé, énonce au moins de manière sommaire la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, il n’en reste pas moins, tel que relevé par le demandeur lui-

même, que l’article 34, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « […] Toute décision négative est motivée en fait et en droit […] ». Dès lors, la soussignée est amenée à conclure que l’article 34, paragraphe (1), précité, de la loi du 18 décembre 2015 exige une motivation qui ne peut pas être simplement sommaire, de sorte à organiser une procédure plus protectrice pour les administrés que celle prévue par le règlement grand-ducal du 8 juin 1979. Par voie de conséquence, il y a lieu de conclure que le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n’est pas applicable en matière de décisions de refus de protection internationale.

En ce qui concerne le moyen fondé sur l’article 34, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, la soussignée relève que, hormis la question de savoir quelle serait la sanction adéquate d’un défaut de motivation, qui, selon la Cour administrative, réside en la suspension des délais de recours, qu’en l’espèce, la décision déférée n’est pas seulement motivée par des considérations abstraites, mais qu’elle contient un résumé des motifs invoqués par Monsieur … à l’appui de sa demande de protection internationale, tels qu’ils ressortent de son audition par l’agent de la direction de l’Immigration, et qu’elle énonce de façon détaillée les raisons ayant amené le ministre à refuser tant la demande en obtention du statut de réfugié que celle en obtention du statut conféré par la protection subsidiaire. Par, ailleurs, le délégué du gouvernement a encore amplement complété la décision déférée à travers le mémoire en réponse déposé dans le cadre de la procédure contentieuse, de sorte que la soussignée est amenée à conclure que le moyen afférent est manifestement infondé.

Quant au fond, la soussignée relève qu’aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le 13demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-

avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Force est de constater que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire est la preuve, à rapporter par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection.

Or, la soussignée vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse de la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, qu’il n’est manifestement pas établi en l’espèce que les autorités albanaises seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas fournir au demandeur une protection appropriée par rapport aux agissements dont il déclare avoir été victime. Dès lors, dans la mesure où, dans le cadre du présent recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de refus d’octroi d’un statut de protection internationale, la soussignée ne s’est pas vu soumettre d’éléments permettant d’énerver cette conclusion, les agissements en question ne sauraient manifestement justifier ni l’octroi du statut de réfugié, ni l’octroi de la protection subsidiaire.

Dans ces circonstances, la soussignée conclut que le recours sous examen est à déclarer manifestement infondé et que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

14Par ces motifs, le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 21 juin 2017 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et contre celle portant refus d’une protection internationale ;

au fond, déclare le recours principal en réformation dirigé contre ces deux décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision ministérielle du 21 juin 2017 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et contre celle portant refus d’une protection internationale ;

déclare irrecevable le recours en annulation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 20 juillet 2017, par la soussignée, Alexandra Castegnaro, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier en chef Arny Schmit.

Arny Schmit Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20.7.2017 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 39807
Date de la décision : 20/07/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2017-07-20;39807 ?

Source

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